La séance est ouverte à neuf heures.
La commission examine la proposition de loi portant abrogation de l'obligation vaccinale contre la covid-19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d'aide à la personne et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus (n° 991) (M. Jean-Victor Castor, rapporteur).
Nous examinons ce matin la proposition de loi portant abrogation de l'obligation vaccinale contre la covid-19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d'aide à la personne, et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus. Le groupe Gauche démocrate et républicaine - NUPES a demandé l'inscription de ce texte à l'ordre du jour des séances qui lui sont réservées le jeudi 4 mai prochain.
Ce texte porte sur un sujet qui, à sa simple évocation, soulève les réactions les plus extrêmes. Comment pourrait-il en être autrement ? La question de la réintégration des personnels suspendus par la loi votée en urgence le 5 août 2021 est éminemment sensible, parce qu'elle est une des conséquences de la pandémie, laquelle nous a tous profondément et durablement bouleversés, séparés, clivés.
Aujourd'hui, il est de notre responsabilité de législateurs de favoriser l'apaisement et de lever les incompréhensions. Ce n'est pas la première proposition de loi déposée en ce sens, mais il n'a échappé à personne que le contexte a changé. D'abord, nous connaissons depuis plusieurs mois, fort heureusement, une diminution de l'épidémie ; les variants sont de moins en moins virulents. Ensuite, le recul et l'observation scientifique des vaccins tendent à démontrer un affaiblissement de leur efficacité dans le temps. Enfin, la Haute Autorité de santé (HAS) a recommandé le 30 mars dernier la levée de l'obligation vaccinale contre la covid-19. Le Gouvernement a indiqué qu'il suivrait rapidement cet avis et prendrait un décret pour réintégrer les soignants.
Toutefois, le maintien de cette proposition de loi se justifie à plus d'un titre. D'abord, le décret ne ferait que suspendre l'obligation vaccinale contre la covid-19. Or, comme nous l'avons précisé dans l'exposé des motifs de la proposition de loi et dans le rapport qui vous est présenté, si le principe de l'obligation vaccinale – y compris contre la covid – n'est pas, en soi, problématique, les modalités de son application, telles qu'elles sont prévues par la loi d'août 2021, sont sources de difficultés. Le périmètre de l'obligation vaccinale instituée par la loi de 2021 est en effet incohérent : il conduit à une application à géométrie variable indigne d'un État de droit.
Les errements de la loi de 2021 sont explicables par le contexte et l'urgence dans lesquels elle a été votée. À présent, la situation a évolué. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d'une suspension de l'obligation par décret : il faut, par parallélisme des formes, abroger la loi. Si la décision était prise par décret, cela laisserait ouverte la possibilité de réactiver la loi de 2021 dans les mêmes termes, sans tenir compte de l'expérience et des connaissances acquises. Abroger la loi signifierait au contraire redonner au Parlement toute la place qui lui revient, en lui laissant, le cas échéant, le pouvoir et le temps de débattre afin de voter un nouveau texte, mieux pensé. Nous devons nous emparer à nouveau du sujet.
Si l'urgence imputable à la pandémie a affaibli le Parlement, elle a aussi abîmé notre société. Élaborer un décret en s'appuyant sur des consultations qui continueraient à diviser les citoyens ne contribuerait pas à la réconciliation. On a besoin de la parole apaisée, dépassionnée et pragmatique de la représentation nationale pour ouvrir un nouveau chapitre du monde post-covid.
Cette proposition de loi n'est pas la première à traiter du sujet mais, étant défendue par deux députés guyanais, elle s'intéresse avec une acuité particulière aux réalités ultramarines. Loin des explications fantasmées de l'Hexagone, les auditions de professionnels de santé – soignants et personnels de direction – ont permis de contextualiser les raisons sociétales et scientifiquement explicables de la défiance en outre-mer face à ce vaccin en particulier. Les incohérences nées d'une application de la loi sourde et aveugle aux réalités locales n'ont fait qu'aggraver cette défiance au détriment des malades.
Comment expliquer en effet qu'avant la loi de 2021, et particulièrement pendant les premières vagues de covid, la télémédecine ait été largement encouragée, ce qui a permis, par exemple, d'assurer le suivi des patients dans l'archipel guadeloupéen alors que l'île de Marie-Galante, faute de cardiologue sur place, était totalement bloquée ? Comment expliquer que l'application de la loi ait conduit à interdire aux médecins d'intervenir en téléconsultation, c'est-à-dire sans aucun lien physique avec les patients, au motif qu'ils n'étaient pas vaccinés ? Comment donner confiance aux populations alors que, comme nous l'ont montré les auditions, du fait de l'impossibilité d'appliquer l'obligation vaccinale aux Antilles et en Guyane, les effets des mesures ont différé d'un territoire à l'autre, d'une fonction à l'autre, d'un établissement à l'autre ? Certains en ont ressenti de l'injustice, d'autres ont perçu ces règles comme une forme de harcèlement, tous ont vu leur confiance dans les institutions s'éroder.
Compte tenu de cet état de fait, il nous a été proposé de présenter une proposition de loi qui ne concernerait que l'outre-mer, mais procéder ainsi serait injuste et indigne de notre mandat. En effet, si les incohérences imputables à l'obligation vaccinale posée par la loi de 2021 sont plus visibles en outre-mer, elles sont tout aussi réelles dans l'Hexagone.
Par exemple, alors que l'été approche, comment ne pas rappeler que, pour combattre les derniers feux de forêt, et alors que des pompiers français étaient suspendus du fait de l'obligation vaccinale, il a été fait appel à des pompiers européens qui, eux, n'y étaient pas assujettis ? Comment expliquer que les psychologues scolaires soient soumis à l'obligation et non les enseignants, alors que les uns et les autres sont en présence du même public ? La même interrogation se pose pour les personnels administratifs et techniques des structures de santé partout en France. De toute évidence, le périmètre d'application de l'obligation vaccinale par la loi de 2021 est problématique.
Si le nombre de professionnels suspendus en France peut paraître dérisoire, une absence peut suffire à ébranler toute la chaîne, dans un système déjà exsangue où la présence de chacun compte. Le renfort rapide de professionnels formés et compétents sera un tel soulagement pour les structures concernées qu'il faut relativiser l'argument selon lequel le retour de personnels suspendus pourrait susciter des frustrations au sein des équipes.
Compte tenu du manque criant de personnels soignants, la réintégration de ces professionnels ne constituera pas la solution miracle, mais l'abrogation de la loi permettrait d'éviter une aggravation à long terme de la désertification médicale. En effet, de nombreux jeunes initialement tentés par les professions de santé s'en détournent aujourd'hui. Si l'obligation vaccinale n'en est pas l'unique raison, elle fait toutefois partie des raisons invoquées.
Le dernier avis de la HAS fait état de la très faible couverture vaccinale des professionnels de santé s'agissant du rappel adapté au variant Omicron : selon les estimations, elle concerne, au 22 mars 2023, 13,6 % de ceux qui exercent en Ehpad, 14,5 % des libéraux et 15 % de ceux qui exercent en établissement de santé.
Au vu de ces chiffres, il paraît incohérent de maintenir la suspension vaccinale. De surcroît, une confusion persiste dans le nombre de doses requises pour satisfaire à l'obligation vaccinale : en effet, le nombre de doses obligatoires diffère du nombre de doses recommandées. Le même flou règne quant à la durée d'efficacité du vaccin entre deux doses.
Les auditions nous ont apporté de précieux éclaircissements sur le profil des personnes suspendues. Alors que celles-ci sont habituellement cataloguées comme antivax et complotistes, la réalité est beaucoup plus nuancée. Le refus de la vaccination contre la covid doit être replacé dans un contexte d'incertitude et d'anxiété généralisées, où les ordres et contrordres se sont succédé et où les informations de toute nature ont été déversées en flots continus. Dans ce cadre, le fait de contraindre au lieu de convaincre a sans doute contribué à radicaliser les positions des personnes présentées comme antivax comme de celles dites provax.
Nous avons le devoir moral et politique d'apprécier la question de l'obligation vaccinale imposée en 2021 dans sa globalité, en tenant compte de ses incohérences mais aussi des drames humains qu'elle a engendrés. Les récits de séparations, d'enfants placés, de patrimoines familiaux bradés, sont autant d'histoires dramatiques relayées au cours des auditions. La violence dans l'application de la mesure est apparue clairement. Les règles élémentaires de notre droit social se sont trouvées bafouées. Des personnes se sont retrouvées suspendues du jour au lendemain, sans entretien préalable avec leur hiérarchie, parfois même sans notification officielle. Des médecins suspendus n'ont pas même pu transmettre les dossiers de leurs patients. De nombreux cabinets de professionnels libéraux – kinésithérapeutes, sages-femmes, ostéopathes, podologues... – ont été fermés.
C'est la première fois qu'en France, des professionnels salariés mais aussi libéraux se retrouvent suspendus et privés de revenus pour une période indéterminée, sans que la moindre mesure disciplinaire ne soit prononcée. Paradoxalement, le fait que le refus de la vaccination contre le covid-19 ne soit pas considéré comme une faute a privé ces professionnels de toute voie de recours, de toute indemnité et les a enfermés dans de véritables prisons contractuelles.
En tant que législateurs, nous ne pouvons laisser perdurer de telles situations. Ce n'est pas le fait de réintégrer ces professionnels qui enverrait, comme on l'entend, un mauvais signal, mais bien plutôt le maintien de la loi de 2021, en dépit de ses incohérences. Soyons à la hauteur de notre mandat.
Le covid a mis le monde en suspens. Il est temps, aujourd'hui, de sortir de cet état de suspension et de se réapproprier nos institutions et nos valeurs. La France est aujourd'hui, avec la Hongrie, l'un des derniers pays européens à ne pas avoir abrogé l'obligation vaccinale contre le covid-19. Faisons en sorte que les professionnels français ne soient pas les derniers à demeurer suspendus.
La science et la raison doivent continuer à guider notre décision, comme cela a été le cas depuis le début de la pandémie. La vaccination contre la covid-19 a été au cœur de la stratégie de lutte contre la pandémie. On a d'abord incité à la vaccination les personnes vulnérables puis les plus de 12 ans et les personnes âgées. Compte tenu de l'évolution de la pandémie, la loi du 5 août 2021 a imposé l'obligation vaccinale à une liste de professionnels, en particulier dans le domaine de la santé. L'efficacité de cette stratégie a été reconnue par la HAS, dans sa recommandation du 30 mars dernier. Les chiffres sont clairs : le pourcentage de professionnels travaillant en Ehpad ayant reçu une première dose de vaccin était passé de 76 à 91,5 % en deux mois.
Constatant que l'épidémie était devenue peu virulente, la HAS a proposé que la vaccination contre la covid ne soit plus obligatoire mais seulement fortement recommandée. Cette position ne peut être instrumentalisée pour décrédibiliser l'action publique entreprise dans le contexte de la crise sanitaire.
Nous avons toujours suivi les recommandations des autorités sanitaires et nous continuerons à le faire. Le ministre de la santé, François Braun, a ainsi récemment annoncé la prochaine réintégration, par un texte réglementaire, des professionnels non vaccinés. C'est la voie de la raison. Cela laisse la possibilité d'instaurer à nouveau et rapidement cette obligation dont l'efficacité a été prouvée, si les avis scientifiques l'estiment nécessaire.
C'est la raison pour laquelle nous sommes opposés à l'abrogation de la loi. En effet, personne n'est capable de nous dire si l'épidémie pourrait reprendre mais, dans une telle hypothèse, nous aurions besoin de cet outil législatif qui permettrait une forte réactivité.
Nous voterons donc contre la proposition de loi.
Emmanuel Macron et sa majorité ont mis au ban de la société des milliers de soignants, de militaires et de pompiers, alors que ces professions manquent cruellement d'effectifs. L'obligation vaccinale a été une stratégie de diversion du Gouvernement pour détourner les Français de sa gestion calamiteuse de la crise du covid, qui a mis en lumière l'effondrement avancé de l'hôpital. Il serait indécent de vous rappeler la longue liste des États qui n'ont jamais instauré une telle obligation. Citons tout de même la Suède, la Finlande, la Norvège, le Portugal et l'Espagne. D'autres pays, comme le Royaume-Uni, ne l'ont jamais réellement appliquée. D'autres encore, comme le Canada, les États-Unis, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, l'ont abrogée depuis des mois.
