Votre première question est tout à fait pertinente et l'on peut probablement y répondre affirmativement. C'est sans doute ce qui explique la présence d'une vision assez simpliste, autour d'une posture de défiance des Polynésiens face aux mensonges, manipulations et empoisonnements. Il est certain que si l'histoire était davantage enseignée, l'attitude de la population pourrait être différente, mais il faut garder à l'esprit que cette histoire est douloureuse. Pour ma part, malgré l'existence de problématiques telles que les violences conjugales ou les incestes sur le territoire, j'ai toujours refusé de travailler sur ces sujets, en raison de leur caractère pénible et douloureux. La question du nucléaire et son enseignement représentent un défi pour le professeur, qui doit peser chaque mot utilisé, son discours pouvant s'avérer difficile à entendre pour les étudiants. Les efforts à réaliser dans ce domaine sont indispensables. Malgré la facilité d'accès aux informations sur des sites internet dédiés, peu de personnes font la démarche de s'intéresser à un sujet aussi dur et austère.
Il ne me semble pas que cette attitude découle d'un sentiment de culpabilité. Je ne constate pas non plus de fracture de la société. Au contraire, un consensus paraît émerger autour de la conviction d'avoir été trompés, trahis, manipulés et empoisonnés. Globalement, à mon avis, 99 % de la société partage l'idée d'avoir subi la période des essais nucléaires sans avoir reçu la moindre explication. Il est difficile de déterminer si la population n'a pas envie de se sentir coupable ou si elle ne peut tout simplement pas le concevoir, faute d'avoir été informée. Au contraire, les Polynésiens tendent plutôt à se considérer comme des victimes. Souvenons-nous qu'à l'époque des essais, les manifestations contre le nucléaire étaient rares, car les gens ignoraient de quoi il s'agissait. De plus, les opposants étaient étroitement surveillés, l'État ayant dissous les partis indépendantistes au début des années 1960. En définitive, les Polynésiens, ne sachant pas vraiment ce qui se passait, ne se sont pas beaucoup opposés.