La réunion commence à neuf heures.
La commission auditionne M. Thibaut Guilluy, dont la nomination aux fonctions de directeur général de Pôle emploi est envisagée, puis vote sur cette proposition de nomination dans les conditions prévues par l'article 29 1 du Règlement (M. Hadrien Clouet, rapporteur).
Chers collègues, par courrier en date du 16 novembre, Mme la Première ministre a fait savoir à Mme la présidente de l'Assemblée nationale que, conformément aux dispositions de l'article L. 5312-6 du code du travail, il est envisagé de nommer M. Thibaut Guilluy à la direction générale de l'institution mentionnée à l'article L. 5312-1 du même code, à savoir Pôle emploi et, très prochainement, l'opérateur France Travail.
Il résulte des lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010 que cette nomination fait l'objet d'un avis public des commissions des affaires sociales de chaque assemblée, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution. Mme la présidente de l'Assemblée nationale m'a donc demandé, par courrier en date du 23 novembre, de lui faire connaître l'avis de notre commission. Nous sommes réunis ce matin à cette fin.
Les dispositions de l'article 29-1 de notre règlement sont donc applicables. Dès lors, cette proposition de nomination appelle la désignation d'un rapporteur appartenant à un groupe d'opposition ou minoritaire. En début de législature, la commission a décidé que les référents seraient appelés à exercer, le moment venu, ces fonctions de rapporteur. Notre rapporteur sera donc Hadrien Clouet, qui a été désigné référent pour Pôle emploi le 27 septembre 2022.
Monsieur Guilluy, je vous demanderai d'abord, en une dizaine de minutes, de vous présenter et de nous donner quelques orientations sur la manière dont vous envisagez les fonctions auxquelles vous êtes désigné, sachant que les commissaires ont eu communication hier de votre curriculum vitæ. Ensuite, je donnerai la parole à notre rapporteur pour dix minutes, à l'issue desquelles vous disposerez du temps nécessaire pour répondre. Après vos réponses, le rapporteur, s'il le juge nécessaire, pourra vous demander de préciser ou compléter certains points. Après cette nouvelle série de réponses éventuelles, je donnerai la parole aux orateurs des groupes et aux autres députés pour deux minutes chacun. Nous conclurons sur vos réponses à l'ensemble de ces questions. Je demande à chacune et chacun d'entre vous de respecter son temps de parole, car M. Guilluy doit se présenter à onze heures devant la commission des affaires sociales du Sénat.
Une fois notre audition terminée, nous passerons au vote sur cette proposition de nomination, hors la présence de M. Guilluy. Il s'agit d'un scrutin secret, pour lequel un bulletin vous a été remis. Je rappelle que l'article 13 de l'Instruction générale du Bureau dispose que « les délégations du droit de vote ne peuvent avoir effet pour un scrutin secret ». Le dépouillement des bulletins n'interviendra que lorsque la commission du Sénat aura elle-même procédé à son vote, sans doute vers douze heures trente. À cette fin, j'invite deux collègues de la majorité et des oppositions à se faire connaître afin de se porter garants de notre vote et de prêter leur concours en tant que scrutateurs pour ce dépouillement en fin de matinée. Leur contribution sera grandement appréciée et je les en remercie donc par avance.
Le directeur général de Pôle emploi est nommé par décret, après avis du conseil d'administration. Comme vous le savez, quand il s'agit de nominations régies par l'article 13 de la Constitution, le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions.
Mesdames et messieurs les députés, c'est un honneur pour moi de me présenter devant vous, en tant que candidat à la direction générale de Pôle emploi. Cette audition constitue une occasion de détailler les enjeux, les priorités et les défis de Pôle emploi, qui écrira bientôt une nouvelle page de son histoire avec l'avènement de France Travail. En m'autorisant à défendre ma candidature devant vous, le Gouvernement m'honore de sa confiance et je souhaite désormais solliciter la vôtre, afin de me voir confier cette mission au service de l'objectif du plein emploi.
Par cette marque de confiance, il me semble que le Gouvernement réaffirme sa volonté de mettre en œuvre les propositions du projet France Travail, qui ont fait l'objet d'une vaste concertation avec tous les acteurs de l'emploi, de l'insertion et de la formation, puis d'un débat parlementaire de qualité, jusqu'à l'adoption définitive du projet de loi pour le plein emploi. Je crois que le Gouvernement valide également une méthode, celle de la coconstruction, que j'ai toujours défendue et qui me paraît essentielle pour parvenir à transformer Pôle emploi en France Travail et pour assurer une meilleure coopération entre les acteurs. En ce qui me concerne, enfin, cette candidature est une chance unique de poursuivre l'engagement personnel auquel je consacre toute mon énergie depuis vingt-cinq ans et qui consiste à permettre l'accès du plus grand nombre à l'autonomie et à la dignité par le travail.
Si vous le permettez, avant de détailler ma vision des priorités pour France Travail, je reviendrai brièvement sur mon parcours.
D'abord j'ai consacré plus de vingt ans de ma vie à l'entrepreneuriat social, avec toujours la même aspiration : faire en sorte que chacun puisse retrouver un emploi. Je crois fondamentalement à l'émancipation par le travail et je suis convaincu qu'il est de la responsabilité des entreprises de la favoriser. C'est ce rôle social et sociétal des entreprises que j'ai incarné dans mes différents engagements, au service bénévole d'associations comme Emmaüs, Action Prévention Sport ou Apprentis d'Auteuil, en fondant les structures d'insertion Sport sans frontières et Ateliers sans frontières, ou encore en développant pendant quinze ans le groupe Ares qui, en accompagnant près de 3 000 personnes par an, est devenu le premier acteur de l'insertion par l'activité économique en Île-de-France.
Depuis cinq ans, j'ai poursuivi cette même ambition en me consacrant aux politiques publiques, d'abord au service de la ministre Muriel Pénicaud, pour lancer le pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique ou organiser l'évolution du rôle des entreprises adaptées, notamment avec la création du CDD « tremplin », dont l'expérimentation vient d'être pérennisée grâce à vous, dans le projet de loi pour le plein emploi.
Puis j'ai œuvré auprès de la ministre Élisabeth Borne pour déployer le plan « 1 jeune, 1 solution », qui a contribué à faire baisser significativement le taux de chômage des jeunes, malgré les effets de la crise sanitaire. D'une certaine manière, ce plan préfigurait la démarche de France Travail : mobiliser les acteurs publics, les associations et les entreprises et travailler ensemble au service d'une cause partagée. Ce plan, c'est pour moi la preuve que toutes les forces du pays, bien coordonnées et bien orientées, peuvent produire des résultats tangibles et concrets pour nos concitoyens et la dynamique de l'emploi. Pour favoriser la mobilisation des entreprises, il existe désormais la communauté Les entreprises s'engagent, qui a été lancée par le Président de la République et que je copréside avec Sylvie Jéhanno, directrice générale de Dalkia. Elle regroupe désormais plus de 70 000 entreprises partout sur le territoire – de la très petite entreprise (TPE) au grand groupe –, qui s'engagent concrètement en faveur de l'inclusion des jeunes, des personnes en situation de handicap, des personnes placées sous main de justice ou encore des personnes réfugiées.
Enfin, il y a un peu plus d'un an, le ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, Olivier Dussopt, m'a confié une nouvelle mission, celle de préfigurer France Travail par des propositions concrètes pour contribuer à l'objectif du plein emploi d'ici à 2027. C'est ainsi que pendant neuf mois, avec mon équipe, nous avons mené une large mission de concertation pour formaliser un plan d'action partagé et structuré autour de dix principes clés et de quatre-vingt-dix-neuf propositions opérationnelles, que nous avons remis au Gouvernement, aux partenaires sociaux et à l'ensemble des parties prenantes associées au mois d'avril.
France Travail, c'est une méthode : celle qui consiste à partir des idées qui marchent sur le terrain ; celle aussi de la coconstruction, avec l'exigence de remettre l'usager au centre. Nous avons donc mené plus d'une centaine de rencontres territoriales, autant d'échanges bilatéraux, ainsi que des dizaines d'ateliers collectifs pour aboutir à des propositions qui, pour la plupart, ont fait leurs preuves et répondent aux besoins des personnes, des entreprises et de celles et ceux qui les accompagnent.
France Travail, c'est aussi un pari : celui de la coopération et de l'investissement social, plutôt que d'un énième exercice de meccano institutionnel. L'ambition de France Travail, c'est avant tout une meilleure coopération entre les acteurs concernés – un principe fondateur que vous avez validé par l'adoption du projet de loi pour le plein emploi. J'en profite pour vous remercier du débat sincère, parfois animé mais toujours constructif, qui a eu lieu dans le cadre de l'examen du texte au Parlement et lors des concertations. Ce débat a permis d'améliorer le projet à bien des égards. Je pense notamment à la place confortée des partenaires sociaux dans la gouvernance, à la meilleure prise en compte des situations individuelles dans l'accompagnement proposé par le contrat d'engagement, à la situation des proches aidants, à la compétence donnée aux Cap emploi d'orienter les publics qu'ils accueillent, ou encore aux précisions apportées sur les jeunes accompagnés par les missions locales et concernés par l'inscription à France Travail.
Le texte adopté reconnaît aussi plus clairement la place des missions locales dans la mise en œuvre de la réforme et je m'en réjouis, parce que je sais le précieux travail qu'elles réalisent sur le terrain. C'est d'ailleurs pourquoi je suis attaché à renforcer la coopération avec elles, comme avec Cap emploi et tous les acteurs de l'insertion. C'est la première des conditions si nous souhaitons parvenir à construire un accompagnement adapté à chacun vers l'emploi. C'est aussi en nous organisant mieux autour des bassins d'emploi et en assurant un pilotage plus collectif des actions que nous pourrons répondre plus efficacement aux besoins des personnes, comme aux attentes des entreprises, notamment à celles des TPE et des PME.
Si vous m'accordez votre confiance, ma prochaine mission pourrait donc être d'assurer la direction de Pôle emploi, qui deviendra France Travail dès le 1er janvier, et qui sera doté de nouvelles missions pour le compte de tous, avec l'ambition de créer les conditions de la collaboration et de l'efficacité collective.
