Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 10h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à neuf heures trente.

La commission auditionne Mme Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre, sur le rapport de la Cour des comptes relatif aux soins palliatifs, communiqué à la commission des affaires sociales en application des dispositions de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

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Madame la présidente, en application des dispositions de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières, la Cour nous a remis en mars dernier un rapport sur la pédopsychiatrie et nous attendons un rapport sur la formation médicale continue qui nous sera remis en mai prochain. La commission vous avait également demandé un rapport sur les soins palliatifs en France, ceci afin d'évaluer, entre autres, le cinquième plan national de développement des soins palliatifs pour 2021 à 2024, lancé sous le précédent quinquennat par le ministre des solidarités et de la santé, M. Olivier Véran. Cette demande était liée aux travaux de notre mission d'évaluation de la « loi Claeys-Leonetti » et de la convention citoyenne sur la fin de vie, dans la perspective d'une prochaine réforme législative sur ce sujet. Ce rapport était donc très attendu et je vous remercie d'être venue nous le présenter ce matin. J'indique que conformément à l'usage, celui-ci a été diffusé hier à l'ensemble des commissaires.

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Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes

J'ai l'honneur et le plaisir de vous présenter ce matin le rapport issu de l'enquête de la Cour des comptes qui porte sur l'organisation des soins palliatifs en réponse à une demande faite il y a presque un an jour pour jour au titre de l'assistance de la Cour au Parlement, en application de l'article L.O. 132-3-1 du code des juridictions financières.

Le premier président n'a pas pu vous présenter ce rapport lui-même puisqu'il se trouve en ce moment même au Sénat pour présenter le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques. Se trouve à mes côtés l'équipe qui a réalisé ce rapport : M. François de La Guéronnière, président de section, Mme Juliette Méadel, conseillère référendaire, Mme Alice Lapray, conseillère référendaire en service extraordinaire et M. Alexandre Picard, vérificateur.

Pour cette enquête, la Cour a réalisé un diagnostic des besoins et de l'offre des soins palliatifs depuis 2015. Elle a évalué la dépense publique y afférente ainsi que son évolution et a proposé une analyse des forces et des faiblesses de l'organisation de l'accès aux soins palliatifs du point de vue des patients et du point de vue de l'organisation de la gouvernance administrative nationale et territoriale. Votre saisine est intervenue dans le contexte général du débat public sur la fin de vie. Si la problématique de l'accès aux soins palliatifs est liée au débat en cours sur le suicide assisté, question éminemment éthique, elle ne relève pas du champ de la compétence de la Cour, qui ne se prononce donc pas dans ce rapport sur la question de l'aide active à mourir.

Dressons un premier constat, et non des moindres : la France a progressé depuis quinze ans en ce qui concerne l'accès aux soins palliatifs à l'hôpital. Nous avons comparé les résultats depuis les deux précédents rapports de la Cour, celui de 2007 et celui de 2015. Nous constatons que les progrès sont nets et le classement de la France par rapport aux autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) s'est amélioré. En revanche, s'agissant de l'offre de soins palliatifs dits de ville et à domicile, y compris en Ehpad, l'offre est toujours aussi lacunaire. C'est plutôt de ce côté que se situent les problèmes. Pour entrer de manière un peu plus détaillée et approfondie dans l'évaluation de l'offre disponible, nous avons commencé par effectuer un travail essentiel, mais délicat : l'estimation des besoins. Les besoins se sont stabilisés depuis une quinzaine d'années. Pour estimer le niveau et l'évolution du nombre de personnes susceptibles d'avoir besoin de soins palliatifs, la Cour a retenu une méthodologie utilisée par l'Institut national de santé du Québec, mais dont l'estimation doit être considérée comme un plafond des besoins. Il s'agit cependant d'une méthode fiable permettant d'estimer des besoins pour lesquels il n'existe aucune donnée.

Ces besoins estimés, j'insiste, estimés de soins palliatifs semblent s'être stabilisés de 2008 à 2017. L'augmentation du nombre de patients nécessitant une prise en charge palliative a été moins rapide que l'augmentation totale des décès, ce qu'ils expliquent en partie par les progrès scientifiques réalisés en matière de prise en charge, notamment de patients atteints de cancers. Ils ont permis d'augmenter les chances de survie en cancérologie. Ces maladies se sont chronicisées : on vit avec plus longtemps et moins mal qu'avant. En revanche, les perspectives sont préoccupantes.

En effet, le nombre de personnes susceptibles d'avoir recours à des soins palliatifs va croître sous l'effet du vieillissement de la population. Le nombre de personnes de 75 ans et plus va augmenter d'environ 60 % dans les vingt prochaines années. Les perspectives démographiques à venir laissent donc présager une augmentation significative, d'environ 23 %, des besoins de soins de soins palliatifs durant les vingt prochaines années. Faute de connaître précisément l'offre disponible et son adéquation aux besoins estimés, nous avons mobilisé les systèmes d'information disponibles, mais force est de constater que ceux-ci sont parcellaires. Si, à l'hôpital, le système d'information permet de recenser de manière assez fiable les personnes ayant bénéficié d'une prise en charge palliative, a contrario, en ville et en Ehpad, la statistique ne le permet que très imparfaitement. Le constat est cependant clair : l'offre de soins palliatifs a essentiellement augmenté à l'hôpital, même si les disparités territoriales sont toujours présentes. Je souligne qu'en 2017, environ 4 000 lits de soins palliatifs manquaient. Pour les soins palliatifs en ville à domicile et en Ehpad, l'offre demeure très lacunaire, même si l'offre à domicile, qui résulte de l'hospitalisation à domicile (HAD), a significativement augmenté. Les différents indicateurs – densité de l'offre globale en soins palliatifs, soins palliatifs prodigués dans les hôpitaux ou encore consommation d'opioïdes – montrent que la France se situe en moyenne dans la première moitié du classement des pays de l'OCDE, alors qu'en 2015, elle était plutôt la mauvaise élève de la classe. L'offre hospitalière de soins palliatifs a augmenté de près de 30 % depuis 2015.

Au sein des pays de l'OCDE, la France présente le cinquième meilleur taux de recours aux soins palliatifs hospitaliers parmi les personnes décédées de 65 ans et plus. Toutefois, 48 % des patients ayant besoin de soins palliatifs y ont accès, et ce, principalement grâce à l'hôpital. Nous avons évalué le coût global des soins palliatifs à 1,45 milliard d'euros en 2021. Les dépenses sont essentiellement structurées par l'offre hospitalière, y compris l'hospitalisation à domicile. Les dépenses de soins palliatifs relèvent pour la majeure partie des séjours hospitaliers. L'hospitalisation à domicile représente à elle seule plus de la moitié des dépenses hospitalières. Pour les lits de soins palliatifs et les unités de soins palliatifs, les dépenses ont été en légère diminution entre 2017 et 2021, notamment pour les séjours en lits identifiés de soins palliatifs (Lisp), malgré l'augmentation du nombre de lits et du fait d'une diminution du nombre de patients, ce qui est cohérent avec notre premier graphique sur l'évolution des besoins. Les journées d'hospitalisation à domicile, quant à elles, sont en augmentation de plus de 60 % et restent la principale source de dépenses. La dépense publique sera en augmentation dans les années à venir en raison du choc démographique.

S'agissant de l'organisation des soins palliatifs, le constat est clair : la stratégie des pouvoirs publics est peu lisible et les outils de pilotage sont fragiles. Si la politique de déploiement de soins palliatifs est plus volontaire, comme le montre l'existence depuis de longues années d'une planification pluriannuelle, elle manque d'outils de pilotage efficaces, de telle sorte que les administrations nationales, aussi bien que régionales, ont du mal à la mettre en œuvre. Dans cette optique, je souligne que les trois derniers plans pluriannuels ne sont pas dotés d'objectifs stratégiques clairs et mesurables.

La Cour ne réclame pas la mise en place de dizaines d'indicateurs, au risque d'alourdir le pilotage et de bureaucratiser l'ensemble, mais simplement l'identification de quelques grands objectifs nationaux, simples à suivre et chiffrés. Un objectif quantitatif de progression de l'offre de soins doit ainsi être conçu. Des objectifs calendaires manquent également à ces plans. Comment projeter l'action publique si celle-ci ne s'inscrit pas dans le temps avec des bornes temporelles claires ?

Par ailleurs, la cohérence des plans de santé publique entre eux mérite d'être revue. La stratégie nationale de santé, par exemple, n'intègre pas le plan pluriannuel sur les soins palliatifs, alors même que le lien entre eux est essentiel. Le plan cancer ne fait pas non plus référence à ce plan pluriannuel. Nous relevons par conséquent un manque de cohérence des plans entre eux. Le pilotage des soins palliatifs mérite également d'être revu. La Cour estime qu'il est nécessaire de le confier à la seule direction générale de l'offre de soins (DGOS). En région, les agences régionales de santé (ARS) doivent être confortées dans leur rôle de pilote et les soins palliatifs doivent être mieux intégrés dans les schémas régionaux de santé, notamment avec l'ajout d'objectifs chiffrés de développement des soins palliatifs.

