La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné, sur le rapport de M. Gabriel Amard, la proposition de loi visant à garantir l'accès à l'eau potable par la gratuité des mètres cubes vitaux (n° 325).
Tout en remerciant ceux de mes collègues qui ont assisté aux auditions, m'ont demandé plus d'informations ou ont déposé des amendements, je déplore que des amendements de suppression visent à empêcher tout débat sur le sujet que nous abordons aujourd'hui. Plusieurs personnalités politiques de premier plan, comme Édouard Philippe ou Aurélien Pradié, ont pourtant reconnu dans les médias que la question de l'accès à l'eau était fondamentale. Cette proposition de loi est une occasion d'en parler, et il ne s'agit pas là d'un coup de communication.
Trois jours sans eau, et nous sommes morts ! L'accès à l'eau est redevenu un enjeu primordial. D'une part, pour 500 000 de nos concitoyens qui n'ont pas accès à une eau potable gérée en toute sécurité et près de 900 000 d'entre eux qui n'ont qu'un accès limité à des installations sanitaires – c'est notamment le cas pour 300 000 sans-abri et 20 000 personnes qui vivent dans des bidonvilles –, sans compter les 10 millions de nos concitoyens qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. D'autre part, les épisodes de sécheresse sont désormais plus longs, plus étendus et plus intenses, mettant en péril l'accès à l'eau pour les habitants – 117 communes ont ainsi été privées d'eau potable cet été – comme pour les agriculteurs et certaines industries. Il devient urgent de repenser entièrement les usages de l'eau.
Cette proposition de loi a donc deux objets : rendre concret l'accès inconditionnel à l'eau potable et permettre de réduire la consommation globale de l'eau potable dans une perspective de gestion plus raisonnée de la ressource. Pour ce faire, elle propose tout d'abord la généralisation des bonnes pratiques déjà appliquées en France, dans des collectivités de toute taille et de toute sensibilité, que la gestion de l'eau y soit publique ou déléguée à une entreprise privée.
La gratuité des mètres cubes d'eau vitaux existe déjà en France, par exemple à raison de 10 mètres cubes sur le territoire du bassin rennais, de 15 mètres cubes bientôt à Montpellier-Méditerranée, de 20 mètres cubes à Burlats, dans le Tarn, ou de 40 % de la facture d'eau à Limais, dans les Yvelines, soit 20 mètres cubes par personne et par an ou 55 litres par jour et par personne. De même, l'accès gratuit à des fontaines d'eau potable, à des toilettes publiques et à des bains-douches existe déjà dans de nombreuses communes moyennes et grandes de notre pays, même si la présence de ces équipements est parfois plus difficile dans de plus petites communes.
Cette proposition de loi est ambitieuse, mais elle prévoit d'accompagner les collectivités pour sa mise en œuvre. Je propose ainsi des pistes permettant de maintenir le principe de « l'eau paye l'eau ». C'est par la tarification progressive que la suppression de l'abonnement au compteur au domicile principal est financée, grâce à un lissage de son coût sur l'ensemble de l'eau consommée par les familles. La tarification différenciée selon les usages, qui vise plus particulièrement les usages économiques et les résidences secondaires, peut financer la gratuité des mètres cubes vitaux, comme le démontre l'exemple de la commune de Limay. Je propose également un financement par des recettes diverses.
La proposition de loi vise ensuite à appliquer concrètement et réellement un accès inconditionnel à l'eau, c'est-à-dire à concrétiser une forme de droit à l'eau. Comme l'air et le rayon de soleil, l'eau n'a pas de prix, même si son captage, sa potabilisation et sa distribution ont un coût.
Je travaille aussi à une proposition de loi constitutionnelle transpartisane visant à transposer dans la Charte de l'environnement le premier alinéa de la résolution des Nations unies de 2010 reconnaissant le droit humain à l'eau et à l'assainissement. La logique est ici différente de celle de la tarification sociale, qui propose d'aider les plus démunis par des dispositifs pour lesquels, malheureusement, on observe souvent un non-recours massif aux droits : l'accès aux 50 litres d'eau par jour et par personne, aux toilettes et aux bains-douches est offert à toutes et à tous, quelles que soient leurs ressources.
La proposition de loi écarte différents sujets, certes intéressants, mais qui mériteraient un texte beaucoup plus développé et plus de débats que n'en permet une seule réunion de commission. Ainsi, elle ne traite ni de la part « assainissement » de la facture, ni des enjeux de gestion publique ou privée, ni des usages de l'eau par des acteurs économiques disposant de forages autorisés par les préfectures et les agences de l'eau, comme la plupart des agriculteurs et de nombreuses usines. Ces usages se situant hors du périmètre de la distribution d'eau potable, plusieurs amendements qui s'y réfèrent se trouvent être sans objet dans le cadre de cette proposition de loi.
Cette dernière est, enfin, un moyen de discuter de la transposition de la directive relative à la qualité des eaux destinées à la consommation humaine, dite directive « eau potable », adoptée en décembre 2020 et dont la transposition doit intervenir en janvier prochain. Nous sommes ici plusieurs à demander que cette transposition ne se fasse pas par ordonnance, mais que la directive puisse faire l'objet d'un débat public.
Pour conclure, j'assume, comme l'indique le rapport, le principe de la perfectibilité de cette proposition de loi, à l'aune des auditions réalisées. Durant les trois dernières semaines, j'ai mené plus de vingt auditions et rencontres, sans compter les huit auditions que j'ai organisées le 19 septembre sous le haut patronage de Pedro Arrojo-Agudo, rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de l'homme à l'eau potable et à l'assainissement. Ces rencontres avec des collectivités et des associations d'élus, dont une délégation de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), de l'Association des maires de France (AMF), de France eau publique, réseau de gestionnaires publics dont j'ai été l'un des fondateurs en 2012, de l'Association des maires ruraux de France (AMRF), des professionnels tels que ceux de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E) et des associations humanitaires, que je remercie, ont suscité plusieurs propositions d'amendements utiles, que j'entends défendre.
Le code de l'environnement établit que chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous. Ce préalable, également ratifié par la France dans plusieurs traités internationaux, n'est pas ignoré de l'État, qui agit afin de permettre à chacun de bénéficier de ce patrimoine commun qu'est l'eau. La gratuité des 50 premiers litres d'eau consommés chaque jour par chaque Français est-elle pour autant la solution ?
Lors des auditions auxquelles vous avez procédé, vous avez exprimé le souhait que l'État garantisse ces mètres cubes d'eau gratuite au moyen d'une dotation globale de fonctionnement (DGF) fléchée. Or l'État a précisément fléché 300 millions d'euros du plan France Relance vers la gestion de l'eau, dont les agences de l'eau et l'Office français de la biodiversité (OFB) assurent le pilotage.
Par ailleurs, la loi du 27 décembre 2019 a introduit une disposition prévoyant que la tarification de l'eau potable pour les abonnés domestiques peut tenir compte du caractère indispensable de l'eau potable et de l'assainissement pour les abonnés en situation de vulnérabilité particulière, en prévoyant un tarif progressif pouvant inclure une première tranche de consommation gratuite.
Le groupe Renaissance est favorable à l'égal accès à l'eau potable pour tous, partout sur le territoire. Néanmoins, cette proposition de loi, qui tend à permettre à chacun de bénéficier de la gratuité des premiers mètres cubes d'eau, apparaît comme disproportionnée, alors que de nombreux foyers disposent des ressources nécessaires pour les payer.
