La séance est ouverte à onze heures cinq.
Monsieur le ministre, vous avez présenté hier en Conseil des ministres le projet de loi de programmation militaire (LPM) pour la période 2024-2030.
Cette LPM est exceptionnelle à plusieurs titres : d'abord, parce qu'elle met en jeu notre sécurité collective, dans un monde de plus en plus dangereux ; par son montant, ensuite, qui s'élève à 413 milliards d'euros ; enfin, parce qu'elle engage la vie de nos soldats.
La commission de la défense s'est préparée à cette échéance à travers trois cycles d'auditions, sur le retour d'expérience en Ukraine, sur la dissuasion et sur les différents modèles d'armées. Cinq missions d'information ont été menées, dont l'une a porté sur l'évaluation de la LPM votée en 2018. Notre commission a aussi conduit quatorze déplacements en France et seize à l'étranger. Quatre débats publics ont été organisés pour associer l'ensemble des forces vives de la nation, à Pau, Brest, Périgueux et Biscarosse.
Nous entamons un nouveau cycle d'une vingtaine d'auditions pour préparer l'examen de ce texte, dont Jean-Michel Jacques sera le rapporteur.
Nous sommes impatients de vous entendre nous présenter le contenu de cette loi.
Il est d'abord bon de rappeler que si certaines contraintes se sont imposées à nous, cette LPM découle de choix politiques : ils définissent notre modèle d'armée, notre relation à l'exportation d'armes, notre conception de la dissuasion nucléaire, nos alliances militaires et la relation que nous entretenons avec nos industriels afin de garantir notre souveraineté.
Monsieur le président, je vous ai informé que je me tenais à votre disposition lors de la rédaction de la LPM afin d'envisager les meilleurs dispositifs pour associer le Parlement à sa conduite. Le texte s'inspire ainsi des mécanismes que vous aviez introduits lors du précédent texte. En effet, la situation géopolitique – la guerre en Ukraine, l'inflation, les préoccupations opérationnelles – rend difficile le vote d'une loi figée pour les cinq prochaines années. Certes, les lois de finances sont les seules qui ouvrent les autorisations d'engagement et les crédits de paiement. Cependant, en amont de ces dernières, il nous faut imaginer des mises à jour annuelles – outre la grande revoyure avant l'élection présidentielle de 2027.
J'en viens à la méthode de construction de la LPM. Je tiens à remercier l'ensemble des états-majors pour le travail intense qu'ils ont mené, et qui nous a collectivement enjoint à faire preuve d'humilité : en effet, il nous a fallu évaluer honnêtement ce que nous serions capables de réaliser et reconnaître nos fragilités. La tâche était inédite : ces vingt dernières années, les lois de programmation militaires ont surtout consisté à réviser les courbes à la baisse et à suivre le format d'armée qu'elles induisaient. L'exercice a cette fois été différent ; sans cela, le montant n'aurait pas atteint 413 milliards. Nous avons voulu procéder à un examen clinique et technique de nos capacités actuelles et à venir.
Je remercie les parlementaires qui se sont mobilisés dans ce cadre, dont les nombreux rapports ont largement inspiré mes équipes. J'ai également examiné les programmes électoraux des candidats à l'élection présidentielle, qui, malgré des points de clivage importants, convergeaient à plusieurs égards.
La LPM s'appuie sur un bel héritage. Notre armée est ancienne. Notre génération de responsables politiques et militaires n'élabore pas ses programmes à partir d'une page blanche. Cela ne signifie pas que tout l'existant doive être conservé ; mais la LPM a également vocation à consolider certains fondamentaux pour l'avenir. Sans cela, nos propos sur les sauts technologiques et les menaces de demain ne seraient pas crédibles.
Il s'agit donc d'une LPM de poursuite de la réparation et de transformation. À ce titre, il faut être conscient de l'inertie qui sépare le déclenchement des programmes et le moment où leurs résultats deviennent visibles. Dans trois domaines, notamment, nous devons continuer nos efforts de réparation.
D'abord, la LPM consacre 16 milliards d'euros – contre 12 milliards sur la période précédente – à l'amélioration des projets d'infrastructures, qu'elles soient purement militaires ou non. Leur état reste en effet problématique, et les passoires énergétiques sont encore trop nombreuses.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) est aussi l'un des enjeux majeurs de la LPM. Il est toutefois nécessaire d'imposer une limite à cet objectif budgétaire, afin que le coût d'entretien du matériel n'excède pas démesurément les prix d'acquisition initiaux.
Enfin, le budget consacré au stock de munitions augmente de 45 % par rapport à la précédente LPM – qui était elle-même en augmentation – portant l'effort à 16 milliards sur la période. Il garantit une visibilité inédite sur les munitions tant complexes que non complexes.
La LPM consacre notre armée comme armée d'emploi. Ce n'est pas le cas de toutes les armées européennes. En découlent des enjeux d'emploi et de fidélisation ; et là encore, la militarité doit se défendre. Un chantier indiciaire sera prochainement lancé en lien avec le Conseil supérieur de la fonction militaire (CFSM). Par ailleurs, sur le volet indemnitaire, la LPM verra les effets se déployer pleinement puisque le dernier volet de la NPRM sera effectif à compter du 1er octobre 2023. Au total, ce sont 500 M€ qui devraient contribuer à la fidélisation des militaires à compter de 2024. La masse salariale du ministère des armées s'établit à 98 milliards d'euros, soit une augmentation de 12 % par rapport aux 87 milliards de la précédente LPM. Elle intègre les revalorisations de point d'indice récemment adoptées. La LPM s'inscrit dans un schéma d'emploi identique à celui de la précédente, avec une cible de 275 000 militaires et civils – soit une promesse d'augmentation de 6 300 ETP – pour un total d'environ 890 millions d'euros.
Vous retrouverez dans la LPM vos propositions sur l'accompagnement des soldats tués et blessés ainsi que de leur famille. Elle prévoit 170 millions de mesures nouvelles pour mieux réparer, simplifier et dématérialiser les démarches. C'est la première fois qu'une somme spécifique est consacrée à leur administration. Par ailleurs, le texte propose plusieurs modifications normatives, dont l'une très importante : la réparation intégrale et l'inversion de la charge de la preuve au bénéfice du militaire et de sa famille. De même, nous avons corrigé l'abomination administrative que représentait la réclamation par l'administration du trop-perçu des familles de soldats morts pour la France, lorsque le décès était survenu en cours de mois.
Les sommes dédiées au plan « famille » sont en augmentation : 750M€ dédiés intégralement à l'accompagnement des militaires et leur famille pour compenser les absences opérationnelles et les mobilités. Cet effort sera démultiplié avec les collectivités territoriales qui seront sollicitées et associées à nos actions. S'agissant des réservistes, la LPM intègre les mesures que vous aviez suggérées sur la simplification des démarches, l'intégration dans l'active et l'évolution des critères d'aptitude physique et d'âge, afin d'atteindre notre cible 1 réserviste pour 2 militaires d'active en 2035. '
Outre l'humain et les forces morales, notre héritage repose aussi sur notre dissuasion nucléaire. La dissuasion n'est pas que le déploiement de moyens techniques, mais elle s'appuie sur des filières humaines spécifiques. Elle est l'un des exemples du savoir-faire français : nous construisons nos propres chaufferies nucléaires pour les sous-marins et le porte-avions, et nos programmes assurent la robustesse de notre dissuasion. En effet, la France la met en œuvre de manière entièrement autonome. La dissuasion représente de l'ordre de 13 % de l'enveloppe globale de la LPM – un pourcentage similaire au précédent texte. Toutefois, la LPM intègre les enjeux de la dissuasion du futur. Nous vivons sur la dissuasion nucléaire que nos anciens nous ont léguée il y a quinze ou vingt ans : aussi les choix que nous nous apprêtons à faire auront-ils un impact, tant pour les vecteurs que pour les missiles, sur les différents programmes associés pour les temps à venir.
C'est à partir de cette dissuasion qu'il faut interroger notre modèle de sécurité globale. La dissuasion défend et protège nos intérêts vitaux d'agressions étatiques. Plusieurs menaces spécifiques doivent être examinées. Il est urgent que nous modernisions et durcissions notre défense sol-air à tous les niveaux – depuis les menaces sur le haut du spectre jusqu'à la lutte contre la menace anti-drones. Les Jeux olympiques exigeront une vigilance particulière, dans un contexte où le terrorisme semble absent du débat public, quand la menace est toujours présente et hybride.
Un total de 5 milliards d'euros sera investi sur la période 2024 – 2030 pour le renforcement du segment sol et surface-air. Cette augmentation de 300 % est justifiée par les progrès d'ampleur que nous devons accomplir dans ce domaine : le système SAMP/T doit être renouvelé, nos stocks de missiles ne sont parfois pas suffisamment dotés, et nos plans de montée en capacité de lutte antidrones actuels manquent de robustesse.
La LPM porte une attention particulière aux outre-mer. S'ils ne sont pas détachés du territoire national, ces territoires font l'objet de menaces spécifiques liées à leur environnement régional, leur exposition au réchauffement climatique et les risques régaliens très variables auxquels ils sont exposés. Il ne faut pas oublier la tyrannie des distances : la superficie de la Guyane est similaire à celle du Portugal, la Polynésie française à l'Europe, la Nouvelle-Calédonie à l'Autriche. Alors que nous devons répondre à ces défis, les outre-mer ont parfois fait l'objet de rabots budgétaires importants. Les outre-mer sont encore plus vulnérables à l'hybridité de la menace, tandis que les risques liés aux flux migratoires, aux sabotages de câbles sous-marins ou aux dénis d'accès de routes maritimes restent préoccupants.
