La séance est ouverte à 21 heures 20.
Présidence de M. Sacha Houlié, président.
La commission poursuit l'examen des amendements au projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (n° 343) (M. Florent Boudié, rapporteur)
Article 1er et rapport annexé (précédemment réservés) (suite)
Amendement CL224 de Mme Gisèle Lelouis.
Suite aux pénuries de carburant, certains policiers et gendarmes ont été contraints de pousser leur véhicule – les vidéos ont fait le tour du monde –, de faire le plein sur leur budget personnel ou d'utiliser les crédits destinés aux achats de papèterie, quand d'autres limitaient leurs interventions en fonction des urgences. Les forces de l'ordre avaient pourtant alerté sur la diminution de leurs stocks.
Cet amendement vise donc à ce que les secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (SGAMI) disposent d'un stock de carburant suffisant pour faire face à une éventuelle nouvelle pénurie afin que nos forces de l'ordre puissent assurer un service public correct.
Les stocks existent dans la plupart des SGAMI, dans chaque zone de défense – par exemple, dans mon secteur, à Lille-Fives. Le stock stratégique du ministère des armées est également disponible pour les forces de sécurité intérieure. L'amendement est satisfait !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL325 de M. Ugo Bernalicis .
Il convient de préciser l'alinéa 213 du rapport annexé qui, comme beaucoup d'autres, est assez flou ou sujet à diverses interprétations.
Si l'habit ne fait pas le moine, une tenue a une incidence. Au premier regard, elle permet d'identifier le type de mission assignée au policier. Or les lois sécuritaires, peu à peu, ont uniformisé les tenues des unités : l'uniforme paramilitaire tend à se généraliser, ce qui confirme la volonté politique du Gouvernement de privilégier le maintien de l'ordre quand la population espère le maintien de la paix.
Pour filer la métaphore vestimentaire, cet amendement vise à retisser des liens entre la population et la police en mettant un terme à cette confusion des genres et en dotant les unités au contact de la population de tenues qui ne doivent en aucun cas être perçues comme des accessoires défensifs à son encontre.
L'alinéa 213 est assez éloigné de la vision plutôt sombre que vous en avez donnée puisqu'il fait état d'écoles de mode et de design travaillant à une nouvelle tenue, notamment un nouveau polo, ce qui n'est guère défensif. Avis défavorable.
Cet amendement a été inspiré par certains syndicats de police, qui estiment qu'il serait bienvenu d'en revenir à des tenues moins lourdes qu'actuellement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL560 de Mme Sandra Regol.
Il vise à supprimer les alinéas relatifs aux acquisitions de drones. En effet, à l'issue de la loi « sécurité globale », le Conseil constitutionnel a reconnu que leur utilisation devait être fortement encadrée et que ces appareils présentaient un certain nombre de risques quant au respect des libertés individuelles lorsqu'ils sont utilisés par les forces de l'ordre. Des usages intrusifs ont déjà été constatés.
Le Conseil constitutionnel a en effet très fortement encadré leur usage. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL337 de M. Ugo Bernalicis.
Dans le cadre d'un « tout sécuritaire » délirant, nous observons un déploiement considérable de caméras dont les paramétrages et les lieux d'installation ne respectent pas toujours le droit.
En 2021, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a mis en demeure une commune qui avait installé des caméras permettant d'espionner des domiciles. Il en a été de même pour usage abusif de caméras dans un établissement scolaire. Depuis des années, des inquiétudes de plus en plus grandes s'expriment face à des caméras de plus en plus intelligentes, équipées de micros, détectant des comportements non conformes, etc.
Mieux que la caméra intelligente, qui est fixe, le drone est un outil rêvé, offrant, selon le rapport annexé, « de nouvelles opportunités ». Lesquelles ? Le contrôle et la surveillance de la population, y compris dans des espaces encore préservés et privés.
En portant atteinte au droit à la vie privée et à la protection des données personnelles, les alinéas 217 et 218 sont liberticides. Nous demandons donc un moratoire de l'utilisation des drones par la police.
Par ailleurs, l'association La Quadrature du Net a saisi la Cnil au mois de septembre afin de relayer sa plainte contre le ministère de l'intérieur sur ce problème essentiel qu'est le traitement des images captées. La police peut disposer d'images issues d'environ 1 million de caméras alors qu'elles permettent de résoudre moins de 2 % des enquêtes !
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendements CL338 de M. Antoine Léaument et CL589 de Mme Sandra Regol (discussion commune).
Cet amendement de repli vise à interdire toute possibilité d'introduire la reconnaissance faciale sur les drones et aéronefs.
C'est loin d'être une fiction : des entreprises privées développent et commercialisent déjà des drones avec reconnaissance faciale. Certains pays, dont les États-Unis, envisagent d'y avoir recours quand la Chine – qui n'est pas notre modèle – en a fait la norme. Ces évolutions technologiques prennent le pas sur les réglementations et sur la personnalisation de l'intervention de la force publique.
Cet amendement vise donc à se prémunir contre toute expérimentation incontrôlée avant la définition d'un cadre légal respectueux des libertés fondamentales et correspondant à la réalisation des missions de services publics.
La délégation de cette surveillance automatique de masse à des officines privées constituerait une mise en danger des droits individuels. Or, rien ne garantit que ce pouvoir d'identification généralisé ne sera pas utilisé demain à des fins mercantiles.
Dans la même lignée, mon amendement vise à exclure explicitement le traitement des images issues des captations des drones par des logiciels de reconnaissance faciale, ces derniers faisant craindre des risques de surveillance de masse de la population.
Les données faciales sont des données biométriques sensibles et sont, par définition, uniques et inchangeables. Elles doivent faire l'objet d'une protection accrue, notamment vis-à-vis des personnes y ayant accès, ce qui ne semble pas le cas avec ce projet de loi.
Compte tenu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la reconnaissance faciale est strictement interdite. Avis défavorable.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel vise l'utilisation des données en temps réel mais elle ne dit rien sur le traitement a posteriori des images. Le ministère de l'intérieur utilise d'ailleurs déjà des techniques de reconnaissance faciale a posteriori – ce qui peut vouloir dire dix minutes après leur enregistrement. Nous réécrirons cet amendement pour qu'il soit juridiquement plus précis, dans le droit fil de la bataille politique que nous avons menée, puisque nous ne sommes pas pour rien dans l'état de la loi et la décision du Conseil constitutionnel. Une inscription dans le marbre permettrait de se prémunir de toute dérive.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL339 de Mme Élisa Martin.
Cet amendement de repli vise à interdire toute possibilité d'équiper les drones et aéronefs avec des armes.
Comme tout bon trentenaire, j'ai grandi avec la science-fiction. À Nantes, le grand festival des Utopiales y est d'ailleurs consacré. Utopies, dystopies… à La France insoumise, nous y sommes sensibles ! La littérature a parfois des vertus anticipatrices mais j'espère que, dans la patrie des droits de l'homme, nous n'en viendrons pas à armer des drones. La pensée de la « technopolis » m'inquiète et un monde à la RoboCop ou à la Star Wars ne m'intéresse pas.
L'armement des drones, hors les drones de combat, est évidemment interdit. Avis défavorable.
Cet amendement pourrait être voté assez largement car personne ne souhaite que des drones soient armés. C'est un « repli » tellement replié qu'on en est presque aux origamis !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL432 de M. Philippe Pradal.
L'alinéa 224 dispose qu'il « sera nécessaire de déterminer et présenter un tendanciel de dépenses d'investissement sur les projets immobiliers structurants du ministère de l'intérieur ». Cet amendement propose d'y joindre une évaluation complémentaire des dépenses de fonctionnement et des économies générées par ces investissements.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Amendement CL221 de Mme Gisèle Lelouis.
Les forces de l'ordre doivent bénéficier de lieux de travail et de vie dignes pour mener à bien leurs missions. Il est urgent de lancer un grand plan de modernisation et de rénovation des casernes et des lieux d'hébergement de la gendarmerie, sans oublier les commissariats de police, en métropole ou en outre-mer.