Qui plus est, au regard du droit existant, il nous semble préférable de laisser la main aux collectivités locales pour mettre en œuvre la politique sociale de l'eau, étant donné qu'elles peuvent déjà instaurer une tarification sociale et la gratuité des premiers litres.
Nous devons également veiller à ne pas alourdir le budget des communes, qui doivent faire face à des dépenses supplémentaires pour l'entretien des réseaux.
En conséquence, notre groupe n'est pas favorable cette proposition de loi.
Après des années d'interdiction, la fourniture gratuite d'un volume limité d'eau potable à chacun a finalement été autorisée en droit français en 2021. À ce jour, les collectivités qui le souhaitent peuvent distribuer gratuitement de l'eau aux usagers précaires. L'extension éventuelle de la gratuité d'un volume limité d'eau à tous les usagers, précaires ou non, a été évoquée dans une proposition de loi discutée voilà quelques mois au Sénat, mais qui n'a pas reçu un soutien suffisant. Celle que nous examinons aujourd'hui a le mérite de revenir sur cette question essentielle pour l'ensemble de nos concitoyens, notamment pour les plus précaires.
Nous sommes sceptiques quant à la gratuité de l'eau, car cette ressource précieuse doit être protégée et économisée. Nous sommes favorables à ce que l'on facilite l'accès à l'eau, à l'aide d'un tarif bas, pour des gens qui ont des difficultés financières, et proposons, plutôt que la gratuité, une TVA à 0 % sur les premiers litres. En revanche, nous sommes opposés à la tarification progressive de l'eau, qui pénalisera au premier chef les agriculteurs et les entreprises consommatrices d'eau pour leur activité économique. À l'heure où nous vivons une crise énergétique, nous ne pouvons pas déstabiliser notre secteur économique, à moins de vouloir le faire couler. Il en va de même pour nos communes, qui comptent à l'euro près : est-ce le moment de leur faire installer des douches, alors qu'elles ont du mal à payer leurs factures d'énergie ? En outre, pour lutter contre le gaspillage de l'eau potable, il faut mettre le paquet sur l'entretien des réseaux. Voilà certaines des pistes que nous voulons explorer.
Les députés du groupe Rassemblement national ont déposé plusieurs amendements visant à enrichir ce texte, à l'améliorer et à le rendre plus juste. Nous espérons que ce dernier sera débattu sans sectarisme, car le sujet est sérieux pour un grand nombre de nos concitoyens, notamment ultramarins.
Après l'essence, l'électricité et le gaz, voici que l'eau rejoint la liste des ressources en danger dont la pérennité dans le futur ne peut être assurée. Cet été, nous avons tous vu la Loire totalement asséchée et le va-et-vient des camions-citernes approvisionnant la centaine de communes qui n'avaient plus d'eau dans leurs canalisations. Dans le même temps, de grands groupes, comme La Salvetat dans l'Hérault et le Tarn, privatisent la ressource pour la conditionner et la vendre dans des bouteilles en plastique. Nous devons repenser tout l'accès à l'eau sur le territoire métropolitain, car cela concerne aussi 300 000 sans-abri qui ne peuvent pas s'abreuver correctement, par manque de fontaines accessibles et gratuites. Dans les Antilles, c'est la distribution qui est au point mort, avec 70 % de fuites sur le réseau d'eau, les 30 % restants demeurant impropres à la consommation. De telles situations sont inacceptables dans une puissance comme la France.
Depuis de nombreuses années, nous revendiquons que l'eau soit gérée comme un bien commun. Sans solution magique, nous devons avoir pour objectif assumé de rendre l'eau potable accessible à toutes et tous et, conjointement, de réduire les usages que nous en faisons. À cette fin, nous soutenons l'instauration de la gratuité des premiers mètres cubes d'eau, puis d'une progressivité des tarifs pour les plus gros consommateurs. Ces mesures permettraient d'économiser considérablement la ressource, à l'instar du système pollueur-payeur, que le Gouvernement nous vante tant pour les émissions de carbone. Il s'agira donc d'une mesure sociale, mais également d'une prise en compte de l'urgence écologique.
Outre la taxation, un autre levier devra être activé : la récupération et la réutilisation de l'eau consommée. Actuellement, en effet, 1 % des eaux grises sont réutilisées. Au temps du réemploi et du recyclage, nous devons investir massivement à ce niveau.
L'eau, qui est désormais l'or bleu, doit devenir une préoccupation majeure dans nos décisions d'aujourd'hui et de demain. Cette proposition de loi, consacrée à un sujet vital, est un cap qui doit marquer une avancée majeure et fonder les réflexions futures. C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que notre groupe soutiendra cette proposition de loi.
Cette proposition de loi créerait de nouvelles charges pour les communes, sans aucune étude d'impact. La gratuité n'est jamais une bonne solution. Compte tenu des investissements à prévoir, la tendance serait plutôt d'augmenter les tarifs.
L'instauration d'une gratuité sur les mètres cubes vitaux et d'une tarification progressive sur les mètres cubes suivants peut avoir un intérêt pour pallier les insuffisances des mesures curatives et instaurer des prix dissuasifs pour limiter les fortes consommations. La loi sur l'eau et les milieux aquatiques de 2006, dite Lema, a créé ce qui s'apparente à un droit à l'eau : « chaque personne physique, pour son alimentation et son hygiène, a le droit d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous ». Ce droit est une réalité pour la quasi-totalité des Français : le raccordement aux réseaux sanitaires et de distribution d'eau est généralisé et la facture est peu élevée par rapport aux montants observés dans d'autres pays.
L'été dernier, 116 communes ont été privées d'eau, souvent parce qu'elles n'avaient pas fait les travaux nécessaires à l'entretien de leurs canalisations. En France, 40 % des réseaux d'eau ont plus de 50 ans, pour un rendement de 80 % seulement, soit donc 20 % de perte avant même l'arrivée au robinet. Il est donc essentiel de pérenniser le financement des agences de l'eau en les recentrant sur leur première mission : le maintien du réseau et de ses infrastructures.
Réfléchir à de nouvelles recettes, c'est bien ; réduire les dépenses, c'est mieux – et pourquoi pas en essayant de mieux réutiliser les eaux usées et les eaux grises ? La réglementation française est très stricte dans ce domaine, un décret interdisant toute avancée en raison des préconisations des autorités sanitaires. Une expérimentation à l'échelle locale pourrait ainsi être utile.
La proposition de loi n'est donc pas justifiée, car la loi permet déjà des avancées en matière de tarification incitative sans nouveau texte. Les situations envisagées sont déjà traitées par des mesures curatives comme l'aide au logement, le chèque eau, la prise en charge des impayés par les centres communaux d'action sociale (CCAS) ou des annulations de facture. La loi « engagement et proximité » de 2019 a permis aux collectivités chargées du service public de l'eau et de l'assainissement de recourir aussi à des mesures préventives, mais cette possibilité est encore peu utilisée dans les faits.
Le groupe LR votera contre ce texte.
L'eau est absolument nécessaire à toute forme de vie et le service de la distribution de l'eau potable est ainsi l'une des priorités vitales que nous devons garantir en permanence pour chacun d'entre nous. L'accès à l'eau est donc un droit fondamental et, pour le garantir, il faut relever les nouveaux défis d'un approvisionnement suffisant et d'une qualité propre à préserver la santé publique et l'environnement. L'initiative proposée par le texte que nous examinons est donc pleinement d'actualité.
Toutefois, même si nous adhérons à l'idée d'une facturation évolutive, nous ne souscrivons pas à celle d'une gratuité pour les premiers litres consommés. La distribution de l'eau potable suppose un investissement et un fonctionnement qui concernent chacune des collectivités locales responsables de la distribution. L'acquittement de notre facture d'eau nous rappelle, par ailleurs, à la fois le caractère précieux de la ressource, le caractère essentiel du service public qui la rend accessible et, enfin et surtout, notre citoyenneté.
