Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Réunion du mardi 12 décembre 2023 à 17h15

Résumé de la réunion

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  • décentralisation
  • foncier
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La réunion

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La séance est ouverte à 17 h 15.

La délégation s'est réunie pour auditionner M. Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement.

Cette réunion fait l'objet d'un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

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Monsieur le ministre délégué chargé du logement, c'est la première fois que nous vous recevons depuis votre nomination au Gouvernement, il y a presque cinq mois.

Le secteur dont vous avez la charge est essentiel pour nos concitoyens : plus qu'un simple espace bâti, le logement est un lieu de vie consacré à la satisfaction des besoins fondamentaux des ménages et auquel ils consacrent une part importante de leurs ressources. C'est aussi un secteur économique qui traverse aujourd'hui des turbulences, et même une crise majeure.

Dans un entretien au magazine L'Express daté du 26 novembre dernier, vous avez qualifié ces difficultés de « triple crise » : crise de l'offre de logements, avec l'affaissement de la construction, crise de la demande liée à la dégradation des conditions de financement et à la difficulté d'obtenir des prêts immobiliers, et crise de l'accès au logement, avec, notamment, une baisse des taux de rotation et près de 2,5 millions de ménages en attente d'un logement social.

Le Gouvernement a multiplié les initiatives afin d'apporter à nos concitoyens une réponse à la hauteur de leurs attentes. Une première série de mesures a été annoncée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, avec notamment la prolongation du dispositif du prêt à taux zéro (PTZ) et la révision des zonages afin de permettre à un plus grand nombre de communes de passer en zone tendue. Au dernier congrès de l'Union sociale pour l'habitat (USH), qui s'est tenu du 3 au 5 octobre, vous avez également proposé au mouvement HLM la signature d'un « pacte de confiance » comportant notamment un fonds de 1,2 milliard consacré à la rénovation du logement social. Vous nous donnerez, j'en suis sûr, des précisions sur les mesures contenues dans ce pacte ainsi que sur le calendrier de sa mise en œuvre. Plusieurs de nos collègues ici présents, qui ont présidé des offices HLM ou des sociétés anonymes d'HLM (SA HLM), sont de fins connaisseurs de cette question.

Mais, comme vous pouvez vous en douter, nous souhaitons également vous entendre à propos de la décentralisation de la politique du logement, qui a été au cœur des rencontres organisées sous la présidence de mon prédécesseur, Thomas Cazenave, le 29 juin, en présence du vôtre, Olivier Klein. Les deux tables rondes consacrées respectivement à la relance de l'offre de logements et à la gestion des aides à la rénovation de l'habitat ont permis de faire émerger des propositions articulées autour de l'idée que la décentralisation pouvait être l'un des moyens de gagner en efficacité dans le domaine du logement et de mieux répondre à l'aspiration de nos concitoyens à trouver un logement digne dans des délais raisonnables.

L'une des pistes de réforme esquissées – et reprises dans le rapport que j'ai eu l'honneur de rédiger au nom de la délégation – consiste à attribuer aux collectivités territoriales de plus grandes marges de manœuvre dans la modulation des zonages, en particulier les plus structurants pour l'accès aux aides personnalisées au logement (APL), à savoir les zonages 1, 2 et 3, et pour l'investissement locatif, à savoir les zonages A, B et C, et plus de latitude dans l'adaptation des normes de construction aux spécificités des territoires. Un test effectué en Bretagne avec le « Pinel breton », assez concluant, a d'ailleurs montré qu'en adaptant des règles nationales à l'échelle locale et en donnant aux élus la latitude nécessaire pour viser les secteurs prioritaires, les effets étaient plutôt conformes aux objectifs de la loi telle qu'elle avait été voulue par le Gouvernement et le Parlement.

La délégation aux collectivités territoriales s'est également prononcée, dans le cadre de ce rapport, en faveur d'une décentralisation des aides regroupées sous l'appellation MaPrimeRénov'. Ce point de vue n'étant pas unanimement partagé dans l'appareil d'État, nous serons heureux de vous entendre à ce propos. Ce matin encore, des élus membres de la commission « logement » d'Intercommunalités de France me disaient combien il importait de valoriser, au-delà des maires bâtisseurs, les maires rénovateurs, et de leur donner plus de moyens. L'une des hypothèses soulevées dans ce domaine est la résurgence d'une forme d'impôt résidentiel, selon des modalités qui restent à déterminer.

La question centrale reste la détermination de l'échelon territorial le plus pertinent pour porter ce nouvel effort en faveur du logement. La désignation des intercommunalités comme autorités organisatrices de l'habitat (AOH), actée par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (loi « 3DS »), même si elle reste encore souvent une coquille vide, suffit à donner aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) la légitimité requise pour accueillir ces nouvelles compétences, et cela d'autant plus qu'ils correspondent souvent à des bassins de vie naturels. D'autres points de vue se sont toutefois exprimés au cours de ces rencontres, notamment lors du débat consacré au rapport, avec des interrogations quant au caractère systématique – ou non – de cette décentralisation des politiques du logement aux EPCI en termes de construction et de rénovation et au libre choix qui pourrait être laissé à ceux-ci, selon une modalité d'option déjà expérimentée pour la compétence mobilité dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), de prendre ou non cette compétence, une autre collectivité devenant compétente par défaut si la première ne souhaitait pas la prendre. En l'espèce, il pourrait s'agir des départements.

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé le dépôt, à la fin du printemps prochain, d'un projet de loi sur le logement, qui comprendra un robuste volet relatif à la décentralisation. Pouvez-vous nous en dire plus sur les contours de ce texte, notamment sur la nature et l'étendue des compétences qui pourraient être transférées à l'échelon local – ou, en tout cas, nous faire part de vos réflexions sur ce sujet ?

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Patrice Vergriete, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé du logement

Monsieur le président, je tiens à saluer la contribution que représente votre rapport, sur lequel nous pourrons nous appuyer.

Le logement connaît en effet une crise, qui est à la fois conjoncturelle et structurelle. Vous avez repris mes mots pour évoquer une triple crise qui est à la fois une crise conjoncturelle, provoquée par la hausse des taux d'intérêt et des coûts de construction, et une crise conjoncturelle, qui se situe à une autre échelle. On voit bien qu'avant même l'augmentation des taux et des coûts de construction, certains déséquilibres étaient déjà apparus de très longue date dans la politique du logement : il s'agissait de déséquilibres économiques, avec des prix immobiliers qui ont totalement décroché du pouvoir d'achat des ménages à partir de l'année 2000, de déséquilibres sociaux, avec la concentration des plus démunis dans les mêmes quartiers et des enjeux liés à l'hébergement d'urgence, et de déséquilibres environnementaux, comme on le voit avec la consommation foncière excessive dans certains territoires ou avec les enjeux de la rénovation énergétique.

Cette crise exigeait donc à la fois des réponses de court terme et une profonde transformation de la politique du logement. Comme vous l'avez dit, des premières mesures ont été prises dans le projet de loi de finances, dont le PTZ. Des engagements forts ont également été pris en faveur de la rénovation énergétique des logements, avec une augmentation inédite de MaPrimeRénov' et la création de MaPrimeAdapt' pour l'adaptation des logements au vieillissement. A également été annoncé le pacte de confiance avec le mouvement HLM qui, dans les grandes lignes, permet de tenir à la fois l'objectif de rénovation énergétique du parc social, avec notamment une enveloppe de 1,2 milliard d'euros sur trois ans, et l'objectif de production, avec des prêts particulièrement bonifiés de la Caisse des dépôts, déjà disponibles pour les bailleurs sociaux. Quant au fonds de 1,2 milliard, un premier volet de 400 millions sera débloqué des 2024, comme indiqué dans le projet de loi de finances : cela répond à la question du timing.

Il ne s'agit pas aujourd'hui de citer toutes les mesures qui figurent dans le projet de loi de finances, mais celles que je viens de citer constituent une première réponse. Du reste, le projet de loi de finances n'est pas achevé à ce stade.

L'objectif était également d'enclencher une refondation de la politique du logement, ou du moins de ses instruments, afin de pouvoir répondre à une crise beaucoup plus structurelle. Plusieurs supports devraient permettre de faire évoluer cette politique.