La liste est longue des gendarmeries insalubres. À Satory, 400 logements sont devenus le symbole d'une situation désastreuse : insalubrité, humidité, absence d'ascenseur, fenêtres à vitrage simple, etc. Il en est de même des casernes de Neuville-sur-Saône, de Melun, de la rue de Babylone, à Paris, où se trouve la Garde républicaine, ou de l'Hôtel de Matignon.
Vous avez fait des familles de gendarmes des experts en bricolage : même les enfants connaissent les astuces pour réparer un robinet qui fuit ! La gendarmerie est obligée de recourir à des locations dans le civil, ce qui peut soulever des problèmes de sécurité. Les affaires immobilières de la gendarmerie devront mieux remédier à de telles situations. Je demande donc que les normes civiles soient appliquées aux logements militaires.
Je vous épargne la description des conditions de travail dans certains commissariats. Je me suis rendue à celui du Merlan, à Marseille, où l'odeur d'humidité, dans des locaux dégradés, est insupportable.
Tout cela est indigne. Pensez à nos forces de l'ordre !
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL222 de Mme Gisèle Lelouis.
Amendements CL373 de Mme Elsa Faucillon, CL489 et CL425 de M. Davy Rimane.
La procédure pénale doit continuer à préserver un équilibre entre objectifs de recherches, poursuite des infractions et garantie de la liberté et des droits des citoyens. Or, les alinéas 239, 241 à 243 et 244 à 259 la décrivent comme engendrant des tâches lourdes, détachées du cœur de métier de l'investigation.
Opposer le travail policier et le respect de la procédure est un jeu dangereux, qui n'améliore rien mais semble répondre aux revendications de certains syndicats de policiers qui ont scandé devant l'Assemblée nationale que le problème de la police, c'est la justice. Sur le fond, il n'est pas uniquement question de procédure mais de respect de valeurs et de grands principes.
Nous ne faisons pas de la simplification de la procédure pénale un axe central, bien au contraire. Nous supprimons en revanche des procédures extrêmement formelles comme les réquisitions de la police technique et scientifique, qui se comptent chaque année en centaines de milliers. La procédure pénale est essentielle mais des strates se sont accumulées et elles doivent être allégées. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL607 de Mme Clara Chassaniol.
Les assistants d'enquête qui seront recrutés parmi les agents de catégorie B, avec ou sans habilitation de l'autorité judiciaire, peuvent avoir eu des parcours variés au sein de l'institution. Pour répondre à l'objectif d'efficience posé par l'article 10 créant cette nouvelle fonction, il convient qu'ils disposent des connaissances et des compétences techniques précises nécessaires. Dans cette perspective, je vous propose de mentionner expressément dans le rapport annexé que la formation supplémentaire pour assurer les nouvelles missions qui leur sont confiées est obligatoire, afin qu'ils soient pleinement opérationnels dès leur entrée en fonction et que les officiers de police judiciaire ne soient pas contraints de les accompagner durant les premiers mois.
L'amendement est retiré.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement CL25 de M. Romain Baubry.
Amendements CL742 de M. Florent Boudié.
Il concerne la faisabilité technique et juridique de l'interconnexion des fichiers mis à la disposition des forces de sécurité, en particulier le traitement d'antécédents judiciaires, le fichier national automatisé des empreintes génétiques et le fichier automatisé des empreintes digitales.
Décidément, les opinions sur les fichiers sont très variables. Pour les récépissés de contrôles d'identité, il ne faut pas de fichier, mais dans d'autres domaines, il faut établir une interconnexion entre des fichiers qui n'avaient aucunement vocation à être mis en rapport ! La majorité n'a rien contre les fichiers, elle refuse tout simplement de créer des récépissés de contrôles d'identité.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL588 de Mme Sandra Regol et CL323 de M. Ugo Bernalicis.
Nous nous opposons à la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD). Les spécialistes juridiques de ces questions, le Conseil d'État dans son avis du 10 mars 2022, le Syndicat des avocats de France, tous s'accordent à dire qu'une telle généralisation est un recul et entraîne un contournement de la justice et des dérives qui ne font qu'accroître le sentiment d'une rupture entre la justice et la population.
Les AFD sont en outre inefficaces. Selon M. Macron, l'objectif est de frapper au porte-monnaie ; or sur 83 485 AFD envoyées en un an, seules 27 360 ont été payées, ce qui donne un taux de recouvrement de 34 %.
De surcroît, les AFD auront un effet pervers. L'adoption de l'amendement CL683 du rapporteur les rend applicables en cas de récidive. Les récidivistes devront donc beaucoup d'argent à l'État, au point parfois de devoir s'endetter, alors que ce sont souvent des personnes en situation précaire. Comment voulez-vous qu'ils paient ? Vous allez les pousser à la délinquance ! Il faut revenir sur ce système.
Nous n'en sommes plus à la généralisation. Au contraire, nous nous focalisons sur quelques infractions. Par ailleurs, le taux de recouvrement des amendes décidées par un juge est d'un peu moins de 40 %, tout à fait comparable, donc, à celui des AFD « stupéfiants », qui est de 37 %.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL433 de M. Philippe Pradal.
L'alinéa 269 propose une coopération plus structurée entre le ministère de l'intérieur et les opérateurs de l'État pour la gestion des crises et leur anticipation. Compte tenu des pouvoirs particuliers dont disposent les municipalités en matière de gestion de crise, il convient d'y associer les maires.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Amendement CL370 de Mme Élisa Martin.
Nous proposons que les moyens alloués à l'École nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers soient renforcés. Cet été, cinquante départements ont connu des feux importants. Le changement climatique entraîne une extension géographique des risques et le développement de nouveaux types d'incendie, comme les feux de terres agricoles, de friches et de récoltes.
Qu'ils soient volontaires ou professionnels, tous les sapeurs-pompiers ne sont pas préparés pour y faire face. Dans le Finistère, seuls 44 % des personnels du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) sont formés à la lutte contre les feux de forêt et de végétation. En Saône-et-Loire, aucun d'entre eux n'était formé il y a cinq ans ; aujourd'hui, 500 le sont sur 2 800.
Les événements climatiques extrêmes vont se multiplier : inondations, sécheresses, glissements de terrain. Nous nous devons de les anticiper en réfléchissant à la création d'un pôle de formation commun aux acteurs de la sécurité civile, lesquels doivent renforcer leur coopération afin d'être plus efficaces.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement CL404 de Mme Élisa Martin.
Nous abordons ici la question de la base aérienne de la sécurité civile de Nîmes.
Le Sénat a décidé d'engager une réflexion sur l'ouverture d'une seconde base sur le territoire. Nous ignorons si c'est la solution à retenir, mais le ministère de l'intérieur se doit de réfléchir au positionnement des moyens aériens de la sécurité civile.
Cet été, nous avons connu des départs de feu simultanés dans des départements très éloignés les uns des autres. La disponibilité des moyens aériens en a souffert, le délai d'intervention a parfois été allongé et le nombre de largages réduit. Plusieurs Sdis qui, habituellement, ne sont pas confrontés à des incendies d'ampleur ont eu le sentiment que les moyens aériens étaient concentrés dans la zone de défense sud, ce qui se comprend puisque le risque d'incendie y était jusqu'alors prépondérant.
Or, si les avions n'éteignent pas tous les feux, les moyens aériens sont décisifs dans le modèle français, avec notre doctrine d'attaque des feux naissants. Il faut donc réfléchir à leur pré-positionnement, par exemple sur le modèle en vigueur en Corse. L'estimation des risques doit être mieux adaptée aux spécificités locales.
L'amendement de la sénatrice Harribey, qui a été intégré à l'alinéa 236 du rapport annexé, répond à vos préoccupations.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL405 de M. Antoine Léaument.
Nous demandons la création d'un établissement public territorial chargé de la recherche, de la prévention et de la formation à la lutte contre les feux de forêt et de végétation dans chaque zone de sécurité et de défense.
Vendredi dernier, j'étais à l'Élysée pour la réception donnée en l'honneur de nos sapeurs-pompiers. Le Président de la République a déclaré qu'il convenait de mieux prévenir les incendies et de trouver les bons modèles pour organiser les choses. Pour une fois, il a raison !