La France est le dernier pays à s'arc-bouter sur ce narratif irrationnel. Les études scientifiques ont beau prouver que le vaccin n'empêche pas la transmission et que la maladie décline, vous persistez à tenir votre discours dogmatique. Le Gouvernement se retranche derrière l'avis de la HAS, dont l'indépendance est sujette à caution. En effet, ses membres sont nommés par le ministre de la santé ainsi que par les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental. Le président de cette instance, quant à lui, est nommé par le Président de la République, comme le fut Mme Buzyn avant son entrée au Gouvernement. Le législateur n'a pas à se soumettre à une communauté d'experts mais doit agir dans l'esprit du droit et des valeurs de la République. La France n'a jamais reconnu autant d'experts autoproclamés et ne s'est jamais aussi mal portée.
Le Rassemblement national s'est toujours opposé à l'obligation vaccinale. Nous avons déposé la seule proposition de loi prévoyant une réintégration sans condition assortie d'une indemnisation. Chers collègues de la NUPES, sans votre sectarisme, les suspendus auraient pu être réintégrés dès le 12 janvier 2023, lors de notre niche parlementaire.
Bien entendu, nous voterons cette proposition de loi, mais que de temps perdu, que de vies sacrifiées, chers collègues de la majorité et des groupes d'opposition, sur l'autel de vos egos et de vos intérêts politiques !
Il est plus que temps de réintégrer les professionnels suspendus pour cause de non-vaccination contre la covid-19. À ce jour, bien qu'il n'existe aucun chiffre exhaustif, nous savons que plusieurs milliers de personnes sont toujours concernées par cette suspension. Empêchées d'exercer leur métier et, bien souvent, leur vocation, ostracisées, mises au placard et non rémunérées, ces milliers de personnes vont enfin voir le bout du tunnel. Beaucoup d'entre elles auront connu plus d'un an et demi de souffrances, de détresse psychologique, de perte de sens, voire de goût à la vie, et de grande précarité. Dans les outre-mer, le manque criant de personnels, notamment dans le secteur de la santé, rend la situation encore plus insupportable et accroît la défiance, déjà grande, entre la population et les pouvoirs publics.
Dans le cadre de la niche parlementaire de La France insoumise, ma collègue Caroline Fiat avait défendu une proposition de loi qui visait à réintégrer les personnels non vaccinés. Ce texte allait trouver une majorité dans l'hémicycle mais la minorité présidentielle, et, plus particulièrement, le Gouvernement, par un jeu d'obstruction jusqu'alors jamais vu au cours d'une journée de niche, a empêché le vote, imposant de pénibles mois de pénitence supplémentaires à toutes les personnes concernées.
Aujourd'hui, nous devons nous saisir du texte proposé par nos collègues du groupe GDR - NUPES pour mettre enfin un terme au cauchemar des personnels suspendus, en abrogeant l'obligation vaccinale relative à la covid-19, suivant ainsi l'avis de la HAS du 16 février dernier. C'est notre rôle, et même notre devoir de législateurs. Seule l'adoption de la proposition de loi garantira que tous les professionnels et étudiants actuellement suspendus bénéficieront de la levée de l'obligation vaccinale et donc d'une réintégration.
N'attendons plus, il y a urgence : prenons nos responsabilités, n'envoyons pas aux personnels suspendus un nouveau message d'abandon, qui serait dramatique.
La proposition de loi déposée par le groupe GDR - NUPES vise à abroger l'obligation vaccinale contre la covid-19 imposée aux soignants en 2021. La loi relative à la gestion de la crise sanitaire du 5 août 2021 a soumis à cette obligation les étudiants et les professionnels des secteurs sanitaires et médico-sociaux. À cette période, la France connaissait une épidémie au plus haut. Contrairement à la proposition de loi de Mme Fiat, qui a été discutée en novembre dernier et fait l'objet d'une obstruction parlementaire organisée par la majorité, le texte en discussion vise à abroger le chapitre de la loi de 2021 relatif à l'obligation vaccinale.
Actuellement, le Gouvernement peut imposer ou lever cette obligation par décret. C'est ce qu'il compte faire, à la suite du récent avis de la HAS, qui préconise la levée de l'obligation. En abrogeant ces dispositions, le Parlement priverait de base légale toute nouvelle obligation vaccinale, mais uniquement contre le covid.
Depuis plus de deux ans, une certaine opacité persiste quant au nombre de soignants suspendus. Toutefois, les conséquences sont majeures, tant pour les personnes elles-mêmes que pour les établissements de santé. La suspension des professionnels en raison du non-respect de l'obligation vaccinale les a plongés dans une grande précarité : non seulement ils sont privés de salaire, mais ils ne peuvent pas bénéficier des allocations chômage. Quant aux établissements, ils se sont vu dans l'obligation de fermer un certain nombre de lits et de déprogrammer des interventions chirurgicales.
Aujourd'hui, il est prouvé que la vaccination ne limite ni la contamination ni la transmission du covid. Après trois années marquées par la crise, le monde commence à tourner la page. Ainsi, aux États-Unis, Joe Biden a entériné, le 10 avril, la fin de l'état d'urgence nationale lié au covid. En France, depuis le 1er février 2023, si une personne a des symptômes ou est testée positive au covid, elle n'est plus obligée de s'isoler.
La levée de l'obligation vaccinale soulève toutefois des questions. Comment organiser le retour des personnels au sein des services ? Qu'en sera-t-il de leurs salaires perdus ?
Pour les raisons que j'ai exposées et conformément à la position adoptée par le groupe Les Républicains en novembre 2022, nous voterons cette proposition de loi.
Nous appelons à suivre les préconisations de la HAS, qui a indiqué, le 30 mars dernier, que l'on pouvait lever l'obligation vaccinale. Le Gouvernement a toujours dit que, le moment venu, lorsque la HAS se prononcerait sur la réintégration des soignants, il se conformerait à son avis. Certes, monsieur Falcon, on peut toujours mettre en doute l'indépendance des autorités indépendantes...
Madame Corneloup, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que la vaccination ne protège pas : je pourrai vous soumettre quelques études scientifiques. Nous devons protéger nos soignants. N'oublions pas qu'un certain nombre d'entre eux, qui étaient au front, sont décédés des suites du covid. On nous a reproché, au début, de ne leur fournir aucune protection, pas même les plus élémentaires. Puis, lorsque les vaccins ont été disponibles, on nous a dit qu'il ne fallait surtout pas instituer d'obligation vaccinale. Heureusement qu'on l'a appliquée !
Pensez-vous que l'on reviendra, un jour, sur la vaccination obligatoire contre l'hépatite pour pouvoir travailler en milieu hospitalier ? Quelqu'un est-il prêt à défendre une proposition de loi allant en ce sens ? Cela nous offrirait l'occasion d'examiner les arguments scientifiques, qui sont éclairants.
Je peux comprendre le sentiment de défiance ressenti par la population des Antilles, à la suite, notamment, du drame de la chlordécone, mais nous voulons garder la possibilité de demander aux soignants de se faire vacciner, si le besoin s'en fait à nouveau sentir.
Le 5 août 2021, la loi relative à la gestion de la crise sanitaire a imposé aux soignants de présenter un schéma vaccinal complet avant le 15 octobre de cette même année, sous peine d'être suspendus. Depuis, la réintégration des personnels non vaccinés a fait l'objet de multiples débats dans notre assemblée. En Europe, de nombreux pays ont mis fin à l'obligation vaccinale des soignants. Le 30 mars dernier, la HAS a remis un rapport ouvrant la voie à la levée de cette obligation.
Nous soutiendrons la proposition de loi de nos collègues du groupe GDR - NUPES, qui s'inscrit dans le prolongement de la loi du 30 juillet 2022, laquelle a prévu la possibilité de réintégrer les personnels suspendus en cas d'avis favorable de la HAS. En effet, nous sommes très régulièrement interpellés dans nos circonscriptions sur le manque de personnels de santé, depuis de nombreux mois, dans les hôpitaux, les établissements de santé, les Ehpad, les centres médico-psychologiques. Dans les outre-mer, où le personnel suspendu est proportionnellement plus nombreux, la situation est encore plus inquiétante.
Par ailleurs, nous ne pouvons rester sourds aux difficultés rencontrées par les professionnels de santé suspendus depuis presque vingt mois, sans rémunération, qui se trouvent dans une situation parfois très difficile, individuellement et socialement. Il est essentiel de trouver des solutions pour ces personnels, sur lesquels nous avons pu compter pendant la crise du covid. La première est d'assurer leur réintégration. Parce qu'ils sont exposés à des personnes particulièrement fragiles et vulnérables, les personnels de santé ont bien évidemment un devoir d'exemplarité. Grâce à la voie ouverte par la recommandation de la HAS, celui-ci peut impliquer l'acceptation de protocoles et de mesures de protection particulières ainsi que l'incitation à la vaccination, mais pas l'obligation vaccinale.
Pour toutes ces raisons, nous voterons la réintégration du personnel soignant non vacciné.
Je ne reviendrai pas sur les incohérences de la gestion de la crise sanitaire ni sur la philosophie qui l'a inspirée, car ce n'est pas le sujet. Il s'agit, non pas de faire preuve d'une forme d'orgueil politique, mais simplement de répondre à une question qui se pose en des termes renouvelés, puisque la HAS a récemment recommandé un changement des règles. La loi de 2021 était une législation d'exception adoptée dans une période d'exception. Puisque nous en sommes sortis, il nous semble nécessaire que le Parlement délibère à nouveau sur ce point. Si nous devions connaître, à l'avenir, une crise d'une nature comparable, nous pourrions en délibérer une nouvelle fois, en tirant les leçons du passé. La question qui nous est posée est la suivante : continue-t-on à laisser le Gouvernement décider en tout temps de ce qu'il faut faire ou reprend-on nos droits de parlementaires en mains ?
Par ailleurs, les personnes suspendues se sont retrouvées dans une zone de non-droit créée spécifiquement pour elles. Il faudra engager des discussions avec les organisations syndicales pour régler ces problèmes.
Je me fais aujourd'hui le porte-parole de mon groupe mais, avant tout, de mes collègues ultramarins. Il est important que nos débats se terminent autrement qu'en novembre dernier, où nous avions été empêchés d'aller au terme de nos discussions. Il faut dire que, depuis, la donne a changé. L'avis rendu, il y a quelques jours, par la HAS est clair : l'obligation vaccinale peut être levée, compte tenu du faible niveau de l'épidémie et du fort taux de vaccination dans la population et parmi les professionnels de santé.
Nous appelons toutefois à continuer d'encourager la vaccination. Notre groupe rappelle que l'épidémie de covid-19 n'est pas terminée et insiste sur la nécessité de ne pas diminuer les moyens de lutte. Sans relativiser les risques et la dangerosité de l'épidémie, il nous faut toutefois reconnaître que, grâce au fort taux de vaccination de la population, nous ne sommes plus dans la situation du début de la crise sanitaire. Cela étant, l'amélioration de l'état des connaissances nous a appris que la vaccination n'empêche pas nécessairement la transmission. Les décisions qui ont été prises au plus fort de la crise doivent être actualisées à l'aune de ces informations.
L'avis récent de la HAS ouvre la porte à la réintégration des soignants suspendus. Nous continuons à penser que, compte tenu de la situation de nos établissements de santé, nous ne pouvons nous priver d'aucun soignant. En outre-mer, particulièrement, nous n'avons pas su répondre à leur inquiétude. Leur suspension a parfois été brutale. En Guadeloupe, pas moins de 346 professionnels de santé ont été suspendus, dont 150 pour le seul centre hospitalier universitaire (CHU). Renoncer à ces personnels précieux, c'est aussi participer à distordre le lien de confiance entre l'État et ces derniers et alimenter la spirale de désaffection envers ces métiers si importants. Il est temps de trouver une sortie à la crise sanitaire et sociale qui s'est enracinée depuis de longs mois.
Oui, la vaccination est nécessaire. Mais nous ne devons pas diminuer nos efforts dans la lutte contre l'épidémie. Cela étant, nous considérons que le moment est venu d'abroger la loi. L'adoption de mesures par décret ne serait pas suffisante. C'est pourquoi nous voterons en faveur de cette proposition de loi.