Avant de vous présenter mes priorités pour France Travail, je tiens d'abord à saluer l'actuel directeur général, Jean Bassères, qui a largement contribué à transformer la maison Pôle emploi pendant ses douze années de mandat, et avec qui j'ai eu le plaisir d'œuvrer ces dernières années à la réalisation de nombreuses actions. Son héritage est immense et constitue le socle solide sur lequel nous pouvons bâtir France Travail. Une organisation solide et territorialisée, un pilotage par la performance, la création de parcours d'accompagnement intensif, à l'instar de l'accompagnement global ou, plus récemment, du contrat d'engagement jeune (CEJ), le développement de la relation avec les entreprises, avec la constitution d'un réseau de près de 5 700 conseillers, la création plus récente des conseillers spécialisés pour l'indemnisation, ou encore la transformation digitale des services sont autant de fondations solides pour France Travail. Au-delà de son action, ce sont aussi des valeurs d'intégrité, de professionnalisme et d'engagement qu'il a su partager avec les 55 000 collaborateurs de Pôle emploi, dont je tiens à saluer l'implication sans faille au quotidien pour les demandeurs d'emploi, comme pour les entreprises. Je tiens enfin à remercier l'ensemble des membres du conseil d'administration, qui m'ont fait l'honneur de leur confiance en émettant un avis favorable à ma nomination.
Pour mettre en œuvre l'ambition de France Travail, je vois trois grandes priorités.
La première, c'est d'engager la transformation de l'opérateur pour qu'il puisse assumer ses nouvelles missions le plus efficacement possible.
En premier lieu, avec ses partenaires et en accord avec sa gouvernance, France Travail devra s'adapter aux évolutions législatives qui entreront en vigueur au 1er janvier 2025, notamment l'inscription de toutes les personnes dépourvues d'emploi à France Travail, dans le souci de ne laisser personne sur le bord de la route. Il faudra les orienter rapidement vers le bon référent d'accompagnement afin de définir un contrat d'engagement et un parcours adapté assurant leur retour le plus rapide possible vers l'emploi. Il conviendra aussi d'appliquer la nouvelle sanction dite de suspension-remobilisation et les nouvelles modalités de contrôle. Ces différentes dispositions supposeront un travail important dans les prochains mois avec les partenaires du réseau pour l'emploi, notamment la Caisse nationale des allocations familiales, les conseils départementaux, les missions locales et Cap emploi.
France Travail devra aussi assurer la mise en œuvre opérationnelle des missions pour le compte de tous. L'opérateur devra tout d'abord remplir une fonction d'appui à la mise en place des gouvernances du réseau pour l'emploi. Il s'agit ici de l'opérationnalisation et de la déconcentration des décisions, notamment avec la mise en place des comités locaux du réseau pour l'emploi et le travail de feuille de route partagée au niveau des bassins d'emploi. Pour l'opérateur, il s'agira en particulier de renforcer la culture du pilotage aux résultats, avec la capacité donnée à l'ensemble des acteurs et des gouvernances de prendre de meilleures décisions fondées sur des résultats factuels et mesurés. C'est la logique que nous poursuivons déjà avec les expérimentations et qu'il nous faudra faire monter en puissance. Je crois fondamentalement que les décisions doivent se prendre au plus proche du terrain et des usagers.
Deuxièmement, il faudra développer un système d'information plateforme et des communs numériques pour simplifier le quotidien des professionnels, des entreprises et des demandeurs d'emploi. Il faut également garantir un meilleur partage de la donnée pour tenir la promesse du Dites-le nous une fois, supprimer progressivement les charges de reporting et permettre un pilotage de l'ensemble sur la base d'indicateurs partagés. France Travail devra également accélérer ses investigations sur l'intelligence artificielle, qui risque de bouleverser nos manières de travailler.
Troisièmement, il nous appartient de favoriser l'interconnaissance entre les professionnels, de valoriser leur capacité d'initiative et d'innovation et d'accompagner la montée en compétences de chacun, grâce à la mise en œuvre de l'académie France Travail. C'est une condition nécessaire pour parvenir à réaliser les grandes transformations que nos ambitions appellent. J'ai confiance dans l'engagement de tous ses agents et je tiens à prendre soin de ceux qui prennent soin, car c'est par eux que nous réussirons.
La deuxième grande priorité, dans une logique d'efficacité et face à une conjoncture incertaine, est de mener avec la gouvernance de France Travail les actions qui présentent le plus haut rendement en termes de créations d'emplois. Il s'agit d'abord de déployer progressivement les actions du « aller vers » et l'accompagnement intensif des personnes qui en ont besoin. C'est notamment la philosophie des quinze heures d'activité au moins. Les premiers retours sur le CEJ montrent déjà qu'il a des effets bénéfiques sur le retour à l'emploi.
Comme cela a été rappelé lors des débats au Sénat, à l'Assemblée nationale, puis en commission mixte paritaire, cette intensification de l'accompagnement doit se faire en préservant la logique de personnalisation des parcours et en s'adaptant aux situations de chacun, comme le précise bien la dernière version du texte. Il convient ensuite de prospecter et d'accompagner davantage les entreprises, notamment les TPE et les PME. L'opérateur France Travail doit être demain le partenaire relations humaines de l'ensemble des entreprises qui recrutent et non plus seulement des entreprises qui le sollicitent. C'est l'un des principes du rapport de préfiguration de France Travail : aider les employeurs à recruter plus simplement et plus rapidement pour s'ouvrir à tous les talents possibles ; mieux pourvoir à tous les besoins, notamment dans les secteurs en tension ; créer, in fine, plus d'emplois durables. Dans le même esprit, il faudra poursuivre le travail aux côtés des conseils régionaux et des branches professionnelles pour relever le défi des compétences d'aujourd'hui et de demain en se mobilisant pour proposer aux demandeurs d'emploi des formations plus simples et plus efficaces pour leur retour à l'emploi. Je crois par exemple qu'un dispositif comme la préparation opérationnelle à l'emploi, dont les effets sur le retour à l'emploi sont prouvés, mériterait d'être simplifié et accéléré.
Sur ces différents objets, nous avons un enjeu de pilotage et de montée en puissance itérative. C'est d'ailleurs dans cette logique que nous travaillons dans le cadre de la préfiguration. Avec les conseils départementaux, sur l'accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), ce sont dix-huit territoires pilotes qui sont entrés dans l'expérimentation, avec déjà plus de 12 000 bénéficiaires du RSA en parcours d'accompagnement rénové et des premiers signes de satisfaction : une prise en charge beaucoup plus rapide, un diagnostic socioprofessionnel partagé qui permet une meilleure prise en compte de la situation des personnes et une accélération de l'accompagnement vers l'emploi ; des données de pilotage accessibles à tous en temps réel permettant un suivi au plus près du terrain des plans partagés de mobilisation des entreprises du territoire. Nous travaillons aussi avec les partenaires sociaux, les élus locaux et les régions, dont sept ont d'ores et déjà signé des protocoles de préfiguration de France Travail, déclinant des feuilles de route opérationnelles autour des enjeux de formation professionnelle, de services aux entreprises et d'adaptation aux besoins économiques et sociaux de chaque bassin de vie. Nous devrons mener des évaluations d'étape au fil de nos transformations et en tenir compte dans le déploiement des différentes initiatives de la réforme et de la priorisation des moyens budgétaires qui y seront affectés. Je tiens à cet égard à pouvoir rendre des comptes régulièrement devant vous, mesdames et messieurs les députés, selon les modalités que vous voudrez bien m'indiquer.
Enfin, la troisième et dernière grande priorité est de gagner en efficacité sur l'indemnisation. Pôle emploi verse, pour le compte de l'État et des partenaires sociaux gestionnaires du régime d'assurance chômage, un ensemble d'allocations appuyées sur une réglementation complexe et qui évolue régulièrement. Les agents de Pôle emploi le font avec un niveau de qualité et de rapidité très élevé et, désormais, chaque demandeur d'emploi a un conseiller qui connaît son dossier et l'aide à comprendre et anticiper les évolutions de ses droits. France Travail devra continuer dans cette voie ; c'est sa mission fondamentale, celle qui sécurise les demandeurs d'emploi sur leurs ressources et leur permet de se tourner en confiance vers le retour à l'emploi.
Dans ce domaine, France Travail devra relever deux défis. L'opérateur devra d'abord lutter plus fortement contre les versements d'allocations qui sont faits à tort. Lorsque l'usager n'a pas fait sa déclaration à temps, qu'il ne l'a pas faite de manière complète, ou à la suite d'une erreur, il arrive que des allocations soient versées de manière indue et doivent ensuite être récupérées. Nous devrons renforcer nos efforts pour empêcher ces trop-perçus et, lorsqu'ils surviendront, récupérer cet argent de manière volontariste, mais en prenant en compte la situation de chacun. Le deuxième défi, c'est de lutter contre le non-recours aux droits, en simplifiant les demandes d'allocations et en accélérant les échanges de données entre administrations pour faire vivre, là aussi, le principe du Dites-le nous une fois.
Voilà, mesdames et messieurs les députés, les quelques grandes priorités que je tenais à mettre en avant dans ce propos liminaire et qu'il conviendra de décliner avec la gouvernance de France Travail et l'ensemble de ses collaborateurs et de ses partenaires. J'ai eu l'honneur de travailler à la préfiguration de France Travail. Vous connaissez mes convictions ; je serais heureux de pouvoir les mettre au service de cette belle et grande mission et me réjouis de pouvoir en discuter avec vous.
Je vous remercie, Monsieur Guilluy, pour cette présentation. Vous avez été chargé il y a trois ans, et vous l'avez vous-même rappelé, de déployer le programme d'inspiration gouvernementale « 1 jeune, 1 solution ». Lorsqu'il a été lancé, au début de l'année 2020, 12,3 % des jeunes n'étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation ; aujourd'hui, 12,3 % des jeunes ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation. C'est donc au vu de ce résultat que le Gouvernement a souhaité appliquer désormais cette méthode au service public de l'emploi : j'imagine que nous aurons bientôt le plan « 7 millions de chômeurs, 7 millions de solutions ». Pour l'instant, cela s'appelle France Travail. Et vous avez piloté la concertation qui a précédé la création de l'opérateur. Bien sûr, vous ne sauriez être tenu pour responsable de cette expérience, à mes yeux modérément positive. Je souhaite néanmoins vous interroger sur vos intentions.
Si votre nomination est confirmée, votre arrivée à la tête de l'opérateur coïncidera avec l'entrée en vigueur de la loi dite « plein emploi ». J'aimerais donc connaître vos intentions concernant le fonctionnement de l'institution, ses agents et ses prestataires. Le Gouvernement nous a expliqué que la disparition de Pôle emploi serait sans conséquences, mais chat échaudé craint l'eau froide et l'on se souvient de ce qui s'est passé au moment de la fusion entre l'Assedic et l'Agence nationale pour l'emploi.