Nous proposons également de durcir fortement notre posture dans l'espace, qui se militarise de plus en plus et dont plusieurs grandes puissances entendent faire un champ de compétition. Tous les candidats à la présidentielle avaient d'ailleurs senti l'urgence de développer une ambition autour du spatial. La dualité est souvent caractéristique des projets dans ce domaine. La LPM consacre 6 milliards aux projets purement militaires, tels que Yoda, Iris ou Céleste, soit une augmentation de 45 %, à la hauteur de nos ambitions – bien que la direction du renseignement militaire ait déjà accompli des efforts spectaculaires ces dernières années. Cette stratégie de souveraineté est clé pour garantir l'autonomie de notre compréhension du monde, nécessaire à une diplomatie éclairée.
La LPM s'est intéressée à la stratégie sur les fonds marins et à l'innovation. Le budget alloué au cyber augmente de 300 % pour atteindre 4 milliards. Toutefois, la dimension financière ne fournira qu'une partie de la réponse aux défis qui attendent notre pays dans ce domaine : elle devrait s'accompagner d'un effort particulier sur les ressources humaines.
Un budget de 5 milliards sera consacré à l'ensemble des services de renseignement dont j'assure la tutelle, soit une augmentation de 60 %.
Les forces spéciales – dont votre rapporteur est issu – sont sollicitées dans l'ensemble de notre doctrine d'emploi, y compris la dissuasion. Un effort de 2 milliards leur est dédié, dont une partie importante est allouée au matériel individuel et aux capacités de projection. Il permettra, notamment, de remédier aux problématiques liées aux hélicoptères.
Ce sont au total 5 milliards qui seront affectés aux drones et robots, soit une augmentation de 100 %.
Notre armée défend des intérêts en dehors du territoire national. Je pense notamment à l'évacuation de ressortissants français dans des pays en crise et à notre capacité à sécuriser certains espaces– comme nous le faisons en tant que nation cadre en Roumanie –, ou encore à conserver des voies maritimes ouvertes et disponibles. À cet égard, la France doit continuer à embarquer ses alliés – tant au sein qu'en dehors de l'Otan – dans ses opérations. Ce point, sans doute, est moins consensuel, puisqu'il s'appuie sur une certaine vision de notre diplomatie et du rôle de la France dans le monde.
Le rapport liste donc plusieurs objectifs de la LPM à cet égard. Le premier concerne le porte-avions, qui assure notre capacité à emmener une coalition sur les mers, particulièrement en Méditerranée et dans l'océan Indien. Les défis de sécurité que soulève l'Iran sont en effet révélateurs des problématiques futures auxquelles nous pourrons être confrontés.
Concernant l'armée de terre, nous souhaitons disposer dès 2027 d'une division à deux brigades de 10 000 à 12 000 hommes en autonomie complète, afin de former un corps d'armée en coalition d'ici 2030. Cette ambition garantira notre capacité d'endurance et de réactivité.
J'en viens aux conditions de cette transformation militaire.
La première repose sur l'imbrication de notre base industrielle et technologique de défense (BITD) dans le modèle d'armée. J'ai entendu les critiques à l'encontre du budget de cette LPM : certes, il nous serait peut-être moins coûteux d'acheter du matériel aux États-Unis, à la Chine ou à la Russie, comme le suggèrent certains. Or, si un modèle autonome nécessite un budget plus important, il contribue à la croissance du PIB et à la création d'emploi. Je pense que chacun s'accordera à le reconnaître, même si le rapport aux exportations d'armes de notre BITD est – je le sais – moins consensuel.
Les comparaisons avec nos alliés le montrent bien. En effet, tous les pays de l'Otan augmentent leurs capacités d'achat d'armement, mais rarement sur les achats nationaux. En France, notre trajectoire budgétaire, notre industrie et l'export sont étroitement liés. La BITD doit donc évoluer au même rythme que les armées françaises. La LPM intègre plusieurs propositions du groupe de travail sur l'économie de guerre, comme la réquisition ou le droit de priorisation en cas de grande dégradation de notre sécurité. Nous devons garantir les prix, le respect des délais, la gestion de nos stocks et la capacité à produire en flux tendus, d'autant que ces conditions seront aussi exigées par les pays vers lesquels nous exportons. La Pologne a récemment choisi d'acheter du matériel sud-coréen en raison des délais de livraison imposés par les États-Unis, malgré la relation privilégiée qu'elle entretient avec ces derniers. Notre industrie de défense doit prendre la mesure de ce signal. En effet, l'export est nécessaire pour équilibrer notre modèle économique. En outre, comme le montre le rapport annexé, l'industrie de défense bénéficie désormais d'une meilleure visibilité.
La deuxième condition est liée aux ressources. Les armées sont conscientes de l'ampleur de l'effort demandé à la nation, et sont soucieuses de sa soutenabilité et de sa bonne compréhension.
Il en va en effet de notre devoir de proposer une trajectoire soutenable. Ce ministère est polytraumatisé par les diminutions de crédits brutales et par les promesses de correction qui ne sont jamais intervenues. L'exécution à l'euro près a été la condition sine qua non pour retrouver la confiance dans les grands programmes, dans l'activité de défense et dans la fidélisation. Je rends hommage à la manière dont Mme Parly a conduit la précédente LPM, qui a construit un socle de confiance nécessaire à la définition d'une nouvelle LPM avec des sommes plus importantes. L'éternel décalage entre des autorisations d'engagement alléchantes et des obligations de paiement trompeuses semble révolu. Le budget annuel du ministère passe ainsi de 32 milliards en 2017 à une ambition de 69 milliards en 2030. Les deux tiers de ce cheminement auront lieu sous le quinquennat d'Emmanuel Macron. Après 2027, la poursuite de la LPM dépendra de l'engagement des candidats à l'élection présidentielle à mener à bien cette trajectoire. Je m'étonne d'ailleurs des propos qu'elle suscite : parce que nous ignorons la manière dont sera conduite la LPM au terme de ce quinquennat, nous devrions précipiter dès à présent le pas de charge ? Je remarque d'ailleurs que l'on entend davantage de commentaires quand les crédits augmentent que lorsqu'ils diminuent.
Il me semble qu'il faut assumer les étalements de programmes. Nous avons veillé à l'honnêteté de cette trajectoire vis-à-vis des capacités des industriels et des opportunités à l'exportation. Lors des auditions budgétaires de l'automne dernier, plusieurs d'entre vous se sont interrogés sur les marges frictionnelles et sur les décalages : en réalité, le crédit de paiement intervient lorsque le matériel est livré. Sur le programme Scorpion, par exemple, nous avons eu un dialogue exigeant avec Nexter sur les Caesar, les Jaguar, les Serval ou les Griffon : nous avons donc dû recomposer nos programmes. Il est en effet indispensable de nous assurer de leur irréversibilité. La « scorpionisation » de l'armée de terre est en route : si vous votez cette LPM, elle sera acquise. Certains programmes basculeront après 2030 : c'est en réalité le cas de toutes les lois de programmation depuis 1960, car elles servent à mener de grands programmes pluriannuels, en obligeant les successeurs à tenir les engagements passés. Le général de Gaulle lui-même a suggéré ce principe pour contraindre Georges Pompidou à poursuivre les projets qu'il avait engagés.
L'impact de l'inflation, estimé à 30 milliards – selon les prévisions les plus pessimistes – a été intégré au budget. Il faudra toutefois actualiser régulièrement la LPM. Je reviendrai devant vous pour demander une ouverture de crédits de 1,5 milliard pour 2023, afin de faire évoluer le budget de 3 milliards à 4,5 milliards, au regard, notamment, de l'inflation. Cette méthode me semble en effet préférable à un décalage des programmes. Des achats urgents en matière de défense sol-air – notamment de VL-MICA et dans la perspective des Jeux olympiques – ne pourront attendre l'année 2024. Il faut donc considérer ces budgets annuels comme un plancher et non comme un plafond.
La loi de programmation militaire est une loi singulière. Elle est à la fois un outil de planification financière indispensable pour nos armées, compte tenu du temps long dans laquelle s'inscrivent les programmes d'équipement, mais aussi – et peut-être surtout – la traduction de notre ambition stratégique quant à la place que la France souhaite tenir dans le jeu des puissances. Pour paraphraser le général de Gaulle, une LPM incarne assurément « une certaine idée de la France ».
Or, le présent projet a précisément pour ambition de mettre notre nation au plus haut niveau et de tenir son rang, c'est-à-dire notre autonomie d'analyse, de décision et d'action, dans un contexte stratégique dominé non seulement par le retour des conflits interétatiques, mais aussi par le développement de nouveaux champs de conflictualité. Maintenir notre autonomie de décision et d'action, cela signifie au premier chef être capable de protéger en toutes circonstances nos concitoyens et notre territoire, en métropole, mais aussi en outre-mer.
Que prévoit le projet de LPM pour consolider la protection de nos territoires d'outre-mer et notre zone économique exclusive (ZEE), qui est la deuxième la plus importante du monde ?
La LPM propose des mesures qui s'appliquent à l'ensemble des territoires, ainsi que des points spécifiques à l'outre-mer. Le constat du mauvais état des infrastructures est particulièrement valable pour l'outre-mer. Ainsi, 800 millions seront consacrés aux infrastructures des territoires ultramarins.
Une classe de 9 000 hommes est présente en outre-mer. Elle y assure des fonctions très variées, comme le montre la diversité des opérations Shikandra ou Harpie en Guyane – où un gendarme du GIGN, le Groupe d'intervention de la gendarmerie nationale, et un sapeur ont récemment perdu la vie, ce qui nous rappelle les risques du métier de militaire. Il est important de cibler le meilleur des segments technologiques sur l'outre-mer dans les années à venir, notamment pour assurer notre souveraineté. Ce constat est notamment valable pour les ZEE : dans le contexte de réchauffement climatique, les prédations sur les réserves halieutiques, notamment dans l'océan Pacifique, doivent nous préoccuper. La marine nationale peut aujourd'hui relever ce défi, au prix d'efforts importants, mais les capacités spatiales de demain nous offriront des moyens renforcés d'observation et d'exécution de cette souveraineté.
