La séance est ouverte à quinze heures trente.
Chers collègues, nous poursuivons nos travaux consacrés au volet environnemental de l'autoroute A69. Je souhaite la bienvenue à M. Jean-Louis Battut, maire de Valdurenque et président du syndicat d'aménagement et de gestion des eaux de l'Agout et à M. Gilbert Hébrard, conseiller départemental de Haute-Garonne, président du syndicat d'aménagement et de gestion des eaux d'Hers Mort Girou, également président du conseil d'administration du service d'incendie et de secours de Haute-Garonne et président du pôle d'équilibre territorial et rural (PETR) du Pays Lauragais et enfin, ancien maire de Vendine.
Messieurs, je vous remercie de votre présence devant notre commission cet après-midi. Vous avez tous deux en commun d'être des élus de territoire depuis plusieurs décennies. C'est dire que vous connaissez bien chaque parcelle du Tarn et de la Haute-Garonne.
Le projet d'A69 impacte plus d'une vingtaine de cours d'eau et c'est à ce titre, en tant que présidents de syndicats d'aménagement et de gestion des eaux (Sage), que nous avons souhaité vous entendre.
L'eau est en effet une ressource vitale dont la gestion s'avère de plus en plus difficile en raison du dérèglement climatique. Aussi souhaitons-nous nous assurer, par votre témoignage, que toutes les fonctions des rivières continueront d'être assurées grâce aux aménagements qui accompagnent la construction de l'A69.
Je rappelle que notre audition est publique et retransmise sur le portail de l'Assemblée nationale.
Messieurs, en application de l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais préalablement vous demander de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité, et de dire « je le jure ».
(MM. Gilbert Hébrard et Jean-Louis Battut prêtent serment.)
, rapporteure. Merci, monsieur le président. Je remercie à mon tour MM. Battut et Hébrard de leur présence devant notre commission d'enquête.
L'autoroute A69 croise et impacte de très nombreux cours d'eau, lesquels forment un équilibre fragile entre les zones humides et les zones agricoles, équilibre auquel on ne devrait toucher qu'avec la plus grande précaution.
Certes, l'homme a modifié la nature depuis des siècles, essentiellement dans le cadre d'activités agricoles intimement liées à sa propre subsistance, mais s'y ajoute désormais un dérèglement climatique imposant aux décideurs publics la prudence la plus extrême au moment de lancer de grands projets aux émissions trop importantes de CO2 et/ou d'artificialisation des sols ; et ce, à rebours de la stratégie nationale bas carbone fixée par le gouvernement, ou encore des objectifs fixés par la loi « climat et résilience ».
L'eau est une denrée de plus en plus rare. La sécheresse des sols l'illustre et conduit à la crise que connaissent nos forêts et à l'aridité croissante des sols, particulièrement dans le Sud de la France. Les dégâts liés à la sécheresse s'observent bien au-delà du Tarn, jusque dans les Pyrénées-Orientales, au moment où certains cherchent encore des surfaces pour y installer des terrains de golf, mais c'est un autre sujet.
Le projet d'A69 affectera inévitablement les milieux aquatiques dont vous avez la charge. Les commissions locales de l'eau (Cle) et les Sage, que vous présidez, ont rendu un avis favorable aux autorisations environnementales dont elles ont été saisies. Néanmoins, vos avis ont été assortis de réserves, voire de grandes réserves, preuve que les inquiétudes demeurent, notamment auprès des élus locaux que vous êtes.
Le questionnaire que je vous ai adressé a été transmis à l'ensemble de mes collègues, de sorte que chacun bénéficie du même niveau d'information sur ce dossier. Je vous demanderai de me préciser le sens de vos réserves sur la base de ce questionnaire.
Merci, madame la rapporteure.
De manière liminaire, je propose de vous présenter en quelques mots le bassin versant de l'Agout.
D'une superficie de 3 500 kilomètres carrés, traversé par près de 400 kilomètres de cours d'eau, le bassin accueille un peu plus de 210 000 habitants. Essentiellement localisé dans la moitié Sud du département du Tarn, sa géographie est contrastée. Sa partie amont, semi-montagneuse et peu densément peuplée, se compose de 30 % de forêts, de 7 000 hectares de zones humides, avec une agriculture essentiellement basée sur l'élevage. Autrefois surnommée « le château d'eau du Tarn », la partie amont du bassin versant de l'Agout est aujourd'hui menacée par le climat méditerranéen, autre conséquence du changement climatique.