Il conviendra cependant de vérifier rigoureusement le prix pratiqué, qui ne doit en aucun cas s'inscrire dans une logique lucrative, mais au contraire rester dans la rétribution simple et transparente du service rendu à chacun par la collectivité. Trop souvent, dans le passé, des délégations de service public octroyées pour la gestion de l'eau ont entraîné dérapage des prix, profit et gaspillage. Le coût doit être mis en rapport avec la vraie mesure de la valeur, ce qui n'empêchera pas d'adapter la facturation aux moyens de chacun. La loi Brottes de 2013 visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre et portant diverses dispositions sur la tarification de l'eau et sur les éoliennes, la loi « engagement et proximité » de 2019 et la loi « climat et résilience » de 2021, traitent déjà de ces questions et constituent une base intéressante à partir de laquelle nous pouvons ensemble parfaire la réponse, en nous rappelant le principe d'un service public exemplaire et de qualité, qui relève des droits humains fondamentaux. Nous demandons donc une évolution du texte qui nous est soumis selon ces principes.
Monsieur le rapporteur, nous vous remercions de nous donner l'occasion de discuter au sein du Parlement de l'un des enjeux les plus importants des années à venir. Dans le contexte climatique que nous connaissons, l'accès à l'eau sera en effet un problème central, et tout doit être fait pour préserver et partager au mieux ce bien commun de l'humanité, comme le disait Danielle Mitterrand. La question de l'accès à l'eau potable et de l'assainissement dans le monde se pose avec force et urgence. En France, la situation est également problématique, puisque près de 500 000 personnes n'ont pas accès à une eau potable gérée en toute sécurité et près de 900 000 n'ont qu'un accès limité à des installations sanitaires, situation qui touche particulièrement les personnes en situation de vulnérabilité, notamment les familles en forte précarité, les personnes sans domicile fixe ou les personnes migrantes.
Dans la continuité du travail engagé par la loi Brottes de 2013, les socialistes partagent la philosophie de la présente proposition de loi et son objectif de rendre effectif le droit à l'eau et à l'assainissement par la gratuité des mètres cubes indispensables à une vie digne et la suppression de l'abonnement, ainsi que d'instaurer une tarification progressive et différenciée selon les usages de l'eau pour lutter contre les mésusages et les gaspillages.
Nous avons néanmoins quelques observations à formuler et quelques points de vigilance à souligner. Tout d'abord, cette proposition de loi prévoit une mise en œuvre immédiate de ses dispositions. Cela est-il possible, notamment pour les collectivités qui, comme l'a observé la mission flash Causse-Wulfranc consacrée à cette question en février 2022, rencontrent déjà de nombreuses difficultés dans la mise en œuvre de l'expérimentation sur la tarification sociale de l'eau ? Peut-être un calendrier en deux temps serait-il plus approprié, qui prévoirait d'abord de faciliter, dès cet hiver, la mise en œuvre de cette expérimentation puis, après un bilan complet, d'organiser la généralisation d'une tarification sociale et progressive de l'eau.
En tout état de cause, la situation actuelle commande un engagement plus important de l'État pour accompagner les collectivités dans la gestion de l'accès à l'eau potable et de l'assainissement.
Le droit à l'eau est un droit humain essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l'exercice de tous les autres droits humains. Pourtant, en France métropolitaine, 2,1 % de la population, soit 1,4 million de personnes, ne bénéficient pas d'un accès à l'eau géré en toute sécurité. Dans notre pays, où l'égalité a été érigée en principe républicain et inscrite au fronton de toutes nos mairies, l'accès à l'eau est inégal. La majorité de ceux qui n'ont pas accès à l'eau sont des personnes vulnérables qui vivent dans la rue, dans des camps, des squats ou des logements mal raccordés au réseau. L'inégalité frappe encore entre le territoire métropolitain et les outre-mer. En Guyane, par exemple, ce sont 4,5 % des habitants, et 16,3 % à Mayotte, qui n'ont pas accès à des services d'eau potable gérés en toute sécurité.
Dans notre pays, face aux sécheresses et alors que l'eau va tendre à se raréfier, des multinationales accaparent l'eau en vendant au prix fort les tonnes de plastique nécessaires à sa distribution. Des centaines de villages ont dû être approvisionnés par camion-citerne cet été pour que leurs habitants aient simplement accès à de l'eau potable, et des bêtes ont été tuées dans les troupeaux, faute de pouvoir les nourrir.
Nous devons repenser notre relation à l'eau, bien commun de l'humanité. Il s'agit ici de protéger et préserver le droit fondamental à l'eau au moyen de la tarification progressive. Nous saluons donc la proposition de loi de Gabriel Amard, qui marque des avancées majeures pour la justice sociale en visant à instaurer la gratuité des premiers mètres cubes et la tarification progressive en tenant compte des besoins, tout en incitant à la baisse de la consommation.
Nous proposerons quelques amendements qui, j'en suis certaine, obtiendront les voix de la majorité des députés qui, dans cette salle, sont attachés aux idéaux républicains et aux droits humains, pour garantir la quantité d'eau potable indispensable à la vie et à la dignité, et un assainissement sûr et propre pour toutes et tous, et pour renforcer les normes de garantie de la qualité de l'eau.
C'est quand le puits est sec que l'eau devient richesse. Saisissons-nous de cette belle proposition de loi et écrivons l'histoire de notre République en garantissant à toutes et à tous l'accès à l'eau.
Cette proposition de loi poursuit le travail ébauché avec notre collègue Lionel Causse sur l'accès à l'eau potable. Si la facture reste maîtrisée par rapport à ce que l'on observe pour d'autres biens essentiels, comme l'énergie ou l'alimentation, avec un montant légèrement supérieur à 500 euros par an, soit 40 euros par mois en moyenne, plus d'un million de foyers consacrent plus de 3 % de leurs revenus à cette dépense, ce qui représente le seuil reconnu comme indiquant des difficultés d'accès à l'eau. En outre, la facture d'eau tend à la hausse. La tarification progressive et la gratuité des 50 premiers mètres cubes doivent donc s'accompagner d'un soutien financier renforcé à la viabilité économique du modèle de gestion de l'eau potable. Il faut faire sauter le plafond mordant appliqué aux agences de l'eau et instaurer un plan pluriannuel d'investissement au profit des collectivités, afin d'améliorer les conditions d'accès à l'eau pour tous, et débloquer la généralisation obligatoire d'une tarification sociale et écologique.
Nous sommes favorables au principe d'une distribution de l'eau essentielle à un coût symbolique, avec la gratuité des 50 premiers mètres cubes : l'eau utile doit être distribuée à un prix inférieur au coût du service et l'eau de confort à un coût supérieur, afin d'équilibrer le budget.
Enfin, afin de prévenir toute exclusion à l'exercice du droit à l'eau potable et à l'assainissement, les collectivités et syndicats mixtes devraient pouvoir, d'ici à la fin 2025, avoir élaboré un programme de réalisation d'un schéma d'équipements à caractère social, comprenant des fontaines, des douches et des toilettes publiques, pour assurer l'accès à l'eau de première nécessité.
Je salue votre travail, monsieur le rapporteur, sur la question, centrale et sensible, de la ressource en eau. Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires est très intéressé par votre démarche intellectuelle. Plusieurs collègues l'ont relevé, le droit à l'eau reste inappliqué sur le territoire métropolitain et à plus forte raison dans les outre-mer, la situation étant particulièrement dégradée à Mayotte, où plus de 80 000 personnes, soit un tiers des habitants, n'ont pas accès à l'eau courante.