Nous débattons de cette proposition de loi dans un contexte particulier puisque la HAS, dans son avis du 29 mars, a préconisé, en dehors d'une obligation vaccinale, que tous les efforts doivent être faits pour maintenir une couverture vaccinale élevée chez les professionnels de santé. Elle a également recommandé de faire évoluer le cadre juridique afin qu'une telle obligation soit fondée sur des critères liés à la catégorie professionnelle et aux actes à risque susceptibles d'être réalisés plutôt qu'à une liste d'établissements.
Pour éclairer nos travaux, notre groupe c'est toujours exclusivement fondé sur les recommandations de cette autorité scientifique indépendante. En conséquence, nous souscrivons à la levée de l'obligation vaccinale des personnels soignants, à l'instar de ce qu'ont fait nos voisins européens comme le Royaume-Uni, l'Italie, la Belgique et l'Allemagne mais, comme la HAS, nous demandons une évolution du cadre juridique et non une abrogation.
La suspension des personnels soulève trois questions fondamentales. Est-elle proportionnée, compte tenu de la pénurie de soignants et de la crise que connaît l'hôpital public – je pense en particulier aux territoires ultramarins ? Quels moyens sont-ils déployés pour que ces personnels puissent être réorientés ? Enfin, quid du scepticisme des soignants à l'endroit d'un vaccin qui a permis de sauver des milliers de vies ? La situation de l'hôpital public est inquiétante ; le travail de nos soignants est insuffisamment pris en compte ; nous nous devons de restaurer la confiance, parfois brisée, avec eux.
En tout état de cause, ce texte va plus loin que l'avis de la HAS puisqu'il propose d'abroger le cadre juridique permettant une telle obligation et non de lever la seule obligation vaccinale. La Fédération hospitalière de France et l'Académie de médecine craignent de surcroît des effets de bord si une telle suppression devait être trop brutale.
Bref, nous souscrivons à plusieurs objectifs, que j'ai évoqués et qui sont ceux de la gauche, mais nous préfèrerions que le Gouvernement lève cette obligation par voie réglementaire, ce que nous lui demandons d'ailleurs solennellement de faire car, à ce stade, la suspension des soignants n'a plus lieu d'être. En outre, nous lui demandons de prendre toutes les mesures nécessaires pour mieux l'anticiper en favorisant la reconversion des professionnels suspendus, de manière à ne laisser aucun soignant sur le bord du chemin.
Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra.
Depuis le 15 septembre 2021, les professionnels des secteurs médicaux, paramédicaux, d'aide à la personne et les pompiers qui ne souhaitaient pas se faire vacciner contre la covid ont été suspendus de leurs fonctions. Plusieurs services d'urgence ont été fermés faute de personnels, la pénurie touchant tous les secteurs de la santé, de l'aide à domicile et les Ehpad. La charge de travail s'accroît et les conditions d'exercice se dégradent. Les directions d'établissement, quant à elles, se tournent vers des salariés moins diplômés, moins bien formés et l'intérim médical se développe afin d'assurer la continuité des soins.
La suspension des personnels de santé non vaccinés devait être temporaire. Or, la France est l'un des derniers pays européens à ne pas l'avoir abrogée. Est-il opportun de continuer à se priver d'un vivier de professionnels de santé immédiatement disponible ? Dans quelles conditions pourront-ils réintégrer leurs services ?
Je comprends le prisme particulier adopté par le rapporteur, lié au territoire qu'il représente et, plus généralement, aux territoires ultramarins. Néanmoins, sa proposition de loi ne me semble pas pertinente pour trois raisons.
Tout d'abord, elle est inutile, dès lors qu'un décret lèvera l'obligation vaccinale suite à l'avis formulé par la HAS. Cette proposition de loi me paraît donc relever de l'affichage.
Ensuite, vous n'évoquez pas les problèmes que soulève cette réintégration. Les discussions que j'ai eues dans mon CHU montrent que les choses seront compliquées. Les 99 % de soignants et de non-soignants qui se sont fait vaccinés – et je les en remercie – soit de bon gré, conscients qu'ils étaient de leurs responsabilités, soit suite à une obligation à laquelle ils se sont résolus en raison de ce même sens des responsabilités, n'accueilleront pas forcément à bras ouverts les « résistants » à la vaccination. Nous avons donc besoin d'un peu de temps.
Enfin, une abrogation interdirait le retour d'une obligation vaccinale, possibilité qui doit être maintenue. Le taux de vaccination, grâce à l'obligation, a bondi ; les vaccinés sont moins contaminants et moins malades que ceux qui ne le sont pas.
La levée de l'obligation vaccinale est de bonne politique, comme l'a été l'obligation au plus fort de l'épidémie dans le pays de Pasteur où, paradoxalement, le taux de vaccination est relativement faible.
Je tiens à relever certaines hypocrisies qui ont eu cours sous le couvert de la science.
Tout d'abord, des personnels malades du covid mais peu symptomatiques ont été renvoyés dans un certain nombre de services alors que des soignants en bonne santé mais non vaccinés ne pouvaient pas travailler.
Ensuite, nous savons que le vaccin n'est plus efficace six mois après son injection et qu'un rappel est nécessaire, lequel aurait donc dû être obligatoire.
De plus, la HAS a répondu à la question qui lui a été posée concernant le statut vaccinal dans son ensemble mais ce n'était pas celle-ci qu'il convenait de poser. Elle a dû étudier ce qu'il en était de la vaccination contre l'hépatite B, contre la diphtérie-tétanos-poliomyélite et la covid. Par rapport aux autres pays européens, six mois supplémentaires ont donc été nécessaires pour répondre à cette question simple, en fin de compte, qu'était la réintégration de soignants non vaccinés contre le covid.
Enfin, la pénurie de personnels soignants est telle que je doute de la pression exercée par ceux qui sont vaccinés sur ceux qui le ne sont pas. Personne ne demandera le statut vaccinal d'un personnel qui vient en renfort ! L'état de nos services d'urgence et du secteur médico-social est si catastrophique qu'il n'est pas sain de chercher un alibi fallacieux à la non-réintégration des personnels non vaccinés.
La HAS a fait son travail en formulant un avis et des recommandations. Il est certes toujours possible de considérer qu'ils sont tardifs ou trop timorés mais ils nous invitent à faire évoluer le cadre juridique de l'obligation vaccinale.
En la matière, pas de politicaillerie ! Nous avons vécu une sale période : une épidémie, des morts, un épuisement des personnels de santé, l'état que l'on sait de notre système de santé, un État de droit malmené, poussé à ses ultimes limites, un régime d'exception dont nul ne peut se satisfaire, des entraves aux principes généraux du droit et aux libertés publiques, une perte de confiance de plus en plus répandue en la science, le complotisme, des violences à l'égard de ceux qui ne votaient pas comme il le fallait... Nous devons maintenant en sortir en faisant confiance à la science et en suivant les recommandations de la HAS.
Cette proposition de loi n'est pas opportuniste mais nécessaire. Nous devons donc faire preuve de responsabilité.
Le contexte a évolué depuis le dépôt de cette proposition de loi puisque la HAS a formulé un avis et que le ministre de la santé a souhaité, il y a une semaine, que la réintégration des soignants non vaccinés se passe « le moins mal possible ». Il a également précisé qu'il lancerait une concertation avec les syndicats de médecins, les fédérations hospitalières et les ordres professionnels pour en définir les contours.
Ne conviendrait-il pas de se concentrer sur ces derniers ? Comment le retour de ces personnels qui, pour la plupart, n'ont pas exercé depuis deux ans, sera-t-il organisé ? Nous savons que des questions humaines se poseront, tant pour eux que pour ceux qui les accueilleront. Des questions se poseront également en matière de cohésion, de droit du travail, de parcours professionnels, de remises à niveau. Compte tenu de ce contexte, avez-vous réfléchi à une évolution de votre proposition de loi, à l'intégration d'éléments législatifs permettant d'envisager les contours de cette réintégration ?
Chaque fois que je m'exprime sur ce sujet, je pense à la crise si difficile que nous avons traversée, qui a profondément meurtri notre pays. Avec plus de 1 000 morts, mon territoire a payé un lourd tribut. Cette crise, qui a divisé et affaibli les équipes de soin, a surtout fragilisé un système de santé déjà éprouvé.
Quasiment tous les États européens ont répondu à cette lourde question qu'est celle de la réintégration des personnels suspendus. Pourquoi la France chercherait-elle à trouver des subterfuges pour la faire traîner alors que nous ne sommes plus en état d'urgence sanitaire depuis le 1er août 2022 ?
Le Président de la République avait déclaré que nous étions en guerre. Ce fut en effet le cas, avec une médecine de catastrophe généralisée et des dégâts considérables. La paix, désormais, nous impose de reconstruire, de fortifier et de moderniser notre système de santé afin qu'une telle situation ne se reproduise jamais. Tel est notre devoir de parlementaires. Ce texte permet un dénouement favorable à la crise. Il appartiendra aux différentes instances et institutions, dont le Parlement, de trouver les solutions globales qui s'imposent mais il est grand temps de mettre un terme à cette suspension.
La pandémie a reculé grâce au vaccin et au grand nombre de personnes qui se sont fait vacciner. Si la question d'une réintégration des personnels non vaccinés se pose, suite à l'avis favorable de la HAS, c'est bien parce que d'autres se sont fait vacciner. Nous avons beaucoup trop laissé colporter des discours antivax, antiscientifiques et complotistes ! Nous devons réaffirmer l'importance scientifique de la vaccination, qui nous a permis de triompher du virus.
Un problème ne manquera pas de se poser pour tous les soignants qui ont fait l'effort de se faire vacciner, plus ou moins volontairement, face à la réintégration de ceux qui ont campé sur des positions infondées.
Il convient de suivre l'avis de la HAS, comme le ministre de la santé s'est engagé à le faire, mais il faut le faire par la voie réglementaire en maintenant la possibilité législative de réintroduire une obligation si, par malheur, la situation devait évoluer défavorablement.
Je voterai des deux mains contre cette proposition de loi.
Personne n'a jamais prétendu que le vaccin avait été inutile.
Je suis stupéfaite de la méconnaissance de ces questions. Le retour des personnels suspendus sur leur lieu de travail serait compliqué ? Mais ils y sont déjà revenus systématiquement après avoir contracté le virus puisqu'ils étaient considérés comme immunisés pendant quatre mois en vertu de la loi que vous avez votée ! Les personnels qui les ont accueillis et que j'ai interrogés se sont tous félicités de ne travailler que deux week-ends sur quatre au lieu de trois !
La loi, en pleine pandémie, a disposé de l'obligation vaccinale. Soit. La pandémie, maintenant, est derrière nous et c'est à la loi, non au règlement, de disposer de la réintégration des personnels. Si la situation devait se dégrader à nouveau, eh bien, vous avez voté une fois, vous revoterez ! Ne soyez pas si pessimistes ! Même si vous êtes beaucoup moins nombreux, croyez en l'avenir !
Je remercie donc M. le rapporteur pour sa proposition de loi.
J'espérais que ce débat ne susciterait pas la polémique. Hélas...
Nous aurions pu imaginer circonscrire une telle proposition de loi aux outre-mer mais elle n'aurait pas été juste tant de nombreuses personnes, des soignants et des non-soignants, sont également concernées dans l'Hexagone. Même si d'aucuns prétendent que tel n'est pas le cas, nous ne disposons pas de chiffres officiels. Il n'en reste pas moins que des professionnels de santé ont fermé leur cabinet, que d'autres ont démissionné...
Cette proposition de loi a été déposée le 16 mars, la HAS a rendu son avis le 30 mars et, dans la foulée, le ministre de la santé a assuré qu'il le suivra. Pourquoi, néanmoins, avoir peur du parallélisme des formes ? Vous avez voté une loi d'obligation vaccinale : votons une loi d'abrogation et analysons en profondeur la situation afin de corriger ce qui doit l'être ! En tant que parlementaires, nous ne pouvons pas laisser au seul pouvoir exécutif l'organisation de la réintégration des soignants.
J'entends la chansonnette sur l'accueil des personnels non vaccinés mais vous rendez-vous compte de ce qui s'est passé ? Une loi comportant des dispositions aussi coercitives n'a pu être votée qu'en raison du caractère exceptionnel de la situation. Vous rendez-vous compte des drames humains qui ont eu lieu ? Des familles se sont déchirées, des enfants ont été placés !
L'esprit de cette proposition de loi est étranger à toute polémique. Il s'agit de faire en sorte que le Parlement se saisisse à nouveau de la question, alors que nous ne sommes plus en état d'urgence.