La partie aval, quant à elle, débute à partir de Castres. C'est une immense plaine accueillant pour l'essentiel des grandes cultures agricoles irriguées. Ses milieux aquatiques ont fortement été impactés par les activités hydroélectriques (grands barrages), par la production d'eau potable, tout comme par la succession des activités industrielles présentes et passées.
Nos cours d'eau ont donc subi des remembrements importants, des lits ont été modifiés et fortement incisés, au point que leur qualité écologique s'en est trouvée très dégradée. Je pense à la plaine du Sor et de l'Agout, justement concernée par le tracé autoroutier.
Enfin, l'état fortement dégradé des zones humides résulte de l'impact d'une activité agricole très ancienne.
Je crains d'être moins précis que mon collègue dans la description du territoire qui me concerne.
Le Girou prend sa source à Puylaurens, puis traverse une multitude de villages, tout comme il traverse la banlieue toulousaine, pour terminer sa course dans la Garonne.
Les enjeux liés au changement climatique y sont tout aussi cruciaux. Antoine de Saint-Exupéry disait : « L'eau n'est pas nécessaire à la vie ; l'eau, c'est la vie ». Toute modification d'un milieu aquatique ne peut et ne doit s'opérer qu'avec la plus grande précaution.
En l'état actuel, la première inquiétude du Sage et de la Cle Hers Girou porte sur la restauration de la qualité de l'eau. Lorsque nos rivières s'assèchent, il s'avère très complexe d'y réintroduire de la vie et de restaurer la qualité de l'eau, ce à quoi nous travaillons déjà depuis quelques années. Dans mon village, le moindre trou creusé laisse apparaître une nappe phréatique dont chacun sait l'importance. Les travaux réalisés pour l'autoroute, au sein d'une vallée inondable, nous inquiètent réellement.
Notre seconde inquiétude est l'augmentation des risques d'inondations.
En effet, l'autoroute A69 traverse toute la plaine du Girou, une zone inondable et effectivement inondée presque chaque année. À cet égard, nous sommes particulièrement préoccupés d'une sorte de digue qui semble se former entre l'autoroute et la rivière. De surcroît, en cas de mauvais écoulements, le grand nombre d'affluents du Girou, dont certains sont assez importants, pourrait aboutir à l'inondation des villages les plus exposés de Haute-Garonne.
Des inquiétudes subsistent enfin quant à la qualité des eaux. Nous y travaillons d'ores et déjà, par nos moyens, à l'image des nombreux bassins de rétention que nous avons installés pour récupérer les eaux de l'autoroute ; des bassins qui se rempliront dès les premières pluies et ne nous seront d'aucune utilité lorsque la rivière débordera. Il nous faudra donc procéder au nettoyage des bassins de rétention, des eaux stagnantes et de tous les résidus potentiellement pollués qui s'y trouvent.
La question globale de l'écoulement des eaux nous paraît donc cruciale.
Pour bien comprendre le rôle des Sage et la substance des avis rendus, considérez-vous que la consultation des Sage a été réalisée conformément à ce qu'elle devrait être en pareille procédure ?
Nous considérons pour notre part que les saisines ont respecté le cadre réglementaire de la Cle du Sage. À la suite de sa saisine officielle par les services de l'État, généralement par voie dématérialisée, la Cle doit être convoquée a minima quinze jours avant la date de la réunion et avoir reçu, dans ce délai, l'ensemble des documents relatifs à la réunion, comme l'ordre du jour. Les délais de procédures varient selon l'impact du dossier sur les milieux. Nous sommes systématiquement saisis en amont de l'enquête publique.
En ce qui nous concerne, après réception de l'avis le 24 janvier 2022, nous avons demandé un délai pour travailler sur ce dossier d'importance. Nous avons finalement répondu hors délai, le 9 mars 2022, mais nous avons répondu.
Je précise que, sur le plan pratique, il n'est pas aisé de réunir la Cle au complet. Nous nous sommes donc réunis sous forme de bureau, avec l'appui de notre technicien qui nous a détaillé les risques. L'avis a finalement été favorable, mais assorti de nombreuses réserves.
Au demeurant, sans réponse concrète aux réserves que nous avons formulées, nous considérerions que notre avis est défavorable.