La question du transport est également primordiale. La LPM affecte des moyens propres à l'outre-mer – à la fois entre l'Hexagone et l'outre-mer, mais aussi entre les territoires ultramarins – pour répondre au vieillissement des CASA et des Puma. La disponibilité des moyens aériens est un enjeu clé pour l'outre-mer, tout comme les moyens maritimes, eu égard aux efforts consacrés par la LPM précédente dans ce domaine : le premier patrouilleur d'une série de six a ainsi été livré cette semaine à Nouméa.
Le groupe Renaissance soutiendra votre projet de loi de programmation. Elle est en effet nécessaire pour assurer la résilience de notre armée, alors que la guerre de haute intensité est de retour sur le sol européen. Être en mesure d'y faire face n'est pas un choix : c'est pour nous un devoir. Il nous faut donc programmer des investissements massifs et adopter une économie de guerre, condition de l'efficacité de notre armée et de notre crédibilité stratégique.
La construction du porte-avions de nouvelle génération est une démonstration forte de la volonté de la LPM de renforcer et moderniser nos armées pour pérenniser notre autonomie stratégique et notre crédibilité opérationnelle.
Vous avez qualifié le porte-avions nucléaire de nouvelle génération de « cathédrale technologique ». Sa construction est un défi technologique d'envergure pour l'industrie française. Elle devrait se dérouler en grande partie dans les chantiers des bassins de l'Atlantique de Saint-Nazaire, vitrines de l'excellence de la BITD française. Ce projet doit aussi inclure l'ensemble de notre filière industrielle de défense : les PME, les TPE et les start-up innovantes. Ces entreprises irriguent l'économie de nos territoires. La start-up Akryvia, incubée à l'École centrale de Nantes, a par exemple développé un système unique de découpe plasma qui pourrait être fortement utile dans le chantier du futur porte-avions.
Comment garantir à l'ensemble de ces acteurs, à commencer par nos start-up innovantes, leur embarquement dans ce chantier historique ? Sur le plan financier, notamment, comment garantir les conditions de leur croissance d'ici au début de la conception et de la construction du porte-avions de nouvelle génération ?
J'ai été très clair au sujet du porte-avions nouvelle génération dans les colonnes du Parisien dimanche : il n'y a pas de programme majeur sans visibilité, y compris pour les entreprises. Je souhaitais mettre fin aux doutes à ce sujet : il est ainsi essentiel que TechnicAtome conserve ses savoir-faire en matière de conception de chaufferie nucléaire compacte. Cette visibilité accrue sur les chantiers est une bonne nouvelle pour vos territoires.
Nous devons d'abord donner accès aux PME à la commande publique du ministère des armées. J'ai demandé au DGA et aux armées de s'emparer de cette problématique. L'Agence de l'innovation de défense (AID) a mené un travail remarquable depuis sa création. Elle aura en grande partie la main sur le budget de 10 milliards prévu par la LPM pour l'innovation. En outre, nous devons inciter les acteurs majeurs de la BITD à faire preuve de bienveillance envers l'ensemble des PME dans leur chaîne d'approvisionnement ; mais pour cela, le ministère des armées doit lui-même davantage montrer l'exemple.
La LPM 2019-2025 représentait une évolution nécessaire et bienvenue, même si elle n'aura pas suffi à résorber entièrement les sous-investissements chroniques de nos armées. Depuis la fin de la guerre froide, leurs conséquences s'accumulent : infrastructures vétustes ou inadaptées, importantes difficultés de fidélisation des effectifs, préparation opérationnelle insuffisante, problèmes de disponibilité des matériels, sans parler des surcoûts engendrés par les OPEX.
Nous espérions que cette LPM y répondrait, d'autant que la conflictualité accrue du monde impose de se préparer à des guerres de haute intensité. Avec 413 milliards de budget annoncés étalés sur sept ans, le champ des possibles était ouvert. Seulement, si les constats sont partagés, les moyens annoncés sont tout de même décevants. Sur le volet financier, le compte n'y est pas : l'essentiel des grandes marches budgétaires adviendra à compter de 2027. En somme, vous faites des promesses qui n'engageront que vos successeurs.
Par ailleurs, si ce montant est en hausse par rapport à la précédente LPM, 13 milliards ne sont pas budgétés et s'appuient sur des recettes supplémentaires floues et peu crédibles. Cette LPM est d'ores et déjà compromise par l'inflation, qui pèsera à hauteur de 30 milliards sur le budget total – un détail !
Cette LPM se chiffre en réalité à environ 370 milliards d'euros. Chaque armée cumulera des retards : sur Scorpion pour l'armée de terre et la livraison d'avions de transport, tandis que le nombre de frégates et patrouilleurs reste insuffisant pour la marine et que la flotte de chasse ne sera pas entièrement renouvelée en Rafale. Cette LPM ne résoudra pas les problématiques de fidélisation et de vétusté des infrastructures, l'absence de filière munitionnaire souveraine, l'enlisement des coopérations européennes telles que le système de combat aérien du futur (Scaf) ou le système principal de combat terrestre (MGCS).
Êtes-vous prêt à prendre en compte les propositions du Parlement pour que cette LPM réponde réellement aux enjeux de notre défense nationale ?
Nous écouterons bien entendu les propositions du Parlement.
Déjà en 2017, il nous avait été reproché de faire reposer l'effort du budget annuel de 3 milliards sur nos successeurs. Or, nous l'avons bien intégré. Quand les crédits diminuaient, personne ne semblait s'en préoccuper. Par ailleurs, il est normal qu'une partie importante de l'effort budgétaire soit réparti entre 2027 et 2030, au vu de la période couverte par la LPM ; mais vous doutez peut-être de la capacité de Mme Le Pen à augmenter les crédits budgétaires si elle devait être Présidente de la République à cette date ! Les gaullistes ignoraient qui leur succèderait lorsqu'ils ont voté les premières LPM : cela ne les a pas empêchés de lancer le programme de dissuasion nucléaire, qui n'a porté ses fruits que près de vingt ans plus tard.
Nous pouvons discuter de la hauteur des budgets annuels, à condition de prendre en compte leur soutenabilité pour nos finances publiques. Je suis sûr que les sommes proposées dans la LPM sont compatibles avec la trajectoire des finances publiques du pays. Par ailleurs, à quels programmes alloueriez-vous de potentielles augmentations de budget ? L'étalement n'est pas un retard : il n'est parfois pas possible de produire plus vite. Il ne serait pas crédible d'augmenter les crédits sans être certain de leur bonne exécution.
Par ailleurs, si les crédits n'avaient pas diminué dans le passé, nous n'aurions pas besoin de les augmenter à nouveau.
L'inflation est intégrée à la LPM. Entre les reports de charge, les marges frictionnelles, et l'argent réinjecté en gestion – soit un total de 1 milliard en 2022 et de 1,5 en 2023 –, aucun programme n'a été retardé par l'inflation en dix mois.
Enfin, j'ai annoncé la relocalisation d'une filière de poudre pour les obus de 155 millimètres dans les usines d'Eurenco de Bergerac. Au total, huit projets de relocalisation sont en cours d'instruction.
« Comment porter au plus haut, pour la France et pour le monde incertain dont elle est enveloppée, les chances de la paix ? Et si, malgré son effort et sa volonté de paix, elle est attaquée, comment porter au plus haut les chances de salut, les moyens de victoire ? » La question que posait Jean Jaurès en 1911 est la même que celle à laquelle nous devons répondre aujourd'hui.
Le premier enjeu qui s'impose à nous est la souveraineté de la Nation, qui ne se limite pas à la BITD. Le concept de l'économie de guerre en temps de paix n'y répond pas complètement. En outre, la défense de la France ne s'arrête pas à l'Hexagone et aux conséquences de la guerre sur le continent européen. Présente dans tous les océans grâce à ses territoires ultramarins, la France doit veiller à consolider ses relations régionales et protéger ses ZEE. La France, grande nation spatiale et maritime, doit tenir son rang dans ces nouvelles frontières de l'humanité que sont l'espace, les fonds marins et le cyber.
Que nous proposez-vous pour y répondre ? Revenons sur les marches budgétaires. La presse s'est faite écho de votre volonté de les faire débuter à 5 milliards. Vous sembliez alors savoir comment utiliser un tel montant. Les arbitrages vous ont malheureusement été défavorables. Finalement, ce seront 3 milliards jusqu'à la fin du quinquennat Macron, soit une dynamique similaire à celle prévue par la LPM 2019-2025. Comment l'expliquer, alors que vous invoquiez l'urgence d'une nouvelle LPM ? Pire : avec l'inflation, vous nous présentez des marches qui sont inférieures en valeur réelle à celles de la précédente LPM !
J'espère que les débats au Parlement permettront de modifier cela. De plus, depuis quand une LPM présente-t-elle des planchers et non des plafonds ? Les armées devront-elles attendre chaque PLF pour connaître leur budget ? Une LPM sert à planifier, organiser les programmes complexes, donner de la visibilité aux industriels ; si les budgets varient chaque année, cela n'est plus le cas. Une LPM sert à organiser ; vous risquez surtout de désorganiser nos armées. Dans tous les cas, soyez assurés que le groupe LFI-NUPES sera force de proposition durant l'examen de ce projet pour permettre à la France d'être indépendante et au service de la paix, et que vive la République !
Je serais en effet heureux de connaître vos propositions sur le terrain militaire. Je comprends que les oppositions soient gênées de l'effort que nous concédons avec ces 413 milliards : cette somme coupe une partie de l'oxygène de leur rhétorique !
Je n'ai jamais proposé d'hausse de budget annuel à 5 milliards. Je considère véritablement que les crédits proposés sont cohérents avec la soutenabilité de la trajectoire des finances publiques. S'ils avaient été arrêtés à 5 milliards, l'ensemble des crédits de paiement n'aurait pu être exécuté. Une telle somme ne permettrait pas de produire plus – ou plus vite – de satellites, de Barracuda ou de SNLE.