Ainsi, l'Assemblée nationale débat actuellement de la proposition de loi de Mme Annaïg Le Meur et M. Inaki Echaniz sur les meublés touristiques, qui vise à permettre aux maires de réguler efficacement ce marché. Dans la commune de Dunkerque, par exemple, que je connais particulièrement bien, le nombre de meublés touristiques a augmenté de 47 % en deux ans. Les maires doivent donc avoir à leur disposition un outil de régulation que les communes menacées par l'attrition du nombre de logements à cause de la multiplication des meublés touristiques pourraient utiliser, tandis que d'autres communes, qui considéreraient au contraire cette multiplication comme une aubaine, pourraient ne pas en faire usage. Il s'agit donc de mettre dans la boîte à outils des élus locaux un nouveau dispositif de régulation – j'y reviendrai tout à l'heure lorsque nous évoquerons la décentralisation de la politique du logement.

Une proposition de loi de M. Romain Daubié sera également examinée prochainement, portant sur la transformation de bureaux en logements.

J'ai, quant à moi, présenté ce matin en conseil des ministres un projet de loi sur les copropriétés, qui arrivera à l'Assemblée dans la semaine du 22 janvier et vise à simplifier et à accélérer les dispositifs permettant de traiter les copropriétés dégradées et l'habitat indigne. Ce projet de loi s'appuie pour une grande part sur le rapport commandé à Mathieu Hanotin et Michèle Lutz, qui rappelle, s'il en était besoin, que plus on tarde à intervenir sur une copropriété dégradée ou un habitat indigne, plus il est difficile de remonter la pente. Ce projet de loi donnera davantage d'outils aux opérateurs et aux collectivités locales pour prévenir à temps de la dégradation de ces copropriétés dégradées et faciliter les expropriations le plus en amont possible en cas de dégradation. L'habitat indigne concerne un million de personnes : l'enjeu est donc de taille et ce problème concerne la vie au quotidien.

Une mission parlementaire sur la fiscalité locative a été confiée à Mme Marina Ferrari et Mme Annaïg Le Meur. Au-delà de la question de justice fiscale que posent notamment les meublés touristiques, il se trouve que le locatif privé représente un quart du parc français de logement : la fiscalité locative doit donc permettre de développer l'investissement dans ce secteur. Le rapport de vos deux collègues aura ainsi la responsabilité de répondre aux enjeux de justice fiscale et d'efficacité économique dans le domaine du logement, tout en veillant à l'équilibre de l'investissement locatif privé entre le neuf et l'ancien.

La loi sur le logement évoquée par M. le président ne devrait être présentée en conseil des ministres qu'en mai ou juin, afin de nous laisser le temps de procéder d'ici là à de larges concertations avec les élus locaux. Cette loi abordera diverses perspectives, dont celle de la décentralisation de la politique du logement, qui peut être une réponse à la question de la crise structurelle du logement.

D'abord, la diversité des marchés du logement dans les différents territoires est un constat évident : il n'y a plus grand-chose de comparable entre l'agglomération parisienne et Vesoul, Lunéville ou Montluçon. Cette différenciation territoriale n'a jamais été aussi marquée et elle appelle des réponses adaptées à chaque territoire.

En outre, cette différenciation ne fera que s'accroître dans les prochaines années, en raison notamment du changement climatique. Je vous laisse imaginer la différence sur le marché du logement, ne serait-ce qu'en termes de normes de construction, entre la situation à Nîmes, où le logement sera confronté assez régulièrement à des températures de plus de 50 degrés, et à Dunkerque, où il sera exposé trois fois par hiver à des vents de plus de 150 kilomètres à l'heure : adapter le patrimoine de Nîmes à de telles tempêtes ou le logement de Dunkerque à des températures de plus de 50 degrés serait coûteux et ne serait guère utile.

Ensuite, certains éléments de la politique du logement doivent désormais être traités au plus proche de la population. C'est le cas notamment de la rénovation énergétique – mais je pourrais prendre également l'exemple de l'adaptation au vieillissement. De fait, à l'échelle d'un monogeste, comme le remplacement d'une chaudière, l'intervention au niveau de l'État peut être relativement efficace, à l'instar de la prime à la casse pour les voitures, mais ce n'est pas le cas pour une rénovation globale – qui est précisément l'ambition affichée aujourd'hui, puisqu'il n'y aurait guère de sens à installer des pompes à chaleur dans des logements classés G. De telles opérations exigent du sur-mesure, du cousu main : il faut se rendre dans chacune des maisons concernées, recruter des diagnostiqueurs et des accompagnateurs Rénov, repérer le marché des entreprises et accompagner ces dernières. Ce pilotage très fin de la politique de rénovation énergétique sera certainement mieux fait au niveau local par des élus locaux qui appellent pratiquement tous les habitants de leur territoire par leur prénom. Identifier pour la politique du logement un chef de filât beaucoup plus proche de la population serait donc beaucoup plus efficace.

La décentralisation de cette politique suscite quatre grandes questions, auxquelles nous devrons répondre dans le chapitre correspondant de la loi « logement ».

La première question est celle du niveau territorial du chef de file – ou « pilote » ou « pivot » – de la politique du logement, et qui devra en porter la première responsabilité. Parmi les associations d'élus locaux, des convergences s'expriment à cet égard : si la métropole, les communautés urbaines et les comités d'agglomérations ont une certaine légitimité pour jouer ce rôle, la question se pose au niveau des communautés de communes. L'hypothèse que vous avez évoquée et selon laquelle cette compétence pourrait leur être confiée sur la base du volontariat ou, à défaut, transférée aux départements, est une piste réelle et sérieuse. Nous avons six mois pour trancher cette question dans la discussion avec les associations d'élus locaux.

La deuxième et la troisième questions, qui sont intimement liées, portent respectivement sur les ressources et les compétences. De quelles ressources doit demain disposer l'autorité organisatrice de l'habitat au niveau territorial qui aura été identifié à la question précédente ? Doit-il s'agir d'un nouveau levier fiscal, d'un transfert des moyens de l'État, ou des deux, selon les compétences ? Cette question est ouverte et les réponses des associations d'élus locaux sont beaucoup plus hétérogènes. Sans doute cela donnera-t-il lieu à un long débat.

Pour ce qui est des compétences, il semble que la décentralisation de tout ce qui a trait au logement social, à l'aide à la pierre, à l'agrément, à l'autorisation de vente et de démolition et de tout ce qui touche au logement social fasse l'objet d'un relatif consensus de la part des associations d'élus locaux. Pour ce qui relève d'un traitement sur-mesure en matière de rénovation énergétique et d'adaptation au vieillissement de la population, et qui devrait sans doute être financé par un transfert de ressources de l'État vers les collectivités plutôt que par un levier fiscal, il est tout à fait imaginable que MaPrimeRénov' et MaPrimeAdapt' soient gérées par des communautés – à titre personnel, je pense même que ce serait beaucoup plus efficace.

Au-delà de ces questions, tout est ouvert et on peut tout imaginer. Si nous voulions nous amuser, nous pourrions même élargir la réflexion aux APL et à l'hébergement d'urgence, mais il n'est pas certain que cela fasse aujourd'hui consensus. Toujours est-il que, six mois avant le dépôt de la loi, nous n'en sommes pas encore au moment où il faudra faire converger toutes les positions : toutes les questions peuvent donc être discutées librement. Je suis très ouvert à toutes vos suggestions en matière de décentralisation de la politique du logement.

Une quatrième question, essentielle mais souvent négligée, est celle de la boîte à outils de la régulation du marché du logement. Ce dernier est très imparfait et a donc besoin de régulation publique, à l'échelle nationale comme locale, ce qui suppose des outils appropriés. Dans le cas des meublés touristiques, par exemple, la boîte à outils de la régulation est indispensable.

Quant à savoir ce que doit contenir cette boîte à outils, la question est posée aux associations d'élus. Les collectivités doivent pouvoir maîtriser le développement des meublés touristiques, mais on peut s'efforcer d'aller plus loin. Il serait ainsi envisageable de renforcer le droit de préemption urbain, ne serait-ce qu'en matière de lutte contre la spéculation immobilière. L'encadrement des loyers est un autre de ces outils : sera-t-il « open bar », ou conditionné à la production de logements, les collectivités devant alors prendre des engagements en ce sens ? Sans production d'offre, l'équilibre entre l'offre et la demande de production de logements ne bouge pas.

