Je me réjouis d'entendre que les constats convergent eu égard aux remarques exprimées par M. Martin – j'ignore toutefois s'il faut s'en réjouir ou s'en désoler. Je tiens à revenir sur un point qui me paraît essentiel, sur un mot que vous avez prononcé : l'absence de culture en matière dede soins palliatifs en France. Il est vrai que tout au long de notre rapport, nous tentons de montrer l'importance de cette culture, aussi bien auprès des professionnels de santé, des médecins, des auxiliaires médicaux également, et de la nécessité impérieuse de former l'ensemble de ce personnel, mais également de former et d'informer le public mieux que cela n'est fait. En comparant avec d'autres pays d'Europe, nous observons que la culture en soins palliatifs est très en retard en France. Ce point me semble donc essentiel au-delà des constats que nous partageons sur les aspects plus précis ou plus techniques.
Mme Dogor-Such a mentionné la SFAP, qui a effectivement réalisé un chiffrage que nous n'avons pas commenté, et que nous n'avons pas à commenter. Nous avons pour notre part chiffré dans le rapport le montant nécessaire à l'augmentation des équipes mobiles de soins palliatifs, dont il nous semble qu'elles sont largement insuffisantes, notamment celles qui se déplacent vers le domicile, pour passer à 200 équipes mobiles supplémentaires. Nous avons chiffré ce coût à peu moins de 74 millions d'euros par an. Nous sommes au demeurant très loin du chiffre de 800 millions d'euros que vous avez cité.
Je citerai à nouveau un autre chiffre : 56 millions d'euros seraient nécessaires pour former aux soins palliatifs la moitié du personnel infirmier et auxiliaire médical qui intervient au domicile et en Ehpad. Dans cette optique, 112 millions d'euros seraient requis si nous devions former les 200 000 personnes concernées. Je souligne derechef que nous sommes très loin du chiffrage que vous avancez. Autrement dit, il est possible d'améliorer considérablement la prise en charge et l'offre de soins palliatifs, notamment à domicile, pour un coût certes important, mais qui n'a rien à voir avec ce chiffre, puisque nous sommes à 74 millions d'euros plus 56 millions d'euros pour les formations. Je tenais à rétablir ces données.
M. Bazin a mentionné une baisse de 10 millions d'euros. C'est une baisse, certes, mais c'est une baisse dans une enveloppe qui augmente. J'ai peut-être été un peu rapide en présentant les éléments. Nous disposons d'un plan soins palliatifs avec un certain nombre de moyens supplémentaires. Ce sont précisément ces moyens en plus qui diminuent dans le dernier plan par rapport au plan de 2015-2019. Il s'agit donc bien de moyens supplémentaires. J'ignore si cette remarque était émise de façon taquine ou si je m'étais mal exprimée. Ce point méritait toutefois d'être précisé.
En ce qui concerne les associations de bénévoles, un groupe de travail est en train d'être mis en place pour réfléchir à la généralisation du bénévolat et à la manière la plus intelligente d'ancrer ce bénévolat, de trouver une manière fluide de fonctionner avec les établissements de santé.
L'absence de critères sur les besoins en soins palliatifs a été évoquée. Ce sujet est pris en compte dans la réforme en cours du financement des Ssiad. Nous espérons que le sujet sera traité et que cette question sera résolue.
M. Falorni a abordé le forfait que nous proposons, un peu à l'instar de ce qui existe déjà. La question du forfait existe pour les enfants souffrant de troubles autistiques. Nous suggérons de reprendre le système du forfait soins d'accompagnement, soins de confort palliatifs, notamment pour englober toutes les prestations d'auxiliaires médicaux ou d'intervenants. Vous avez cité les ergothérapeutes au domicile. Il s'agit bien de cette idée d'une appréhension un peu holistique de l'ensemble des intervenants et des professionnels qui accompagnent le patient en soins palliatifs.