La Corse, considérée comme un désert médical, compte six cents médecins de ville. La Guyane, dont la population est à peu près équivalente, en compte cent cinquante, dont la moitié partira à la retraite d'ici deux à trois ans. De plus, un grand nombre de nos jeunes ne veulent pas embrasser les carrières de santé en raison de l'obligation vaccinale, laquelle est d'ailleurs sujette à caution puisque, selon la HAS, 13 % à 15 % seulement des personnels sont à jour de leur rappel et sont donc protégés – si l'on admet que ce vaccin est efficace. Telle est la réalité ! Nous n'en serions pas là si les Français avaient parfaitement confiance dans ce Gouvernement.
Article 1er : Abroger l'obligation vaccinale contre la covid-19 prévue par la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021
Amendement de suppression AS6 de M. Jean-François Rousset.
La question de la réintégration des soignants ne se pose plus et ne soulève que des problèmes de temps et d'organisation.
De plus, il m'est difficile d'entendre que tous les malheurs que nous avons connus s'expliquent par la vaccination alors que c'est plutôt l'inverse. Les populations qui ont souffert sont celles qui n'ont pas été vaccinées. Le nombre de morts, dans les hôpitaux ou les Ehpad, au début de la crise, s'explique par l'absence tout vaccin.
Il n'est pas possible d'hypothéquer l'avenir en abrogeant définitivement l'obligation vaccinale. En cas d'évolution défavorable de l'épidémie, nous serons très heureux que la loi nous permette de vacciner à grande échelle avec un vaccin efficace : 97 % des personnes vaccinées ne sont pas mortes.
On essaie de réinstaurer un faux débat entre un camp du bien et un camp du mal ; or, il me semble dommageable de ne pas pouvoir discuter sereinement de la stratégie sanitaire que nous devons déployer en fonction des différentes étapes.
Sans doute devrions-nous faire un état des lieux sur les vaccins contre le covid, d'autant plus qu'une question se pose – dont la représentation nationale devrait se saisir – s'agissant de leur production et de leur commande. Un suivi a eu lieu pendant la crise sanitaire et les questions qui ont été soulevées ne sont pas toutes résolues. La vaccination nous a certes permis de faire face à un certain nombre de problèmes sanitaires mais certains d'entre eux demeurent, dont ne traite d'ailleurs pas ce texte.
Personne ne critique la stratégie vaccinale qui a été déployée et qui a montré son efficacité, même si des discours obscurantistes demeurent, en effet, à propos de la vaccination. Néanmoins, notre retard pour lever l'obligation vaccinale par rapport aux autres pays européens contribue à donner le sentiment que nous cacherions quelque chose.
Je regrette que la question posée à notre HAS ne lui ait pas permis de formuler rapidement un avis alors qu'elle est identique à celles de l'Espagne, de l'Allemagne ou de l'Italie, lesquelles ont pu donner une réponse scientifique en quelques semaines, de manière que l'obligation vaccinale soit levée dès le mois de janvier. Chez nous, de telles longueurs ne peuvent qu'aggraver la défiance, ce qui est très dangereux pour notre cohésion nationale.
Levons vite cette obligation vaccinale qui n'est plus du tout d'actualité ! Permettons aux pompiers et aux soignants de travailler !
Par ailleurs, ne faisons pas de procès d'intention : personne ne viendra chercher querelle à qui que ce soit dans les services de soin tant ils sont en tension. Offrez cette soupape aux établissements médico-sociaux et aux hôpitaux !
Notre groupe s'opposera évidemment à cet amendement de suppression. Je rappelle que pour l'Organisation mondiale de la santé (OMS), il faut convaincre plutôt que contraindre. Si les soignants se vaccinent dès qu'ils commencent leur formation, c'est parce qu'on leur explique les bienfaits de la vaccination et que les vaccins employés existent depuis plusieurs dizaines d'années. Dans le cas du covid-19, il s'agit d'un nouveau vaccin. Qui plus est, vous avez initialement décidé de ne vacciner que les soignants de plus de 50 ans, faute de disposer d'assez de vaccins. Il ne faut pas oublier de telles énormités !
Les soignants sont assez intelligents pour qu'on puisse les convaincre des bienfaits de la vaccination. Forcer quelqu'un est le meilleur moyen de l'inciter à ne pas faire ce qu'on lui demande : l'approche de l'OMS n'est peut-être pas infondée !
Plusieurs amendements que nous avons déposés et qui visent à indemniser les soignants ont été systématiquement rejetés par le président de la commission des finances au titre de l'article 40 de la Constitution, alors qu'ils sont parfaitement financés. Cela pose question et nous allons mener notre enquête.
Je vous invite par ailleurs à cesser de politiser la science, qui appartient aux scientifiques – ce que nous ne sommes pas. En mélangeant les choses, vous créez de la défiance chez les Français et alimentez ce que vous appelez complotisme.
Monsieur Alauzet, on compte peut-être 99 % de soignants vaccinés, mais la question est bien plus large. Tandis que vous, chers collègues de la majorité, êtes élus dans de grandes villes, moins exposées à ces problèmes (Exclamations sur divers bancs), ma circonscription est un désert médical, où certains villages, comme Portel-des-Corbières, n'ont plus de médecin depuis l'instauration de cette obligation vaccinale, ce qui est une catastrophe. Certains établissements, Ehpad ou hôpitaux, ferment les yeux sur cette obligation pour éviter que leurs effectifs n'atteignent un niveau dramatique. L'Espagne, toute proche, est un bel exemple du contraire : sans obligation ni passe sanitaire, tout se passe très bien.
Nous voterons, bien évidemment, contre cet amendement de suppression.
Notre groupe votera évidemment cet amendement.
J'invite notre collègue du Rassemblement national à venir visiter mon territoire. Il y verra ce qu'est un désert médical et je serai heureux de lui montrer les difficultés auxquelles nous sommes confrontés.
Par ailleurs, il faut maintenir la prévention et conserver l'outil. J'entends déjà les reproches qui s'exprimeraient ici si l'épidémie devait reprendre !
Enfin, il faut respecter les autorités indépendantes et suivre leurs avis, sans quoi il n'est plus d'autorités indépendantes, ce qui n'est pas notre conception de la politique.
M. Rousset a justement souligné qu'il s'agissait moins ici de la réintégration des soignants, qui aura lieu de toute façon, que, contrairement à ce qu'affirme M. Dharréville, d'une résurgence du débat sur la vaccination. Si nous sommes du côté des 99 % de Français qui se sont fait vacciner, de bon gré pour la plupart et contre leurs convictions profondes pour certains autres qui ont toutefois suivi la règle, il faut voter l'amendement et supprimer l'article.
C'est parce que la démarche incitative initialement adoptée en faveur de la vaccination de la population et des soignants s'est révélée inefficace que l'obligation vaccinale été instaurée, à la différence de tous les autres pays européens, où le taux de vaccination est beaucoup plus élevé qu'en France sans que l'obligation ait été nécessaire.
Par ailleurs, le pourcentage de soignants à réintégrer est négligeable à l'échelle du territoire. Du reste, les chiffres avancés intègrent souvent des personnels administratifs et logistiques, mélangés aux soignants. Sur mon territoire, par exemple, certains soignants ont été accompagnés pour un départ anticipé à la retraite qui leur évitait la réintégration. Les personnels restants sont donc ceux qui refusent toute vaccination.
Je fais partie des soignants qui ont connu le tétanos et la tuberculose, maladies éradiquées grâce à la vaccination. Les propositions de loi remises sur le tapis expriment un message très négatif à propos de la vaccination, qui n'est déjà pas toujours très bien perçue en France.
Le refus de la vaccination tient au traitement de la crise du covid-19 par le Gouvernement. Confrontés à beaucoup de doutes et de mensonges, les gens ont eu peur d'être vaccinés. Lors du premier voyage que j'ai effectué après mon élection, à la Martinique, j'ai constaté la gravité de la situation à l'hôpital de La Meynard. Faute de réintégrer les soignants, ceux-ci sont trop peu nombreux, si bien que les patients, même vaccinés, sont condamnés à mourir faute de personnel pour poser ne serait-ce qu'une perfusion. Cet hôpital est le couloir de la mort – j'y ai vu des patients rester une semaine dans le couloir sans perfusion ni médecin, parce que les soignants sont débordés. Nous devons donc voir comment réintégrer ces derniers pour s'occuper des malades qui souffrent.
Le groupe Horizons votera cet amendement de suppression et est résolument opposé à la manière ambiguë dont la question est posée et dont la dernière intervention est un nouveau témoignage. Favoriser ainsi, sans le dire ni l'assumer, le sentiment antivax qui a traversé le pays est très malsain vis-à-vis des soignants, des Français et de tous ceux qui ont fait face à l'obligation vaccinale.
Pour les soignants, cette obligation est plus large que pour la moyenne des Français. Par ailleurs, ce n'est pas la première fois que la France applique des campagnes de vaccination obligatoire pour les soignants. Enfin, des mois d'information et de pédagogie ont accompagné la diffusion de ces nouveaux vaccins. Tout cela dessine un paysage apaisé et construit.
Le fait que certains soignants soient hermétiques et réticents à la notion de vaccin pose des questions quant à leur rapport à la médecine et à leur présence dans des services médicaux. Il faut cesser de dire qu'on a tué sciemment des gens dans les hôpitaux à l'occasion du covid-19, comme on l'entend dire et comme l'a affirmé voilà quelques jours un brillant député, citant l'exemple de la Guadeloupe. Cette ambiguïté est malsaine.
Je regrette que nos amis du groupe GDR participent à ce populisme malsain qui diffuse dans l'opinion des idées qu'il faudrait tuer. La France est le pays de Pasteur et nous devons faire confiance à la médecine et aux autorités de santé.
Je voudrais tordre le cou à une contrevérité. Élu d'une commune de 630 habitants dans un territoire très rural, je pense pouvoir parler de la ruralité et du manque de médecins. J'ai participé à une campagne de vaccination du mois de juin au mois de décembre 2021 et toutes les personnes que j'ai vues, notamment des personnes âgées défavorables à la vaccination, en ont finalement compris l'intérêt après en avoir discuté.
J'ai aujourd'hui une pensée pour tous les soignants qui ont accepté de se faire vacciner très tôt, prenant le risque de recevoir sans en connaître les risques un nouveau vaccin à ARN messager, fruit d'une recherche enfin aboutie. Par respect pour ces soignants, nous devons permettre la vaccination. Personne ne sait ce que sera demain l'épidémie et les leçons du passé doivent nous servir.
Cette discussion construit des murs et renforce la division. Il faut féliciter les soignants qui se sont fait vacciner tout de suite et respecter le choix contraire qu'on fait certains et qui est une forme de liberté. Au nom de quoi considère-t-on que les angoisses ou l'inquiétude de ces personnes face à un vaccin sont illégitimes ?
En outre, l'obligation vaccinale n'a pas été gérée. On a laissé les hôpitaux gérer seuls les personnes qui étaient parties et les services s'organiser sans elles, et on a laissé les non-vaccinés tout seuls, sans statut ni suivi, tandis que Macron disait qu'il avait très envie de les emmerder.
Ce n'est pas seulement par interdiction ou par obligation qu'on gère une situation, mais aussi par l'accompagnement et par de véritables politiques publiques visant les personnes concernées. Cela a cruellement fait défaut et nous nous opposerons donc à cet amendement.
Comme je l'ai dit, cette proposition de loi n'était pas destinée à soulever une polémique. Je ne suis cependant pas surpris que cette polémique soit venue du premier intervenant, qui a soulevé la question de la vaccination. Les polémiques viennent donc du camp du Gouvernement, et c'est malheureux.
Je le redis, une majorité du personnel des hôpitaux – presque 85 % – travaille sans présenter le schéma vaccinal complet recommandé. Selon les chiffres de la HAS, 15 % des soignants, en profession libérale ou dans les établissements publics, ont reçu la quatrième ou la cinquième dose : on accepte donc de mettre face à des patients des personnels qui ne sont pas couverts par une efficacité vaccinale – à moins que vous ne puissiez me dire que le vaccin reste efficace indéfiniment ! Il s'agit donc, non pas de remettre sur la table la question de la vaccination, mais de redonner au Parlement la possibilité de traiter la question en se fondant sur le meilleur retour d'expérience et en étudiant posément cette question. Pour ma part, je ne peux pas faire confiance au Gouvernement et lui laisser la main pour décider par décret comment cela se fera.
