Monsieur Brosse, notre démarche n'est pas la même que la vôtre : notre texte vise non pas à conforter une tarification sociale, mais à garantir un accès effectif à l'eau. De la sorte, la France adresserait un signal novateur tout en se mettant en conformité avec son vote, le 28 juillet 2010, de la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies reconnaissant le droit à l'eau et à l'assainissement de qualité comme un droit humain fondamental. Douze ans après, nous n'avons toujours pas adopté de loi majeure et transversale relative à ce droit inconditionnel, pas plus que nous n'avons transposé la résolution dans notre bloc constitutionnel, ne serait-ce qu'en ajoutant un article dans la Charte de l'environnement – rappelons que celle-ci fait partie du bloc constitutionnel, comme cela ressort de l'arrêt Commune d'Annecy du Conseil d'État.
Monsieur Taite, en vertu du principe « l'eau paye l'eau », le service d'eau est financé non pas par le budget général de la collectivité, mais par un budget annexe, qui peut relever d'un établissement public industriel et commercial (EPIC). Ajoutons que la compétence eau a été transférée de la commune à l'intercommunalité et qu'elle peut être exercée par un syndicat mixte ou à vocation unique. En aucune manière les mesures que nous proposons n'auraient pour conséquence une détérioration des équilibres et indicateurs financiers de la collectivité, fût-elle autorité organisatrice du service de l'eau. Le même raisonnement vaut d'ailleurs pour l'assainissement, qui ne fait pas l'objet de notre proposition de loi.
S'agissant de la part fixe, vous vous trompez. Indépendamment de notre débat sur la gratuité, des dizaines sinon des centaines d'autorités organisatrices ont déjà supprimé l'abonnement, notamment pour ne pas pénaliser les personnes âgées qui perçoivent une petite pension, alors qu'un industriel peut bénéficier dans le même temps d'un tarif de 1 euro le mètre cube. À Saint-Malo, une dame m'a dit qu'elle payait 12 euros le mètre cube du fait de la part fixe ! Je connais des territoires où la part fixe est de 90 euros pour l'eau potable et de 90 euros également pour l'assainissement ; avant même d'avoir ouvert le robinet, vous devez déjà 180 euros ! Dans les cas où la part fixe a été supprimée, il n'y a pas eu de manque à gagner pour la collectivité : le coût a été répercuté sur les usagers proportionnellement à leur consommation.
Dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), il est écrit qu'il peut y avoir une part fixe, non qu'il doit y en avoir une. La rédaction que je vous propose dans ce texte est une évolution modeste par rapport à ce que le CGCT prévoit déjà, puisque des centaines sinon des milliers de collectivités autorités organisatrices ne pratiquent plus la part fixe ou la pratiquent de manière symbolique, l'ayant fixée à quelques euros. Par le passé, certains avaient justifié l'existence d'une part fixe par le fait qu'elle devait couvrir la valeur du compteur d'eau. Or un compteur muni d'une tête de radio-relève coûte 60 euros. Est-il normal que la part fixe atteigne parfois 50 ou 100 euros par an, alors que les compteurs sont changés dans le meilleur des cas au bout de dix ans ? Les dangers qui vous ont amenés à proposer votre amendement de suppression n'existent pas.
J'émets un avis défavorable sur les deux amendements.