La réunion

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Mardi 4 juin 2024

La séance est ouverte à 19 heures 15.

(Présidence de M. Xavier Albertini, vice-président de la commission d'enquête)

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Mes chers collègues, en raison d'un empêchement, notre Président Didier Le Gac m'a demandé de le suppléer pour notre deuxième audition de ce début de soirée. Nous accueillons ce soir M. Bruno Saura, anthropologue et professeur des universités en civilisation polynésienne.

Monsieur le professeur, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation à cette audition. Jusqu'à présent, les travaux de notre commission d'enquête ont principalement porté sur les conséquences sanitaires des essais nucléaires menés en Polynésie. Nous avons recueilli des témoignages de vétérans et de Polynésiens ayant participé aux essais nucléaires ou les ayant subis et interrogé des experts publics, associatifs et indépendants sur l'impact de l'exposition radiologique. Nous avons progressivement élargi le champ de nos investigations au sujet majeur de l'accès aux archives ainsi qu'aux conséquences environnementales et sociétales des essais. À titre d'exemple, lors de leur audition de la semaine dernière, Tomas Statius et Sébastien Philippe, auteurs de l'enquête « Toxique », nous ont expliqué comment, à Moruroa, la construction des infrastructures du Centre d'expérimentation du Pacifique (CEP) avait affecté des populations qui y menaient jusqu'alors une activité de pêche et de culture de la nacre.

Avec vous, monsieur le professeur, nous souhaitons approfondir ce dernier aspect en comptant sur votre expertise pour comprendre l'impact des essais nucléaires sur la société et la culture polynésiennes. La construction des sites nucléaires et leur exploitation ont en effet façonné la géographie, créé de nouveaux flux financiers et de population, modifié la structure de l'économie polynésienne et changé les habitudes des habitants.

Nous attendons également de votre audition qu'elle nous éclaire sur les conséquences des essais nucléaires dans la société polynésienne d'aujourd'hui. Lorsque nous avons auditionné la nouvelle équipe dirigeante de l'association Moruroa e tatou, nous avons tous été frappés par sa jeunesse. Pourriez-vous nous expliquer comment, selon vous, les jeunes générations se positionnent vis-à-vis de l'histoire des essais nucléaires ? Cette période constitue-t-elle une source de fractures au sein de la société polynésienne ?

Enfin, la commission d'enquête accorde une grande importance aux enjeux de reconnaissance et de mémoire et nous aimerions recueillir vos préconisations à ce sujet.

Avant de vous donner la parole, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Bruno Saura prête serment.)

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Je commencerai par aborder un point important. On évoque souvent le « fait nucléaire » comme on évoque le « fait colonial ». Je n'apprécie pas vraiment ces expressions qui réduisent des processus complexes à de simples faits. En effet, la question du nucléaire ne se résume pas à ses 193 essais – qui seraient 193 « faits » –, mais représente une série de processus longs et lourds. Réduire le nucléaire comme la colonisation à un « fait » ne me paraît donc pas très heureux. La colonisation fait partie inhérente de la problématique, dans la mesure où elle se définit comme l'installation de certains peuples chez d'autres, sur une période bien définie, puis par l'existence d'un rapport de force inégal qui perdure au-delà de l'installation initiale. La question du nucléaire en Polynésie illustre bien ce dernier point puisque les Polynésiens ont été peu associés aux décisions concernant leur propre destin et leur histoire. À l'époque, les populations comme les élus locaux ignoraient en effet ce qu'était le CEP et pouvaient penser qu'il s'agissait d'un centre d'expérimentation spatiale et que l'on tirerait des fusées vers l'espace. Il est important de reconnaître que l'on peut être à la fois acteur et victime de l'histoire. Ainsi, bien que les Polynésiens n'aient pas été décisionnaires, ils ont tout de même participé à certains événements, par exemple à travers leur travail à Moruroa. Néanmoins, les essais nucléaires ont été imposés par un processus non violent en apparence, mais reposant sur un rapport de force inégal, qui a d'ailleurs commencé par l'appropriation des atolls, et en l'absence de véritable consultation démocratique, l'imposition des essais nucléaires ayant contourné un débat plénier à l'Assemblée territoriale tahitienne.