Il semblerait enfin que notre Cle soit systématiquement avertie en aval des lancements de projets ; ses avis, ne survenant qu'a posteriori, sont donc bien difficiles à observer. Tel a été le cas pour le projet de l'A69, désormais très avancé.
Pour notre part, un délai supplémentaire de 45 jours nous a été accordé pour évaluer le dossier. S'il est vrai que les délais paraissent souvent trop courts, nous avons néanmoins été en mesure de réaliser une analyse technique que nous avons voulu la plus complète possible, de sorte à éclairer au mieux l'avis de la Cle.
En premier lieu, nous avons estimé les compensations très insuffisantes au regard des enjeux de cette autoroute. Le niveau proposé reste le strict cadre de la DUP. Je pense qu'il faudrait aller plus loin en tenant compte du fait que le Girou a de nombreux d'affluents et un impact décisif sur tout notre territoire. Pour réévaluer plus justement le niveau des compensations, il conviendrait de considérer l'ensemble de la vallée et des rivières (qui parfois débordent jusque dans les villages).
Pour notre part, nous avons estimé que les compensations pour les zones urbaines entraient complètement dans le cadre du règlement du Sage ; Atosca ayant proposé un niveau de 2,5, contre le niveau de 1,5 imposé par notre règlement. La question des surfaces est donc satisfaite au-delà de nos attentes.
Sur le plan hydraulique, certains questionnements ont persisté sur la zone du Bernazobre, historiquement très dégradée, bien avant l'autoroute, car plusieurs fois « déméandrée », rectifiée, incisée et in fine fragilisée. C'est pourquoi nous avons tenu à ce qu'il soit procédé à des études plus fines. Elles sont actuellement en cours. Quant aux réponses d'Atosca, elles devraient nous parvenir rapidement.
J'insiste sur le fait que nous parlons ici de milieux agricoles déjà fortement dégradés et dont la dégradation même s'avère impactante.
Aussi, certaines zones sont fortement exposées aux inondations lorsque la rivière est en crue. Afin de bien évaluer l'impact hydraulique de l'infrastructure sur les zones identifiées comme vulnérables, des réunions avec le bureau d'études Setec et Atosca ont été sollicitées dès novembre 2021, en salle et sur site. De nouveaux échanges ont été nécessaires en mai et juillet 2022, à la suite de notre demande de compléments sur les volets hydrauliques et les zones humides.
En somme, depuis la parution de l'arrêté interpréfectoral, l'Epage Agout est associé au volet des compensations et participe activement au travail de la société Atosca, aux côtés d'ailleurs d'autres parties prenantes comme la Fédération départementale de pêche, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) ou encore France Nature Environnement (FNE).
En ce qui nous concerne, nos doléances n'ont trouvé aucune réponse de l'État ou de la DDT, encore moins d'Atosca.
Je vous rassure, monsieur Hébrard, la société Atosca sera entendue au sein de cette commission.
Sur le plan purement procédural, comment le suivi et la prise en compte de vos recommandations sont-ils assurés ? Participez-vous aux comités de suivi ?
Nous avons transmis tous les éléments aux services compétents (département, région et services instructeurs de la DDT) et nous n'avons reçu aucune réponse.
Je rappelle la procédure. Les services de l'État nous transmettent les arrêtés préfectoraux ou interpréfectoraux dès leur publication. À ma connaissance, aucune obligation n'est faite au préfet de nous informer de la bonne prise en compte d'un avis de la Cle.
Pour l'heure, il se trouve qu'aucun membre de la Cle n'a demandé d'information complémentaire et que l'arrêté interpréfectoral reprend une majorité de nos recommandations.
Nous sommes toutefois allés un peu au-delà de ce que prévoyait le Sage avec la demande de compensations complémentaires, dans l'éventualité où les aménagements prévus ne fonctionneraient pas comme prévu et feraient sortir de l'actuel faisceau d'autoroute.
Je disais justement en préambule qu'il convenait de sortir du cadre strict de la DUP et d'essayer de concevoir le bassin versant comme un tout.
Dans le village au service duquel j'ai eu la chance d'être maire, on coupe aujourd'hui les arbres, on creuse et on trouve de l'eau à la surface. Depuis le début de ce projet et bien que nous soyons concernés, il n'a jamais été tenu compte de nos avis. Je ne me suis jamais opposé au désenclavement de Castres et de Mazamet, comme je l'ai reconfirmé à la commission nationale du débat public (CNDP). Dès le début du projet d'autoroute, quinze maires s'étaient réunis, avaient financé une large étude (cofinancée par la région et le département de Haute-Garonne) et formulé une alternative concrète à l'autoroute.
