La séance est ouverte.
La séance est ouverte à quinze heures.
L'ordre du jour appelle, en application de l'article 52 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, un débat sur la situation des finances publiques locales.
La parole est à M. le ministre délégué chargé des comptes publics.
L'Assemblée nationale consacre pour la deuxième année un débat aux finances locales. Ce débat constitue l'une des avancées importantes de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et j'y suis particulièrement attaché. Président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation lorsque j'étais député, élu local, je sais le rôle essentiel joué au quotidien par nos communes, nos intercommunalités, nos départements et nos régions. Nos concitoyens attendent de l'État et des collectivités qu'ils travaillent main dans la main pour organiser les services publics du quotidien, mais aussi pour relever les grands défis auxquels notre pays fait face, en particulier celui de la transition écologique.
Pour ouvrir ce débat, et parce que c'est sa raison d'être, je souhaite rappeler les faits concernant la situation financière de nos collectivités. L'épargne des collectivités territoriales s'améliore : en 2022, elle s'est élevée à 43 milliards d'euros, soit 9 milliards de plus qu'en 2017. La soutenabilité de la dette des collectivités s'améliore également : elles ont désormais la capacité de se désendetter en quatre années et demie, soit un an de moins qu'en 2017, preuve de leur meilleure situation financière. Le nombre de communes en difficulté a par ailleurs baissé de 23 % entre 2019 et 2022. Les données publiées par la direction générale des finances publiques (DGFIP) à la fin du mois de septembre 2023 confirment la bonne santé financière du bloc communal.
La situation financière des collectivités est donc globalement satisfaisante – je dis bien globalement. Ce n'est pas moi qui l'affirme, mais la Cour des comptes et la DGFIP, dont chacun peut consulter les chiffres. Je suis souvent surpris de l'écart entre cette situation objective et les propos alarmistes que j'entends parfois sur les finances locales.
Cette perception erronée justifie à elle seule notre débat d'aujourd'hui.
Elle s'explique certainement par les différences de situation entre collectivités locales. Si la santé financière des communes et des intercommunalités est bonne, celle des régions et des départements l'est moins. En effet, les départements sont significativement affectés par la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), qui devrait être de 20 % en 2023 par rapport à l'année 2022.
S'agissant des communes, il existe aussi de fortes disparités entre elles. Je n'ignore pas que certaines sont confrontées à une situation délicate du fait d'un budget difficile à boucler. Nous devons mieux rendre compte de leur disparité. Je souhaite donc que le rapport sur la situation des finances publiques locales, annexé au projet de loi de finances, s'enrichisse d'une analyse de la diversité des situations locales. Celle-ci nous aidera à partager le même constat et à nous défaire de l'idée selon laquelle les chiffres, en trompe-l'œil, ne refléteraient pas la réalité.
L'État et les collectivités doivent avoir un lieu pour échanger et bâtir un constat partagé. Tel est le sens du Haut Conseil des finances publiques locales (HCFPL) que nous avons créé avec le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Bruno Le Maire, et la ministre chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, Dominique Faure.
Depuis 2017, le Gouvernement et la majorité ont fait preuve d'un engagement sans faille auprès des collectivités afin de leur permettre de conserver une situation financière favorable en dépit des différentes crises. Nous avons compensé à l'euro près les réformes de la fiscalité locale intervenues depuis 2017. Ces compensations nous ont conduits à confier des ressources dynamiques aux collectivités. Nous avons notamment transféré 25 % de la TVA aux régions, aux départements et aux intercommunalités.
En 2017, le Parlement a également décidé d'indexer automatiquement les bases locatives sur l'inflation pour garantir aux élus une progression de leurs recettes équivalente à celle de leurs dépenses. En 2022, nous n'avons pas souhaité revenir sur cette règle malgré le niveau très élevé de l'inflation : la taxe foncière doit rester un impôt 100 % local. Les associations d'élus elles-mêmes nous demandaient de ne pas plafonner leurs bases locatives, qui contribuent aujourd'hui au dynamisme des recettes des collectivités.
S'agissant de la dotation globale de fonctionnement (DGF), après cinq années de baisse sous le quinquennat Hollande, nous l'avons stabilisée dès 2017, augmentée en 2023 – ce n'était pas arrivé depuis treize ans –, et nous l'augmenterons de nouveau en 2024. La DGF aura ainsi bénéficié d'une hausse de 540 millions entre 2022 et 2024.
Nous n'avons jamais laissé les collectivités affronter seules les crises. Pendant la crise sanitaire, 10 milliards leur ont été accordés sous diverses formes. Face à la crise de l'énergie, l'État a renoncé à la fiscalité sur l'électricité pour alléger les factures des Français, mais aussi celles des collectivités. Les plus petites communes qui bénéficient du tarif réglementé ont été protégées grâce au bouclier tarifaire et les autres grâce à l'amortisseur. À travers ce dernier, l'État prendra en charge près de 1 milliard de factures d'électricité des collectivités et de leurs syndicats en 2023. En 2024, l'amortisseur sera prolongé pour les collectivités qui ont signé un contrat pour plusieurs années à des prix très élevés, conformément à la demande de nombreux élus locaux.