L'État contribue au financement de l'établissement public territorial Entente pour la forêt méditerranéenne, qui intervient en matière d'information et de prévention mais aussi de formation aux spécialités de la sécurité civile, de recherches au service des opérationnels et de développement des nouvelles technologies. Ce dispositif, qui permet de réunir tous les acteurs concernés, fonctionne très bien. Nous proposons de l'étendre aux autres zones de défense et de sécurité.
J'ajoute qu'un accord a été trouvé en commission des finances et que des fonds ont été débloqués pour que chaque zone de défense et de sécurité dispose de son établissement public. Il faut mettre autour de la table les sapeurs-pompiers, les agents de l'Office national des forêts (ONF), les propriétaires d'espaces forestiers, les agriculteurs, tous ceux qui ont un rôle à jouer en matière de prévention des feux de forêt et de végétation.
Vous avez raison mais il s'agit d'un établissement public forcément local, qui relève donc de l'initiative des collectivités territoriales. Avis défavorable.
Il s'agit tout de même d'un amendement présidentiel ! Peut-être le ministre de l'intérieur n'a-t-il pas été informé des dernières déclarations du Président de la République mais il serait préférable pour lui qu'elles figurent dans la loi de programmation de son ministère !
J'entends l'argument technique qui vient d'être donné mais quand la volonté politique est que les collectivités territoriales installent des caméras, l'État s'y colle et va les démarcher par le biais du fonds interministériel de prévention de la délinquance.
Enfin, nous sommes en train de discuter du rapport annexé : rien de plus normal que de mentionner des intentions et des objectifs.
Je ne suis pas certain que l'amendement ait sa place dans la présente Lopmi mais il traite d'un vrai sujet. Notre défense incendie est focalisée sur la zone géographique où, historiquement, les feux avaient lieu : le Sud, la Corse, l'Aquitaine. Mais, en raison du changement climatique, l'ensemble du pays est désormais concerné, dont l'Est. Notre commission devra y réfléchir dans les semaines à venir pour que nous soyons efficaces l'été prochain.
J'avais prévu que nous auditionnions en septembre les ministres de l'intérieur et de la transition écologique à propos des feux de forêt. L'examen des feuilles de route ministérielles ne nous en a pas laissé le temps, mais je m'engage à y revenir dès que notre charge de travail nous le permettra.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL564 de Mme Sandra Regol.
La nouvelle politique de culture du risque voulue par le ministère n'inclut pas explicitement la gestion du risque nucléaire. Comme les frappes russes en Ukraine nous l'ont rappelé, il s'agit pourtant d'une réalité, qui concerne particulièrement la France étant donné le nombre de sites que compte le pays – même s'ils ne fonctionnent pas au mieux... Comment réagir face à ce risque, comment s'organiser ?
Nous proposons que le ministère intègre ce risque à la nouvelle politique et fasse en sorte que les stocks d'iode soient suffisants pour couvrir les besoins de la population le cas échéant.
Le risque nucléaire et radiologique, que vous avez parfaitement raison de rappeler, est bien inclus dans la politique de culture du risque comme dans la stratégie des ministères de l'intérieur et de la santé. Les stocks stratégiques d'iode sont gérés par Santé publique France, tandis que les plans Orsec iode relèvent du ministère de l'intérieur. Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL265 de M. Jordan Guitton.
Le ministère de l'intérieur prévoit l'achat de quatre aéronefs, dont deux qui seront financés, mais à 90 % seulement, par l'Union européenne. Le commissaire européen chargé de la gestion des crises, M. Lenarčič, a expliqué que les avions seraient techniquement achetés par les États membres, mais financés à 100 % par l'Union européenne. L'amendement vise donc à porter le taux de financement européen à 100 %. On donne assez d'argent comme ça à l'Union européenne…Respectons la parole du commissaire européen !
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement CL364 de M. Jordan Guitton.
Amendement CL371 de Mme Raquel Garrido.
Nous souhaitons inscrire dans le rapport annexé la nécessité de penser la polyvalence de la flotte aérienne de la sécurité civile et, pour cela, d'acheter cinq hélicoptères lourds bombardiers d'eau. Très efficaces contre les départs de feu, ils sont complémentaires des Dash et des Canadair, car de taille plus réduite et très adaptés aux interventions initiales et au traitement des points chauds résiduels une fois le feu fixé.
L'État en a d'ailleurs loué un entre le 1er juillet et le 15 septembre, un Super Puma, pour 7 millions d'euros, et en a réquisitionné cinq. Plusieurs Sdis en louent également de manière ponctuelle. Le Président de la République a annoncé vouloir en louer dix et en acheter deux d'ici à 2023 ; c'est insuffisant. Le besoin est manifeste, pourquoi ne pas y répondre ?
Vous me direz que les Canadair vont être renouvelés d'ici à 2027 mais, pour le moment, il n'y a pas d'usine pour les construire alors que les aéronefs que nous demandons seront disponibles immédiatement.
Le Président de la République a annoncé 250 millions d'investissements dans la sécurité civile aérienne, ce qui est considérable, en plus des efforts consentis depuis cinq ans et du renforcement, dès 2023, des moyens des Sdis. Ce que vous souhaitez est en train de se réaliser. Défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL590 de Mme Sandra Regol.
Monsieur le rapporteur, le matériel de lutte contre les feux est très coûteux : le montant que vous évoquez correspond à l'acquisition de cinq à dix appareils au maximum.
Le présent amendement tend à créer, dans chaque zone de défense et de sécurité, une direction de la protection de la forêt chargée de mettre en œuvre la politique de l'État en matière de prévention des incendies, et dans chaque département un plan de protection de la forêt contre l'incendie. Il précise en outre que le Gouvernement doit s'engager enfin à relancer et à accroître significativement le fonds d'aide à l'investissement en matière de lutte contre les feux de forêt et d'espaces naturels.
Ces demandes de soutien à la sécurité civile sont particulièrement d'actualité. Les forêts sont en danger et l'État a les moyens d'agir.
Vous formulez une proposition d'organisation des services administratifs à l'échelle départementale. Il est possible que vous ayez raison, je n'en sais rien, mais comment espérer régler la question en dix minutes ou un quart d'heure à propos d'un rapport annexé ? Défavorable.
Mais dans le rapport annexé, il y a tout un chapitre sur la réorganisation de la police ! D'ailleurs c'est une Lopmi, pas une Lopsi qui ne concerne que la sécurité intérieure. L'organisation de la prévention des incendies pourrait donc tout à fait y figurer. Vous auriez pu répondre que vous alliez étudier la question en vue de la séance. Peut-être faudrait-il créer des équivalents départementaux des Draaf (directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt) chargés spécifiquement de la forêt, peut-être est-ce l'ONF dont il convient d'étendre les compétences ? Mais en tout cas vous ne pouvez pas vous contenter de dire que ce sujet n'a rien à faire dans le rapport annexé – un document où on peut mettre à peu près tout !
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL369 de M. Ugo Bernalicis.
Nous demandons la relance du fonds d'aide à l'investissement des Sdis. Cet été, notre système de lutte contre les feux de forêt a tenu grâce au dévouement de nos forces de sécurité civile, mais nous avons frôlé la rupture capacitaire. Depuis quelques années, les rapports se multiplient qui demandent une augmentation des moyens alloués à la sécurité civile et du soutien à l'investissement des Sdis. En 2010, une mission interministérielle relative au changement climatique et à l'extension des zones sensibles aux feux de forêt lançait déjà l'alerte.
Les Sdis sont par exemple trop peu dotés en camions-citernes feux de forêt (CCF) : on en compte 3 700, il en faudrait 10 000 d'ici à dix ans selon la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France. Or un CCF coûte 350 000 euros.
Le bleu budgétaire prévoyait de consacrer 1 million de crédits de paiement aux pactes capacitaires, mais le Gouvernement a déposé un amendement portant ce montant à 37,5 millions. En commission des finances, comme rapporteur spécial, j'ai proposé 15 millions supplémentaires ; le groupe Renaissance a voté contre cette proposition.
