La commission, réunie en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à la discussion sur la thématique d'évaluation La gestion par l'État des crises du chlordécone et des sargasses dans les Antilles (M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial).
Mes chers collègues, l'ordre du jour de notre réunion appelle l'examen de la thématique d'évaluation retenue par le rapporteur spécial, Nicolas Sansu, rapporteur spécial de la mission Cohésion des territoires qui a retenu une thématique intéressant l'outre-mer ; puis dans un second temps, nous procèderons à une discussion de l'exécution budgétaire 2023 de la mission Outre-mer.
Il me revient de présenter aujourd'hui devant vous le fruit de plusieurs mois de travail sur les moyens mobilisés dans le cadre du programme 162 des interventions territoriales de l'État concernant la lutte contre le chlordécone et les sargasses en Guadeloupe et Martinique. Ce travail s'est construit autour d'une cinquantaine d'auditions.
Ces deux crises, chlordécone et sargasses, résultent de l'action de l'homme ; très directement, dans le premier cas, avec l'utilisation d'un pesticide au bénéfice d'une agriculture coloniale tournée vers l'exportation de la banane ; et plus indirectement, dans le second cas, avec l'intensification du changement climatique. Il n'existe pour aucune de ces deux crises de solutions permettant de régler à la source le problème. Il s'agit davantage d'apprendre à vivre avec, pour en limiter les conséquences, tout en investissant dans la recherche fondamentale afin d'ouvrir de nouvelles perspectives. Dans les deux cas, le problème de santé environnementale emporte avec lui des enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et sociaux auxquels la puissance publique se doit de répondre.
Ces réponses font l'objet de deux plans financés par le programme 162. Le plan chlordécone IV, établi pour la période 2021-2027 et le plan Sargasses 2, établi pour la période 2022-2025.
Le chlordécone est un pesticide qui fut utilisé de 1972 à 1993, de manière dérogatoire, malgré des alertes publiques dès 1979 en France. Il servait à lutter contre le charançon dans les plantations de bananes en Martinique et en Guadeloupe. Outre la contamination des travailleurs agricoles, les propriétés particulières des molécules, qui lui permettent de rester fixé plusieurs dizaines d'années, conduisent à une pollution pérenne des sols et des eaux. Cette pollution se transfère à la population principalement par l'alimentation, c'est-à-dire par la consommation d'eau ou d'aliments contaminés. De ce fait, une partie importante de la population présente des taux de chlordécone dans le sang pour lesquels le risque pour la santé ne peut pas être écarté.
Ainsi, 14 % de la population adulte en Guadeloupe et 25 % de la population adulte en Martinique présentent un dépassement des valeurs toxicologiques de référence. Face à la persistance de la pollution et l'absence de procédés scientifiques efficaces à grande échelle pour le traiter, le plan chlordécone IV s'est aujourd'hui recentré sur des actions visant à accroître l'information disponible, à limiter les risques d'exposition de la population et à renforcer le développement de la recherche scientifique.
Cela se traduit par la possibilité pour chaque habitant d'effectuer un test de chlordéconémie, gratuitement, avec ordonnance en Guadeloupe et sans ordonnance en Martinique. Les potentielles sources de contamination sont ensuite testées par des contrôles sur les denrées alimentaires vendues et l'eau potable. Malgré des taux de conformité élevés sur les denrées alimentaires (97 % environ dans les deux îles), le fort développement dans ces territoires de circuits d'approvisionnement informels plus faiblement contrôlés – une cinquantaine de contrôles seulement pour les deux îles – pourrait laisser présager des taux de conformité effective nettement moins satisfaisants.
Pour les particuliers ayant recours à des productions domestiques, des analyses de sols sont elles aussi possibles, gratuitement. Ces tests de sols sont également disponibles pour les agriculteurs volontaires, permettant ainsi de développer progressivement une cartographie de la contamination des sols agricoles, ainsi qu'une adaptation des cultures et des méthodes d'élevage en fonction du niveau de contamination.
J'estime que l'ensemble du plan est utile et pertinent et qu'il constitue un effort financier important, mais très tardif. Il pourrait être encore amélioré, notamment par une amplification des contrôles sanitaires des circuits informels de distribution alimentaire, une harmonisation et une simplification des procédures de réalisation des tests de chlordéconémie et une intensification des analyses et de la cartographie des sols, ainsi qu'une amélioration des capacités analytiques locales nécessaires à la réalisation de l'ensemble de ces analyses.
Je suis en revanche convaincu que la faible appropriation de l'information par la population locale constitue l'une des principales critiques opposables au plan actuel, dans le contexte d'une certaine défiance vis-à-vis de l'État. Il est nécessaire d'améliorer la diffusion de l'information auprès du grand public, en s'appuyant sur des tiers de confiance comme les professionnels de santé, les élus locaux, les acteurs associatifs, qui seront mieux écoutés.
Par ailleurs, force est de constater que toute mesure visant à lutter contre le chlordécone restera inaudible tant que les questions centrales concernant la responsabilité et la réparation ne seront pas abordées. La responsabilité concerne d'abord celle d'un modèle de domination coloniale qui a conduit à la monoculture. Aujourd'hui, ce sujet oblige la République, car chacun sait qu'un tel scandale dans l'hexagone aurait été géré bien autrement et avec plus de célérité. C'est la résultante, comme le dit Malcom Ferdinand, de « la chimie des maîtres ». Or l'indemnisation proposée à ce jour par le biais du fonds d'indemnisation des victimes de pesticides ne répond en rien à la quête légitime de réparation des populations antillaises. Fin mars 2024, soit après plus de trois ans de fonctionnement, soixante-six rentes seulement étaient versées, pour un montant total de moins de 200 000 euros sous la forme de rentes mensuelles.
Face à cet échec, je propose d'avancer dans le chemin de la réparation par la création d'un fonds d'indemnisation spécifique, le cas échéant géré par un établissement public indépendant, sur le modèle du fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva), en partie financé par une augmentation de la taxe sur les produits phytopharmaceutiques et la création d'une contribution spécifique sur le chiffre d'affaires des gros producteurs de bananes, offrant ainsi une réparation intégrale pour toutes les victimes de maladies liées au chlordécone, qu'elles soient professionnelles ou environnementales, ainsi que pour l'ensemble de leurs ayants droit. Cette mesure profondément politique est la seule à pouvoir rétablir le lien de confiance entre l'État et les populations antillaises en respectant la dignité des victimes.
Concernant le second sujet d'évaluation de cette année, les sargasses sont des algues brunes qui, depuis 2011, s'échouent sur une partie du littoral de la Martinique et de la Guadeloupe. Outre la pollution visuelle et les problèmes d'accès aux plages et aux ports pour les professionnels, la putréfaction des algues échouées est la source d'émission de gaz, dont l'hydrogène sulfuré qui s'avère particulièrement désagréable à l'odorat mais également toxique pour l'organisme. Les sargasses contenant également de fortes concentrations en arsenic et parfois en chlordécone, leur détérioration peut également conduire à une pollution durable des sols et des eaux.
Dans ce contexte, le plan Sargasses 2 tire les conséquences de la pérennisation du phénomène par la tentative de mise en place d'une réponse opérationnelle durable. Des collectes en mer s'appuient sur un système de barrages flottants qui permet de bloquer les algues près de la côte, de les ramasser sur un bateau collecteur, de les transférer sur une barge de stockage pour les immerger ensuite en mer. Le ramassage au sol s'opère par des outils mécaniques ou manuellement par la mobilisation de travailleurs au sein d'organismes d'insertion. Pour l'heure, j'ai pu constater que le niveau d'investissement réalisé reste très inférieur aux besoins sur le terrain, afin d'assurer une réponse opérationnelle suffisante en cas d'afflux de sargasses important. Les deux préfectures mobilisent aujourd'hui leur dotation de droit commun, telles que la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), au détriment des autres projets des communes.