Néanmoins, nous considérons que la question essentielle est celle de l'accès au service, lequel est conditionné au premier chef par la qualité des réseaux, d'où la nécessité d'un plan d'investissement massif. En outre, compte tenu des ressources financières des collectivités, nous nous interrogeons sur leur capacité à faire face à la gratuité que vous proposez. Nous sommes à cet égard circonspects quant au calendrier, à l'instar de Mme Jourdan. Dans ces conditions, nous estimons que la généralisation de la tarification serait une solution plus adaptée que la gratuité.
Pour toutes ces raisons, le groupe LIOT s'abstiendra sur la proposition de loi. Nous souhaitons continuer à travailler ensemble sur la question de l'accès à l'eau, en particulier dans les outre-mer.
Je remercie tous ceux qui souhaitent que nous avancions sur le sujet grâce à ce texte.
Dans notre proposition de loi, nous avons fait le choix de ne pas aborder toutes les questions relatives au grand cycle ni même au petit cycle de l'eau. En particulier, nous n'avons pas traité la question des investissements. Néanmoins, je souligne dans mon projet de rapport que la lutte contre les fuites et le renouvellement des réseaux, indispensables pour améliorer les rendements, doivent être un critère important des mécanismes de financement des autorités organisatrices et de leurs opérateurs. Sans effort en matière de renouvellement des réseaux, un tel financement n'est pas envisageable.
Quel est l'objet de cette proposition de loi ? Douze ans après le vote par la France d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies reconnaissant le droit à l'eau comme un droit fondamental, nous estimons qu'il est temps d'instituer en la matière un droit inconditionnel, autrement dit sans condition de ressources. Danielle Mitterrand aimait à le rappeler : « trois minutes sans air et nous sommes morts, trois jours sans eau et nous sommes morts ». Il s'agit donc de faire un pas de côté par rapport à l'arsenal juridique existant, notamment par rapport aux dispositifs qui permettent déjà de pratiquer la tarification sociale.
En d'autres termes, notre démarche diffère de celle des partisans de la tarification sociale. Je ne peux pas souscrire aux approches caritatives, certes généreuses, mais dont le résultat est que nombre de nos concitoyens ne bénéficient pas d'un accès satisfaisant à l'eau. Notre collègue Hubert Wulfranc l'a rappelé, la facture d'eau TTC de plus de 1 million de nos concitoyens est supérieure à 3 % de leurs ressources moyennes, alors même qu'il est admis que ce plafond ne devrait pas être dépassé. Plusieurs d'entre vous ont relevé à juste titre que, bien souvent, les dispositions existantes ne sont pas appliquées.
J'en viens aux effets sur les collectivités territoriales. Nous avons auditionné de nombreux élus locaux, dont vous trouverez la liste dans mon rapport. Les retours de dizaines, voire de centaines d'expériences, parfois longues de plusieurs années, montrent que la gratuité de 10, 15 ou 20 mètres cubes d'eau par personne et par an – cette dernière quantité est celle qui est gratuite à Limay – n'a que peu d'impact sur les autres usages, notamment professionnels. À aucun moment, les acteurs économiques n'ont été mis en difficulté. Par ailleurs, à la différence des particuliers – qui ont besoin d'eau, rappelons-le, pour vivre et rester en bonne santé –, les entreprises et les professionnels peuvent déduire leur facture d'eau du bénéfice soumis à l'impôt sur les sociétés. En outre, ils bénéficient la plupart du temps d'une tarification dégressive. La loi du 30 décembre 2006 sur l'eau et les milieux aquatiques, dite Lema, à laquelle M. Taite a fait référence, n'a pas interdit la dégressivité tarifaire.
La même loi a rendu possible la tarification progressive, qui est donc une option, non une obligation. Compte tenu du contexte écologique, notre proposition de loi pose le principe de la progressivité obligatoire en fonction de la quantité d'eau consommée. Ainsi, après avoir fait un bilan social pour vérifier que cela ne pénaliserait pas des familles nombreuses, une collectivité pourra appliquer un tarif plus élevé aux usages de confort et de luxe. Je proposerai d'ailleurs, par mon amendement CD52, de substituer « consommations de confort et de luxe » à « mésusages », notion qui ne fait pas nécessairement consensus.
Pourquoi avons-nous retenu un seuil de 50 litres par jour et par personne ? Parce que c'est la quantité minimale préconisée par l'Organisation mondiale de la santé, laquelle a par ailleurs fixé à 15 litres par jour et par personne le plancher pour les situations d'urgence et les crises humanitaires. Nous vous proposons donc d'instaurer un droit inconditionnel à 50 litres d'eau par jour et par personne.
Pour ceux qui ont un toit, ce droit serait applicable au domicile principal, non dans les résidences secondaires. De la sorte, nous n'abandonnons pas les collectivités dans le financement de la gratuité. Dans toutes les expériences menées en France au cours des dernières années, les collectivités ont trouvé dans les autres usages, notamment professionnels, de quoi équilibrer leur budget annexe. Pour les collectivités où il n'y aurait pas suffisamment de résidences secondaires ou d'usages professionnels, nous proposons des mécanismes de financement complémentaires. Ainsi, je présenterai un amendement CD60 visant à instaurer une taxe sur les eaux en bouteille et les sodas, mesure demandée par la FP2E, qui regroupe les gestionnaires de réseau privés.
Pour ceux qui n'ont pas de toit ou sont dans l'espace public, nous proposons des dispositifs gratuits : des sanitaires publics dans toutes les communes et intercommunalités de plus de 3 500 habitants, des bains-douches et des fontaines d'eau potable dans toutes les communes et intercommunalités de plus de 10 000 habitants. L'AMRF ayant trouvé ce seuil injuste, je proposerai par mon amendement CD44 que chaque commune soit équipée d'au moins une fontaine d'eau potable.
Je termine en évoquant le phasage. La loi ne pouvant entrer en vigueur avant le 1er janvier 2024, l'année 2024 pourrait être mise à profit pour parvenir à un premier palier. Je suis moi-même à l'initiative d'un amendement CD52 qui prévoit que la gratuité devrait porter sur 30 litres par jour et par personne à compter du 1er janvier 2025, l'objectif des 50 litres devant être atteint le 1er janvier 2027.
À l'issue des nombreuses auditions que j'ai menées, j'ai déposé des amendements qui tendent à améliorer ou à enrichir le texte, répondant ainsi à certaines des préoccupations que vous avez exprimées dans vos interventions, qui se fondaient uniquement sur le texte initial.
Avant l'article 1er
Amendement CD18 de M. Pierre Meurin.
Il s'agit d'un amendement d'appel. D'après les calculs de l'Office français de la biodiversité (OFB), 1 milliard de mètres cubes d'eau sur 5,1 milliards, soit près de 20 %, ont disparu à cause de fuites en 2017. Avant d'envisager une mesure universelle de gratuité, au demeurant complexe à mettre en place, il serait de bon sens de lutter contre un tel gaspillage. La mise en œuvre par l'État, les collectivités territoriales et les gestionnaires de réseau d'un grand plan visant à limiter les fuites ferait baisser mécaniquement le coût de l'eau. C'est un enjeu de pouvoir d'achat.
Je vous remercie d'appeler l'attention sur ce sujet éminemment important, et vous demandez à juste titre la remise d'un rapport. Néanmoins, je vous invite à retirer votre amendement au profit de mon amendement CD57, qui va plus loin et dont la rédaction est plus précise. À défaut, je donnerai un avis défavorable.