Au-delà des montants, il importe d'affirmer que l'État doit accompagner les Sdis dans cette transition, pour les aider à renforcer leurs moyens.
Le fonds d'aide à l'investissement des Sdis, c'est d'abord les 30 millions sur cinq ans affectés aux pactes capacitaires, plus les 150 millions annoncés par le Président de la République pour 2023 – et là, monsieur Bernalicis, nous allons respecter entièrement la parole présidentielle !
Défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL596 de Mme Sandra Regol.
La sécurité civile est vraiment le parent pauvre de ce texte, alors que le danger climatique commence à grever les finances de l'État et à avoir de graves conséquences sur nos forêts, sur notre santé, sur notre capacité à entreprendre – rien qu'en Bourgogne, le coût des feux approche les 4 milliards d'euros.
Nous proposons ce que les syndicats de pompiers demandent depuis longtemps : que le produit de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance soit redirigé vers les Sdis. La taxe existe déjà ; il s'agit simplement d'un fléchage nécessaire, sans coût ni complexité supplémentaire.
Défavorable, pour les mêmes raisons que précédemment. Vous aurez pour la séance, comme je l'ai promis à M. Bernalicis, toute la programmation budgétaire, par mission et par programme, en plus des engagements pris la semaine dernière par le Président de la République. Vous ne pourrez plus dire – vous ne le pouvez déjà pas – que la sécurité civile est le parent pauvre de la Lopmi.
Ce n'est pas moi qui le dis, ce sont les syndicats représentant les premiers concernés, qui constatent qu'ils ne sont pas traités comme les autres.
Nous ne pourrons peut-être plus dire cela quand nous aurons eu le détail de la programmation… On est à un tel niveau de teasing que cela devient insoutenable !
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL343 de Mme Elsa Faucillon, CL341 de Mme Elsa Faucillon et CL562 de Mme Sandra Regol (discussion commune).
Les alinéas 331 et 332 parlent de « subversion violente ». Je ne vais évidemment pas vous dire que je suis pour la subversion violente, mais le terme est trop flou. Les manifestations autorisées par la préfecture étant désormais aussi encadrées que celles qui sont interdites, je crains un glissement vers l'assimilation de toute manifestation à une subversion violente ! Les événements de ces derniers jours ne sont pas rassurants à cet égard. J'ai fait des manifestations quand j'étais toute petite et, en quarante ans, j'ai vu l'évolution, y compris lorsque les services d'ordre des syndicats sont très présents. D'où l'amendement CL343.
L'amendement CL341 tend à interdire l'usage des lanceurs de balles de défense (LBD) dans le cadre des opérations de maintien de l'ordre. Il n'a aucun sens s'agissant de masses statiques, et l'on a vu au moment des gilets jaunes que les LBD servaient non seulement à la défense, mais aussi à l'attaque.
Depuis le fiasco du Stade de France, on réalise à l'échelle internationale que la France en est restée au Moyen Âge en matière de maintien de l'ordre. On s'en rend bien compte quand on est élue dans une circonscription transfrontalière, et ce n'est pas très agréable : les Allemands, eux, savent gérer les flux de migrants – plus nombreux chez eux – et les manifestations, même avec des néonazis qui veulent tout casser. Peut-être retrouverions-nous nos lettres de noblesse en changeant la seule chose qui ne marche pas : la doctrine de maintien de l'ordre. C'est bien sûr un oubli du rapport annexé, auquel nous vous proposons de remédier.
Le maintien de l'ordre est quelque chose de dynamique : le positionnement des forces de l'ordre implique une réaction des manifestants. Certes, les manifestants, y compris violents, peuvent conduire une action d'eux-mêmes, mais le comportement des forces de l'ordre va induire une escalade ou une désescalade. On voit bien l'histoire de ce phénomène dans le documentaire Un pays qui se tient sage, comme dans un reportage écrit par Sebastian Roché et diffusé sur Public Sénat.
La proposition d'interdire les LBD et les grenades de désencerclement pose tout de même question. Parfois, c'est vrai, dans les manifestations de gilets jaunes, il y a eu des problèmes liés à l'usage de LBD, qui sont censés être défensifs et non servir à l'attaque. Que l'on donne des consignes et des formations en ce sens, très bien. Mais cette arme reste pour les policiers le dernier recours avant l'arme létale : que proposez-vous dans le cas d'une manifestation où les policiers seraient acculés, en danger, et n'auraient ni LBD ni grenade de désencerclement ? Il ne leur resterait plus que leur arme de service !
Je vous l'apprends peut-être, mais il y a d'autres pays autour de la France. L'Angleterre, l'Allemagne, la Suisse, la Belgique, la quasi-totalité de l'Europe font sans ces armes, avec une sécurité mieux organisée. Il s'agit d'améliorer le travail des forces de l'ordre, non de votre communication personnelle.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL592 de Mme Sandra Regol.
Le texte est pensé en fonction de l'approche des Jeux olympiques. Essayer d'anticiper, c'est bien, sauf si les Jeux servent de répétition pour entraîner des unités destinées à faire face à des affrontements violents.
Je ne crois pas opportun de créer des unités de forces mobiles temporaires. Leur constitution demande beaucoup de moyens et de formation. En outre, nous assumons la nécessité d'encadrer les manifestations de manière réglementée. Défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL318 de M. Ugo Bernalicis.
Selon de nombreuses alertes d'organisations internationales et d'associations, et contrairement à ce qu'impose un arrêté de 2013, le RIO (référentiel des identités et de l'organisation) n'est pas visible sur les uniformes, ce qui peut permettre aux policiers de se dédouaner. Il faut que le ministère de l'intérieur envoie un message clair à ce sujet.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement CL410 de Mme Raquel Garrido.
Au nom de la santé, de la sécurité et de l'intégrité physique de nos concitoyens, nous demandons de nouveau l'interdiction des LBD, une arme très dangereuse – qui n'est pas le dernier recours avant l'arme létale, contrairement à ce qui a été dit. On ne peut accepter que des gens soient blessés au visage – comme un jeune manifestant ce week-end encore – par une arme conçue pour tirer dans les pieds. Comme l'a souligné Sandra Regol, il faut regarder ce qui se passe ailleurs, non pour renvoyer les gens chez eux, mais pour prendre les bonnes idées. Au vu du nombre et de la gravité des blessures infligées, le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe s'est interrogé sur la compatibilité des méthodes françaises avec le respect des droits des manifestants.
J'ai déjà répondu au sujet des armes employables, des règles de nécessité et de proportionnalité et de la doctrine de maintien de l'ordre, qui ne me semblent pas relever du rapport annexé à la Lopmi.
Nous pensons pour notre part que le sujet relève pleinement du présent débat, puisqu'il s'agit de l'esprit général de la programmation. Quelle police républicaine voulons-nous ? Comment lui donner les moyens de faire son travail ? Ce travail, selon nous, n'est pas le maintien de l'ordre, mais le maintien de la paix civile et de la tranquillité et la garantie du droit de manifester.
Je suis surprise que les collègues qui s'asseyent habituellement à l'extrême droite de l'hémicycle pour y proférer des propos problématiques aient si peu confiance dans les forces de l'ordre qu'ils ne les croient pas capables d'apprendre des techniques nouvelles en vigueur en Europe. Cette attitude antiflics est particulièrement choquante.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL411 de Mme Élisa Martin
La France insoumise, qui organise très souvent de très grandes et très belles manifestations, réunissant plusieurs centaines de milliers de personnes, peut se vanter d'un nombre très réduit de problèmes d'ordre et de sécurité lors de ces événements. C'est grâce à la communication en amont avec les forces de l'ordre, les maires et les préfets. Nous demandons que cette méthode soit systématisée pour éviter des violences inutiles.
Communiquer, apprendre des autres pays, c'est bien joli ; nous, ce qui nous choque, c'est que des policiers reçoivent des cocktails Molotov ou, quand une Vespa est arrêtée, soient tabassés et risquent d'être lynchés. Voilà pourquoi il faut leur donner des armes. La gauche n'en parle jamais, elle reste dans ses rêves.
