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Intervention de Bruno Saura

Réunion du mardi 4 juin 2024 à 19h00
Commission d'enquête relative à la politique française d'expérimentation nucléaire, à l'ensemble des conséquences de l'installation et des opérations du centre d'expérimentation du pacifique en polynésie française, à la reconnaissance, à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français, ainsi qu'à la reconnaissance des dommages environnementaux et à leur réparation

Bruno Saura, anthropologue, professeur des universités en civilisation polynésienne :

Je ne suis pas optimiste sur ce point. Il me semble difficile pour les Polynésiens de retrouver confiance en la France eu égard à la gravité des événements. Celle-ci est rompue et je n'ai pas de solution à proposer. Par ailleurs, les Polynésiens vivent dans la crainte d'un tsunami qui briserait le récif de Moruroa. Une culture de la peur s'est installée, face à des conséquences qui pourraient durer plusieurs siècles. Certaines mesures minimales sont toutefois à envisager, comme la demande de pardon et l'offre de compensations financières, qui néanmoins ne suffiront pas. Je suis navré de me montrer aussi pessimiste. Toutefois, il est à noter qu'il ne s'agit ici que de mon ressenti personnel et non du résultat d'une quelconque étude anthropologique fondée sur une enquête sociologique auprès d'un large échantillon de la population.

Si les Polynésiens n'ont pas confiance en l'État, ils en ont en revanche besoin. D'ailleurs, chaque année, 700 jeunes Tahitiens et insulaires s'engagent dans l'armée française et partent en métropole, reflétant ainsi le processus d'assimilation par la France des populations ultra-marines. Cet engagement ne signifie pas pour autant que les jeunes recrues aient confiance en la France. La situation est très paradoxale. Souvent, ces jeunes ont grandi dans des îles polynésiennes ou dans une commune de Tahiti avec un drapeau indépendantiste au-dessus de la maison. Ensuite, ils se retrouvent, trois ou quatre frères dans l'armée à servir le drapeau français, non par attachement à la patrie, mais pour les opportunités de carrière qui en découlent. Étant donné qu'ils manquent à la fois d'argent et de travail chez eux, ils en concluent que le salut réside dans l'armée, reprenant à nouveau les rênes de leur destin. On peut alors se demander s'ils font confiance à la France ou s'ils ne sont tout simplement pas incapables de vivre sans elle. Quoi qu'il en soit, ils nouent des relations en métropole, y développent des amitiés et des liens affectifs forts, avec des frères d'armes français, jusqu'à parfois y trouver leurs conjoints. Les Polynésiens font preuve d'une grande gentillesse et d'un optimisme remarquable.

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