Enfin, le financement des soins palliatifs souffre d'un manque de lisibilité. La clarté et la lisibilité du financement de l'offre de soins méritent d'être renforcées. Tout d'abord, la cotation en soins palliatifs à l'hôpital mériterait d'être évaluée. La Cour recommande donc qu'une étude approfondie des coûts des soins palliatifs à l'hôpital soit conduite afin d'évaluer la pertinence de leur tarification actuelle, objet de critiques récurrentes.

Nous ne nous prononcerons pas sur la tarification hospitalière des soins palliatifs tant que nous n'aurons pas une comptabilité analytique permettant d'en connaître précisément les coûts. Il n'est pas envisageable de parler de surcotation ou de sous-cotation de la tarification hospitalière des soins palliatifs tant que nous n'aurons pas les résultats de cette étude. La Cour note également qu'en dépit de déclarations volontaristes, les crédits de financement prévus par le dernier plan pluriannuel sont en diminution de 10 millions d'euros par rapport au plan précédent.

La communication et l'information du grand public sont à renforcer. Il faut en particulier inciter les Français à rédiger leurs directives anticipées. Les directives anticipées prévues par la loi du 2 février 2016 permettent à toute personne majeure, si elle le souhaite, de faire une déclaration écrite portant sur les conditions de fin de vie, notamment sur les soins médicaux qu'elle désire à ce moment, et ce, quel que soit son état de santé. La promotion des directives anticipées doit ainsi permettre une mise en place plus fluide des soins palliatifs, notamment vis-à-vis du corps médical. Cependant, en France, les directives anticipées ne sont pas répandues. Selon un sondage BVA de janvier 2021, seuls 18 % des personnes interrogées indiquent qu'elles ont rédigé les leurs.

Il importe donc de renforcer les campagnes de communication et de sensibilisation du grand public. Dans la même perspective, l'éducation thérapeutique à destination des aidants des patients en fin de vie pourrait être impulsée. De nouvelles modalités d'intervention pourraient être envisagées pour faciliter le recours à des bénévoles.

Le rapport s'attache ensuite à examiner les parcours de soins des patients et l'effectivité de l'accès aux soins palliatifs. À l'hôpital, alors que la circulaire de référence sur les soins palliatifs date de 2008, en cours de refonte, et que cette circulaire prévoit l'organisation des soins à l'hôpital en trois niveaux, l'analyse des parcours de soins montre qu'il existe peu de liens entre ces niveaux et que les prises en charge sont parfois inadaptées. Hormis les unités de soins palliatifs qui accueillent une part de leurs patients en provenance d'autres services d'hospitalisation, les patients hospitalisés en soins palliatifs viennent en grande partie directement du domicile et finissent leurs jours dans ces services malgré des recommandations cliniques de prise en charge des charges précoces en soins palliatifs. Le passage aux urgences est fréquent pour une part significative des patients.

Les patients hospitalisés pour un diagnostic soins palliatifs dans des lits classiques de médecine générale ou de chirurgie non spécialisée dans les soins palliatifs se voient prodiguer plus souvent qu'en Lisp ou en unités de soins palliatifs des actes médicaux qui n'améliorent pas la qualité de leur fin de vie. Le rapport démontre l'importance des besoins en soins infirmiers pour les patients nécessitant des soins palliatifs et admis à l'hôpital en Lisp. Malgré l'intensité de ces besoins, les moyens humains qui devraient y être associés ne sont pas toujours effectifs.

En unités de soins palliatifs, l'écart important entre le taux d'encadrement indicatif mentionné par une circulaire du ministère de la santé de 2008 et les effectifs présents dans les services appelle un contrôle renforcé du respect de ce taux d'encadrement. La diminution du nombre de visites à domicile des médecins traitants et la faiblesse de leur formation sur la question des soins palliatifs ainsi que l'insuffisance du nombre de médecins coordinateurs en Ehpad freinent le développement des prises en charge sur ces lieux de vie. Pour permettre un égal accès sur le territoire des patients aux soins palliatifs, en particulier à ceux qui ne peuvent accéder aux soins proposés en hôpital de jour, il est proposé d'expérimenter un forfait soins palliatifs en ville ouvrant droit à des séances de professionnels libéraux en dehors de ceux déjà remboursés par l'assurance maladie.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de créer un acte spécifique soins palliatifs pour les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad). Ce serait également une manière de mieux connaître ce qu'il est difficile aujourd'hui d'appréhender : le poids des actes de soins palliatifs en ville. Dans les Ehpad, un plan de formation des auxiliaires médicaux paraît indispensable pour développer les compétences dans ses prises en charge. La Cour estime à 56 millions d'euros le coût de la formation de la moitié de ce personnel, soit un peu plus de 100 000 personnes.

Enfin, le déploiement sur l'ensemble de territoires d'équipes mobiles de soins palliatifs intervenant au domicile est nécessaire pour permettre d'améliorer ces prises en charge, de même que l'autorisation à donner pour les médecins de ces équipes de prescrire en cas d'empêchement du médecin traitant.

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Je vais passer la parole aux orateurs des groupes.

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Dans notre mission d'évaluation de la loi Claeys-Leonetti, avec mes collègues Caroline Fiat et Olivier Falorni, avec nos petits moyens de parlementaires, nous convergeons vers vos constatations. J'en viens directement sur les questions financières et d'organisation à l'hôpital et en ville.

Nous avons effectivement demandé d'élaborer des indicateurs pour l'adéquation entre l'offre et les besoins tels que vous les avez évalués dans les années à venir. Je rappelle que le droit d'accès à des soins palliatifs date de 1999 et que fort heureusement, nous rattrapons du retard. Il était en effet grand temps de le faire. Dans ce rapport, nous revenions sur la question de la tarification à l'acte dans les établissements, avec, comme vous le proposez en ville, un modèle qui associerait un forfait et un taux lié à l'activité. Nous insistions également sur la traçabilité des budgets des services de soins palliatifs dans l'ensemble des budgets hospitaliers pour que l'affectation soit effectivement possible à suivre. En ce qui concerne le domicile, nous avions effectivement souligné la nécessité d'envisager une nouvelle tarification des consultations longues pour les ergothérapeutes ainsi que pour le suivi psychologique.

Nous convergeons donc vers cet aspect tout en soulignant l'importance de la formation initiale avec des études spécialisées et une spécialité d'infirmiers, avec la nécessité de lancer une campagne de recrutement et de valorisation des métiers des soins palliatifs et d'établir véritablement une culture de soins palliatifs, incluant plusieurs chapitres pendant les études, des échanges interprofessionnels et en amont de chaque parcours de soins avant le moment difficile de la vie où l'on doit entrer en soins palliatifs.

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Madame la présidente, depuis votre précédent rapport de 2015 sur le sujet, les conclusions de celui que vous nous présentez ce matin affirment que l'offre de soins palliatifs a augmenté de près de 30 %. Si l'offre de soins palliatifs a essentiellement augmenté à l'hôpital, en lits spécialisés ou en unités de soins palliatifs, vous reconnaissez que l'offre de soins à domicile demeure très insuffisante et quasiment inexistante dans les établissements médico-sociaux. Les pouvoirs publics doivent développer cette offre complémentaire à celle de l'hôpital, et en particulier à domicile et en établissement médico-social.

Vous mettez également en lumière les disparités territoriales toujours extrêmement présentes, ce qui n'est pas digne d'un pays comme le nôtre. Vous affirmez ce que nous ne cessons de répéter depuis des mois : les besoins estimés de soins palliatifs ne sont couverts qu'à hauteur de 50 %, alors même que le droit d'accès aux soins palliatifs reconnu par la loi Claeys-Leonetti de 2016 suppose une couverture de la totalité des besoins, et ce, malgré l'adoption de cinq plans pluriannuels de développement des soins palliatifs. Une politique publique plus volontaire est nécessaire pour diffuser la culture palliative. On ne peut que constater un manque de stratégie globale et l'insuffisance des outils de pilotage. Vous vous interrogez également sur le financement, parfois peu lisible et peu représentatif, de la réalité des coûts de soins prodigués.

Permettez-moi de rappeler que la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) estime que les moyens pour un véritable accès aux soins palliatifs sur tout le territoire s'élèveraient à 800 millions d'euros par an ; en 2022, seuls 10 millions d'euros y ont été consacrés.