En ce qui me concerne, je ne travaille pas directement sur la question des essais nucléaires, mais il me semble essentiel de pouvoir en parler librement car ces essais sont « partout ». Ces essais ont eu des répercussions sociales, culturelles, démographiques et économiques considérables. On ne peut pas aborder les décennies des années 1960 à aujourd'hui en éludant le sujet, sans toutefois sombrer dans une posture de victimisation.

Même lorsque je m'intéresse à des domaines très différents des essais nucléaires, tels que la poésie ou la danse, l'idée que la mère patrie ait été une mauvaise mère, voire une empoisonneuse en qui on n'a plus confiance, est omniprésente. La relation à la France a totalement changé en raison de ce poison, lentement distillé, a minima de manière imprudente. Autrefois, la population polynésienne croyait en la France et a combattu volontairement dans les bataillons du Pacifique aux côtés de ses concitoyens. Désormais, cette confiance est ébranlée et la Polynésie française ne se perçoit plus comme une partie de la France ou un territoire protégé par celle-ci, mais comme un pays voisin, avec lequel elle entretient des rapports mitigés.

Je n'aborderai pas les aspects économiques et démographiques en détail, car ces questions ne relèvent pas de ma compétence, mais il faut se souvenir que l'ensemble des transferts mis en œuvre lors de l'installation du CEP au début des années 1960 a rendu la Polynésie française complètement dépendante de la Métropole. Ces transferts, bien que constituant de l'argent public bénéficiant au territoire, ont radicalement transformé ce petit pays modeste, dont le budget de couverture des importations par les exportations était à peu près assuré jusqu'en 1960. Par la suite, une dépendance vis-à-vis des transferts publics s'est installée, créant une économie artificielle et complètement déséquilibrée. Certains argueront que les Polynésiens en sont les premiers bénéficiaires, mais la situation est complexe et quelque peu perverse. On note par ailleurs l'impact culturel non négligeable de l'installation massive de métropolitains entre les années 1960 et les années 1990.

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En 2021, à la suite à la table ronde de Reko Tika, le Président de la République s'est rendu en Polynésie et a évoqué la dette de la France vis-à-vis du territoire. Comment les Polynésiens perçoivent-ils celle-ci ? Quelles attentes nourrissent-ils à l'égard de la France à ce sujet ?

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Je ne pense pas que cette dette, à la fois financière et morale, puisse être soldée un jour. Quels que soient la somme offerte ou le nombre de demandes de pardon, elle est vouée à rester perpétuelle. Elle concerne non seulement les Polynésiens, mais aussi toutes les personnes contaminées, quelle que soit leur origine. Les Polynésiens auraient souhaité que le Président de la République présente des excuses lors de sa visite en 2021, au lieu de se contenter d'assumer les faits. Une excuse tardive est sans doute préférable à une absence totale d'excuse, mais elle se doit d'être sincère. Les Polynésiens, en particulier la génération des plus de 40 ans, sont des personnes très religieuses, chrétiennes, pour qui pardonner les offenses et les péchés est très important. La demande de pardon lorsqu'une faute a été commise leur paraît naturelle. Même si présenter ses excuses ne suffira probablement pas, cela n'en demeure pas moins une étape indispensable. Toutefois, il est essentiel de ne pas s'enfermer dans une culture de la dette, qui engendre également une culture de la dépendance.

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Merci pour votre réponse. Selon vous, existe-t-il un lien direct ou indirect entre les mouvements autonomistes et indépendantistes polynésiens et l'histoire des essais nucléaires ?

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Dans les années 1950, un mouvement nationaliste polynésien a émergé, coïncidant avec les grandes années du nationalisme en Afrique et dans d'autres colonies françaises. À cette époque, soit bien avant la période des essais nucléaires, le nationalisme tahitien était incarné par le député Pouvana'a a Oopa. Lors du référendum de 1958 sur l'acceptation de la constitution de la Ve République, 35 % de la population des établissements français de l'Océanie, qui venaient de prendre le nom de Polynésie française, ont exprimé leur volonté de dire non à la constitution et à la France, votant ainsi de fait pour l'indépendance. Le nationalisme polynésien existait donc bien avant les essais nucléaires et s'inscrit dans un processus observé dans toutes les colonies françaises au cours des cinq dernières années de cette période, menant à la vague d'indépendance autour de 1960. Le nationalisme représente l'expression naturelle de la volonté d'un peuple colonisé de reprendre en main son destin, en dehors de toute autre question. Cependant, aujourd'hui, ce nationalisme est devenu inextricablement lié à la question des essais nucléaires, ce qui complique la situation. Nous observons le développement d'un nationalisme parfois empoisonné par cette question, au lieu d'un nationalisme historiquement naturel.