Rien d'étonnant dans ce que le RN prend en considération. Mais vous vous trompez complètement : les policiers et les gendarmes ne circulent pas en Vespa !
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques CL358 de Mme Raquel Garrido et CL555 de Mme Sandra Regol
Nous sommes opposés à votre conception du contrôle et de la sécurisation des frontières. Vous mettez beaucoup d'énergie à bloquer les gens – notamment dans le cadre de Frontex, très décrié par les organisations internationales – mais la libre circulation des marchandises, ah ça, c'est pour vous un dogme sacro-saint ! Pour ce qui est du contrôle des marchandises, les pays européens rivalisent de légèreté et de rapidité. Je suis très inquiet de la circulation des armes dans notre pays et du peu de moyens que nous consacrons à la combattre. Tout ce qui vous intéresse, vous, ce sont les migrants, les exilés, les personnes qui fuient leur pays parce qu'ils sont dans la misère et en détresse ; une pente qui vous mène inéluctablement très à droite, voire à l'extrême droite.
Nous sommes ici pour faire de la politique au sens noble du terme. En l'espèce, nous proposons de supprimer les alinéas relatifs aux contrôles aux frontières. La politique migratoire et d'asile ne doit plus dépendre du ministère de l'intérieur, mais d'un ministère dédié. Cela laisserait plus de temps aux agents du ministère et rendrait notre politique d'accueil plus humaine et plus efficiente. Peut-être même aboutirait-on, comme dans d'autres pays, à un fonctionnement satisfaisant plutôt que de traiter les êtres humains comme des Kleenex, jetés dès qu'on s'en est servi pour nettoyer.
Vous voulez supprimer toute la partie concernant la sécurisation des frontières : toute la politique d'État, et la politique européenne puisque vous supprimez également Frontex. Soyons raisonnables ! Je n'ose imaginer ce que cela dit de vos propres propositions en la matière. Quant aux propos de M. Bernalicis, je les trouve excessifs.
La commission rejette les amendements.
Amendements CL359 de Mme Élisa Martin, CL557 de Mme Sandra Regol et CL377 de Mme Elsa Faucillon (discussion commune).
Frontex ne fait pas dans la demi-mesure : l'Office européen de lutte antifraude a révélé cet été que son directeur, Fabrice Leggeri, n'avait pas hésité à soutenir des renvois brutaux et illégaux de demandeurs d'asile pour faire du chiffre. Cela a provoqué sa démission, mais Frontex n'en reste pas moins l'expression d'une Europe repliée sur elle-même, craignant un péril à ses portes.
Je le dis avec d'autant plus d'émotion que la question au Gouvernement que notre camarade Carlo Martens Bilongo n'a pas pu finir de poser à cause de l'injure raciste qui lui a été faite portait sur SOS Méditerranée. Nous avions déjà repéré que le budget de la mission Immigration, asile et intégration ne consacrait aucun crédit au sauvetage en mer de ces personnes qui n'ont d'autre choix que l'exil pour survivre. Dans les alinéas 343 à 366, c'est encore la chasse aux migrants qui est proposée – une chasse moderne, avec des moyens innovants, d'où les 15 milliards de budget prévus par le texte.
Je suis étonnée que l'on ne tire pas les conclusions de ce que l'on sait de Frontex. Il ne s'agit pas que d'une divergence de vues entre nous. Le Parlement européen a refusé de valider les comptes de Frontex et différents rapports attestent que l'agence a couvert en plusieurs occasions des violations des droits humains fondamentaux, et qu'elle a menti au Parlement ou l'a induit en erreur à onze reprises au moins. Pourtant, l'alinéa 346 dont nous parlons tend à aligner les prérogatives des garde-frontières de Frontex sur celles de la police aux frontières. Pensez-vous vraiment que ce soit raisonnable ? Pouvez-vous nous assurer que la nouvelle direction va tout changer ?
Mais vous, pensez-vous qu'on puisse se passer d'un outil de gestion intégré des frontières européennes ? C'est absolument impossible ! Frontex a certes fait l'objet de critiques, et son directeur a démissionné, mais nous avons besoin d'un outil européen de sécurisation de nos frontières. Si je comprends bien, vous proposez de remplacer Frontex par la PAF (police aux frontières). Cela renvoie à votre conception de l'Union européenne : vous voudriez que la France soit un isolat, gérant seule ses frontières dans un espace intégré. Cela n'est pas possible. Avis défavorable.
Le budget de Frontex est le premier de l'Union, et il ne cesse d'augmenter. L'agence a été mise en cause par le Parlement européen, bien qu'aucun parlement ne puisse exiger la transparence sur l'utilisation de ses fonds : elle ne rend de comptes à personne.
Les faits qui ont été rapportés ne sont pas de simples incidents, ils sont très graves, qu'il s'agisse de la gestion financière de l'agence ou des actes commis sous la surveillance de ses agents ou en collaboration avec eux.
Je sais que certains considèrent qu'il faut, par tous les moyens, renvoyer des personnes qui sont en train de mourir en Afrique ou ailleurs…
(Le président coupe le micro de l'oratrice.)
Une frontière est une porte : comme ceux qui possèdent une propriété privée, les Français ont le droit de décider, par la loi, qui entre et qui sort.
Frontex lutte avant tout contre les réseaux de passeurs, qui s'engraissent sur la misère humaine. On entend souvent parler d'humanisme mais, pour éviter les morts dans la Méditerranée, il y a une solution : la politique australienne du no way, avec laquelle il n'y a aucun mort !
J'espère que nous pourrons revenir en séance sur Frontex et la façon de gérer l'immigration à l'échelle européenne. Nous l'avons gérée sans l'agence dans le passé et des coordinations entre les polices aux frontières sont possibles. Mais au-delà des solutions, c'est votre réponse qui est scandaleuse : l'opérateur en place ment au Parlement, refuse la transparence sur ses comptes, viole les droits de l'homme, et votre seule réaction est de dire qu'il en faut bien un ? Vous rendez-vous compte ? Diriez-vous pareil de notre police ?
Ces amendements dessinent une vision du monde profondément anti-européenne, anti-Schengen, anti-Frontex. Dès lors que l'on décide de supprimer les frontières intérieures de l'Union, il faut un instrument commun, solidaire, pour maîtriser nos frontières extérieures. La France et ses partenaires européens contribuent à Frontex car sinon, l'Italie ou la Grèce devraient faire face seuls aux flux migratoires – cela a été le cas lors de la crise migratoire de 2015 – avec pour conséquence d'ailleurs le renforcement de l'extrême droite.
Par ailleurs, le budget de Frontex n'est pas du tout le premier de l'Union européenne. Il est même très loin derrière ceux de la politique agricole commune, de l'environnement ou des fonds structurels. Soyons précis !
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL559 de Mme Sandra Regol.
J'entends vos critiques, mais les écologistes sont très pro-européens – tellement qu'ils ont choisi placer le mot « Europe » au début de leur nom. Et ils sont alliés au sein de la NUPES car, contrairement à vous, ils savent travailler avec d'autres. Essayez, ça fait du bien.
Mais aimer, ce n'est pas idolâtrer : c'est savoir critiquer, améliorer, accompagner. C'est être capable de dire ce qui ne va pas en Europe pour la faire évoluer : Dublin est une hérésie, et l'Europe sous-traite ses problèmes d'immigration à des pays dont elle est dépendante diplomatiquement. Si on ne le dit pas, on n'est pas pro-européen : on veut le statu quo, on veut rester dans des logiques nationales au détriment de la logique européenne.
C'est pourquoi les écologistes d'Europe Écologie-Les Verts (EELV) ont déposé cet amendement.
Nous sommes défavorables à tout ce qui ferait disparaître la gestion intégrée des frontières. Vous faites une erreur colossale qui vous fait rejoindre la vision souverainiste de la gestion des frontières.
Vos propos sont contradictoires : vous êtes contre la Lopmi et le recrutement de policiers supplémentaires mais vous souhaitez que la PAF gère la sécurité aux frontières. Je ne comprends pas votre point de vue et encore moins votre ton.