Avec la loi dite « plein emploi », tous les allocataires du RSA, ainsi que leur conjointe ou leur conjoint, et les personnes reconnues comme travailleur handicapé devront s'inscrire à France Travail. Comment anticipez-vous l'inscription de ces centaines de milliers de personnes supplémentaires à France Travail ? Cette tâche sera-t-elle en partie prise en charge par les conseils départementaux et, si tel est le cas, avec quels moyens humains ? Maintenez-vous l'annonce selon laquelle 300 équivalents temps plein (ETP) seraient créés chez l'opérateur France Travail, soit 0,35 poste par site ?
Au-delà de la question des effectifs, se pose aussi celle du statut des agents, et de leur précarité. Actuellement, de nombreux agents de Pôle emploi sont en CDD ; ce type de contrat représente 80 % du flux des recrutements et 8 % des agents en exercice, alors que la convention collective avait fixé un plafond à 5 %. La nécessité de former ces nouveaux agents, qui arrivent très régulièrement, absorbe une partie du temps de travail de leurs collègues, qui doivent exercer une forme de tutorat. On peine à fidéliser les nouvelles entrantes et les nouveaux entrants, car on les cantonne à des tâches d'accueil aux guichets, en vertu d'une division croissante du travail, elle-même contestable. Comment comptez-vous résorber cette précarité ? Pouvez-vous confirmer que l'ensemble des droits des agents de Pôle emploi, puis de France Travail, contenus à la fois dans le statut pour les agents publics et dans la convention collective, pour les agents de droit privé, seront maintenus, ainsi que les accords en vigueur dans l'établissement concernant le télétravail ou l'accord relatif à l'organisation et l'aménagement du temps de travail ?
Face aux agents, il y aura désormais des usagères et des usagers qui n'auront pas forcément le même profil que par le passé. Quels seront les devoirs des conjointes, conjoints, concubines et concubins des allocataires du RSA qui devront désormais s'inscrire à France Travail ? Ces personnes seront-elles contrôlées par les plateformes de contrôle de la recherche d'emploi (CRE), qui interviennent d'abord à distance, par l'envoi d'un questionnaire, puis par appel téléphonique ? Si tel est le cas, comment se déroulera le contrôle d'une personne qui est inscrite à France Travail parce qu'elle est en couple avec un bénéficiaire du RSA, mais qui travaille ? Comment se déroulera le contrôle d'un agriculteur exploitant, bénéficiaire du RSA agricole, et qui pourra, en tant que demandeur d'emploi, faire l'objet d'un contrôle aléatoire par tirage au sort ?
La loi dite « plein emploi » a instauré quinze heures minimum d'activité obligatoire par semaine pour les bénéficiaires du RSA. De quel type d'activités s'agira-t-il ? Comment pouvons-nous être certains qu'il ne s'agira pas d'une forme de travail dissimulé ou gratuit ? Je pense à ce qui a pu se passer à La Réunion, où des allocataires du RSA ont fait du réassort pour les soldes d'hiver.
Cela nous amène à la question de l'accès aux droits, que vous avez vous-même évoquée à la fin de votre intervention et sur laquelle je crois que nous pouvons tous nous retrouver. Comment comptez-vous déployer votre politique dite du « aller vers » et toucher les 30 à 40 % de personnes qui pourraient bénéficier d'une allocation mais qui ne font pas les démarches nécessaires ? Comptez-vous travailler avec l'Unedic à la détection automatique des personnes ayant perdu leur emploi ?
S'il y a des agents et des usagers, c'est qu'il y a aussi des offres d'emploi. Vous m'avez étonné quand vous avez dit que l'un de vos objectifs était la création d'emplois, car le mandat de l'opérateur public d'intermédiation n'a jamais été de créer des emplois. Son rôle, c'est d'être un intermédiaire entre des personnes demandeuses d'emploi et des offres d'emploi existantes. Comment comptez-vous vous y prendre pour que l'opérateur crée lui-même des offres d'emploi ? Cela m'intéresse ! En tout cas, en tant que directeur général de France Travail, vous serez en première ligne, s'agissant de la régulation du marché du travail. C'est une tâche que vous connaissez, puisque vous avez été le coordinateur du plan présidentiel Les entreprises s'engagent : à ce titre, vous connaissez le processus de publication, puis de diffusion des offres d'emploi. Comment comptez-vous lutter contre les offres d'emploi frauduleuses, illégales ou mensongères ?
La commission mixte paritaire qui s'est réunie pour examiner le projet de loi dit « plein emploi » est revenue sur l'un de nos amendements, alors même qu'il avait fait l'objet d'un vote unanime en séance publique et d'un avis favorable du ministre. Il imposait à Pôle emploi de contrôler la qualité des offres d'emploi. Comment allez-vous procéder, dans le cadre existant, pour réaliser des contrôles a priori de la qualité des offres d'emploi ? Depuis qu'on a mis œuvre les politiques de transparence du marché du travail en 2013, avec l'agrégation des offres depuis l'extérieur, ce contrôle a priori n'a plus lieu. J'ai apporté quelques offres d'emploi illégales que j'ai trouvées ce matin dans ma circonscription : CDD de trente-six mois, mission intérimaire de vingt-trois jours payée en dessous du Smic, offres mensongères en tout genre...
Des contrôles existent aujourd'hui à Pôle emploi, mais les moyens ne sont pas suffisamment dimensionnés et le personnel n'est pas suffisamment nombreux pour combler par son dévouement le manque de moyens. Les offres frauduleuses sont d'autant plus problématiques que les offres d'emploi ne sont plus uniquement collectées et distribuées par les agents de Pôle emploi. La loi instituant France Travail a totalement dérégulé le recours aux opérateurs privés, y compris pour détecter les ayants droit. Comment, dans ces conditions, comptez-vous analyser le bilan de ces sociétés privées à but lucratif qui se voient déléguer une partie des tâches ? Les études publiées – Behaghel, Crépon et Gurgand en 2009, Dares Analyses n° 2 en 2012 et la synthèse Éval' Dares de 2013 – montrent que l'accompagnement par les agents de Pôle emploi permet d'obtenir de meilleurs résultats. Depuis ces études, aucune évaluation n'a malheureusement été publiée. Au vu des piètres résultats des opérateurs privés, allez-vous renforcer les capacités du public ? Quelle part du budget allez-vous dédier aux opérateurs privés ? Elle sera, pour nous, toujours excessive.
Le recours à des prestataires privés extérieurs pose également la question de la cybersécurité et de la protection des données. Des amendements au projet de loi dit « plein emploi » visant à les renforcer ont malheureusement été balayés en commission mixte paritaire après leur adoption en séance. J'aimerais partager un exemple personnel. J'ai reçu le 12 septembre 2023 un courrier de la direction générale de Pôle Emploi concernant mes quatre mois d'inscription en 2018. Je vous le lis : « Suite à un acte de cybermalveillance dont un de nos prestataires a été victime » – je n'ai pourtant jamais été mis en relation avec un prestataire – « des informations personnelles vous concernant sont susceptibles d'être divulguées, notamment nom, prénoms, statut actuel ou ancien, ainsi que numéro de sécurité sociale ». Comme vous pouvez l'imaginer, j'ai quelque inquiétude de savoir mes données personnelles se promener ainsi dans la nature.
Je souhaite que notre échange soit utile à la fois aux agents qui craignent pour le contenu de leur fiche de poste, aux usagers qui craignent de ne pas être reçu en rendez-vous et aux employeurs qui craignent d'être submergés de candidatures.
L'inscription est un des premiers enjeux. Elle fait l'objet de l'article 1er du projet de loi, qui sera mis en œuvre le 1er janvier 2025. Ce délai nous permettra de nous nourrir des travaux et des expérimentations en cours. Concernant les bénéficiaires du RSA, l'organisation et les apprentissages sont en cours de développement avec les départements. Cela se passe bien et nous allons monter en puissance au cours de l'année 2024 avec d'autres départements et bassins pilotes. Après l'inscription, viennent les moments importants de la prise en charge et du diagnostic. Le diagnostic conjoint, avec le regard du travailleur social du département et celui du conseiller Pôle emploi, change d'ailleurs beaucoup de choses.
Le travail concernant les jeunes est réalisé avec les missions locales, qui offrent un cadre assez opérant, renforcé par la mise en place du CEJ qui a favorisé un rapprochement des pratiques et des modes de fonctionnement avec Pôle emploi. L'inscription dans le parcours permet de partager les offres de service et d'éviter les ruptures de parcours en passant d'un système à un autre.
Concernant les personnes en situation de handicap, nous allons, dès 2024, mener des expérimentations afin de rapprocher l'accompagnement de ces personnes du droit commun tout en prenant en compte la complexité de leur situation, je pense notamment aux jeunes sortant d'un institut médico-éducatif ou du dispositif Ulis.
La question du statut des opérateurs est liée à la qualité de l'accompagnement : les agents peuvent difficilement bien accompagner les candidats si eux-mêmes ne se sentent pas soutenus et protégés. Plus de 50 000 agents de Pôle emploi sont en CDI, contre 5 000 en CDD. Nous maintiendrons cette politique de consolidation des postes afin de permettre aux agents, titulaires d'un emploi durable, d'accompagner les candidats vers un emploi durable. J'observe par ailleurs que 75 % des agents de Pôle emploi sont fiers d'y travailler et qu'ils sont 80 % à se dire très intéressés par leur métier. Le taux de turnover de 5 % est le résultat de cette stabilité et de cet attachement ; il est la preuve que les conditions de travail sont positives. Depuis 2019, trente-six accords ont été négociés dans le cadre du dialogue social, qui continuera d'évoluer. La mise en œuvre de France Travail ne remettra pas en cause ce qui fonctionne bien.
Il est important de maintenir une part de contrôle aléatoire, à côté du contrôle sur signalement et du contrôle à partir d'un faisceau d'indices. Les partenaires sociaux y sont d'ailleurs très attachés. Le projet de loi prévoit l'adaptation des contrôles. Ainsi, les agriculteurs exploitants touchant le RSA, qui travaillent jusqu'à quatre-vingts heures par semaine, ne seront pas soumis à l'obligation de réaliser quinze ou vingt heures d'activité supplémentaire, mais il ne faut pas écarter d'emblée l'idée de leur proposer un accompagnement adapté. Nous y réfléchissons avec les acteurs concernés, la Mutualité sociale agricole notamment, dans des départements comme ceux de l'Aveyron ou de la Creuse où des problèmes de précarité se posent.
