Permettez-moi d'abord d'adresser mes remerciements au rapporteur spécial pour avoir choisi de réorienter nos discussions vers deux sujets extrêmement importants, qui touchent directement la vie des Antillais.
Le plan chlordécone IV témoigne de la mobilisation totale du gouvernement pour lutter contre cette pollution. Vous avez eu raison de souligner la prise de conscience tardive, puisqu'il aura fallu effectivement attendre vingt-cinq ans avant qu'un Président de la République, en l'occurrence Emmanuel Macron, s'engage réellement dans ce combat pour réparer, agir et se rapprocher chaque jour un peu plus du zéro chlordécone. Sur cette base, nous avons initialement doté d'un budget de 92 millions d'euros sur la période 2021-2027, dont plus de 31 millions d'euros financés par le programme des interventions territoriales de l'État, complété par d'autres financements de l'État, dont 3 millions d'euros via France Relance et 16 millions relevant des collectivités locales par le biais des fonds européens dont elles assurent la gestion.
En juin 2023, après avoir entendu les demandes des élus et des parties prenantes et en tenant compte des avancées scientifiques, le budget a été amplifié et renforcé à hauteur de 130 millions d'euros. Désormais, les préfets disposent d'une enveloppe annuelle qui est passée de 4,5 millions d'euros à 7 millions par an pendant cinq ans, soit une augmentation du budget de 12,5 millions d'euros sur la période 2023-2027. L'effort sur la recherche et l'innovation a été doublé pour l'horizon 2030, dans tous les domaines : la dotation passe ainsi de 26 à 52 millions d'euros.
Sur la période 2021-2023, le montant cumulé des crédits publics engagés s'élève à 35,7 millions d'euros, dont 19,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sur 2023. L'année 2023 a aussi été marquée par l'engagement de crédits élevés sur la recherche, en particulier par l'Agence nationale pour la recherche (ANR), soit 27 % du budget du plan. Les travaux de recherches complémentaires sont également financés dans les stratégies santé, environnement, alimentation et santé-travail.
Le programme des interventions territoriales de l'État (Pite) représente la plus grande part de crédits cumulés engagés, avec un taux de 44 %. Il est mobilisé en priorité pour toutes les actions locales : programme Jardins familiaux (Jafa), communication, analyse des sols gratuite pour les agriculteurs, aides aux bovins, coordination de la recherche phyto-victimes, financement des surcoûts liés au traitement de l'eau potable en zone contaminée par le chlordécone.
L'exécution du programme d'intervention territoriale de l'État a été très satisfaisante sur les trois années, avec un taux de consommation moyen proche de 99 % par rapport aux prévisions. En 2023, 99,95 % des crédits du programme ont été engagés dans un contexte d'augmentation significative. Depuis le début du plan, les crédits mobilisés sur le fonds d'intervention régional des Agences régionales de santé (ARS) pour la chlordéconémie et ceux du programme ont été augmentés significativement. Le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides monte en puissance avec un montant de 1,3 million d'euros cumulés sous forme de rente mensuelle ou de capital.
Au-delà de ces résultats, nous souhaitons bien évidemment aller plus loin en matière de partenariat et de communication. La convention signée avec l'association des maires de Martinique il y a quelques mois permet d'amplifier l'information des particuliers. Sur le plan sanitaire, des solutions existent pour les habitants de Guadeloupe et Martinique potentiellement exposés à ce pesticide, grâce à des dosages gratuits à disposition de tous les habitants. Environ 30 000 dosages de chlordéconémie ont été ainsi réalisés depuis la mise en place récente de ce dispositif. En complément, un programme spécifique dédié à toutes les femmes enceintes a été lancé en Guadeloupe. Ce bilan est proposé en même temps que le bilan sanguin de grossesse. Par ailleurs, les personnes surexposées bénéficient gratuitement d'une visite à domicile réalisée par un professionnel de santé pour identifier les sources de leur exposition. Ainsi, plus de 2 000 personnes sont accompagnées individuellement.
Nous agissons également par une meilleure information, en formant des professionnels de santé sur les territoires concernés. Ainsi, plus de 150 professionnels de santé ont d'ores et déjà reçu une formation. Nous agissons en outre pour les jardiniers amateurs et les exploitants agricoles, avec des analyses de sol gratuites ainsi que des conseils pour produire sans chlordécone en fonction du niveau de contamination des sols.