Vous constatez l'échec de la politique de communication et d'information en direction du grand public, qui est pourtant essentielle pour sensibiliser l'opinion à la notion d'accompagnement palliatif de la fin de vie. Il est évident qu'une grande partie de la population qui semble vouloir aujourd'hui demander la légalisation de l'euthanasie exprime en réalité une puissante angoisse de souffrir et d'être abandonnée en fin de vie. Nos concitoyens ignorent leur droit d'être accompagnés en fin de vie de manière humaine. Ils pensent alors qu'il faut changer la loi. Les patients sont surpris quand on leur dit qu'ils ne sont pas obligés de poursuivre leur traitement, que l'obstination déraisonnable est interdite pour le médecin, que le soignant est obligé de tout mettre en œuvre pour soulager le patient même si cela doit raccourcir la vie.

Nous continuons à demander que les lois de 1999, de 2005 et de 2016 soient correctement appliquées avant d'envisager la moindre révolution en la matière.

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Nous saluons la grande qualité des travaux de la Cour des comptes sur les soins palliatifs. Vous soulignez des besoins encore largement non pourvus et votre diagnostic ainsi que vos préconisations sont très intéressants. Une première question porte sur la baisse des moyens accordés au développement des soins palliatifs. En effet, vous indiquez qu'après une augmentation continue au cours des dix années précédentes, les crédits du plan 2021-2024 ont enregistré une baisse de 10 millions d'euros par rapport au plan pluriannuel précédent.

Lors de vos éditions, avez-vous pu obtenir des éléments quant aux raisons qui ont conduit à cette baisse significative, qui tranchent volontiers avec la prétendue politique volontariste du Gouvernement en matière de développement des soins palliatifs ? En l'état actuel des financements prévus, le gouvernement pourra-t-il tenir ses promesses ?

J'aborderai par ailleurs plus spécifiquement la septième recommandation par laquelle vous suggérez d'« intégrer les prises en charge palliatives dans le nouveau modèle de financement des services de soins infirmiers à domicile ». Vous serez-il possible, madame la présidente, de développer un peu plus en détail la manière dont cette intégration pourrait avoir lieu opérationnellement ? Par quel vecteur et selon quel calendrier, de même pour le forfait soins de confort palliatifs que vous suggérez d'expérimenter ?

Enfin, ma troisième question concerne les associations de bénévoles. Leur rôle dans l'accompagnement des personnes en fin de vie est souvent méconnu. Je me réjouis donc de voir l'importance de leur action soulignée en page 56. Dans la synthèse de votre rapport, vous écrivez que « s'agissant des bénévoles, de nouvelles modalités d'intervention pourraient être proposées au bénéfice des patients qui recherchent, au-delà de l'appui médical, de la présence et de l'empathie humaines ».

Dans les faits, certaines associations de bénévoles critiquent l'actuel article L.1110-11 du code de la santé publique, qui dispose que l'accompagnement dans les soins palliatifs ne peut s'effectuer qu'en partenariat avec des établissements de santé. Elles font remarquer que sur le terrain, un tel cadre légal n'autorise qu'une intervention des bénévoles au chevet des personnes qui vivent leur fin de vie chez elles, que dans les seuls cas où ces personnes ont été hospitalisées à domicile. De nombreux malades en fin de vie resteraient dès lors sur le carreau. Partagez-vous ce constat ?

Si oui, pensez-vous qu'il pourrait être pertinent de permettre aux associations de bénévoles de signer une convention avec une équipe de soins primaires, un centre de santé, une maison de santé, un dispositif d'appui à la population et aux professionnels pour la coordination des parcours de santé complexes ou une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS) ? Voyez-vous d'autres moyens concrets qui pourraient être mobilisés afin d'aider les bénévoles ?

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Je tiens à saluer la qualité et la précision du rapport de la Cour des comptes sur les soins palliatifs. Votre étude est équilibrée, elle ne verse ni dans le misérabilisme ni dans l'angélisme. Elle affirme dans son titre un objectif auquel nous souscrivons : renforcer l'offre de soins palliatifs, même si nous savons qu'ils ne peuvent malheureusement pas répondre à toutes les situations ni à toutes les souffrances de malades de fin de vie. De nombreux aspects sont évoqués dans votre rapport et je n'ai malheureusement pas le temps de tous les aborder.

Vos nombreuses préconisations sont d'ailleurs en résonance avec les préconisations que la mission d'information sur l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti a pu formuler dans le cadre de cette commission des affaires sociales. Dans votre rapport, vous montrez que la situation générale est en amélioration et que l'offre hospitalière est en progrès notable, même si les inégalités d'accès aux soins palliatifs restent prégnantes et que les besoins restent encore notablement non pourvus.

Je tiens à insister sur un point noir particulièrement problématique que nous avions soulevé et que vous confirmez : l'accès aux soins palliatifs est encore trop hospitalo-centré et la prise en charge domicile demeure très nettement insuffisante. C'est un gros problème alors que cet aspect répond à une demande très majoritaire des patients. Celui-ci exige un développement des équipes mobiles de soins palliatifs pour permettre leur déploiement partout et pour tous, ainsi qu'un grand plan de formation en soins palliatifs pour les auxiliaires médicaux, particulièrement au sein des Ehpad.

Parmi vos recommandations, vous proposez l'expérimentation d'un forfait soins de confort palliatif pour les patients pris en charge à domicile, ce qui me semble très pertinent. Pourriez-vous nous apporter des éléments supplémentaires quant à cette proposition ?

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Je souhaite aborder le dernier point évoqué par Olivier Falorni dans la richesse des constats, des diagnostics et des pistes d'amélioration qui figurent dans le rapport. Vous-même évoquez l'angle mort des Ehpad : chaque année, un quart des décès concerne des personnes dont le dernier domicile était un Ehpad. Vous faites une mention, certes rare, à une prise en charge très insuffisante dans les Ehpad. Vous mettez en avant un chiffre de 77 % des Ehpad qui ont conclu des conventions avec des équipes mobiles de soins palliatifs. Dans le même temps, vous indiquez que seulement 6 400 résidents d'Ehpad ont bénéficié de cet accompagnement en soins palliatifs, 600 000 résidents, 150 000 décès – à moins que je n'aie mal compris. Je souhaiterais que vous explicitiez le point de difficulté en l'occurrence : est-ce dans les moyens alloués aux Ehpad ? Dans la formation ? Dans l'obligation ?

Avez-vous également pu tirer des enseignements de la situation particulière au moment du covid alors que les possibilités de prescrire du midazolam ainsi que d'autres substances par les équipes présentes se sont posées ?

Une seconde question plus générale nous ramène à l'hôpital, sur lequel vous vous êtes beaucoup concentrés. Je ne peux pas m'empêcher de constater que vous avez écrit qu'il fallait « un ratio d'encadrement patient en soins palliatifs par rapport aux soignants ».

C'est là une des propositions qui nous intéresse. Nous pensons quant à nous qu'il est nécessaire d'appliquer des ratios de soignants pour toutes les prises en charge à l'hôpital. Vous indiquez qu'il est indispensable d'agir de la sorte pour les soins palliatifs : s'agissant spécifiquement de ces soins, pensez-vous que des ratios d'encadrement soignants par rapport aux patients accueillis sur l'ensemble des services à l'hôpital soient nécessaires ?

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Ce rapport est passionnant, dense, précis et nous permet d'ouvrir ici un débat sur ce sujet important, même si les interventions sont rapides. Différents écueils ont été évoqués sur lesquels je ne reviendrai pas. Je tiens cependant à insister sur deux sujets.

Tout d'abord, je soulignerai l'inégale répartition de l'offre de soins palliatifs dans notre pays. La dernière édition de la classe de la fin de vie montrait que fin 2021, vingt et un départements restaient dépourvus de soins palliatifs. Face au nombre de décès annuels qui augmente, nous constatons effectivement le fossé qui se creuse.

Ce point a été repris par certains orateurs : le parcours de soins reste trop centré sur l'hôpital et est peu effectif en ville, ce qui nous amène à évoquer les difficultés de collaboration ou de coopération entre les uns et les autres et la nécessité d'aller au-delà ou d'accélérer. Vous insistez sur le rôle des CPTS, qui pourraient jouer un rôle important dans la structuration et le développement de l'offre de soins en ville, dans la prise en charge à domicile. Selon vous, ce quelle manière accélérer cette structuration via les CPTS ? Comment faire pour que la prise en charge à domicile puisse, de cette manière, se développer dans notre pays ?