M. Jérôme Guedj s'est attelé à la question du plan de formation en soins palliatifs des auxiliaires médicaux et des infirmiers que j'ai évoquée précédemment, au moins la moitié de ce personnel qui intervient en soins palliatifs. Ce segment aurait un coût de 56 millions d'euros et nous appelons vraiment à ce plan de formation, d'autant plus que je rappelle que la formation est financée par ailleurs. Chacun a un plan formation et dispose de crédits formation qu'il peut utiliser, ce qui, de plus, ne pèse pas sur l'assurance maladie. C'est là un point important à conserver à l'esprit.
Les ratios de personnel soignant auprès des lits de soins palliatifs existent déjà et sont prévus dans la circulaire de 2008. Ce ratio prévoit un tiers d'équivalents temps plein (ETP) en plus par rapport à un lit banalisé de médecine générale ou de chirurgie, un tiers d'ETP en plus pour les Lisp et 50 % d'ETP en plus pour les unités de soins palliatifs. Nous soulignons une difficulté : ces ratios ne sont pas contrôlés et nous n'avons absolument pas pu obtenir l'assurance que ces moyens supplémentaires étaient effectivement déployés, alors même que la tarification les intègre. Il s'agirait donc plutôt d'un contrôle de l'effectivité des moyens mis autour des lits de soins palliatifs ou des unités de soins palliatifs. C'est la raison pour laquelle nous préconisons une étude sérieuse et détaillée de coûts des soins palliatifs à l'hôpital – j'ai insisté sur ce point dans ma présentation : pour qu'une tarification soit adaptée et pertinente, les coûts doivent être connus, ce qui n'est pas le cas à ce jour.
Concernant le développement des équipes mobiles dont j'ai souligné le coût, j'ai omis de mentionner un point majeur : donner la possibilité aux médecins de ces équipes mobiles de prescrire. Aujourd'hui, ces médecins ne peuvent pas prescrire et nous proposons qu'ils puissent prescrire notamment du midazolam.
Les chiffres que vous citez en Ehpad sont problématiques : relativement peu de patients en Ehpad ont bénéficié de ces équipes mobiles de soins palliatifs en dépit des conventions qui ont été signées. Je n'ai pas d'explication particulière à ce sujet. Nous avons constaté, et nous constatons comme vous effectivement, cette dichotomie, ce décalage entre les conventions signées et la réalité des soins palliatifs dispensés par des équipes mobiles auprès des résidents en Ehpad, sans avoir plus d'explications à ce stade. Dans ces conventions qui lient les Ehpad aux équipes mobiles, il convient, au-delà de ces équipes, de penser à un continuum de soins palliatifs, un parcours, une filière de prise en charge en ville entre médecins, infirmiers, Ssiad, HAD et Ehpad. Or, cette filière n'existe pas et les conventions afférentes, encore moins.
D'autre part, nous n'avons pas spécifiquement abordé les CPTS. Nous avons regardé les projets régionaux de santé (PRS), dont certains mentionnent les soins palliatifs mais d'autres ne les mentionnent pas du tout. Une partie de ces PRS est peu diserte sur les soins palliatifs. Au-delà des projets de santé, il est vrai que les CPTS pourraient s'emparer du sujet, ce qui n'est pas vraiment le cas aujourd'hui. Comme pour les autres, une formation serait d'une part nécessaire et il conviendrait d'autre part de pouvoir asseoir leur action en matière de soins palliatifs sur un projet régional de santé qui tient compte de ces questions. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas.
Notre rapport observe d'ailleurs que les PRS fixent des objectifs, tout comme les plans nationaux fixent des objectifs quantifiés, précis et un calendrier de mise en œuvre ainsi que des moyens. J'ai eu l'occasion de le souligner dans mon propos.
En effet, si l'on veut être cohérent et si l'on veut que la loi Claeys-Leonetti soit appliquée, ce à quoi appelle le rapport de la Cour, commençons par appliquer la loi avant d'envisager autre chose. L'application de la loi demande des moyens supplémentaires que nous avons chiffrés dans le rapport, mais demande également des objectifs précis, un calendrier de mise en œuvre et donc le déploiement des moyens correspondants.