Ils n'ont jamais été entendus, le « débat » s'est résumé à « l'autoroute ou l'autoroute ». Je suis quelque peu habitué à ce que nos questions ne rencontrent aucune réponse.
Monsieur le Président, le débat du jour ne porte pas sur l'opportunité d'une autoroute et/ou les solutions alternatives certainement possibles ; peut-être nous convoquerons-vous à nouveau, ultérieurement, sur cet aspect. Nous vous recevons aujourd'hui dans le cadre de votre présidence du Sage.
Si je comprends bien, les Sage rendent un avis et leurs recommandations sont reprises dans le cadre d'un arrêté interpréfectoral.
La majorité de nos recommandations a été reprise dans le cadre de l'arrêté interpréfectoral, hormis celles sortant du cadre du Sage. En tant que membres à part entière, nous sommes régulièrement invités en comité de suivi. Je m'étonne donc que tel ne soit pas le cas de mon collègue.
Au sujet des compensations, il est à prévoir que les compensations actuelles, notamment sur les zones humides, ne fonctionneront pas si bien et que des aménagements complémentaires seront nécessaires. Nous avons proposé quelques solutions, ces « mix » évoqués dans nos recommandations permettant de sortir du faisceau de l'autoroute tout en restant sur le bassin versant ; pour le Bernazobre, la rivière de notre territoire concernée par le tracé et le bassin de l'Agout, où la multitude des terrains potentiellement à disposition nous permettrait de compenser de façon pérenne les zones humides impactées.
, rapporteure. Merci, monsieur le président.
De manière liminaire, je tenais à préciser que cette commission d'enquête n'a aucunement vocation à censurer les propos des personnes auditionnées. Chacun est donc libre d'y donner son point de vue sur un sujet ou un autre.
J'ai bien entendu, chez chacun, l'articulation entre le projet et les avis rendus, comme j'ai bien entendu vos réserves quant au suivi des recommandations.
D'emblée, je m'étonne du fait que les Sage du Tarn et de Haute-Garonne ne semblent pas communiquer autour de ces éléments, tout comme je m'étonne, alors que l'eau dont il est question circule partout, qu'il ne se soit pas noué de travail plus collaboratif entre les deux Sage sur les zones humides et autres écoulements.
J'aurais plusieurs questions relatives à votre avis.
En premier lieu, comment votre avis a-t-il été documenté au regard du projet ? Avez-vous été en contact avec l'Autorité environnementale, l'Office français de la biodiversité et/ou la CNDP ? Avez-vous échangé avec le concessionnaire avant d'émettre votre avis et vos réserves ?
Aussi, tous deux estimez que la compensation pourrait s'avérer insuffisante. M. Battut a formé une proposition sur les zones humides et je vous rejoins sur l'importance de la question. Les zones humides supprimées, qui ont mis des centaines d'années à se constituer, ne se reconstitueront pas « à coup de baguette magique » et peut-être même pas après l'intervention de la volonté humaine. La compensation est supérieure dans le but de maximiser les chances qu'une surface de même type se reconstitue à d'autres endroits.
En outre, M. Battut indiquait que l'arrêté interdépartemental reprenait une grande partie de ses préconisations. Je lui dirais « tant mieux et heureusement » ; la « reprise » étant d'ordre réglementaire, ne pas y procéder contreviendrait à la loi.
Je m'interroge sur l'ensemble des décisions impactant votre gestion de l'eau et qui vous échappent, pour ainsi dire. Les besoins en eau du chantier ont été évalués à 120 000 m3 par an. Les prélèvements d'eau qui seront effectués dans le cadre du chantier impacteront nécessairement les quantités d'eau gérées par les Sage. Vos avis et réserves ont-ils tenu compte de ces prélèvements supplémentaires, au regard de votre gestion de l'eau dans le cadre du Sage ?
M. Battut évoquait par ailleurs des cours d'eau artificialisés avant même le projet de l'A69 et j'en conviens tout à fait. Cette pratique illustre bien ces méthodes d'agriculture conventionnelle qui s'autorisaient autrefois à curer des fossés pourtant sources importantes de biodiversité.
L'arrêté interdépartemental fait expressément état d'une dérivation définitive de cours d'eau ; 14 cours d'eau seront ainsi touchés de façon provisoire et 14 autres de façon définitive et sur des distances assez importantes. En avez-vous tenu compte dans le cadre de vos études et a fortiori de vos réserves ?