J'aimerais poser une seconde question sur les soins palliatifs pédiatriques, qui sont souvent occultés dans notre pays. Vous les évoquez néanmoins dans votre rapport, en soulignant nota ment que le dernier plan 2021-2024 affiche l'ambition de création d'équipes régionales ressources en soins palliatifs pédiatriques, mais sans objectifs précis ni calendrier. Si la première unité de recherche dédiée aux soins palliatifs pédiatriques a vu le jour à Lyon, au centre Léon-Bérard, serait-il nécessaire, selon vous, de multiplier la création de ce type d'unité de recherche pour avancer dans un domaine aussi délicat que les soins palliatifs et la fin de vie des enfants ? Comment y parvenir ? Quels leviers permettraient de rendre cette prise en charge pour les enfants effective et plus efficace ?

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Nous devons aujourd'hui penser la fin de vie sous forme de politiques publiques à part entière, et non comme des parties, des compléments ou des accessoires d'autres politiques publiques. Je crois que c'est finalement ce que révèle le plus votre rapport. La fin de vie et les soins palliatifs sont considérés comme un complément de politique publique sur la santé ou sur la vieillesse, alors même que ce devrait être pensé à part entière. Les soins palliatifs pourraient être considérés comme faisant partie des droits fondamentaux des personnes en fin de vie, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui, où c'est simplement d'accès aux soins qu'il s'agit.

Si on les considère comme un droit fondamental de la personne, il faut pouvoir y accéder librement en proximité, à domicile ou en Ehpad. Un droit à la sédation pour qui le demande est absolument indispensable à l'heure où les progrès de la médecine font que nous prolongerons la vie, et c'est bien ainsi, au-delà de ce qui est naturel, ce qui génère évidemment des fins de vie plus longues, parfois plus douloureuses, souvent angoissantes. Les inégalités territoriales d'accès à des soins palliatifs font partie des injustices de nos sociétés comme d'autres formes d'injustice, mais celle-ci est particulièrement criante, ce que vous relevez dans votre rapport.

Autoriser de nouveaux droits en fin de vie, comme l'aide active à mourir, signifie et oblige même à un renforcement absolument considérable des soins palliatifs, de la formation, de la mise à disposition, et cela nécessite de trouver des moyens, du personnel, des lieux in fine, encore une fois, des politiques publiques qui ne soient pas uniquement au sein de politiques de soutien à l'hôpital ou aux services de santé. À ce titre, il est assez surprenant que les Ehpad soient parmi les angles morts de cet accompagnement de fin de vie, ce qui est très bien souligné dans votre rapport. Je vous remercie de le noter parce que nous nous battons ici pour que ces Ehpad soient parmi les acteurs importants de ce parcours de vie jusqu'à la fin.

Votre rapport nous permet d'envisager un certain nombre de mesures. Toutefois, compte tenu de l'arrivée du mur démographique, il faudrait que ces mesures deviennent une des priorités du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et des suivants. Au reste, à mon sens, dans le rapport, vous n'explicitez pas spécifiquement de quelle manière nous pourrions en faire une des priorités des prochains budgets et je vous pose donc la question.

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Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes

Je me réjouis d'entendre que les constats convergent eu égard aux remarques exprimées par M. Martin – j'ignore toutefois s'il faut s'en réjouir ou s'en désoler. Je tiens à revenir sur un point qui me paraît essentiel, sur un mot que vous avez prononcé : l'absence de culture en matière dede soins palliatifs en France. Il est vrai que tout au long de notre rapport, nous tentons de montrer l'importance de cette culture, aussi bien auprès des professionnels de santé, des médecins, des auxiliaires médicaux également, et de la nécessité impérieuse de former l'ensemble de ce personnel, mais également de former et d'informer le public mieux que cela n'est fait. En comparant avec d'autres pays d'Europe, nous observons que la culture en soins palliatifs est très en retard en France. Ce point me semble donc essentiel au-delà des constats que nous partageons sur les aspects plus précis ou plus techniques.

Mme Dogor-Such a mentionné la SFAP, qui a effectivement réalisé un chiffrage que nous n'avons pas commenté, et que nous n'avons pas à commenter. Nous avons pour notre part chiffré dans le rapport le montant nécessaire à l'augmentation des équipes mobiles de soins palliatifs, dont il nous semble qu'elles sont largement insuffisantes, notamment celles qui se déplacent vers le domicile, pour passer à 200 équipes mobiles supplémentaires. Nous avons chiffré ce coût à peu moins de 74 millions d'euros par an. Nous sommes au demeurant très loin du chiffre de 800 millions d'euros que vous avez cité.

Je citerai à nouveau un autre chiffre : 56 millions d'euros seraient nécessaires pour former aux soins palliatifs la moitié du personnel infirmier et auxiliaire médical qui intervient au domicile et en Ehpad. Dans cette optique, 112 millions d'euros seraient requis si nous devions former les 200 000 personnes concernées. Je souligne derechef que nous sommes très loin du chiffrage que vous avancez. Autrement dit, il est possible d'améliorer considérablement la prise en charge et l'offre de soins palliatifs, notamment à domicile, pour un coût certes important, mais qui n'a rien à voir avec ce chiffre, puisque nous sommes à 74 millions d'euros plus 56 millions d'euros pour les formations. Je tenais à rétablir ces données.

M. Bazin a mentionné une baisse de 10 millions d'euros. C'est une baisse, certes, mais c'est une baisse dans une enveloppe qui augmente. J'ai peut-être été un peu rapide en présentant les éléments. Nous disposons d'un plan soins palliatifs avec un certain nombre de moyens supplémentaires. Ce sont précisément ces moyens en plus qui diminuent dans le dernier plan par rapport au plan de 2015-2019. Il s'agit donc bien de moyens supplémentaires. J'ignore si cette remarque était émise de façon taquine ou si je m'étais mal exprimée. Ce point méritait toutefois d'être précisé.

En ce qui concerne les associations de bénévoles, un groupe de travail est en train d'être mis en place pour réfléchir à la généralisation du bénévolat et à la manière la plus intelligente d'ancrer ce bénévolat, de trouver une manière fluide de fonctionner avec les établissements de santé.

L'absence de critères sur les besoins en soins palliatifs a été évoquée. Ce sujet est pris en compte dans la réforme en cours du financement des Ssiad. Nous espérons que le sujet sera traité et que cette question sera résolue.

M. Falorni a abordé le forfait que nous proposons, un peu à l'instar de ce qui existe déjà. La question du forfait existe pour les enfants souffrant de troubles autistiques. Nous suggérons de reprendre le système du forfait soins d'accompagnement, soins de confort palliatifs, notamment pour englober toutes les prestations d'auxiliaires médicaux ou d'intervenants. Vous avez cité les ergothérapeutes au domicile. Il s'agit bien de cette idée d'une appréhension un peu holistique de l'ensemble des intervenants et des professionnels qui accompagnent le patient en soins palliatifs.

M. Jérôme Guedj s'est attelé à la question du plan de formation en soins palliatifs des auxiliaires médicaux et des infirmiers que j'ai évoquée précédemment, au moins la moitié de ce personnel qui intervient en soins palliatifs. Ce segment aurait un coût de 56 millions d'euros et nous appelons vraiment à ce plan de formation, d'autant plus que je rappelle que la formation est financée par ailleurs. Chacun a un plan formation et dispose de crédits formation qu'il peut utiliser, ce qui, de plus, ne pèse pas sur l'assurance maladie. C'est là un point important à conserver à l'esprit.

Les ratios de personnel soignant auprès des lits de soins palliatifs existent déjà et sont prévus dans la circulaire de 2008. Ce ratio prévoit un tiers d'équivalents temps plein (ETP) en plus par rapport à un lit banalisé de médecine générale ou de chirurgie, un tiers d'ETP en plus pour les Lisp et 50 % d'ETP en plus pour les unités de soins palliatifs. Nous soulignons une difficulté : ces ratios ne sont pas contrôlés et nous n'avons absolument pas pu obtenir l'assurance que ces moyens supplémentaires étaient effectivement déployés, alors même que la tarification les intègre. Il s'agirait donc plutôt d'un contrôle de l'effectivité des moyens mis autour des lits de soins palliatifs ou des unités de soins palliatifs. C'est la raison pour laquelle nous préconisons une étude sérieuse et détaillée de coûts des soins palliatifs à l'hôpital – j'ai insisté sur ce point dans ma présentation : pour qu'une tarification soit adaptée et pertinente, les coûts doivent être connus, ce qui n'est pas le cas à ce jour.

Concernant le développement des équipes mobiles dont j'ai souligné le coût, j'ai omis de mentionner un point majeur : donner la possibilité aux médecins de ces équipes mobiles de prescrire. Aujourd'hui, ces médecins ne peuvent pas prescrire et nous proposons qu'ils puissent prescrire notamment du midazolam.