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Selon vous, comment les jeunes générations se pensent-elles vis-à-vis de l'histoire des essais nucléaires et de la participation ou de l'opposition de leurs parents et grands-parents ? Pourriez-vous plus largement dresser un portrait de la jeunesse polynésienne, des influences idéologiques qui la traversent (langues, cultures et espaces géographiques), dans le contexte océanien et de la proximité de la Polynésie française avec les États-Unis ?

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Je ne pense pas que la jeunesse polynésienne soit influencée, manipulée ou orientée. Elle est surtout façonnée par l'éducation française et les médias. On évoque parfois l'américanisation de la Polynésie française, mais lorsque je marche dans la rue, je n'entends jamais deux Tahitiens se parler en anglais. L'influence des États-Unis relève du fantasme. Il est logique que certains des biens de consommation disponibles sur le marché polynésien soient d'origine américaine, en raison d'une certaine proximité géographique. Cependant, les importations en provenance de France métropolitaine sont souvent moins taxées que les articles expédiés depuis les États-Unis, donc les produits américains ne sont pas moins onéreux que les produits français. En réalité, la jeunesse est surtout façonnée par sa culture française et par le poids d'un système scolaire éducatif dans lequel elle entre dès l'âge de deux ou trois ans. D'ailleurs, la jeunesse communique de plus en plus en français et de moins en moins à travers les langues polynésiennes. Sa relation avec la France n'en demeure pas moins ambivalente. Elle est, d'une certaine manière, assez française de culture. Si la mondialisation a entraîné le développement des réseaux sociaux, les Polynésiens utilisent un mélange de français et de tahitien pour échanger sur Facebook ou TikTok. La jeunesse tahitienne ou marquisienne oscille entre la culture française, qui ne fascine pas, qui représente la culture imposée par le colonisateur, mais qui est importante pour l'emploi, la formation et l'éducation, et la culture locale.

Par ailleurs, les jeunes générations ne sont pas très informées sur la question des essais nucléaires, en partie à cause du système éducatif, qui a tendance à éluder le sujet, de l'école élémentaire jusqu'à l'université. Au lycée, on évoque un peu cette question dans le cadre des enseignements sur l'histoire et la mémoire, en vue de la préparation du baccalauréat. A l'université, la filière qui devrait s'y intéresser le plus est la licence d'histoire. Cependant, ce cursus étant orienté vers l'obtention du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (CAPES), toute heure destinée à l'enseignement de l'histoire polynésienne entraîne un retard sur le reste du programme consacré à la Grèce antique, au Moyen Âge ou à l'histoire moderne et contemporaine. Il en va de même avec la géographie, ainsi que dans toutes les classes préparant à un examen et répondant donc à un programme précis (troisième, première et terminale). Il convient en outre de reconnaître que les Polynésiens ne sont pas particulièrement passionnés par l'histoire, à la différence des Kanaks de Nouvelle-Calédonie. Ils expriment leur identité et leur appartenance à leur pays davantage par des pratiques culturelles (la danse, le chant, la pirogue, etc.) plutôt que par un intérêt marqué pour l'histoire. Les historiens polynésiens sont d'ailleurs assez rares.

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Merci pour vos réponses. Je partage d'ailleurs votre avis sur la notion de « fait nucléaire ». Ne pensez-vous pas que le manque d'informations, notamment sur les faits historiques relatifs à la période des essais nucléaires, contribue au désintérêt des jeunes générations, y compris des quarantenaires et des cinquantenaires ? Par ailleurs, observez-vous des fractures au sein de la société polynésienne, potentiellement dues à ces fragments d'histoire manquants ?