On peut aller très loin pour ce qui concerne cette boîte à outils de régulation, mais il faut également demander aux collectivités ce dont elles ont besoin pour mieux gérer demain le marché du logement et mieux trouver les équilibres locaux.

La loi « logement » ne se limite évidemment pas à la décentralisation. Elle vise aussi à réformer les outils nationaux de la politique du logement. Je pense ainsi mettre sur la table la question du modèle économique de la production du logement, souvent évoquée avec les maires. De fait, la production de logement social ne génère pas de ressources fiscales, en raison de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), mais des charges. C'est là un exemple de déséquilibre de ce modèle pour les communes françaises.

Pourrait également être abordée la question du rôle du logement social. Historiquement, le modèle français était généraliste mais, dans les faits, sans débat politique, ce modèle généraliste est devenu un modèle résiduel – en d'autres termes, on concentre les plus démunis dans les mêmes quartiers. Alors que tous les élus locaux et les bailleurs sociaux me disent leur attachement à un modèle généraliste, notre modèle de logement social est désormais résiduel. Il est donc temps d'engager un débat politique sur la mixité sociale dans le logement social, et donc de revoir le système d'attribution actuellement en vigueur, qui contribue à instaurer un modèle résiduel.

Ces questions peuvent se poser dans le cadre de la loi « logement ». Nous sommes au début d'une concertation et d'échanges avec les associations d'élus.

Permettez-moi de revenir un instant, avec un autre exemple, sur la boîte à outils de la régulation de la décentralisation. Mme Natacha Bouchart, maire de Calais, m'a récemment téléphoné pour me faire part du souhait de sa commune de lancer une grande offensive contre la vacance dans le centre-ville, et pour me demander si elle pouvait moduler la taxe sur les logements vacants. Or la loi ne le permet pas : donnerons-nous demain au maire – et pas nécessairement à l'AOH –, dans la boîte à outils de la régulation, la possibilité de débrider le taux de cette taxe sur les résidences secondaires ? Dans ma ville, le taux de résidences secondaires est inférieur de neuf points au taux moyen du département, mais je ne peux pas toucher à cette taxe, car son taux est lié à celui de la taxe foncière, à laquelle, précisément, je ne veux pas toucher. Je ne peux donc pas moduler la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Voilà quelques exemples de réflexions en cours dans la perspective de la décentralisation de la politique du logement.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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C'est lors d'une visite à Marseille, dans ma circonscription, que le Président de la République avait annoncé des mesures relatives aux copropriétés dégradées, en vue notamment d'accélérer les procédures. Entre la constatation de l'état de dégradation d'une copropriété et notre intervention, il peut aisément se passer entre sept et dix ans, voire vingt. Il est donc manifestement nécessaire que les procédures soient compactées.

Un problème très spécifique aux copropriétés dégradées est que, lorsque s'appliquent des plans de sauvegarde, mais que les communes n'ont pas pris d'arrêté de péril, l'Agence nationale de l'habitat (Anah) cofinance des travaux et prend en charge les dettes de la copropriété à hauteur de 80 % – mais de 80 % seulement. En d'autres termes, la copropriété, même très dépendante sur le plan financier, ne peut pas être aidée à 100 % tant qu'elle attend l'arrêté de péril. Ce mécanisme peut empêcher certaines copropriétés dégradées de se remettre sur une bonne voie.

Ma deuxième question porte sur la rénovation énergétique, dont vous avez évoqué les enjeux – auxquels nous souscrivons. Quid, cependant, du bâti ancien, notamment dans les villages, dans le périmètre de sites classés ? En site classé, la rénovation ne peut malheureusement pas se faire en extérieur ; elle doit nécessairement se faire en intérieur. Or le prix n'est pas le même et cela ne favorise pas l'instauration d'un cycle vertueux.

S'agissant, enfin, de l'attribution des logements sociaux, ne pensez-vous pas qu'un maire qui joue le jeu de la production de logement social et qui signe un contrat de mixité sociale devrait avoir son mot à dire sur la politique de peuplement de sa commune et intervenir davantage dans la procédure d'attribution de logements sociaux ?

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Les Français n'ont jamais éprouvé autant de difficultés à se loger. La construction de logements neufs s'effondre ; l'offre reste inférieure à la demande dans les zones tendues ; la liste des demandeurs de logement social explose et l'accession à la propriété s'éloigne peu à peu pour la majorité des primo-accédants. Baisse des APL, restriction du prêt à taux zéro, raréfaction du foncier disponible dans le parc ancien du fait de l'objectif ZAN, durcissement des conditions de location. Le constat est alarmant, tous les voyants sont au rouge. Quel est le plan du Gouvernement pour redonner au marché de l'immobilier la fluidité qui permettra de le relancer ?

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Alors que la trêve hivernale a débuté le 1er novembre, de nombreux citoyens sont encore sans domicile fixe et doivent faire face au froid de la rue, aux dispositifs anti-SDF, au manque de places en centre d'hébergement et au manque de logements. Le nombre de personnes sans domicile a doublé en dix ans : elles sont désormais 330 000, selon la Fondation Abbé Pierre.

Dans la rue, les hommes sont majoritaires. Ils sont souvent étrangers et marginalisés par une politique d'asile et d'immigration discriminante. Le projet de loi « immigration » aurait encore aggravé leur situation : heureusement que la motion de rejet a été votée hier. Pour la première fois depuis 1945, la situation des enfants s'est dégradée en France : dans la sixième puissance mondiale, le nombre d'enfants vivant dans la rue a augmenté de 20 % en un an et ils sont au moins 2 000 à présent. Quant aux étudiants vivant en centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), ils peuvent être expulsés sans préavis, malgré le froid de l'hiver, car ils ne bénéficient pas de la trêve hivernale.

Par ailleurs, 5 millions de nos concitoyens vivent dans une passoire thermique, où il ne fait pas plus de 15 ou 16 degrés en hiver, et leur situation va encore s'aggraver avec l'augmentation du coût de l'énergie. Entre les logements manquants, les passoires thermiques et les loyers trop élevés, nos concitoyens ne s'en sortent plus. Pourtant, il y aurait la place de loger tout le monde dignement en France, puisqu'on dénombre 3,1 millions de logements vacants et 330 000 sans-abri.

Il faut prendre des mesures d'urgence, lutter contre les logements vacants et aller jusqu'à la réquisition pour loger celles et ceux qui meurent de froid. Il faut lancer un plan de rénovation écologique de l'habitat, loger nos étudiants, nos enfants, les exilés, celles et ceux qui meurent de froid. De grands logements sont vides et chauds. Comme disait l'abbé Pierre, « la vraie charité ne consiste pas à pleurer ou simplement à donner, mais à agir contre l'injustice ». Monsieur le ministre qu'allez-vous faire ?

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Quels outils et quels moyens pouvons-nous donner aux collectivités pour les aider à mobiliser le foncier, qui devient rare et cher ? Je pense notamment à la requalification des friches et à la reconquête des centres urbains dégradés. Comment envisagez-vous de moderniser et d'accentuer le soutien de l'État à la constitution de foncières et d'inciter les territoires qui n'en ont pas encore à se doter d'un établissement public foncier local ?

S'agissant de la rénovation énergétique, où en sont les discussions avec les collectivités et les acteurs concernés au sujet de MaPrimeRénov' ? En confier le chef de filat à la région peut poser des problèmes. En Auvergne-Rhône-Alpes, par exemple, la décision du président de se retirer du dispositif France Rénov' risque de priver nombre d'Aurhalpins de ces aides. Par ailleurs, ne faudrait-il pas faire évoluer les critères du diagnostic de performance énergétique ? Il repose actuellement sur deux piliers : la consommation énergétique et la production de CO2. Pourquoi ne pas mettre davantage l'accent sur les actes qui contribuent à réduire la production de CO2, afin d'atteindre nos objectifs en la matière ?