Les chiffres que vous citez en Ehpad sont problématiques : relativement peu de patients en Ehpad ont bénéficié de ces équipes mobiles de soins palliatifs en dépit des conventions qui ont été signées. Je n'ai pas d'explication particulière à ce sujet. Nous avons constaté, et nous constatons comme vous effectivement, cette dichotomie, ce décalage entre les conventions signées et la réalité des soins palliatifs dispensés par des équipes mobiles auprès des résidents en Ehpad, sans avoir plus d'explications à ce stade. Dans ces conventions qui lient les Ehpad aux équipes mobiles, il convient, au-delà de ces équipes, de penser à un continuum de soins palliatifs, un parcours, une filière de prise en charge en ville entre médecins, infirmiers, Ssiad, HAD et Ehpad. Or, cette filière n'existe pas et les conventions afférentes, encore moins.

D'autre part, nous n'avons pas spécifiquement abordé les CPTS. Nous avons regardé les projets régionaux de santé (PRS), dont certains mentionnent les soins palliatifs mais d'autres ne les mentionnent pas du tout. Une partie de ces PRS est peu diserte sur les soins palliatifs. Au-delà des projets de santé, il est vrai que les CPTS pourraient s'emparer du sujet, ce qui n'est pas vraiment le cas aujourd'hui. Comme pour les autres, une formation serait d'une part nécessaire et il conviendrait d'autre part de pouvoir asseoir leur action en matière de soins palliatifs sur un projet régional de santé qui tient compte de ces questions. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.

Notre rapport observe d'ailleurs que les PRS fixent des objectifs, tout comme les plans nationaux fixent des objectifs quantifiés, précis et un calendrier de mise en œuvre ainsi que des moyens. J'ai eu l'occasion de le souligner dans mon propos.

En effet, si l'on veut être cohérent et si l'on veut que la loi Claeys-Leonetti soit appliquée, ce à quoi appelle le rapport de la Cour, commençons par appliquer la loi avant d'envisager autre chose. L'application de la loi demande des moyens supplémentaires que nous avons chiffrés dans le rapport, mais demande également des objectifs précis, un calendrier de mise en œuvre et donc le déploiement des moyens correspondants.

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Je vous remercie de ce rapport très clair, y compris dans les éléments de diagnostic et éventuellement de traitement. Vous y soulignez le problème de gouvernance, de pilotage, d'organisation administrative, de communication, ce qu'il est possible de retrouver dans de nombreuses politiques publiques et en particulier celle des personnes âgées. Nous ne sommes pas particulièrement surpris du diagnostic. Ceci est le témoin d'une volonté politique peut-être insuffisante, d'une mobilisation des acteurs et de la société elle-même qui reste insuffisante au regard des besoins, qui seront en augmentation nette ainsi que vous le soulignez. Néanmoins, vous indiquez également que de 2018 à 2021, l'hospitalisation à domicile a augmenté de 30 %, ce qui est somme toute satisfaisant. Certains argumentent que le développement des soins palliatifs devait précéder la loi sur la fin de vie. Nous sommes nombreux à penser qu'au contraire, les deux doivent aller de concert, la seconde étant un aiguillon nécessaire au développement des soins palliatifs.

Je ne suis pas certaine que si la loi sur la fin de vie n'avait pas été annoncée, nous serions aujourd'hui en train d'échanger sur les soins palliatifs. Votre rapport met en évidence les carences qui doivent être corrigées. Comment voyez-vous cette gouvernance ? À qui pourrait-elle être confiée, y compris dans une organisation administrative et politique ? Le volet administratif du développement des soins palliatifs n'est peut-être pas votre sujet mais sera le nôtre.

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Je vous remercie de nous avoir présenté ce rapport. Dans vos recommandations, vous insistez sur le caractère encore très insuffisant de la formation des médecins généralistes aux soins palliatifs. Vous indiquez notamment en page 74 de votre rapport que ce n'est qu'à l'issue de leur spécialité, au cours du troisième cycle seulement, que les étudiants en médecine peuvent suivre une formation spécifique transversale soins palliatifs avec une attractivité très faible, puisque vous mentionnez que sur les 107 places ouvertes en 2022, seules 60 ont été effectivement pourvues, et qu'entre 2019 et 2022, seulement 191 étudiants en France ont été formés.

Avez-vous interrogé des médecins, des associations de médecins, des syndicats de médecins ou le conseil de l'Ordre sur les raisons de ce désintérêt ? Celui-ci est préoccupant quand on sait que le médecin généraliste est justement le pivot de toutes les politiques publiques de médecine. Si les étudiants s'en désintéressent, nous comprenons mieux l'absence de culture de soins palliatifs que vous souligniez.

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Les constats de votre rapport, fort intéressants et qui nous seront fort utiles, sont préoccupants, pour reprendre votre expression. L'accès aux soins palliatifs est insatisfaisant à l'hôpital – vous parlez de 4 000 lits – et souffre d'importantes disparités territoriales. Les dispositifs de directives anticipées et de personne de confiance sont peu utilisés. La prise en charge à domicile, pourtant plébiscitée, reste encore trop faible. Quel constat faites-vous de l'organisation du déploiement de cette politique ? Pas de stratégie, pas de pilotage, pas d'objectifs, des financements épars et peu lisibles. Les constats sont toujours les mêmes et les réponses tardent à arriver malgré le fait que chaque année, lors du PLFSS, on aborde le sujet des soins palliatifs. Vous proposez que la DGOS s'empare de ce dossier, mais pourquoi cela n'arrive-t-il pas au « dernier kilomètre » ?

Et encore, si les soins palliatifs sont les parents pauvres de notre système de soins, que dire des soins palliatifs pédiatriques ? Cette question est occultée dans notre pays, malgré la souffrance des enfants victimes de pathologies incurables et de leurs familles qui les accompagnent et qui sont souvent désemparées. Ce sujet n'est d'ailleurs pas abordé dans le cadre de votre rapport. Pourtant, chaque année, ils sont plus de 6 000 à perdre la vie avant l25 ans, 3 000 avant la première année. L'offre de soins palliatifs pédiatriques doit être renforcée. Nous n'observons aucune unité spécialisée, très peu de lits dédiés à ces soins. On estime que moins de 30 % de ces enfants ont accès aux équipes mobiles régionales en soins palliatifs. Quelles sont vos recommandations pour renforcer cette offre de soins palliatifs pour les enfants ?

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Je vous remercie pour la présentation de ce rapport. Vous l'avez dit, les soins palliatifs nécessitent du temps et je salue la reprise de ma demande de suppression de la tarification à l'acte. Je crois cependant que nous nous devons d'aller plus loin dans la diminution de la part d'administratif pour nos soignants. Nous devons également opérer un changement de culture ; l'aspect curatif est très naturel chez les médecins eu égard à leurs études, mais la culture palliative doit être enseignée dès le début des études et les doyens doivent réussir à changer de paradigme pour se dire que la prise en charge palliative n'est pas une spécialité, mais qu'elle est l'affaire de tous. Nous devons du reste passer par une meilleure coordination, vous l'avez notifié.

Pourrions-nous nous interroger sur une meilleure implication des CPTS ou des contrats locaux de santé, pour un meilleur lien entre la ville et l'hôpital, mais également un meilleur maillage de notre territoire ?

Vous l'avez dit également : la prise en charge des accompagnants est essentielle, notamment à domicile. Il me semble que l'aspect associatif et bénévole doit prendre toute sa place dans ce sujet.

Ce vœu peut paraître pieux, mais l'ouverture d'unités est nécessaire dans chaque structure hospitalière. Au-delà, je crois plutôt à la pertinence des unités mobiles de soins palliatifs, qui ont un rôle de conseil et de formation auprès de l'ensemble des professionnels, ce qui reprend un peu ce que je mettais en avant dans la culture palliative que nous devons insuffler chez nos soignants. Cet aspect est transversal et chaque professionnel, à un moment dans sa vie, doit être confronté à cet accompagnement non seulement sur la fin de vie mais, bien avant, à l'accompagnement de la douleur et à la gestion des pathologies chroniques. Il faudra être vigilant à ce que la diminution des moyens alloués ne vienne pas percuter ces structures, mais qu'au contraire, nous parvenions à renforcer le lien entre les unités mobiles et les professionnels qui travaillent dans les structures médico-sociales comme les Ehpad ou la prise en charge des personnes en situation de handicap.

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Je tiens à m'associer à mes collègues et à vous remercier pour cette étude très utile pour nos travaux à venir, qui fait finalement un constat en demi-teinte, puisque vous relevez une augmentation de 30 % de cette offre, toutefois avec une couverture à 50 % des besoins. Le constat est également nuancé sur l'action de la puissance publique, puisque vous reconnaissez un volontarisme politique fort depuis vingt ans, mais vous regrettez également une forme d'inefficacité de cette action à la fois du fait d'un pilotage peu lisible, mais également mal structuré.