De fait, c'est le Gouvernement qui déterminera le moment de la réintégration. Il nous a été dit qu'au moment où l'obligation vaccinale sera abrogée, les personnels suspendus devront immédiatement retrouver leur poste, ce qui est normal en droit, mais vous dites que vous ne savez pas où sont ces personnes. Pensez-vous donc qu'elles reviendront sur un claquement de doigts ? Comment la publicité sera-t-elle faite ?
La HAS a donné un avis qui tient compte de l'état de l'épidémie, des connaissances sur le virus et de l'efficacité des vaccins. Nous ne vous demandons pas de traiter la question de la vaccination, car ce serait détourner le sujet, mais de dire si nous permettons au Parlement de reprendre la main, plutôt que de la laisser au Gouvernement, d'autant plus que nous n'avons aucune certitude quant à la façon dont les choses se dérouleront.
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 1er est supprimé.
Article 2 : Garantir aux agents publics réintégrés la conservation des droits à l'avancement dont ils disposaient au moment de leur suspension
La commission rejette successivement les amendements rédactionnels AS7, AS9 et AS8 de M. Jean-Victor Castor.
Puis elle rejette l'article 2.
Après l'article 2
Amendement AS5 de M. Dino Cinieri.
L'obligation de vaccination contre le covid-19 a eu des conséquences importantes pour les personnels suspendus et les étudiants qui ont dû arrêter leurs études dans le milieu médical, ainsi que pour les membres des services de police et de gendarmerie et pour les pompiers. Il convient d'en mesurer l'ampleur et d'envisager une indemnisation du préjudice causé.
Je rappelle les mots de la présidente de la commission technique des vaccinations de la HAS : « Nous pensons que presque toute la population qui n'est pas à risque de forme grave a déjà été au contact au moins une fois avec le virus, que ce soit par l'infection ou la vaccination. Actuellement, ne circulent que des sous-variants de la famille Omicron, avec des conséquences sanitaires très limitées. Par ailleurs, l'immunité cellulaire est ancrée pour longtemps, donc tant qu'il y a une circulation à bas bruit d'un virus peu virulent, la stratégie vaccinale n'a pas à viser la population en général. »
Il faut prendre la situation comme elle est. Certaines suspensions qui ont duré deux ans sont des sanctions très fortes. Or la réalité décrite par la HAS est très loin de ce que nous ont décrit les députés de la majorité, qui agitent des peurs qui n'ont plus lieu d'être.
La commission rejette l'amendement.
Article 3 : Gage financier
Amendements AS10 de M. Jean Victor Castor et AS2 de M. Frédéric Falcon (discussion commune).
Mon amendement vise à substituer à la nouvelle taxe sur le tabac proposée par le texte une taxe sur les superprofits engrangés durant la période du covid-19. C'est une fâcheuse habitude que de toujours taxer le tabac, car il s'agit d'une dépense contrainte. En outre, ces taxes mettent en difficulté le réseau des buralistes et accroissent le trafic de tabac.
La commission rejette successivement les deux amendements.
Puis elle rejette l'article 3.
La commission ayant supprimé ou rejeté tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté.
Puis la commission auditionne M. Lionel Collet, dont la nomination aux fonctions de président du collège de la Haute Autorité de santé est envisagée par M. le Président de la République (M. Yannick Neuder, rapporteur).
Par courrier en date du 17 mars 2023, Mme la Première ministre a fait savoir à Mme la présidente de l'Assemblée nationale que le Président de la République envisageait de nommer M. Lionel Collet aux fonctions de président du collège de la Haute Autorité de santé (HAS).
Nous sommes réunis ce matin pour émettre un avis public sur cette proposition, conformément aux dispositions de l'article 13 de la Constitution, des lois organique et ordinaire du 23 juillet 2010 et de l'article 29-1 de notre Règlement. Un commissaire appartenant à un groupe d'opposition ou minoritaire doit exercer la fonction de rapporteur : M. Yannick Neuder étant le référent de la commission pour la HAS, c'est à lui qu'échoit cette fonction.
Monsieur Collet, nous vous demanderons de bien vouloir vous présenter, sachant que votre curriculum vitæ a été préalablement communiqué à l'ensemble des membres de la commission, puis de nous indiquer comment vous envisagez d'exercer la fonction pour laquelle vous êtes pressenti.
À l'issue de cette audition, la proposition de nomination sera soumise au vote des commissaires, à bulletins secrets, hors votre présence.
Je rappelle que conformément à l'article 13 de l'instruction générale du Bureau, les délégations de vote ne peuvent avoir effet pour un scrutin secret.
Comme vous le savez, le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l'addition des votes négatifs dans chaque commission compétente de l'Assemblée nationale et du Sénat représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés.
M. Collet ayant été auditionné en début de matinée par la commission des affaires sociales du Sénat, le dépouillement concomitant des bulletins émis dans les deux assemblées pourra intervenir dès que nous aurons procédé au vote.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je suis conseiller d'État depuis dix ans, après une carrière de médecin hospitalo-universitaire aux Hospices civils de Lyon, où j'ai occupé les fonctions de professeur des universités et praticien hospitalier pendant vingt et un ans et de chef d'un service d'audiologie pendant une douzaine d'années. Sur le plan universitaire, j'ai créé au sein du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) une unité mixte de recherche que j'ai dirigée pendant quinze ans, ainsi qu'un groupement de recherche sur la prothèse auditive dont j'ai occupé la direction pendant quatre ans. Mes travaux, qui portaient sur les neurosciences sensorielles et plus spécifiquement sur l'audition humaine, se situaient à l'interface des sciences biologiques et des sciences humaines et sociales. Par ailleurs, mon travail sur les prothèses auditives portait sur des dispositifs médicaux.
Au cours de ma carrière, qui a duré un peu moins de quarante ans, j'ai occupé des responsabilités en cabinet ministériel pendant deux ans : un peu plus d'une année en tant que directeur de cabinet de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso, et un peu moins d'un an en qualité de conseiller spécial de la ministre des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn.
Avant de vous présenter ma vision de la Haute autorité de santé, je souhaiterais rendre hommage à Dominique Le Guludec, qui a présidé cette institution durant la pire période sanitaire que le pays ait connue, et à l'ensemble des personnels de la HAS.
La HAS exerce une mission singulière dans le paysage des organismes publics d'expertise en santé : chargée d'expertiser la qualité du système de santé, elle a été créée à des fins de régulation de ce système par la qualité et l'efficience et est la seule, en ce domaine, à bénéficier du statut d'autorité publique indépendante.
Autre particularité : le législateur a souhaité que les dispositions la régissant soient codifiées dans le code de la sécurité sociale et non dans celui de la santé publique, alors que la HAS intervient certes dans le champ de l'assurance maladie, mais aussi dans celui de la santé publique. Cette spécificité est le fruit de l'histoire, puisque la HAS a été créée par la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie afin, d'une part, d'évaluer l'utilité médicale des actes, produits de santé et prestations pris en charge par l'assurance maladie et, d'autre part, de promouvoir les bonnes pratiques professionnelles dans le système de santé.
Il est frappant de constater qu'en vingt ans, la disposition du code de la sécurité sociale définissant ses missions aura connu trente versions, par ajouts successifs. En 2004, les missions dévolues à la HAS étaient numérotées de un à cinq. Le 1er janvier 2024, la numérotation ira de un à vingt-deux, sans compter un bis et d'autres dispositions non numérotées. Cette évolution traduit l'attente du législateur et des pouvoirs publics vis-à-vis de la HAS, qui est garante de la qualité du système de santé français. Notez que les propositions de loi relatives à l'accès aux soins et au bien-vieillir prévoient de lui confier de nouvelles tâches.
Au fil du temps, la HAS a ainsi vu son champ d'action s'élargir, sous l'effet, notamment, du renforcement de l'évaluation médico-économique, de la création en son sein de la commission technique des vaccinations ou encore de l'intégration des missions de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux. La HAS développe ainsi la qualité dans le secteur sanitaire, mais aussi dans le champ social et médico-social, ce qui fait écho à la définition de la santé donnée par l'Organisation mondiale de la santé, qui l'envisage comme un « état de complet bien-être physique, mental et social ».
La HAAS s'est également beaucoup investie dans le champ de la e-santé, l'essor croissant des nouvelles technologies impliquant de pouvoir donner des avis sur la qualité et la sécurité de ces outils.
Ainsi, la HAS fournit un travail considérable : elle rend des avis sur des produits de santé en vue de leur remboursement, formule des recommandations – vaccinales, de bonnes pratiques – et prend des décisions, en matière notamment de certification des établissements de santé et d'accréditation des spécialités médicales à risque.
Je vous propose à présent de raisonner à plus long terme et d'imaginer la HAS à un horizon de dix à quinze ans. On peut raisonnablement penser qu'au-delà des missions traditionnelles relatives à la qualité du système de santé, qui perdureront, une place plus importante sera accordée dans le champ de l'expertise aux usagers et aux patients, qui détiennent un savoir nourri par l'expérience. Le rôle des experts en sciences humaines et sociales, qui nous renseignent sur l'impact des mesures prises sur la société, ainsi que sur l'appropriation des recommandations de la HAS, sera également consolidé. Je m'engage, si vous m'accordez votre confiance, à renforcer la place de ces deux catégories d'experts.
Dans les dix à quinze années qui viennent, les recommandations de la HAS devront avoir encore plus d'impact qu'elles n'en ont aujourd'hui. Bien que de très grande qualité, elles sont en effet encore insuffisamment connues et appliquées par les professionnels de santé. Il faut simplifier leur présentation. Il importe également d'approfondir les relations avec les sociétés savantes, tout en tenant compte de leurs liens, voire de leurs conflits d'intérêts, ce qui implique de veiller au respect du cahier des charges très strict élaboré par la HAS. En outre, ces recommandations doivent être enseignées aux professionnels de santé, dans le cadre de leur formation initiale et continue ainsi que de leurs certifications périodiques.
Le législateur a chargé la HAS de remettre au Parlement et au Gouvernement un rapport annuel comportant une analyse prospective et des propositions d'amélioration du système de santé sur le plan de la qualité, de l'efficience et de l'efficacité. Chaque année, depuis la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2018, la HAS publie ce document d'analyse prospective et y aborde un thème spécifique, par exemple la révolution numérique en santé ou, cette année, l'expertise publique en santé en situation de crise.
Il me semble que, pour répondre aux attentes du législateur, le collège de la HAS pourrait publier une fois au cours de son mandat, soit tous les six ans, un autre type de rapport d'analyse prospective qui explique de quelle manière les innovations les plus significatives pourraient modifier l'organisation du système de santé, ce afin d'anticiper et de faciliter l'accès aux soins. La HAS occupe une place idéale pour mener ce type de réflexion, puisqu'elle est au contact permanent des innovations par les dossiers qu'elle instruit concernant les médicaments et les dispositifs médicaux. Il me semble logique qu'un tel rapport puisse être élaboré de façon régulière ; il serait piloté par la HAS en lien avec les autres agences et organismes travaillant dans le domaine de l'innovation, parmi lesquels l'Agence de l'innovation en santé, l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et les organismes de recherche comme l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et le CNRS.
Je pense par ailleurs que dans dix ou quinze ans, les conséquences de la crise du covid seront toujours perceptibles. Au cours de celle-ci, la HAS a dû s'adapter à la nécessité de formuler en urgence des avis et des recommandations, sortant ainsi du temps traditionnellement long de l'expertise. Elle a ainsi acquis une efficacité administrative, qui se renforcera encore à l'avenir et qui lui permettra de se conformer aux délais de remise de ce qui lui sera demandé.
Je mets de côté, faute de temps, les sujets liés à l'Europe et à l'international, mais nous pourrons en discuter, si vous le souhaitez.
J'en viens à la manière dont je conçois la présidence de la HAS. Il s'agit d'une présidence doublement exécutive, puisque le président de la HAS, qui est une autorité publique indépendante, préside également le collège de la HAS. Le président de la HAS est donc soumis à la législation sur les autorités publiques indépendantes : les services sont placés sous son autorité ; il nomme le directeur général et les présidents des commissions spécialisées. Il préside par ailleurs le collège de la HAS, dont les huit membres, renouvelés par moitié tous les trois ans, sont désignés par cinq personnalités différentes : le Président de la République nomme le président de la HAS, les présidents de l'Assemblée nationale, du Sénat et du Conseil économique, social et environnemental nomment chacun un membre et le ministre de la santé les quatre autres membres.