Je me réjouis de l'arrivée du projet de loi relatif aux copropriétés, qui facilitera les opérations de rénovation. En tant qu'élus locaux, nous rencontrons des difficultés à faire accepter les nouvelles constructions aux populations. Je rejoins donc la question qu'a posée le président au sujet des maires bâtisseurs.

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Il paraît indispensable de donner de nouveaux outils aux élus, mais il faut aussi que l'État les accompagne par un volet fiscal : il est absolument essentiel de lier les deux questions.

Réformer la manière dont les décisions sont prises au sein des copropriétés est aussi une question essentielle, pas seulement pour lutter contre l'insalubrité et favoriser l'adaptation des logements, mais surtout pour relever le défi de la rénovation énergétique.

La décentralisation est indispensable et la question du chef de filat, essentielle. Il va falloir trouver l'échelle pertinente et ce n'est pas une question facile, car le contexte n'est pas le même dans tous les territoires. Une fois encore, si l'on veut que cette politique de décentralisation réussisse, il est impératif que les moyens soient au rendez-vous. S'agissant de la rénovation énergétique, tant que l'on n'aura pas réglé la question du reste à charge, on aura bien du mal à avancer.

Vous n'avez pas évoqué les difficultés que rencontrent les entreprises de la filière de la rénovation à recruter des gens formés. Il importe, de mon point de vue, d'accompagner cette filière et de faire un effort de réindustrialisation.

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Monsieur le ministre chargé du logement, j'aimerais vous parler de ceux qui n'en ont pas.

« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence » : c'est ce que prévoit la loi, mais elle ne s'applique toujours pas. Le 10 octobre, les villes de Lyon, Strasbourg, Paris, Rennes, Bordeaux et Grenoble ont déposé des recours pour que l'État assume ses obligations d'hébergement des personnes dormant dans la rue. Deux mois plus tard, nous sommes toujours sans réponse et sans solution. Discussion avec les représentants de l'État, envoi de courriers, demandes de rencontre, questions au Gouvernement : mes collègues Marie-Charlotte Garin, Sandra Regol et Charles Fournier vous ont déjà alertés par tous les moyens. Allez-vous finir par agir ? Selon l'Unicef France, 2 822 enfants vivent dans la rue, alors même que leurs familles ont contacté le 115, et près de 700 d'entre eux ont moins de 3 ans. Et la situation est encore bien plus grave, puisqu'on estime que 50 % à 70 % des gens vivant dans la rue ne contactent pas le 115.

Le nombre de places en hébergement d'urgence n'augmentera pas en 2024 : la hiérarchisation de la misère et des demandes va donc se poursuivre. Les associations demandent 10 000 places supplémentaires, c'est dire l'urgence. Quand l'État n'assume pas son rôle, ce sont encore et toujours les communes et les associations qui pallient ses défaillances. Les collectivités ouvrent des gymnases, parfois des écoles, et financent des nuits d'hôtel sur leurs ressources propres, sans remboursement de l'État. Strasbourg a ainsi dépensé 900 000 euros entre septembre 2022 et mars 2023, et Rennes, 4 millions d'euros sur l'année 2022. Les communes interviennent parce qu'il serait indigne de laisser des personnes à la rue sans solution, mais cette responsabilité incombe au Gouvernement : c'est ce qu'a jugé le Conseil d'État en 2016.

Monsieur le ministre, combien de temps devrons-nous encore attendre une refondation du système d'hébergement d'urgence, capable de fédérer collectivités et associations ? Devons-nous arriver à la conclusion que la promesse d'Emmanuel Macron de donner un toit à toutes celles et tous ceux qui sont sans abri ne sera pas davantage tenue au cours de son second quinquennat ?

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Patrice Vergriete, ministre délégué

Le débat sur le rôle du maire dans l'attribution des logements locatifs sociaux est ouvert et je crois que nous ne devons pas nous interdire d'aller plus loin et de réfléchir aussi au rôle du logement social.

Dans le cadre de la loi « logement », on pourrait ainsi envisager de faire une place aux travailleurs clés, à ceux qui travaillent dans les services essentiels et dont le logement est à 50 ou 80 kilomètres de leur lieu de travail. Vous avez peut-être lu comme moi qu'à la RATP, l'absentéisme est proportionnel à la distance entre le domicile et le lieu de travail des agents. Depuis soixante-dix ans, le modèle de développement territorial qui prévaut est celui de la ville du pétrole pas cher, qui a pour conséquence d'éloigner les gens de leur emploi, de les rendre dépendants du prix du carburant et de leur imposer un rythme de vie absolument insupportable.

Demain, le logement social pourrait contribuer à rapprocher les travailleurs des services essentiels – soignants, conducteurs de la RATP, fonctionnaires, etc. – de leur lieu de travail. Songez au serveur du café d'en face, qui a une coupure dans son service entre quinze et dix-huit heures, mais qui met une heure et demie pour rentrer chez lui... Peut-être faut-il faire évoluer le mode d'attribution des logements sociaux en intégrant un quota de travailleurs clés, qui pourrait être fixé localement par l'Autorité organisatrice de l'habitat, en contrepartie de la construction de logement social. Selon moi, les maires ne seraient pas forcément opposés à ce qu'il y ait davantage de travailleurs clés, donc de mixité, dans le logement social. Le débat est ouvert et il est politique : je vous invite à réfléchir, non plus seulement aux moyens, mais aussi aux objectifs du logement social. Qui souhaite-t-on y héberger ?

Une fois défini l'objectif du logement social, se pose la question du rôle du maire. J'ai entendu plusieurs hypothèses, qui sont autant de pistes de travail. Certaines associations d'élus disent qu'il faudrait réserver la première attribution aux maires ; ce serait une façon de donner une prime à ceux qui jouent le jeu. D'autres disent que le maire devrait avoir un droit de veto sur les attributions. Je suis ouvert à toutes les propositions sur le sujet.

Comme vous, je constate la difficulté des rénovations énergétiques en site classé. J'en ai parlé à ma collègue Rima Abdul-Malak, car il est essentiel que les architectes des bâtiments de France contribuent à la rénovation énergétique. C'est un enjeu pour les habitants, mais aussi pour les collectivités locales, qui ont beaucoup de patrimoine classé. Il faut travailler avec la ministre de la culture pour sensibiliser davantage les architectes des bâtiments de France à la question de la rénovation énergétique. Ce n'est pas évident, car il peut y avoir des réactions épidermiques entre les tenants de la préservation du patrimoine et les acteurs de la transition écologique. Nous pourrons revenir sur la question des arrêtés de péril lorsque nous examinerons le projet de loi relatif aux copropriétés dégradées, même s'il est d'ores et déjà possible d'obtenir une dérogation pour que l'Anah assume 100 % des dépenses avant même la publication de l'arrêté.

J'en viens à l'hébergement d'urgence. Je ne crois vraiment pas que le vote d'hier soit une bonne chose. La loi « immigration » prévoyait la régularisation des travailleurs ; or on estime que les étrangers en situation irrégulière représentent 60 % des personnes accueillies en hébergement d'urgence et qu'un tiers à la moitié d'entre eux travaille. Si la loi « immigration » était passée, je pense qu'elle aurait en grande partie réglé le problème de l'hébergement d'urgence.

Nous avons déjà annoncé plusieurs dispositions qui vont renforcer le dispositif : outre les 203 000 places, nous allons renforcer le 115, avec 500 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, ainsi que la veille sociale et le Samu social. Je ne crois pas que c'est en ajoutant régulièrement 10 000 places en hébergement d'urgence qu'on réglera le problème. J'ai reçu hier les associations concernées et nous avons longuement évoqué le problème structurel qui se pose.

Depuis 2017, on a lancé le Plan pour le logement d'abord et la lutte contre le sans-abrisme, avec un succès que toutes les associations reconnaissent, puisqu'il a permis à 440 000 personnes de retrouver un logement. De 10 00 places supplémentaires en 10 000 places supplémentaires, on est passé de 93 000 à 203 000 places d'hébergement d'urgence. Je crois qu'il faut désormais s'attaquer au problème structurel. Si l'on continue d'augmenter le nombre de places, le système ne suivra pas, parce qu'on n'arrivera plus à recruter assez de travailleurs sociaux. Les associations elles-mêmes disent que les travailleurs sociaux perdent déjà le sens de leur travail, avec cet effet de masse.