Vous faites par ailleurs un constat, que nous pouvons regretter ici, qui est celui de l'iniquité d'accès, iniquité d'accès géographique, mais aussi dans le mode d'accompagnement, qu'il s'agisse des personnes qui sont accompagnées dans des Ehpad, mais également des personnes en situation de handicap. Il m'est en effet remonté que dans un certain nombre d'établissements, les usagers sont effectivement mal accompagnés lorsqu'ils sont en fin de vie, ce qui génère par ailleurs des situations très compliquées pour les salariés, qui se trouvent en difficulté, y compris après le décès de l'usager. Il arrive qu'aucun accompagnement de ces équipes ne soit prévu.

Enfin, je voudrais vous interroger sur la façon dont nous pouvons mettre en place un virage domiciliaire de cet accompagnement qui est en effet très hospitalo-centré et qui méconnaît donc cette volonté qu'ont les Français de pouvoir vieillir chez eux et donc de bénéficier à domicile de soins palliatifs.

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Dans les débats actuels sur la fin de vie, et nous l'avons rapidement évoqué, la question de l'accompagnement des aidants au sens large nous paraît essentielle. La ministre déléguée, Mme Agnès Firmin Le Bodo, a d'ores et déjà annoncé que le troisième volet du projet de loi serait consacré à l'accompagnement de la fin de vie, et notamment au rôle et à la place des aidants. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Comme les précédents plans, le plan 2021-2024 développe des objectifs pour mieux accompagner les aidants, mais sans en décrire précisément les modalités et les moyens.

Comme vous l'avez souligné aux pages 55 et 56 de votre rapport, nous avons un peu le sentiment d'avoir les intentions sans connaître les actions. Il semble en effet qu'on ait peu de visibilité sur les conventions entre associations bénévoles et établissements de santé, ou sur la place d'une éducation thérapeutique pour accompagner les aidants. Avez-vous eu connaissance d'éléments sur l'éducation thérapeutique permettant d'identifier pourquoi celle-ci n'était pas déployée auprès de l'entourage des malades ?

Avez-vous réfléchi spécifiquement à un accompagnement des aidants dans le cadre des soins palliatifs à domicile, en allant un peu au-delà des soins palliatifs ? Dans la perspective du projet de loi, avez-vous mené une réflexion sur l'accompagnement, la reconnaissance des proches aidants, notamment le développement des solutions de répit et la mise en cohérence des différents congés dans les situations de fin de vie ?

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Selon l'Insee, 80 % des personnes interrogées souhaitent mourir à domicile. Par ailleurs, nos concitoyens souhaitent bénéficier de soins chez eux et les soins palliatifs n'y échappent pas. Si en 2019, nous comptabilisions 427 équipes mobiles de soins palliatifs à domicile, les données manquent pour évaluer précisément l'offre disponible, car des critères homogènes n'existent pas. Par ailleurs, nous constatons une hausse de 119 % entre 2019 et 2021 du nombre de visites à domicile de médecins généralistes concernant des patients qui ont déjà bénéficié d'un séjour en soins palliatifs à l'hôpital.

Pour autant, parmi ces visites, nous avons des difficultés à identifier celles qui visent à procurer les soins palliatifs et celles qui ne le visent pas. Ces données lacunaires viennent limiter le déploiement d'une offre de soins palliatifs adaptée et efficace sur le territoire. Face à ce constat, quelles recommandations apporteriez-vous afin d'évaluer plus précisément l'offre de soins palliatifs à domicile, les besoins et donc l'adéquation de l'offre à ces besoins ?

Vous soulignez par ailleurs dans votre rapport le rôle pivot des médecins généralistes dans l'offre de soins palliatifs à domicile. Or, leur formation est encore très insuffisante. À l'issue de leur spécialisation, les étudiants de troisième cycle peuvent suivre une formation en soins palliatifs. Cependant, sur les 107 places ouvertes en 2022, seules 60 ont été pourvues. Dans ce contexte, quelles sont vos recommandations afin de renforcer l'attractivité de la formation en soins palliatifs ? Ne faut-il pas l'intégrer plus tôt dans le cursus des étudiants ?

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Je tiens à vous remercier pour votre rapport, qui est très intéressant sur un sujet qui nous tient à cœur. Comme cela a été signalé à l'issue de la convention citoyenne sur la fin de vie, le rapport remis au chef de l'État dresse deux constats majeurs : une inégalité d'accès à l'accompagnement de fin de vie et une absence de réponse satisfaisante face à certaines situations de la fin de vie. Ces deux constats, je les dresse moi aussi chaque jour dans ma circonscription. En France, vingt-six départements sont dépourvus de service de soins palliatifs. Les autres ne disposent pas de moyens suffisants pour assurer cette mission.

En 2020, la France disposait de 2,4 lits d'unités de soins palliatifs pour 100 000 personnes, le Royaume-Uni 4,2, et le Québec, 10. Par conséquent, sur vingt-cinq demandes, seulement deux patients en fin de vie sont pris en charge de manière adaptée. Face à cette situation qui n'a que trop duré, le rapport de la convention citoyenne recommande le développement de soins palliatifs pour toutes et tous et partout. Ceci passe notamment par une meilleure couverture territoriale des besoins, mais aussi par l'obligation pour les Ehpad et le domicile d'avoir du personnel le mieux formé aux soins palliatifs. J'ai bien noté que vous souhaitiez donner plus de moyens pour appliquer la loi Claeys-Leonetti, et je vous en remercie.

Estimez-vous nécessaire de proposer aux étudiants en médecine, en institut de formation en soins infirmiers et aux métiers du soin davantage d'heures consacrées à la formation de soins palliatifs ? Que pensez-vous de la prise en charge à domicile de ces soins palliatifs ? En tant que présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes, pensez-vous que renoncer à une véritable loi grand âge et autonomie, et par conséquent à la mise en place d'une véritable politique de soins palliatifs, est un choix politique purement financier ?

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Je souhaiterais revenir sur le titre, « Les soins palliatifs. Une offre de soins à renforcer ». C'est un rapport qui, dès son titre, appuie le combat des députés de notre groupe Les Républicains, car nous n'avons cessé d'affirmer qu'il était impératif de renforcer l'offre de soins palliatifs en France. La France a fait des efforts notoires en la matière en augmentant de 30 % son offre de soins palliatifs depuis 2015, en se plaçant ainsi dans la moyenne de l'OCDE. Toutefois, force est de constater de nombreuses disparités territoriales, ce qui a été répété : vingt et un départements de plus de 100 000 habitants ne disposent pas de lits de soins palliatifs. Ce qui nous amène à la constatation fait par Caroline Janvier et que je partage, celui d'un rapport en demi-teinte puisque 50 % des besoins ne sont pas satisfaits.

Nous rencontrons également le problème de la génération du baby-boom qui vieillit, avec un choc démographique que vous avez également noté. Les temps bouleversés de l'urgence sanitaire et économique que nous avons vécus ont mis en évidence un certain nombre de failles pourtant indispensables à une fin de vie dans la dignité.

Je tiens à attirer votre attention sur un constat majeur qui doit constituer l'une des préoccupations du législateur. L'accès aux soins palliatifs est trop centré sur l'hôpital et est bien trop insuffisant à domicile, ce qui a été souligné, mais également dans les Ehpad. Rappelons qu'en 2015, le dernier lieu de vie pour un quart des personnes décédées en France, soit 150 000 personnes, était en Ehpad. Ce constat trouve son origine dans plusieurs difficultés : l'extrême difficulté pour les pouvoirs publics à connaître et à identifier les besoins des patients en soins palliatifs, l'extrême difficulté pour les pouvoirs politiques à suivre l'intervention des équipes mobiles de soins à domicile, l'extrême difficulté pour les pouvoirs publics à mesurer l'offre de soins palliatifs en Ehpad et les dépenses de soins des résidents qui y sont consacrées.

Je rappelle que 80 % des Ehpad n'ont pas d'infirmières de coordination. Avez-vous un parcours, une directive pour effectivement améliorer ces soins palliatifs, notamment dans les Ehpad ?

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Je vous remercie de ce travail d'évaluation et des perspectives que vous nous tracez. Je souhaite vous interroger sur les difficultés de mise en œuvre des propositions que vous avez faites, en particulier au regard des ressources humaines disponibles, et notamment pour ce qui concerne l'engagement des médecins traitants. Je passe sur les prérequis en considérant les questions des moyens financiers alloués comme réglées, notamment de la bonne tarification des actes ainsi que de la formation. Une question cruciale demeure concernant le temps disponible, en particulier pour les médecins traitants, alors même que nous manquons de médecins.