En 2022, nous avons aussi instauré le filet de sécurité inflation : 405 millions sont consacrés au soutien des communes, des intercommunalités et des syndicats bénéficiaires. À cet égard, je rappelle qu'un amendement de Christine Pires-Beaune visant à cibler l'aide sur les collectivités les plus touchées – lesquelles devaient notamment afficher une perte d'épargne brute de plus de 25 % sur l'année 2022 – avait été adopté à l'unanimité dans l'hémicycle. Un certain nombre de collectivités ont perçu un acompte, mais n'ont finalement pas droit au filet, leur situation financière étant meilleure que prévue. Cette reprise d'acompte est une mauvaise surprise, je le conçois. Dans plus de 80 % des cas, il s'agit de très petits montants. Toutefois, j'ai demandé à la DGFIP d'être attentive aux collectivités les plus fragiles. Nous suivons de près la situation.
J'en viens aux perspectives des finances locales. Le chemin tracé par notre trajectoire des finances publiques est la baisse progressive du déficit public. L'objectif est un déficit inférieur à 3 % du produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2027, comme avant la crise du covid. Je serai clair : les collectivités devront contribuer à cet effort collectif partagé. Leur participation est légitime car l'État a massivement protégé depuis 2020 et s'est endetté au bénéfice de tous – salariés, entreprises, associations, collectivités. L'effort doit aujourd'hui être partagé. Pour les collectivités, il ne nécessite pas de couper dans les dépenses, comme je l'entends parfois, mais de modérer la progression des dépenses de fonctionnement. Celles-ci doivent progresser un peu moins vite que l'inflation afin que les investissements indispensables puissent se poursuivre.
Je l'ai déjà dit : pour mettre en œuvre cette trajectoire, il n'y aura pas de nouveaux contrats de Cahors, pas d'approche unilatérale assortie de sanctions. C'est pourquoi nous devons inventer une nouvelle méthode : une méthode partenariale, à laquelle je suis personnellement attaché. Nous pouvons identifier ensemble les économies à réaliser, qui bénéficieront à tous, à l'État et aux collectivités. Les élus locaux le disent : ils sont les premiers à souffrir de la complexité de nos organisations. Cette complexité leur coûte cher, nous coûte cher.
Les collectivités affirment qu'elles peuvent suivre une trajectoire financière vertueuse à condition d'avoir de la visibilité. Elles nous en font la demande dans le cadre des nombreuses concertations que nous menons avec Dominique Faure. La forme et la méthode restent à définir, mais le rapport sur la situation des finances publiques locales pourrait s'enrichir d'une partie prospective qui donnerait aux élus locaux une visibilité sur la trajectoire de leurs ressources, leur permettant de se projeter davantage.
Avec le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, nous avons l'ambition de franchir une première étape de réduction du déficit et de maîtrise des dépenses. Ce PLF restera néanmoins très favorable aux collectivités territoriales. Le texte initial comportait déjà de nombreuses mesures en leur faveur : un fonds Vert pérennisé et renforcé, doté de 2,5 milliards d'euros ;…
…un plan France ruralités doté de 90 millions, qui prévoit le recrutement de 100 chefs de projet ingénierie pour accompagner les territoires ruraux ;…
…une augmentation de plus de 1 milliard des concours financiers aux collectivités ; une DGF dotée de 220 millions ; la dotation biodiversité portée à 100 millions ; le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) en hausse de 400 millions, qui inclut désormais les dépenses d'aménagement de terrains – soit une demande d'un grand nombre d'entre vous.
À la suite de l'examen du PLF en commission des finances, plusieurs amendements ont été retenus et permettront des avancées majeures pour les collectivités. Je pense notamment à la garantie socle pour la compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) des départements, défendue par les groupes Socialistes et apparentés et Les Républicains, ainsi que par M. le rapporteur général.
Je pense également à la nouvelle dotation pour les communes nouvelles, issue des conclusions de la mission flash sur ces communes, menée par les députés Stella Dupont et Stéphane Delautrette.
Je pense à une évolution très importante en matière de règles de lien proposée par le groupe Horizons : la taxe d'habitation sur les résidences secondaires pourra désormais être augmentée indépendamment des évolutions de la taxe foncière.
Cette évolution était très attendue par les élus, qui demandent des leviers d'action adaptés.
Le texte continuera d'évoluer et de s'enrichir. Ainsi, nous suivons attentivement la situation financière des départements, affectée par la baisse des DMTO en 2023. Pour les plus fragiles d'entre eux, nous devons réfléchir collectivement à la mobilisation du fonds de sauvegarde. Nous devrons aussi préciser le calendrier en matière de révision des valeurs locatives, aussi bien pour les locaux professionnels que pour les locaux d'habitation. Les travaux sur ce sujet avec les associations d'élus sont en cours.
Au-delà de la trajectoire financière, des chantiers structurels sont devant nous. Nous le savons, il faudra remettre sur le métier une réforme plus globale du financement des collectivités, en particulier de la DGF : c'est une demande forte des collectivités et des parlementaires, mais la question est complexe et sensible.
Par ailleurs, on ne peut engager le débat sur les finances locales sans évoquer l'autonomie financière et l'autonomie fiscale. À ce titre, je salue l'important travail conduit par le rapporteur général du budget, qui distingue les deux notions : l'autonomie financière est la garantie de la libre administration des collectivités locales ; elle progresse, contrairement à l'autonomie fiscale, qui renvoie à d'autres considérations.