Pour que ce soit clair, 5,6 milliards sont prévus pour le budget de Frontex entre 2021 et 2027 : c'est bel et bien l'enveloppe la plus importante de toutes les agences de l'Union européenne. Frontex est mise en cause non seulement pour son non-respect des liens humains mais aussi pour ses liens avec les entreprises de sécurité – car c'est un business, une manne pour ces dernières. Europe Écologie-Les Verts, La France insoumise et le parti communiste ne sont pas les seuls à la mettre en cause : dans d'autres pays européens, de nombreux députés, qui ont le sens des responsabilités, exigent qu'elle rende des comptes.
Beaucoup d'erreurs doivent être corrigées. Le budget de Frontex est de 200 millions par an. Pour le reste, ce sont des fonds mis à disposition par les États : il ne faut pas confondre le budget et les coûts. Par ailleurs, avant 2015, 21 000 personnes mouraient dans la Méditerranée ; grâce à Frontex, 600 000 vies ont été sauvées. Et la France a été la première à tirer l'alarme, en particulier le président Emmanuel Macron. Sans être souverainistes, nous ne sommes pas des Européens béats pour autant.
Vous pouvez acter un désaccord franc et massif avec une opposition qui fait son travail, mais pas vous permettre de nous dire que nous ne comprenons rien et que nous sommes à côté de la plaque – c'est déjà notre lot quotidien d'entendre cela, en tant que femme.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL475 de Mme Raquel Garrido.
Il s'agit de la formation des policiers. S'agissant de la formation initiale, nombre d'écoles de police ont été fermées : il conviendrait de rouvrir des centres répartis dans tout le territoire, pour former ceux qui satisfont aux conditions requises. Par ailleurs, une formation continue est nécessaire, qu'il s'agisse du code pénal, matière complexe qui évolue rapidement – les parlementaires le savent – comme de la posture et des gestes techniques professionnels. Elle devrait être obligatoire avant toute promotion.
Ces dispositions sont une marque de respect à l'égard des policiers et traduisent une aspiration à un service public de sûreté de qualité.
Nous avons déjà beaucoup évoqué la question de la formation. Précisons juste que la dernière école de police a été fermée à l'été 2012, alors que vous faites toujours comme si cela venait d'être fait.
C'est parce que je mets dans le même panier ceux dont les discours ne se traduisaient pas dans les faits et ceux qui ont pour seule idée de limiter la dépense publique.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL366 de M. Antoine Léaument.
Deux visions du service public de la sécurité s'affrontent. Nous pensons que les policiers doivent être mieux formés, notamment à la médiation, et que leur rôle, que leur ont imposé les politiques majoritaires des quinze dernières années et en particulier du dernier quinquennat, doit changer. Nous voulons une police plus ouverte sur les questions de société – en tant que personne LGBT, j'ai été confronté à la difficulté de porter plainte pour agression homophobe. Nous la voulons ouverte aux universitaires, aux associations, aux psychologues, aux criminologues. Nous voulons des gardiens de la paix, non des forces de l'ordre. Oui nous avons une autre vision du maintien de l'ordre, et oui toute main arrachée nous paraît inacceptable.
Revenons à l'amendement : le directeur central du recrutement et de la formation de la police nationale nous a donné beaucoup de détails sur la formation de la police nationale et l'ouverture à l'extérieur est réelle. Des universitaires interviennent dans les écoles, ainsi que des associations, comme la Ligue des droits de l'homme ou la Licra (Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme). Outre les aspects opérationnels, des modules de culture générale et de psychologie figurent dans les formations et la volonté d'approfondir cette stratégie est flagrante.
Je suis défavorable non seulement à votre proposition mais aussi à beaucoup des propos que vous avez tenus. Avis défavorable.
D'accord, il y a un partenariat avec le Défenseur des droits : pour un cours dans l'année ! Pareil pour les universitaires ! Ce dont nous parlons, nous, c'est d'une formation d'au moins deux ans, dont plusieurs heures seraient consacrées à la déontologie, à la désescalade et la gestion des conflits, ou à la conception du droit – en particulier les différences entre le mode inquisitoire et accusatoire et les questions constitutionnelles. Il en va de même pour les violences sexuelles et sexistes : une seule journée est consacrée à l'accueil des victimes ! C'est mieux que rien, certes, mais on pourrait muscler tout cela. Le directeur de la formation lui-même milite pour davantage d'heures de formation.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL622 de M. Erwan Balanant et sous-amendement CL764 de Mme Mathilde Desjonquères.
Le projet de loi faisant de l'outrage sexiste un délit, il faut maintenant accompagner les forces de l'ordre et les magistrats, notamment pour réduire les risques d'erreur de qualification. L'amendement vise à renforcer la formation aux différentes infractions dans ce domaine. Le sous-amendement de Mathilde Desjonquères est principalement rédactionnel.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte successivement le sous-amendement et l'amendement sous-amendé.
Amendement CL572 de Mme Sandra Regol.
Comme nos amendements précédents, celui-ci rappelle la nécessité d'une formation initiale et continue obligatoire, cette fois pour améliorer la prise en charge par les forces de police et de gendarmerie des personnes victimes de violences sexuelles ou conjugales. Une fois n'est pas coutume, il va dans le même sens que l'amendement de M. Balanant qui vient d'être voté.
Le texte consacre un chapitre aux dispositions pour lutter contre les violences intrafamiliales et sexuelles. Y figurent notamment, outre la formation, le doublement des effectifs dédiés, le fichier de prévention des violences, la densification de l'accompagnement par les associations et la révision des modalités de peine.
Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.
Je sais que des choses sont faites, mais les formations ne sont ni systématiques, ni obligatoires. C'est pourtant une demande des agents, et un besoin pour le pays. Ce qui est fait est insuffisant pour lutter contre le fléau des violences sexuelles et sexistes, et contre les difficultés que les agents rencontrent pour les traiter.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL594 de Mme Sandra Regol.
Il s'agit d'inclure dans la formation initiale des policiers, que nous souhaitons voir passer de huit à douze mois, des enseignements en sciences humaines et sociales, en communication ainsi qu'à la déontologie et au fonctionnement de la justice.
Je vous propose de retravailler votre amendement pour la séance à partir de l'amendement CL190 de Roger Vicot, non soutenu, qui est plus large.
L'amendement est retiré.
Amendements CL567, CL569 et CL570 de Mme Sandra Regol.
Dans le cadre de leur formation, les agents de la police doivent théoriquement effectuer trois sessions de vingt à trente tirs par an, sur cible fixe. C'est largement insuffisant pour avoir une bonne réaction sur cible mouvante, comme c'est le cas lors d'un délit ou d'un refus d'obtempérer. Les syndicats de police revendiquent un volume horaire plus important, d'autant que, bien souvent, les trois sessions prévues ne sont pas réalisées intégralement.
Les écologistes n'ont pas vraiment la passion des armes à feu, mais celle de l'efficacité. Pour être efficaces, il faut que les forces de l'ordre tirent un peu moins et mieux à l'extérieur, et qu'elles aient de meilleures conditions d'entraînement à l'intérieur.
Mes deux premiers amendements vont dans ce sens, pour les policiers nationaux et pour les policiers municipaux. Le troisième ajoute un enseignement aux techniques d'intervention opérationnelles rapprochées (TIOR), afin que l'arme reste toujours un dernier recours.
Interrogé par Ugo Bernalicis, le directeur central de la formation a évoqué l'insuffisance de la formation au tir. Le rapport annexé y répond, et vos amendements me semblent satisfaits. Je précise simplement que la formation aux TIOR est une technique de combat utilisée par l'armée. Je ne suis pas certain que ce soit vraiment votre objectif.
En 2017, au salon Milipol, la préfecture de police présentait un module de formation très simple. C'était une mise en situation au moyen d'un film projeté sur une grande feuille de papier : il ne fallait tirer qu'en situation de légitime défense. Avec la réalité virtuelle, notamment, on sait développer des modules de formation mettant dans des conditions réelles. Nous devons progresser sur ce point, les policiers ne sont jamais confrontés à une cible statique.