De la même manière, le niveau de connaissances sur le sujet, bien qu'en amélioration, reste limité. S'il est acquis que la putréfaction de l'algue produit de l'hydrogène sulfuré et de l'ammoniac, la composition précise du gaz dégagé n'a toujours pas été identifiée par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). Dès lors, la connaissance précise des conséquences sanitaires d'une exposition chronique aux émanations reste limitée, tant pour la population générale que pour les travailleurs chargés de la collecte.
Ce tâtonnement est aussi palpable concernant la gouvernance du plan par les différentes collectivités territoriales impliquées. En Guadeloupe, un groupement d'intérêt public (GIP) a été créé. Un syndicat mixte doit être mis en place pour en devenir le bras armé opérationnel. En Martinique, un GIP est en cours de finalisation et deviendra l'opérateur unique, mais il n'intègre pas les communes, pourtant chargées de la mise en œuvre opérationnelle.
Dans ce contexte, il est maintenant temps de définitivement sortir de la phase de gestion de crise des dispositifs pour enfin parvenir à une phase pleinement opérationnelle, à la hauteur des enjeux et des besoins constatés sur le terrain. À cet effet, je propose d'accroître significativement les financements mobilisés, non seulement pour l'acquisition de matériels spécialisés, mais également pour les coûts de fonctionnement et de maintenance supportés par les communes. Ce financement supplémentaire pourrait s'appuyer sur la mise en place d'une taxe additionnelle sur la taxe de séjour, susceptible de rapporter entre 2,5 et 5 millions d'euros par an, pour un coût entre 25 et 50 centimes d'euro par nuitée dans un hôtel quatre étoiles.
Enfin, je souhaite vous alerter avec gravité sur trois risques majeurs concernant les sargasses à l'avenir. Le premier est celui d'un scandale sanitaire si rien n'est fait rapidement pour adapter aux conditions réelles sur le terrain les mesures de protection des travailleurs impliqués dans la collecte des sargasses. Les prescriptions actuelles ne sont en effet pas mises en œuvre en raison de la difficulté de faire porter des gants, des bottes et des demi-masques filtrants anti-gaz, ou encore une cagoule à ventilation assistée aux travailleurs chargés de ramasser les algues.
Le deuxième risque est celui d'un scandale environnemental si rien n'est fait rapidement pour améliorer les pratiques de stockage, avec des aménagements adéquats pour prévenir la contamination des sols et des eaux souterraines en arsenic. Je vous alerte sur la faiblesse des sites actuels de stockage, des terrains nus sans aménagement particulier, parfois sur des terrains privés, voire des espaces naturels tout près de la mangrove, très souvent dans des conditions improvisées, dans l'urgence.
Le troisième risque est un scandale économique, dans la mesure où l'hydrogène sulfuré entraîne une dégradation du matériel électrique et électroménager, auquel il faut ajouter la dévalorisation significative des biens immobiliers, du fait des nuisances dues aux sargasses. C'est la raison pour laquelle j'invite le gouvernement à mener une réflexion sur la définition d'un cadre juridique et financier pour indemniser les victimes des dommages matériels causés par les sargasses.
Madame la ministre, vous l'aurez compris, la situation en Martinique et en Guadeloupe nécessite une réponse forte, coordonnée et durable de la part de l'État. Nous devons accroître notre mobilisation, intensifier nos efforts de prévention, de recherche et de réparation et adapter nos dispositifs aux réalités locales. Les enjeux sont trop importants pour que nous restions inactifs. Permettez-moi de conclure par une citation d'Aimé Césaire qui résume l'essence de notre devoir : « Une civilisation qui s'avère incapable de résoudre les problèmes que suscite son fonctionnement est une civilisation décadente. Une civilisation qui choisit de fermer les yeux à ses problèmes les plus cruciaux est une civilisation atteinte. Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde ».
Permettez-moi d'abord d'adresser mes remerciements au rapporteur spécial pour avoir choisi de réorienter nos discussions vers deux sujets extrêmement importants, qui touchent directement la vie des Antillais.
Le plan chlordécone IV témoigne de la mobilisation totale du gouvernement pour lutter contre cette pollution. Vous avez eu raison de souligner la prise de conscience tardive, puisqu'il aura fallu effectivement attendre vingt-cinq ans avant qu'un Président de la République, en l'occurrence Emmanuel Macron, s'engage réellement dans ce combat pour réparer, agir et se rapprocher chaque jour un peu plus du zéro chlordécone. Sur cette base, nous avons initialement doté d'un budget de 92 millions d'euros sur la période 2021-2027, dont plus de 31 millions d'euros financés par le programme des interventions territoriales de l'État, complété par d'autres financements de l'État, dont 3 millions d'euros via France Relance et 16 millions relevant des collectivités locales par le biais des fonds européens dont elles assurent la gestion.
En juin 2023, après avoir entendu les demandes des élus et des parties prenantes et en tenant compte des avancées scientifiques, le budget a été amplifié et renforcé à hauteur de 130 millions d'euros. Désormais, les préfets disposent d'une enveloppe annuelle qui est passée de 4,5 millions d'euros à 7 millions par an pendant cinq ans, soit une augmentation du budget de 12,5 millions d'euros sur la période 2023-2027. L'effort sur la recherche et l'innovation a été doublé pour l'horizon 2030, dans tous les domaines : la dotation passe ainsi de 26 à 52 millions d'euros.
Sur la période 2021-2023, le montant cumulé des crédits publics engagés s'élève à 35,7 millions d'euros, dont 19,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sur 2023. L'année 2023 a aussi été marquée par l'engagement de crédits élevés sur la recherche, en particulier par l'Agence nationale pour la recherche (ANR), soit 27 % du budget du plan. Les travaux de recherches complémentaires sont également financés dans les stratégies santé, environnement, alimentation et santé-travail.
Le programme des interventions territoriales de l'État (Pite) représente la plus grande part de crédits cumulés engagés, avec un taux de 44 %. Il est mobilisé en priorité pour toutes les actions locales : programme Jardins familiaux (Jafa), communication, analyse des sols gratuite pour les agriculteurs, aides aux bovins, coordination de la recherche phyto-victimes, financement des surcoûts liés au traitement de l'eau potable en zone contaminée par le chlordécone.
L'exécution du programme d'intervention territoriale de l'État a été très satisfaisante sur les trois années, avec un taux de consommation moyen proche de 99 % par rapport aux prévisions. En 2023, 99,95 % des crédits du programme ont été engagés dans un contexte d'augmentation significative. Depuis le début du plan, les crédits mobilisés sur le fonds d'intervention régional des Agences régionales de santé (ARS) pour la chlordéconémie et ceux du programme ont été augmentés significativement. Le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides monte en puissance avec un montant de 1,3 million d'euros cumulés sous forme de rente mensuelle ou de capital.
Au-delà de ces résultats, nous souhaitons bien évidemment aller plus loin en matière de partenariat et de communication. La convention signée avec l'association des maires de Martinique il y a quelques mois permet d'amplifier l'information des particuliers. Sur le plan sanitaire, des solutions existent pour les habitants de Guadeloupe et Martinique potentiellement exposés à ce pesticide, grâce à des dosages gratuits à disposition de tous les habitants. Environ 30 000 dosages de chlordéconémie ont été ainsi réalisés depuis la mise en place récente de ce dispositif. En complément, un programme spécifique dédié à toutes les femmes enceintes a été lancé en Guadeloupe. Ce bilan est proposé en même temps que le bilan sanguin de grossesse. Par ailleurs, les personnes surexposées bénéficient gratuitement d'une visite à domicile réalisée par un professionnel de santé pour identifier les sources de leur exposition. Ainsi, plus de 2 000 personnes sont accompagnées individuellement.