Enfin, un chantier doit nous rassembler : celui de la transition écologique. Le rapport sur les incidences économiques de l'action pour le climat de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz, fréquemment cité, nous éclaire sur le volume d'investissements supplémentaires nécessaires à l'horizon 2030 – je dis bien à l'horizon 2030 ! L'État prend sa part dans ce chantier en 2024, la planification écologique bénéficiant d'une hausse inédite de crédits. Toutefois, les collectivités ont aussi leur rôle à jouer, grâce aux dotations de l'État, qui couvrent environ 20 % de l'investissement local, et grâce à leurs leviers propres.
Pour réussir cette transition, nous avons besoin de boussoles communes : après avoir longuement échangé avec les associations d'élus, je crois que nous sommes désormais prêts à généraliser les budgets verts dans les collectivités, au-delà d'un certain seuil, comme le propose le président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, David Valence. Il ne s'agit pas de faire peser sur les élus une obligation de plus, mais simplement de les accompagner pour qu'ils puissent indiquer la part des dépenses vertes dans leurs investissements totaux.
Ces budgets verts pourraient aussi préciser la part de la dette verte des collectivités, car on ne doit plus juger les gestionnaires locaux uniquement en fonction de leurs ratios financiers, mais aussi en fonction de leur capacité à concilier la transition écologique et la maîtrise des dépenses. Je salue l'engagement du rapporteur général et du député Pierre Cazeneuve sur ce sujet.
Le travail commun des collectivités et de l'État est un levier puissant pour réussir la transition écologique. Ils ont en partage non seulement les finances publiques, mais la transition écologique. Nous ne gagnons jamais à opposer l'État et les collectivités territoriales. Que ce soit pour redresser les finances publiques ou pour relever le défi de la transition écologique, il n'existe qu'une seule méthode, le dialogue, car c'est la seule qui marche.
Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et HOR, ainsi que sur les bancs des commissions.
La parole est à M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
En cinq minutes, je voudrais partager avec vous cinq convictions.
Depuis 2017, notre majorité a fourni des efforts très importants pour soutenir les finances des collectivités territoriales pendant les crises, bien sûr, mais aussi en 2023 et en 2024, avec l'indexation des valeurs locatives sur l'indice des prix à la consommation – le fameux 7,1 %. Cette mesure essentielle pour les collectivités territoriales a rapporté cette année 4 milliards d'euros supplémentaires pour maintenir les services publics locaux. Sans cette indexation, dont beaucoup, dans cet hémicycle, ne voulaient pas il y a encore un an, la situation financière des collectivités territoriales serait très difficile. La bonne nouvelle, c'est que nous prolongeons cette indexation obligatoire en 2024. Elle sera de 4 % l'année prochaine.
À la fin de l'année 2022, les finances des collectivités territoriales se portaient bien, voire très bien, quels que soient les critères retenus – investissement, épargne brute ou nette, taux d'endettement. C'est la Cour des comptes qui le dit.
Pourtant, en 2023, la situation a changé. Si le bloc communal voit son épargne progresser, la ressource principale des régions et, surtout, des départements, les DMTO, est en chute après dix ans de hausse, ce qui crée un effet de ciseaux. Il faudra, au cours de la navette parlementaire, trouver le moyen d'apporter une aide ciblée aux départements les plus touchés par cette baisse.
Ce budget pour 2024 contient de nombreuses mesures très favorables aux collectivités territoriales : la hausse de la DGF de 220 millions d'euros ; l'augmentation de 58 millions de la dotation de biodiversité, qui atteint 100 millions ; la dotation de gestion des cartes d'identité ; l'élargissement du périmètre du FCTVA aux aménagements de terrain ; la garantie DGF pour les communes nouvelles ; la garantie TVA pour les départements ; la déliaison partielle des taux, que les élus locaux appelaient de leurs vœux, àl'initiative de notre collègue Magnier ; le zonage France ruralité revitalisation, une réforme elle aussi très attendue, qui proroge pour plusieurs années le dispositif existant et touchera entre 10 000 et 14 000 communes ; la prorogation des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), pour ne citer que les éléments les plus importants de ce budget.
Si nous voulons réussir la transition écologique, il faut que les collectivités territoriales, qui représentent les deux tiers de l'investissement public, réalisent à terme les deux tiers de l'investissement écologique. Nous devons donc les soutenir. Outre promouvoir le budget vert, à l'instar de ce que fait l'État, il faut aussi développer la dette verte, qui permet aux élus de mettre en avant, vis-à-vis de leurs concitoyens, les investissements réalisés dans la transition écologique. Le fonds Vert augmente, avec 500 millions d'euros supplémentaires l'année prochaine, tandis que les dotations de soutien à l'investissement atteignent un niveau record au point que, pour la première fois, les investissements des collectivités territoriales dépasseront les 70 milliards. On ne peut que s'en féliciter.
Enfin, comme vient de le dire M. le ministre délégué, il faut arrêter d'opposer l'État et les collectivités territoriales.
À cet égard, je condamne les propos de certains élus – peu nombreux –, lesquels emploient des expressions comme « le supplice du garrot » ou affirment que l'État ne compense pas.
Exclamations sur plusieurs bancs du groupe RN.
Ce n'est pas crédible. Ces élus portent une lourde responsabilité et font le lit des extrêmes.
La réalité est très différente : il n'y a pas un projet qui se fasse sur le territoire français sans l'État et les collectivités territoriales. Chaque année, 105 milliards sont transférés de l'État vers les collectivités territoriales. Sur le terrain, les destins de l'un et des autres sont mêlés. Travailler ensemble, dans l'intérêt des citoyens, est la seule solution.