Vous annoncez une hausse considérable de 100 milliards d'euros. Toutefois, cette impressionnante augmentation de budget n'est pas corrélée à une augmentation sensible de masse. L'objectif cible pour les Griffon passe de 1 800 à 1 300, et de 5 à 2 pour les frégates de défense et d'intervention (FDI). Ce différentiel entre l'effort annoncé et le résultat obtenu m'interroge. Certes, l'inflation et l'apparition de nouveaux champs de conflictualité nous amènent à revoir nos priorités, mais j'y vois un paradoxe.
J'aimerais vous entendre sur le différentiel de budget annuel entre les premières années et les suivantes. Dans quelle mesure est-il lié à la soutenabilité de la trajectoire budgétaire, à la capacité de la BITD à produire et au calendrier prévisionnel des programmes à effet majeur ?
Avez-vous envisagé le lissage du résultat d'exploitation et des 13 milliards de ressources extrabudgétaires au cours de la LPM ?
L'augmentation du budget et de la masse est liée à notre vision de notre modèle d'armée. Elle pose aussi la question de l'intrant technologique, y compris pour l'avenir. En évoquant le spatial ou le cyber, nous posons dès aujourd'hui les jalons des futures LPM. Certains de ces crédits seront rapidement consommés pour des effets immédiats : c'est notamment le cas du renseignement, ou de la recomplétude de certains stocks de munitions non complexes. D'autres crédits de paiement ne produiront leurs effets qu'ultérieurement : c'est notamment le cas du porte-avions de nouvelle génération.
Si les budgets sont en hausse sur la dernière partie de la LPM, c'est seulement parce que des crédits de paiements plus importants seront nécessaires, y compris pour la dissuasion nucléaire. Les plus grands besoins financiers et budgétaires pour la modernisation des missiles de la composante océanique, et, surtout, aéroportée, seront déployés en fin de période. Il ne s'agit pas d'un choix budgétaire, mais d'une conséquence de la trajectoire du programme de la direction des applications militaires.
Les ressources extrabudgétaires sont détaillées de manière chronique. Les ressources du service de santé des armées (SSA) en représentent une partie importante – à hauteur de 3 milliards – en raison de la tarification à l'acte. Par ailleurs, la DGA facture des prestations à nos industriels. Le montant est estimé à 652 millions d'euros. La cession de matériel et formation associée dans le cadre de nos différents programmes de coopération devrait dégager 1 milliard d'euros, et le compte d'affectation spéciale de l'immobilier environ 474 millions. Enfin, les dividendes de contrats renégociés devraient rapporter 650 millions. Cet argent n'est en rien virtuel : s'il n'est pas directement aligné sur une ressource budgétaire, il provient des ressources dégagées par le ministère.
Les ressources extrabudgétaires s'élèvent dont à 5,8 milliards pour 2024-2030. La chronique par année s'établit comme suit : 1,3 milliard en 2024 ; 1,48 milliard en 2025 ; 89 millions en 2026 ; 693 millions en 2027 ; 648 millions en 2028 ; 629 millions en 2029 et 628 millions en 2030.
Le budget présenté est important, mais il est à la hauteur de l'ambition affichée : faire de la France une nation capable de s'impliquer dans un conflit de haute intensité, mais aussi de défendre ses intérêts et son territoire, tant métropolitain qu'ultramarin. Vous pourrez compter pour cela sur le soutien du groupe Démocrate.
Nos concitoyens s'apprêtent à consentir un effort budgétaire important pour notre appareil de défense. Il apparaît plus que jamais indispensable de pouvoir leur en expliquer la nécessité.
Au-delà de la pédagogie, nous devons consacrer dans cette LPM la nécessité de recréer du lien entre l'armée et la population, alors que les casernes et les industriels sont moins présents dans notre territoire que par le passé. Que proposez-vous à cet égard ?
Vous présentez un budget, qui, par rapport à 2017, double les dépenses militaires d'ici 2030, et ce, dans la perspective de préparer un éventuel retour de conflit de haute intensité. Si nous ne perdons pas de vue la guerre en Ukraine, c'est bien la nécessité de nous transformer en économie de guerre qui affectera profondément notre modèle. Sentez-vous chez nos partenaires européens une volonté de partager cet effort, notamment à travers des achats mutualisés ?
Je vous remercie pour votre accompagnement de la relocalisation d'Eurenco à Bergerac : c'est un exemple concret des actions que nous souhaitons mener pour l'économie de guerre.
L'Europe de la défense est un sujet dont on parle peu. Or, si elle a une crédibilité et une réalité, c'est bien sur les effets de marché et sur les relocalisations dans l'espace européen. Le covid a révélé la dépendance préoccupante de nombreuses filières d'approvisionnement en matières premières à des pays extérieurs à l'Union européenne. L'Europe a un rôle à jouer : je tiens à saluer le travail mené par le Commissaire Breton pour renforcer notre capacité à acheter en commun, en instaurant un dialogue à plusieurs, en négociant les prix et en organisant au mieux la BITD européenne.
Au-delà de l'économie de guerre, nous devons réfléchir à notre capacité à financer notre BITD. Certains produits bancaires ou financiers sont encore trop peu accessibles aux PME. Nous ne saurions parler de patriotisme, de souveraineté ou d'autonomie stratégique si l'économie de guerre ne se double pas d'un accès au financement. L'Europe peut nous y aider, notamment en matière de taxonomie.
Cette future LPM est souvent évoquée à travers ses 413 milliards, qui ne doivent pas masquer un point essentiel : ce montant ne peut être réalisé qu'au nom de futurs arbitrages. Deuxièmement, ce montant comprend un report de charges de 100 milliards provenant de la LPM et qu'il reste à clarifier. Enfin, nous savons que les budgets prévus sont très rarement respectés, ne serait-ce que pour les OPEX, régulièrement sous-budgétées puis réajustées.
Vous avez évoqué les grandes lignes que nous examinerons plus avant dans les prochaines semaines. Si nous ne pouvons anticiper les ministères qui subiront des baisses pour compenser la hausse importante du budget de la défense, nous serons attentifs à ce que le discours et les analyses qui entourent cette LPM n'autorisent pas pour autant à rogner sur les enjeux qui font le quotidien de nos concitoyens.
Nous appelons aussi à ce que les dépenses de défense tiennent compte de nos partenaires européens : l'Union européenne représente en effet la deuxième puissance militaire en matière de défense.
Une interrogation subsiste sur l'accélération prévue à partir de 2027. La LPM est soumise aux aléas politiques, internationaux et économiques. Nous apprécions donc votre engagement sur la clause de revoyure, qui sera l'occasion d'un débat démocratique et d'un exercice de contrôle dans la conduite de cette loi.
Les reports de charge sont bien intégrés dans la LPM. En effet, on oublie souvent que la LPM ne part pas d'une page blanche, y compris sur le terrain budgétaire.
La sous-budgétisation des OPEX n'est pas fréquente, même si cela a été le cas au Sahel. Nous ne pouvons savoir avec précision où les armées seront employées. En 2022, nous avons ainsi assisté à la fin de Barkhane et, en même temps, à la montée en puissance de l'opération Aigle sur le flanc oriental de l'Europe. Cette part d'aléa a d'ailleurs conduit le législateur à imaginer le principe de provision pour les OPEX – on ne peut par conséquent parler de sous-budgétisation. La provision, si elle n'est pas utilisée, est conservée par les armées. Ce dispositif sera maintenu dans le cadre de la LPM à venir. Si elle est insuffisante, il existe des mécanismes interministériels, et nous pouvons demander l'ouverture de nouveaux crédits au Parlement dans le cadre d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR).
Cette trajectoire est soutenable : par conséquent, elle ne sera pas financée par la baisse de budgets d'autres ministères.
La revoyure est aussi clé pour des questions démocratiques, eu égard aux montants. Elle est aussi l'occasion, pour chaque groupe politique, de clarifier sa propre vision du modèle d'armée.
Pendant les mois qui ont précédé la présentation de la LPM au Parlement, nous avons tremblé ; mais vous avez tenu la ligne, avec pugnacité, pour les armes de la France, à l'heure où la guerre est de retour sur le sol européen. Vous proposez ainsi une masse financière globale crédible, satisfaisante, des marches budgétaires à trois milliards, et non pas deux, ainsi qu'un objet fondamental pour le format de la marine : le porte-avions de nouvelle génération. Dans toute l'histoire de la Ve République, François Mitterrand a été le seul Président de la République à décider du lancement d'un programme de porte-avions, et Paul Quilès le seul ministre de la défense à signer l'ordre de mise en chantier.
Je souhaite revenir sur l'ambition géopolitique et géostratégique du modèle d'armée que vous soumettez à notre appréciation. La revue nationale stratégique nous a conduits du Groenland à Nouméa, autour de la notion de « puissance d'équilibre », que je trouve pour ma part chancelante et malheureuse. La stratégie indo-pacifique n'est-elle pas plutôt concentrée sur la zone indo-méditerranéenne orientale, autour du groupe aéronaval, et sur le Pacifique, autour du patrouilleur ? S'agissant du pivot à l'est, jusqu'où pouvons-nous aller, compte tenu de certains décalages et réductions de cible ? Je pense en particulier à l'armée de terre.
Enfin, le correctif budgétaire de 1,5 milliard pour l'année 2023 est-il un solde net, ou sera-t-il retranché des annualités budgétaires de 2024 et 2025 ?
Il s'agit bien du solde net : ce correctif permet de traiter l'inflation et ne sera pas retranché des annuités suivantes.
Nous devrons en effet nous poser la question de la durabilité de notre activité sur le flanc oriental de l'Europe. Le statut de nation-cadre est pertinent lorsque l'armée partenaire du pays hôte engage sa montée en puissance. Il permet aussi à nos militaires de s'entraîner. Ce sujet est au cœur de mes échanges avec les autorités roumaines, ainsi que les prospectives de programmes d'armement et les entraînements en commun. Cette opération diffère en effet des autres OPEX.