La question du travail dissimulé dans le cadre du RSA et de la période d'activité supplémentaire ne se pose pas puisque tout travail fait l'objet d'un contrat et 25 % des bénéficiaires exercent d'ailleurs une activité salariée.
Afin d'améliorer la détection des personnes qui ne s'inscrivent pas, nous pouvons nous inspirer du travail réalisé avec les départements et les caisses d'allocations familiales (CAF) pour lutter contre le non-recours au RSA. Un autre exemple est celui de l'information du droit à l'allocation spécifique de solidarité adressée aux allocataires de l'allocation d'aide au retour à l'emploi en fin de droits. Nous allons poursuivre ces efforts.
Le service public de l'emploi crée, s'il fonctionne bien, des emplois. C'est plus qu'une conviction : cela a été démontré par des études internationales. Il crée des emplois de trois manières. La première est la prospection d'entreprises, notamment les TPE. La prospection de cent entreprises permet, en effet, la création de sept emplois net. C'est un des axes prioritaires. La deuxième est la réduction des délais de recrutement : avec un stock d'un million d'offres d'emploi, la réduction d'un jour du délai moyen de recrutement permet la création de 25 000 emplois net. La troisième est l'accompagnement intensif des personnes – je pense au CEJ ou à l'accompagnement global –, qui permet d'augmenter de 5 à 10 points le retour à l'emploi et de réduire le nombre d'offres non pourvues, qui s'établit aujourd'hui entre 300 000 et 450 000.
Concernant les opérateurs privés – nous nous appuyons sur des études pour les évaluer, notamment celles que vous avez citées –, il ne faut pas caricaturer les choses : environ 5 % du budget leur est consacré, ce qui est très raisonnable. Nous y avons recours pour des besoins spécifiques, comme la mise en place du parcours emploi santé, qui obtient d'ailleurs un niveau de satisfaction mesuré de 90 %. Le personnel du service public reste globalement chargé de l'accompagnement : un conseiller Pôle emploi est affecté à chaque demandeur d'emploi.
Pour lutter contre les offres frauduleuses, Pôle emploi utilise l'algorithme Lego, qui permet de les détecter à hauteur de 93 %. Nous poursuivons son amélioration grâce à des investissements et il est envisagé de le mettre à disposition sous forme de commun numérique afin de réaliser la démarche de détection de ces offres le plus en amont possible. La cybersécurité est une préoccupation très forte. Un audit réalisé par l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information a montré la grande maturité des systèmes de Pôle emploi. Les investissements se poursuivent pour faire face à des attaques chaque fois plus sophistiquées.
Vous êtes pressenti, Monsieur Guilluy, pour devenir le nouveau directeur général de Pôle emploi, bientôt renommé France Travail, en remplacement de Jean Bassères, que je tiens à saluer pour le travail accompli à la tête de Pôle emploi. Nommé en 2020 haut-commissaire à l'emploi et l'engagement des entreprises, vous avez mené depuis 2022, à la demande du ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, une large concertation qui a abouti à votre rapport sur France Travail et à la préfiguration de cette réforme ambitieuse. Il s'agit de parvenir au plein emploi et de permettre l'accès de tous à l'autonomie et à la dignité par le travail : l'emploi pour tous et partout. Sur la base d'un diagnostic partagé, pointant d'un côté des entreprises éprouvant des difficultés à recruter et de l'autre de trop nombreuses personnes peinant à trouver ou à retrouver un emploi, en particulier les plus fragiles d'entre nous, vous avez parcouru le pays afin de capitaliser les bonnes pratiques de coopération et d'action sur les territoires. Vous avez remis votre rapport en avril dernier, point de départ de la construction de France Travail et du réseau pour l'emploi. La loi pour le plein emploi, dont j'ai eu l'honneur d'être corapporteure aux côtés de mon collègue Paul Christophe, a traduit un certain nombre de vos préconisations, comme la création d'un réseau d'acteurs et la rénovation du service public de l'emploi.
En tant que directeur général, vous devrez accompagner l'harmonisation des pratiques entre les professionnels en coconstruisant avec l'ensemble des acteurs un socle d'engagements et de services communs au sein du service public de l'emploi, avec les missions locales et Cap emploi et renforcer le lien avec le monde de l'entreprise en vous appuyant sur les collectivités et les acteurs concernés par l'orientation, la formation, l'emploi et l'insertion aux niveaux national, régional, départemental et local. Nul doute que vous serez à la hauteur de la tâche qui vous incombe tant vous avez approfondi les sujets liés à l'accompagnement des demandeurs d'emploi et la mobilisation des entreprises depuis plusieurs années.
Au-delà de la loi pour le plein emploi et l'expérimentation menée dans sept régions pilotes, dix-huit territoires expérimentent depuis le printemps la mise en place d'un accompagnement rénové des allocataires du RSA. Pouvez-vous nous livrer un premier bilan d'étape ?
Le travail et l'emploi restent des questions de premier ordre, tant pour les Français que pour nous, qui les représentons. Votre possible nomination à la fonction de directeur général de Pôle emploi constitue non pas uniquement un changement administratif, mais une évolution dans l'exécution de la politique publique en matière d'emploi. Nous devons donc être attentifs.
Nous nous interrogeons tout d'abord sur votre vision pour l'avenir de Pôle emploi et de France Travail. Après de nombreux débats en commission et en séance, à l'Assemblée nationale et au Sénat, et au vu des budgets alloués aux services publics de l'emploi dans le PLF 2024, pouvez-vous nous garantir que France Travail ne se réduira pas à un simple ravalement de façade de Pôle emploi et que ce nouvel organisme répondra effectivement aux besoins urgents des Français en matière d'emploi ? Quel est votre ressenti sur l'accompagnement intensif des bénéficiaires du RSA ? Pensez-vous que les capacités matérielles, financières et humaines de Pôle emploi lui permettent aujourd'hui de répondre à cet enjeu ? Nous souhaiterions également connaître votre avis et vos propositions sur les métiers rencontrant des difficultés de recrutement, comme ceux de la restauration, de l'hôtellerie ou encore du BTP. Les formations actuellement dispensées par Pôle emploi dans ces secteurs en tension sont-elles suffisantes ? Envisagez-vous de mettre en place des mesures complémentaires pour répondre à ce problème urgent ? L'emploi des travailleurs seniors, et plus particulièrement des travailleurs de plus de 55 ans, constitue-t-il une priorité à vos yeux ? Quelles mesures comptez-vous prendre pour répondre à cet enjeu, qui est amené à prendre de l'ampleur avec l'application du report de l'âge légal de départ à la retraite ?
Dans un contexte de politisation croissante des institutions publiques, l'indépendance politique de Pôle emploi et de France Travail est une préoccupation majeure du Rassemblement National. Au vu de votre passé politique, comment garantirez-vous le maintien de la neutralité et de l'impartialité de ces structures ? Nous attendons de vous un engagement clair pour préserver l'intégrité de ces institutions, loin des influences et des manœuvres politiques. Votre rôle est potentiellement au cœur de l'avenir de l'emploi en France. Le Rassemblement National exige donc des réponses claires, des engagements précis et une réelle volonté de servir les intérêts de tous les Français au-delà des lignes partisanes.
Vous avez été l'architecte de France Travail, qui a débouché sur la loi dite « pour le plein emploi ». Votre potentielle arrivée à la tête de Pôle emploi parachèverait la grande entreprise macroniste de destruction du service public de l'emploi et de durcissement des conditions de vie des plus précaires. Nous avons eu des échanges animés dans cette salle sur le double choc entraîné par cette loi : 2 millions d'allocataires du RSA et leurs conjoints vont devoir effectuer des heures d'activité en échange de leurs maigres allocations et les entités du service public de l'emploi – agences Pôle emploi, missions locales, établissements et services d'aide par le travail et Cap emploi – vont subir de plein fouet la désorganisation et la concurrence du privé que vous promouvez.
Vous avez théorisé le strike antisocial et vous vous apprêtez à le réaliser. Votre philosophie part du principe que les chômeurs le restent parce qu'ils ne font pas assez d'efforts pour chercher un emploi ou parce qu'ils ne veulent pas travailler. Il faut donc les traquer, les surveiller et les contrôler. La vérité, c'est que votre projet va créer une armée de travailleurs pauvres. La vérité, c'est que notre pays n'a pas suffisamment d'emplois disponibles par rapport au nombre de personnes en âge de travailler. La vérité, c'est que de plus en plus d'emplois sont terriblement mal rémunérés au regard de leur pénibilité ou qu'ils manquent cruellement de sens et deviennent des bullshit jobs. La vérité, c'est que de nombreuses mères isolées n'ont pas les moyens de faire autrement que de rester au RSA.
De quels moyens disposerez-vous pour mettre en œuvre les nouvelles missions et accueillir le flux de nouveaux inscrits, qui va submerger les services avec les effets de la réforme des retraites ? Ce seront des cacahuètes ! Vous prévoyez le pilotage aux résultats pour faire pression sur les salariés. Les méthodes du new management conduisent à une déshumanisation des services publics et au mal-être des agents – on l'a vu avec la tarification à l'activité. Vous anticipez par ailleurs la privatisation puisque vous défendez le recours à la sous-traitance. Dans ces conditions, serez-vous le liquidateur de Pôle emploi ?
Je voudrais d'abord saluer les agents de Pôle emploi ainsi que son directeur Jean Bassères. J'ai eu le plaisir de conduire une mission « flash » sur Pôle emploi, qui avait été riche d'enseignements pour moi.
Vous avez des arguments à faire valoir pour votre candidature, qu'il s'agisse de votre trajectoire ou de votre travail de haut-commissaire. Notre principale préoccupation est l'efficacité face à un travail déconsidéré par certains et à un marché du travail de plus en plus complexe et tendu et qui exclut un certain nombre de nos compatriotes. La première question, qui ne vous incombe pas, est donc celle du fonctionnement de notre économie et de la liberté accordée aux entreprises pour créer des emplois, même si l'intervention sur le marché du travail peut être nécessaire pour faciliter son accès à des publics en difficulté. Cette intervention doit se faire en amont, notamment grâce à la formation. Nous espérons dans ces conditions que l'objectif de France Travail sera la France du travail et que ce nouvel organisme sera efficace, agile et percutant. Nous voterons en faveur de votre candidature, mais avec un haut degré d'exigence.