Mme la rapporteure spéciale et M. Luc Geismar applaudissent.
La parole est à Mme Marina Ferrari, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Le budget pour 2024 marque la relance, pour la deuxième année consécutive, d'une nouvelle politique de soutien aux collectivités, en première ligne sur de nombreuses politiques publiques. La bonne santé financière des collectivités, constatée fin 2022, reflète l'excellente gestion des élus locaux mais aussi le soutien important que l'État leur a apporté dans la crise. J'ajoute que les différentes réformes de la fiscalité locale entreprises depuis 2017 ont permis le transfert aux collectivités de fractions de TVA, ressource fiscale très dynamique.
Sans entrer dans la litanie des chiffres, j'aimerais en rappeler certains. Les indicateurs financiers sont meilleurs fin 2022 qu'en 2019, avant la pandémie : si les dépenses de fonctionnement ont augmenté de 4,5 % en un an, du fait de la crise et de l'inflation, les recettes de fonctionnement ont connu une progression supérieure, de 5 %, et s'élèvent à 259 milliards d'euros.
Vous n'avez jamais géré de collectivité territoriale. Vous ne savez rien de la manière dont elles fonctionnent !
En résultent une épargne nette très importante et des réserves sur les comptes du Trésor de plus de 60 milliards. Quant aux dépenses d'investissement, elles se sont maintenues à un niveau élevé de 61,6 milliards, preuve de la volonté des élus de poursuivre, malgré la frilosité ambiante, leur mission d'aménagement et de développement du territoire.
Les maires RN gèrent mal leurs communes, c'est pour ça qu'ils voient des problèmes partout…
Les mesures de soutien de l'État, à hauteur de 10 milliards d'euros, ont permis indéniablement d'atténuer les effets de la crise. La création du fonds Vert, doté de 2 milliards, et la hausse de 7 % en 2022 des crédits de la mission "Relations avec les collectivités territoriales, " qui ont atteint 4,6 milliards, ont permis de soutenir la dynamique d'investissement.
Toutefois, la bonne santé financière globale des collectivités ne doit pas cacher les disparités, selon les territoires et le type de collectivité. Notre politique doit s'attacher à réduire ces inégalités et à renforcer les mesures ciblées.
Nonobstant l'arrêt des mesures spécifiques liées à la crise, le budget pour 2024 suit les mêmes orientations que le précédent, en maintenant le soutien important de l'État aux territoires. Ainsi, à périmètre constant, hors mesures exceptionnelles, le prélèvement sur recettes au profit des collectivités s'élèvera à 44,8 milliards d'euros – une augmentation de 783 millions.
En matière de fonctionnement, l'État augmente à nouveau la DGF : ces 220 millions d'euros supplémentaires représentent une hausse pour 60 % des communes concernées. Le texte contient par ailleurs un ajustement des modalités de prise en compte du revenu par habitant pour l'éligibilité à la fraction cible de la dotation de solidarité rurale (DSR), ce qui devrait permettre de réduire d'environ 15 % le nombre de communes qui entrent ou sortent du dispositif chaque année.
La dotation de soutien pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales, chère au cœur de Joël Giraud, atteindra 100 millions d'euros. C'est une juste reconnaissance du rôle joué par les espaces naturels. La dotation pour les titres sécurisés – 100 millions d'euros – est aussi en hausse. Enfin, le texte prévoit que les pertes liées à la réforme 2023 de la taxe sur les logements vacants (TLV) seront compensées, à hauteur de 25 millions pour le bloc communal et de 4 millions pour le bloc intercommunal. Engagement tenu !
En matière d'investissement, le soutien de l'État se poursuit en 2024 avec le maintien au niveau très haut de 2022 des dotations d'investissement – dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et dotation de soutien à l'investissement des départements (DSID). Le fonds Vert est pérennisé : en augmentation, il atteint 2,5 milliards d'euros. La réintégration des dépenses d'aménagement de terrain dans le FCTVA, pour un montant de 250 millions, permet de corriger un irritant pour nos élus locaux. Le plan France ruralité, qui vise à simplifier et à regrouper les zonages au sein de France ruralité revitalisation se matérialise. Enfin, les crédits de l'ANCT seront renforcés pour que 100 chefs de projets soient recrutés sur le programme Villages d'avenir.
Si les dispositions du projet de loi de finances vont dans le bon sens, nous devons toutefois demeurer vigilants et à l'écoute des collectivités. La baisse des DMTO, observée en 2023, et qui pèse déjà sur les finances de certains départements, doit nous alerter. Le soutien de l'État doit demeurer massif et une attention particulière doit être portée à la question de la construction et du logement. Les élus doivent être accompagnés et nous appelons de nos vœux un soutien aux maires bâtisseurs. Pour que les collectivités gagnent en autonomie fiscale et que les élus locaux aient plus de latitude, nous avançons sur la déliaison des taux. Elle est engagée s'agissant de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires (THRS). Faisons-leur confiance !
Nous devons encore renforcer le soutien aux investissements en faveur de la transition écologique et de l'adaptation au changement climatique. Il faut, pour ce faire, donner les moyens humains aux opérateurs de l'État. Nous ferons des propositions en ce sens. Face aux catastrophes climatiques, nous devons réfléchir à l'évolution du fonds Barnier. Enfin, pour mieux coller à certaines réalités territoriales, nous proposerons, avec Joël Giraud, des ajustements concernant le volet infrastructures de massif de la DSIL. Enfin, engageons le budget vert, avançons sur la dette verte et offrons aux collectivités des moyens stables et prévisibles ; nous les accompagnerons ainsi dans la définition de leur plan pluriannuel d'investissement et dans leur projet de territoire.