Le rôle du président est de promouvoir une vision intégrée des travaux de la HAS et d'éviter tout cloisonnement entre ses domaines d'intervention : dès le stade de l'évaluation d'un médicament ou d'un dispositif médical, il faut en examiner les conséquences sur les recommandations et les certifications. Il incombe au président de hiérarchiser les actions.
Les enjeux de la régulation sont essentiels. En tant que corapporteur des quatre derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) au Conseil d'État, j'ai eu l'occasion de développer une vision de la régulation par les textes. Il faut insister sur le fait que le président de la HAS et de son collège doit garantir l'indépendance de l'instance, conformément à la disposition législative selon laquelle « les membres des autorités administratives [...] et publiques indépendantes ne sollicitent ni ne reçoivent d'instruction d'aucune autorité ».
L'indépendance n'empêche toutefois pas un dialogue, le plus fluide possible, avec les pouvoirs publics, les patients, les usagers, les professionnels de santé, les autres agences, les organismes de recherche, mais aussi les industriels, avec lesquels j'ai eu l'occasion de m'entretenir dans le cadre de mes fonctions de coordonnateur de la réunion du Conseil stratégique des industries de santé (Csis) de 2016.
Mon expérience au sein du Conseil d'État m'a montré qu'il est tout à fait possible de concilier indépendance et intérêt général : on peut se prononcer sur un sujet donné sans céder en aucune façon à la compromission, si l'on rend un avis totalement indépendant. Je souhaite m'inspirer de ce modèle pour présider la HAS et veiller à l'indépendance de l'instance tout en privilégiant la fluidité du dialogue.
Le président de la HAS doit également être garant de la qualité de l'expertise scientifique. Cela suppose de faire appel à des experts indépendants, n'ayant aucun conflit d'intérêts avec le sujet traité et intervenant dans un contexte de totale transparence quant à l'existence d'éventuels liens d'intérêts. Je connais fort bien ces problématiques, que je traite quotidiennement en tant que coordonnateur du collège de déontologie de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris depuis quatre ans et référent déontologue du centre hospitalier universitaire de Bordeaux depuis plusieurs années.
Il importe par ailleurs de s'assurer de la qualité des experts sur le plan scientifique. À cet égard, je vous précise que j'ai été pendant neuf ans membre du comité national de recherche scientifique, qui recrute et évalue les chercheurs du CNRS.
Enfin, le président de la HAS doit assurer la bonne administration de l'institution, sur les plans humain et budgétaire. Il doit d'abord veiller, en lien avec le directeur général, à la qualité des ressources humaines, des conditions de travail et du dialogue social. Si vous m'accordez votre confiance, je fixerai dès mon arrivée un rendez-vous avec les représentants du personnel.
S'agissant des moyens financiers, les ressources de la HAS proviennent pour l'essentiel d'une ligne de la LFSS. Cette dotation annuelle, de l'ordre de 54 millions d'euros, parvient à la HAS par l'intermédiaire de l'assurance maladie. Or en 2022, les charges de la HAS atteignaient environ 72 millions, soit une différence de 18 millions. Jusqu'en 2014, cet écart était comblé par la perception de taxes et de redevances payées par les industriels. Ces versements ont toutefois cessé, afin de garantir la totale indépendance de la HAS. Dès lors, elle a puisé chaque année dans son fonds de roulement, mais celui-ci sera épuisé fin 2023. Il me paraît donc indispensable, pour que la HAS puisse assumer la totalité de ses missions, que la dotation prévue par la LFSS 2024 augmente de l'ordre de 20 millions d'euros, afin de compenser la somme prélevée chaque année depuis 2014 sur le fonds de roulement.
Je tiens tout d'abord à adresser mes remerciements à Mme Le Guludec pour la qualité des travaux que nous avons conduits ensemble et me réjouis, d'ores et déjà, de pouvoir échanger avec M. Collet. Nous avons pu mesurer, grâce à sa présentation et son curriculum vitæ, l'étendue de son expérience dans le soin, la recherche, l'enseignement et le management, ce qui est de bon augure.
Lors de son audition du 4 avril, Mme Le Guludec s'était montrée peu rassurante, affirmant qu'elle laissait derrière elle une HAS « en déficit de moyens et de ressources », qui ne pourrait continuer à remplir ses missions avec les moyens et les effectifs actuels. La question des moyens sera-t-elle une priorité de votre mandat ? Comment envisagez-vous de pallier le manque de ressources ?
Dans un courrier du 17 février 2023 adressé à la Première ministre le 5 avril, quelque 150 oncologues, dont un ancien président de la HAS, portaient un regard très critique sur la doctrine de la Haute Autorité en matière d'évaluation du service médical rendu (SMR) des médicaments innovants à la suite d'avis défavorables sur le remboursement de médicaments en oncologie et en hématologie. La commission de la transparence de la HAS attribue en effet à ces produits le plus faible niveau d'amélioration du service médical rendu (ASMR) – soit le niveau 5 – ce qui rend impossible la prise en charge du traitement à l'hôpital, faute d'inscription sur la liste en sus. L'accès précoce n'offre souvent pas le temps nécessaire pour fournir les données matures qui permettraient d'évaluer les molécules. En effet, un mois seulement sépare la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) du médicament de l'avis délivré par la HAS. Serait-il envisageable de modifier cette doctrine, afin que les patients n'aient plus à se rendre à l'étranger pour avoir accès à ces molécules et pour ne pas envoyer un signal négatif aux promoteurs de médicaments innovants ?
On observe par ailleurs des failles et des lacunes dans la procédure des AMM conditionnelles. Auparavant, seules une à deux molécules étaient concernées chaque année, ce qui permettait de réguler le flux et de trouver rapidement des solutions pour les patients en attente. L'innovation se développant – ce dont on ne peut que se réjouir –, ce nombre atteint désormais cinq à six molécules par an, avec des budgets substantiels et des cohortes relativement faibles, car on se trouve sur des niches. Comment régler ce problème ?
Votre volonté d'accroître la collaboration de la HAS avec les experts usagers et les spécialistes de sciences humaines et sociales est un point très positif. Le dialogue avec les sociétés savantes est très attendu par celles-ci ; il nécessitera la mise en place des garde-fous nécessaires pour préserver l'indépendance de la HAS.
La HAS a rendu en mars 2023 un avis recommandant la levée de l'obligation vaccinale des soignants contre la covid-19, la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite et son maintien pour l'hépatite B. Le délai nécessaire pour rendre cet avis a été plus long en France qu'ailleurs en Europe, où les agences ne se sont prononcées que sur l'obligation vaccinale contre la covid-19. Ne pensez-vous pas qu'il aurait été plus opportun de concentrer les efforts sur cette seule vaccination ? La question posée à la HAS – revoir le champ vaccinal de manière globale – n'était-elle pas trop complexe ? Il ne faudrait pas laisser penser que, parce qu'elle a mis plus de temps à rendre son avis, notre Haute Autorité de santé serait moins performante et agile que ses homologues européennes : elle n'a fait que répondre à la saisine qui lui avait été adressée, laquelle ne portait pas sur la réintégration des soignants.
La HAS est confrontée à un déficit de moyens et de ressources qui risque de la placer à terme dans l'impossibilité de remplir correctement ses missions, pourtant essentielles à la qualité de notre système de santé. Il est donc indispensable d'accroître la dotation de la LFSS et le plafond d'emplois défini par la loi de finances, qui est d'environ 440 équivalents temps plein (ETP) travaillés et qui est actuellement saturé.
Compte tenu de l'épuisement prochain de son fonds de roulement et du nombre croissant de ses missions, la HAS va devoir entamer un nouveau chapitre de son histoire. En trente ans, elle n'a connu qu'une seule augmentation de son budget, de l'ordre de 7 millions d'euros, lorsqu'elle a été chargée de l'évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux a vu ces missions intégrées à la HAS. Depuis lors, elle a été confrontée à deux diminutions consécutives de sa dotation, de 0,5 et 2 millions d'euros. Je considère que mon rôle est d'alerter sur cet état de fait.
En tant que citoyen et médecin, je souhaite évidemment que chacun puisse bénéficier de traitements innovants, efficaces et de qualité, mais le rôle de la HAS est de garantir la qualité des produits. Dans le cas précis du médicament contre le myélome, une AMM conditionnelle avait été délivrée. La HAS avait estimé que le SMR était important, ce qui ouvrait la possibilité d'un remboursement, mais avait classé la molécule en ASMR 5, ce qui empêchait l'inscription sur la liste en sus.
Classiquement, l'évaluation de l'ASMR s'effectue sur la base d'un comparateur. En cas d'absence de comparateur due à l'absence d'étude randomisée ou à l'arrivée récente de la molécule sur le marché, la doctrine de la commission de la transparence a évolué et consiste désormais à prendre davantage en considération les données en vie réelle fournies avec le médicament. Ce point me semble essentiel et constitue l'un des premiers sujets que j'aborderai avec Pierre Cochat, président de la commission de la transparence. Lorsque j'ai coordonné le Csis en 2016, la question de l'évaluation de l'innovation et de la prise en compte des données en vie réelle se posait déjà. La doctrine doit indiscutablement s'adapter.
Cela étant, il convient de souligner que 80 % des demandes d'autorisation d'accès précoce ont été accordées, alors qu'il n'existait pas nécessairement de comparateur. Ce chiffre s'élève à près de 90 % en oncologie. Le cas du médicament contre le myélome présente donc un caractère particulier ; il soulève des questions dont j'ai l'intention de m'emparer.
Je crois nécessaire de multiplier les recommandations en déléguant aux sociétés savantes des travaux labellisés par la HAS, sous réserve que ces instances respectent un cahier des charges très strict – qui existe – en matière de liens et conflits d'intérêts. Je suis favorable au développement des labellisations, à charge pour les déontologues de la HAS de s'assurer de la bonne gestion des liens et conflits d'intérêts.
La HAS répond aux questions dont elle est saisie. Or, la saisine à laquelle vous faites référence portait sur les obligations vaccinales des professionnels de santé, lesquelles sont régies par deux dispositions distinctes. La première, codifiée dans le code de la santé publique, concerne la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite, l'hépatite B et la grippe. Elle oblige les soignants non pas à être vaccinés, mais à être immunisés, ce qui n'est pas exactement la même chose. Je rappelle qu'un décret de 2006 a suspendu la vaccination obligatoire des professionnels de santé contre la grippe. Ce texte faisait suite à un avis du Haut Conseil de la santé publique qui, constatant l'absence de situation pandémique, préconisait de passer de l'obligation à une recommandation forte, en laissant ouverte la possibilité d'un retour à une obligation vaccinale en cas de réapparition d'une situation pandémique.
Concernant la situation spécifique du covid, l'obligation vaccinale a été instituée par la loi du 5 août 2021. L'article 12 de ce texte, modifié par une loi de 2022 qui met fin aux régimes d'exception créés pour lutter contre l'épidémie, prévoit que l'obligation vaccinale des soignants pourra être suspendue lorsque les conditions épidémiques ou les connaissances médicales et scientifiques évaluées par la HAS le permettront. Sollicitée sur ce point, elle a apporté une réponse argumentée en faveur d'un passage de l'obligation vaccinale à une recommandation forte, en se fondant sur la fin de la pandémie, sur le fait que la population était largement immunisée et sur l'accès relativement simple aux vaccins. Cela rejoint l'avis de 2006 sur la grippe. Le ministre de la santé a, en la matière, une compétence liée : il doit prendre un décret visant à suspendre l'obligation vaccinale.
Le délai de réponse de la HAS est dû au champ extrêmement large de la question posée, qui englobait non seulement les six obligations que vous avez évoquées, mais aussi un volet relatif à d'autres obligations vaccinales envisageables pour les professionnels de santé, sur lesquelles la HAS devrait se prononcer en juillet prochain. On peut en effet se demander pourquoi on a voulu traiter de l'ensemble des vaccins et non pas d'abord du covid. Quoi qu'il en soit, la HAS s'est attachée à répondre précisément à la demande dont elle avait été saisie.
Nous vous sommes reconnaissants, monsieur Collet, de vouloir renforcer la place des experts usagers et patients, ainsi que de continuer à garantir l'indépendance de la HAS dans le dialogue et à prioriser les sujets.