Nous agissons également par une meilleure information, en formant des professionnels de santé sur les territoires concernés. Ainsi, plus de 150 professionnels de santé ont d'ores et déjà reçu une formation. Nous agissons en outre pour les jardiniers amateurs et les exploitants agricoles, avec des analyses de sol gratuites ainsi que des conseils pour produire sans chlordécone en fonction du niveau de contamination des sols.
À ce jour, plus de 300 éleveurs bovins impactés par la pollution sont accompagnés et 100 dossiers de demande d'aides ont d'ores et déjà été déposés.
Le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides est opérationnel depuis fin 2020. Le cancer de la prostate est reconnu en tant que maladie professionnelle liée aux pesticides, dont le chlordécone depuis mai 2021, au même titre que certains lymphomes ou la maladie de Parkinson.
À ce jour aux Antilles, sur près de 180 dossiers reçus, 120 ont donné lieu à un accord et d'autres réponses sont en cours d'instruction. Près de quatre-vingts indemnisations ont été versées et, entre 2021 et 2023, le montant total versé au titre de ce fonds est de 1,3 million d'euros sous forme de rente mensuelle à vie ou de capital. La communication est d'ailleurs amplifiée pour améliorer la notoriété de ce dispositif et faciliter les démarches des victimes.
Concernant le second sujet de votre évaluation, il est vrai que les échouements de sargasses vont s'amplifier dans les prochaines années. Le gouvernement a donc décidé d'inscrire la lutte contre ces algues dans la durée à travers le plan national de prévention et de lutte contre les sargasses du plan Sargasses 2, doté de 36 millions d'euros et qui a bénéficié d'abondements complémentaires lors des deux dernières lois de finances.
Il s'articule autour de plusieurs axes. Le premier est d'ordre préventif, pour prévenir et anticiper les échouements à venir. Une convention a été signée avec MétéoFrance et le ministère de la transition écologique, afin d'être informé en amont de ces échouages et d'anticiper les zones de ramassage. En deuxième lieu, il faut mentionner la mise en place d'actions financées sur le Pite qui visent à surveiller les émanations de gaz une fois que les sargasses se sont échouées, par le renouvellement total des capteurs en Martinique et en Guadeloupe en 2024 et au déploiement des capteurs à Saint-Martin. À titre d'exemple, le financement par l'État du fonctionnement et du renouvellement du réseau de capteurs en 2024 représente 110 900 euros pour la Guadeloupe.
L'axe opérationnel vise à mettre en place des mesures, notamment pour la collecte des sargasses. Au cours des dernières années, l'État a en effet apporté son soutien aux collectivités dans le cadre de leurs opérations de collecte et d'acquisition de matériel. C'est le cas en Guadeloupe, avec les barrages de Petit-Bourg, de Marie-Galante ou des Saintes Terre-de-Haut. En plus de la pose de barrages, d'autres crédits financeront en 2024 les expérimentations de collecte en et en mer et de réimmersion, notamment en Martinique.
Par ailleurs, au cours de l'année 2024 et au regard des connaissances acquises sur les sargasses, l'aménagement des sites de stockage devra également être amélioré en vue de réduire l'impact sur l'environnement. Dans ce contexte, pour la Guadeloupe, le site de Marie-Galante reçoit 40 % des sargasses échouées et possède à ce titre un important site de stockage à Gros Cap. Ce site a été choisi comme site pilote et bénéficie de 853 000 euros de l'État depuis 2022. La participation de l'État pour l'aménagement de sites de stockage en Guadeloupe est estimée à hauteur de 815 000 euros en 2024.
Le troisième axe du plan Sargasses 2 concerne la recherche, le développement et l'innovation. À ce jour, aucune filière de valorisation n'est encore prête pour une phase de commercialisation. L'université de Guadeloupe conduit des travaux, financés par l'ANR, sur la mise en place de charbons actifs dans les sols pour la dépollution ou l'utilisation de biostimulants. Cependant, la valorisation dépendra essentiellement des capacités d'abattre l'arsenic contenu dans les sargasses échouées et de l'existence de zones de stockage adéquates dans des sites autorisés. D'autres recherches se poursuivent, notamment sur le co-compostage, la pyrolyse, les matériaux de construction.
Enfin, nous œuvrons sur le plan de la coopération internationale grâce à l'initiative internationale anti-sargasses lancée par notre ministère avec la vice-présidente de la région Guadeloupe, dont je salue l'engagement, et le Quai d'Orsay. En marge de la COP28, une déclaration finale conjointe a été adoptée avec nos partenaires dans la région et l'Union européenne (UE). Elle vise à élaborer un plan d'action international dans la perspective de la conférence des Nations unies sur les océans, qui se tiendra à Nice en 2025.
Pour avoir été rapporteur spécial sur ces sujets durant le mandat précédent, je sais pertinemment que ces crises environnementales majeures affectent nos territoires d'outre-mer. La contamination par le chlordécone a laissé des séquelles durables sur la santé publique et l'environnement dans les Antilles françaises. La population continue de souffrir des conséquences de cette pollution. Malgré les efforts déjà déployés, beaucoup reste à accomplir pour assurer un dépistage adéquat, une prise en charge médicale suffisante et des mesures de décontamination efficaces.
Les algues sargasses causent quant à elles des dégâts considérables sur les écosystèmes côtiers et impactent négativement l'économie locale, notamment le tourisme et la pêche. Les marées de sargasses perturbent également la vie quotidienne des habitants en raison des émanations de gaz toxiques qu'elles produisent lorsqu'elles se décomposent. Je sais que le gouvernement a beaucoup fait par le passé et que vous allez mettre tous les moyens nécessaires pour répondre à ces enjeux majeurs.
S'agissant des sargasses, les crédits déployés et la mutualisation effectuée par les préfets ont permis de faire face à la programmation. Lorsque des besoins exceptionnels sont intervenus, il a été également possible de recourir à des financements complémentaires pour assurer le renouvellement des capteurs. La collecte en mer s'effectue en mobilisant les crédits du ministère de l'intérieur et des outre-mer, avec 1,8 million d'euros en 2023 et 2024. L'installation des barrages constitue, aux dires des élus des collectivités locales qui en bénéficient, une véritable réponse pour l'échouement des sargasses. Enfin, le cadrage des besoins de financement devra être à nouveau effectué dans les discussions préparatoires à l'adoption d'un nouveau plan Sargasses, après 2025. Il coïncidera avec la montée en puissance des GIP et de leur capacité de financement complémentaire.
S'agissant du chlordécone, j'ai déjà évoqué les montants du fonds d'indemnisation actuel, créé en 2020 à la demande du Président de la République, une avancée particulièrement significative pour l'indemnisation des victimes de maladies professionnelles exposées aux pesticides et de leurs enfants exposés en période prénatale. La reconnaissance du cancer de la prostate comme maladie professionnelle en 2021 facilite l'accès aux fonds. À ce jour, près de 180 dossiers ont été reçus dans les Antilles, dont 120 ont donné lieu à un accord et d'autres sont en cours d'instruction. Comme je l'ai rappelé précédemment, entre 2021 2023, le montant total de ce fonds dans les Antilles est de 1,3 million d'euros.