M. le rapporteur général et M. Luc Geismar applaudissent.
La parole est à M. le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire.
Depuis plusieurs années, le Gouvernement annonce une sortie de crise et la fin du quoi qu'il en coûte. C'est, du moins, la feuille de route qu'il présente cet automne. Avec ce projet de loi de finances pour 2024 – sur lequel, je le rappelle, la représentation nationale ne pourra pas se prononcer –, les ministres veulent à tout prix réduire le déficit ; j'ai dit, ici même, que je pensais qu'ils n'y parviendraient pas.
Les crises se succèdent et le pire est à venir : urgence écologique, perte de pouvoir d'achat qui menace la consommation populaire, crise du logement, sous-financement des services publics… Dans ce contexte, il est plus facile d'annoncer des économies que les faire. Le Gouvernement compte donc reporter ses responsabilités sur les collectivités territoriales. L'exemple du financement de la bifurcation écologique est éloquent : le montant qui y est consacré dans ce budget est six fois inférieur aux préconisations, sous prétexte que le complément devra être apporté par les différents échelons locaux. C'est aussi aux collectivités que sont sous-traités l'austérité et l'effort de réduction des déficits, en même temps que les investissements impérieusement nécessaires. Vous remarquerez la contradiction. Heureusement, l'article de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui leur imposait des économies, a été supprimé. Toutefois, le Gouvernement n'a pas abandonné ce projet, puisque les ministres imposent aux collectivités qu'elles participent à ces fameuses revues des dépenses publiques.
Ainsi, la contribution des collectivités ne cesse d'augmenter, alors que leurs dépenses sont toujours plus contraintes. Elles sont d'abord contraintes par le contexte social et économique : en effet, c'est sur elles que reposent les premières réponses aux difficultés de la population ; elles financent des aides et des salaires qui ont été insuffisamment augmentés, la construction de logements ou encore des services de proximité. Les dépenses sont ensuite contraintes par un pilotage de l'action locale par le haut : le remplacement des dotations par des fonds d'investissement et le développement de dispositifs contractuels permettent à l'État d'affirmer son contrôle, puisque les financements ne sont accordés qu'à condition de proposer un projet qui convient aux représentants de l'État. Les dépenses sont contraintes, enfin, par une sous-compensation du coût des transferts de compétences : si le montant de la dotation globale de fonctionnement est affiché en hausse en 2024, son augmentation, inférieure à 1 %, reste très en dessous de l'inflation. Rappelons que cette dotation n'est pas une largesse accordée par l'État mais une contrepartie aux transferts de compétences et un dispositif de solidarité entre les territoires. Avec un montant de dotation qui n'est pas à la hauteur des coûts réels, la part des dépenses obligatoires dans les budgets locaux augmente et réduit d'autant les marges financières des élus.
À rebours de toute logique, vous recentralisez et réduisez les ressources des collectivités au lieu de chercher les recettes qui permettent de répondre à leurs besoins. En premier lieu, vous supprimez la taxe d'habitation sur les résidences principales et la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises. Vous sous-compensez ensuite ces pertes de recettes par des affectations de taxe défavorables. Je rappelle que l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) a estimé à 1,3 milliard d'euros le coût de la suppression de la CVAE pour les collectivités.
La mise sous dépendance de la TVA pose non seulement un problème financier – c'est autant de recettes manquantes pour le budget de l'État – mais aussi un problème démocratique, car le Gouvernement a entre ses mains un moyen de pression sur les collectivités territoriales. En effet, l'État peut désormais diminuer la fraction qui leur est affectée comme bon lui semble, ce qu'il ne pouvait faire avec les impôts fléchés, dont les collectivités fixaient les taux. Par ailleurs, le lien entre les collectivités et les acteurs locaux se réduit : la suppression de la CVAE, par exemple, ne permet plus d'encourager les collectivités à attirer les entreprises contribuables en développant des infrastructures.
Les conséquences de cette politique s'observent facilement. Les collectivités éprouvent des difficultés financières de plus en plus importantes. Les recettes de la TVA – devenue le principal impôt local – devraient être peu dynamiques en 2024. Les difficultés du marché immobilier font craindre un net recul du produit des DMTO. Leur épargne brute devrait donc chuter de 9 % en 2024 et de 31,2 % pour les départements, selon la Banque postale.
Afin de remettre en cause cette logique, des amendements ont été présentés en commission des finances, visant à indexer la DGF sur l'inflation ou à majorer les recettes. Certains ont d'ailleurs réuni une majorité élargie jusqu'à vos rangs et ont été adoptés. Je pense à ceux qui majoraient le taux plafond du versement mobilité en Île-de-France – hélas pas dans toute la France – ou instauraient une taxe de séjour sur les hôtels de luxe. Malheureusement, vous avez choisi de continuer à réduire l'autonomie des collectivités puisque peu d'entre eux auront été débattus et retenus après le recours au 49.3.
