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Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du mercredi 5 avril 2023 à 11h05
Commission de la défense nationale et des forces armées

Sébastien Lecornu, ministre :

Le système SAMP/T de nouvelle génération est un programme clé. La cible était fixée à huit : l'objectif sera de la porter à douze. J'ai également de bons espoirs sur l'exportation de ce système. En effet, le SAMP/T actuel, promis à l'Ukraine, est révélateur de l'attente que suscite ce type d'équipement, équivalent de la classe américaine des Patriot.

Madame Youssouffa, vous soulignez à juste titre les problèmes de sécurité posés par l'immigration, ainsi que par le terrorisme au Mozambique. Je me rendrai prochainement aux Comores pour échanger au sujet de la sécurité avec le président Azali Assoumani. Il en va de notre responsabilité de traiter les sujets de souveraineté, y compris maritime, entre les eaux françaises et comoriennes. Nous travaillons actuellement à un instrument de coopération avec le Mozambique pour lutter contre le terrorisme.

Sur le plan capacitaire, nous prévoyons un renforcement global des forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI) et le renfort plus régulier de moyens à Mayotte. Par ailleurs, les drones formeront une dimension clé de notre stratégie en outre-mer, même si les unités de surface restent nécessaires et que les aéronefs exercent un effet dissuasif sur les filières migratoires.

La question de la base navale doit faire l'objet de discussions – que les ministres de l'intérieur et de l'outre-mer ont probablement entamées – avec les autorités locales, car le Conseil départemental est doté d'une compétence importante en matière foncière.

Monsieur Mathieu, je ne peux vous reprocher de défendre vos convictions en matière d'exportations ; mais considérez-vous que nous devrions fermer la base aérienne 104 et dénoncer nos accords de défense avec les Émirats arabes unis ? Il me semble que ce point d'appui est fondamental à notre sécurité. L'exportation d'armes participe à l'équilibre de notre modèle d'armées. Sans cela, nous devrions recourir à des dépenses publiques militaires supplémentaires.

Les armées ont déjà mené des efforts importants en matière de transition écologique. Nous avons diminué notre consommation de fioul de moitié et nos dépenses énergétiques de 22 %. Toute rénovation des infrastructures doit s'accompagner d'un plan de sobriété énergétique sur nos bases et sur nos régiments. Les énergies renouvelables devront également faire l'objet d'efforts particuliers, notamment en matière solaire, sur nos bases aériennes. Les emprises militaires abritent souvent des réserves de biodiversité importantes, que leur statut de zone interdite permet assez facilement de protéger. Enfin, je transmettrai des instructions aux armées sur la sobriété en matière de consommation d'eau.

S'agissant de la réserve opérationnelle, toutes les armées sont concernées par le ratio : c'est dans l'armée de terre que ce dernier sera le plus important, et qu'il représentera le plus grand défi. J'ai par ailleurs demandé des projections par délégation militaire départementale, afin de responsabiliser chaque délégué militaire départemental, chaque chef de corps, chaque officier général de zone de défense et chaque préfet maritime.

Les enjeux liés au logement sont multiples. Le parc de logement domanial géré par le contrat ambition logement ("Cegelog") comprend 8 000 logements qui seront portés à 15 000 grâce à la construction de 2800 logements neufs et la réintégration de baux emphytéotiques dans la concession. La poursuite de l'ambition se traduit aussi par l'évolution du parc de logements conventionnés, notamment en renforçant nos partenariats avec les collectivités locales et les bailleurs.

Il me semble que le nombre de frégates que nous avons défini est pertinent. Nous devions fixer une cible soutenable en équipage, en MCO et en missions. Par ailleurs, nous souhaiterions bien sûr disposer de moyens supplémentaires ; mais serait-il possible de construire plus de frégates à Lorient ? Cette considération nous ramène à nouveau à la question de l'export : toute une gamme de Naval Group est porteuse d'enjeux prometteurs, notamment à destination de Chypre et de la Grèce.

Vous avez cité les propos du HCFP. Les 13,3 milliards d'euros ne sont pas « incertains » : ils sont documentés et chiffrés. C'est aussi la force du ministère des armées de disposer de ses propres ressources. Ce modèle est d'ailleurs unique. La trajectoire est soutenable. Il me semblait pertinent de bien distinguer les sommes de 413,3 et de 400 milliards. Ces ressources extrabudgétaires n'ont rien de nouveau et ne relèvent pas d'une estimation au doigt mouillé.