La création d'un fonds spécifique pour le chlordécone pose évidemment la question de son dimensionnement, en plus des responsabilités. Avant d'approfondir sa réflexion, il serait indispensable de pouvoir s'appuyer sur des éléments de consensus scientifique consolidés sur les conséquences sanitaires de l'exposition au chlordécone, avec la création d'un établissement public qui risque d'être lourd et de retarder la mise en œuvre d'actions.
Le débat sur le chlordécone est toujours vif, comme en témoignent les alertes lancées encore assez récemment sur les emballages des bananes en Martinique. Depuis l'apparition de ce scandale, plus de 90 % de nos compatriotes guadeloupéens et martiniquais sont contaminés par le chlordécone.
Ma première observation concerne la gestion des parcelles contaminées. Dans une réponse à un rapport de la Cour des comptes, la direction générale des outre-mer indiquait au mois d'août dernier qu'il existe des solutions pour produire des aliments sans risque chlordécone, y compris sur des parcelles contaminées, en fonction de leur teneur en chlordécone et de la sensibilité des productions agricoles. Il serait bon que nous en sachions plus, en particulier sur le contenu du dernier plan chlordécone de l'État en la matière. De façon plus générale, il conviendrait de mettre en place des aides solides pour la reconversion des parcelles contaminées.
Ma deuxième observation porte sur le financement des actions des pouvoirs publics sur le chlordécone. Sur ce sujet de financement, nous prenons bonne note des crédits prévus au budget pour le plan chlordécone IV, qui couvre la période 2021 à 2027. Mais au-delà du budget de l'État, il serait utile d'avoir un point d'étape et de demander davantage de financements européens qui ne sont en réalité qu'un juste retour de l'argent des contribuables français. Le dernier plan chlordécone prévoit en effet 92 millions d'euros, dont 16 millions pris en charge par les fonds européens, ce qui est très faible. Le dernier bilan d'étape du plan chlordécone montre par ailleurs que seulement 2 millions d'euros de fonds européens ont été engagés, mais n'ont pas été exécutés. N'existe-t-il pas un problème de dimensionnement et de mobilisation des fonds européens sur ce dossier ?
Le chiffre de 90 % de populations contaminées doit être manié avec beaucoup de prudence, me semble-t-il. Nous engageons les habitants de Martinique et Guadeloupe à effectuer un bilan pour qu'ils connaissent leur taux de chlordéconémie, qui peut être réduit en dessous du seuil d'alerte grâce à des habitudes alimentaires, lesquelles peuvent être analysées grâce à l'accompagnement des associations, dont je salue le travail.
Ensuite, les analyses de sol sont financées par le plan chlordécone pour tous les jardiniers et agriculteurs. Les jardins créoles bénéficient, en plus des financements, de conseils adaptés pour produire des aliments sains, y compris sur des sols contaminés. Les moyens financiers ont été renforcés et les résultats d'analyse sont publics, sur une carte en ligne. Le taux de couverture par analyse des sols à risque peut atteindre 35 % en Guadeloupe 25 % en Martinique. Il est prévu de renforcer l'information des particuliers sur ces analyses, notamment grâce à la convention que j'ai signée avec l'association des maires de Martinique, qui pourrait d'ailleurs trouver un écho en Guadeloupe.
Enfin, la généralisation des analyses de sol sur une base plus prescriptive que ne le sont les actuelles dispositions incitatives (analyses gratuites) ne me semble pas efficiente si elle n'est pas ciblée sur les zones à risque.
Je salue le travail du rapporteur spécial et ai entendu avec intérêt les recommandations sur le sujet si sensible du chlordécone. Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur Kannari 2. La réalisation de l'étude progresse-t-elle ? Au-delà des indemnisations des victimes à hauteur de 1,3 million d'euros en 2023, envisagez-vous des conséquences sur les crédits alloués au plan chlordécone IV, qui court jusqu'en 2027 ?
Les travaux sur Kannari 2 nous permettent de mettre à jour les taux de chlordécone avec un « objectif 3 000 », désormais presque atteint. Ensuite, le dispositif de chlordéconémie a été mis en place sur deux territoires avec une approche harmonisée en ce qui concerne les informations et les messages clés à délivrer, des parcours d'accompagnement, l'interprétation des résultats, la formation des professionnels de santé et de gestion de données.
Le recours à la prescription médicale renforce l'accompagnement par un professionnel de santé, médecin ou sage-femme. En Martinique, la prescription médicale n'est pas obligatoire, mais 70 % des chlordéconémies sont réalisées via une prescription. Des réflexions sont en cours avec les deux ARS pour faciliter l'accès à la chlordéconémie pour toutes les personnes les plus vulnérables et les plus exposées. D'ores et déjà, des actions de communication sont engagées et seront renforcées à destination du grand public et des professionnels de santé. Enfin, la Haute Autorité de santé (HAS), saisie par le ministre de la santé dans le but de formuler des recommandations sur la pertinence de la chlordéconémie et de se prononcer sur une prise en charge de ce dosage par l'assurance maladie, rendra son avis d'ici la fin de l'année.
Je pense que nous ne vivons pas dans le même monde. Je ne peux, aujourd'hui, me satisfaire d'entendre que certains indicateurs ne correspondent pas au traitement de fond d'un vrai scandale d'État : l'empoisonnement des populations martiniquaise et guadeloupéenne au chlordécone depuis cinquante ans, mais aussi aux sargasses. Je déplore le manque de moyens financiers et l'absence de vision globale.
Votre approche à l'exposition au chlordécone se contente d'être préventive, quand elle devrait comporter une approche médicale globale. Nous avons besoin d'obtenir des diagnostics de pathologies spécifiques, notamment sur les cancers, les troubles neurologiques, reproductifs et développementaux. Aujourd'hui, l'État agit en surface. Je vous invite à changer de paradigme, pour régler les problèmes de fond. Je parle ici de réparation, de dépollution, de gestion médicale et d'accompagnement social et économique.
Monsieur le député, je ne peux pas vous laisser tenir ces propos polémiques sans réagir. Comme vous l'avez indiqué, le problème du chlordécone était identifié depuis plus de cinquante ans. La prise de conscience a été tardive, nous le regrettons tous. Aucun gouvernement ne s'était engagé sur ces deux sujets. Depuis le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, ils font l'objet d'un effort extrêmement important, y compris financier, à hauteur de 120 millions d'euros en 2023. L'État accompagne les personnes exposées pour qu'elles connaissent leur état de santé et puissent bénéficier de conseils pour une nutrition adaptée, laquelle permet d'atteindre zéro chlordécone. Il œuvre aussi à la dépollution et, à travers le fonds, certes perfectible, il permet d'indemniser des victimes, ce qui constitue un véritable progrès.
En tant qu'élus des outre-mer, nous sommes conscients de la réalité de la souffrance des populations. Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Je remercie M. le rapporteur spécial Nicolas Sansu pour son rapport. Celui-ci permet de cesser ce que Césaire appelait « la tyrannie par l'indifférence » à laquelle on nous avait jusqu'à présent habitués.
S'agissant du chlordécone, il met l'accent sur la nécessité d'engager un processus de reconnaissance, de responsabilité, de réparation, condition préalable à l'appropriation par la population de toutes les politiques publiques mises en place pour lutter contre le chlordécone. À ce titre, le processus d'indemnisation d'aujourd'hui, selon les dires du rapporteur spécial, est inopérant. Donc, monsieur le rapporteur spécial, pouvez-vous préciser à Mme la ministre en quoi le dispositif dysfonctionne ? S'agit-il du champ des personnes couvertes par l'indemnisation, de la complexité des démarches administratives ou encore de la faiblesse du montant des indemnisations ?