Le problème, c'est que 63 % des personnes hébergées à l'hôtel y sont depuis plus de deux ans, et 43 % depuis plus de trois ans. Dans « hébergement d'urgence », il y a urgence : il faut absolument se donner les moyens d'en faire sortir les gens. Certaines familles vivent à l'hôtel depuis cinq ans, parfois même depuis plus de dix ans ; des enfants font leur scolarité à l'hôtel : ce n'est pas acceptable. Je ne nie pas qu'il faut faire face au problème conjoncturel et à l'urgence, mais il importe aussi d'engager une réforme structurelle : il faut absolument lier les deux. La stratégie qui a consisté à ouvrir 10 000 places de plus, année après année, a mené à une impasse. Ce que j'ai dit hier aux associations, c'est que des personnes qui sont depuis plus de deux ans en hébergement d'urgence devraient pouvoir faire valoir leur droit à un logement (Dalo) de façon prioritaire : le premier logement social qui se libérerait serait pour eux. On pourrait tout à fait envisager d'accélérer les procédures préfectorales dans ce cas.

Vous évoquez les collectivités locales. Je suis moi-même le président d'une communauté urbaine où vivent 1 300 à 3 000 migrants. Je mets constamment des gymnases à leur disposition ; je le fais en ce moment même, gratuitement, et je ne demande rien à l'État. C'est aussi la responsabilité des maires : parce que c'est la compétence de l'État, les maires ne devraient rien faire ? L'élu local aussi est partie prenante de la solidarité et des valeurs de la République. Je suis très agacé quand j'entends certains opposer ainsi l'État et les collectivités locales sur les valeurs de la République. Hier, j'ai proposé aux associations d'expérimenter avec certaines collectivités locales, dans certains territoires, une réforme structurelle de l'hébergement d'urgence. Il faut que nous travaillions ensemble. Les associations se sont engagées à me dire en toute transparence qui est accueilli en hébergement d'urgence : c'est important, car nous manquons de données à ce sujet. Qu'il n'y ait pas de méprise : je suis pour l'inconditionnalité de l'accueil, c'est notre fierté française et je ne la remettrai jamais en cause, mais il faut réformer structurellement les choses.

Vous me parlez de passoires thermiques, mais l'aide à la rénovation énergétique n'a jamais été aussi importante qu'en ce moment. Pour les ménages très modestes, 90 % des travaux sont pris en charge dans le cadre de MaPrimeRénov', et si les collectivités locales prennent à leur charge les 10 % restants, les ménages très modestes ne paient rien pour rénover leur logement. On ne peut pas dire que les aides à la rénovation énergétique n'existent pas ! Par ailleurs, à partir du 1er janvier 2024, des mesures particulièrement généreuses que vous avez votées dans le cadre du projet de loi de finances vont entrer en vigueur. Et, pour l'adaptation au vieillissement, on vient de créer MaPrimeAdapt' qui, en général, est également complétée par les collectivités locales – départements, communautés urbaines, communes.

S'agissant des logements vacants, les réquisitions qui ont eu lieu dans les années 1990 et 2000 ont globalement été des échecs et tout le monde est revenu dessus. Mais il y a désormais le plan national de lutte contre les logements vacants. Dans mon territoire, on a la liste de tous les propriétaires de logements vacants et on les appelle un par un. Or on s'aperçoit que ce sont souvent des gens qui ne connaissent pas les dispositifs existants, comme Loc'Avantages. Nous travaillons avec eux et je peux vous dire que nombre de logements vacants reviennent ainsi sur le marché. La ville de Paris a lancé récemment un grand plan de lutte contre la vacance : c'est une très bonne chose. Les communes peuvent lancer de tels plans et l'État les accompagne.

Pour les étudiants, la création de 35 000 logements sociaux d'ici à la fin du quinquennat, dont 8 000 à la rentrée prochaine, vient d'être annoncée. Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2024 a introduit des mesures favorisant le logement locatif intermédiaire dans les résidences gérées. Cela signifie qu'il y aura demain des résidences étudiantes en logement locatif intermédiaire, à un prix inférieur de 15 % à celui du marché. Certains investisseurs s'y intéressent déjà. Selon leurs moyens, les étudiants auront donc désormais le choix entre le logement social ou intermédiaire étudiant et le privé.

Une part de la question relève aussi de l'aménagement du territoire et de l'organisation des universités. Une université peut très bien délocaliser une partie de ses formations dans des villes moyennes, où le loyer est moins cher. L'université d'Angers est en train de discuter avec le maire de Laval pour y décentraliser certaines de ses formations : ce serait une bonne chose à la fois pour Laval et pour les étudiants, qui dépenseront 200 euros de moins chaque mois.

S'agissant du foncier, je pense comme vous, madame Ferrari, que nous devons y travailler davantage, donner plus de moyens aux collectivités et aux établissements publics fonciers (EPF), en veillant à ce que les petites villes puissent disposer d'un tel établissement, et avancer en matière de droit de préemption et autres. La future loi doit comporter davantage d'outils pour agir sur le foncier, enjeu majeur pour l'avenir, notamment dans le cadre de la production de logements.

Comme vous aussi, il m'attriste de voir que le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes puisse vouloir faire perdurer le modèle de développement territorial développé depuis soixante-dix ans, qui a placé certains de nos concitoyens dans une situation très difficile de dépendance aux carburants. Contrairement à lui, je pense qu'il est temps de s'engager dans la transition écologique.

L'évolution des critères du DPE m'inspire deux réflexions. Tout d'abord, il me semble indéniable que les petites surfaces sont pénalisées par le mode de calcul – une réflexion a été engagée avec les services de Christophe Béchu pour tenter de corriger cet effet. Ensuite, j'estime que nous devons dépasser ces débats sur le DPE, c'est-à-dire sur le thermomètre : il fait chaud et il y a urgence, ne perdons pas de temps à épiloguer pour savoir s'il fait 38 ou 39 degrés. La loi « climat et résilience » a prévu le DPE, qui reste un bon outil. Utilisons-le et faisons avancer la rénovation énergétique car, sans elle, je doute qu'un logement actuellement classé parmi les passoires thermiques soit tout à coup considéré comme très confortable et bien isolé. À un moment, il faut y aller. Vous devez, tout comme moi, être attristés et désolés par les résultats de la COP28 à Dubaï. Essayons au moins de faire en sorte que notre pays porte un peu plus haut le flambeau de la transition écologique.

Vous avez évoqué un autre sujet qui reviendra très certainement lors de nos débats sur la future loi : l'acceptabilité de la construction pour la population. Il fut un temps, une partie de la population avait une forme d'hostilité à l'égard de la construction de logements sociaux ; actuellement, cette hostilité se manifeste à l'égard de toute construction, ce qui interpelle sur le plan démocratique et politique. D'aucuns diront que ce n'est pas récent, mais le phénomène évolue dans un sens qui n'est pas celui du vivre-ensemble, dirais-je pour aller vite.

Il faut certes revoir le modèle économique de la production de logements, notamment de logements sociaux, pour les communes. Cependant, la solution ne réside pas seulement dans une aide aux maires bâtisseurs : il faut aussi entendre ceux de nos concitoyens qui contestent la densité urbaine croissante. Comment concilier un modèle de développement territorial fondé sur la transition écologique, et donc sur une limitation de la consommation foncière, avec une acceptation de la forme urbaine ? Tous les maires et présidents d'agglomération se posent la question au quotidien. Nous devons pousser la réflexion pour appréhender de manière plus fine ce sujet auquel nous ne pourrons échapper. La nature en ville n'est pas incompatible avec la densification, comme en témoignent les expériences réussies dans de nombreuses villes. Il faut avoir une vraie réflexion sur l'urbanisme à un moment où la question du cadre de vie pose de façon nouvelle, notamment au sein des métropoles.