S'agissant de nos coopérations avec l'Allemagne, notre modèle d'armée nous impose de ne transiger avec aucun principe fondamental, ni aucune ligne rouge. Le SCAF répondra aux besoins des armées, dissuasion nucléaire comprise. Ne pensez pas que nous soyons naïfs : lorsque j'ai confirmé le standard 5 du Rafale, j'ai demandé à l'armée de l'air de me faire part de ses attentes concernant le chasseur de nouvelle génération (NGF). C'est à nous de les transmettre à nos partenaires allemands et espagnols, et à ceux qui les rejoindront. Il y aura un successeur au Rafale, qui, quoiqu'il arrive, correspondra aux intérêts souverains français. Par ailleurs, le partage de l'addition garantit la soutenabilité des programmes.

À travers Dassault, la France est cheffe de file du SCAF : ce programme ne suscite donc aucune inquiétude de ma part ; en revanche, je ne réfute donc pas entièrement vos propos sur le MGCS, qui accuse un retard quelque peu préoccupant.

L'inflation est bien traitée dans la LPM. Je vous rappelle que le ministère des armées est le seul à être doté de tels moyens de gestion. Les reports de charge sont également un bon outil pour y répondre : si l'on estime que l'inflation ne se maintiendra pas à son niveau actuel, nous pouvons espérer retrouver des marges de manœuvre. Il sera profitable de s'acquitter de factures avec des reports de charge lorsque les facteurs macroéconomiques seront meilleurs. Rappelez-vous le contexte d'inflation dans lequel les gaullistes ont pris leurs décisions dans les années 1960 : vous ne serez pas la première législature à traiter ce sujet.

J'estime que l'équilibre entre la dissuasion nucléaire et conventionnelle est adéquat. Notre modèle est original : contrairement à certaines puissances dotées, en France, les contrats opérationnels liés à la dissuasion et les contrats conventionnels sont très imbriqués. Les Rafale employés pour les forces aériennes stratégiques peuvent ainsi mener des opérations qui ne sont pas nucléaires. Cette organisation, y compris pour notre marine, a ce mérite : la dissuasion nucléaire a toujours tiré l'ensemble de la défense vers le haut, en garantissant des moyens qui peuvent être utilisés à différentes fins.

La filière des drones doit être duale. Pour garantir la souveraineté de notre filière, nous devons nous saisir de toutes les opportunités, y compris dans le domaine de la sécurité civile. Il ne faut pas reproduire l'expérience du Reaper. Les sommes importantes dégagées nous permettront de donner de la visibilité à la filière. Les entreprises, y compris les PME, commencent à montrer des résultats prometteurs. Le rôle que joueront les drones à l'avenir nous impose une souveraineté dans l'ensemble de la gamme, des drones les plus petits – les munitions téléopérées – à ceux qui s'assimilent à de petits avions. Je souhaite aussi que les 5 milliards d'euros consacrés nous permettent de faire travailler la concurrence : là encore, nous devons réfléchir au modèle économique de ces entreprises afin de garantir leur soutenabilité économique.

Les crédits pour la cellule Thémis sont bien reconduits, mais il s'agit essentiellement de crédits de ressources humaines, et non d'investissements. Nous devons aller encore plus loin: si Thémis a un rôle à jouer, nous devons aussi sensibiliser le commandement, sans hésiter à proposer au ministre, lorsqu'il le faut, les sanctions qui doivent être prononcées, avec les poursuites pénales associées. L'armée protège la Nation, mais elle est aussi l'armée de la République : elle doit donc véhiculer ses valeurs. Même si les évolutions récentes en la matière sont spectaculaires, il arrive encore que des signalements me soient transmis.

Il me semble que chacun s'accorde à reconnaître l'intérêt du SNU, même si nous ne partageons pas tous la même vision de ce qu'il devrait être : il y a un consensus sur la nécessité de s'adresser à la jeunesse et de relever de nouveaux défis, notamment liés à la transition écologique. Toutefois, la LPM concerne le format des armées. Il ne me paraissait pas pertinent d'y intégrer le SNU. Ainsi, nous pourrons réserver le SNU à des vecteurs spécifiques et rebasculer en annualités budgétaires plutôt qu'en programmation les sujets qu'il soulèverait. Le SNU n'aura donc pas d'effet sur la programmation, à l'exception des réserves, comme le prévoit la LPM.

L'A400M se caractérise par des capacités d'allongement et d'emport remarquables. Elles auront d'ailleurs effet sur notre présence en Afrique, puisque l'amélioration de notre capacité et de notre rapidité de projection limite l'impératif de disposer de forces prépositionnées.