La situation que vous décrivez est bien connue, mais les autorités organisatrices et les opérateurs n'en tirent aucune conclusion. Alors que l'équivalent de la consommation de 18 millions de nos concitoyens part en fuites, il n'est pas normal que des opérateurs privés notamment – même s'ils ne représentent plus qu'un quart des services d'eau en France – réalisent une partie de leur chiffre d'affaires et de leurs profits grâce à ces volumes. Ceux-ci sont captés gratuitement dans la nature, puis potabilisés et transportés pour un résultat nul.
Nous savons quels sont les taux de renouvellement. Si elle n'est pas renouvelée à raison de 1 % par an, la fonte de Pont-à-Mousson finit par fuir ou par casser. Quant aux matériaux composites, ils posent un problème de sécurité sanitaire, et leur durée de vie est inférieure à cinquante ans. Il est donc temps de se retrousser les manches !
La présente proposition de loi ne visait pas à susciter de plan d'investissement en la matière. Or, vous avez raison, il est pertinent d'en prévoir un. Nous aurons donc vraisemblablement l'occasion de discuter d'autres propositions de loi sur ces questions.
Je retire mon amendement. Dans l'hypothèse où la proposition de loi serait examinée en séance, ce qui est peu probable compte tenu de sa position dans la niche de votre groupe, je déposerai un amendement rédigé différemment, voire formulerai des propositions plus concrètes en ce sens.
L'amendement est retiré.
Article 1er (articles L. 2224-7-1 et L. 2224-12-4 du code général des collectivités territoriales) : Accès à l'eau potable par la gratuité des mètres cubes vitaux
Amendements de suppression CD34 de M. Anthony Brosse et CD36 de M. Jean-Pierre Taite.
Comme je l'ai indiqué dans mon intervention, le prix de l'eau facturé à l'usager est fixé par les collectivités locales, qui peuvent déjà instaurer des mesures sociales d'accès à l'eau. En l'état, les dispositions de votre texte nous paraissent disproportionnées. C'est pourquoi le groupe Renaissance propose de supprimer l'article 1er.
L'obligation d'installer et d'entretenir des points d'eau alourdirait le budget des collectivités. Au demeurant, lorsqu'ils existent, ces équipements ne sont pas nécessairement utilisés par le public ciblé. De notre point de vue, la suppression de la part fixe dans les factures d'eau serait dangereuse : compte tenu de l'importance de cette part fixe dans les recettes du budget annexe eau, cela entraînerait immédiatement un déficit de gestion. Enfin, l'instauration de la gratuité sur les mètres cubes vitaux se heurte à de nombreuses limites. En particulier, comme je l'ai signalé précédemment, elle porterait préjudice à l'investissement dans le réseau. Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains demande la suppression de l'article 1er.
Monsieur Brosse, notre démarche n'est pas la même que la vôtre : notre texte vise non pas à conforter une tarification sociale, mais à garantir un accès effectif à l'eau. De la sorte, la France adresserait un signal novateur tout en se mettant en conformité avec son vote, le 28 juillet 2010, de la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies reconnaissant le droit à l'eau et à l'assainissement de qualité comme un droit humain fondamental. Douze ans après, nous n'avons toujours pas adopté de loi majeure et transversale relative à ce droit inconditionnel, pas plus que nous n'avons transposé la résolution dans notre bloc constitutionnel, ne serait-ce qu'en ajoutant un article dans la Charte de l'environnement – rappelons que celle-ci fait partie du bloc constitutionnel, comme cela ressort de l'arrêt Commune d'Annecy du Conseil d'État.
Monsieur Taite, en vertu du principe « l'eau paye l'eau », le service d'eau est financé non pas par le budget général de la collectivité, mais par un budget annexe, qui peut relever d'un établissement public industriel et commercial (EPIC). Ajoutons que la compétence eau a été transférée de la commune à l'intercommunalité et qu'elle peut être exercée par un syndicat mixte ou à vocation unique. En aucune manière les mesures que nous proposons n'auraient pour conséquence une détérioration des équilibres et indicateurs financiers de la collectivité, fût-elle autorité organisatrice du service de l'eau. Le même raisonnement vaut d'ailleurs pour l'assainissement, qui ne fait pas l'objet de notre proposition de loi.
S'agissant de la part fixe, vous vous trompez. Indépendamment de notre débat sur la gratuité, des dizaines sinon des centaines d'autorités organisatrices ont déjà supprimé l'abonnement, notamment pour ne pas pénaliser les personnes âgées qui perçoivent une petite pension, alors qu'un industriel peut bénéficier dans le même temps d'un tarif de 1 euro le mètre cube. À Saint-Malo, une dame m'a dit qu'elle payait 12 euros le mètre cube du fait de la part fixe ! Je connais des territoires où la part fixe est de 90 euros pour l'eau potable et de 90 euros également pour l'assainissement ; avant même d'avoir ouvert le robinet, vous devez déjà 180 euros ! Dans les cas où la part fixe a été supprimée, il n'y a pas eu de manque à gagner pour la collectivité : le coût a été répercuté sur les usagers proportionnellement à leur consommation.
Dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), il est écrit qu'il peut y avoir une part fixe, non qu'il doit y en avoir une. La rédaction que je vous propose dans ce texte est une évolution modeste par rapport à ce que le CGCT prévoit déjà, puisque des centaines sinon des milliers de collectivités autorités organisatrices ne pratiquent plus la part fixe ou la pratiquent de manière symbolique, l'ayant fixée à quelques euros. Par le passé, certains avaient justifié l'existence d'une part fixe par le fait qu'elle devait couvrir la valeur du compteur d'eau. Or un compteur muni d'une tête de radio-relève coûte 60 euros. Est-il normal que la part fixe atteigne parfois 50 ou 100 euros par an, alors que les compteurs sont changés dans le meilleur des cas au bout de dix ans ? Les dangers qui vous ont amenés à proposer votre amendement de suppression n'existent pas.
J'émets un avis défavorable sur les deux amendements.
Je ne comprends pas pourquoi vous avez abordé autant de sujets différents dans l'article 1er, alors que vous auriez pu les traiter séparément. Mais c'est votre choix politique, qui peut s'entendre. En tout cas, l'accès aux équipements publics tels que les bains-douches me semble plus consensuel que la gratuité des 50 premiers litres d'eau.
Cette mesure, qui figurait dans votre programme pour la présidentielle et pour les législatives, me pose un problème de philosophie politique. Nous avons eu l'occasion d'en débattre localement lors de la campagne des législatives. Dans ma circonscription, je n'ai cessé d'opposer au candidat de La France insoumise que c'était une fausse bonne idée. Dans la mesure où il faut bien plus de 50 litres par jour et par personne pour couvrir les besoins primaires, ce que vous donnez gratuitement sera payé sur les autres litres consommés. C'est en quelque sorte une promesse électoraliste, puisque nos concitoyens n'en tireraient in fine aucun avantage. Qui plus est, notre collègue du groupe Les Républicains soulève à juste titre la question de son impact sur les finances locales.
Telle que vous la proposez, cette mesure est inefficace. Comme l'a indiqué mon collègue Anthony Brosse, le groupe Renaissance ne peut pas la voter en l'état.
Je relève que la plupart des groupes ont évoqué la notion de « bien commun », voire de « patrimoine commun ». Nous pourrions donc tomber d'accord sur le fait que l'accès à la quantité vitale d'eau, celle dont nous avons besoin pour l'hydratation et l'hygiène, doit être assuré par la puissance publique, dans un souci de protection des citoyens. Par cette proposition de loi, nous essayons simplement d'appliquer le principe selon lequel l'eau est un bien commun et satisfait des besoins vitaux.