La HAS a publié récemment des recommandations sur les obligations vaccinales des professionnels de santé, alors que certains de nos concitoyens, des professionnels de santé et des parlementaires s'interrogent sur notre rapport à la science sur ce sujet, voire le remettent en question. Quels travaux faudrait-il mener, selon vous, pour ouvrir un nouveau chapitre de la politique vaccinale en France ?
Nous avons défendu récemment une proposition de loi relative à l'amélioration de l'accès aux soins par la confiance accordée aux professionnels de santé, dont plusieurs mesures visent à développer la coopération entre ces professionnels. En 2008, la HAS recommandait une action rapide en la matière. Toutefois, les professionnels de santé craignent que la qualité des soins soit insuffisante. Quelles dispositions vous sembleraient de nature à les convaincre de s'engager dans cette voie ?
Comment la HAS entend-elle répondre aux enjeux majeurs posés par les avancées technologiques et le développement très rapide de l'intelligence artificielle, notamment dans les métiers de la santé ?
Les recommandations émises par la HAS pendant la période de crise sanitaire ont durablement écorné la crédibilité de cette institution et la confiance que nous pouvions lui accorder. Le fait que la HAS persiste par exemple à recommander la vaccination des soignants et des personnels suspendus alors que tous les pays du monde ont levé l'obligation vaccinale depuis des mois soulève de sérieuses questions sur son indépendance réelle et son impartialité. On peut se demander si elle ne se trouve pas sous la tutelle directe du Gouvernement, lequel nomme ses membres. La science et la santé doivent être maintenues hors de tout champ idéologique ou politique et œuvrer au bien commun.
La HAS comporte huit commissions spécialisées, parmi lesquelles la commission de la transparence, qui est chargée d'évaluer les médicaments. Le programme de travail prévisionnel pour 2023 atteste une charge croissante, à laquelle la HAS semble peiner à faire face. Les délais d'évaluation ne cessent de s'allonger, ce qui ralentit l'accès des patients aux médicaments les plus innovants. En France, le délai d'accès moyen est de 527 jours, ramené à 220 jours dans le cadre d'une procédure d'accès dérogatoire, contre 120 jours en Allemagne. Notre pays est très loin de l'objectif de 180 jours fixé par une directive européenne. Si l'on se compare à nos voisins, on comprend que la HAS est en train de devenir un monstre administratif, symptomatique du déclin national, un frein à l'innovation scientifique, médicale et industrielle. Allez-vous, au cours de vos six années de mandat, tout mettre en œuvre pour aider à la diffusion de l'innovation française, dans l'intérêt de la santé de nos concitoyens et de notre souveraineté sanitaire ?
Lors de son audition par notre commission le 4 avril dernier, Mme Le Guludec a affirmé : « Je ne laisse pas une "maison HAS" avec des moyens suffisants à mon successeur. Nous cumulons des problèmes de déficit de ressources et de déficit humain. [...] Le déficit de ressources était prévisible. [...] Nous disposions d'un fonds de roulement important parce que nous recueillions nous-mêmes les contributions des industriels quand nous évaluions leur dossier. [...] Afin d'améliorer la gestion financière, on nous a demandé de résorber ce fonds de roulement, qui est aujourd'hui épuisé ». La HAS emploie 425 collaborateurs et fait appel à des experts externes. Son budget annuel est d'environ 63 millions d'eyros. Selon la présidente actuelle, il faudrait réattribuer au budget de la HAS les crédits qui lui ont été retirés, soit un abondement annuel de l'ordre de 15 millions, faute de quoi elle ne pourrait pas continuer à assumer ses missions à l'identique.
Alors que ses missions se sont considérablement élargies en 2012 puis en 2018, avec la reprise des travaux d'évaluation externe des établissements médico-sociaux, la HAS n'a visiblement plus les moyens d'assurer l'ensemble de ses prérogatives en conservant, d'une part, un haut niveau d'expertise et, d'autre part, en garantissant l'indépendance de son action. De quelle marge de négociation disposez-vous en vue d'augmenter la dotation allouée à la HAS ? À quel montant estimez-vous les besoins budgétaires de l'institution ?
La question de la crédibilité et de la confiance accordée à la HAS nous paraît centrale : nous avons besoin de croire en la science et en cette institution, dont nous souhaitons que les équipes continuent à évaluer, aviser et recommander. Nous voulons avoir deux certitudes : premièrement, que vous avez l'indépendance pour le faire ; deuxièmement, qu'il n'y a pas lieu de remettre en question, dans l'intérêt des patients, des doctrines médicales auxquelles vous seriez attachés – il n'y a dans mon propos nul procès d'intention. On a parfois le sentiment, peut-être à tort, que la reconnaissance de certaines pathologies, comme les affections de longue durée, se heurte à une relative inertie, ou du moins réclame un temps particulièrement long. L'indépendance intellectuelle de la HAS est primordiale, car elle garantit une expertise puissante et juste, de nature à redonner de la crédibilité à la science, laquelle a été mise à mal lors de la crise du covid. Dans les six années à venir, la HAS doit retrouver une véritable légitimité, ce qui passera par des moyens, une indépendance confirmée et une volonté d'aller de l'avant, coûte que coûte.
Quelles orientations envisagez-vous de donner à la prévention en santé environnementale au sein de la HAS ? Je travaille actuellement sur l'exposition des femmes enceintes à certains produits toxiques et perturbateurs endocriniens, dont les phtalates, qui ont une part de responsabilité importante dans la prématurité. Souhaitez-vous vous saisir de ce sujet ?
L'Assemblée nationale examine actuellement une proposition de loi visant à bâtir une société du bien-vieillir. La progression de l'espérance de vie en bonne santé est un indicateur important pour suivre l'efficacité des politiques de prévention et d'accès à la santé. Or, nous savons qu'il existe des disparités considérables en fonction des territoires et des niveaux de vie. Quelles orientations envisagez-vous de proposer pour améliorer l'espérance de vie de nos concitoyens et mieux prévenir les maladies liées à l'âge et à la perte d'autonomie, notamment dans les déserts médicaux ?
Les députés socialistes et apparentés souhaiteraient connaître votre position sur la permanence des soins. La situation de notre système de santé est de plus en plus critique. Qu'ils se trouvent en périphérie des métropoles, dans les territoires ruraux ou en outre-mer, nos concitoyens ont de plus en plus de difficultés à se faire soigner. Les déserts médicaux sont une réalité quotidienne pour des millions de Français, dont certains renoncent à se soigner quand d'autres doivent attendre plusieurs mois pour accéder à un spécialiste. Il est aujourd'hui vital d'assurer dans les territoires les moins bien dotés le maintien du dispositif de permanence des soins, affaibli par l'éloignement des hôpitaux – parfois situés à plus d'une heure de trajet – et la raréfaction des médecins libéraux. Les médecins, même libéraux, ont des devoirs envers leurs patients. Certains se démènent pour fournir une offre de soins de qualité partout sur le territoire. Il est essentiel de garantir à chaque Français un accès aux soins à tout moment, en tout point du territoire. Serait-il possible, selon vous, d'améliorer le dispositif de permanence des soins en renforçant, par exemple, le maillage territorial et en redéfinissant les secteurs ?
La réforme de l'accès précoce aux médicaments innovants, entrée en application le 1er juillet 2021, visait à simplifier et harmoniser les dispositifs d'accès dérogatoire. Le nouveau dispositif permet aux patients atteints d'une pathologie grave et confrontés à une impasse thérapeutique de bénéficier, à titre exceptionnel et temporaire, de certains médicaments innovants. Près d'un an et demi après le lancement de cette procédure, la HAS en dresse un bilan positif, puisque 80 % des 177 dossiers déposés par les laboratoires auprès de la commission de la transparence ont été acceptés – dont 90 % en oncologie.
Cette réforme repose sur le recueil de données en vie réelle pour confirmer l'efficacité du traitement. L'autorisation s'accompagne donc d'un protocole d'utilisation thérapeutique et de recueil de données. Si la responsabilité et le financement de ce recueil incombent au laboratoire, il appartient aux établissements et aux professionnels de santé d'assurer la collecte des données et de les transmettre au laboratoire. Or, les chiffres communiqués par les laboratoires montrent que les professionnels de santé n'ont pas le temps de s'acquitter de cette tâche.
Nous nous interrogeons sur la position officielle de la HAS quant à la réutilisation des données collectées dans le cadre des accès précoces. Ces données dites « de vraie vie » permettent-elles réellement de nourrir l'évaluation de droit commun effectuée par la commission de la transparence de la HAS, notamment pour les demandes d'accès précoces pré-AMM ? Comment la HAS peut-elle accompagner les produits en accès précoce vers l'évaluation de droit commun, en veillant à garantir la cohérence de l'évaluation ?
La HAS fait face à des déficits de ressources, notamment humaines. Quel regard portez-vous sur cette situation, au-delà des éléments financiers ? Quelles perspectives envisagez-vous ?
La HAS s'est récemment vu confier la mission d'attribution des autorisations d'accès précoce aux médicaments innovants, précédemment dévolue à l'ANSM. Un premier bilan de cette action a-t-il été dressé ?
Comment envisagez-vous l'avenir de la HAS, aujourd'hui confrontée à un manque de moyens financiers et humains ? Comment assurer la pérennité et le maintien de la qualité de ses travaux ?
La recommandation de lever l'obligation vaccinale des professionnels de santé contre le covid et d'autres agents pathogènes, formulée récemment par la HAS, a mis en lumière les différences de points de vue entre les experts et les acteurs concernés, notamment au sein de l'autorité scientifique de la HAS. Comment concilier les positions distinctes d'instances telles que l'Académie de médecine, les syndicats de praticiens et les associations de patients ? Les avis de la HAS sont soumis à consultation avant leur publication. Dans quelle mesure ces consultations sont-elles prises en compte ?
Plusieurs dispositifs médicaux, tels que les bandelettes sous-urétrales ou les implants de stérilisation définitive, sont recommandés aux femmes pour répondre à leurs besoins de santé spécifiques, auxquels s'ajoutent d'autres dispositifs comme les protections hygiéniques. Ces produits n'ont pas seulement pour point commun d'être utilisés en majorité par les femmes, mais aussi d'être composés de matériaux ou de produits chimiques nocifs pour le corps humain. À l'heure actuelle, les fabricants ne sont pas tenus d'indiquer la composition de ces produits. Êtes-vous favorable à l'interdiction des produits chimiques et des matériaux nocifs dans les dispositifs médicaux gynécologiques ? Est-il souhaitable, à vos yeux, d'imposer une obligation de transparence aux fabricants quant à la composition de ces dispositifs ?
Je vous remercie d'avoir exprimé de manière aussi directe les besoins de la HAS ; j'espère que vous serez entendus. Pouvez-vous nous apporter quelques informations complémentaires concernant le plafond d'ETP auquel la HAS est soumise ?
Quel rôle la HAS pourrait-elle jouer pour faire progresser la culture sanitaire et favoriser le développement de la démocratie sanitaire dans notre pays ?
Quel regard portez-vous sur les transferts de tâches entre professionnels de santé ?
Certains de ces professionnels déplorent le développement d'une logique de protocolisation et ont le sentiment d'être en permanence soumis à des injonctions. Cela étant, les recommandations sont nécessaires. Comment trouver le juste équilibre ?
Comment envisagez-vous de lutter contre la marchandisation de la santé, qui touche particulièrement les dispositifs médicaux, ainsi que contre les délocalisations ?
Permettez-moi de me faire le porte-parole de l'Association française des malades du myélome multiple, qui signale des cas de patients sans ressource thérapeutique en dehors d'une adaptation des chimiothérapies de première ligne, assorties de quelques médicaments supplémentaires. Certains d'entre eux ont bénéficié, dans le cadre d'un essai thérapeutique, d'un traitement innovant consistant à modifier génétiquement certaines cellules pour les rendre tueuses du cancer. Les résultats semblent encourageants : 60 % des patients traités selon cette technique n'auraient plus de signe de maladie deux ans plus tard et ne présenteraient pas de toxicité à long terme ; on aurait observé chez 97 % d'entre eux une réponse extrêmement rapide, avec une très bonne qualité de vie et une reprise des activités sportives et professionnelles. Je cite ces chiffres au conditionnel puisque je vous les rapporte sans les avoir vérifiés. Ce cas soulève néanmoins la question du rôle de la commission de la transparence et d'une évolution possible de sa doctrine. Pouvez-vous vous engager sur ce point vis-à-vis de la soixantaine de patients concernés ? Il faut rappeler que le traitement est très coûteux, puisqu'il excède 300 000 euros, mais c'est à notre portée.