Vos prédécesseurs étaient majoritairement issus de la haute administration. À titre personnel, et avec tout le respect dû aux grands serviteurs de l'État dont vous prenez la suite, je me réjouis que des profils comme le vôtre soient en position de diriger de grands opérateurs de l'État comme Pôle emploi. Votre nomination apportera une diversité et une culture associative bienvenue dans le cénacle des plus hauts postes de la République. Comment allez-vous valoriser cette expérience au sein de Pôle emploi, bientôt renommée France Travail ?
Comment le futur opérateur France Travail peut-il davantage contribuer à l'objectif du plein emploi ? Si vous étiez nommé directeur général, ce que le groupe Démocrate souhaite, comment comptez-vous renforcer l'insertion professionnelle des personnes les plus éloignées de l'emploi ? Le taux de chômage est à un niveau historiquement bas en France, malgré une légère remontée ces derniers mois. Il est pourtant encore à un niveau trop élevé. Tout le monde a sa place dans le marché du travail. Vous défendez la nécessité de prendre en compte l'intégralité des dimensions du demandeur d'emploi au-delà de l'habituel champ des compétences. La mobilité, la garde d'enfants ou la santé sont en effet souvent des critères pertinents pour expliquer les freins au retour à l'emploi. L'intégration de davantage de critères demande de passer plus de temps sur chaque dossier. Comment comptez-vous résoudre cette équation qui se posera dans le quotidien des conseillers Pôle emploi ? Comment comptez-vous faire de France Travail une entité vers laquelle les entreprises se tournent spontanément et avec confiance pour faire face à leurs besoins de recrutement. Elles nous font part parfois de leurs doutes sur l'adaptation de Pôle emploi à leurs besoins. Enfin, comment le Parlement sera-t-il associé dans les prochains mois, au cours de votre éventuel mandat à la tête de France Travail, à la construction d'une société de plein emploi ?
Permettez-moi d'abord d'avoir une pensée pour tous les agents de Pôle emploi qui font leur travail du mieux qu'ils peuvent mais qui sont aujourd'hui plongés dans l'anxiété de celui qui ne sait pas, ou qui sait trop bien, à quelle sauce il sera mangé. Vos propos liminaires ne me semblent d'ailleurs pas de nature à les rassurer. J'ajoute qu'il est assez vertigineux d'interroger un candidat pour un poste qu'il s'est lui-même taillé sur mesure. Peut-être devriez-vous envisager une reconversion dans l'orfèvrerie.
Mes questions sont nombreuses. Concernant le recrutement d'agents, quelle trajectoire prévoyez-vous et quelles perspectives d'évolution salariale proposerez-vous pour renforcer l'attractivité des métiers de l'accompagnement et de l'insertion ? Que ferez-vous pour améliorer le climat social ? La question de l'accompagnement psychologique des agents se pose également : ils vont voir leur mission être transformée puisqu'ils devront sanctionner toujours plus et passer plus de temps à contrôler et à saisir des chiffres dans des logiciels parfois mal adaptés – toujours plus de contrôle de l'accompagnement pour toujours moins d'accompagnement au nom du contrôle. Allez-vous prendre la tête du réseau des acteurs de l'insertion et de l'emploi ? Quelle est la trajectoire de financement pour l'insertion ? Comment opérer la réforme de France Travail avec un budget qui sera au maximum celui de la garantie jeunes pour accompagner des bénéficiaires cinq à dix fois plus nombreux ?
Ma dernière question est philosophique. La réforme aura une incidence réelle sur le reste à vivre. Selon vous, quel doit être son montant ?
Vous vous consacrez depuis des années à la consultation des acteurs de l'emploi et la construction du monde du travail de demain. Vous avez ainsi notamment été président du Conseil de l'inclusion dans l'emploi en 2018 avant d'être nommé haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises en 2020. Votre volonté de faire sortir les Français de la pauvreté par le travail et l'inclusion vous a guidé lors de la rédaction de votre rapport France Travail, une transformation profonde de notre action collective pour atteindre le plein emploi et permettre ainsi l'accès de tous à l'autonomie et à la dignité par le travail.
Remis le 19 avril 2023 à Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, ce rapport de préfiguration du projet de loi sur le plein emploi, dont j'ai eu le plaisir d'être le corapporteur avec ma collègue Christine Le Nabour, vous a amené à réaliser de très nombreux déplacements à la rencontre des équipes comme des usagers. J'étais présent lors de votre venue sur le site expérimental de Tourcoing, et je ne peux que témoigner de votre attention aux remontées des salariés sur leur travail du quotidien et de votre détermination d'accompagner et de valoriser tous les talents et tous les potentiels de Pôle emploi. Vous avez grandement participé à l'élaboration de la vision de France Travail, en préconisant notamment une meilleure coopération entre les acteurs et un meilleur investissement local. Par cette réforme équilibrée et ambitieuse, nous aiderons nos concitoyens les plus éloignés de l'emploi et les chefs d'entreprise à se rencontrer. C'est aussi une des missions de France Travail.
Pour toutes ces raisons, votre candidature à cette fonction me semble légitime. Votre expérience de terrain et vos connaissances de l'opérateur pour l'emploi, bientôt renommé France Travail, constitueront un atout indéniable pour la réussite de la transformation du service public de l'emploi.
Je n'aurai qu'une seule question : quelle est votre vision des prochaines étapes de la transformation du service et comment l'imaginez-vous ?
En tant qu'ancien directeur d'un service d'insertion, pensez-vous sérieusement qu'avec les moyens actuels et ceux qui ont été annoncés, il sera possible d'accompagner correctement les 2 500 000 personnes privées d'emploi ? Vous avez également été chargé de la concertation du CEJ, dont les quinze à vingt heures d'activités hebdomadaires étaient financées par un budget annuel de 2 000 euros par allocataire. Comment comptez-vous mobiliser 5 milliards d'euros sur cette nouvelle cause ?
Vous plaidez en faveur de solutions locales. Or, vous allez prendre la tête d'un opérateur qui a tendance à suivre une ligne verticale hiérarchique selon laquelle les territoires exécutent les décisions du directeur de Pôle emploi. Votre réforme entend redonner place au copilotage associant les préfectures et les collectivités départementales ou régionales. Actuellement, les directeurs régionaux et territoriaux rendent des comptes au directeur général de Pôle emploi dans une logique centralisatrice et nationale. Souhaitez-vous changer cette logique ? Irez-vous jusqu'à proposer aux collectivités de participer au recrutement des directeurs ?
Vous avez mentionné à juste titre l'implication sans faille des collaborateurs et collaboratrices de Pôle emploi. La multiplication des missions confiées à Pôle emploi nous inquiète. Tout au long de notre travail sur le projet de loi sur le plein emploi, nous avons constaté que leurs conditions de travail étaient parfois difficiles, notamment celles des conseillers, qui se retrouvent parfois avec cent personnes à accompagner quand l'idéal se trouve autour de quarante. Comment allez-vous garantir de bonnes conditions de travail pour faire face à la hausse massive des inscriptions ?
Monsieur Guilluy vous avez été l'architecte de la réforme. Vous en serez désormais le conducteur de chantier. C'est un sacré chantier ! L'édifice créé par la loi nous semble assez chancelant, comme nous en avons fait part hier au Conseil constitutionnel en défendant notre recours.
Compte tenu de la dégradation de la conjoncture, les prérequis de la réforme seront-ils toujours respectés ?
Il est essentiel de prendre soin des agentes et des agents de Pôle emploi, qui ont subi les effets de nombreuses réformes au cours des dernières années. On perçoit un certain malaise au sein de l'institution. Comment allez-vous aborder la question de l'évolution de leur métier ?
Qu'entendez-vous exactement par le pilotage par les résultats ?
Quelle politique mènerez-vous concernant les radiations, qui pourraient être nombreuses ?
Quel sens faut-il donner à l'activité, que la loi ne définit pas véritablement ?
Que se passera-t-il en cas de désaccord entre l'institution et l'intéressé sur le contrat d'engagement ? Nous craignons qu'une forme d'arbitraire s'exerce et que la réforme conduise à une logique de forçage, d'augmentation du nombre d'emplois low cost et d'adéquationnisme. Comptez-vous vous en prémunir et, le cas échéant, par quel moyen ?
Aurez-vous massivement recours au privé pour un certain nombre de services ?
La dernière fois que notre commission vous a auditionné, vous veniez de rendre votre rapport de préfiguration de France Travail. Depuis, le projet de loi pour le plein emploi a été adopté, qui acte, entre autres, la transformation de Pôle emploi en France Travail et, surtout, la conditionnalité du RSA au fait d'effectuer quinze heures d'activité par semaine. Notre groupe était fortement opposé à ce projet et à sa vision comptable de l'accompagnement, qui contredit l'exigence d'un parcours de qualité, adapté à chaque profil. C'est pourtant cette politique que vous devriez mettre en œuvre à la tête de Pôle emploi. Vous paraît-elle réaliste ?
À titre d'exemple, il a été montré que 40 % des bénéficiaires d'un CEJ n'atteignent pas le minimum des quinze heures d'activité, et que 20 % effectuent moins de cinq heures. Pourtant, ce principe sera appliqué à tous les inscrits de France Travail. Nous ne savons toujours pas quelles activités seront concernées ni, surtout, quels moyens seront engagés. Aujourd'hui, les agents peinent à offrir un accompagnement personnalisé aux 450 personnes que chacun d'eux suit, en moyenne. Quelque 80 % des demandeurs d'emploi n'ont d'échanges avec Pôle emploi que par la voie dématérialisée ou téléphonique. Comment comptez-vous appliquer la politique de conditionnalité et faire en sorte qu'elle profite à l'insertion des demandeurs d'emploi ?
Notre groupe avait demandé que l'on attende au moins le bilan des expérimentations sur le RSA et le futur réseau. Le ministre n'a pu fournir aucun retour sur celles-ci. Peut-être avez-vous plus d'informations à nous communiquer ?
Comment envisagez-vous de lutter contre le non-recours aux droits ?
L'un des principaux chantiers qui vous attendra, en cas de nomination, sera de concrétiser la transformation de Pôle emploi en France Travail, que nous avons actée par l'adoption de la loi pour le plein emploi. Afin de faciliter le déploiement de ce nouvel opérateur et de renforcer l'accompagnement des bénéficiaires du RSA, le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 a notamment accru le plafond d'emplois de Pôle emploi de 300 ETP, qui s'ajouteront aux 4 000 créations de postes au sein de Pôle emploi entre 2017 et 2022. Ces moyens humains supplémentaires sont indispensables pour permettre à l'opérateur de mener ses nouvelles missions. Avez-vous une idée de la répartition territoriale à venir de ces postes ? Outre l'accompagnement des bénéficiaires du RSA et des demandeurs d'emploi dans leur ensemble, quelles sont les actions et, éventuellement, les zones territoriales à prioriser, selon vous ?