Applaudissements sur les bancs des groupes LFI – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
La parole est à M. Frédéric Valletoux, vice-président de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Ce débat permet à la représentation nationale d'échanger sur les finances locales, qui sont souvent l'objet de crispation entre l'État et les collectivités territoriales. Je tire de l'exercice de mes mandats locaux – maire, conseiller régional, président d'intercommunalité – une conviction profonde : il ne faut pas tomber dans le piège consistant à opposer l'État et les collectivités territoriales.
Très bien !
Face aux incertitudes économiques et dans le contexte d'inflation encore élevée, les inquiétudes des élus locaux sont compréhensibles et les interpellations légitimes. Mais il est essentiel de garder à l'esprit qu'il n'y a pas de dichotomie entre l'action publique nationale et celle exercée à la maille locale. L'une et l'autre sont complémentaires. Nous formons un même bloc, dans le respect des compétences de chacun. C'est cette complémentarité qui nous a permis de protéger efficacement nos concitoyens pendant la pandémie puis lors de la crise inflationniste. Nous devons chercher à surmonter nos clivages, en visant toujours l'intérêt général.
À cet égard, je me réjouis de la création du Haut Conseil des finances publiques locales, qui a tenu sa première réunion le mois dernier ; je forme le vœu qu'il devienne force de proposition.
Dans ce même esprit de responsabilités partagées, les collectivités doivent participer avec l'État à la nécessaire maîtrise des finances publiques. C'est ainsi que le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023-2027 prévoit une contribution des collectivités à la diminution de la hausse des dépenses publiques, en volume, pendant cette période. Soulignons que cette contribution est trois fois moindre que celle demandée aux administrations centrales et que le projet de loi ne prévoit pas de dispositif contraignant concernant les dépenses réelles de fonctionnement des collectivités. C'est une marque de confiance envers les élus locaux et leur bonne gestion.
Le projet de loi répond aussi à une forte attente des élus locaux : la trajectoire des concours financiers de l'État, en augmentation sur la période, donne de la visibilité aux collectivités.
J'en viens à la situation financière des collectivités territoriales. Après une année 2022 de forte reprise post-covid, elles ont globalement abordé 2023 dans une bonne santé financière, même si les situations peuvent être localement contrastées. En 2023, la trésorerie des collectivités territoriales est encore supérieure à 30 milliards d'euros – elle était certes de plus de 60 milliards l'an dernier.
Notons que des nuages s'amoncellent depuis quelques mois, comme le souligne la dernière note de conjoncture de La Banque postale. Les départements sont, à des degrés divers, affectés par l'affaissement des DMTO, qui constituent un cinquième de leurs recettes de fonctionnement. Certaines régions subissent un ralentissement économique perceptible dans leur bassin d'emploi, mais les recettes de TVA restent dynamiques. Quant au bloc communal, il résiste plutôt bien grâce à des recettes en croissance.
En 2023, l'autofinancement des collectivités devrait finalement se situer à quelque 43 milliards d'euros, un montant comparable à celui atteint en 2019, avant la crise sanitaire, malgré des dépenses de fonctionnement en forte augmentation – plus de 5 %.
Ma troisième observation concerne le projet de loi de finances pour 2024. Tout d'abord, je veux saluer l'amplification de l'effort de verdissement du budget de l'État, initié depuis 2017. Cette ambition se lit dans les dotations versées aux collectivités pour soutenir l'investissement local, dont je donnerai deux exemples : la dotation biodiversité a été multipliée par vingt, passant de 5 à 100 millions d'euros entre 2017 et 2024 ; les crédits du fonds Vert, créé l'année dernière, enregistrent une hausse de 25 % pour atteindre 2,5 milliards d'euros.
Ces dispositifs portent à son plus haut historique le soutien de l'État à l'investissement dans les territoires. L'investissement des collectivités territoriales atteint ainsi un niveau record : 76,5 milliards d'euros engagés, presque 10 % de plus qu'en 2022.
Autre mesure notable de ce PLF : l'augmentation de 220 millions d'euros de la DGF – après une hausse de 320 millions cette année –, ce qui est loin d'être négligeable. Soulignons que ces crédits nouveaux viennent alimenter des dispositifs de péréquation de la DGF, notamment les dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale,…
…ainsi que la dotation d'intercommunalité. C'est une bonne chose car cette revalorisation de la DGF exprime la solidarité de l'État envers les collectivités les plus fragiles, en phase de redynamisation ou plus touchées par les effets de l'inflation que d'autres.
Cependant, comme les autres membres de la délégation aux collectivités territoriale et à la décentralisation, je suis convaincu qu'il faut renforcer les mécanismes de péréquation entre les collectivités elles-mêmes. La DGF n'apporte plus de réponse satisfaisante aux situations financières différenciées des collectivités ; elle n'atténue pas davantage les effets des chocs économiques ou sanitaires car elle est insuffisamment individualisée et ciblée. Une réflexion sur l'approfondissement des dispositifs de solidarité entre collectivités doit donc être menée.
Applaudissements sur les bancs des groupes HOR, RE et Dem. – M. le rapporteur général et Mme la rapporteure spéciale applaudissent également.
Débattre des finances locales est une nécessité et l'occasion de rétablir des vérités. À en croire le Gouvernement, composé à plus de 60 % de ministres qui n'ont jamais été membre d'un exécutif local, les finances des collectivités iraient bien. La réalité est tout autre. Si les recettes de fonctionnement des collectivités ont évolué un peu plus rapidement que leurs dépenses en 2022, ce chiffre s'équilibre pour l'ensemble du bloc communal, les communes de moins de 10 000 habitants ayant vu leurs dépenses croître plus vite que leurs recettes.