La situation est critique pour la ressource en eau. Avec le changement climatique, dont on sous-estime grandement les effets, l'eau deviendra la question numéro un. Le manque d'eau risque de susciter des tensions, voire des guerres. Il n'y a rien d'extrémiste à le dire ; de nombreux experts le reconnaissent, par exemple Jean-Marc Jancovici. Compte tenu du changement climatique, il n'est pas prématuré de soulever la question dès à présent et de prendre des mesures pour assurer l'accès de nos concitoyens à l'eau.
Non seulement la suppression de l'article 1er dénaturerait la proposition de loi, mais elle couperait court au débat sur la question de l'eau, que notre assemblée aborde assez peu, à tort. Les amendements du rapporteur répondent à certaines de vos remarques, notamment celui qui prévoit une application progressive de la mesure, selon un calendrier réaliste. Dans l'intérêt du débat et pour nous donner les moyens d'anticiper en la matière face au changement climatique, je vous appelle à ne pas voter ces amendements de suppression.
Je n'évoquais pas le budget général ; c'est bien le budget annexe que votre mesure affaiblirait. Il y a quelques mois encore, j'étais maire d'une ville d'un peu moins de 10 000 habitants, où la consommation d'eau des usagers, très vertueuse, a baissé de près de 18 % en cinq ans. Si vous supprimez la part fixe, vous éliminerez la capacité d'investissement dans le réseau. Ce faisant, vous pérenniserez les taux de perte, qui s'établissent en moyenne à 20 % en France.
Je reconnais la qualité de votre travail, monsieur le rapporteur, mais vous ne pouvez pas comparer le monde urbain, dense en habitations, et le monde rural. De mon point de vue, la part fixe est indispensable, d'où mon amendement de suppression.
J'ai exprimé les réserves du groupe LIOT sur cette proposition de loi et je conteste une partie des positions du rapporteur. Cependant, chers collègues de la majorité, je vous le dis avec beaucoup de respect, il vous est régulièrement reproché de ne pas créer les conditions du dialogue, et vous manquez à cet égard une occasion. Il n'y a guère d'enjeu, d'autant que la proposition de loi ne sera probablement pas examinée en séance, l'ordre du jour proposé pour la niche étant trop chargé. Du point de vue symbolique, il est dommage d'empêcher le débat en supprimant les articles du texte. Ce n'est pas nécessairement un bon message, ni la bonne méthode. Nous voterons donc contre les amendements.
On ne peut pas vraiment parler d'absence de dialogue. Je veille à ce que chaque groupe politique ait le temps de s'exprimer avant la mise aux voix des amendements.
J'espère, monsieur Saint-Huile, que vous tiendrez le même discours en séance publique lors de la présentation des motions de rejet, très nombreuses en ce moment.
Il importe de laisser de l'autonomie aux collectivités territoriales, pour qu'elles puissent mener à bien leur politique de l'eau et décider au mieux. Ma crainte est que l'on revienne à une gestion très étatique, allant à l'encontre de cette libre administration. Beaucoup de solutions sont trouvées localement, entre les acteurs. La gestion de l'eau à l'échelle d'un bassin implique les collectivités territoriales, mais aussi les chambres d'agriculture, par exemple.
Mon territoire a la chance de disposer d'un important syndicat public, le syndicat des eaux et de l'assainissement d'Alsace-Moselle (SDEA).
C'est effectivement un très bel outil, auquel les collectivités adhèrent si elles le souhaitent. Dans les faits, tout le monde y est associé, ce qui permet de mettre en œuvre des solutions pérennes de gestion de l'eau avec les agriculteurs.
Je vous rejoins sur un point, monsieur le rapporteur : il y a un véritable combat à mener contre le gaspillage de l'eau. Nous devons nous saisir du problème, notamment travailler sur l'assainissement, pour limiter les pertes, qui ont un impact sur le prix.
Je pose une dernière question : qui financerait cette gratuité ? Comment l'État compenserait-il ? Sur qui la charge reposerait-elle in fine ?
Le groupe Horizons et apparentés votera les amendements de suppression.
La majorité présidentielle ne souhaite pas confisquer le débat. Simplement, notre approche est radicalement différente de la vôtre et le droit parlementaire permet aussi de déposer des amendements de suppression. Nous considérons que la tarification sociale qui existe pour l'accès à l'eau est une réponse concrète aux difficultés que peuvent rencontrer certains de nos compatriotes. De plus, la gratuité, cela n'existe pas : il y a toujours quelqu'un qui paie au bout du compte. Il serait d'ailleurs intéressant de connaître le chiffrage de l'effort que vous demandez à l'échelle des 36 000 communes de France.
Il ne faut pas entretenir l'idée que les agriculteurs seraient pénalisés par les mesures que nous proposons, car les captages et les prises d'eau qui leur sont accordés par arrêté préfectoral n'entrent pas dans le périmètre de la présente proposition de loi.
Les arguments contre ce texte sont avancés de manière récurrente par ceux qui ne veulent pas d'un droit universel à l'eau. Pour ma part, je souhaite mettre en application l'engagement pris par la France le 28 juillet 2010 devant les Nations unies. Certes, il est possible d'adopter une tarification sociale en faveur des familles les plus démunies mais cette approche caritative n'est pas le point de départ de la proposition de loi.
Concernant le manque à gagner causé par l'ouverture d'un droit inconditionnel, il n'est pas vrai que le volume gratuit serait financé par les autres usages de la famille bénéficiaire pendant le reste de l'année. L'autorité organisatrice du service de l'eau devra trouver dans les autres types de consommation – résidences secondaires ou activités professionnelles – de quoi compenser ces 50 litres. Nous avons également proposé que le Gouvernement lève le gage et que d'autres sources de financement viennent à la rescousse, si nécessaire.
Depuis l'arrêt Commune de Bougnon rendu par le Conseil d'État le 12 juillet 1995, qui reconnaît la possibilité d'instaurer une tarification différenciée pour les résidences secondaires, les réglementations communales en la matière se sont multipliées, les habitants à l'année ne supportant plus que soit répercuté dans leur facture d'eau le coût d'infrastructures nécessaires seulement pendant la période touristique. Le présent texte ne repose pas sur une lubie ni sur une conviction politique mais sur une pratique déjà bien connue des gestionnaires publics de l'eau, qui s'applique à des dizaines de millions d'habitants. Quant au chiffre de 50 litres, il ne sort pas de nulle part : c'est ce que préconise l'Organisation mondiale de la santé pour être en bonne santé dans un environnement sain.
Concernant le manque à gagner que provoquerait la suppression de la part fixe, les communes qui pratiquent déjà la gratuité des mètres cubes vitaux ont des budgets équilibrés. Leurs régies sont même souvent celles qui investissent le plus, contribuant à faire reculer les fuites dans leur territoire parce qu'elles renouvellent chaque année 1 % à 2 % de leurs réseaux, quand Veolia préconise un taux de renouvellement de 0,35 % ou 0,5 %.
En refusant la suppression de la part fixe pour le domicile principal, vous punissez les étudiants et les jeunes, qui sont de petits consommateurs, et surtout les personnes ayant des retraites de 700 ou 800 euros qui, même lorsqu'elles gardent le robinet fermé, doivent consacrer un tiers de leur facture à la part fixe. Il faut absolument supprimer cette dernière pour le domicile principal ; je suis favorable en revanche à son maintien pour les résidences secondaires.