Enfin et dans le cadre des comités de suivi, vous devriez recevoir les plans d'exécution et de rescindements trente jours avant la réalisation des travaux. Le bénéficiaire des travaux transmet préalablement ces éléments aux services de police de l'eau des DDT. Avez-vous été destinataires des plans de rescindements ? Si oui, les avez-vous intégrés aux avis rendus ?
Je vous rappelle la possibilité de répondre par écrit aux questions qui n'auront pas été traitées, ce jour ou dans le questionnaire, en vue de compléter nos échanges.
Avec votre accord, madame la rapporteure, Mme Sophie Lebrou, ma directrice, se propose de répondre aux aspects techniques de vos questions.
S'agissant de l'aspect quantitatif, nous fonctionnons de la manière suivante. Deux associations syndicales autorisées (Asa) achètent couramment des volumes d'eau à un barrage géré par l'institution des eaux de la montagne Noire. Les volumes sont conventionnés de manière annuelle, en fonction de la capacité réelle du barrage. Un tel mode de fonctionnement, par lequel les préleveurs achètent l'eau auprès d'un producteur/gestionnaire de barrages, s'avère relativement vertueux et bien compensé.
Les volumes d'eau sont donc déjà prévus et achetés, mais nous ne sommes pas destinataires des accords existants entre les Asa et le concessionnaire autoroutier. Il convient d'interroger directement les Asa quant à leur bonne prise en compte des volumes d'eau dans les assolements, car je n'ai pas cette information.
Je ne puis vous confirmer que les associations syndicales autorisées de Blanc et de Saint-Germain ont bien prévu les volumes d'eau nécessaires aux assolements pratiqués par leurs irriguants ; l'institution des eaux de la montagne Noire dispose peut-être de l'information.
S'agissant de l'état de nos cours d'eau, il faut savoir que le Bernazobre a été modifié dès le Moyen Âge ; il se jetait autrefois dans la rivière Thoré et il se jette aujourd'hui dans la rivière Sor. L'ensemble est composé de nombreux béals, anciens systèmes d'irrigation devenus des cours d'eau au fil du temps. Certains cours d'eau se trouvent même en dessous de la nappe d'accompagnement (mélange de trois nappes de rivières).
Sur notre secteur, les cours d'eau qui seront impactés par l'aménagement sont déjà très fortement artificialisés ; certains se situent vraiment en périphérie de la ville de Castres, voire au milieu de sa zone industrielle et sont déjà très dégradés. En l'état actuel de nos connaissances, l'aménagement ne provoquera pas de forte dégradation de l'existant.
Non, mais pour cinq sur quatorze.
Je vous les communiquerai. Je pense déjà aux trois petits cours d'eau situés autour de Castres et qui arrivent sur l'échangeur de Saint-Palais (dans la zone industrielle de Mélou). Le plus important est le Bernazobre qui est déjà fortement dégradé, à l'image de la dizaine de kilomètres de méandres observée sur ce secteur.
Enfin, les plans d'exécution ne nous sont pas communiqués.
, rapporteure. Dont acte. Les plans d'exécution sont-ils a minima évoqués dans le cadre du comité de suivi ?
Nous n'intervenons au sein du comité de suivi que dans le cadre des mesures compensatoires et des zones humides et pour le suivi des engagements de l'État. Les plans d'exécution sont arrêtés entre la Dreal et la DDT. Un groupe d'acteurs locaux peut se positionner en tant que gestionnaires des milieux concernés. Nous avons effectivement été interrogés par Atosca pour faire le suivi des travaux, mais nous intervenons post-travaux.
J'ai l'honneur de présider l'institution des eaux de la montagne Noire. Cette année, nos barrages sont pratiquement pleins, ce qui nous facilitera les choses. L'année dernière a néanmoins été très difficile. Deux Asa nous avaient demandé des compléments d'eau pour achever leurs récoltes. Si nous avons pu donner suite, par la bienveillance de la DDT, cet exemple dénote tout de même d'une situation fragile.
Je réunis chaque année toutes les Asa au sein de l'organisme unique, d'abord pour faire le point des quantités d'eau disponibles pour les besoins en cultures. Je n'ai jamais entendu dire qu'une partie de l'eau était réservée pour l'autoroute.