La loi qui a donné naissance à France Travail entache notre modèle social et stigmatise une nouvelle fois les personnes les plus éloignées de l'emploi. Elle fait abstraction de la rareté et de la qualité de l'emploi. Les chômeurs vont devoir travailler gratuitement pendant au moins quinze heures par semaine pour prétendre toucher les allocations qui leur sont dues. Le Gouvernement a éludé cette question en parlant d'un accompagnement plus important, mais accompagner demande du temps et nécessite d'embaucher davantage de conseillers.
On pouvait lire récemment, dans La Gazette des communes, au sujet de l'accompagnement : « [...] Pas sûr que, même si on le voulait, on serait capable de le faire. Il y a un obstacle en matière de ressources humaines. » Voilà ce qu'en pense le président Les Républicains d'un conseil départemental. Plus que d'un obstacle, je parlerais d'une tâche titanesque. Déjà, en 2019, France Info révélait que le nombre de chômeurs suivis par chaque agent de Pôle emploi était deux fois supérieur au nombre indiqué par la direction. Le projet de loi de finances augmente certes les crédits alloués à l'opérateur, mais dans une proportion insuffisante. Les embauches annoncées par M. Dussopt se limitent à 300 agents supplémentaires.
Dans le cadre de l'application de la réforme, serez-vous amené à mettre sous pression les 59 000 agents de l'institution ? Quelle trajectoire de recrutement envisagez-vous pour les prochaines années ?
Dans le sillage de notre engagement constant en faveur des politiques structurelles menées depuis 2017, la création de France Travail inaugure une nouvelle ère dans l'accompagnement des publics les plus éloignés du marché de l'emploi. Cette initiative, symbolisée par l'institution d'un guichet unique pour l'emploi, se propose d'optimiser la coordination entre les diverses entités du secteur de l'emploi. Je me réjouis que la région Centre-Val de Loire soit au cœur de l'innovation, en tant que bénéficiaire du protocole d'expérimentation de France Travail. Quel bilan tirez-vous de l'application de ce protocole régional de préfiguration ? En quoi l'expérience pionnière du Centre-Val de Loire peut-elle éclairer le déploiement de France Travail à l'échelle nationale, prévu pour 2024 ?
Pôle emploi accompagne les personnes en recherche d'emploi. Cela étant, le plus simple serait encore d'éviter que les gens perdent leur travail. Comment expliquez-vous qu'entre 2012 et 2022, on soit passé de 497 000 à plus de 1 million de licenciements annuels ? Établissez-vous un lien entre cette hausse vertigineuse et la succession des lois travail – ordonnances Macron et autres textes adoptés en ce domaine ? Comment pensez-vous pouvoir cautériser l'hémorragie ?
Phénomène plus inquiétant encore : les licenciements pour inaptitude sont passés de 43 000 à plus de 100 000 entre 2012 et 2022. Ils concernent des gens brisés, mentalement ou physiquement, par le mal-travail, qui souffrent de troubles musculo-squelettiques, d'une usure de la colonne vertébrale, d'un épuisement psychologique, etc. Comment analysez-vous cette évolution et comment comptez-vous panser la plaie ? Pôle emploi devrait disposer d'effectifs gigantesques pour accompagner le retour à l'emploi des gens virés de leur travail parce qu'on les a considérés inaptes ou trop âgés, ces gens dont les employeurs ne veulent plus pour des raisons physiques et parfois psychologiques. Ces licenciements pour inaptitude constituent à mes yeux le plus grand des plans sociaux. Malheureusement, ils sont mis sous le tapis.
Dans mon rapport d'information de 2013 sur Pôle emploi et le service public de l'emploi, j'avais relevé l'existence de très nombreux acteurs, qui intervenaient à l'échelle nationale ou locale, sans coordination définie, ce qui nuisait à l'efficacité recherchée. La situation n'a pas beaucoup changé. Comment pensez-vous y remédier ? Par ailleurs, comment comptez-vous associer les entreprises ?
On compte 100 000 personnes de plus au RSA cette année, qui doivent se débrouiller pour vivre avec environ 600 euros par mois, et 400 000 pauvres supplémentaires depuis le premier quinquennat de M. Macron. Quelque 14 000 personnes sont directement tuées par le chômage chaque année. Notre pays connaît une situation sociale dramatique.
Dans le même temps, le Gouvernement ne pense qu'à économiser sur le dos des plus faibles. Il a déjà réalisé 7 milliards d'euros d'économies en réduisant les droits à l'assurance chômage. Après avoir réduit de 200 millions les moyens alloués à Pôle emploi en 2023, il les baisse à nouveau, à hauteur de 80 millions, dans le PLF 2024, passé en force par un énième 49.3. Dans ces conditions, il est impossible aux agents de faire correctement leur travail.
Comment comptez-vous trouver les 2,3 à 2,7 milliards d'euros nécessaires pour les années 2024 à 2026 ?
Le logiciel utilisé pour assurer le contrôle aléatoire des personnes inscrites à Pôle emploi sera-t-il le même que celui employé par les CAF ?
Les missions locales proposent aux jeunes de 18 à 25 ans un suivi personnalisé concernant l'emploi et la formation. Les personnes en situation de handicap et les employeurs bénéficient de l'accompagnement de Cap emploi vers et dans l'emploi. Les seniors représentent également un public spécifique dont l'accompagnement mériterait d'être personnalisé. Or notre pays est culturellement peu enclin à proposer un parcours particulier de retour à l'emploi aux personnes de cette tranche d'âge. Pourtant, le recul de l'âge de la retraite risque d'en accroître le besoin. Avez-vous élaboré une stratégie qui permettrait aux demandeurs d'emploi seniors de retourner à l'emploi et de se former à l'aide de dispositifs construits sur les mêmes principes que ceux proposés aux jeunes et aux personnes en situation de handicap ?
Je tenais à vous dire que Thierry Lemerle, directeur régional de Pôle emploi pour l'Occitanie, nous apporte un concours très efficace.
Comment allez-vous assurer de front la direction de France Travail et du réseau pour l'emploi constitué par l'ensemble des parties prenantes ? La loi encadre la gouvernance de France Travail ; les décrets devront préciser qui détient le droit de vote, qui est consulté et qui est associé aux comités. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ? Sur le terrain, les acteurs se demandent qui va faire quoi.
Je voterai en faveur de votre candidature. Je suis un élu de Bretagne, région où le taux de chômage est bas et le taux d'emploi élevé. Nous aurons deux défis à relever ensemble. Le premier sera de faire revenir les entreprises dans le giron de Pôle emploi – bientôt France Travail. Chez nous, les chefs d'entreprise ne font plus appel à Pôle emploi pour recruter, ce qui est une anomalie regrettable. Le second défi concerne les emplois non pourvus. En effet, les entreprises peinent à recruter. L'inadéquation entre l'offre et la demande est difficilement compréhensible. Pour relever ces défis, nous aurons besoin d'une organisation proche du terrain. Comment envisagez-vous la composition des comités locaux France Travail ? Comment allez-vous articuler leur action à l'échelon des bassins d'emploi, des établissements publics de coopération intercommunale et du département ?
Dans les territoires ruraux, nous peinons parfois à apporter des solutions concrètes aux problèmes considérables que nous rencontrons en termes d'emploi et d'insertion. Dans ma circonscription, l'agence Pôle emploi de Vire Normandie, qui est l'unique agence existant sur un territoire de 800 kilomètres carrés, prend en charge près de 3 800 demandeurs d'emploi. Même si cette structure travaille étroitement avec les missions locales pour accompagner les projets à destination de nos jeunes, la mobilité et les enjeux numériques restent les principaux freins au retour à l'emploi en milieu rural. Comment comptez-vous répondre à ces difficultés et lutter contre l'exclusion sociale ?
Je peux témoigner du fait qu'une véritable dynamique s'est créée, autour de l'expérimentation menée dans mon département des Yvelines, entre les équipes de Pôle emploi et le conseil départemental.
Ma question porte sur le partage et l'échange des données relatives aux bénéficiaires, qui est la première étape de cette collaboration. Le cloisonnement des données, traitées en silos, complexifie la tâche des divers acteurs et mène trop souvent à des ruptures dans le parcours des bénéficiaires. Le département des Yvelines et Pôle emploi ont fait le choix d'une utilisation conjointe du logiciel employé par l'opérateur afin de ne pas engendrer de coûts supplémentaires, de réduire les frais de formation et de permettre une application plus rapide du dispositif. Quel avis portez-vous sur la question des données et l'usage de la plateforme dans le traitement des dossiers ? Comment allez-vous analyser les différentes voies choisies par les territoires menant une expérimentation ?
Le fantasme du plein emploi a inspiré la rédaction de la loi qui a donné naissance à France Travail. Les chiffres du chômage témoignent d'une remontée qui semble devoir s'inscrire dans la durée. Vous semble-t-il toujours réaliste de chercher à atteindre le plein emploi et, le cas échéant, sous quelles conditions ? Cela passe-t-il inévitablement par la précarisation d'un certain nombre de travailleurs ?
Le ministre de l'économie a suggéré de réduire la durée d'indemnisation chômage des plus de 55 ans pour les faire échapper à une forme de préretraite anticipée, sans remettre en cause les pratiques des grandes entreprises. Quelle appréciation portez-vous sur la durée d'indemnisation du chômage des personnes de cette tranche d'âge ? Considérez-vous, comme M. Le Maire, qu'il serait bon de revenir à un système partagé avec les moins de 55 ans pour les remettre au travail ?
Beaucoup opposent Pôle emploi, dont la vision est parfois perçue comme descendante, et les acteurs du territoire, à la logique plus transversale. Comment éviterez-vous d'imposer, dans les territoires où l'opérationnalité fonctionne bien, une vision verticale et directe pour favoriser une action horizontale et collaborative ?
Vous allez certainement répondre à la question précédente en expliquant que le devoir de réserve vous empêche de juger de la « pertinence » de la proposition de Bruno Le Maire. Cela étant, avez-vous le sentiment que la mesure suggérée serait compatible avec la mission d'accompagnement des seniors que devrait assumer France Travail ?