Les enjeux en Indo-Pacifique sont d'abord d'ordre interarmées : je pense notamment à nos forces prépositionnées, notamment à Djibouti, à la base aérienne H5 en Jordanie et la base 104 aux Émirats arabes unis. Nous devons garantir la liberté d'accès au ciel et à la mer dans cette zone. La sécurisation de ces espaces englobe Mayotte et la Réunion. Dans le Pacifique sud, nous devons davantage adopter une réflexion de riverains : il s'agit de nous doter des moyens pour agir en autonomie, dans une zone où nous exerçons notre souveraineté. Ainsi, au-delà de leur dimension budgétaire, les objectifs de la LPM doivent s'aligner sur les missions de notre diplomatie.
Je suis surpris que personne ne s'interroge sur les fondements des chiffres et des orientations. En effet, si l'on ajoute la modernisation des armes, des vecteurs et des porteurs, près de la moitié des dépenses est aspirée par le renouvellement de la dissuasion nucléaire. Outre les aspects éthiques, la dissuasion suppose la rationalité de l'adversaire, qui ne veut pas tout perdre. C'est un calcul qui peut se révéler hasardeux face à un groupe ou à un État terroriste – je pense par exemple à l'Iran. Le général américain Petraeus estimait ainsi que la dissuasion était plus efficacement soutenue par la capacité du conventionnel en légitime défense.
Autre gageure, aucun débat public n'a eu lieu sur les dépenses liées au porte-avions de nouvelle génération, alors qu'elles engageront le pays pour des décennies. On entend que la France doit avoir son porte-avions : pour ma part, j'y vois une politique du prestige, en décalage avec nos capacités budgétaires et nos besoins géopolitiques. Un seul porte-avions ne permet pas la permanence à la mer, mais plutôt 50 % de disponibilité ; pourtant, son coût est élevé, d'autant qu'il faut y ajouter celui de la flotte d'escorte et de la logistique. Peut-on parler d'une ligne Maginot de la mer ? Ne pensez-vous pas que nous pourrions prendre des mesures plus concrètes, plus utiles et plus adaptées, notamment face aux enjeux de responsabilité de la France dans le domaine maritime, menacé par le changement climatique, les catastrophes naturelles, les pollutions ou encore la surpêche ? Avec le budget économisé, nous pourrions imaginer un quatrième porte-hélicoptères amphibie, une douzaine de patrouilleurs océaniques, le renforcement de la flotte d'avions, l'équipement en drones et les hélicoptères.
L'agrégat de la dissuasion représentera un pourcentage identique à celui de la LPM précédente, et non la moitié du total.
Vous évoquez la rationalité de l'adversaire : la posture de la Fédération de Russie tend, hélas, à démontrer que la dissuasion reste toujours utile. Je ne refuse cependant aucun débat sur la dissuasion nucléaire. Le général de Gaulle a souhaité l'élection du Président de la République au suffrage universel direct, et la tenue d'un débat au Parlement précisément parce que la France était dotée de la force de frappe. Il est faux de prétendre que la dissuasion est consensuelle : j'y suis pour ma part très favorable, mais il en va de l'honneur de notre démocratie que d'en débattre.
Un débat aura bien lieu sur le porte-avions : votre droit d'amendement vous permet de proposer de faire disparaître cette ligne budgétaire. Même si je ne suis pas d'accord avec vous, votre question est légitime, et elle se pose y compris au sein des états-majors. Il me semble que le porte-avions a un rôle à jouer dans la garantie des libertés d'accès maritimes, notamment à Ormuz, Bab el-Mandeb ou Suez. La présence du groupe Wagner en Libye et l'agressivité de la sous-marinade russe, qui compte aussi de nombreuses bases, font peser le risque d'un durcissement des conditions de sécurité en mer Méditerranée, parmi d'autres facteurs.
Je vous remercie de questionner nos choix militaires. Ce débat politique doit avoir lieu pour que nos concitoyens comprennent les orientations que les représentants de la Nation souhaitent pour notre appareil militaire.
Chacun peut se féliciter de la hausse des crédits consacrée par cette LPM. Sans relativiser vos efforts d'arbitrage budgétaire, je suppose qu'ils ont été très contraints : l'inflation record nous enjoint en effet de limiter notre enthousiasme.
Notre groupe n'a cessé de rappeler la nécessité du renforcement de la place du Parlement dans la conception de notre stratégie militaire et dans le contrôle de l'action du ministère. Cette LPM doit être l'occasion pour le Parlement de se réapproprier la défense nationale. C'est la ligne que nous préconisons. Allez-vous garantir le principe d'une véritable actualisation législative à mi-parcours ? Ces ajustements sont essentiels : en 2018, nul n'aurait pu anticiper la pandémie, la guerre en Ukraine ou l'inflation. Sous la précédente législature, la LPM n'avait pas été réellement respectée, le Gouvernement s'étant contenté d'un débat suivi d'un vote. Que proposez-vous pour faire évoluer les dispositions ?
S'agissant du service national universel (SNU), la situation est paradoxale : l'expérimentation a connu un certain succès auprès de nos jeunes ; pourtant, ce sujet est retiré de l'ordre du jour. Vous savez pourtant que l'attractivité auprès des jeunes et la fidélisation des personnels restent l'un des enjeux de votre ministère. Quel est l'état d'avancement de vos travaux sur le SNU ?
Le rapporteur a abordé la question de l'outre-mer. Il nous faut une trajectoire pour les forces de souveraineté stationnées dans les territoires ultramarins. Comment seront déployés ces nouveaux investissements ? Quelle répartition parmi les collectivités ultramarines proposez-vous ?
L'acceptabilité politique et sociétale des dépenses militaires repose aussi sur la démonstration de notre préoccupation pour l'argent public.
Je réunirai les différents parlementaires d'outre-mer pour aborder les questions spécifiques à ces territoires. Je crois beaucoup à l'intrant technologique : les usages spatiaux ou drones ont beaucoup de prix en outre-mer.
Le projet de loi reprend un article amélioré du mécanisme que le Parlement avait souhaité intégrer à la précédente LPM. J'ai écrit à Yaël Braun-Pivet, Gérard Larcher et aux présidents Cambon et Gassilloud pour leur faire part de ma disponibilité pour s'accorder sur une rédaction qui vous conviendra à cet égard. Je souhaite une actualisation avant la prochaine élection présidentielle, et même, une réactualisation annuelle, les lois de finances ne me semblant pas suffisamment s'y prêter. La mise à jour en gestion pour le ministère de l'exécution de la LPM à laquelle nous procédons est plus adéquate. Cette réactualisation relativisera la question des marches, en examinant de plus près l'évolution des programmes. De mon côté, elle me permettra de mieux associer le Parlement – tout en partageant avec les parlementaires les contraintes du monde réel qui pèsent sur notre marge de manœuvre.
Le SNU n'est pas intégré à la LPM, ce qui ne signifie pas qu'il est absent des priorités du Gouvernement. La LPM définit le format des armées. Or, le SNU n'a pas vocation à y participer, bien que certains jeunes ayant suivi le SNU puissent souhaiter devenir réservistes ou que des militaires désirent y apporter leur contribution. Sarah El Haïry, secrétaire d'État auprès du ministre des armées et du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse, continue à travailler sur les options de généralisation. Il serait sans doute utile que vous l'auditionniez, car les armées contribuent en réalité à la marge au projet SNU, aux côtés d'autres ministères et acteurs publics.
Le rapport que j'ai publié vendredi montre que la BITD fonctionne essentiellement sur le principe du bon de commande. Le changement de paradigme donnera une plus grande visibilité aux industriels pour développer, innover et exporter dans un climat de confiance. Cependant, je reste préoccupé par l'accès des PME à ces commandes et leur capacité à se transformer en entreprises de taille intermédiaire (ETI). L'une des solutions pour y remédier serait de permettre la commande directe dans les unités d'objets en phase de développement, d'expérimentations, ou issus du civil. Cet accès direct preuve d'agilité, de réactivité et d'adaptabilité et l'accompagnement de l'accès au financement de ces entreprises sont-ils à l'ordre du jour ?
Le grand paradoxe de cette LPM est l'annonce d'un investissement record, mais de reports de livraison ou de baisses de cibles d'acquisition par rapport à la LPM 2019, malgré le retour de la guerre en Europe.
Alors que la précédente LPM affichait une cible de 185 Rafale en 2020, vous fixez l'objectif à 137. De même, alors que 5 FDI étaient prévues, la LPM n'en propose plus que 3 ; et la cible de 50 avions de transport A400M a été réduite à 35. En découle le sentiment que cette LPM souffre d'arbitrages négatifs pour 2024 et 2025 – liés à l'état de nos finances publiques – alors qu'il aurait fallu concentrer les moyens pour répondre à la menace.
Vous avez dû lutter contre Matignon, qui a œuvré pour que cette LPM ne se chiffre qu'à 392 milliards d'euros. Ainsi, on apprend qu'à défaut d'user du 49.3, la Première ministre entend désormais compliquer la tâche des armées en s'attaquant à la gradation annuelle des crédits budgétaires.
Dans la perspective d'une économie de guerre, et face au besoin éminent de réarmement de la France, militaires et industriels ne cessent d'alerter quant à la nécessité de rehausser le budget dès 2024, suggérant une hausse annuelle de 5 milliards d'euros. Cet effort semble réalisable, au vu des 3 milliards auxquels s'ajoute le correctif de 1,5 milliard.
Il ne m'appartient pas de savoir si cette décision émane du ministère des armées ou de la Première ministre. Nous ne pouvons que regretter que ces premières marches soient largement inférieures aux besoins de nos armées, eu égard à l'inflation. Le cadencement prévu et la part de ces crédits dédiée à l'activité des équipages de l'armée de l'air garantiront-ils année après année un socle d'activité satisfaisant ?
Vous avez évoqué la fermeture de bases par les précédents responsables au pouvoir : je vous rappelle que nous n'en étions pas responsables, même si la plupart d'entre vous soutenaient sans doute la politique du président Sarkozy.