, rapporteure. La demande figure pourtant dans l'arrêté interdépartemental du 1er mars, qui reprend la quantité prélevée sur chaque plan d'eau par les différentes Asa.
Tout à fait, mais je n'ai pas reçu de demande officielle des Asa d'augmentation des volumes d'eau pour les travaux de l'autoroute.
Je vous rassure, monsieur Hébrard, pour être à même de procéder à des prélèvements, toutes les Asa sont titulaires d'autorisations administratives reconductibles annuellement et ainsi que nous le confirmait la Dreal, auditionnée hier, tout conventionnement entre les Asa et le concessionnaire s'effectue dans le cadre des autorisations administratives, avec les restrictions applicables en cas de sécheresse.
Sur notre secteur, Atosca a creusé des trous et pompé de l'eau pour nettoyer les routes, laissant apparaître la nappe phréatique à la surface. Je l'ai constaté de mes yeux.
, rapporteure. Nous disposons des photos. Il est évident qu'Atosca ne doit aucunement pomper dans les nappes phréatiques pour nettoyer les routes.
Dans l'avis rendu, M. Hébrard indiquait que des fonctions et des sous-fonctions seraient perdues au niveau des zones humides : « Manque de compensation au niveau de ces sous-fonctions, notamment celles hydrauliques, car il n'est pas prévu de compenser une de ces principales caractéristiques ».
L'une des principales caractéristiques d'une zone humide est la présence d'eau dans le sol, fonction qui disparaîtrait pour 22,5 hectares. M. Thomas, scientifique ici récemment auditionné, nous a précisé que trois fonctions seraient définitivement perdues, car non répertoriées, et qu'une seule serait compensée.
Quelle est votre position sur le sujet ?
Vous me demandez ce que deviendra la nappe phréatique, mais je ne suis pas compétent pour vous répondre. Je reste dans l'attente des études qui seront menées sur le sujet.
J'admets avoir quelques inquiétudes sur ce sujet crucial pour nos territoires et la biodiversité de vallée. Je ne sais pas si Atosca, la DDT ou quiconque répondra, mais pour l'heure, nous restons tout de même dans un certain flou artistique.
A priori, vous estimez que la compensation n'est pas à la hauteur de la destruction en cours.
Assurément. Sur ma commune, un énorme trou a été creusé pour le passage d'un pont au-dessus d'une départementale, formant une sorte de grande piscine qui s'est automatiquement remplie d'une eau magnifique. Une semaine durant, j'ai assisté à des allers-retours de semi-remorques ramenant d'énormes cailloux de la montagne Noire, avec une pelle mécanique pour entasser le tout et des camions déversant de la chaux dans le trou. Je ne suis pas compétent pour dire si la chaux est polluante ou non, mais ce type de pratiques m'inquiète pour le territoire.
Pardonnez-moi, mais j'ai un peu de mal à comprendre.
J'imagine que les Sage de Haute-Garonne et du Tarn fonctionnent de manière similaire. Vous avez été saisis, émis un avis positif (au demeurant un peu éloigné de vos propos d'aujourd'hui) et formulé vos préconisations. Ces préconisations ont été suivies dans le cadre de l'arrêté interministériel. Ensuite, il existe un comité de suivi des mesures compensatoires auquel le Sage du Tarn vient de nous confirmer qu'il participait, notamment pour assurer le suivi des zones humides. Dès lors, je m'étonne que vous ne soyez ni informé ni même présent audit comité, ne serait-ce que pour vérifier si vos diverses recommandations sont reprises ou non.
Pouvez-vous m'expliquer cette différence de degré d'information et de suivi entre les Sage du Tarn et de la Haute-Garonne ?
En outre, on peut déjà se féliciter de l'engagement d'Atosca de compenser au-delà de 1,5 demandé par le Sage pour les zones humides, sachant que l'État veillera naturellement au respect des engagements d'Atosca en la matière.
Je n'ai malheureusement pas d'explication à vous fournir quant à la différence de degré d'information. Nous avons bien transmis nos revendications et autres doléances et à ma connaissance, le technicien qui gère la Cle ne m'a fait aucun retour. Je suis naturellement ouvert à une meilleure compréhension des enjeux sur cette vallée, mais à ce jour, aucune rencontre n'a été organisée ni avec Atosca, ni avec qui que ce soit.