La collaboration avec les missions locales constitue un enjeu essentiel. Or, en Île-de-France, Valérie Pécresse vient de décider une baisse drastique – de près de 90 % – du financement régional de ces missions – l'ensemble des acteurs concernés se mobiliseront à ce sujet la semaine prochaine. Disposez-vous de garde-fous, dans la relation avec les conseils régionaux, pour éviter une telle dévitalisation et précarisation des missions locales, sur lesquelles vous avez besoin de vous appuyer ?
Quelle place envisagez-vous d'accorder aux associations, qui ont exprimé récemment leur inquiétude, dans la gouvernance de France Travail ?
Avec quelle intensité luttez-vous contre les annonces discriminatoires ? Le name and shame vous paraît-il une bonne solution ?
Une expérimentation a été menée dans l'Aveyron, qui s'est plutôt bien passée. Toutefois, on sait que, dans nos départements ruraux, des personnes sont très éloignées de l'emploi alors même que les entreprises sont en tension. J'espère que vous pourrez améliorer la situation. Je voterai en faveur de votre nomination.
M. Le Gac a dit que le patronat se détournait de Pôle emploi. C'est peut-être le cas chez lui mais, à l'échelle nationale, le nombre d'offres collectées a augmenté de 33 % depuis 2017 et le nombre d'offres diffusées de 75 %. Les salariés de Pôle emploi accomplissent un travail extraordinaire.
Monsieur Guilluy, vous nous avez indiqué que le taux de satisfaction au sein de Pôle emploi était de 75 %. Le défi consiste à faire mieux avec France Travail, même si je doute que ce soit possible, compte tenu du cadre légal qui vous est donné.
Vous avez estimé que les quinze heures d'activité ne constituaient pas du travail, en renvoyant à votre rapport. Or, on peut y lire, page 266, que les heures d'activité obligatoires comprennent des stages, de l'immersion et de l'alternance. Soit ce n'est pas du travail, soit on a évolué depuis la publication de ce document.
Les partenaires sociaux souhaitent la réalisation d'un contrôle aléatoire des demandeuses et demandeurs d'emploi, mais, dans le même temps, ils refusent France Travail. Il y a en effet une contradiction entre les deux. Si on inscrit les conjointes et conjoints d'allocataires demandeurs d'emploi et que l'on effectue des contrôles aléatoires, on va contrôler les concubins, concubines, conjointes et conjoints, ce qui n'a aucun sens. Les partenaires sociaux ont eu raison de refuser France Travail.
Vous avez expliqué que l'un des objectifs de la réforme consistait à réduire les délais. Voilà dix ans que les délais de recrutement en CDI diminuent, mais cela reste une opération comptable. Recruter plus vite, ce n'est pas créer un emploi, c'est augmenter le nombre de jours de travail. Par ailleurs, vous avez dit que la prospection permettait aussi d'accéder à des emplois, mais il me semble qu'elle change avant tout les canaux, en permettant de pourvoir des offres d'emploi de manière formelle et non plus informelle.
Le contrôle des chômeurs a un caractère contre-productif qu'on observe dans tous les pays. En effet, les demandeurs d'emploi sont amenés à répondre à toutes les offres qui se présentent, et les employeurs font face à un tel flot de candidatures qu'ils sont parfois conduits à se retirer du service public de l'emploi. C'est dangereux pour ce dernier comme pour les agents et les chômeurs.
Pôle emploi regroupe 59 000 agents, si l'on inclut les contrats aidés et les contributeurs. Le nombre total des travailleurs sociaux, des accompagnateurs et des conseillers s'élève à 160 000 personnes. Pour relever le défi du plein emploi et de l'accompagnement de tous, nous avons besoin en effet de l'action des missions locales, des Cap emploi, des travailleurs sociaux – près de 30 000 d'entre eux travaillent dans les centres d'hébergement du secteur de l'accueil, hébergement, insertion –, des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, des maisons de l'emploi, des acteurs de l'insertion par l'activité économique, des acteurs du handicap... Pour apporter une réponse personnalisée et globale à chaque demandeur d'emploi, il faut organiser une meilleure coopération pour éviter des doublons et des ruptures dans les parcours. Le rôle des collaborateurs de Pôle emploi est fondamental dans la mise en œuvre de la réforme, mais n'oublions pas qu'ils peuvent s'appuyer sur l'ensemble de ces acteurs, dans les territoires.
Un de nos défis est de faire en sorte que « ne laisser personne au bord de la route » ne soit pas seulement un slogan et que l'inscription à France Travail débouche sur la réalisation d'un certain nombre d'actions – le « aller vers ». Nous accompagnons les personnes en situation de handicap et les jeunes : nous avons noué des partenariats et fait des propositions, qui ont été déclinées de façon opérationnelle. Nous avons institué une collaboration avec les lycées professionnels – je pense notamment à Avenir pro. Près de 100 000 jeunes éprouvent des difficultés d'insertion professionnelle. Aussi travaillons-nous avec les missions locales pour leur proposer un accompagnement anticipé plutôt que de les laisser se fracasser sur les réalités du marché du travail. Nous travaillons également sur l'accompagnement des étudiants décrocheurs et l'insertion professionnelle après l'université.
Nous avons noué un partenariat avec l'Office français de l'immigration et de l'intégration et les associations pour mieux accompagner les personnes réfugiées.
Nous souhaitons assurer un meilleur accompagnement des personnes en situation d'inaptitude, qui ont subi un traumatisme et ont besoin de se reconvertir. Il faut aller au-devant d'elles plutôt que d'attendre qu'elles arrivent au guichet de Pôle emploi. On y gagnera beaucoup en prévention et en efficacité du service public.
L'accompagnement – et c'est particulièrement vrai dans le monde rural – n'est pas une simple adéquation entre des offres d'emploi et des candidatures : il s'agit souvent aussi de formation, de déblocage de certains freins, de mobilité, de santé, de logement ou de garde d'enfants – 34 % des bénéficiaires du RSA sont en effet des parents isolés, et souvent plutôt des mamans isolées –, et il est indispensable de répondre concomitamment aux problèmes sociaux et aux besoins de la recherche d'emploi.
Cela suppose un meilleur repérage des difficultés dès l'entrée, de telle sorte que l'inscription et le diagnostic sont importants pour permettre d'orienter ultérieurement les personnes accompagnées vers de bonnes solutions sur les territoires. Nous avons engagé, à cet égard, un travail visant à donner de la visibilité à l'ensemble des solutions d'accompagnement en matière de logement, d'illettrisme ou d'illectronisme. Dans cette perspective, l'outil Dora – Découvrir, orienter, renseigner, accompagner – indexe déjà sur vos territoires plusieurs dizaines de milliers de services dans ce domaine. Il y a là un véritable enjeu. En évoquant tout à l'heure l'Académie France Travail, je voulais souligner l'importance du développement de l'interconnaissance entre les acteurs, qui doit permettre à un travailleur accompagnant dans le domaine du logement et à un conseiller de Pôle emploi ou de la mission locale intervenant dans les domaines de l'information ou de l'emploi de mieux travailler ensemble.
Pour ce qui est de savoir comment permettre à toutes les entreprises de bénéficier des services de Pôle emploi, j'insisterai d'abord sur le fait qu'en quelques années, grâce aux actions menées par les équipes de cette structure, le taux de satisfaction des entreprises qui recourent à ses services est passé d'environ une entreprise sur deux à plus de 83 %. Cependant, les TPE et petites entreprises ont moins le réflexe de recourir à Pôle emploi – elles sont un peu plus d'un quart à le faire – que les entreprises de plus de cent salariés. C'est donc pour accompagner les entreprises que nous proposons la prospection.
Il faut également mieux travailler en coopération avec les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers et de l'artisanat, les chambres d'agriculture et l'ensemble des branches professionnelles, et s'appuyer aussi sur les 4 000 conseillers entreprises spécialisés que nous retrouvons dans les opérateurs de compétences pour donner de la visibilité aux services de Pôle emploi afin d'en faire bénéficier l'ensemble des TPE et des PME. De fait, les services sont bons, mais ils doivent maintenant être plus accessibles.
Quant à l'efficacité du système, sur laquelle s'interrogeait M. Viry, elle tiendra aussi à notre capacité à simplifier. Il ne suffit pas, en effet, d'avoir des dispositifs efficaces : il faut aussi qu'ils soient accessibles et simples. C'est le cas, entre autres, de l'immersion, aujourd'hui dénommée période de mise en situation en milieu professionnel, ou PMSMP – acronyme certes peu propice à faciliter l'accès d'une TPE ou PME à ce service. Comment l'appeler immersion ? Comment éviter les formulaires Cerfa et la charge administrative en simplifiant son accès ? C'est ce que permet l'« immersion facile », qui permet à une entreprise de recourir à ce service en cinq minutes.
Comme on l'a vu dans le cadre du plan en faveur des demandeurs d'emploi de longue durée, l'immersion professionnelle permet d'augmenter de 20 points les chances de retour à l'emploi. L'efficacité passera donc aussi par le pragmatisme : il faudra regarder concrètement ce qui fonctionne et comment on peut le déployer, en s'assurant de le faire à hauteur d'usager.
J'étais, voilà quelques jours, à Perros-Guirec avec la plupart des représentants des entreprises, TPE et PME pour voir comment mieux embarquer les entreprises dans la gouvernance, qui est l'une des préoccupations centrales du projet de France Travail. Les gouvernances sont aujourd'hui très émiettées, organisées plutôt par compétence que par objectif, et souvent assez éloignées de l'action qui se déroule, en matière d'emploi, sur les bassins de vie et les bassins d'emploi. La mise en place des comités locaux est un travail qui sera construit avec les services de l'État dans le cadre du conseil national des parties prenantes.
Sans préempter ce débat, je peux vous dire que notre approche s'appuie sur les expérimentations en matière de RSA et sur les protocoles engagés non seulement dans la région Centre-Val de Loire, que vous avez citée et dont je salue l'engagement, mais aussi dans les Hauts-de-France, les Pays de la Loire, la Bourgogne-Franche-Comté et la Bretagne, ainsi que dans le Grand Est, avec qui nous sommes en discussion, ou dans le Sud. C'est en travaillant avec ces comités que nous testerons, dans les mois qui viennent, les modalités propres à faire en sorte qu'il y ait, au niveau du bassin d'emploi, un comité unique centré sur deux objectifs simples. Le premier est de savoir qui sont les demandeurs d'emploi sur le territoire et comment, selon leurs particularités, leur proposer un accompagnement adapté. Le second, quelles sont les entreprises du territoire qui ont des difficultés de recrutement et comment nous assurer de réduire le nombre d'offres non pourvues.
