Pôle emploi regroupe 59 000 agents, si l'on inclut les contrats aidés et les contributeurs. Le nombre total des travailleurs sociaux, des accompagnateurs et des conseillers s'élève à 160 000 personnes. Pour relever le défi du plein emploi et de l'accompagnement de tous, nous avons besoin en effet de l'action des missions locales, des Cap emploi, des travailleurs sociaux – près de 30 000 d'entre eux travaillent dans les centres d'hébergement du secteur de l'accueil, hébergement, insertion –, des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, des maisons de l'emploi, des acteurs de l'insertion par l'activité économique, des acteurs du handicap... Pour apporter une réponse personnalisée et globale à chaque demandeur d'emploi, il faut organiser une meilleure coopération pour éviter des doublons et des ruptures dans les parcours. Le rôle des collaborateurs de Pôle emploi est fondamental dans la mise en œuvre de la réforme, mais n'oublions pas qu'ils peuvent s'appuyer sur l'ensemble de ces acteurs, dans les territoires.
Un de nos défis est de faire en sorte que « ne laisser personne au bord de la route » ne soit pas seulement un slogan et que l'inscription à France Travail débouche sur la réalisation d'un certain nombre d'actions – le « aller vers ». Nous accompagnons les personnes en situation de handicap et les jeunes : nous avons noué des partenariats et fait des propositions, qui ont été déclinées de façon opérationnelle. Nous avons institué une collaboration avec les lycées professionnels – je pense notamment à Avenir pro. Près de 100 000 jeunes éprouvent des difficultés d'insertion professionnelle. Aussi travaillons-nous avec les missions locales pour leur proposer un accompagnement anticipé plutôt que de les laisser se fracasser sur les réalités du marché du travail. Nous travaillons également sur l'accompagnement des étudiants décrocheurs et l'insertion professionnelle après l'université.
Nous avons noué un partenariat avec l'Office français de l'immigration et de l'intégration et les associations pour mieux accompagner les personnes réfugiées.
Nous souhaitons assurer un meilleur accompagnement des personnes en situation d'inaptitude, qui ont subi un traumatisme et ont besoin de se reconvertir. Il faut aller au-devant d'elles plutôt que d'attendre qu'elles arrivent au guichet de Pôle emploi. On y gagnera beaucoup en prévention et en efficacité du service public.
L'accompagnement – et c'est particulièrement vrai dans le monde rural – n'est pas une simple adéquation entre des offres d'emploi et des candidatures : il s'agit souvent aussi de formation, de déblocage de certains freins, de mobilité, de santé, de logement ou de garde d'enfants – 34 % des bénéficiaires du RSA sont en effet des parents isolés, et souvent plutôt des mamans isolées –, et il est indispensable de répondre concomitamment aux problèmes sociaux et aux besoins de la recherche d'emploi.
Cela suppose un meilleur repérage des difficultés dès l'entrée, de telle sorte que l'inscription et le diagnostic sont importants pour permettre d'orienter ultérieurement les personnes accompagnées vers de bonnes solutions sur les territoires. Nous avons engagé, à cet égard, un travail visant à donner de la visibilité à l'ensemble des solutions d'accompagnement en matière de logement, d'illettrisme ou d'illectronisme. Dans cette perspective, l'outil Dora – Découvrir, orienter, renseigner, accompagner – indexe déjà sur vos territoires plusieurs dizaines de milliers de services dans ce domaine. Il y a là un véritable enjeu. En évoquant tout à l'heure l'Académie France Travail, je voulais souligner l'importance du développement de l'interconnaissance entre les acteurs, qui doit permettre à un travailleur accompagnant dans le domaine du logement et à un conseiller de Pôle emploi ou de la mission locale intervenant dans les domaines de l'information ou de l'emploi de mieux travailler ensemble.
Pour ce qui est de savoir comment permettre à toutes les entreprises de bénéficier des services de Pôle emploi, j'insisterai d'abord sur le fait qu'en quelques années, grâce aux actions menées par les équipes de cette structure, le taux de satisfaction des entreprises qui recourent à ses services est passé d'environ une entreprise sur deux à plus de 83 %. Cependant, les TPE et petites entreprises ont moins le réflexe de recourir à Pôle emploi – elles sont un peu plus d'un quart à le faire – que les entreprises de plus de cent salariés. C'est donc pour accompagner les entreprises que nous proposons la prospection.
Il faut également mieux travailler en coopération avec les chambres de commerce et d'industrie, les chambres de métiers et de l'artisanat, les chambres d'agriculture et l'ensemble des branches professionnelles, et s'appuyer aussi sur les 4 000 conseillers entreprises spécialisés que nous retrouvons dans les opérateurs de compétences pour donner de la visibilité aux services de Pôle emploi afin d'en faire bénéficier l'ensemble des TPE et des PME. De fait, les services sont bons, mais ils doivent maintenant être plus accessibles.