Je vous la confirme. Nous sommes présents à chaque invitation émise par le porteur de projet. Nous ne sommes d'ailleurs pas seuls, mais aux côtés d'organisations comme FNE, la LPO, les fédérations de chasse et de pêche, ainsi que tous les usagers de l'eau et les collectivités territoriales concernées.
Après avoir constaté toutes ces anomalies, je précise avoir écrit à M. le Préfet du Tarn, sans réponse à ce jour.
Nous réinterrogerons la Dreal sur le sujet. D'emblée, il serait assez « particulier » que le Sage du Tarn soit convoqué aux comités de suivi et non le Sage de la Haute-Garonne, a fortiori dans le cadre d'un arrêté interdépartemental.
Votre directrice, monsieur Hébrard, était présente au dernier comité de suivi.
Il s'agissait de la directrice du Sage de l'Hers Girou, mais pas de la Cle – laquelle est gérée par le technicien également en charge du Sage.
En effet.
Oui, mais je ne crois pas qu'il ait été convoqué. Le cas échéant, il m'en aurait informé.
Monsieur Hébrard, nous sommes dans le cadre d'une commission d'enquête où chaque propos tenu vous engage. La commission se réunit également pour vérifier que les procédures ont bien été respectées.
Lorsque vous affirmez que le Sage de l'Hers n'assiste pas aux comités de suivi alors que tel est le cas, vous comprenez notre interrogation. Je conçois l'éventualité d'une méprise, mais il s'agirait que vos propos ne soient pas mal interprétés par la commission d'enquête. Nous ferons évidemment le nécessaire auprès de l'administration pour nous assurer que le Sage que vous présidez est bien représenté dans le cadre des comités de suivi.
Mes questions s'adressent à M. Battut.
Estimez-vous que la transparence hydraulique soit pleinement assurée sur votre territoire par des ouvrages d'un niveau suffisant, plus particulièrement sur les sites du Bernazobre, de Maurens-Scopont et à la sortie de Castres ?
Avez-vous alerté le concessionnaire et/ou le bureau d'études Setec/Hydratec des risques d'inondation qui résulteraient d'une insuffisance d'ouvrages hydrauliques sur certains secteurs ?
La commune de Maurens-Scopont ne fait pas partie de notre territoire. Une zone en particulier présente un fort potentiel d'inondation. Nous organisons des réunions régulières avec Atosca en vue de trouver des solutions minimisant l'impact des zones inondables. La majorité des zones humides de notre territoire se trouve dans un état dégradé et affiche de faibles densités au niveau surfacique. Pour ces raisons, les compensations apportées seraient largement positives.
Je ne dirais pas qu'elle est « pleinement assurée » dans la mesure où nous sommes en cours de discussion avec Atosca.
J'ajoute que nous ne pouvons certifier que la transparence hydraulique sera pleinement assurée en raison de limites techniques et scientifiques.
Sur cette zone, le débordement de cours d'eau est l'étape ultime du processus d'inondation, qui fait suite au ruissellement sur les terrains agricoles (généralement à nu) et aux remontées de nappes situées au-dessus de cours d'eau fortement incisés. Bien qu'il soit désormais possible d'estimer le niveau de débordement d'un cours d'eau, nonobstant les erreurs d'appréciation inhérentes au phénomène de ruissellement, l'exercice s'avère extrêmement ardu sur les remontées de nappes.
Nous sommes sur un terrain très plat. La nappe phréatique s'étend pratiquement tout le long de l'autoroute. Globalement, ce sont des zones accueillant une très grande biodiversité. J'espère que quelqu'un sera à même de nous répondre sur ce sujet majeur pour l'avenir du territoire.
, rapporteure. Je voudrais revenir sur la question des mesures de compensation, d'autant que les analyses de MM. Battut et Hébrard semblent converger.
Monsieur Battut, vous indiquiez dans vos préconisations que des surfaces seraient disponibles à condition d'élargir la DUP. Dans quel cadre légal pensez-vous opérer et selon quelles articulations avec les PLU et PLUI ? En somme, à quel titre envisagez-vous l'élargissement des zones couvertes par la DUP ?
Si ledit élargissement n'avait pas lieu, le niveau de compensation associé vous conduirait-il à rendre un avis défavorable ?
Tout d'abord, je ne crois pas qu'une DUP soit forcément nécessaire pour compenser en dehors du faisceau, car nous sommes aussi dans le cadre de la compétence pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (Gemapi).
