Monsieur le ministre chargé du logement, j'aimerais vous parler de ceux qui n'en ont pas.
« Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique ou sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d'hébergement d'urgence » : c'est ce que prévoit la loi, mais elle ne s'applique toujours pas. Le 10 octobre, les villes de Lyon, Strasbourg, Paris, Rennes, Bordeaux et Grenoble ont déposé des recours pour que l'État assume ses obligations d'hébergement des personnes dormant dans la rue. Deux mois plus tard, nous sommes toujours sans réponse et sans solution. Discussion avec les représentants de l'État, envoi de courriers, demandes de rencontre, questions au Gouvernement : mes collègues Marie-Charlotte Garin, Sandra Regol et Charles Fournier vous ont déjà alertés par tous les moyens. Allez-vous finir par agir ? Selon l'Unicef France, 2 822 enfants vivent dans la rue, alors même que leurs familles ont contacté le 115, et près de 700 d'entre eux ont moins de 3 ans. Et la situation est encore bien plus grave, puisqu'on estime que 50 % à 70 % des gens vivant dans la rue ne contactent pas le 115.
Le nombre de places en hébergement d'urgence n'augmentera pas en 2024 : la hiérarchisation de la misère et des demandes va donc se poursuivre. Les associations demandent 10 000 places supplémentaires, c'est dire l'urgence. Quand l'État n'assume pas son rôle, ce sont encore et toujours les communes et les associations qui pallient ses défaillances. Les collectivités ouvrent des gymnases, parfois des écoles, et financent des nuits d'hôtel sur leurs ressources propres, sans remboursement de l'État. Strasbourg a ainsi dépensé 900 000 euros entre septembre 2022 et mars 2023, et Rennes, 4 millions d'euros sur l'année 2022. Les communes interviennent parce qu'il serait indigne de laisser des personnes à la rue sans solution, mais cette responsabilité incombe au Gouvernement : c'est ce qu'a jugé le Conseil d'État en 2016.
Monsieur le ministre, combien de temps devrons-nous encore attendre une refondation du système d'hébergement d'urgence, capable de fédérer collectivités et associations ? Devons-nous arriver à la conclusion que la promesse d'Emmanuel Macron de donner un toit à toutes celles et tous ceux qui sont sans abri ne sera pas davantage tenue au cours de son second quinquennat ?