Vous évoquez également la responsabilité du modèle agricole coloniale. L'héritage de ce modèle est-il toujours présent dans l'économie ? Si tel est le cas, comment cela se traduit-il ?
S'agissant des sargasses, les installations de stockage ne sont pas considérées comme des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE) et la protection des personnes chargées du ramassage pose problème. Nous avons le sentiment d'une certaine lenteur, d'une certaine inertie, qui n'est pas à la hauteur des enjeux. En tant que député de la zone nord atlantique, qui recouvre notamment la commune du Marigot, je sais à quel point nous sommes confrontés à la réalité d'une injustice environnementale, sans possibilité d'indemniser les populations victimes.
Je ne méconnais pas la souffrance des habitants ; je me suis rendue plusieurs fois aux Antilles, en Guadeloupe et en Martinique récemment et y ai rencontré des associations, des maires. Il n'y a pas de tyrannie de l'indifférence, ni dans la prise de parole publique, ni dans les intentions du gouvernement, ni dans ses actes. Des progrès restent à accomplir, mais je ne veux pas que l'action du gouvernement soit minimisée. Il importe de le rappeler, y compris s'agissant des sargasses, phénomène beaucoup plus récent, mais dont nous voyons à quel point il peut impacter les territoires, notamment avec l'érosion des côtes. L'ensemble de ces sujets méritent d'être pris en compte ; ils continueront de recevoir toute l'attention du gouvernement.
S'agissant du chlordécone, il apparaît que les personnes qui vivent aux alentours ou sur les exploitations présentent des taux plus élevés que les professionnels eux-mêmes. Allez-vous engager des moyens pour accompagner et effectuer un suivi médical de ces personnes-là ou de leurs familles ?
Ensuite, la méthanisation des sargasses implique un processus excessivement complexe. Des moyens de recherche sont-ils prévus pour permettre le traitement des sargasses, pour essayer de transformer ce fléau en une source de production d'énergie verte ?
Le plan chlordécone permet de renforcer l'accompagnement par un professionnel de santé. Je rappelle qu'en Martinique, 70 % des chlordéconémies sont réalisées via une prescription, ainsi que le travail des ARS pour faciliter l'accès à la chlordéconémie des personnes les plus vulnérables et les plus exposées, en particulier celles les plus éloignées du système de soins. Enfin, nous renforçons les actions de communication à destination du grand public et des professionnels de santé. Ensuite, une cartographie des territoires exposés est mise à la disposition de chacun, dont les jardiniers amateurs. Neuf ministères sont mobilisés pour chacune des actions définies pour les plus vulnérables.
Le lundi 10 juin prochain, la Cour d'appel de Paris se prononcera sur le non-lieu rendu en 2023 lors du procès du chlordécone. Le parquet général appelle encore à confirmer ce non-lieu, une nouvelle humiliation pour les victimes.
Madame la ministre, l'enveloppe des indemnisations de 1,3 million d'euros est extrêmement faible. Je rappelle que sur cette somme, 1,1 million d'euros concernent des indemnités accordées sous forme de capital pour deux victimes lourdes, des enfants. Soixante-dix personnes reçoivent au total 200 000 euros sous forme de rente annuelle, soit 300 euros par personne et par mois en moyenne. On ne peut pas penser résoudre le problème simplement en recommandant de ne plus manger de légumes-racines, ni de pêcher des écrevisses.
La réparation doit être à la hauteur de la « chimie des maîtres ». L'économie agricole a été orientée vers cette monoculture pour l'export et rien n'est fait aujourd'hui pour réorienter cette agriculture. Le rapport propose une réorientation des fonds européens pour aider les agriculteurs, les maraîchers, à refaire des cultures vivrières, au plus près des populations.
Ensuite, nous avons auditionné le centre de valorisation des algues pour les algues vertes, qui nous a indiqué que malgré quarante ans de recherche, il n'est toujours pas possible de les valoriser. Je suis pour ma part très inquiet du stockage tel qu'il est réalisé actuellement. Il est nécessaire de trouver des solutions et de déployer des moyens beaucoup plus importants. Aujourd'hui, nous ne sommes vraiment pas à la hauteur.
La commission autorise, en application de l'article 146, alinéa 3, du Règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information de M. Nicolas Sansu..
Puis la commission, réunion en commission d'évaluation des politiques publiques, procède à l'audition de Mme Marie Guévenoux, ministre déléguée chargée des outre-mer.
L'exécution budgétaire 2023 de la mission traduit un fort engagement du gouvernement au bénéfice des territoires d'outre-mer. La loi de finances initiale avait ouvert 2 718 millions d'euros d'AE et 2 542 millions d'euros de crédits de paiement (CP). En fin d'année, nous avions consommé 3 215 millions d'euros d'AE et 2 979 millions d'euros en CP.
Nous nous sommes adaptés à plusieurs situations d'urgences survenues au cours de l'année en ouvrant les crédits nécessaires sur notre budget : la crise de l'eau à Mayotte, pour plus de 100 millions d'euros ; les besoins du conseil départemental de Mayotte, qui a bénéficié de 50 millions d'euros ; et des besoins du gouvernement de Nouvelle-Calédonie, qui a reçu 37 millions d'euros.
Au-delà de ces situations d'urgence, notre exécution s'est pleinement inscrite dans les priorités que nous ayons définies dans le budget 2023. Il s'agit tout d'abord de l'amélioration du cadre de vie et du quotidien des habitants. Nous avons ainsi engagé 245 millions d'euros, soit plus qu'initialement prévu, et financé l'ensemble des projets de construction et de rénovation qui nous avaient été soumis.
Les problématiques d'accès à l'eau ont également été au cœur de nos préoccupations. Bien qu'il s'agisse d'une compétence exclusive des collectivités locales, l'État a mobilisé de fortes ressources matérielles et humaines pour intervenir dans des situations très graves. À Mayotte, l'État a financé à la fois des travaux de forage, d'amélioration du réseau, les factures des usagers pendant six mois et acheminé massivement des bouteilles d'eau pour l'ensemble des Mahorais, une opération logistique sans précédent, dont je salue l'ensemble des acteurs.
En Guadeloupe, nous avons mis en place un contrat d'accompagnement renforcé avec le syndicat mixte de gestion de l'eau et de l'assainissement. En contrepartie d'engagements de sa part sur l'amélioration de la gestion financière et la conduite des investissements, nous lui avons alloué une subvention de fonctionnement de vingt-quatre millions d'euros. Nous le soutenons également pour ses investissements indispensables sur le réseau d'eau.
Nous avons retenu la totalité des demandes soumises au fonds exceptionnel d'investissement en 2023, soit neuf millions d'euros. Je porterai particulièrement attention à la bonne exécution des engagements du syndicat mixte. Je tiens à faire part à l'ensemble des élus d'outre-mer de ma disponibilité pour contribuer, sur le fonds exceptionnel d'investissement, au financement des travaux indispensables sur les réseaux d'eau et assainissement, bien qu'il s'agisse d'une compétence exclusive des collectivités locales. Je rappelle à cet égard que l'eau est depuis deux ans une priorité. En 2023, vingt millions d'euros de projets ont été financés.
Ensuite, nous sommes lancés dans une profonde refonte de la politique de continuité territoriale depuis un an, pour un coût total de vingt millions d'euros. En 2023, nous avons agi en revalorisant le montant du bon de l'aide à la continuité territoriale, qui est passé de 40 % à 50 % du prix moyen du billet, en créant de nouvelles aides pour les étudiants, un billet de plus pour les nouveaux bacheliers et la hausse de la prise en charge à 100 % pour les non boursiers.