Pour y parvenir, les opérateurs de l'emploi – Pôle emploi, Cap emploi et les missions locales – doivent mieux travailler main dans la main, comme cela a déjà été dit, mais il faut aussi, à l'échelon des gouvernances, que l'État et les régions territorialisent les moyens consacrés à la formation par l'État pour les rendre accessibles à l'échelle des bassins d'emploi, et que les départements mettent eux aussi en commun, à ce même niveau, les moyens dont ils disposent pour assurer l'insertion sociale des personnes visées. Nous commençons à mettre en place ces tests dans les dix-huit départements pilotes de ces régions : forts de cet apprentissage sur le terrain, nous pourrons déployer progressivement une gouvernance beaucoup plus efficace, éclairée par des données partagées.
Pour ce qui est du bilan des expérimentations sur le RSA prévues par le texte dont Mme Le Nabour a été corapporteure avec M. Paul Christophe, j'observe depuis un an que le fait de travailler ensemble permet de bâtir de la confiance. Ainsi, depuis que nous travaillons ensemble, les départements sont revenus des inquiétudes qu'ils avaient conçues en entendant, voilà un an, parler pour la première fois de France Travail. Lorsque j'évoquais, dans mon propos liminaire, une cause partagée, j'entendais que nous avons tout un intérêt à ce qu'il y ait moins de bénéficiaires du RSA et à ce qu'ils aient plus d'opportunités pour retrouver un travail. Nous le faisons dans dix-huit départements, avec des orientations diverses, ainsi que dans les outre-mer et dans des territoires tant urbains que ruraux, où cette démarche est source de nombreux apprentissages.
La première constatation est que l'on peut accélérer les choses en outillant mieux les équipes. Ainsi, comme l'indique le rapport, à Tourcoing, dans le Nord, alors qu'il fallait 150 jours entre l'inscription au RSA et le premier entretien avec un référent, il faut désormais moins de 15 jours pour disposer d'un diagnostic réalisé par un travailleur social et un conseiller Pôle emploi, puis huit jours pour être face à un référent. Cette réduction du délai de 150 à 20 jours est un changement concret pour les bénéficiaires du RSA.
La deuxième chose que nous disent les travailleurs sociaux et les conseillers Pôle emploi, et qui se vérifie pratiquement dans les dix-huit départements, est que le fait de travailler ensemble leur permet de répondre à l'ensemble des questions et des problèmes posés par les bénéficiaires du RSA, ce qui les conforte dans leur action.
En troisième lieu, on voit changer le taux d'orientation : alors que 40 % seulement des bénéficiaires du RSA étaient inscrits à Pôle emploi, le taux d'orientation vers de l'emploi ou du socioprofessionnel est désormais, selon les départements, de 80 % à 85 %, parce que le regard du conseiller de Pôle emploi ou de la mission locale permet d'entrevoir, derrière les difficultés sociales, des possibilités d'insertion professionnelle.
Je veux enfin souligner que tout ne sera pas parfait d'un coup. De fait, vous savez mieux que personne à quel point ces actions sont difficiles et combien diffèrent, d'un territoire à un autre, les pratiques, les cultures et les modes de fonctionnement. Faire du sur-mesure à grande échelle suppose aussi d'accepter de prendre le temps d'en tirer des apprentissages. C'est ce que nous faisons à propos du RSA. Nous avons toutefois, depuis le 9 novembre, mis toutes les données à la disposition des départements et de l'ensemble des équipes qui travaillent sur les expérimentations. Ce partage des données permet de savoir qui nous accompagnons et quelles sont les situations et les actions mises en œuvre.
Nous avons également intégré la déclaration sociale nominative, engagement évoqué lors de son audition par M. Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Ce dispositif permet de connaître la nature du retour effectif à l'emploi et le contexte dans lequel il s'opère. Chaque semaine, chaque mois, nos équipes accompagneront l'évolution de ces outils, qui fonctionnent parce que ce ne sont pas la haute admiration et les grands chefs qui prennent les décisions, mais ceux qui, sur le terrain, expliquent ce dont ils ont besoin pour mieux remplir leur office. Cette culture et ce mode de fonctionnement garantiront une meilleure efficacité du service public de l'emploi, à laquelle vous avez été nombreux à aspirer.
Pour ce qui est des moyens financiers, je rappelle qu'une trajectoire de 300 millions d'euros a été confirmée pour l'opérateur France Travail en 2024, et qu'elle sera de 500 millions en 2025, de 750 millions en 2026 et de 1 milliard en 2027.
Au-delà de ceux qui ont été consacrés à France Travail, des moyens sont également destinés au plan d'investissement dans les compétences, qui a été renouvelé – c'était l'une des aspirations collectives qui remontait du terrain et que j'avais relayée dans le rapport sur France Travail. L'État y consacrera, 3,9 milliards d'euros parallèlement à l'effort des régions, et des discussions sont en cours avec chacune de celles-ci pour l'élaboration de ces nouveaux plans régionaux d'investissement dans les compétences. Ces actions suscitent deux préoccupations et fournissent deux enseignements par rapport au cycle précédent : il conviendra de mieux centrer le dispositif sur les besoins des entreprises en termes de formation aux métiers. Dans le numérique, par exemple, 52 % des formations accèdent à un métier, alors que, compte tenu des tensions que connaît ce secteur, lorsque les préparations opérationnelles à l'embauche et les formations répondent aux besoins des entreprises, le taux est de plus de 90 %. C'est cela aussi, le pilotage aux résultats : il s'agit d'affecter les moyens là où ils sont efficaces pour les entreprises et répondent aux besoins des demandeurs d'emploi.
L'accompagnement rénové des allocataires du RSA est réalisé de manière itérative. L'année dernière, le montant était de l'ordre de 20 millions d'euros répartis sur les dix-huit départements concernés. Le ministre Dussopt est en train de mettre en place avec les 103 départements une contractualisation France Travail, à laquelle seront consacrés 170 millions en 2024, à la fois pour accompagner chacun des départements de France pour pouvoir préparer pour le 1er janvier 2025 les bonnes conditions de mise en œuvre du projet de loi que vous avez voté, et pour accompagner la montée en puissance des expérimentations dans d'autres départements. En effet, nombre de ceux qui se sont engagés souhaitent proposer ce mécanisme à d'autres bassins d'emploi et de nombreux autres, qui ne faisaient pas partie de l'expérimentation, ont demandé à y entrer dès 2024.
L'accompagnement des seniors est évidemment un enjeu mais, comme pour tous les autres types de publics, il convient de proposer des accompagnements adaptés. En effet, si le taux de chômage des seniors est plus faible, la durée du chômage est, pour cette catégorie, quasiment double de la moyenne. Une négociation et des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux, qui formuleront des propositions, auxquelles nous serons particulièrement attentifs. Si vous m'accordez votre confiance, je veillerai particulièrement à ce que nous puissions formuler des propositions en vue de la prise en charge des seniors.
Pour ce qui concerne la mobilité dans la ruralité, un test a été engagé sur trois communautés de communes dans le Pas-de-Calais, à Meaux et en Bretagne.
Quant aux logiciels, à propos desquels une question m'a été posée pour les Yvelines, nous n'imposons pas de démarche a priori. Pour les départements qui disposent de leurs propres outils, nous travaillons à l'interconnexion des données pour assurer l'accompagnement et éviter les redondances. D'autres départements choisissent, à l'inverse, d'utiliser les outils que nous développons avec France Travail et que nous mettons à leur disposition s'ils le souhaitent. Les deux solutions sont possibles, l'important étant que les données puissent être partagées afin de permettre un continuum dans la mise en œuvre du parcours.
Merci, monsieur, pour tous ces éléments de réponse. Nous vous laissons à présent rejoindre le Sénat.
Délibérant à huis clos, la commission désigne comme scrutateurs M. Philippe Frei et M. Hadrien Clouet, puis se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la proposition de nomination de M. Thibaut Guilluy aux fonctions de directeur général de Pôle emploi.
Il est ensuite procédé au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette proposition de nomination opéré par la commission des affaires sociales du Sénat.
Les résultats du scrutin sont les suivants :
Nombre de votants : 54
Abstentions : 1
Suffrages exprimés : 53
Avis favorables : 32
Avis défavorables : 21
En conséquence, la commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Thibaut Guilluy aux fonctions de directeur général de Pôle emploi.
Puis la commission procède à l'examen, en application de l'article 88 du Règlement, des amendements à la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation (n° 1930) (M. Yannick Neuder, rapporteur).
La commission a accepté les amendements figurant dans le tableau ci-après (*) :
N° | Auteur | Groupe | Place |
62 | M. NEUDER Yannick | LR | 1er |
55 | M. ROUSSET Jean-François | RE | 1er |
63 | M. NEUDER Yannick | LR | 1er |
17 | M. Thierry | HOR | Ap. 1er |
16 | M. BENOIT Thierry | HOR | Ap. 1er |
61 | M. NEUDER Yannick | LR | 2 |
49 | M. VALLETOUX Frédéric | HOR | 2 |
58 | M. NEUDER Yannick | LR | 2 |
60 | M. NEUDER Yannick | LR | 2 |
64 | M. VALLETOUX Frédéric | HOR | 2 |
59 | M. NEUDER Yannick | LR | Ap. 3 |
(*) Les autres amendements étant considérés comme repoussés.
La réunion s'achève à onze heures.
Informations relatives à la commission
La commission a désigné :
– Mmes Nicole Dubré-Chirat et Sandrine Rousseau rapporteures de la mission d'information sur les services d'urgence psychiatrique ;
– MM. Stéphane Viry et Paul Christophe rapporteurs de la mission d'information sur la semaine de quatre jours.
Présences en réunion
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Clémentine Autain, M. Joël Aviragnet, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Laurence Cristol, M. Dominique Da Silva, Mme Christine Decodts, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Ingrid Dordain, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, Mme Marina Ferrari, Mme Caroline Fiat, M. Philippe Frei, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, M. Jérôme Guedj, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Marie Lebec, M. Laurent Leclercq, Mme Katiana Levavasseur, Mme Delphine Lingemann, Mme Christine Loir, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Paul Molac, M. Yannick Monnet, M. Yannick Neuder, M. Laurent Panifous, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Sébastien Peytavie, Mme Josy Poueyto, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, Mme Corinne Vignon, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry
Excusés. – M. Thierry Frappé, Mme Justine Gruet, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Assistaient également à la réunion. – M. Thibault Bazin, M. François Ruffin, M. Benjamin Saint-Huile