La commande de cinquante A400M n'est pas remise en cause : la cible que je vous propose – trente-cinq – est un minimum. Je suis par ailleurs persuadé qu'il faut promouvoir l'exportation de ces avions : l'opération d'évacuation de l'Afghanistan a montré leur efficacité. Des échanges sont en cours avec Airbus, l'Espagne, les Britanniques et les Allemands. L'export est en effet l'un des moyens de poursuivre ces programmes. L'évolution de l'inflation pourrait également nous permettre de viser une cible supérieure à trente-cinq.

Concernant les bâtiments de surface et les sous-marins, l'échéance de 2030 ne marquera pas l'achèvement brutal des programmes : une LPM accorde des crédits de paiement, et définit des cibles à cinq ans et à dix ans. Nous proposons donc des points de passages ambitieux pour 2030, et les programmes seront menés à terme entre 2030 et 2035.

J'ai fait le choix de fixer des délais courts pour les sous-marins nucléaires d'attaque, en mettant l'accent sur le programme Barracuda, et ainsi tendre rapidement vers une flotte homogène de la classe Suffren, en raison des enjeux liés aux infrastructures. En effet, les objets de la catégorie des sous-marins nucléaires d'attaque nécessitent des infrastructures d'accueil spécifiques, il est donc préférable de réduire le temps de tuilage autant que possible.

Monsieur Saintoul, comme je m'y étais engagé auprès de vous, il n'y aura aucune fermeture de structure du SSA en province. J'ai mené un certain nombre de réunion ces derniers temps ; je n'ai pas encore rendu publique la feuille de route. Le SSA joue un rôle important dans les territoires concernés, où le système sanitaire civil présente parfois des fragilités. Néanmoins, je suis favorable à une spécialisation de ces structures. J'ai ainsi entamé un travail avec Patricia Mirallès sur le volet psychique pour répondre aux besoins exprimés par les armées. Si les hôpitaux de Bégin et Percy jouent un rôle important, il me semble qu'il serait fautif de ne proposer que des solutions aussi éloignées de nos forces. Le SSA doit en effet jouer un rôle de proximité. Nos antennes en région doivent désormais s'inscrire soit, comme des « plots généraux », en restant lucide sur leur contribution, soit en lien avec une mission spécifique, comme la dissuasion à Brest, où le SSA participe de la permanence à la mer de nos SNLE, soit, s'orientent, par exemple pour, Lyon, Metz ou Bordeaux, vers une spécialisation, peut être aussi plus connectée avec l'Institution Nationale des Invalides, correspondant aux besoins militaires du terrain, réservistes compris.

Monsieur Giletti, le socle d'activité est bien suffisant. J'ai constaté une fréquente tentation de comprimer le MCO et l'activité défense, consistant à réduire le volume d'entraînement afin de contenir les programmes dans les bornes budgétaires fixées par la LPM. Ce serait une faute terrible que de réduire l'entraînement et l'activité défense. Cette dernière augmentera, ou se maintiendra à un très haut niveau d'engagement. Pour ma part, je préfère amplement lisser le programme Scorpion sur deux années supplémentaires plutôt que de réduire le volume d'entraînement de nos forces.

La remise en question du cadencement des marches budgétaires m'apparaît comme une réaction essentiellement politique : la cible de nos engagements est de 69 milliards, quand Mme Le Pen proposait 68 milliards, et Mme Pécresse un peu moins. Dès lors que nous nous accordons sur une date et une somme, le rythme est une affaire de contraintes – sachant que nous en avons exécuté la majeure partie depuis 2017. Le cadencement doit correspondre à notre besoin militaire et à notre capacité à mettre en tension les industriels. Ce qui compte, c'est l'augmentation, afin de créer des effets militaires réels.

Monsieur Marleix, les étalements font partie des programmations : je l'assume.

Monsieur Plassard, les commandes rapides pour les unités fourniront un élément de réponse essentiel. J'ai confié au DGA la mission de créer une force d'acquisition réactive. Elle permettra à certains régiments ou unités de demander rapidement des achats sur étagères, y compris d'objets civils à fins militaires.

Les circuits de décision sont également en voie d'amélioration au sein du ministère, qui, malgré son organisation pyramidale, permet de déconcentrer des sommes d'argent et des capacités d'achat, lorsque la cohérence le permet.

Enfin, Madame Lingemann, en situation dégradée, la LPM permet à l'industrie de défense de réquisitionner, y compris les stocks, dans un cadre précisément organisé. Par ailleurs, elle propose de prioriser certaines commandes par rapport à celles destinées à l'export ou civiles.

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