En janvier 2024, nous avons porté le seuil de ressources pour être éligible à l'aide à la continuité territoriale à 18 000 euros au lieu de 12 000 euros par part de quotient familial. Désormais, près de 80 % de la population est éligible, contre 60 % précédemment. La semaine dernière, un nouveau décret a porté la limite d'âge des étudiants accompagnés 26 à 28 ans. Il nous reste maintenant à prendre les décrets d'application pour les mesures en faveur de la mobilité des actifs et des demandeurs d'emploi d'ici la rentrée prochaine.
La deuxième priorité du budget 2023 concerne le soutien à l'emploi et au développement économique dans les territoires ultramarins. Des TPE et PME ont bénéficié de 1,8 milliard d'euros d'allègements de cotisations sociales, soit une hausse de 800 millions d'euros par rapport à 2017. Ce budget illustre notre volonté de soutenir fortement l'emploi et traduit les effets de la dernière réforme de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodeom) en 2019, qui a fortement renforcé ces exonérations. Nous venons de confier, avec mes collègues Catherine Vautrin et Thomas Cazenave, une mission d'inspection à l'Inspection générale des finances (IGF) et l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour évaluer l'efficience globale du dispositif en rapportant son coût budgétaire au nombre d'emplois créés et sauvegardés. Les résultats, disponibles en septembre, seront évidemment communiqués aux parlementaires.
Le service militaire adapté (SMA), reconnu par tous comme un formidable outil d'insertion, a vu ses moyens augmenter de trente millions d'euros, traduisant ainsi le renforcement des prestations de formation dans le cadre du plan SMA 2025, ainsi que l'ouverture d'une compagnie supplémentaire à Hao. En matière économique, nous avons lancé une nouvelle génération de contrats de convergence et de transformation 2024-2027, dotés de 2,2 milliards d'euros par l'État, soit 400 millions d'euros de plus que la précédente génération.
Le troisième objectif du budget 2023 concerne le soutien aux collectivités locales. Afin de soutenir les collectivités territoriales ultramarines en difficulté, le gouvernement privilégie une approche contractuelle gagnant-gagnant. En contrepartie d'engagements en matière opérationnelle et de gestion, l'État apporte son soutien aux collectivités concernées via une subvention de fonctionnement et d'assistance technique, lorsqu'elle est nécessaire.
S'agissant des contrats de redressement outre-mer (Corom), treize nouveaux contrats ont été lancés en 2023 et nous sommes en train de mettre en place une nouvelle vague pour 2024, 2025 et 2026. En 2023, nous avons versé, dans cette approche contractuelle, des subventions à la collectivité territoriale de Guyane pour un montant de 40 millions d'euros, au conseil départemental de Mayotte pour 50 millions d'euros et 100 millions d'euros sont contractualisés en 2024 pour le gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Trente-sept millions d'euros sont contractualisés pour le syndicat mixte des eaux de Guadeloupe.
Je tiens tout d'abord à excuser l'absence de mon co-rapporteur Tematai Le Gayic, qui est retenu dans sa circonscription.
La mission Outre-mer compte deux programmes : le programme Emploi outre-mer, qui porte sur les moyens budgétaires en faveur de l'emploi dans les territoires ultramarins ; et le programme Conditions de vie outre-mer, qui a pour objectif de réduire les écarts de niveau de vie et d'équipement constatés entre les outre-mer et la France hexagonale.
En 2023, la consommation des AE s'est élevée à 33,14 milliards d'euros et celle des CP à 98 milliards d'euros. Ce montant dépasse à la fois les montants consommés en 2022 et les crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI). Plus de 80 % des crédits ouverts en AE et en CP relèvent de la prise en charge des exonérations de cotisations sociales de l'Urssaf. Une fois de plus, les prévisions utilisées pour établir le PLF se sont avérées très éloignées de la réalité.
L'autre facteur d'augmentation de la demande de crédit en cours d'année concerne malheureusement un besoin d'aides exceptionnelles. Je pense en particulier à la crise de l'accès à l'eau potable à Mayotte, ainsi que les aides exceptionnelles pour la Nouvelle-Calédonie et la collectivité territoriale de Mayotte. La mission compte un opérateur, l'agence de l'outre-mer pour les mobilités (LADOM), qui a bénéficié en 2023 d'une subvention pour charges de service public de 7,4 millions d'euros, ainsi que de crédits d'intervention pour un montant de 45 millions d'euros. Nous regrettons une fois de plus l'éclatement de l'effort budgétaire de l'État en faveur des territoires ultramarins sur une multitude de programmes (101) et de missions (32) en 2023. Nous plaidons donc pour un périmètre plus resserré.
L'ouverture de crédits en fin d'année, dans des proportions importantes, pour la prise en charge des exonérations de charges patronales, m'oblige à répéter qu'il faut mieux calibrer en loi de finances les crédits de l'action 1, « soutien aux entreprises » du programme Emploi outre-mer. Il faut, selon nous, travailler plus en amont. La Cour des comptes partage tous les ans ses préoccupations à ce sujet. Comment prévoyez-vous, Madame la ministre, de résoudre la situation ?
Le taux d'exécution des crédits du programme Conditions de vie outre-mer n'est toujours pas à la hauteur des besoins des outre-mer : le taux de consommation atteint 90 % des CP, est clairement insuffisant. Madame la ministre, comment comptez-vous faire pour que les engagements de l'État se concrétisent réellement pour les Ultramarins ?
Enfin, la Cour des comptes a relevé le niveau des restes à payer, qui continuent d'augmenter. Il est question de deux milliards d'euros, soit une hausse de 5,3 %. Qu'avez-vous prévu à cet effet ?
Le gouvernement a su, quand des circonstances exceptionnelles se sont présentées, être en mesure d'ouvrir des CP et des AE supplémentaires. S'agissant de l'ouverture des crédits pour l'exonération de charges dont bénéficient les employeurs en outre-mer (Lodeom), une mission d'inspection émettra des recommandations pour améliorer les prévisions. Par ailleurs, tous les crédits sont consommés depuis trois ans. Le reste à payer est inévitable en réalité, car chaque année, nous avons plus d'AE que de CP, ce qui nous permet de financer des projets pluriannuels. L'enjeu consiste à « nettoyer » les engagements juridiques ; c'était le cas l'an dernier avec plus de 100 millions d'euros.
Je salue les travaux de M. le rapporteur et le propos introductif de Mme la ministre. Le développement économique des territoires ultramarins repose souvent sur deux éléments : l'ouverture et la spécialisation. Les écarts de niveau de vie et les inégalités sociales sont très importants dans nos outre-mer par rapport à la métropole, ce qui n'est pas le cas d'Hawaï avec les États-Unis, des Canaries avec l'Espagne et de Madère avec le Portugal. Monsieur le rapporteur, avez-vous regardé les travaux conduits pour essayer de mener ces économies vers davantage de spécialisation ? Je pense notamment au tourisme : la Nouvelle-Calédonie accueille 120 000 touristes par an et la Polynésie moins de 700 000, quand ils sont sept millions à se rendre à Hawaï chaque année. Ce levier est sous-exploité pour le moment et les mesures protectionnistes renchérissent les coûts de la vie, pèsent sur les plus les plus précaires des citoyens. Enfin, l'incitation sur les emplois touristiques est parfois moindre, même si la situation s'est améliorée ces dernières années.
Votre question dépasse quelque peu le cadre de l'exécution budgétaire. Je pense qu'évidemment, sur chacun de ces territoires, le développement économique doit être amélioré ; et un certain nombre de territoires s'y emploient.