Ces chiffres ne suffisent pourtant pas à dire que tout va à peu près bien. En réalité, toutes les collectivités – en particulier les communes – souffrent de l'inflation, de la hausse du point d'indice de la rémunération des agents publics et des coûts des matières premières.
Vous me répondrez sûrement, comme d'habitude, que l'État est particulièrement généreux avec les collectivités.
C'est non seulement un mensonge, mais aussi une marque de mépris envers les élus locaux.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
Après la période désastreuse du gouvernement socialiste durant laquelle les dotations aux collectivités avaient servi de variable d'ajustement, l'ère Macron n'est pas plus satisfaisante. Sur le papier, les dotations et subventions de l'État aux collectivités sont demeurées stables depuis 2018. Il est donc indéniable qu'elles ont baissé en euros constants, du fait de l'inflation.
En 2022, alors que les dépenses des collectivités augmentaient de 5,7 %, les concours de l'État ne progressaient que de 1,4 %, un taux très inférieur à celui de l'inflation. Loin d'améliorer la situation, le budget pour 2024, que vous souhaitez faire passer en force, va même l'empirer.
Nous, députés du Rassemblement national, prévenons donc les maires et présidents d'exécutifs : en l'état du projet de loi de finances pour 2024, les moyens d'action des collectivités vont continuer à se dégrader. Nous prévenons aussi les Français : en organisant l'agonie des collectivités territoriales, le Gouvernement amplifie l'inexorable casse des services publics locaux.
Pour justifier ces manœuvres, vous répétez à l'envi que les collectivités doivent « participer à l'effort de redressement des finances publiques ». Là aussi, il faut rétablir des vérités. La dette des collectivités – qui sont de loin le premier investisseur public – ne représente que 8 % de la dette française : contrairement à Emmanuel Macron, les élus locaux, eux, savent gérer.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En 2022, le solde de financement de l'État était très largement négatif, tandis que celui des collectivités était positif. En plus d'indexer la DGF sur l'inflation, comme nous le proposons, il faut refondre un système de financement devenu incompréhensible. La DGF, par exemple, compte pas moins de vingt-huit critères. Son calcul est devenu un casse-tête, sans compter que le nombre d'habitants, qui est un élément majeur de ce calcul, est régulièrement et à juste titre contesté.
Il nous paraît aussi essentiel de redonner une véritable autonomie fiscale aux collectivités. Pour les communes, la suppression de la taxe d'habitation, appréciable à première vue pour les contribuables, fait porter la charge de la fiscalité locale sur les seuls propriétaires. Pour le contribuable, l'État donne d'une main et reprend le double de l'autre.
Une réflexion s'impose également sur les compétences, autour du triple objectif de simplicité, d'efficacité et de subsidiarité. Actuellement, tout le monde s'occupe de tout. Les doublons sont nombreux, comme les surcoûts qui vont avec. On ne compte plus les interventions discutables des régions, ou les transferts de compétences obligatoires d'une commune à une intercommunalité qui aboutissent, en définitive, à un service moins bon et plus cher. Nous appelons de nos vœux un système dont les communes et les départements, seuls acteurs de proximité, sont les piliers, et où les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et les régions sont des espaces de mutualisation et de coopération choisis, et non imposés.
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
En outre, il est temps que l'État arrête d'imposer des charges nouvelles aux collectivités. C'est ainsi que les départements ont appelé l'attention du Gouvernement sur le coût des mineurs non accompagnés (MNA) : 1,5 milliard d'euros à leur charge, du fait de votre laxisme migratoire. Quant à l'AMF, elle estime à 2 milliards par an minimum, le surcoût lié aux normes et aux contraintes qui pèsent chaque jour davantage sur nos collectivités, qui transforment le moindre projet en parcours du combattant, ajoutant complexité, délais, incertitudes juridiques et dépenses supplémentaires.
Enfin, il faut que l'État arrête la transformation progressive des dotations d'investissement en appels à projets divers, autour de priorités qui changent tous les quatre matins. C'est aux collectivités et à elles seules de définir leurs priorités. C'est aux élus locaux, démocratiquement élus, qu'il revient de dessiner l'avenir de leurs territoires.
Les communes sont les premiers investisseurs pour relancer l'économie française et les entreprises. Il faut les aider à investir, au lieu de couper leurs projets comme vous le faites. Vous avez une responsabilité dans les difficultés des entreprises et le découragement des élus locaux. Alors, monsieur le ministre délégué, réagissez !
Applaudissements sur les bancs du groupe RN.
La cantine, le repas servi le midi aux petits, c'est la commune. La salle de classe, l'agent territorial spécialisé des écoles maternelles (Atsem) qui s'occupe des enfants, c'est la commune. Le comité des fêtes, les clubs de sport, le repas des aînés, c'est la commune. Les bus, les rues, les trottoirs, de la crèche jusqu'au cimetière, c'est la commune.
La commune, c'est-à-dire le maire ou la maire, son secrétaire, ses adjoints. Le maire qui, après le 14 juillet, rempile les chaises, ramasse les papiers avec l'aide d'un employé. Le maire qui, un samedi soir trop arrosé, intervient entre deux voisins pour rétablir la paix. Le maire qui se débat dans les dossiers, les courriers, pour une famille en difficulté, pour sa piscine, son marais, pour un projet.
