Je suis surpris que personne ne s'interroge sur les fondements des chiffres et des orientations. En effet, si l'on ajoute la modernisation des armes, des vecteurs et des porteurs, près de la moitié des dépenses est aspirée par le renouvellement de la dissuasion nucléaire. Outre les aspects éthiques, la dissuasion suppose la rationalité de l'adversaire, qui ne veut pas tout perdre. C'est un calcul qui peut se révéler hasardeux face à un groupe ou à un État terroriste – je pense par exemple à l'Iran. Le général américain Petraeus estimait ainsi que la dissuasion était plus efficacement soutenue par la capacité du conventionnel en légitime défense.
Autre gageure, aucun débat public n'a eu lieu sur les dépenses liées au porte-avions de nouvelle génération, alors qu'elles engageront le pays pour des décennies. On entend que la France doit avoir son porte-avions : pour ma part, j'y vois une politique du prestige, en décalage avec nos capacités budgétaires et nos besoins géopolitiques. Un seul porte-avions ne permet pas la permanence à la mer, mais plutôt 50 % de disponibilité ; pourtant, son coût est élevé, d'autant qu'il faut y ajouter celui de la flotte d'escorte et de la logistique. Peut-on parler d'une ligne Maginot de la mer ? Ne pensez-vous pas que nous pourrions prendre des mesures plus concrètes, plus utiles et plus adaptées, notamment face aux enjeux de responsabilité de la France dans le domaine maritime, menacé par le changement climatique, les catastrophes naturelles, les pollutions ou encore la surpêche ? Avec le budget économisé, nous pourrions imaginer un quatrième porte-hélicoptères amphibie, une douzaine de patrouilleurs océaniques, le renforcement de la flotte d'avions, l'équipement en drones et les hélicoptères.