Vous avez mentionné certaines difficultés de nos départements et territoires ultramarins, mais il faut également souligner qu'ils ont des niveaux de vie et des économies plus florissantes que nombre des pays des zones régionales dans lequel ils sont intégrés. Il n'en demeure pas moins que nous devons mener une réflexion sur l'avenir de l'économie ultramarine en compagnie des parlementaires et des élus locaux. Le rapporteur de la mission Cohésion des territoires a ainsi évoqué la diversification agricole ; il est évident qu'il faut réussir à soutenir l'autonomie et l'autosuffisance agricole dans les territoires, mais aussi le tourisme.
À ce sujet, nous nous engageons particulièrement dans le domaine de l'eau, qui est un préalable, tant certains des habitants vivent dans des situations difficiles. Le gouvernement s'engage dans des financements, y compris dans des domaines qui ne sont pas de sa compétence, pour des raisons de service public, mais aussi pour permettre le développement de ces économies.
« Maîtrise insuffisante de l'exécution budgétaire », « difficultés majeures et récurrentes », « risques avérés pour la soutenabilité budgétaire », « sous consommation de crédit », « retraits d'engagements antérieurs » sont autant de termes utilisés par la Cour des comptes dans son analyse de l'exécution des crédits de la mission Outre-mer en 2023. Nous n'avons de cesse, au Rassemblement national, d'alerter sur la légèreté avec laquelle vous traitez nos compatriotes des territoires ultramarins.
Au-delà de ce constat général, je souhaite aborder la question de l'orpaillage illégal en Guyane. Je voudrais d'abord féliciter les forces de la mission Harpie pour leurs résultats. En 2023, près de six tonnes d'or ont été saisies et plus de 4 700 carbets illégaux ont été détruits. Les documents budgétaires ne permettent cependant pas de connaître le coût complet de l'opération. Ils ne permettent donc pas de mesurer les moyens nécessaires à ceux qui, au péril de leur vie, luttent contre ce fléau.
Ensuite, les données provisoires de 2023 indiquent des extractions illégales d'or de cinq tonnes contre dix tonnes par an en moyenne ces dernières années. Enfin, le Rassemblement national est évidemment favorable au projet de la filière structurée d'extraction légale d'or en Guyane annoncé il y a quelques mois par le Président de la République, ainsi qu'à la création d'une société nationale minière.
Je souhaite par ailleurs évoquer la question du nickel en Nouvelle-Calédonie. L'année 2023 a en effet été marquée par la très grande difficulté de cette filière stratégique. La Nouvelle-Calédonie possède entre 20 % et 30 % des réserves mondiales de ce minerai, qui est utilisé en particulier par la Chine dans la production d'acier inoxydable et dans la fabrication de batteries. Devant la quasi-faillite du secteur, un pacte nickel a été annoncé par Bruno Le Maire, mais pour un montant très inférieur aux besoins. À ce stade, pouvez-vous nous indiquer si le gouvernement compte définitivement fermer la porte à tout repreneur chinois, même en position minoritaire ?
Malgré l'annulation de 79 millions d'euros de crédits, le budget de l'outre-mer est en hausse de 14 %. Ensuite, vous avez raison de souligner le travail remarquable des forces de la mission Harpie dans la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane. Lorsque nous nous sommes rendus récemment avec le Président de la République en Guyane, la gendarmerie nous a fait part de chiffres qui étaient plutôt en constante progression en matière de saisies de tonnes d'or.
Vous avez également mentionné le pacte nickel proposé par Bruno Le Maire au gouvernement calédonien. Depuis, comme vous le savez tous, la situation a évolué sur le territoire. Lorsque le Président de la République s'est rendu la semaine dernière en Nouvelle-Calédonie, il a d'ailleurs précisé qu'il serait au côté de l'ensemble des entreprises calédoniennes, pour les aider à rebondir après les épisodes récents.
S'agissant du nickel, pour des raisons qui sont liées au choix des Calédoniens, il a toujours été inenvisageable de sortir de ce que l'on appelle la « doctrine nickel ». Aujourd'hui, nous sommes confrontés à une surproduction mondiale du minerai, qui affecte très violemment la rentabilité des entreprises. C'est la raison pour laquelle le gouvernement a proposé un pacte nickel gagnant-gagnant, à hauteur de plusieurs centaines de millions d'euros, en contrepartie d'efforts pour réduire la consommation d'énergie et s'orienter vers une énergie propre.
Les crédits pour le logement restent largement insuffisants face à la crise que nous traversons et qui a provoqué une mobilisation des acteurs du BTP à la Réunion. Depuis le début de l'année, le secteur a perdu 900 emplois, les entreprises sont en grande difficulté et 40 000 demandes de logement sont en souffrance. Les difficultés pour les familles sont intenables dans les outre-mer. Nous avions fait adopter, lors du budget 2024, un amendement pour doubler la ligne budgétaire unique, tombé dans les oubliettes lors de l'utilisation de l'article 49.3. Madame la ministre, quelle est votre feuille de route 2024-2027 pour enfin améliorer l'état du logement social en outre-mer ?
Concernant l'emploi dans les collectivités d'outre-mer, les seuls dispositifs d'exonération de cotisations ne fonctionnent manifestement pas. Renforcer la compétitivité des entreprises est un fil rouge qui conduit davantage le gouvernement à offrir des cadeaux aux grandes entreprises plutôt que de favoriser l'emploi local. Le ministère envisage-t-il le développement d'autres dispositifs pour lutter contre le chômage toujours très élevé dans les outre-mer ?
Ensuite, de quelle manière l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) gère-t-elle la création de la nouvelle aide au retour ? Enfin, à Mayotte, les distributions d'eau et la prise en charge des factures par l'État ont cessé. Pour autant, les habitants continuent de souffrir de manque d'eau potable, alors que le choléra frappe actuellement l'île. Plusieurs personnes sont mortes. Pouvez-vous être plus claire sur les investissements concernant l'eau à Mayotte ?
Comme vous l'avez indiqué, la situation du logement est extrêmement préoccupante en outre-mer, puisque 80 % des habitants des départements et régions d'outre-mer sont éligibles au logement social, contre 66 % dans l'hexagone. Le stock de 160 000 logements sociaux est insuffisant, puisque 71 000 demandes sont insatisfaites. C'est la raison pour laquelle les moyens du ministère sont en constante progression et sont d'ailleurs intégralement consommés. Nous avons ainsi engagé 245 millions d'euros et payé 176 millions d'euros, afin de construire et réhabiliter ces logements. Le crédit d'impôt pour la rénovation des logements sociaux a pour sa part été étendu hors des QPV, pour un coût estimé à vingt millions d'euros. Ces moyens ont permis en 2023 de livrer 2 900 logements et de financer 3 500 nouveaux projets.
Ensuite, les exonérations de la Lodeom (dispositif d'exonération de charges dont bénéficient les employeurs en outre-mer), sont ciblées sur les TPE locales. Les travaux du pass retour sont en cours, dont le champ a été restreint à la demande des députés dans le cadre de l'examen de la loi de finances. Enfin, je rappelle l'engagement exceptionnel de l'État, à hauteur de 100 millions d'euros sur les installations d'eau à Mayotte, qui s'est traduit par des forages, la prise en charge des factures et la distribution de quatorze millions de litres d'eau, une opération sans aucun précédent. De plus, les contrats pour financer l'investissement sont passés à 700 millions d'euros, les attributions de l'État ont été augmentées de 200 millions d'euros.