Le groupe Renaissance rejoint les propos du rapporteur : le directeur de la formation a répondu dans le sens de nos ambitions sur la formation des policiers dans ce domaine.
Il y a quelques années, conseiller municipal de la ville de Lyon, je voyais les membres d'Europe Écologie-Les Verts absolument opposés à la possibilité que les policiers municipaux soient équipés d'armes à feu. À présent, Mme Regol propose qu'ils aient davantage d'heures de formation au tir. Sachez madame que la plupart des polices municipales en ont davantage que la police nationale. Vos amendements sont nuls et non avenus.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL223 de Mme Gisèle Lelouis.
Il s'agit de créer une école de formation des policiers municipaux, sous l'autorité du ministère de l'intérieur, pour uniformiser et harmoniser la formation et s'assurer qu'elle soit complète.
Il existe une école de formation des policiers municipaux : le CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale). Défavorable
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL565 et CL595 de Mme Sandra Regol.
Monsieur Rudigoz, d'autres que vous connaissent les différences de fonctionnement entre la police nationale et la police municipale. Souffrez que les écologistes, un mouvement très jeune dans l'histoire politique, sachent évoluer, apprendre et transformer les choses. Remonter dans le temps n'apporte rien au débat : nous pouvons parler de nos différences aujourd'hui, sans asticoter les maires écologistes qui, par ailleurs, bataillent malgré un ministre de l'intérieur qui refuse de les aider à lutter contre l'insécurité dans leur ville.
Le premier amendement vise à mutualiser les moyens de formation, sans les réduire, ce que le texte ne prévoit pas de manière explicite ; le second prévoit que les formations continues sont principalement tournées vers des personnes extérieures en lien avec la profession, afin de prendre du recul. La diversité est riche et permet d'avancer.
On peut être contre l'armement, voire l'existence de polices municipales parce qu'on défend l'idée d'une police nationale de proximité dans tout le territoire, et vouloir que ceux qui ont cette responsabilité énorme de devoir faire usage de leurs armes soient bien formés. Blesser ou tuer une personne dans l'exercice de son travail est un acte grave et traumatique pour les policiers. C'est justement parce que nous prenons cette question au sérieux que nous pensons qu'ils doivent être extrêmement bien formés.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL390 de Mme Émeline K/Bidi.
Cet amendement vise à accompagner les policiers et les gendarmes qui souhaitent être affectés près de leur famille. Il se rapproche d'une proposition de mon collègue Davy Rimane, en étant moins contraignant. Vous direz certainement qu'il est satisfait mais nos collègues d'outre-mer constatent que cet accompagnement est très limité dans les faits.
La commission adopte l'amendement.
Amendement CL593 de Mme Sandra Regol.
La formation des personnels d'encadrement est un levier essentiel pour améliorer l'état moral et psychologique des forces de l'ordre ainsi que leur cadre de travail. De nombreux modules aujourd'hui obsolètes doivent être réformés.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement CL591 de Mme Sandra Regol, CL336 de Mme Élisa Martin et CL238 de M. Timothée Houssin (discussion commune).
Dans le droit-fil du précédent, cet amendement vise à lutter contre la souffrance au travail des forces de l'ordre et à améliorer leurs conditions de travail – avec les agriculteurs, cette profession est celle qui connaît le taux de suicide le plus élevé.
Il s'agit de leur donner accès à un psychologue rapidement après la formulation de leur demande. Le rapport annexé prévoit certes la création de vingt-neuf postes de psychologue, mais l'accès reste trop limité. Il doit aussi pouvoir s'agir d'un psychologue indépendant, afin de garantir la discrétion de cette démarche.
C'est un ancien secrétaire de CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail), instance qui a disparu grâce à votre politique, qui vous parle. Les risques psychosociaux ne se limitent pas aux suicides, lesquels peuvent malheureusement constituer l'étape ultime pour les personnes subissant des souffrances au travail. Nos gardiens de la paix, nos forces de l'ordre subissent ce genre de souffrances, d'origine externe ou interne. Vous ne parlez jamais des problèmes liés aux rapports managériaux, à la politique du chiffre, à la perte de sens. Les agents des BAC, par exemple, dénoncent la dénaturation de leurs fonctions. Tout cela entraîne des situations de mal-être, voire de burn-out, que vous refusez de reconnaître en tant que maladie professionnelle. Depuis dix ans, le taux d'absentéisme chez les gardiens de la paix a augmenté et certains abandonnent leurs fonctions, qui devraient pourtant être prestigieuses. Il faudrait notamment reconnaître le rôle social du policier, dont nous avons parlé tout à l'heure : ce serait une réponse à la question des conditions de travail.
Aucun des 423 alinéas du rapport annexé n'emploie le mot « suicide », alors que c'est une question prégnante dans la police. Rien qu'au premier semestre de cette année, pas moins de 34 policiers et 14 gendarmes se sont suicidés. En 2021, l'association SOS policiers en détresse avait reçu plus de 6 000 appels pour des cas de mal-être ou de dépression.
L'amendement CL238 vous demande d'agir pour prévenir le risque de suicide au sein des forces de l'ordre, notamment grâce à une détection aussi précoce que possible des situations difficiles et de souffrance et à une facilitation de l'accès aux dispositifs d'accompagnement psychologique.
Il faut vraiment prendre en compte la question des risques psychosociaux, et la rédaction de l'amendement déposé par mon groupe me semble préférable.
La commission rejette successivement les amendements CL591 et CL336, puis adopte l'amendement CL238.
Amendement CL406 de Mme Élisa Martin.
Nous sommes assez étonnés qu'il n'y ait rien dans la feuille de route de la Lopmi au sujet du terrorisme, qui reste une question centrale pour le ministère de l'intérieur. D'habitude, même quand on ne lui demande rien, le ministre nous abreuve de considérations sur ce thème.
Nous souhaitons vous faire profiter d'éléments que nous avons déjà versés dans le débat public en 2017, puis en 2022, avec le livret thématique sur la sécurité de Jean-Luc Mélenchon. Nous souhaitons en particulier renforcer le renseignement humain, en rompant avec le tropisme pour le renseignement purement technologique – on veut des « boîtes noires », elles ne marchent pas alors on veut accéder aux URL, et si on ne trouve rien ou pas grand-chose, c'est sans doute qu'on n'a pas assez bien surveillé… Tout cela pose une question de souveraineté vis-à-vis de nos « alliés » – je mets des guillemets, car il faut éviter de faire preuve de naïveté –, notamment parce que nous continuons à recourir à un logiciel américain pour le traitement des données.
Nous pensons qu'il faut changer de doctrine en matière de lutte contre le terrorisme, pour remettre l'humain au cœur de cette politique.
Je viens de relire votre amendement : c'est effectivement tout un programme ! Or le rapport annexé n'a pas vocation à être le programme de Jean-Luc Mélenchon. J'ajoute qu'aucune doctrine de lutte contre le terrorisme n'a lieu de figurer intégralement dans le rapport annexé.
Cela n'a par exemple pas été le cas dans la loi Silt, renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme. En revanche, cette loi a augmenté dès 2017 les moyens du renseignement, les services ont vu leurs effectifs gonfler de 1 900 agents et leur budget a doublé. Voilà notre doctrine, bien différente de la vôtre. Nous avons également adopté la loi du 30 juillet 2021 relative à la prévention d'actes de terrorisme et au renseignement.
Nous sommes en désaccord profond avec votre vision. Même si certains éléments méritent de longs débats, je ne vais pas revenir sur tout ce que vous écrivez – nous pourrons probablement le faire en séance publique. Avis défavorable.
Cet amendement est une façon de souligner notre étonnement de ne rien trouver dans le rapport annexé à propos du terrorisme, alors que ce sujet a fait l'objet de beaucoup de débats, qu'un certain nombre de dispositifs ont été adoptés et que certains d'entre eux sont même entrés dans le droit commun, bien qu'ils posent problème au regard des libertés publiques. Même si c'est un sujet transversal, c'est le ministère de l'intérieur qui a la responsabilité privilégiée de la sûreté du pays. Je n'ai pas le temps de développer, mais nous souhaitons, pour notre part, privilégier l'éducation, la prévention et le renseignement humain.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CL415 de Mme Raquel Garrido.