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Votre première question est tout à fait pertinente et l'on peut probablement y répondre affirmativement. C'est sans doute ce qui explique la présence d'une vision assez simpliste, autour d'une posture de défiance des Polynésiens face aux mensonges, manipulations et empoisonnements. Il est certain que si l'histoire était davantage enseignée, l'attitude de la population pourrait être différente, mais il faut garder à l'esprit que cette histoire est douloureuse. Pour ma part, malgré l'existence de problématiques telles que les violences conjugales ou les incestes sur le territoire, j'ai toujours refusé de travailler sur ces sujets, en raison de leur caractère pénible et douloureux. La question du nucléaire et son enseignement représentent un défi pour le professeur, qui doit peser chaque mot utilisé, son discours pouvant s'avérer difficile à entendre pour les étudiants. Les efforts à réaliser dans ce domaine sont indispensables. Malgré la facilité d'accès aux informations sur des sites internet dédiés, peu de personnes font la démarche de s'intéresser à un sujet aussi dur et austère.

Il ne me semble pas que cette attitude découle d'un sentiment de culpabilité. Je ne constate pas non plus de fracture de la société. Au contraire, un consensus paraît émerger autour de la conviction d'avoir été trompés, trahis, manipulés et empoisonnés. Globalement, à mon avis, 99 % de la société partage l'idée d'avoir subi la période des essais nucléaires sans avoir reçu la moindre explication. Il est difficile de déterminer si la population n'a pas envie de se sentir coupable ou si elle ne peut tout simplement pas le concevoir, faute d'avoir été informée. Au contraire, les Polynésiens tendent plutôt à se considérer comme des victimes. Souvenons-nous qu'à l'époque des essais, les manifestations contre le nucléaire étaient rares, car les gens ignoraient de quoi il s'agissait. De plus, les opposants étaient étroitement surveillés, l'État ayant dissous les partis indépendantistes au début des années 1960. En définitive, les Polynésiens, ne sachant pas vraiment ce qui se passait, ne se sont pas beaucoup opposés.

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Monsieur le professeur, avant votre intervention, un vétéran a conclu son propos en évoquant la perte des valeurs familiales en Polynésie après les années 1960. Comment percevez-vous cette évolution aujourd'hui ?

Après-demain, nous célébrerons l'anniversaire du Débarquement en Normandie. En tant que député du Havre, je peux témoigner que nous ressentons à la fois la joie de la Libération et la douleur du souvenir de la destruction totale de la ville quelques mois plus tard. Pour les Havrais, cette mémoire est encore vive et comporte des questions persistantes sur les responsabilités et les efforts de reconstruction. Observe-t-on chez les Polynésiens des interrogations similaires sur le passé ?

Nous avons par ailleurs rencontré des acteurs polynésiens qui exprimaient une certaine fierté d'avoir contribué à faire de la France une puissance nucléaire, considérant avoir aidé leur pays dans sa force de dissuasion. On imagine aisément que ces divergences ou superpositions de points de vue peuvent engendrer des débats assez complexes.

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Je pense que chacun ressent à la fois un sentiment de tromperie et d'utilité. Cette situation est d'autant plus perverse que les Polynésiens ont le sentiment d'avoir offert leurs îles à la France pour des essais nucléaires présentés comme inoffensifs. Ils sont convaincus que leur utilité implique une grande redevabilité de la part de la France. La dette est liée à un processus auquel ils ont participé, mais qu'ils n'ont pas choisi.

Concernant la notion de solidarité familiale, il faut reconnaître l'existence d'un processus de modernisation dans toutes les sociétés. Par conséquent, même sans le CEP, la Polynésie française aurait été concernée par les phénomènes contemporains tels que l'urbanisation et l'émergence du salariat. Cependant, les essais nucléaires ont accéléré ces processus en raison des injections massives d'argent public. Ainsi, la commune de Faaa, qui comptait 2 000 habitants en 1962, en recensait entre 15 000 et 20 000 quinze ans plus tard, révélant un essor démographique considérable à Tahiti lié aux opportunités économiques. Ce phénomène a entraîné une urbanisation extrêmement rapide. Jusque dans les années 1960, la majorité de la population de Polynésie vivait en dehors de Tahiti. Ce vaste mouvement démographique vers Tahiti a donc conduit certains à se séparer de leurs familles, restées dans les îles. En milieu urbain, les familles se sont recomposées différemment. Par ailleurs, le salariat a introduit des rapports plus individualistes, d'autant que seuls ceux qui percevaient un salaire étaient valorisés. Auparavant, l'argent était rare et les gens partageaient le peu qu'ils possédaient.

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Votre exposé s'est révélé extrêmement intéressant et révélateur de ce que les Polynésiens peuvent ressentir ou penser. Selon vous, quel chemin faudrait-il emprunter pour tenter de restaurer un début de confiance entre la Polynésie et le gouvernement français et, plus largement envers la métropole ?