Vous dites que le SNU est une politique déployée à la marge par le ministère des armées. Or, il est cité deux fois dans le rapport annexé. Le coût de sa généralisation est estimé à 3 milliards : si elle devait avoir lieu durant la période de la LPM, il est difficile d'imaginer que la programmation n'en serait pas affectée.
Je souhaitais vous entendre sur l'avenir des établissements du SSA menacés de fermeture. Vous m'aviez indiqué dans l'hémicycle que les transformations étaient suspendues : or, ce n'était pas le cas.
Pourriez-vous présenter vos projets sur la maîtrise des fonds marins ?
Pendant que nous scrutons la guerre en Europe, la menace perdure au Levant et en Afrique. Les orientations de la LPM rappellent que la menace djihadiste demeure, et que la France reste une cible. Le conflit asymétrique nécessite l'action de nos forces spéciales, en lien étroit avec les forces conventionnelles. Les 2 milliards d'euros d'investissement proposés dans la LPM pour nos forces spéciales promettent une montée en puissance technologique et humaine.
Comptez-vous élargir le spectre humain des forces spéciales en augmentant les effectifs ? Quelles sont vos orientations sur les investissements dans les moyens d'action de surface et les sous-marins de nouvelle génération ?
Notre autonomie stratégique s'inscrit dans un cadre national, mais nous avons également l'ambition d'une autonomie stratégique de l'Europe : la France poursuit son investissement dans le volet strictement européen de la défense. En outre, les moyens alloués à notre défense peuvent quasiment tous être employés dans un cadre national mais aussi européen.
À cet égard, dans un contexte de solidarité et de mutualisation de nos capacités, je voudrais vous interroger sur la coopération autour de l'A400M Atlas d'Airbus. Le rapport annexé de la LPM fixe les prévisions de ce parc à plus de 35 pour 2030, alors que la cible initiale était de 50. Je m'interroge sur les éventuelles conséquences du déficit des capacités européennes en matière de transport aérien.
Le SNU était une promesse de campagne d'Emmanuel Macron. Or, ce dispositif a été retiré de la LPM. Si nous pouvons comprendre le critère budgétaire qui a présidé à cette décision, nous regrettons l'absence de perspectives et d'alternatives. À l'heure où notre société est de plus en plus fracturée et où la violence devient omniprésente, la conception même de la citoyenneté devient abstraite pour la jeune génération. Il nous semble urgent d'inverser ce mouvement.
Certes, de nombreux outils existent, mais ils reposent sur le volontariat. La généralisation des enseignements compris dans le SNU, notamment ceux portant sur la citoyenneté, au parcours scolaire au collège permettrait de retisser le lien distendu entre les jeunes et la nation française. Notre devoir n'est-il pas de créer les conditions d'un nouvel élan citoyen qui permettrait à notre jeunesse de renouer avec le sentiment d'appartenance à la nation, pour en faire des citoyens engagés, éclairés, responsables et nourrir la résilience de la société ?
Le ministère des armées, ce sont avant tout des personnes militaires et civiles qui peuvent, comme dans n'importe quel autre secteur, faire face à des discriminations ou des violences sur leur lieu de travail. L'amélioration des conditions de vie et de travail des militaires et des civils de la défense fait partie intégrante des objectifs de la LPM. Or le projet de loi ne contient aucune annonce sur la lutte contre les discriminations et les violences au sein des armées, qui sont pourtant le signe des dysfonctionnements et ont des conséquences sur les parcours de vie et de carrière, ou encore sur l'attractivité des métiers de la défense.
Ainsi, quel est le budget alloué au dispositif dont s'est doté le ministère pour lutter contre les discriminations et contre les violences – en particulier la cellule Thémis, créée il y a neuf ans pour lutter contre le harcèlement sexuel, les violences sexistes et sexuelles et les discriminations ?
La France doit relever le défi majeur du renforcement et de la structuration de sa filière drones, si elle souhaite voir émerger des champions suffisamment puissants pour aller remporter des marchés au sein du pays et à l'extérieur.
Selon une étude de Levitate Capital de décembre 2020, les perspectives de marché de la filière drone exploseront dans la décennie à venir à l'échelle mondiale. Avec 34 milliards de dollars de potentiel économique, les États-Unis représenteront le plus gros marché en 2030, devant l'Asie – 30 milliards – et l'Europe – 16 milliards. Il ne faudrait pas que la France rate ce virage du drone. La LPM propose de débloquer 5 milliards d'euros pour répondre à ce défi : au-delà de l'augmentation de notre capacité opérationnelle dans le domaine, comment cette somme nous permettra-t-elle de structurer notre filière industrielle ?
Vous avez dit vous tenir à la disposition du Parlement. Je vous en remercie : dans le contexte politique et social, pour mener à bien nos travaux et nos débats, les Français ont plus que besoin de leur Parlement et de son avis.
Je souhaite revenir sur le contexte stratégique, celui-là même qui nous impose de marquer une trajectoire claire d'investissement dans notre défense et de réagir au contexte inflationniste. En effet, l'inflation n'est en rien une fantaisie de la part des parlementaires, mais une réalité concrète pour nos budgets publics.
Sur l'ensemble des crédits, environ 60 % semblent dévolus au renouvellement de la dissuasion nucléaire, à savoir les armes, les vecteurs et les porteurs. La marge de manœuvre restante vous semble-t-elle suffisante pour amorcer le saut capacitaire promis ?
Dans un contexte notamment marqué par l'arrivée de la guerre de haute intensité sur le continent européen, la future LPM prévoit des mesures qui lanceront un changement de paradigme et faciliteront la transition vers l'économie de guerre. Nos industriels de la BITD sont parties prenantes de ces enjeux et contribueront activement à ce défi.
Je salue la méthode du ministre des armées qui, dans la préparation de la LPM, a installé plusieurs groupes de travail transpartisans et transdisciplinaires, dont l'un était consacré à ce sujet. Fruit des réflexions de ce groupe rassemblant industriels, DGA et parlementaires de tous bords, un chapitre de la LPM est consacré aux dispositions relatives à l'économie de guerre.
Ma question porte sur le régime de gradation des réquisitions militaires présentées dans l'article 23 de la LPM. Pouvez-vous apporter des précisions sur ces mesures normatives destinées à nos industriels de la défense ?
Vos propos illustrent la volonté du gouvernement de continuer à redonner à nos armées les moyens de mener leurs multiples missions. Dans un contexte de grandes tensions internationales, la future LPM sera à la fois ambitieuse et inédite. Elle traduira le renforcement historique de notre défense voulu par le Président de la République. C'est un véritable signal envoyé à nos forces armées et à nos partenaires pour le maintien du rang de la France à l'international et pour notre souveraineté.
Dans un récent entretien à la presse, vous avez appelé à inscrire nos capacités en matière de drones et de lutte anti-drone parmi nos priorités, au titre des urgences opérationnelles, notamment en vue des Jeux olympiques de 2024. Dans un contexte de lutte contre le terrorisme et de guerre conventionnelle, quel budget y sera spécifiquement consacré dans cette loi de programmation militaire ? Quelles seront les priorités d'investissement dans ce domaine, en matière tant de technologie que de formation et de ressources humaines ?
En raison de la nature particulière des missions de nos armées, celles-ci sont exemptes de certaines mesures des accords de Paris. Néanmoins, au regard de la situation climatique et écologique, il est essentiel d'inclure des objectifs ambitieux pour nos armées en la matière, concernant par exemple les carburants. Comment envisagez-vous d'anticiper la raréfaction des ressources pétrolières et l'augmentation des coûts ? Pouvez-vous nous détailler les futurs engagements de votre ministère pour réduire l'empreinte carbone et enclencher une véritable transition énergétique et écologique de nos armées ?
L'obsession du couple franco-allemand en matière de défense est problématique à plusieurs égards, car là où les Allemands font des affaires, nous ne faisons que du lyrisme. Ainsi, lorsque nous avons voulu renforcer la coopération avec l'Allemagne en choisissant notamment le HK416, nous espérions que Berlin ferait le choix du matériel français. Or les Allemands se sont tournés vers les Américains : l'Europe souveraine et autonome n'est pas pour tout de suite.
De manière générale, les modèles d'armée français et allemands sont très différents et je m'interroge sur les bénéfices pour la France des programmes Scaf et MGCS. Nous restons prisonniers de nos bons sentiments, quand la BITD allemande, elle, essaie de tirer le maximum d'avantages commerciaux. Ainsi, nous avons besoin de chars légers et rapides, quand l'Allemagne préfère des chars plus lourds ; pourquoi, alors, s'obstiner avec ces deux programmes ?
Dans son avis sur la LPM 2024-2030, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) juge à nouveau l'impact de votre projet incertain, en raison de l'écart entre les besoins et les crédits identifiés : il identifie ainsi un delta de 13,3 milliards. Ces dépenses supplémentaires prévues sont-elles bien prises en compte dans la trajectoire de dépenses du projet de loi de programmation des finances publiques ? Comment comptez-vous assurer une solidarité interministérielle pour financer le reste à couvrir, quand c'est traditionnellement le budget des armées qui fait l'objet de réductions de crédit pour faire face à des dépenses exceptionnelles ?
Alors que le président de la République entame un voyage d'État en Chine et à quelques jours de la présentation au Parlement de la LPM, je souhaite revenir sur les capacités françaises dans la zone indo-pacifique. La France, qui y compte plusieurs de ses territoires ultramarins, est le seul pays de l'Union européenne présent dans cette zone stratégique où se trouvent cinq des dix plus grands pays commerçants mondiaux.
Face au durcissement de l'environnement militaire et à la bascule stratégique vers cet espace, la France se doit d'être à la hauteur du défi. La mer est devenue un espace de conflictualité. J'en prendrai pour exemple la maîtrise des fonds marins, sujet sur lequel j'ai été corapporteure d'une mission d'information. La marine nationale est garante de nos intérêts dans cette région. Elle doit être souveraine et dotée en conséquence.