Quant à l'efficacité du système, sur laquelle s'interrogeait M. Viry, elle tiendra aussi à notre capacité à simplifier. Il ne suffit pas, en effet, d'avoir des dispositifs efficaces : il faut aussi qu'ils soient accessibles et simples. C'est le cas, entre autres, de l'immersion, aujourd'hui dénommée période de mise en situation en milieu professionnel, ou PMSMP – acronyme certes peu propice à faciliter l'accès d'une TPE ou PME à ce service. Comment l'appeler immersion ? Comment éviter les formulaires Cerfa et la charge administrative en simplifiant son accès ? C'est ce que permet l'« immersion facile », qui permet à une entreprise de recourir à ce service en cinq minutes.
Comme on l'a vu dans le cadre du plan en faveur des demandeurs d'emploi de longue durée, l'immersion professionnelle permet d'augmenter de 20 points les chances de retour à l'emploi. L'efficacité passera donc aussi par le pragmatisme : il faudra regarder concrètement ce qui fonctionne et comment on peut le déployer, en s'assurant de le faire à hauteur d'usager.
J'étais, voilà quelques jours, à Perros-Guirec avec la plupart des représentants des entreprises, TPE et PME pour voir comment mieux embarquer les entreprises dans la gouvernance, qui est l'une des préoccupations centrales du projet de France Travail. Les gouvernances sont aujourd'hui très émiettées, organisées plutôt par compétence que par objectif, et souvent assez éloignées de l'action qui se déroule, en matière d'emploi, sur les bassins de vie et les bassins d'emploi. La mise en place des comités locaux est un travail qui sera construit avec les services de l'État dans le cadre du conseil national des parties prenantes.
Sans préempter ce débat, je peux vous dire que notre approche s'appuie sur les expérimentations en matière de RSA et sur les protocoles engagés non seulement dans la région Centre-Val de Loire, que vous avez citée et dont je salue l'engagement, mais aussi dans les Hauts-de-France, les Pays de la Loire, la Bourgogne-Franche-Comté et la Bretagne, ainsi que dans le Grand Est, avec qui nous sommes en discussion, ou dans le Sud. C'est en travaillant avec ces comités que nous testerons, dans les mois qui viennent, les modalités propres à faire en sorte qu'il y ait, au niveau du bassin d'emploi, un comité unique centré sur deux objectifs simples. Le premier est de savoir qui sont les demandeurs d'emploi sur le territoire et comment, selon leurs particularités, leur proposer un accompagnement adapté. Le second, quelles sont les entreprises du territoire qui ont des difficultés de recrutement et comment nous assurer de réduire le nombre d'offres non pourvues.
Pour y parvenir, les opérateurs de l'emploi – Pôle emploi, Cap emploi et les missions locales – doivent mieux travailler main dans la main, comme cela a déjà été dit, mais il faut aussi, à l'échelon des gouvernances, que l'État et les régions territorialisent les moyens consacrés à la formation par l'État pour les rendre accessibles à l'échelle des bassins d'emploi, et que les départements mettent eux aussi en commun, à ce même niveau, les moyens dont ils disposent pour assurer l'insertion sociale des personnes visées. Nous commençons à mettre en place ces tests dans les dix-huit départements pilotes de ces régions : forts de cet apprentissage sur le terrain, nous pourrons déployer progressivement une gouvernance beaucoup plus efficace, éclairée par des données partagées.
Pour ce qui est du bilan des expérimentations sur le RSA prévues par le texte dont Mme Le Nabour a été corapporteure avec M. Paul Christophe, j'observe depuis un an que le fait de travailler ensemble permet de bâtir de la confiance. Ainsi, depuis que nous travaillons ensemble, les départements sont revenus des inquiétudes qu'ils avaient conçues en entendant, voilà un an, parler pour la première fois de France Travail. Lorsque j'évoquais, dans mon propos liminaire, une cause partagée, j'entendais que nous avons tout un intérêt à ce qu'il y ait moins de bénéficiaires du RSA et à ce qu'ils aient plus d'opportunités pour retrouver un travail. Nous le faisons dans dix-huit départements, avec des orientations diverses, ainsi que dans les outre-mer et dans des territoires tant urbains que ruraux, où cette démarche est source de nombreux apprentissages.
La première constatation est que l'on peut accélérer les choses en outillant mieux les équipes. Ainsi, comme l'indique le rapport, à Tourcoing, dans le Nord, alors qu'il fallait 150 jours entre l'inscription au RSA et le premier entretien avec un référent, il faut désormais moins de 15 jours pour disposer d'un diagnostic réalisé par un travailleur social et un conseiller Pôle emploi, puis huit jours pour être face à un référent. Cette réduction du délai de 150 à 20 jours est un changement concret pour les bénéficiaires du RSA.
La deuxième chose que nous disent les travailleurs sociaux et les conseillers Pôle emploi, et qui se vérifie pratiquement dans les dix-huit départements, est que le fait de travailler ensemble leur permet de répondre à l'ensemble des questions et des problèmes posés par les bénéficiaires du RSA, ce qui les conforte dans leur action.