Le groupe Démocrate partage une grande partie des constats établis par le rapporteur, notamment l'inquiétude relative aux restes à payer, d'un montant de 2,2 milliards d'euros, en hausse de 5,5 %. Il faut les apurer au plus vite, dans l'intérêt de tous. Ensuite, notre groupe est très attaché à l'évaluation des politiques publiques et notamment des dépenses fiscales, qui a tendance à passer un peu inaperçue dans vos travaux. Les dépenses fiscales de la mission Outre-mer s'élèvent à deux fois et demi leur crédit. Madame la ministre, quels éléments d'appréciation pouvez-vous apporter sur cette situation ? Certaines dépenses fiscales, notamment les abattements, se justifient-elles encore ?
Nous nous employons à apurer le plus rapidement possible les restes à payer, dont une partie résulte des engagements pris par nos prédécesseurs et doivent d'abord être réalisés. Ensuite, la défiscalisation des investissements productifs représente une dépense fiscale entre 600 millions d'euros et 700 millions d'euros par an, afin d'accompagner les investissements des entreprises en outre-mer. Afin de donner de la visibilité aux investisseurs, elles ont été prolongées jusqu'en 2029, soit très au-delà de la pratique générale.
Dans le budget 2024, la défiscalisation a été réformée afin de renforcer des soutiens destinés à l'emploi et la transition écologique. Des soutiens nouveaux ont par ailleurs été créés pour les investissements des entreprises dans le photovoltaïque et pour les réhabilitations de friches. Enfin, des soutiens ont été réduits dans les secteurs (chauffe-eaux solaires, véhicules de tourisme, meublés de tourisme) où des abus et des détournements au bénéfice des particuliers avaient pu être observés.
Selon moi, l'évaluation des politiques publiques ne concerne pas simplement des lignes de consommation d'exécution budgétaire. Vous évoquez une consommation quasi complète des fonds alloués budgétairement, mais ils ne représentent que trois milliards d'euros sur un budget total de 1 600 milliards d'euros, alors que la France est la deuxième puissance maritime mondiale grâce à ses outre-mer.
Les effets de ces fonds sont malheureusement aujourd'hui quasiment invisibles dans la mesure où les moyens sont très largement insuffisants, quand le mal-développement ne cesse de progresser. J'en veux pour preuve l'absence de continuité territoriale. À l'inverse de ce qui existe en Corse, il n'existe pas de service public de transport dans les outre-mer, ce qui n'est pas acceptable.
Nos territoires sont affectés par des multiples pollutions, des économies de rente, l'implosion du système de santé, la crise du logement, l'absence de rattrapage suffisant du sous-financement des collectivités territoriales. En résumé, le budget est certainement consommé, mais il est très largement suffisant et les effets, en termes d'évaluation de politiques publiques au service de l'intérêt général, ne sont pas au rendez-vous.
Le budget du ministère des outre-mer a un impact important sur le quotidien des personnes. Ainsi, les engagements de l'État sur la continuité territoriale permettent au fur et à mesure d'élargir le public bénéficiaire, comme les néo-bacheliers, les chefs d'entreprise, les artistes et les sportifs. De plus, le financement pris en charge dans le cadre de la continuité territoriale a également été élargi.
Ensuite, il me semble difficile de comparer la continuité territoriale de la Corse et celle des outre-mer. De plus, vous oubliez de mentionner parmi les éléments de continuité territoriale les congés bonifiés, les évacuations sanitaires, les financements européens pour l'outre-mer – le fonds spécial européen a ainsi versé trente-deux millions d'euros, pour financer notamment la mobilité des Ultramarins en matière de formation ou les demandeurs d'emploi.
Je salue à mon tour le travail du rapporteur et souhaite évoquer la problématique de l'eau. Mme la ministre a évoqué les moyens mis en œuvre par l'État à Mayotte et en Guadeloupe. Mais les dysfonctionnements persistent sur ces deux territoires, et en Martinique, nous avons été confrontés au problème de la sécheresse, qui a affecté la performance des réseaux. Chez nous, les fuites sont de l'ordre de 40 %, quand elles s'établissent à 20 % dans l'hexagone.
Les collectivités territoriales s'engagent. En Martinique, l'usine de Vivé a été construite sous maîtrise d'ouvrage du conseil général, alors que le problème de pollution est la conséquence de failles au niveau de l'État. À plusieurs reprises, nous avons demandé une loi pluriannuelle de programmation pour le financement des réseaux de distribution d'eau potable dans les dix outre-mer en général. L'État porte une responsabilité, un devoir de réparation, dans la mesure où le dispositif des agences de l'eau a été très tardif dans nos territoires.
Je ne dirai jamais que l'accès à l'eau n'est pas le problème du gouvernement. À l'inverse, j'ai souligné que, bien que ce domaine ne soit pas de sa compétence, l'État s'est tenu aux côtés des collectivités territoriales pour venir en aide aux Guadeloupéens, aux Mahorais et au Martiniquais. Il est aussi important d'établir les responsabilités, ne serait-ce que par devoir de transparence vis-à-vis des contribuables ou des abonnés au réseau d'eau, qui doivent payer des factures. Je rappelle que le plan eau dans les territoires d'outre-mer est financé à 740 millions d'euros depuis 2016.
La situation en Guadeloupe est particulièrement préoccupante. L'État s'est donc engagé pour que réseau d'eau atteigne un bon niveau. Il finance ainsi fortement le syndicat mixte à hauteur de vingt-quatre millions en 2023 et vingt millions en 2024, mais aussi des assistants techniques (dix ETP). En contrepartie, il demande au syndicat mixte de pouvoir s'assurer du plan de travaux qu'il doit mettre en place pour faire les forages, ainsi que de la bonne gouvernance. Enfin, en Martinique, nous n'avons reçu pour l'instant qu'un seul dossier de demande de fonds exceptionnel d'investissement (FEI) sur l'eau en 2024.
Quelles sont vos intentions concernant les dépenses fiscales ? Si les crédits de la mission sont consommés, nous devons être à la hauteur des grands enjeux, notamment de développement économique, l'éco-transformation, l'agroécologie et les énergies renouvelables
La question de la vie chère est une réalité dans les outre-mer. Sur certains produits et dans certains territoires, les différences de prix par rapport à l'hexagone peuvent être de 20 % à 40 %. Il convient très clairement d'en rechercher les causes. À ce titre, l'octroi de mer contribue probablement à une partie de cette hausse, mais le fret et le carburant doivent également être analysés. Je souhaite que nous puissions travailler sur ces sujets, afin de pouvoir agir sur le pouvoir d'achat des ultramarins.
L'octroi de mer finance deux objets en réalité très différents. Le premier concerne la protection de productions locales. Or il existe un octroi de mer sur des produits qui ne sont pas produits localement, ce qui est surprenant puisque le dispositif est censé constituer un soutien pour les entreprises locales. Le deuxième objet consiste à financer des collectivités territoriales. La conception de cette taxe n'est pas comprise par le plus grand nombre, dont l'ensemble des élus.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mercredi 29 mai 2024 à 19 heures
Présents. - M. Christian Baptiste, M. Fabien Di Filippo, Mme Perrine Goulet, M. Mohamed Laqhila, M. Pascal Lecamp, M. Benoit Mournet, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Marc Tellier
Excusés. - M. Manuel Bompard, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic, Mme Lise Magnier, Mme Christine Pires Beaune, M. Christophe Plassard, M. Alexandre Sabatou
Assistaient également à la réunion. - M. Yoann Gillet, M. Johnny Hajjar, M. Marcellin Nadeau, M. Jean-Hugues Ratenon