La commission adopte les amendements.
En conséquence, l'article 1er est supprimé et les autres amendements tombent.
Après l'article 1er
Amendement CD55 de M. Gabriel Amard.
Il s'agit de préciser que les points d'eau potable sont accessibles gratuitement, dans l'espace public et dans les établissements privés recevant du public, sous réserve des conditions de sécurité, de la bonne marche du service public et de sa continuité, étant entendu qu'une personne mourant de soif ne se voit jamais refuser un verre d'eau dans un bar.
Ne vaudrait-il pas mieux encourager les collectivités à développer des toilettes sèches plutôt que des toilettes publiques utilisant de l'eau potable, dont on connaît le caractère précieux ?
Sans doute, mais ce choix relève de la libre administration des collectivités locales. Ma proposition de loi ne fait que préconiser l'existence d'un dispositif sanitaire à partir de 3 500 habitants. Par ailleurs, certaines métropoles, par exemple celle de Lyon, souhaitent que leur régie puisse, en accord avec l'autorité organisatrice, développer les sanitaires et les bains-douches.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD56 de M. Gabriel Amard.
Afin d'éviter que le volume gratuit ne constitue une sorte de prime à la consommation, nous proposons d'avancer par étapes dans l'application de la tarification progressive. Il est en effet nécessaire de vérifier que les usages en résidence secondaire et les usages professionnels pourront compenser ce volume gratuit ou, à défaut, de pouvoir mobiliser un fonds de péréquation qui serait alimenté par le produit d'une contribution de 10 centimes sur les eaux et sodas en bouteille. Ainsi, au 1er janvier 2025, le seuil de tarification commencerait à 25 litres d'eau par jour et par personne, les 25 premiers litres étant gratuits ; la progressivité serait ensuite laissée à la libre appréciation des collectivités jusqu'à atteindre 50 litres au 1er janvier 2027.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CD23, CD25 et CD26 de Mme Marie Pochon (discussion commune).
Ces amendements ont pour objet de modifier la rédaction de l'article L. 210-1 du code de l'environnement. Cet article dispose bien que l'eau fait partie du patrimoine commun de la nation, mais il ne reconnaît pas un droit opposable à l'eau et ne fait pas mention du droit à l'assainissement.
Ces amendements visent donc à reconnaître un droit fondamental et inaliénable d'accéder gratuitement à la quantité d'eau potable indispensable à la vie et à la dignité, et à un assainissement sûr et propre qui s'applique à tous, y compris les migrants et les gens du voyage.
Le droit fondamental que vous nous proposez d'inscrire dans la loi devrait figurer au sommet de la hiérarchie des normes, dans le bloc constitutionnel. J'émets donc un avis favorable à l'adoption de ces amendements, avec lesquels je suis en phase, tout en invitant à réfléchir de façon transpartisane à la rédaction d'une proposition de loi constitutionnelle retranscrivant la résolution des Nations unies quasiment dans les mêmes termes que ceux choisis par Mme Pochon.
Par ailleurs, concernant les migrants et les gens du voyage, je précise que ce n'était pas une omission de ma part : le texte initial, en accordant ce droit à tous, incluait bien ces personnes. Vos amendements nous permettent toutefois d'évoquer la détresse de nos concitoyens qui n'ont pas accès à l'eau, dont le nombre est estimé à 300 000 par la Fondation Abbé Pierre.
Les personnes migrantes et les gens du voyage étant particulièrement touchés par le non-accès à ce droit fondamental, il s'agit d'insister sur l'égalité d'accès à l'eau, notamment pour les populations les plus vulnérables.
Je souhaite affirmer, au nom de mon groupe, que la majorité tient absolument à ce que le droit à l'eau soit reconnu et partage les engagements qui ont été pris par la France aux Nations unies. Toutefois, il ne nous semble pas pertinent d'insérer dans le code général des collectivités territoriales un principe aussi fondamental. Nous vous remercions donc pour votre invitation à débattre de ce sujet important.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CD24 de Mme Marie Pochon.
Il s'agit d'insérer au sein du code de la santé publique un article définissant l'eau propre à la consommation comme « une eau habituellement consommée et dont la teneur en substances toxiques est inférieure à un niveau déterminé après une étude toxicologique indépendante ». Cette définition stricte nous semble essentielle, sachant que la potabilité des eaux et leur caractère propre à la consommation sont actuellement déterminés sur la base d'études menées par des industriels des pesticides, ce qui est pour le moins problématique.
En septembre de cette année, s'appuyant sur des données collectées auprès des agences régionales de santé, le journal Le Monde révélait qu'en 2021, 20 % des Français de métropole, soit quelque 12 millions de personnes, avaient reçu au robinet, régulièrement ou épisodiquement, une eau non conforme aux critères de qualité. Or, dans son édition du 12 octobre 2022, le même journal indiquait que l'eau de millions de personnes était « redevenue conforme aux normes de qualité après le relèvement des seuils réglementaires ». C'est que, de façon tout à fait pratique, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a révisé, dans un avis du 30 septembre 2022, le statut de certains pesticides omniprésents dans notre eau : à la suite d'une étude diligentée par la société Syngenta, ils ne sont désormais plus jugés « pertinents » et donc potentiellement dangereux. En conséquence, des millions de foyers ne seront plus considérés comme ayant été exposés à une eau non conforme aux critères de qualité. Nous souhaitons revenir sur cette décision.
Avis favorable. La qualité de l'eau est trop souvent tenue à distance de la vie démocratique du pays. Ainsi, la transposition de la directive « eau potable », qui doit intervenir au plus tard le 12 janvier 2023, devrait se faire par ordonnance, sans débat dans notre assemblée, alors qu'elle fixe des seuils d'admissibilité pour les composés perfluorés, potentiellement cancérogènes. Nous devons avoir un véritable débat parlementaire sur la qualité de l'eau.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD63 de M. Gabriel Amard.
Il vise à garantir l'alimentation en eau potable des villages et campements précaires ainsi que des bidonvilles, où vivent 20 000 personnes, à l'instar de ce que pratique déjà Eau de Paris dans la capitale. Cela permettrait, en outre, de mettre le droit français en conformité avec l'article 16 de la directive européenne « eau potable ».
La commission rejette l'amendement.
La réunion est suspendue de dix-huit heures quarante-cinq à dix-neuf heures.
Amendement CD59 de M. Gabriel Amard.
Il s'agit d'inclure au rapport annuel de l'Office français de la biodiversité des indicateurs permettant d'identifier les différents usages de l'eau et de mesurer l'impact des usages économiques, notamment dans les périodes de stress hydrique.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CD57 de M. Gabriel Amard et CD17 de M. Pierre Meurin (discussion commune).
Par cet amendement, le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport proposant un plan de rénovation des canalisations en vue de récupérer l'équivalent de la consommation d'eau de 18 millions d'habitants perdu en fuites.
Selon l'Office français de la biodiversité, sur les 5,1 milliards de mètres cubes d'eau mis en distribution en 2017, 1 milliard, soit 20 %, a disparu. C'est l'équivalent de la consommation de 18,5 millions d'habitants. À l'heure où le stress hydrique est une réalité dans les territoires ultramarins et où il apparaît, en France métropolitaine, indispensable de lutter contre les fuites, notre amendement vise à demander un rapport envisageant les solutions pour réduire la quantité d'eau perdue.
Étant donné ce que devient la proposition de loi, l'amendement CD57 a un tel caractère de repli qu'il devrait nous permettre de nous retrouver sur le constat de l'état actuel du réseau d'eau et faire de ce rapport la première pierre de l'édifice à construire.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CD58 de M. Gabriel Amard et CD19 de M. Pierre Meurin (discussion commune).