J'en viens à l'accompagnement de l'État, que je n'avais pas évoqué dans ma présentation liminaire. Dans le cadre de la décentralisation de la politique du logement, l'État doit évidemment rester garant de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU) dont vous connaissez maintenant le bilan triennal, mais probablement aussi de l'hébergement d'urgence et de l'APL. Ce texte n'est pas un prétexte à refiler le mistigri aux collectivités locales. Cela ne signifie pas que ces dernières n'ont pas un rôle à jouer dans la répartition des places en hébergement d'urgence. On pourrait ainsi demander à l'AOH d'établir un schéma d'organisation des places d'hébergement d'urgence à l'échelle de l'agglomération. Pourquoi ce qui existe pour les gens du voyage ne pourrait-il pas être envisagé pour l'hébergement d'urgence ? L'État conservera évidemment un rôle majeur en ce qui concerne le livret A, la TVA, les produits du logement social et la fiscalité, en particulier la fiscalité locative qui fait l'objet d'une mission qui vous a été confiée, madame Ferrari. Il restera garant et responsable du modèle économique du logement.

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À titre personnel, je suis très sensible à votre façon de réaffirmer avec force la solidarité au sein de l'État, entendu au sens large que lui donne la science politique, c'est-à-dire englobant aussi les collectivités territoriales et la sécurité sociale. D'aucuns opposent parfois ces entités, non sans une part d'instrumentalisation, ce que n'apprécient pas forcément les Français.

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Je suis ravi d'entendre un ministre parler de la décentralisation et de la différenciation en essayant, autant que possible, de trouver une réponse adaptée à chaque territoire. Nous devrons en effet tirer le meilleur parti possible de cette fenêtre législative qui s'ouvrira au premier semestre de 2024, qu'il s'agisse des missions et propositions de loi de nos collègues ou du projet de loi que vous allez présenter. J'espère d'ailleurs que vous serez amené à apporter votre contribution à Éric Woerth, chargé d'une mission sur la clarification de l'action publique territoriale et l'identification de nouvelles pistes de décentralisation. Tout cela est de bon augure. Gage d'efficacité des politiques publiques, la décentralisation est aussi un moyen de rénover notre démocratie locale – nous en avons bien besoin en ce moment.

Vous parlez beaucoup de Dunkerque et moi de la Bretagne : autant se référer à ce que l'on connaît le moins mal, nos territoires. En 2019, j'avais défendu le « Pinel breton », dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances pour 2020. Il n'avait d'ailleurs pas été adopté à l'unanimité en séance, car les députés ne sont pas tous partisans de la différenciation. Au lieu de vouloir partir de zéro, il vaut mieux s'appuyer sur l'existant qui a fait ses preuves. En Bretagne, le comité régional de l'habitat et de l'hébergement (CRHH) et la conférence territoriale de l'action publique (CTAP) fonctionnent bien. Toutes les régions ne sont d'ailleurs pas obligées d'avoir le même chef de file. Si vous défendez ces politiques de différenciation et décentralisation, nous vous soutiendrons de tout cœur.

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Tout d'abord, je ferai une observation générale : nous avons des raisons de nous inquiéter de la situation de l'habitat, public et privé, sachant qu'environ la moitié des logements sociaux – et même les deux tiers dans ma région de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) – sont le fruit d'opérations mixtes dans le cadre de ventes en l'état futur d'achèvement (Vefa). Je m'étonne qu'aucune mesure conjoncturelle urgente ne soit prise pour faire face à cette crise, en dépit des demandes.

Ensuite, j'aimerais soulever deux points concernant la décentralisation. Premier point : les AOH, dont le périmètre est l'intercommunalité ou le département et auxquelles il est question de donner plus de pouvoir. Actuellement, l'AOH implique un plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi), alors que certaines communes ne veulent pas abandonner leurs compétences en matière d'urbanisme. À moins d'un assouplissement, je vois une contradiction entre le renforcement des AOH et le fait de laisser les communes maîtriser leur PLU.

Deuxième point : le rôle des maires. Je suis heureux de vous entendre dire que ce débat est ouvert. Nombre de maires m'expliquent qu'ils ne sont pas contre les logements sociaux mais qu'ils vont arrêter d'en créer parce qu'ils en ont assez de se voir imposer des gens et de ne pas pouvoir répondre aux besoins de leur population. « Cela me retombe dessus, alors je n'en ferai plus tant que je n'ai pas davantage la main », me disent-ils. L'idée de donner plus de pouvoir aux maires a donné lieu à une proposition de loi adoptée par le Sénat et à des prises de position de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et de France urbaine. Comme vous avez en partie répondu à cette préoccupation, j'espère qu'elle se retrouvera dans les réformes à venir.

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Vous avez parlé d'une boîte à outils, expression qui revient souvent dans les discussions, notamment sur les collectivités. Nous validons au moins l'un de ces outils : faciliter la préemption, en particulier celle du foncier dans les grandes villes afin de ne pas le laisser aux seuls promoteurs privés. En ce qui concerne la décentralisation du logement, je reprendrai une interrogation d'Emmanuelle Cosse, présidente de l'USH : décentralise-t-on pour être plus efficaces ou pour se débarrasser d'un fardeau ?

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Patrice Vergriete, ministre délégué

Je vous réponds tout de suite : pour être plus efficaces !

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En tout cas, nous sommes nombreux à nous poser la question.

S'agissant de votre long développement sur l'hébergement d'urgence, je suis en désaccord avec vous sur le bilan du plan « logement d'abord » et des mesures conjoncturelles ou structurelles. Vous dites que les personnes qui sont en hébergement d'urgence depuis longtemps – et vous avez raison, certaines y sont depuis très longtemps – doivent avoir rapidement accès au logement social. Or, d'après le bilan triennal de la SRU, deux tiers des communes ne remplissent pas leur objectif en termes de logement social. C'est désolant pour le logement public et aussi pour les maires qui font les efforts demandés. Comment, en décentralisant davantage, va-t-on s'assurer que les communes remplissent leurs obligations en matière de logements sociaux, ce qui permettrait à terme de désengorger le secteur de l'hébergement d'urgence ?

Même si l'hébergement d'urgence relève de l'État, les collectivités locales peuvent aussi s'intéresser au sujet, dites-vous. Certaines le font et d'autres pas. Je ne sais pas ce que fait Dunkerque, mais je peux vous dire que Toulouse ne manifeste pas un grand volontarisme en la matière. Une décentralisation plus poussée va donc conduire à des politiques d'hébergement d'urgence plus ou moins variables, certaines communes se défaussant sur d'autres. Quel équilibre envisagez-vous d'instaurer pour éviter le risque d'être inefficace si deux entités tiennent le même outil ?

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En tant qu'élue de Lyon, je vais cibler mon propos sur les zones tendues et sur les mécanismes de régulation du marché du logement, notamment du logement locatif.

Premier mécanisme : la régulation des locations meublées de courte durée, à laquelle nous travaillons. Avez-vous un bilan du dispositif de régulation qui est déjà appliqué dans certaines communes de plus de 200 000 habitants telles que Lyon ?

Deuxième mécanisme : l'encadrement des loyers prévu à titre expérimental par la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi Elan) et prorogé par la loi « 3DS ». On constate néanmoins – en tout cas, à Lyon – un certain nombre d'abus, notamment l'usage de compléments de loyers pour les meublés, qui affecte particulièrement les étudiants. Comment peut-on contrôler ces dérogations parfois injustifiées ? Votre idée de soumettre le droit d'encadrer les loyers à un engagement de production de logements me paraît d'ailleurs très intéressante.

Troisième mécanisme : la programmation. Il y a quelques années et après un gros travail, la métropole de Lyon a mis en place un plan local de l'urbanisme et de l'habitat. Or nous constatons qu'un nombre croissant de maires de la métropole incitent les promoteurs à construire moins que ce qui est autorisé par le PLU. Conséquence : un déficit de logements qui pèsera pendant de longues années dans notre métropole. Comment peut-on lutter contre ce phénomène ?

Dernier point, qui n'est pas propre aux grandes agglomérations : les DPE. Sans parler des bâtiments classés dans une ville comme Lyon, inscrite au patrimoine de l'Unesco, j'aimerais savoir quand le mode de calcul évoluera pour les petites surfaces – beaucoup de Lyonnais ne manquent pas de m'interroger sur le sujet.