J'étais à vos côtés à Lorient pour la mise à l'eau de la première FDI de nouvelle génération, pépite technologie issue de notre BITD et de notre recherche. Le nombre de frégates prévu dans la prochaine LPM et l'échelonnement de leur livraison sera-t-il suffisant pour défendre adéquatement nos intérêts dans ces territoires ? Cette LPM historique ne pourrait-elle pas prévoir la commande supplémentaire de FDI dans cette zone stratégique ?
Les besoins programmés pour les infrastructures atteignent 16 milliards dans cette nouvelle LPM. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur les éléments qui vous ont permis de fixer cet objectif, notamment sur les montants affectés au logement des militaires ?
Nous abordons régulièrement cette question. Près de deux tiers du parc domanial, qui représente 27 % du parc global, a plus de soixante ans et se trouve trop souvent dans un état très dégradé, voire frisant l'insalubrité. En outre, seules six demandes de logement sur dix trouvent une réponse favorable.
Dans quelle mesure l'augmentation des crédits programmée permettra-t-elle de combler ces besoins en logement à l'horizon 2030 ? Est-elle destinée à la rénovation – notamment thermique – du parc domanial, à la construction de nouveaux logements ou à la multiplication de conventions signées avec des propriétaires tiers qui alimenteraient en offres le portail informatique Atrium ?
Vous avez réaffirmé votre volonté de porter à 100 000 hommes et femmes les effectifs de la réserve opérationnelle. Vous avez d'ailleurs organisé plusieurs groupes de travail afin de lever les freins au recrutement de nouveaux réservistes et de répondre à cet objectif ambitieux. Ce recrutement important exigera la mise à disposition de moyens d'encadrement, mais également de matériel supplémentaire. Pourriez-vous nous indiquer la répartition envisagée de ces effectifs supplémentaires entre les différentes composantes de la réserve opérationnelle ainsi que les moyens prévus pour les intégrer ?
La prise en compte de la transition écologique, mais aussi énergétique, du ministère et de nos armées est un élément essentiel de nos stratégies de défense. En 2021, j'ai rédigé avec ma collègue Isabelle Santiago un rapport d'information à ce propos.
Les armées françaises font partie des quelques armées autour du globe à s'être engagées dans cette logique, et ce dès 2007 grâce au premier plan d'action environnementale du ministère des armées.
Depuis, et malgré les évidentes difficultés liées aux activités de nos armées, le ministère n'a eu de cesse d'œuvrer en faveur d'une défense nationale durable. Plus récemment encore, dans le cadre du projet de loi de finances 2023, le ministère s'engageait dans la conduite de cette transition. Quelles mesures la LPM prévoit-elle à cet égard ?
La question de l'exportation des armements ne peut pas être traitée à la légère : il ne s'agit pas d'être pour ou contre, mais de se demander comment exporter, vers quels pays, et dans quelle mesure cela contribue à l'intérêt général.
Les marchands d'armes ont à cœur leurs intérêts privés : lors de leur dernière audition, à nos questions concernant les exportations vers des pays dictatoriaux, comme les Émirats arabes ou l'Arabie saoudite, ils ont répondu que leur rôle était de faire des affaires. L'intérêt général, lui, est l'affaire du Parlement et du Gouvernement. Or, trop de ministres des armées se sont comportés comme des représentants de commerce. Pourtant, la sécurité de nos ressortissants, où qu'ils soient dans le monde, est un intérêt essentiel, que menace la prolifération d'armes.
Je souhaite revenir sur les menaces stratégiques qui pèsent sur les territoires ultramarins, particulièrement dans la zone est de l'océan Indien. Le 17 février, les marines sud-africaines, chinoises et russes ont mené des exercices militaires à quelques centaines de kilomètres de nos côtes mahoraises et des champs gaziers de Total dans le canal du Mozambique. Je souligne également les risques d'instrumentalisation des flux migratoires, définis par l'Otan comme une menace hybride, et que nous observons à Mayotte, où l'immigration comorienne est source de déstabilisation. Ce territoire sera-t-il doté à temps plein d'un patrouilleur outre-mer pour protéger ses frontières ? Avez-vous décidé de construire une base navale en eau profonde à Mayotte ?
Les menaces hypervéloces de type balistique ou planeurs hypersoniques représentent un défi pour les systèmes de défense, y compris les plus sophistiqués. À ce titre, je me félicite que la Commission européenne réévalue sa position concernant le projet Hydef, pour Hypersonic defence interceptor et envisage de soutenir un second projet d'intercepteur d'armes supersoniques, confié à MBDA, missilier européen par excellence.
La France poursuit l'évolution du SAMP/T (système sol-air moyenne portée terrestre) par le standard OC1 (capacité opérationnelle de premier niveau) qui présente une capacité initiale d'interception de cible hypersonique en phase terminale. Ces évolutions contribuent au renforcement de la défense collective, le SAMP/T Mamba étant intégré au système ACCS (Air command and control system) de l'Otan.
L'étape suivante serait l'évolution vers un standard OC2 qui consisterait à moderniser toutes les composantes du SAMP/T de nouvelle génération, et éventuellement par l'adjonction d'un radar type UHF, afin de nous prémunir de menaces venant du sud. C'est ce que nous préconisions dans le rapport que j'ai signé avec Jean Louis Thiériot sur la défense solaire en France et en Europe.
Des évolutions vers le standard OC2 sont-elles prévues dans les 5 milliards affectés par la LPM à la défense surface-air ?
Le système SAMP/T de nouvelle génération est un programme clé. La cible était fixée à huit : l'objectif sera de la porter à douze. J'ai également de bons espoirs sur l'exportation de ce système. En effet, le SAMP/T actuel, promis à l'Ukraine, est révélateur de l'attente que suscite ce type d'équipement, équivalent de la classe américaine des Patriot.
Madame Youssouffa, vous soulignez à juste titre les problèmes de sécurité posés par l'immigration, ainsi que par le terrorisme au Mozambique. Je me rendrai prochainement aux Comores pour échanger au sujet de la sécurité avec le président Azali Assoumani. Il en va de notre responsabilité de traiter les sujets de souveraineté, y compris maritime, entre les eaux françaises et comoriennes. Nous travaillons actuellement à un instrument de coopération avec le Mozambique pour lutter contre le terrorisme.
Sur le plan capacitaire, nous prévoyons un renforcement global des forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) et le renfort plus régulier de moyens à Mayotte. Par ailleurs, les drones formeront une dimension clé de notre stratégie en outre-mer, même si les unités de surface restent nécessaires et que les aéronefs exercent un effet dissuasif sur les filières migratoires.
La question de la base navale doit faire l'objet de discussions – que les ministres de l'intérieur et de l'outre-mer ont probablement entamées – avec les autorités locales, car le Conseil départemental est doté d'une compétence importante en matière foncière.
Monsieur Mathieu, je ne peux vous reprocher de défendre vos convictions en matière d'exportations ; mais considérez-vous que nous devrions fermer la base aérienne 104 et dénoncer nos accords de défense avec les Émirats arabes unis ? Il me semble que ce point d'appui est fondamental à notre sécurité. L'exportation d'armes participe à l'équilibre de notre modèle d'armées. Sans cela, nous devrions recourir à des dépenses publiques militaires supplémentaires.
Les armées ont déjà mené des efforts importants en matière de transition écologique. Nous avons diminué notre consommation de fioul de moitié et nos dépenses énergétiques de 22 %. Toute rénovation des infrastructures doit s'accompagner d'un plan de sobriété énergétique sur nos bases et sur nos régiments. Les énergies renouvelables devront également faire l'objet d'efforts particuliers, notamment en matière solaire, sur nos bases aériennes. Les emprises militaires abritent souvent des réserves de biodiversité importantes, que leur statut de zone interdite permet assez facilement de protéger. Enfin, je transmettrai des instructions aux armées sur la sobriété en matière de consommation d'eau.
S'agissant de la réserve opérationnelle, toutes les armées sont concernées par le ratio : c'est dans l'armée de terre que ce dernier sera le plus important, et qu'il représentera le plus grand défi. J'ai par ailleurs demandé des projections par délégation militaire départementale, afin de responsabiliser chaque délégué militaire départemental, chaque chef de corps, chaque officier général de zone de défense et chaque préfet maritime.
Les enjeux liés au logement sont multiples. Le parc de logement domanial géré par le contrat ambition logement ("Cegelog") comprend 8 000 logements qui seront portés à 15 000 grâce à la construction de 2800 logements neufs et la réintégration de baux emphytéotiques dans la concession. La poursuite de l'ambition se traduit aussi par l'évolution du parc de logements conventionnés, notamment en renforçant nos partenariats avec les collectivités locales et les bailleurs.
Il me semble que le nombre de frégates que nous avons défini est pertinent. Nous devions fixer une cible soutenable en équipage, en MCO et en missions. Par ailleurs, nous souhaiterions bien sûr disposer de moyens supplémentaires ; mais serait-il possible de construire plus de frégates à Lorient ? Cette considération nous ramène à nouveau à la question de l'export : toute une gamme de Naval Group est porteuse d'enjeux prometteurs, notamment à destination de Chypre et de la Grèce.
Vous avez cité les propos du HCFP. Les 13,3 milliards d'euros ne sont pas « incertains » : ils sont documentés et chiffrés. C'est aussi la force du ministère des armées de disposer de ses propres ressources. Ce modèle est d'ailleurs unique. La trajectoire est soutenable. Il me semblait pertinent de bien distinguer les sommes de 413,3 et de 400 milliards. Ces ressources extrabudgétaires n'ont rien de nouveau et ne relèvent pas d'une estimation au doigt mouillé.
S'agissant de nos coopérations avec l'Allemagne, notre modèle d'armée nous impose de ne transiger avec aucun principe fondamental, ni aucune ligne rouge. Le SCAF répondra aux besoins des armées, dissuasion nucléaire comprise. Ne pensez pas que nous soyons naïfs : lorsque j'ai confirmé le standard 5 du Rafale, j'ai demandé à l'armée de l'air de me faire part de ses attentes concernant le chasseur de nouvelle génération (NGF). C'est à nous de les transmettre à nos partenaires allemands et espagnols, et à ceux qui les rejoindront. Il y aura un successeur au Rafale, qui, quoiqu'il arrive, correspondra aux intérêts souverains français. Par ailleurs, le partage de l'addition garantit la soutenabilité des programmes.