L'accès à l'eau potable est critique dans les territoires ultramarins et devient problématique en France métropolitaine – 117 communes ont été privées d'eau potable durant l'été 2022. Le Gouvernement doit déployer une politique publique permettant aux gestionnaires de l'eau de faire face à ces nouveaux enjeux.
L'amendement CD58 concerne un rapport par lequel le Gouvernement rendra compte de l'état de la transposition de la directive européenne et proposera également une prospective sur l'état des ressources en eau pour chaque bassin et sous-bassin. Il sera essentiel de disposer d'un tel état des lieux dans les différents territoires, eu égard aux périodes climatiques que nous allons traverser.
La commission rejette successivement les amendements.
Article 2 : Financement de la mesure
Amendement de suppression CD35 de M. Anthony Brosse.
Nous proposons de supprimer l'article 2, qui devait assurer la recevabilité financière de la proposition de loi.
Dans la mesure où nous n'avons pas remis en question le principe de « l'eau paie l'eau », tout service d'eau et d'assainissement doit bénéficier d'un tarif. Les dispositions du texte initial nécessitaient des ressources complémentaires, car les usages en résidence secondaire et professionnels ne pouvaient pas couvrir l'éventuelle charge engendrée par le droit inconditionnel à 50 litres d'eau par jour et par personne. L'augmentation du taux de TVA pour les eaux en bouteille et les sodas que nous proposons après l'article 2 a par ailleurs été suggérée par la FP2E.
J'émets donc un avis défavorable sur l'amendement.
L'exposé sommaire de l'amendement qualifie la proposition de loi de « disproportionnée », en ce qu'elle « permet à chacun de bénéficier de la gratuité des premiers mètres cubes d'eau alors que de nombreux foyers disposent des ressources nécessaires pour les payer ». Nous considérons, au contraire, l'eau comme un bien commun : les premiers mètres cubes devraient être gratuits pour tous, y compris les plus aisés – c'est bien nous qui le disons.
Seriez-vous prêts à voter une proposition de loi réservant les premiers mètres cubes gratuits aux moins aisés ?
La commission adopte l'amendement.
En conséquence, l'article 2 est supprimé et les amendements CD3 et CD4 de M. Emmanuel Blairy tombent.
Après l'article 2
Amendement CD62 de M. Gabriel Amard.
Cet amendement vise à compléter le code général des impôts afin de porter à 20 % la TVA sur les eaux minérales naturelles, eaux de source, boissons non alcoolisées autres que les sirops, les jus de fruits ou de légumes et les nectars de fruits.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD61 de M. Gabriel Amard.
Les services d'eau et d'assainissement dans les communes et établissements publics de coopération intercommunale desservant plus de 3 000 habitants sont obligatoirement assujettis à la TVA au taux de 5,5 % pour l'eau potable. L'amendement vise à instaurer un taux de 0 % pour la fourniture d'eau potable, quels que soient le nombre d'habitants desservis et le mode de gestion du service – publique ou déléguée à un opérateur privé.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD60 de M. Gabriel Amard.
Cet amendement tend à instaurer une taxe à l'embouteillage de 10 centimes par bouteille pour l'eau de source, les sodas et autres produits de l'industrie agroalimentaire.
La commission rejette l'amendement.
En adoptant les amendements de suppression et en rejetant mes amendements, vous avez vidé la proposition de loi de sa substance. Cela est fort dommage, car elle aurait permis de mettre le droit français en conformité avec les engagements pris par la France, notamment aux Nations unies, il y a douze ans.
Nous envoyons là un signal peu constructif aux associations qui ont accepté d'être auditionnées dans le cadre de ce travail, dont certaines avaient suggéré des amendements. Je veux citer notamment la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), France eau publique et l'Association des maires de France qui étaient venues en délégation commune, ou encore l'Association des maires ruraux de France, qui recommandait d'équiper chaque village d'au moins une fontaine d'eau potable. Nous avons également envoyé un message étrange à la Coalition eau, qui regroupe la quasi-totalité des ONG françaises – plus de quarante – traitant de ces questions en France et au niveau international.
Ce texte aurait également pu apporter à certaines collectivités, comme les métropoles de Bordeaux et de Lyon, un soutien attendu aux travaux de réflexion et de concertation qu'elles ont engagés avec les usagers et les acteurs du territoire sur des actions en matière de tarification, de bains-douches et de bornes-fontaines.
Le texte tel qu'il est devenu est vidé de son sens. Je ne souhaite pas qu'il soit adopté en l'état.
La discussion que nous avons eue permettra du moins que nous poursuivions un travail constructif, débarrassé des objections avancées à l'infini sur la tarification ou la mise en difficulté des budgets annexes – qui n'est arrivée nulle part où cela a été appliqué. Nous pourrions alors nous retrouver sur un dénominateur commun : le droit fondamental et humain à l'eau.
Il ne s'agirait pas d'écrire un texte de loi de portée constitutionnelle puisque la résolution des Nations unies votée par la France en fait office. Il s'agirait d'en reprendre les termes et de nous mettre d'accord sur l'exposé des motifs – chacun ayant ses propres motivations – pour affirmer notre volonté que le droit humain à l'eau, reconnu comme droit fondamental, surplombe la législation française. Ainsi serait envoyé à l'ensemble des nations le signal que la patrie des droits de l'homme est capable de faire cela.
Ainsi pourrais-je aussi m'enorgueillir, dans le cadre de la mission que vient de me confier le secrétaire général de l'Assemblée parlementaire de la Méditerranée, que la France, contrairement à d'autres pays du bassin méditerranéen, ait déjà transposé la résolution dans son bloc constitutionnel. Pour l'instant, je ne le pourrai pas, et ce sera fâcheux pour l'image de notre beau pays à l'international.
Une fois l'exposé des motifs écrit, dans le respect de notre diversité politique et de celle de l'Assemblée, j'espère que nous pourrons voter, à l'unanimité, la transposition de la résolution des Nations unies dans le bloc constitutionnel français, en adoptant un article supplémentaire à la Charte de l'environnement, qui placerait le droit à l'eau et à un assainissement de qualité au rang des droits fondamentaux de l'humanité.
Vous pouvez compter sur notre détermination pour bâtir ensemble une politique de l'eau ambitieuse et conforme aux enjeux de développement durable et d'aménagement du territoire.
La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mardi 15 novembre 2022 à 17 h 20
Présents. - M. Damien Adam, M. Xavier Albertini, M. Gabriel Amard, M. Christophe Barthès, Mme Lisa Belluco, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, Mme Eléonore Caroit, M. Sylvain Carrière, M. Lionel Causse, M. Pierre Cazeneuve, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, Mme Catherine Couturier, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Christine Decodts, M. Vincent Descoeur, M. Jean-Luc Fugit, M. Philippe Guillemard, M. Yannick Haury, Mme Chantal Jourdan, M. Gérard Leseul, M. Jean-François Lovisolo, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, Mme Christelle Petex-Levet, M. Bertrand Petit, Mme Marie Pochon, M. Nicolas Ray, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Benjamin Saint-Huile, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, M. Jean-Pierre Taite, M. Vincent Thiébaut, M. David Valence, Mme Anne-Cécile Violland, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Nathalie Bassire, M. Guy Bricout, M. Jean-Victor Castor, Mme Sandrine Le Feur, M. Marcellin Nadeau, M. Philippe Naillet, Mme Claire Pitollat, M. Loïc Prud'homme
Assistaient également à la réunion. - M. Henri Alfandari, M. Ian Boucard