À ce jour, plus de 300 éleveurs bovins impactés par la pollution sont accompagnés et 100 dossiers de demande d'aides ont d'ores et déjà été déposés.
Le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides est opérationnel depuis fin 2020. Le cancer de la prostate est reconnu en tant que maladie professionnelle liée aux pesticides, dont le chlordécone depuis mai 2021, au même titre que certains lymphomes ou la maladie de Parkinson.
À ce jour aux Antilles, sur près de 180 dossiers reçus, 120 ont donné lieu à un accord et d'autres réponses sont en cours d'instruction. Près de quatre-vingts indemnisations ont été versées et, entre 2021 et 2023, le montant total versé au titre de ce fonds est de 1,3 million d'euros sous forme de rente mensuelle à vie ou de capital. La communication est d'ailleurs amplifiée pour améliorer la notoriété de ce dispositif et faciliter les démarches des victimes.
Concernant le second sujet de votre évaluation, il est vrai que les échouements de sargasses vont s'amplifier dans les prochaines années. Le gouvernement a donc décidé d'inscrire la lutte contre ces algues dans la durée à travers le plan national de prévention et de lutte contre les sargasses du plan Sargasses 2, doté de 36 millions d'euros et qui a bénéficié d'abondements complémentaires lors des deux dernières lois de finances.
Il s'articule autour de plusieurs axes. Le premier est d'ordre préventif, pour prévenir et anticiper les échouements à venir. Une convention a été signée avec MétéoFrance et le ministère de la transition écologique, afin d'être informé en amont de ces échouages et d'anticiper les zones de ramassage. En deuxième lieu, il faut mentionner la mise en place d'actions financées sur le Pite qui visent à surveiller les émanations de gaz une fois que les sargasses se sont échouées, par le renouvellement total des capteurs en Martinique et en Guadeloupe en 2024 et au déploiement des capteurs à Saint-Martin. À titre d'exemple, le financement par l'État du fonctionnement et du renouvellement du réseau de capteurs en 2024 représente 110 900 euros pour la Guadeloupe.
L'axe opérationnel vise à mettre en place des mesures, notamment pour la collecte des sargasses. Au cours des dernières années, l'État a en effet apporté son soutien aux collectivités dans le cadre de leurs opérations de collecte et d'acquisition de matériel. C'est le cas en Guadeloupe, avec les barrages de Petit-Bourg, de Marie-Galante ou des Saintes Terre-de-Haut. En plus de la pose de barrages, d'autres crédits financeront en 2024 les expérimentations de collecte en et en mer et de réimmersion, notamment en Martinique.
Par ailleurs, au cours de l'année 2024 et au regard des connaissances acquises sur les sargasses, l'aménagement des sites de stockage devra également être amélioré en vue de réduire l'impact sur l'environnement. Dans ce contexte, pour la Guadeloupe, le site de Marie-Galante reçoit 40 % des sargasses échouées et possède à ce titre un important site de stockage à Gros Cap. Ce site a été choisi comme site pilote et bénéficie de 853 000 euros de l'État depuis 2022. La participation de l'État pour l'aménagement de sites de stockage en Guadeloupe est estimée à hauteur de 815 000 euros en 2024.
Le troisième axe du plan Sargasses 2 concerne la recherche, le développement et l'innovation. À ce jour, aucune filière de valorisation n'est encore prête pour une phase de commercialisation. L'université de Guadeloupe conduit des travaux, financés par l'ANR, sur la mise en place de charbons actifs dans les sols pour la dépollution ou l'utilisation de biostimulants. Cependant, la valorisation dépendra essentiellement des capacités d'abattre l'arsenic contenu dans les sargasses échouées et de l'existence de zones de stockage adéquates dans des sites autorisés. D'autres recherches se poursuivent, notamment sur le co-compostage, la pyrolyse, les matériaux de construction.
Enfin, nous œuvrons sur le plan de la coopération internationale grâce à l'initiative internationale anti-sargasses lancée par notre ministère avec la vice-présidente de la région Guadeloupe, dont je salue l'engagement, et le Quai d'Orsay. En marge de la COP28, une déclaration finale conjointe a été adoptée avec nos partenaires dans la région et l'Union européenne (UE). Elle vise à élaborer un plan d'action international dans la perspective de la conférence des Nations unies sur les océans, qui se tiendra à Nice en 2025.