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Intervention de Lionel Collet

Réunion du mercredi 12 avril 2023 à 9h00
Commission des affaires sociales

Lionel Collet :

Je rappelle qu'une autorité publique indépendante n'a pas de tutelle. Je m'engage à garantir l'indépendance totale de la HAS. Je pense que mon parcours plaide en ma faveur. J'ai présidé une université et la Conférence des présidents d'université : je connais peu d'instances qui revendiquent plus leur indépendance. En outre, j'ai exercé des fonctions, pendant dix ans, au Conseil d'État, institution dont personne, je l'espère, ne met en doute l'indépendance. C'est l'une des raisons qui ont suscité mon intérêt pour le poste de président de la HAS. Je vous garantis donc que je veillerai à l'indépendance de l'institution, qui est fondamentale pour nourrir la confiance, mais aussi au dialogue, qui n'est pas synonyme de compromission. Ces deux aspects sont pour moi importants.

Dès que l'on entend le mot « autorité », dans notre pays, on a tendance à s'opposer. J'en suis parfaitement conscient, mais la seule chose qui m'importe est que les avis rendus par la HAS soient de qualité et élaborés en toute indépendance.

Les industriels le disent eux-mêmes : la HAS est très stricte en matière de liens et de conflits d'intérêts. Elle n'hésite pas à écarter un expert en butte à un tel conflit. Lorsque j'ai coordonné le Csis de 2016, la HAS m'a confié ne rencontrer aucune difficulté pour trouver des experts. Au demeurant, rien n'empêche la HAS d'auditionner des spécialistes ayant un conflit d'intérêts, à la condition que la procédure soit transparente et que les experts concernés ne participent, à aucun moment, à la décision.

Les questions relatives à la santé des femmes revêtent une importance majeure. Cela étant, je rappelle que, si la HAS peut s'autosaisir, elle répond essentiellement aux saisines qui lui sont adressées et doit prioriser les nombreuses sollicitations dont elle est l'objet, compte tenu des moyens dont elle dispose. Elle n'est en outre ni l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, qui traite, entre autres, de la sécurité environnementale, ni l'ANSM, qui connaît, par exemple, des risques liés aux dispositifs médicaux. Cela étant, les recommandations de bonnes pratiques professionnelles relèvent du champ de compétence de la HAS, qui doit, elle aussi, informer sur ces situations.

Parallèlement à la HAS, le Comité consultatif national d'éthique pour les sciences de la vie et de la santé a été saisi de la question des obligations vaccinales des professionnels de santé et conduira dans son domaine une réflexion qui complètera celle de la HAS. L'Académie de médecine a également publié un avis dans lequel elle affirme que la vaccination est un devoir pour les soignants. Telle n'était pas la question posée à la HAS : il lui a été demandé si, au regard de l'évolution de l'épidémie et des connaissances, l'obligation vaccinale était fondée ou non, pour le covid comme pour les autres maladies. Cette réflexion a procédé d'une analyse scientifique.

L'expression « transfert de tâches » ne me semble pas appropriée, car elle laisse entendre qu'il s'agirait de retirer des missions à certains pour les confier à d'autres. Je lui préfère la notion de « compétences partagées » entre les acteurs. Je suis, à titre personnel, partisan des compétences partagées, sous réserve que l'on garantisse la qualité de la réalisation de l'acte. La vaccination contre la grippe a constitué un précédent, puisque les infirmiers ont été autorisés par la loi, puis par décret, à la pratiquer, hormis en cas de primo-vaccination, qui devait être réalisée par un médecin. Il s'est écoulé une dizaine d'années avant que la HAS ne soit saisie de cette question. Elle a souligné, dans son avis, que la revue de la littérature ne mettait pas en évidence un nombre plus élevé d'accidents lors de la primo-vaccination, qu'elle soit réalisée par un infirmier ou un médecin, que lors des vaccinations ultérieures. Cela a conduit à une évolution légale qui permet désormais aux infirmiers d'effectuer cette primo-vaccination. Il s'agit bien là d'une compétence partagée entre médecins et infirmiers. Dès lors que la qualité de l'acte est garantie et que les critères sont respectés, cela ne pose pas de problème. La HAS avait élaboré en 2015 un rapport sur la délégation de tâches et les protocoles de coopération entre professionnels, qui définissait les situations et les critères de qualité à prendre en considération. Il me semble important que la HAS se prononce sur ces critères. Je rappelle que de nombreuses professions sont aujourd'hui autorisées à vacciner.

Je suis soucieux des facteurs qui pourraient retarder l'accès de nos concitoyens à des produits de santé efficaces. Toutefois, vous l'avez rappelé, un risque existe, et je suis également soucieux de ne pas laisser croire qu'un produit est de qualité s'il ne l'est pas. Il y a une part d'incertitude en ces domaines. Tout accès précoce comporte une prise de risque. Les agences n'avaient pas pour tradition de gérer le risque et l'incertitude. C'est aujourd'hui une nécessité, puisque nous sommes confrontés à des présomptions d'innovations et d'apports des produits. Il est logique que les patients souhaitent avoir accès à un traitement qu'ils pensent efficace. De son côté, la HAS doit s'assurer de l'efficacité du traitement et évaluer la prise de risque.

Je suis très intéressé par les données en vie réelle. Étant issu du monde de la recherche, je sais pertinemment que les premiers traitements sont souvent administrés aux patients connaissant les situations les plus difficiles. Les données en vie réelle ainsi obtenues sont précieuses. Toutefois, si l'on veut appliquer une méthodologie stricte, il faut s'assurer que la population traitée ressemble à celle qui se verra prescrire la molécule par la suite. L'intérêt de l'étude randomisée est de s'affranchir des conditions – d'âge, de sexe... – visant à caractériser la population.

Je me réjouis que la doctrine de la commission de la transparence ait évolué, même si certains considèrent que ce changement n'est pas suffisant. Je m'engage, si vous m'accordez votre vote, à aborder d'emblée le sujet avec le président de cette commission.

Concernant les ressources de l'institution, je n'ose envisager la situation dans laquelle nous n'aurions pas les moyens de travailler. Je veux croire que les pouvoirs publics prendront la mesure de la situation. Je ne vois pas, en effet, où pourraient se trouver les marges de manœuvre. Elles ne peuvent consister, en tout état de cause, à dégrader la qualité. Il ne pourrait s'agir que d'opérer un choix entre les avis à rendre, mais compte tenu de l'accroissement des missions confiées à la HAS, cela ne me paraît pas réalisable.

La prévention en santé est un sujet majeur, qui va de pair avec la pertinence des actes et des prises en charge. Je n'ai pas vérifié, mais je ne doute pas que la HAS a déjà travaillé sur ces questions. Son apport peut consister en une évaluation de la qualité des actions de prévention et de leurs retombées, même si la décision ne lui incombe pas ; elle ne fait qu'éclairer les choix publics.

J'entends tout à fait votre préoccupation concernant la permanence des soins, mais cette question n'entre pas dans les attributions de la HAS. Les aspects relatifs au maillage territorial relèvent de décisions ministérielles.

Lorsque je coordonnais le Csis en 2016, les industriels me disaient que les délais de réponse de la HAS étaient trop longs. Aujourd'hui, ils continuent à dire que le médicament met trop de temps à arriver mais n'imputent plus cet état de fait à la HAS. Ils constatent qu'elle a sensiblement accru son efficacité. D'autres étapes sont fort longues, ne serait-ce que celle de la négociation des prix. La HAS peut faire mieux, mais elle a considérablement amélioré ses délais, dans le respect de la qualité.

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