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Je ne suis pas optimiste sur ce point. Il me semble difficile pour les Polynésiens de retrouver confiance en la France eu égard à la gravité des événements. Celle-ci est rompue et je n'ai pas de solution à proposer. Par ailleurs, les Polynésiens vivent dans la crainte d'un tsunami qui briserait le récif de Moruroa. Une culture de la peur s'est installée, face à des conséquences qui pourraient durer plusieurs siècles. Certaines mesures minimales sont toutefois à envisager, comme la demande de pardon et l'offre de compensations financières, qui néanmoins ne suffiront pas. Je suis navré de me montrer aussi pessimiste. Toutefois, il est à noter qu'il ne s'agit ici que de mon ressenti personnel et non du résultat d'une quelconque étude anthropologique fondée sur une enquête sociologique auprès d'un large échantillon de la population.

Si les Polynésiens n'ont pas confiance en l'État, ils en ont en revanche besoin. D'ailleurs, chaque année, 700 jeunes Tahitiens et insulaires s'engagent dans l'armée française et partent en métropole, reflétant ainsi le processus d'assimilation par la France des populations ultra-marines. Cet engagement ne signifie pas pour autant que les jeunes recrues aient confiance en la France. La situation est très paradoxale. Souvent, ces jeunes ont grandi dans des îles polynésiennes ou dans une commune de Tahiti avec un drapeau indépendantiste au-dessus de la maison. Ensuite, ils se retrouvent, trois ou quatre frères dans l'armée à servir le drapeau français, non par attachement à la patrie, mais pour les opportunités de carrière qui en découlent. Étant donné qu'ils manquent à la fois d'argent et de travail chez eux, ils en concluent que le salut réside dans l'armée, reprenant à nouveau les rênes de leur destin. On peut alors se demander s'ils font confiance à la France ou s'ils ne sont tout simplement pas incapables de vivre sans elle. Quoi qu'il en soit, ils nouent des relations en métropole, y développent des amitiés et des liens affectifs forts, avec des frères d'armes français, jusqu'à parfois y trouver leurs conjoints. Les Polynésiens font preuve d'une grande gentillesse et d'un optimisme remarquable.

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Je connais personnellement de nombreux Polynésiens qui ont intégré l'armée française, y ont fait carrière et sont souvent très estimés dans leurs régiments, à l'instar d'ailleurs des Wallisiens ou d'autres ultramarins. Espérons que cela pourra restaurer un peu de la confiance perdue.

Vous avez évoqué plus tôt la présence des drapeaux indépendantistes flottant au-dessus des maisons des Polynésiens. Pensez-vous que certaines influences extérieures s'exercent sur l'archipel ? Le cas échéant, d'où pourraient-elles provenir ?

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Ces influences peuvent venir de partout. En tant que Polynésien, si l'on se méfie de l'État et que l'on estime qu'il est partisan et de mauvaise foi, on se tourne vers d'autres partenaires sans culpabilité et sans avoir besoin de s'expliquer. Je ne pense pas du tout que les Polynésiens soient manipulés, ce qui reviendrait à les infantiliser. Ils sont tout à fait capables de construire des partenariats avec ceux qui s'intéressent à eux, tout en sachant qu'ils peuvent n'être que temporaires ou stratégiques.

Pour revenir à l'influence des États-Unis, seule une petite partie de la population polynésienne est favorable à ce pays, sans toutefois que l'on note une ingérence de sa part. L'influence se traduit aussi par la présence en Polynésie française de Mormons, qui représentent environ 8 à 10 % de la population. Les jeunes partent ainsi souvent aux États-Unis pour des missions d'évangélisation et maîtrisent bien la langue anglaise. Pour autant, les liens ne sont pas plus développés. On observe aussi une certaine amitié ou fascination pour la Nouvelle-Zélande, qui représente un pays « frère », à la fois géographiquement et culturellement proche, les Maoris étant des Polynésiens et la langue parlée étant très similaire au tahitien. On y va parfois dans le cadre d'évacuations sanitaires, évitant ainsi de se rendre en métropole. La Nouvelle-Zélande n'exerce pas d'influence à proprement parler sur la Polynésie, mais entretient avec elle un certain nombre de partenariats. Les relations avec l'Australie sont en revanche quasi inexistantes, se limitant au cas de quelques jeunes qui poursuivent leurs études dans des universités australiennes. Quant à l'Azerbaïdjan, la Russie ou la Chine, ces pays posent de grandes questions dans le Pacifique. Les Tahitiens sont pleinement conscients que la Chine ne représente pas un modèle en matière de droits de l'homme et qu'ils ne gagneraient rien à entretenir une relation trop étroite avec ce pays. Cependant, tout reste possible. La politique est un jeu d'acteurs et de positionnements, bien que certaines limites morales ne puissent être franchies.