La visite à domicile pour des soins palliatifs constituera sans aucun doute le moment le plus délicat et le plus compliqué de la journée du médecin, le temps nécessaire à cette visite, voire ces visites s'il y en a plusieurs, alors que les médecins généralistes suivent de plus en plus de cas complexes dans leur clientèle habituelle, en tout cas pour celles et ceux qui acceptent de suivre les patients dans leur entièreté – et il y en a malheureusement de moins en moins. Les journées sont compliquées à organiser entre le domicile et le cabinet. La coordination des équipes à domicile est à réaliser, y compris avec l'hôpital ou la clinique. Des sollicitations de ces patients peuvent survenir à n'importe quel moment de la journée et de la nuit, ce qui est d'ailleurs bien naturel. Soulignons du reste l'insécurité liée à la complexité et à la lourdeur des soins palliatifs, d'où l'importance de la formation, vous avez insisté dessus, et l'insécurité liée au stress technique et à la complexité des actes et au stress psychologique.

Les difficultés de développement des soins palliatifs par ce biais sont-elles suffisamment évaluées ? Auquel cas ne faudrait-il pas disposer d'une évaluation assez précise de la répartition des tâches et des rôles entre le médecin traitant et l'équipe d'HAD ?

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Je vous remercie de ce rapport qui converge avec les différents travaux menés ces derniers temps au sein de notre commission et des groupes de travail. Vous avez pointé la difficulté à évaluer les besoins, effectivement, l'aggravation ou l'augmentation, les deux, du vieillissement et donc des besoins en soins palliatifs et les inégalités territoriales qui nécessitent effectivement un développement de l'accès aux soins palliatifs.

Comme mes collègues, je reviendrai sur la sortie de l'hospitalo-centrisme, où nous avons effectivement un accès et un cadre, pour développer davantage les équipes mobiles à domicile et dans les Ehpad en vue de développer la culture palliative et le travail en collaboration avec l'HAD et avec les professionnels libéraux, qui manquent de formation et qui manquent en outre de motivation à prendre parfois en charge ce type de patients et faire évoluer les cotations. C'est également important à mon sens.

Vous avez évoqué par ailleurs la nécessaire cohérence entre les différents plans et les liens entre les uns avec les autres. Quelles propositions faites-vous sur cette évolution de la cohérence plutôt que de travailler en silo dans chaque plan ?

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Votre rapport pointe une volonté renforcée de développer les soins palliatifs, cependant avec une stratégie quasi inexistante. Il déplore notamment que le plan pluriannuel 2021-2024, actuellement en vigueur, ne comporte pas d'objectifs quantitatifs ni calendaires. Vous écrivez : « la présentation de ce plan est confuse, les objectifs ne sont ni identifiés, ni hiérarchisés, ni mesurables ». À l'heure où, d'après la SFAP, vingt départements n'ont toujours pas d'unité de soins palliatifs et où 200 000 personnes n'ont pas accès aux soins palliatifs en France, ne faudrait-il pas nous inspirer des pays comme l'Autriche, qui a mené une planification avec des objectifs chiffrés et calendaires réussis ?

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Je vous remercie de votre présence et de la qualité de votre rapport. Rendre effectifs les soins palliatifs pour accompagner dignement les malades en fin de vie sur tout le territoire est un enjeu de santé publique qui demande des réponses urgentes et adaptées de la part des pouvoirs publics, alors même que le défaut d'anticipation des souhaits des personnes hospitalisées, ou encore les difficultés de la prise en charge palliative à domicile et dans les Ehpad, sont autant de problématiques aiguisées par la crise sanitaire. Pendant la crise sanitaire, 85 % des demandes de soins palliatifs étaient refusées faute de moyens.

Il existe de plus une grande inégalité d'accès à l'accompagnement de la fin de vie. Je vous rejoins sur la notion d'acculturer les soignants, mais également les citoyens, aux soins palliatifs. Il est également essentiel de former les équipes. Seulement dix heures de formation sont dispensées en soins palliatifs pendant les études médicales ce qui est, me semble-t-il, insuffisant.

Le domicile et les Ehpad sont les parents pauvres en matière de soins palliatifs. Des expérimentations ont été conduites avec des associations de bénévoles formés qui interviennent en proximité. Ne faut-il pas accélérer le déploiement de cette piste avec un accompagnement qui pourrait intervenir de concert avec les équipes mobiles qui sont elles-mêmes à développer pour pouvoir appliquer pleinement la loi Claeys-Leonetti ?

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Dans ma circonscription, le Dr Fabrizi, à travers une association, La Barque Silencieuse, a depuis une dizaine d'années le projet de créer une maison des soins palliatifs. Ce serait une maison d'une capacité d'accueil de dix lits qui représenterait une alternative à l'hôpital lorsque le maintien à domicile devient problématique. Les personnes en fin de vie auraient ainsi la certitude d'y passer leurs derniers jours dans la dignité, entourées de leurs familles, de leurs proches, des bénévoles d'accompagnement et de toute l'équipe soignante pour leur apporter soutien et réconfort.

Nous avons difficilement un écho auprès de l'ARS ; nous nous heurtons toujours à des problèmes de budget, alors que la convention citoyenne sur la fin de vie a montré que les personnes, dans leur grande majorité, souhaitaient un développement des soins palliatifs, également à travers un tel projet. Pourquoi nous heurtons-nous toujours à ce frein budgétaire, alors que cette maison de soins palliatifs est bien calibrée, a un budget bien construit et montre que nous n'aboutirions pas à un gouffre financier ?

Je pense que ce genre de projet devrait être bien plus développé et serait une alternative au domicile et à l'hôpital.

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Véronique Hamayon, présidente de la sixième chambre de la Cour des comptes

J'aborderai tout d'abord la première question de Mme Iborra concernant la relation entre la loi sur la fin de vie et les soins palliatifs. Dans quelques maisons médicales, notamment Jeanne Garnier, les rapporteurs ont constaté qu'en cas d'offre de soins palliatifs de qualité et en quantité suffisante, la demande de suicide assisté diminuait. Nous ne nous prononçons pas sur le suicide assisté. Je réaffirme ce qui a été indiqué aux rapporteurs : plus les soins palliatifs sont développés, sont de qualité et sont quantitativement suffisants pour répondre aux besoins, plus la demande de suicide assisté diminue, et dans une proportion de 80/20. Ainsi, pour cent personnes qui souffrent, qui sont en fin de vie et qui ne sont pas encore en soins palliatifs demandant un suicide assisté, en réalité, à partir du moment où elles sont correctement prises en charge en soins palliatifs, seules vingt demandent un suicide assisté. Nous ignorons dans quelle mesure ces chiffres sont généralisables à toute la France. Nous avons constaté ce phénomène dans quelques établissements et vous le livrons à votre réflexion éclairée. Je communique simplement ces chiffres et n'irai pas plus loin sur ce terrain.

La seconde partie de la question de Mme Iborra portait sur la gouvernance. Nous demandons et proposons dans le rapport que cette gouvernance soit confiée à la seule DGOS, qu'elle soit cheffe de file de l'ensemble des politiques de soins palliatifs menées en France, avec un plan structuré, des objectifs stratégiques quantifiés et des ARS elles-mêmes dotées de PRS intégrant la question des soins palliatifs. Il est vrai que la gouvernance tricéphale, voire quadricéphale, d'aujourd'hui n'est pas satisfaisante. Il nous paraît donc pertinent de confier cette gouvernance à la DGOS.

J'ai relevé un certain nombre de questions sur l'insuffisance de formation des médecins posées par M. Le Gac, M. Rousset et Mme Valentin. Nous avons interrogé les médecins ainsi que le conseil de l'Ordre. Le conseil national de l'Ordre des médecins n'a pas donné de réponse, si ce n'est qu'il a confirmé les besoins, sans toutefois communiquer de pistes particulières, d'où l'intérêt de valoriser et de développer les filières universitaires, en particulier avec la nomination de professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) eux-mêmes formés en soins palliatifs. Cette culture de soins palliatifs qui manque aujourd'hui passe également par cette voie. En créant ces filières, au-delà des différents mois de formation que nous pouvons souhaiter obligatoires pour l'ensemble des médecins, nous pensons qu'il faut raisonner filières et développement de ces filières avec une nomination de PU-PH spécifiquement formés. Par le fait, l'attractivité pourra être renforcée pour les soins palliatifs.

Ces éléments répondent également à la question précédemment posée par M. Valletoux et à laquelle je n'avais pas répondu. M. Isaac-Sibille et M. Valletoux posent en effet la question des soins palliatifs en pédiatrie. Le problème porte effectivement sur une insuffisance de moyens et l'actuelle incapacité à suffisamment développer des équipes de soins palliatifs pédiatriques à l'échelon régional. Nous constatons que les moyens sont insuffisants, notamment pour se déplacer jusqu'au domicile. Dans le prochain plan soins palliatifs, nous recommandons d'ailleurs de chiffrer le nombre de nouvelles équipes régionales nécessaires en soins palliatifs pédiatriques pour permettre la couverture de l'ensemble du territoire. Nous n'allons pas plus loin dans le rapport et il est vrai que nous n'avons pas développé spécifiquement cette question, mais nous invitons les pouvoirs publics à la prendre en compte dans le prochain plan soins palliatifs.