La HAS élabore chaque année une cinquantaine de recommandations qui s'adressent aux professionnels des secteurs sanitaire, social et médico-social, sur des sujets variés. Dans son projet stratégique 2019-2024, la HAS s'est donné pour objectif d'améliorer l'impact de ses productions. Des travaux ont été menés à cette fin entre septembre 2019 et avril 2023, qui ont abouti à l'élaboration d'un programme d'actions transversales et pluriannuelles, annoncé ces derniers jours. De quelle manière comptez-vous accompagner ce programme ?
Vous nous avez alertés sur la nécessité d'augmenter les moyens de la HAS et de hiérarchiser les actions. Si ses ressources humaines et budgétaires n'évoluaient pas suffisamment, quelles seraient vos premières priorités ?
Vous avez évoqué à plusieurs reprises l'importance de la prévention des conflits d'intérêts. Or, dans certains domaines très pointus, l'expertise scientifique peut être rare et les experts praticiens sont parfois peu nombreux. Peut-on, dès lors, écarter tout expert ayant des intérêts, notamment pour ce qui concerne l'innovation relative aux maladies rares ? Quelles évolutions envisagez-vous ?
Vous avez mis en exergue le besoin d'améliorer la diffusion des recommandations de la HAS auprès des professionnels de santé. Souhaitez-vous procéder de manière directe ou passer par des intermédiaires ? Envisagez-vous de l'information descendante ou de la formation participative ? Quelles méthodes spécifiques entendez-vous privilégier en matière de fonctionnement collaboratif avec les professionnels de ville ?
Dans une société où l'immédiateté devient la règle et où tout a tendance à se judiciariser, dans quelle mesure le risque juridique peut-il influencer les actions de la HAS, voire la pousser à l'inaction ?
Le fait d'être nommé par le Président de la République est-il de nature à réduire l'indépendance de votre fonction ? Les décisions du Conseil de défense doivent-elles respecter les recommandations de la HAS ?
Par quels moyens la HAS entend-elle lutter contre la montée de la défiance de l'opinion publique à l'égard des autorités scientifiques – comme politiques – et mieux faire reconnaître ses avis ?
Le site de la HAS insiste sur la diversité des modalités de participation à ses travaux. Or le 29 mars dernier, veille de la publication de l'avis sur les obligations et recommandations vaccinales des professions de santé, la directrice du pôle ressources humaines de la Fédération hospitalière de France expliquait que cette instance n'avait pas été consultée. Pourriez-vous nous éclairer sur les modalités de consultation appliquées par la HAS ? Quel bilan tirer et quelles perspectives envisager en matière de démocratie en santé ? Quelles orientations envisagez-vous pour mieux associer acteurs de santé et usagers aux travaux de la HAS ?
La demande d'augmentation de la dotation de la HAS intervenant dans une période budgétairement contrainte, ne serait-il pas pertinent d'envisager une priorisation plutôt qu'une multiplication des avis rendus ?
Ne conviendrait-il pas par ailleurs de simplifier les recommandations afin d'en faciliter la diffusion auprès des professionnels de santé, qui les sollicitent peu ? La procédure de certification des établissements ne gagnerait-elle pas également à être simplifiée, pour plus de pertinence et de performance ? La simplification dans tous les domaines pourrait, à mon sens, contribuer à limiter le budget de fonctionnement de la HAS.
Je rappelle qu'une autorité publique indépendante n'a pas de tutelle. Je m'engage à garantir l'indépendance totale de la HAS. Je pense que mon parcours plaide en ma faveur. J'ai présidé une université et la Conférence des présidents d'université : je connais peu d'instances qui revendiquent plus leur indépendance. En outre, j'ai exercé des fonctions, pendant dix ans, au Conseil d'État, institution dont personne, je l'espère, ne met en doute l'indépendance. C'est l'une des raisons qui ont suscité mon intérêt pour le poste de président de la HAS. Je vous garantis donc que je veillerai à l'indépendance de l'institution, qui est fondamentale pour nourrir la confiance, mais aussi au dialogue, qui n'est pas synonyme de compromission. Ces deux aspects sont pour moi importants.
Dès que l'on entend le mot « autorité », dans notre pays, on a tendance à s'opposer. J'en suis parfaitement conscient, mais la seule chose qui m'importe est que les avis rendus par la HAS soient de qualité et élaborés en toute indépendance.
Les industriels le disent eux-mêmes : la HAS est très stricte en matière de liens et de conflits d'intérêts. Elle n'hésite pas à écarter un expert en butte à un tel conflit. Lorsque j'ai coordonné le Csis de 2016, la HAS m'a confié ne rencontrer aucune difficulté pour trouver des experts. Au demeurant, rien n'empêche la HAS d'auditionner des spécialistes ayant un conflit d'intérêts, à la condition que la procédure soit transparente et que les experts concernés ne participent, à aucun moment, à la décision.
Les questions relatives à la santé des femmes revêtent une importance majeure. Cela étant, je rappelle que, si la HAS peut s'autosaisir, elle répond essentiellement aux saisines qui lui sont adressées et doit prioriser les nombreuses sollicitations dont elle est l'objet, compte tenu des moyens dont elle dispose. Elle n'est en outre ni l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, qui traite, entre autres, de la sécurité environnementale, ni l'ANSM, qui connaît, par exemple, des risques liés aux dispositifs médicaux. Cela étant, les recommandations de bonnes pratiques professionnelles relèvent du champ de compétence de la HAS, qui doit, elle aussi, informer sur ces situations.
Parallèlement à la HAS, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé a été saisi de la question des obligations vaccinales des professionnels de santé et conduira dans son domaine une réflexion qui complètera celle de la HAS. L'Académie de médecine a également publié un avis dans lequel elle affirme que la vaccination est un devoir pour les soignants. Telle n'était pas la question posée à la HAS : il lui a été demandé si, au regard de l'évolution de l'épidémie et des connaissances, l'obligation vaccinale était fondée ou non, pour le covid comme pour les autres maladies. Cette réflexion a procédé d'une analyse scientifique.
L'expression « transfert de tâches » ne me semble pas appropriée, car elle laisse entendre qu'il s'agirait de retirer des missions à certains pour les confier à d'autres. Je lui préfère la notion de « compétences partagées » entre les acteurs. Je suis, à titre personnel, partisan des compétences partagées, sous réserve que l'on garantisse la qualité de la réalisation de l'acte. La vaccination contre la grippe a constitué un précédent, puisque les infirmiers ont été autorisés par la loi, puis par décret, à la pratiquer, hormis en cas de primo-vaccination, qui devait être réalisée par un médecin. Il s'est écoulé une dizaine d'années avant que la HAS ne soit saisie de cette question. Elle a souligné, dans son avis, que la revue de la littérature ne mettait pas en évidence un nombre plus élevé d'accidents lors de la primo-vaccination, qu'elle soit réalisée par un infirmier ou un médecin, que lors des vaccinations ultérieures. Cela a conduit à une évolution légale qui permet désormais aux infirmiers d'effectuer cette primo-vaccination. Il s'agit bien là d'une compétence partagée entre médecins et infirmiers. Dès lors que la qualité de l'acte est garantie et que les critères sont respectés, cela ne pose pas de problème. La HAS avait élaboré en 2015 un rapport sur la délégation de tâches et les protocoles de coopération entre professionnels, qui définissait les situations et les critères de qualité à prendre en considération. Il me semble important que la HAS se prononce sur ces critères. Je rappelle que de nombreuses professions sont aujourd'hui autorisées à vacciner.
Je suis soucieux des facteurs qui pourraient retarder l'accès de nos concitoyens à des produits de santé efficaces. Toutefois, vous l'avez rappelé, un risque existe, et je suis également soucieux de ne pas laisser croire qu'un produit est de qualité s'il ne l'est pas. Il y a une part d'incertitude en ces domaines. Tout accès précoce comporte une prise de risque. Les agences n'avaient pas pour tradition de gérer le risque et l'incertitude. C'est aujourd'hui une nécessité, puisque nous sommes confrontés à des présomptions d'innovations et d'apports des produits. Il est logique que les patients souhaitent avoir accès à un traitement qu'ils pensent efficace. De son côté, la HAS doit s'assurer de l'efficacité du traitement et évaluer la prise de risque.
Je suis très intéressé par les données en vie réelle. Étant issu du monde de la recherche, je sais pertinemment que les premiers traitements sont souvent administrés aux patients connaissant les situations les plus difficiles. Les données en vie réelle ainsi obtenues sont précieuses. Toutefois, si l'on veut appliquer une méthodologie stricte, il faut s'assurer que la population traitée ressemble à celle qui se verra prescrire la molécule par la suite. L'intérêt de l'étude randomisée est de s'affranchir des conditions – d'âge, de sexe... – visant à caractériser la population.
Je me réjouis que la doctrine de la commission de la transparence ait évolué, même si certains considèrent que ce changement n'est pas suffisant. Je m'engage, si vous m'accordez votre vote, à aborder d'emblée le sujet avec le président de cette commission.
Concernant les ressources de l'institution, je n'ose envisager la situation dans laquelle nous n'aurions pas les moyens de travailler. Je veux croire que les pouvoirs publics prendront la mesure de la situation. Je ne vois pas, en effet, où pourraient se trouver les marges de manœuvre. Elles ne peuvent consister, en tout état de cause, à dégrader la qualité. Il ne pourrait s'agir que d'opérer un choix entre les avis à rendre, mais compte tenu de l'accroissement des missions confiées à la HAS, cela ne me paraît pas réalisable.
La prévention en santé est un sujet majeur, qui va de pair avec la pertinence des actes et des prises en charge. Je n'ai pas vérifié, mais je ne doute pas que la HAS a déjà travaillé sur ces questions. Son apport peut consister en une évaluation de la qualité des actions de prévention et de leurs retombées, même si la décision ne lui incombe pas ; elle ne fait qu'éclairer les choix publics.
J'entends tout à fait votre préoccupation concernant la permanence des soins, mais cette question n'entre pas dans les attributions de la HAS. Les aspects relatifs au maillage territorial relèvent de décisions ministérielles.
Lorsque je coordonnais le Csis en 2016, les industriels me disaient que les délais de réponse de la HAS étaient trop longs. Aujourd'hui, ils continuent à dire que le médicament met trop de temps à arriver mais n'imputent plus cet état de fait à la HAS. Ils constatent qu'elle a sensiblement accru son efficacité. D'autres étapes sont fort longues, ne serait-ce que celle de la négociation des prix. La HAS peut faire mieux, mais elle a considérablement amélioré ses délais, dans le respect de la qualité.
Monsieur Collet, je vous remercie pour vos réponses, qui ont sans aucun doute éclairé la représentation nationale. Nous allons à présent vous libérer, afin de procéder au vote.
Délibérant à huis clos, la commission désigne comme scrutateurs Mme Nicole Dubré-Chirat et M. Serge Muller, puis se prononce par un vote au scrutin secret, dans les conditions prévues à l'article 29-1 du Règlement, sur la proposition de nomination de M. Lionel Collet en qualité de président du collège de la Haute Autorité de santé.
Il est ensuite procédé au dépouillement du scrutin, simultanément au dépouillement du scrutin sur cette proposition de nomination opéré par la commission des affaires sociales du Sénat.
Les résultats du scrutin sont les suivants :
Nombre de votants : 33
Bulletins blancs ou nuls : 0
Suffrages exprimés : 33
Avis favorables : 27
Avis défavorables : 6
En conséquence, la commission a émis un avis favorable à la nomination de M. Lionel Collet aux fonctions de président du collège de la Haute Autorité de santé.
La séance est levée à douze heures trente
Présences en réunion
Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Bénédicte Auzanot, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, M. Jean-Victor Castor, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Sébastien Delogu, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Emmanuel Fernandes, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Olga Givernet, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Servane Hugues, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, Mme Sandrine Josso, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Katiana Levavasseur, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, M. Sébastien Peytavie, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Stéphane Viry
Excusés. - M. Thierry Frappé, M. Philippe Juvin, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Olivier Serva, M. Emmanuel Taché de la Pagerie
Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Fabien Di Filippo, M. Frédéric Falcon