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Étant élu du littoral vendéen, je vous propose de venir avec moi au bord de la mer, monsieur le ministre. Sur le littoral, et pas seulement celui de la Vendée, la situation catastrophique du logement représente une véritable bombe à retardement. Partisan de la proposition de loi examinée la semaine dernière, je suis désespéré de la tournure des événements, même si je reste persuadé que nous allons trouver une issue favorable. La maire de l'Île d'Yeu, en particulier, m'a envoyé des messages où elle se décrivait au bord du gouffre.

Comme cela a été dit, cette proposition de loi n'étant qu'une brique absolument nécessaire mais insuffisante, qu'envisagez-vous comme perspectives plus larges pour améliorer la situation du logement et faire en sorte que les jeunes ménages de nos territoires littoraux, insulaires et non-insulaires, puissent continuer à se loger là où ils ont grandi ? Dans le cadre de cette proposition de loi, j'avais proposé un amendement visant à permettre aux maires d'exonérer de taxe foncière les propriétaires de résidences secondaires mises en location à l'année. De nombreux élus locaux des littoraux réclament cette mesure. Or cet amendement a été déclaré irrecevable, ce dont j'ai du mal à me remettre. Qu'en pensez-vous ? Vous êtes évidemment le bienvenu en Vendée.

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Sur le chemin de la Vendée, vous pourrez vous arrêter en Anjou, monsieur le ministre. Pour ma part, je voulais revenir sur l'hébergement d'urgence, sujet qui m'est cher et auquel je suis attentive depuis de nombreuses années. Même si je réclame aussi des places supplémentaires, je n'oublie pas que ce n'est pas une fin en soi ni que nous sommes déjà passés de moins de 100 000 places à 203 000 places. La politique souhaitée il y a quelques années par le Président de la République se traduit dans les faits, mais nous nous heurtons à une difficulté structurelle que vous avez évoquée – je vous remercie pour vos mots marqués par votre esprit républicain.

Dans un contexte caractérisé par le déséquilibre de nos finances publiques et la précarité de nombre de nos concitoyens ou de personnes présentes sur le territoire, nous ne pouvons pas continuer à nous contenter de demander des places. Il faut ouvrir largement le débat au-delà des politiques qui relèvent de votre responsabilité, pour l'étendre notamment à celles qui relèvent du ministère de l'intérieur et des outre-mer. On ne peut pas continuer à courir chacun dans son couloir sans avoir une vue d'ensemble, car c'est un tout.

S'il nous faut une réforme structurelle de l'hébergement d'urgence, les mesures doivent être adaptées au public à accueillir. À cet égard, la motion de rejet du projet de loi sur l'immigration, adoptée hier, est un événement regrettable : les régularisations proposées dans ce texte font partie des solutions. Arrêtons de nous voiler la face et de nous réfugier dans l'hypocrisie : dans notre pays, des gens qui travaillent et font tourner notre économie vivent en hébergement d'urgence, ce qui n'est pas acceptable. C'est maintenant qu'il faut traiter le sujet. Alors que nous sommes dans les discussions autour de ce projet de loi, beaucoup de choses nous traversent l'esprit. Pour ma part, je pense avant tout à ces personnes étrangères qui font tourner notre pays et qui sont dans l'attente, sans visibilité. Il y a donc urgence à agir. Vous pouvez compter sur moi et sur ma mobilisation puisque le travail, que vous engagez avec les associations, peut aussi se faire avec des parlementaires. Je suis votre homme, si vous en avez besoin !

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En chemin vers cette magnifique région des Pays de la Loire, monsieur le ministre, vous pourrez aussi faire halte dans la presqu'île du Cotentin, un beau territoire littoral. Plus sérieusement, je tiens à vous dire que j'approuve la feuille de route du Gouvernement en matière de logement, que vous avez présentée le 17 novembre dernier.

Pour faire écho aux interrogations de Stéphane Buchou, j'aimerais que vous reveniez sur les mesures destinées à intégrer les logements locatifs de tourisme au dispositif rendant obligatoire la rénovation énergétique. Dans nos territoires littoraux, les logements de tourisme représentent bien souvent la majeure partie du parc locatif. Ils sont vitaux pour l'économie de nos territoires ruraux et pour le logement des habitants. Comment allons-nous travailler ensemble sur ce sujet au cours des semaines et des mois à venir ?

Quant à la question que je souhaitais vous poser sur le calendrier des actions contre l'habitat indigne, vous y avez déjà répondu.

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Vous pourrez poursuivre votre sympathique voyage à travers la France dans le Vaucluse, monsieur le ministre. Pour ma part, je commencerai par une remarque simple : il ne peut y avoir de politique du logement sans politique foncière, notamment par le biais des établissements publics fonciers locaux (EPFL) dont on use et abuse. Dans les zones tendues ou touristiques, toute production de logements sociaux est devenue impossible du fait de la spéculation sur le prix du foncier. Alors qu'on régule les loyers, pourquoi ne pas réguler la plus-value sur cession immobilière, sachant que la décision administrative qui consiste à modifier un trait dans un PLU peut faire exploser la valeur d'un bien et la faire passer de rien à une petite fortune ? Ancien élu local, je me demande depuis longtemps pourquoi il n'a pas été prévu une régulation plus forte en la matière, afin d'atténuer les tensions et de permettre aux collectivités locales de lancer des opérations de logements sociaux équilibrées, ce qui résoudrait l'application de la loi SRU dans nombre de communes.

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Patrice Vergriete, ministre délégué

Le « Pinel breton », qui s'inscrit dans une logique de différenciation territoriale, est en effet un moyen d'atteindre nos objectifs.

Dans le cadre de sa mission, Éric Woerth va avoir une approche plus large que la mienne de la décentralisation, mais nous nous sommes rencontrés la semaine dernière pour que nos travaux respectifs soient cohérents.

Une autre question est revenue à deux reprises : l'adoption d'une mesure conjoncturelle en urgence afin de répondre à la situation actuelle du logement. Dans le passé, nous avons réagi à chaque crise du logement par l'adoption d'une solution magique, autrement dit, car il faut appeler un chat un chat, en créant un puissant dispositif d'aide fiscale à l'investissement locatif, tel que le Scellier en 2008. Pour en mesurer les effets, je vous invite à regarder la courbe de Friggit, qui montre bien le décrochage entre les prix de l'immobilier et le pouvoir d'achat des ménages. À chaque fois qu'un début de correction à la baisse des prix était observé, la mesure fiscale les a fait repartir à la hausse au point de les faire atteindre des niveaux incroyables. En fait, à chaque fois, on a recréé une demande artificielle de logement : les gens intéressés par ces dispositifs veulent avant tout payer moins d'impôts, le logement n'étant pour eux qu'un support de déduction fiscale. Le prix s'ajuste ainsi à une demande artificielle, déconnectée de la réalité du marché du logement.

Pour illustrer le phénomène, je ne vous citerai qu'un chiffre : depuis le début des années 2000, la part des cadres parmi les accédants à la propriété est passée de 20 % à 43 %. Ces prix immobiliers, qui se sont envolés à chaque relance par un dispositif fiscal, ont exclu les classes moyennes et populaires de l'accession à la propriété. Et nous voilà en train de nous poser la question de l'accession sociale à la propriété, d'inventer des dispositifs spécifiques pour répondre à cette situation. Actuellement, l'indice du prix des logements rapporté au revenu par ménage se situe à 1,9 sur la courbe de Friggit : les prix sont 90 % au-dessus du niveau du pouvoir d'achat. Autant dire qu'une grande partie de la population a désormais décroché de l'accession à la propriété. Est-ce vraiment le moment de remettre un petit coup de dispositif magique, de créer un super Scellier ? Je crains que cela nous ferait perdre tout le monde et rendrait l'accession à la propriété impossible.

Une correction à la baisse des prix du foncier me semble donc indispensable. D'ailleurs les promoteurs le souhaitent, de même que les membres du Conseil national de la refondation (CNR) sur le logement. Ces derniers me disent tous que s'il n'y avait qu'une mesure à retenir du CNR logement, ce serait la régulation des prix du foncier. Ce qui nous a conduits au bord du vide, c'est une concurrence effrénée sur les prix du foncier, conjuguée à une demande artificielle de logements, dopée par les dispositifs fiscaux. Nous en sommes là.