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Ma question s'inscrit dans la continuité des précédentes et concerne l'inscription de la Polynésie française dans une identité polynésienne plus large – vous mentionniez d'ailleurs à l'instant les Maoris de Nouvelle-Zélande. Comment qualifiez-vous l'évolution de cet attachement identitaire ? Est-il plus ou moins fort aujourd'hui qu'auparavant ? A-t-il été bouleversé par l'ère nucléaire, sachant qu'il n'est question ici ni d'histoire ni d'influence politique, mais d'une dimension plutôt culturelle et traditionnelle ? Pensez-vous que cet attachement identitaire soit influencé par des phénomènes culturels récents, comme la valorisation de la culture polynésienne – présentée comme « cool » – dans des films américains tels que « Moana » ? Ressent-on cette tendance dans le périmètre d'influence française dans le Pacifique ? Cette valorisation culturelle pourrait-elle entrer en tension avec l'histoire mouvementée et le rapport tendu que vous évoquez vis-à-vis de la France ? Par ailleurs, la question du nucléaire constitue-t-elle un point de jonction dans les liens au sein de l'espace polynésien ? En effet, les Polynésiens français ne sont pas les seuls à avoir été affectés par les essais nucléaires dans le Pacifique.

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Seuls les activistes ou les personnes très informées discutent des essais nucléaires américains en Micronésie. Cela intéresse très peu les Polynésiens de Polynésie française, qui connaissent déjà assez mal l'histoire de leur propre pays, tout en sachant que les autres nations n'ont pas forcément fait mieux que la France. On ne peut pas parler de mouvement pan-Pacifique en la matière. En revanche, l'idée d'une identité polynésienne incluant Hawaï, l'île de Pâques, la Nouvelle-Zélande, les Samoa ou encore les Tonga résonne véritablement en raison de similitudes culturelles et linguistiques très fortes. Depuis 1975 environ et le développement des compagnies aériennes, s'enchaînent tous les quatre ans des festivals des arts du Pacifique ainsi que les Jeux du Pacifique. On note l'émergence d'un sentiment d'appartenance à cette vaste Polynésie, à une nouvelle identité plus large. Les Tahitiens se sentent solidaires de l'ensemble des Polynésiens, que ces derniers vivent ou non sur des territoires indépendants.

Cette identité régionale polynésienne s'ajoute à l'identité française et d'une certaine manière, la contrarie. Concrètement, la Polynésie française possède un drapeau depuis les années 1990-1995. Lors des Jeux du Pacifique et d'autres compétitions sportives, les Polynésiens français sont fiers de défiler sous le drapeau polynésien plutôt que sous le drapeau français. De nombreux Polynésiens ont également fait tatouer leur drapeau sur le bras, le dos ou le cœur. Celui-ci représente une pirogue et les cinq archipels, la pirogue symbolisant non seulement les habitants de la Polynésie française, mais également les anciens migrants polynésiens. Il existe donc une fraternité océanienne et surtout polynésienne, qui constitue une appartenance nouvelle par rapport aux années 1950, époque à laquelle le seul lien avec l'extérieur était la mère patrie.

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Vous évoquez la fraternité culturelle et son lien avec l'environnement océanique. En effet, la pirogue, moyen de transport entre les îles, symbolise cette connexion avec l'océan. Ce dernier joue-t-il un rôle central dans cet espace culturel, influençant les modes de vie et les traditions ? Cette relation intime avec la nature nous interroge également sur la responsabilité de la France quant aux dommages causés à la nature et l'environnement. Des scientifiques que nous avons auditionnés nous indiquent que la dispersion des retombées est très forte en milieu océanique, rendant difficile la quantification des dommages infligés. Cependant, dans sa dimension affective, ne peut-on pas considérer que le dommage causé à l'océan est aussi important que celui causé aux humains ?