À travers Dassault, la France est cheffe de file du SCAF : ce programme ne suscite donc aucune inquiétude de ma part ; en revanche, je ne réfute donc pas entièrement vos propos sur le MGCS, qui accuse un retard quelque peu préoccupant.
L'inflation est bien traitée dans la LPM. Je vous rappelle que le ministère des armées est le seul à être doté de tels moyens de gestion. Les reports de charge sont également un bon outil pour y répondre : si l'on estime que l'inflation ne se maintiendra pas à son niveau actuel, nous pouvons espérer retrouver des marges de manœuvre. Il sera profitable de s'acquitter de factures avec des reports de charge lorsque les facteurs macroéconomiques seront meilleurs. Rappelez-vous le contexte d'inflation dans lequel les gaullistes ont pris leurs décisions dans les années 1960 : vous ne serez pas la première législature à traiter ce sujet.
J'estime que l'équilibre entre la dissuasion nucléaire et conventionnelle est adéquat. Notre modèle est original : contrairement à certaines puissances dotées, en France, les contrats opérationnels liés à la dissuasion et les contrats conventionnels sont très imbriqués. Les Rafale employés pour les forces aériennes stratégiques peuvent ainsi mener des opérations qui ne sont pas nucléaires. Cette organisation, y compris pour notre marine, a ce mérite : la dissuasion nucléaire a toujours tiré l'ensemble de la défense vers le haut, en garantissant des moyens qui peuvent être utilisés à différentes fins.
La filière des drones doit être duale. Pour garantir la souveraineté de notre filière, nous devons nous saisir de toutes les opportunités, y compris dans le domaine de la sécurité civile. Il ne faut pas reproduire l'expérience du Reaper. Les sommes importantes dégagées nous permettront de donner de la visibilité à la filière. Les entreprises, y compris les PME, commencent à montrer des résultats prometteurs. Le rôle que joueront les drones à l'avenir nous impose une souveraineté dans l'ensemble de la gamme, des drones les plus petits – les munitions téléopérées – à ceux qui s'assimilent à de petits avions. Je souhaite aussi que les 5 milliards d'euros consacrés nous permettent de faire travailler la concurrence : là encore, nous devons réfléchir au modèle économique de ces entreprises afin de garantir leur soutenabilité économique.
Les crédits pour la cellule Thémis sont bien reconduits, mais il s'agit essentiellement de crédits de ressources humaines, et non d'investissements. Nous devons aller encore plus loin: si Thémis a un rôle à jouer, nous devons aussi sensibiliser le commandement, sans hésiter à proposer au ministre, lorsqu'il le faut, les sanctions qui doivent être prononcées, avec les poursuites pénales associées. L'armée protège la Nation, mais elle est aussi l'armée de la République : elle doit donc véhiculer ses valeurs. Même si les évolutions récentes en la matière sont spectaculaires, il arrive encore que des signalements me soient transmis.
Il me semble que chacun s'accorde à reconnaître l'intérêt du SNU, même si nous ne partageons pas tous la même vision de ce qu'il devrait être : il y a un consensus sur la nécessité de s'adresser à la jeunesse et de relever de nouveaux défis, notamment liés à la transition écologique. Toutefois, la LPM concerne le format des armées. Il ne me paraissait pas pertinent d'y intégrer le SNU. Ainsi, nous pourrons réserver le SNU à des vecteurs spécifiques et rebasculer en annualités budgétaires plutôt qu'en programmation les sujets qu'il soulèverait. Le SNU n'aura donc pas d'effet sur la programmation, à l'exception des réserves, comme le prévoit la LPM.
L'A400M se caractérise par des capacités d'allongement et d'emport remarquables. Elles auront d'ailleurs effet sur notre présence en Afrique, puisque l'amélioration de notre capacité et de notre rapidité de projection limite l'impératif de disposer de forces prépositionnées.
La commande de cinquante A400M n'est pas remise en cause : la cible que je vous propose – trente-cinq – est un minimum. Je suis par ailleurs persuadé qu'il faut promouvoir l'exportation de ces avions : l'opération d'évacuation de l'Afghanistan a montré leur efficacité. Des échanges sont en cours avec Airbus, l'Espagne, les Britanniques et les Allemands. L'export est en effet l'un des moyens de poursuivre ces programmes. L'évolution de l'inflation pourrait également nous permettre de viser une cible supérieure à trente-cinq.
Concernant les bâtiments de surface et les sous-marins, l'échéance de 2030 ne marquera pas l'achèvement brutal des programmes : une LPM accorde des crédits de paiement, et définit des cibles à cinq ans et à dix ans. Nous proposons donc des points de passages ambitieux pour 2030, et les programmes seront menés à terme entre 2030 et 2035.
J'ai fait le choix de fixer des délais courts pour les sous-marins nucléaires d'attaque, en mettant l'accent sur le programme Barracuda, et ainsi tendre rapidement vers une flotte homogène de la classe Suffren, en raison des enjeux liés aux infrastructures. En effet, les objets de la catégorie des sous-marins nucléaires d'attaque nécessitent des infrastructures d'accueil spécifiques, il est donc préférable de réduire le temps de tuilage autant que possible.
Monsieur Saintoul, comme je m'y étais engagé auprès de vous, il n'y aura aucune fermeture de structure du SSA en province. J'ai mené un certain nombre de réunion ces derniers temps ; je n'ai pas encore rendu publique la feuille de route. Le SSA joue un rôle important dans les territoires concernés, où le système sanitaire civil présente parfois des fragilités. Néanmoins, je suis favorable à une spécialisation de ces structures. J'ai ainsi entamé un travail avec Patricia Mirallès sur le volet psychique pour répondre aux besoins exprimés par les armées. Si les hôpitaux de Bégin et Percy jouent un rôle important, il me semble qu'il serait fautif de ne proposer que des solutions aussi éloignées de nos forces. Le SSA doit en effet jouer un rôle de proximité. Nos antennes en région doivent désormais s'inscrire soit, comme des « plots généraux », en restant lucide sur leur contribution, soit en lien avec une mission spécifique, comme la dissuasion à Brest, où le SSA participe de la permanence à la mer de nos SNLE, soit, s'orientent, par exemple pour, Lyon, Metz ou Bordeaux, vers une spécialisation, peut être aussi plus connectée avec l'Institution Nationale des Invalides, correspondant aux besoins militaires du terrain, réservistes compris.
Monsieur Giletti, le socle d'activité est bien suffisant. J'ai constaté une fréquente tentation de comprimer le MCO et l'activité défense, consistant à réduire le volume d'entraînement afin de contenir les programmes dans les bornes budgétaires fixées par la LPM. Ce serait une faute terrible que de réduire l'entraînement et l'activité défense. Cette dernière augmentera, ou se maintiendra à un très haut niveau d'engagement. Pour ma part, je préfère amplement lisser le programme Scorpion sur deux années supplémentaires plutôt que de réduire le volume d'entraînement de nos forces.
La remise en question du cadencement des marches budgétaires m'apparaît comme une réaction essentiellement politique : la cible de nos engagements est de 69 milliards, quand Mme Le Pen proposait 68 milliards, et Mme Pécresse un peu moins. Dès lors que nous nous accordons sur une date et une somme, le rythme est une affaire de contraintes – sachant que nous en avons exécuté la majeure partie depuis 2017. Le cadencement doit correspondre à notre besoin militaire et à notre capacité à mettre en tension les industriels. Ce qui compte, c'est l'augmentation, afin de créer des effets militaires réels.
Monsieur Marleix, les étalements font partie des programmations : je l'assume.
Monsieur Plassard, les commandes rapides pour les unités fourniront un élément de réponse essentiel. J'ai confié au DGA la mission de créer une force d'acquisition réactive. Elle permettra à certains régiments ou unités de demander rapidement des achats sur étagères, y compris d'objets civils à fins militaires.
Les circuits de décision sont également en voie d'amélioration au sein du ministère, qui, malgré son organisation pyramidale, permet de déconcentrer des sommes d'argent et des capacités d'achat, lorsque la cohérence le permet.
Enfin, Madame Lingemann, en situation dégradée, la LPM permet à l'industrie de défense de réquisitionner, y compris les stocks, dans un cadre précisément organisé. Par ailleurs, elle propose de prioriser certaines commandes par rapport à celles destinées à l'export ou civiles.
La séance est levée à treize heures trente.
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Julien Bayou, Mme Valérie Bazin-Malgras, M. Mounir Belhamiti, M. Pierrick Berteloot, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, M. Frédéric Boccaletti, M. Benoît Bordat, M. Vincent Bru, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. François Cormier-Bouligeon, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Yannick Favennec-Bécot, M. Emmanuel Fernandes, M. Jean-Marie Fiévet, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. José Gonzalez, M. Laurent Jacobelli, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Fabien Lainé, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Anne Le Hénanff, Mme Murielle Lepvraud, Mme Delphine Lingemann, M. Olivier Marleix, Mme Alexandra Martin, Mme Pascale Martin, M. Frédéric Mathieu, Mme Lysiane Métayer, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, M. Christophe Naegelen, Mme Anna Pic, M. François Piquemal, Mme Josy Poueyto, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Valérie Rabault, M. Julien Rancoule, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Aurélien Saintoul, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, M. Jean-Louis Thiériot, Mme Sabine Thillaye, Mme Mélanie Thomin, Mme Corinne Vignon
Excusés. - Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Anne Genetet, Mme Michèle Martinez, M. Jean-Philippe Nilor, M. Fabien Roussel, M. Mikaele Seo, M. Olivier Serva, M. Michaël Taverne
Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Sébastien Delogu, M. Benjamin Haddad, M. Christophe Plassard, Mme Estelle Youssouffa