Nous demandons la réalisation d'une étude sur la question des moyens humains des forces de l'ordre : il faut savoir comment ils sont utilisés, si leur emploi est pertinent, s'il est normal qu'il n'y ait que 6 000 agents à la direction centrale de la police judiciaire, dont seulement 4 200 policiers, s'il faut que les brigades anticriminalité comptent 7 500 agents, s'il est cohérent d'avoir 23 000 policiers municipaux, compte tenu de leurs prérogatives, si nos effectifs sont du même niveau que ceux de nos voisins européens, où nous nous situons par rapport à la moyenne mondiale… Nous avons besoin d'éléments d'analyse objectifs pour nous positionner réellement, au lieu de faire des coups de communication politique.
Vous réclamez une étude qui justifierait une déflation budgétaire et des effectifs. C'est exactement l'inverse de la trajectoire de la Lopmi.
Pas du tout : il s'agit simplement de vérifier que les moyens humains sont bien placés où il faut, bien calibrés et bien utilisés, et s'ils ont une incidence sur le niveau de la délinquance – pas seulement celle de voie publique. On peut tout de même se poser des questions sur l'organisation de la police dans notre pays ! La solution n'est pas forcément le surarmement que vous souhaitez – d'ailleurs, il va être difficile de trouver tant de gens pour accepter de porter l'uniforme, dans les conditions actuelles. Nous avons besoin d'être éclairés sur certains sujets.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CL716, CL709, CL713, CL710, CL711, CL712, CL708, CL537, CL538 et CL533 de M. Éric Ciotti.
J'ai déjà largement présenté mon premier amendement lors de la discussion générale. Il résulte du constat que ce texte de programmation sur cinq ans ne comporte aucune stratégie pour la politique migratoire que le ministère de l'intérieur doit conduire. Or c'est naturellement un sujet majeur pour notre pays. On peut d'autant moins se contenter de cette vision parcellaire des questions de sécurité que nous faisons face à un flux migratoire de plus en plus important, qui conduit à une forme de chaos, selon l'expression utilisée par l'ancien ministre de l'intérieur Gérard Collomb. Il faut en prendre conscience. Je propose donc de définir une véritable stratégie migratoire de nature à répondre aux défis, et en particulier au lien entre immigration et délinquance, que l'actuel ministre de l'intérieur a établi avec une lucidité récente à laquelle je tiens à rendre hommage. Ce lien repose sur des chiffres incontestables et enfin révélés. En Île-de-France, près de 50 % des mis en cause, et même 70 % pour les faits de délinquance de voie publique, sont des personnes de nationalité étrangère.
Mes amendements visent tout d'abord à porter à 5 000 places les capacités des centres de rétention administrative, ou au moins 3 000. Si l'on veut une véritable politique d'éloignement, il faut que les personnes faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) soient placées dans ces centres. Je souhaite également que l'on tende à terme vers un taux d'exécution des OQTF de 100 % ; que l'on ramène le délai moyen de traitement des dossiers par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) à soixante jours, perspective souvent évoquée mais jamais concrétisée ; que l'on finance la création de centres de traitement des demandes d'asile à proximité des lieux de conflit, pour que l'asile ne devienne pas la porte d'entrée légale de l'immigration illégale et que les demandes pour obtenir le statut de réfugié, qui est noble et que nous devons préserver, soient déposées à l'extérieur des frontières nationales ; que l'on instaure au sein du ministère de l'intérieur des comités pour étudier, d'une part, la possibilité d'indexer la délivrance des visas sur l'octroi des laissez-passer consulaires, préalables à toute politique réussie d'éloignement, et d'autre part les besoins en matière d'immigration du travail et étudiante ; et enfin que l'on renforce les sections d'éloignement au sein des bureaux des étrangers des préfectures.
Paradoxe : votre argumentation rejoint celle du groupe LFI ! Ce dernier nous dit que le texte ne prévoit rien au sujet du terrorisme, et vous qu'il ne dit rien à propos de la crise migratoire.
Le rapport annexé porte sur la modernisation du ministère de l'intérieur. Il y est question de son organisation, des garanties concernant la transparence et l'exemplarité de l'action des forces de l'ordre, du pilotage du continuum de sécurité, de l'amélioration de la lutte contre les violences intrafamiliales, en se dotant non seulement de moyens supplémentaires mais aussi d'outils internes, notamment en matière de ressources humaines, ou encore du renforcement de notre réponse opérationnelle à la subversion violente. Par ailleurs, vous savez qu'un projet de loi sur les questions d'asile et d'immigration sera examiné dans quelques semaines. Ce sera le moment privilégié de débattre des objectifs – les vôtres comme les nôtres.
Deux de vos amendements sont relatifs à des éléments sur lesquels le Gouvernement s'est engagé. S'agissant des capacités des centres de rétention administrative, votre amendement CL538 correspond à la trajectoire souhaitée par le Gouvernement. Et la réduction à soixante jours du délai moyen de traitement des demandes d'asile par l'OFPRA que propose l'amendement CL710 a sa pertinence dans le rapport annexé, puisque cela implique une réorganisation. Je donne un avis favorable à ces deux amendements.
Nous terminons par la cerise sur le gâteau… D'abord, le placement en centre de rétention administrative est la méthode la plus atroce pour enfermer des gens. Ensuite, monsieur Ciotti, je suis étonné de votre utilisation des propos du ministre de l'intérieur et du Président de la République sur le lien entre immigration et délinquance. L'idée selon laquelle l'essentiel des actes de délinquance dans les grandes métropoles sont commis par des étrangers vient du livre L'ordre nécessaire de l'ancien préfet de police Didier Lallement, publié à la mi-octobre. Selon lui, un délit sur deux est commis par des étrangers, « souvent en situation irrégulière », une nuance que vous n'avez pas reprise. Et il ne s'agit pas de personnes condamnées, mais seulement mises en cause. Bref il n'existe pas, en réalité, de statistiques sur le lien entre immigration et délinquance. Il faut sortir de ce délire.
La commission rejette successivement les amendements CL716, CL709 et CL713. Elle adopte l'amendement CL710, rejette successivement les amendements CL711, CL712, CL708 et CL537, adopte l'amendement CL538 et rejette l'amendement CL533.
La commission adopte l'amendement rédactionnel CL422 de M. Florent Boudié sur l'article 1er.
Elle adopte l'article 1er et le rapport annexé modifiés.
Elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
La séance est levée à 23 heures 25.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Caroline Abadie, Mme Sabrina Agresti-Roubache, M. Erwan Balanant, M. Ugo Bernalicis, M. Ian Boucard, M. Florent Boudié, Mme Clara Chassaniol, M. Éric Ciotti, Mme Mathilde Desjonquères, Mme Elsa Faucillon, M. Philippe Guillemard, M. Jordan Guitton, M. Benjamin Haddad, M. Sacha Houlié, M. Timothée Houssin, M. Jérémie Iordanoff, M. Andy Kerbrat, M. Philippe Latombe, M. Gilles Le Gendre, M. Antoine Léaument, Mme Marie Lebec, Mme Gisèle Lelouis, Mme Marie-France Lorho, M. Emmanuel Mandon, Mme Élisa Martin, M. Ludovic Mendes, Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Philippe Pradal, M. Stéphane Rambaud, Mme Sandra Regol, Mme Béatrice Roullaud, M. Thomas Rudigoz, M. Jean Terlier, M. Christopher Weissberg, Mme Caroline Yadan
Excusés. - M. Philippe Dunoyer, M. Philippe Gosselin, Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Mansour Kamardine, Mme Emeline K/Bidi, M. Didier Lemaire, M. Davy Rimane
Assistaient également à la réunion. - M. Florian Chauche, M. Jean-François Coulomme, Mme Danièle Obono, Mme Andrée Taurinya