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Les Polynésiens entretiennent une relation complexe avec l'océan. En tant qu'anthropologue, je souligne qu'ils sont à l'origine des migrants, qui se sont installés dans ces îles plusieurs millénaires en arrière. Les Polynésiens entretiennent donc une culture de la migration opposée à celle de l'enracinement. Cette culture se divise en deux références principales : l'océan d'une part, qui symbolise les déplacements, les ancêtres et le voyage – on est autochtone de l'océan –, et la terre d'autre part, le jour où l'on s'arrête, où l'on devient autochtone, où l'on s'approprie une île, où l'on devient un enfant de cette île, développant des liens profonds avec la terre mère, lui donnant des noms, y enterrant le placenta de ses enfants. Par exemple, les Maoris de Nouvelle-Zélande n'apprécient pas qu'on leur rappelle leur passé de migrateurs, car ils se sont profondément enracinés dans leur terre. Ils considèrent que les discours sur la migration peuvent fragiliser leur autochtonie, bien que celle-ci n'ait pas lieu d'être remise en cause. Si la question de l'océan est idéologique, les Polynésiens préfèrent célébrer leur lien avec la terre, malgré les bouleversements et la contamination qu'elle subit. L'océan représente aussi la source de nourriture, notamment le poisson, élément central de l'alimentation polynésienne. La contamination de la terre et de l'océan pose ainsi un problème de santé publique, la consommation des produits de l'océan pouvant entraîner une recontamination continue. En conclusion, la contamination de la terre tahitienne, réelle autant que symbolique, est extrêmement violente. Ce sujet est très sombre, et peut s'avérer très douloureux pour les Polynésiens, qui préfèrent parfois l'occulter totalement pour se concentrer davantage sur des sujets positifs du quotidien tels que l'éducation de leurs enfants, la recherche d'un emploi ou encore la pratique d'activités sportives.

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Lors de précédentes auditions, nous avons beaucoup échangé autour du bénitier en tant que vecteur potentiel de contamination au cours des précédentes auditions.

S'agissant de l'éducation et de l'histoire, ma ville a accueilli vendredi dernier des hibakushas venus du Japon dans le cadre de programmes municipaux de culture de la paix. Nous travaillons en particulier avec les collégiens, les centres de loisirs et dans les quartiers sur ces questions. Nous expliquons, par exemple, ce que sont les armes nucléaires ainsi que l'existence du traité d'interdiction de celles-ci, palliant ainsi la défaillance de l'éducation nationale à ce niveau. En ce qui me concerne en tant qu'habitant du Havre et héritier de son histoire tragique, je suis convaincu que si j'avais été Polynésien, je serais un fervent militant du traité d'interdiction des armes nucléaires, manifestant à divers endroits du monde, de New York à Hiroshima, pour exhorter les puissances à ne jamais recommencer et pour réclamer le démantèlement de toutes les armes existantes. Aussi, existe-t-il en Polynésie un militantisme antinucléaire fort et, le cas échéant, comment celui-ci s'exprime-t-il ? Comme vous l'avez mentionné, on parle peu de l'histoire de la bombe atomique dans les médias français et les manifestations pacifistes sont rarement couvertes. Nous sommes parfois accusés d'être à la solde de forces étrangères lorsque nous nous opposons aux armes nucléaires, alors que nous sommes de simples citoyens soucieux de ne pas voir notre planète détruite.