Une question de Mme Cristol portant sur l'éducation thérapeutique. L'éducation thérapeutique ne peut pas aujourd'hui être déployée en tant que telle auprès des aidants, dans la mesure où ce ne sont pas des patients et où les textes prévoient que l'éducation thérapeutique ne s'adresse qu'aux patients. Nous rencontrons aujourd'hui un problème d'encadrement par les textes. C'est la raison pour laquelle nous proposons de lever ce frein et de permettre aux aidants d'avoir accès à l'éducation thérapeutique. C'est là une de nos recommandations : formation et sensibilisation des proches aidants aux soins palliatifs et à l'accompagnement en soins palliatifs de leurs proches.

M. Rousset s'est interrogé sur la formation des médecins généralistes et sur les visites à domicile des médecins généralistes. Je rappelle que dans le rapport, dans la nomenclature des soins infirmiers, nous avons recommandé la création d'un acte spécifique soins palliatifs pour les soins palliatifs, notamment pour les libéraux en soins palliatifs à domicile.

Par ailleurs, je précise que la négociation conventionnelle des médecins a créé un acte spécifique soins palliatifs visites longues à domicile, ce qui ne suffit certes pas. Nous entendons les arguments de la difficulté pour les médecins généralistes à consacrer du temps d'une part aux visites à domicile, qui sont de plus en plus rares, et d'autre part aux visites à domicile en soins palliatifs, qui demandent effectivement du temps. C'est également la raison pour laquelle nous recommandons l'adoption d'un forfait non pas médical, mais d'un forfait d'accompagnement en soins palliatifs pour les autres professions que les professions médicales autour du patient à domicile, j'ai pu l'évoquer précédemment. La question des médecins et la disponibilité des médecins est un aspect, et une première réponse se dessine avec le dernier avenant à la convention. Les soins palliatifs sont aussi et avant tout de l'accompagnement et pas seulement du soin, d'où l'intérêt de la recommandation que nous formulons sur le forfait d'accompagnement soins palliatifs.

J'en viens à la question de M. Neuder sur les Ehpad. Nous faisons le même constat d'une insuffisance de prise en charge de soins palliatifs en Ehpad et c'est la raison pour laquelle nous recommandons de créer 200 équipes mobiles de soins palliatifs supplémentaires. Le chiffrage que j'ai donné tout à l'heure de presque 74 millions d'euros par an est bien relatif à ce point : 200 équipes mobiles supplémentaires ayant vocation à intervenir au domicile, mais aussi en Ehpad. C'est une première réponse.

Une deuxième réponse consiste en la formation des auxiliaires médicaux, notamment des aides-soignants, et en la sensibilisation et la formation de ces auxiliaires médicaux à la culture et aux soins palliatifs. À notre sens, il est nécessaire de mieux contrôler les conventions entre les ARS et les Ehpad. Ces conventions sont souvent un peu formelles et un peu vides. Nous avons eu l'occasion de le constater dans une grande enquête que nous avons menée il y a deux ans ou trois ans sur les Ehpad. Les conventions doivent être complétées, plus concrètes, beaucoup plus ancrées dans la réalité de ce que connaissent les Ehpad, et être contrôlées par les ARS.

Je viens d'évoquer la question du temps disponible des médecins. Par ailleurs, pour contrebalancer ou compléter l'intervention des médecins ou le manque d'intervention des médecins à domicile en soins palliatifs, il est nécessaire de développer les interventions des soins infirmiers. J'ai évoqué la recommandation que nous faisons de créer un acte infirmier spécifique soins palliatifs ; nous recommandons également de prendre en compte les soins palliatifs dans le financement des Ssiad. Ces deux recommandations s'adressent vraiment aux soins palliatifs à domicile et permettent de contourner un certain nombre de difficultés que nous avons pointées, comme vous-mêmes, sur les difficultés à mobiliser les médecins, notamment par manque de temps.

Dans le rapport, nous avons donné un exemple qui nous paraît intéressant : l'exemple de Pallidom, qui permet de développer l'HAD en fin de vie et qui mérite d'être attentivement suivi et d'être peut-être généralisé si cette expérimentation donnait des résultats. Je rappelle que même si l'HAD est insuffisante, même si nous appelons à développer des moyens supplémentaires, même si nous invitons à créer des actes dans les nomenclatures infirmiers et de soins infirmiers, ainsi que vous avez pu le rappeler d'ailleurs, la HAD a augmenté dans des proportions importantes, plus de 30 % depuis le dernier plan. Ce résultat reste certes très insuffisant, mais nous tenons à souligner l'augmentation importante de ces soins palliatifs en HAD.

Par ailleurs, je confirme que dans le rapport, nous appelons un nouveau plan pluriannuel 2023-2028 prenant en compte ce développement du domicile avec un certain nombre d'objectifs et un calendrier. S'agissant de surcroît de l'une des questions posées sur la cohérence des plans entre eux, nous appelons vigoureusement les pouvoirs publics d'une part à intégrer dans la stratégie nationale de santé les plans de soins palliatifs et la question des soins palliatifs, et d'autre part, nous appelons également vigoureusement à ce que le plan cancer et le plan soins palliatifs soient cohérents et fassent référence l'un à l'autre. Nous ne pouvons qu'être d'accord avec ce qui a été soulevé à ce propos, notamment par Mme Dubré-Chirat.

Mme Erodi nous demandait s'il était possible de nous inspirer des politiques menées en Autriche. Il faut effectivement nous inspirer de l'organisation autrichienne, avec des plans cohérents, assortis d'objectifs chiffrés, un calendrier, également déclinés à l'échelon régional de manière aussi rigoureuse, précise et chiffrée. C'est bien ce que nous mettons en avant. Nous inspirer des bonnes pratiques à l'étranger, et notamment de l'Autriche, est bien pertinent.

Mme Etienne a évoqué La Barque Silencieuse et le frein budgétaire rencontré. Il semble que ce projet relève aujourd'hui d'un statut d'unité de soins palliatifs. L'ARS a été rencontrée par l'équipe ; les échanges se poursuivent entre l'ARS et les porteurs du projet. Nous avons effectivement vu ce point mais je ne suis pas en mesure de vous en dire davantage.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie, madame la présidente, pour toutes ces réponses riches. Vous avez pu constater que ce rapport était attendu. C'est la raison pour laquelle je me suis permis d'insister sur cette demande de rapport, qui est très intéressant, notamment en lien avec le projet de loi. Il était par conséquent important de bénéficier de l'éclairage de la Cour des comptes. Je remercie également toute votre équipe, tous les magistrats présents qui vous ont accompagnés dans le cadre de la restitution de ce rapport. Je remercie enfin mes collègues de leur présence et de leur participation active.

La séance est levée à onze heures cinq.

Informations relatives à la commission

1. La commission a désigné les rapporteurs sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2024 :

Équilibre général, recettes et maladie : Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale ;

Autonomie : Mme Caroline Janvier ;

Famille : M. Paul Christophe ;

Assurance vieillesse : M. Cyrille Isaac-Sibille ;

Accidents du travail et maladies professionnelles : M. François Ruffin.

2. La commission a désigné les rapporteurs pour avis sur le projet de loi de finances pour 2024 :

Régimes sociaux et de retraite et Pensions : Mme Joëlle Mélin ;

Santé : M. Sébastien Peytavie ;

Solidarité, insertion et égalité des chances : Mme Christine Le Nabour ;

Travail et emploi : M. Stéphane Viry.

3. La commission a désigné :

– M. Stéphane Viry corapporteur d'application sur la proposition de loi visant à faciliter la mobilité internationale des alternants, pour un « Erasmus de l'apprentissage » et corapporteur d'application sur le projet de loi portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise ;

– Mme Prisca Thévenot corapporteure d'application sur la loi créant une aide universelle d'urgence pour les victimes de violences conjugales ;

– M. Frédéric Valletoux corapporteur d'application sur la proposition de loi portant abrogation de l'obligation vaccinale contre la covid-19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d'aide à la personne et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, M. Thibault Bazin, Mme Anne Bergantz, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, Mme Karen Erodi, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Christine Loir, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, M. Sébastien Peytavie, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry

Excusés. - M. Joël Aviragnet, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, M. Jean-Philippe Nilor, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Olivier Serva, M. Emmanuel Taché de la Pagerie

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, Mme Martine Etienne