Notre stratégie consiste à rééquilibrer les choses, à rendre l'accession possible, à développer les logements locatifs intermédiaires (LLI) et les logements locatifs sociaux (LLS). Nous avons donc demandé à la branche habitat de la Caisse des dépôts et consignations, CDC Habitat, et au groupe Action Logement de racheter aux promoteurs certains de leurs programmes en suspens. Nous étudions la possibilité de poursuivre en 2024 ce plan qui fonctionne plutôt bien puisque quelque 47 000 logements ont été rachetés.

S'agissant du logement locatif intermédiaire, j'ai participé hier soir à un débat avec des investisseurs institutionnels sur les conditions de leur retour sur ce marché où ils occupent une position certes très modeste – environ 1 % du marché locatif privé. Si cette part passait à 4 %, cela permettrait d'apporter quelques réponses en matière de résidences pour les étudiants ou de LLI avec des loyers encadrés.

Pour favoriser l'accession sociale à la propriété, nous avons gardé le PTZ sur l'ensemble du territoire national dans ce domaine. Je crois beaucoup à des dispositifs de démembrement, du type bail réel solidaire (BRS), qui se développent sous l'impulsion de divers acteurs tout en restant pour l'instant moins répandus que dans d'autres pays. On peut aussi recourir à des innovations financières telles que les prêts in fine, notamment sur le foncier, afin de redonner des moyens pour l'accession. Nous avons passé un accord avec le mouvement HLM pour équilibrer la rénovation et la production et lancé un plan en faveur du logement étudiant.

Vous comprenez la stratégie : plutôt que de proposer une solution miracle qui va orienter toute la production de logements vers un objet, nous cherchons un équilibre en veillant aux prix du foncier. Rappelons que jusqu'à la mi-2023, les promoteurs donnaient à leurs acteurs la consigne de continuer à renchérir sur les prix du foncier. N'oublions pas que la crise conjoncturelle ne doit pas masquer la profonde crise structurelle qui se concrétise dans les prix, mais aussi dans des phénomènes tels que l'éloignement des populations.

S'agissant des AOH, le débat est ouvert. Dans le cadre de la concertation que nous aurons au sujet du futur projet de loi, n'hésitez pas à nous faire part des modifications que vous souhaitez apporter, sachant qu'il faudra couvrir la France d'AOH afin de se conformer à ce qui est l'essence même de la décentralisation. Il n'y aura pas de zone blanche. À la rigueur, nous pouvons nous interroger sur l'opportunité de procéder en deux temps, considérant que les départements d'outre-mer et la métropole du Grand Paris ne sont peut-être pas mûrs pour la décentralisation de la politique du logement. En tout cas, il me semble qu'il n'y a pas trop débat sur cette couverture par les AOH de la province hexagonale. Les critères des AOH devront donc évoluer.

J'en viens à la loi SRU dont j'ai été un coauteur de l'article 55 – il me semble que vous le savez tous à présent. C'est une bonne loi, dont on mesure l'importance à un chiffre : en France, un logement social sur deux trouve son origine dans la loi SRU. On peut toujours trouver la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, mais cette donnée est forte. Certains estiment que cette loi est un irritant, d'autres qu'elle ne va pas assez vite. Pour ma part, je retiens une chose : elle fait évoluer la situation, j'en veux pour preuve les appels de maires qui voudraient que leur commune ne soit plus considérée comme carencée. Cette loi a survécu à toutes les majorités, de gauche comme de droite, depuis vingt-cinq ans, en donnant des résultats. Quand la Fondation Abbé-Pierre estime qu'elle n'est pas satisfaite, elle est dans son rôle. Cela étant, sur le temps long, cette loi a prouvé son efficacité à rééquilibrer le logement social à l'échelle des territoires.

Je ne crois pas à la décentralisation de l'hébergement d'urgence. Certains présidents d'intercommunalité – que je ne citerai pas – me l'ont demandée et pensent qu'ils devraient prendre toutes les compétences, dont les APL et l'hébergement d'urgence. Cependant, je ne crois pas qu'il y aura un consensus des associations d'élus locaux pour prendre en charge l'hébergement d'urgence, dont on voit bien qu'il doit rester une prérogative étatique.

Nous pourrions toutefois en débattre au sein des AOH, par exemple pour définir un schéma de développement des places d'hébergement d'urgence. La réunion de l'ensemble des maires d'une intercommunalité est l'occasion de trouver des équilibres, et inscrire à l'un de leurs ordres du jour la création de places d'hébergement d'urgence – c'est-à-dire la question d'une juste répartition de ces places, et en tenant notamment compte, bien sûr, de l'accès à la mobilité – n'est peut-être pas une si mauvaise idée. Plutôt donc qu'une décentralisation de la compétence d'hébergement d'urgence, je pensais tout à l'heure à un débat sur les responsabilités des collectivités en la matière et sur leur participation à une politique nationale qui me semble être républicaine.

Quant au débat sur la décentralisation et la production de logement locatif social, c'est un beau débat politique, que l'on peut aborder de deux façons. La première est la responsabilité politique à l'échelle de l'AOH : l'État exprimerait publiquement, dans un porter à connaissance, le nombre de logements sociaux à construire, ce qui revient à responsabiliser les élus politiques de terrain. La deuxième option consiste à introduire dans la loi des garde-fous en termes de production de ces logements.

Dans les zones tendues, Paris est la seule ville qui pourrait faire le bilan suggéré – et à Paris, globalement, ça marche. Cependant, la proposition de loi Le Meur-Echaniz apporte des outils complémentaires, notamment le quota et un meilleur suivi des autorisations, de changement d'usage, qui donneront encore plus de moyens aux maires.

Pour ce qui concerne le complément de loyer, je souscris à l'idée qu'il est peut-être nécessaire d'en intégrer une définition dans la loi.

Quant aux maires qui construisent moins que ce qu'autorise le PLU, cette situation renvoie à la question de fond de l'acceptabilité pour la population.

Nous sommes ici plusieurs à avoir été maires, et nous n'oublions pas qu'un maire n'exprime jamais que des choses qui viennent du plus profond de la population. Il faut donc certes poser des garde-fous pour éviter que certains maires s'abandonnent à la facilité de ne plus construire dans des zones où il serait nécessaire de le faire, mais il faut aussi, puisque nous vivons dans une société démocratique, entendre l'aspiration de la population à vivre autrement la densité. Je ne sais pas comment résoudre ce problème, mais cela ne peut pas être seulement par la contrainte et un débat politique me semble nécessaire.

Pour les meublés touristiques, le changement d'usage est lié au DPE. Si donc on ne veut pas imposer de DPE, il suffit de ne pas imposer le changement d'usage.

Quant aux plus-values de cessions immobilières, je partage pleinement votre point de vue et, comme je le disais tout à l'heure à Mme Ferrari, il faut formuler des propositions beaucoup plus fortes pour ce qui concerne le foncier. Je milite fortement, et je ne suis sans doute pas le seul ici, pour que nous retouchions le dispositif des plus-values de cessions foncières. Allez-y ! Tout ce qui ira dans ce sens contentera le ministre du logement – même si je ne suis pas certain que cela contentera tous les ministres. Le foncier nécessite une action très forte et il faut y travailler.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans le rapport que j'ai rédigé pour la délégation, j'ai plaidé pour la décentralisation de l'hébergement d'urgence, un peu pour mémoire – non pas que je pense que cela soit possible ni même souhaitable, mais parce que les liens très étroits qui unissent les collectivités territoriales et l'État à ce propos ne doivent pas être méconnus et doivent peut-être même être formalisés dans certains cas.

La séance est levée à 18 h 55.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Sophie Blanc, Mme Anne Brugnera, M. Stéphane Buchou, M. Stéphane Delautrette, Mme Stella Dupont, Mme Martine Etienne, Mme Marina Ferrari, M. Didier Le Gac, M. Philippe Lottiaux, M. Jean-François Lovisolo, M. François Piquemal, Mme Christine Pires Beaune, M. Jean-Claude Raux, M. Lionel Royer-Perreaut, M. Stéphane Travert, M. David Valence.

Excusés. – Mme Patricia Lemoine, M. Frédéric Valletoux.

Assistaient également. – M. Idir Boumertit, M. Antoine Vermorel-Marques.