Dans l'hypothèse où ce qui a été prévu ne fonctionnerait pas, nous avons établi la liste des zones disponibles sur le bassin versant du Bernazobre et de l'Agout.
Aussi n'existe-t-il aucune raison de modifier notre avis, à ce jour, car je reste intimement persuadé que nous parviendrons à compenser de façon très positive ces zones déjà très fortement dégradées.
, rapporteure. Qui détient la maîtrise foncière des zones susceptibles d'être utilisées en compensation ?
Nos zones humides appartiennent à la Fédération départementale des chasseurs, au conservatoire des espaces naturels (CEN) et à certaines collectivités. Nous avons constitué parallèlement tout un réseau d'agriculteurs désireux de travailler à des fermetures de fossés, à la réintroduction de la vie dans les sols agricoles et à l'intégration des zones humides à leur exploitation ; autant d'initiatives auxquelles ils sont tout à fait favorables.
Nous sommes donc à même de proposer un réseau d'acteurs aux concessionnaires et recherchons en permanence des moyens de financement dans l'objectif de restaurer les zones humides et dégradées.
Je précise ici que nous gérons 7 000 hectares de zones humides en plus ou moins bon état ; en fin de recensement, nous devrions nous situer autour de 10 000 hectares de zones humides.
Sur le plan des compensations, nous manquons bien plus de financement que de surfaces.
, rapporteure. J'en venais justement aux aspects de financements qui m'apparaissent importants. De qui envisagez-vous obtenir ces financements ?
Nous pensions aux mesures compensatoires, au concessionnaire et plus largement à toute personne disposée pour ce faire. De ce côté, nous ne sommes pas très regardants.
, rapporteure. J'avais en tête des aspects plus juridiques de la compensation financière et de nature à impacter l'équilibre financier de la concession. Avez-vous réalisé ce type d'évaluations financières ?
Nous avons uniquement connaissance des plans de gestion validés et approuvés par les services de l'État. Nous ne sommes mis à contribution qu'a posteriori des travaux de compensation. Pour l'instant, le concessionnaire n'a formé aucune demande de nouveaux sites si ce n'est auprès de la Fédération de chasse à laquelle il conviendrait, dès lors, de poser la question.
, rapporteure. Il s'agit donc d'un exercice de prospective de votre part, sans qu'Atosca n'ait formulé aucune demande en ce sens.
, rapporteure. D'accord. Je m'étonnais qu'Atosca soit soudainement devenu défenseur de la zone humide.
Qu'en est-il de votre territoire, monsieur Hébrard ?
Notre territoire est très différent de celui de notre collègue du Tarn, qui semble disposer d'un certain nombre de zones pour compenser. Situé sur une vallée extrêmement fertile, que la chambre d'agriculture considère d'ailleurs comme la meilleure terre de Haute-Garonne, chaque mètre carré de terrain y est cultivé. Il sera donc très difficile de compenser pour la zone relevant de ma compétence.
À ce jour, je n'entrevois aucune solution en termes de compensations. Il nous faudra encore y travailler.
Vous avez parlé de l'articulation entre la DUP et la Gemapi, sujet qu'il me faudra approfondir. Confirmez-vous que la loi Gemapi permettrait de se soustraire à la DUP concernant les zones susceptibles d'être compensées ?
N'étant pas juriste, je dois encore m'en assurer. L'une des dispositions du Sage autorise effectivement à constituer un fonds de compensation. Dans le cadre de la DUP et s'il n'est pas possible de compenser dans le faisceau, nous avons proposé un panel de solutions en vue de compenser à hauteur le milieu humide impacté.
, rapporteure. Confirmez-vous qu'une telle proposition ne peut survenir qu'en dehors du champ de la DUP, selon des prérogatives et des termes très différents ?
, rapporteure. Pour ma part, j'en ai terminé avec mes questions.
Merci de votre présence et de vos réponses que je vous invite à compléter, pour les sujets particulièrement pointus, dans le cadre du questionnaire que je vous ai envoyé.
Chers collègues, je remercie MM. Jean-Louis Battut et Gilbert Hébrard d'avoir éclairé nos travaux.
Notre prochaine audition se déroulera, demain, jeudi 4 avril, à partir de 10 heures.
Je lève notre réunion.
La séance s'achève à seize heures trente-cinq.
Membres présents ou excusés
Présents. - Mme Christine Arrighi, Mme Karen Erodi, Mme Sylvie Ferrer, M. Jean Terlier.