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Bien qu'ayant grandi et vécu quarante-cinq ans en Polynésie, je ne me considère pas comme pleinement polynésien dans le sens où je pense être chez eux et non chez moi. Cependant, si j'étais polynésien, je serais forcément écologiste. Je ne comprends pas pourquoi le parti écologiste n'a jamais réussi à se développer ici. En réalité, nous sommes tous écologistes, mais nous ne sommes pas nécessairement affiliés à un parti écologiste plutôt qu'à un autre. Les discours sur la terre et le lagon devraient obligatoirement aboutir à un engagement écologiste. En revanche, l'idée d'une conscience planétaire nous incitant à manifester pour l'écologie ou contre le nucléaire à l'échelle mondiale est complexe pour les Polynésiens, qui nourrissent des solidarités et des préoccupations locales plutôt que planétaires. La majorité considère qu'il faut d'abord s'occuper de ce qui se passe dans son propre pays. Par ailleurs, les associations qui pourraient pallier les manques de l'éducation nationale et territoriale font l'objet de jeux de pouvoir. Ainsi, certaines peuvent être accusées d'être manipulées par les indépendantistes et se voir, par exemple, refuser le prêt d'une salle pour leurs réunions. Il existe certes un consensus parmi les Polynésiens pour reconnaître que chacun est victime du nucléaire et aurait intérêt à demander un dédommagement en nature. Cependant, la culture du bipartisme, marquée par le clivage entre indépendantistes et non-indépendantistes, freine certaines évolutions. Les Polynésiens sont profondément chrétiens et se considèrent comme pacifiques. Globalement, on recense très peu de violences politiques dans ce pays malgré son histoire coloniale et la période des essais nucléaires, qui n'ont pas donné lieu à des soulèvement de populations.

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Avez-vous pu consacrer une partie de vos travaux à l'importance de l'oralité dans la transmission de la mémoire des essais nucléaires ? Avez-vous réfléchi aux moyens de préserver celle-ci à travers des témoignages ?

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Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne

Un centre de la mémoire devait être installé à Papeete, dans une ancienne caserne me semble-t-il, incluant la mise à disposition d'un espace de 500 à 600 mètres carrés pour les artistes. C'était une excellente initiative, qui visait à associer la préoccupation liée au nucléaire avec le développement des arts, offrant ainsi une perspective positive. Malheureusement, ce projet n'a pas abouti, sans que j'en connaisse les raisons. Certains spectacles de danse font référence à la souffrance face à une nature violée et contaminée, à travers un discours simple et non des archives poussiéreuses qui ne représentent pas grand intérêt pour la population. La culture historique liée à l'ère nucléaire est lourde et il revient à l'école de l'enseigner et l'espace artistique reste essentiel. Les Polynésiens sont des artistes, ils apprécient la beauté, les spectacles, les fleurs, la danse. C'est donc à travers l'art que le devoir de mémoire peut selon moi s'accomplir et il est urgent de faire avancer ce projet d'espace dédié, qui n'a toujours pas abouti en cinq ans. Il y a là quelque chose à débloquer pour faire avancer ce projet.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous remercie pour l'ensemble de ces échanges. Durant ma campagne électorale, j'ai été fréquemment approchée à propos de la période des essais nucléaires et j'ai recueilli de nombreux témoignages de familles déchirées. Certaines personnes avaient, en quelque sorte, profité du CEP, tandis que d'autres en avaient souffert, notamment en tombant malades. Je pense que notre commission a justement pour objectif de faire la lumière sur un sujet grave, afin que la population puisse se réapproprier son histoire et combler ses lacunes, dans l'espoir d'aboutir à une réconciliation, tant avec la nation, malgré ses torts puisqu'elle a sans doute empoisonné le territoire et plus largement la région, qu'au sein des familles elles-mêmes. En octobre dernier, s'est tenu le Heiva des collèges, qui consiste en des danses et des spectacles réalisés par des collégiens. Contre toute attente de ma part, sur un total de six collèges présents ce soir-là, deux ont présenté des spectacles ayant pour thème les essais nucléaires. J'ai ressenti que cette jeunesse souhaitait se réapproprier cette période de l'histoire. Les deux spectacles présentés montraient chacun les deux aspects à la fois positif et négatif de l'ère nucléaire. Ce sujet est certes loin d'être amusant, mais j'espère qu'en l'abordant et en formulant des recommandations de déblocage des archives, les chercheurs et historiens pourront mener des recherches et établir des faits qui, potentiellement, pourraient conduire à une réconciliation.

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Je m'associe à l'ensemble des membres de la commission d'enquête pour vous remercier de votre contribution et de vos réflexions. Je vous propose de compléter nos échanges en envoyant au secrétariat les documents que vous jugerez utiles et, si possible, en apportant des réponses écrites aux questions qui vous ont été adressées durant l'audition et en amont.

La séance est levée à 22 heures 15.

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Membres présents ou excusés

Présents. – M. Xavier Albertini, M. Hendrick Davi, Mme Raquel Garrido, M. Michel Guiniot, M. Jean-Paul Lecoq, Mme Mereana Reid Arbelot.

Excusés. – M. Didier Le Gac.