En troisième lieu, on voit changer le taux d'orientation : alors que 40 % seulement des bénéficiaires du RSA étaient inscrits à Pôle emploi, le taux d'orientation vers de l'emploi ou du socioprofessionnel est désormais, selon les départements, de 80 % à 85 %, parce que le regard du conseiller de Pôle emploi ou de la mission locale permet d'entrevoir, derrière les difficultés sociales, des possibilités d'insertion professionnelle.
Je veux enfin souligner que tout ne sera pas parfait d'un coup. De fait, vous savez mieux que personne à quel point ces actions sont difficiles et combien diffèrent, d'un territoire à un autre, les pratiques, les cultures et les modes de fonctionnement. Faire du sur-mesure à grande échelle suppose aussi d'accepter de prendre le temps d'en tirer des apprentissages. C'est ce que nous faisons à propos du RSA. Nous avons toutefois, depuis le 9 novembre, mis toutes les données à la disposition des départements et de l'ensemble des équipes qui travaillent sur les expérimentations. Ce partage des données permet de savoir qui nous accompagnons et quelles sont les situations et les actions mises en œuvre.
Nous avons également intégré la déclaration sociale nominative, engagement évoqué lors de son audition par M. Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion. Ce dispositif permet de connaître la nature du retour effectif à l'emploi et le contexte dans lequel il s'opère. Chaque semaine, chaque mois, nos équipes accompagneront l'évolution de ces outils, qui fonctionnent parce que ce ne sont pas la haute admiration et les grands chefs qui prennent les décisions, mais ceux qui, sur le terrain, expliquent ce dont ils ont besoin pour mieux remplir leur office. Cette culture et ce mode de fonctionnement garantiront une meilleure efficacité du service public de l'emploi, à laquelle vous avez été nombreux à aspirer.
Pour ce qui est des moyens financiers, je rappelle qu'une trajectoire de 300 millions d'euros a été confirmée pour l'opérateur France Travail en 2024, et qu'elle sera de 500 millions en 2025, de 750 millions en 2026 et de 1 milliard en 2027.
Au-delà de ceux qui ont été consacrés à France Travail, des moyens sont également destinés au plan d'investissement dans les compétences, qui a été renouvelé – c'était l'une des aspirations collectives qui remontait du terrain et que j'avais relayée dans le rapport sur France Travail. L'État y consacrera, 3,9 milliards d'euros parallèlement à l'effort des régions, et des discussions sont en cours avec chacune de celles-ci pour l'élaboration de ces nouveaux plans régionaux d'investissement dans les compétences. Ces actions suscitent deux préoccupations et fournissent deux enseignements par rapport au cycle précédent : il conviendra de mieux centrer le dispositif sur les besoins des entreprises en termes de formation aux métiers. Dans le numérique, par exemple, 52 % des formations accèdent à un métier, alors que, compte tenu des tensions que connaît ce secteur, lorsque les préparations opérationnelles à l'embauche et les formations répondent aux besoins des entreprises, le taux est de plus de 90 %. C'est cela aussi, le pilotage aux résultats : il s'agit d'affecter les moyens là où ils sont efficaces pour les entreprises et répondent aux besoins des demandeurs d'emploi.
L'accompagnement rénové des allocataires du RSA est réalisé de manière itérative. L'année dernière, le montant était de l'ordre de 20 millions d'euros répartis sur les dix-huit départements concernés. Le ministre Dussopt est en train de mettre en place avec les 103 départements une contractualisation France Travail, à laquelle seront consacrés 170 millions en 2024, à la fois pour accompagner chacun des départements de France pour pouvoir préparer pour le 1er janvier 2025 les bonnes conditions de mise en œuvre du projet de loi que vous avez voté, et pour accompagner la montée en puissance des expérimentations dans d'autres départements. En effet, nombre de ceux qui se sont engagés souhaitent proposer ce mécanisme à d'autres bassins d'emploi et de nombreux autres, qui ne faisaient pas partie de l'expérimentation, ont demandé à y entrer dès 2024.
L'accompagnement des seniors est évidemment un enjeu mais, comme pour tous les autres types de publics, il convient de proposer des accompagnements adaptés. En effet, si le taux de chômage des seniors est plus faible, la durée du chômage est, pour cette catégorie, quasiment double de la moyenne. Une négociation et des discussions sont en cours avec les partenaires sociaux, qui formuleront des propositions, auxquelles nous serons particulièrement attentifs. Si vous m'accordez votre confiance, je veillerai particulièrement à ce que nous puissions formuler des propositions en vue de la prise en charge des seniors.
Pour ce qui concerne la mobilité dans la ruralité, un test a été engagé sur trois communautés de communes dans le Pas-de-Calais, à Meaux et en Bretagne.
Quant aux logiciels, à propos desquels une question m'a été posée pour les Yvelines, nous n'imposons pas de démarche a priori. Pour les départements qui disposent de leurs propres outils, nous travaillons à l'interconnexion des données pour assurer l'accompagnement et éviter les redondances. D'autres départements choisissent, à l'inverse, d'utiliser les outils que nous développons avec France Travail et que nous mettons à leur disposition s'ils le souhaitent. Les deux solutions sont possibles, l'important étant que les données puissent être partagées afin de permettre un continuum dans la mise en œuvre du parcours.