Le maire qui cherche quoi, au fond, dans mille endroits ? À animer – mot merveilleux qui signifie donner de la vie, réveiller les âmes – sa commune pour éviter qu'elle ne se mue en mouroir ou en cité-dortoir.
La commune, c'est la République du quotidien. La commune, c'est la République qui tient. Oui, quand la France va mal, quand la France se déchire, les maires sont là pour réparer, à proximité. Quand les gilets jaunes prennent les ronds-points, qui les écoute ? Pas le Président de la République, qui soliloque depuis l'Élysée. Non, les maires, qui ouvrent leurs mairies et des cahiers de doléances. Quand le covid survient, quand l'État ferme tout, qui maintient le lien ? Qui apporte des paniers aux plus âgés, qui se soucie de leur santé ? Les maires, encore. Et les centres de vaccination, qui les met sur pied ? Les maires, toujours, leurs équipes, les communes.
Quand les banlieues brûlent, quand trop de frustrations, trop d'humiliations s'accumulent, quand l'injustice prend un nom, Nahel, qui appelle-t-on à la rescousse ? Les maires, les maires comme pompiers de la paix, les maires encore respectés, et un calme, oh un calme précaire, un calme incertain, mais un calme revient.
Oui, quand la France craque d'en haut, quand vous faites craquer la France d'en haut, les maires la recousent, la retissent d'en bas. Dans l'ombre, en silence. Et pour cela, quelle récompense ? L'État se retire, comme on le dit de la mer. L'État ferme ses maternités, ses hôpitaux, ses écoles. Et quand l'État se retire, que reste-t-il ? La commune qui tente de pallier, d'inventer. Contre les déserts médicaux, ce seront, ici, des locaux offerts pour un gynécologue ; ce sera, là-bas, un centre communal de santé avec des médecins salariés. Contre la pauvreté qui s'installe, qui monte, la commune offre les petits-déjeuners le matin, les fournitures scolaires à la rentrée.
Il faut faire plus, puisque l'État fait moins. Mais il faut faire plus avec moins parce que l'État se retire, mais il retire aussi ses finances. L'État prive les communes de leurs ressources, les place sous dépendance. Durant le quinquennat dernier, c'était la suppression de la taxe d'habitation – 23 milliards d'euros.
On promet, bien sûr, que tout sera compensé « à l'euro près ».
Mais à l'arrivée, qu'en est-il ? À l'arrivée, tout est raboté ; les budgets sont rétrécis, racornis. À l'arrivée, c'est le grand hold-up, comme le dénonce l'Association des maires de France. À l'arrivée, c'est l'inflation qui bondit, et avec elle, le montant des factures d'énergie des mairies et le point d'indice des fonctionnaires, alors que la dotation globale de fonctionnement ne suit pas, loin de là.
À l'arrivée, ce sont des investissements pour la transition écologique et la rénovation des bâtiments qui ne se feront pas. À l'arrivée, c'est l'État qui réduit ses crédits.
Mais cela ne suffit pas : l'État se retire, retire des crédits, mais il faut en plus qu'il méprise. Il faut que le chef de l'État humilie. Lorsqu'à l'occasion de l'appel de Lyon, des maires de droite, de gauche et de banlieue, tous unis, poussent solennellement un cri et lancent un appel au secours, rien ne se passe. Ils parlent dans le désert : Macron ne répond plus. En revanche, il s'exprime à la télévision : « Les hausses d'impôt, ce sont vos élus locaux ! », dit-il ; « La taxe foncière, c'est votre maire ! ». C'est pourtant votre majorité qui l'a votée ici même,…
…alors que le Président de la République, lui, a augmenté le budget du palais de l'Élysée de 8 millions, soit 7 % – plus que l'inflation. Alors que le chef de l'État ne sort de ses dorures que protégé des Français par mille policiers, le maire n'a rien de tout ça : il se présente seul, nu, sans armure, sans armée.
Alors, pour eux, pour elles, nous réclamons moins de formulaires, moins d'appels à projets, mais plutôt l'indexation des dotations, l'autonomie fiscale et le rétablissement de la CVAE. Et pour ceux qui forment les premières lignes de la République, nous proposons une fête des maires, afin qu'une fois par an, ces élus à portée de main des citoyens soit aussi à portée de câlins, à portée de soutien !
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, Écolo – NUPES et GDR – NUPES.
En premier lieu, je veux exprimer toute ma reconnaissance envers les élus locaux et les agents qui œuvrent dans les collectivités au quotidien, au plus près des citoyens.
M. Jean-Philippe Tanguy applaudit.
Je pense particulièrement aux maires, dont le mandat est de plus en plus difficile en raison des contraintes qui pèsent sur le fonctionnement des collectivités, avec ces injonctions qui tombent d'en haut sans que les financements suivent forcément. Je pense aussi aux incivilités auxquelles les maires sont de plus en plus souvent confrontés. Les collectivités territoriales sont les fondements de la République et nous devons tout faire pour maintenir – ou, dans certains cas, restaurer – le lien de confiance avec elles.
Venons-en aux finances des collectivités locales. L'année dernière, le groupe Les Républicains avait voté contre l'article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, qui enjoignait aux collectivités de consentir des efforts considérables, là où l'État rechignait à montrer l'exemple. Notre opposition à cette disposition a conduit le Gouvernement à revoir sa copie et à abandonner les contrats de Cahors. Nous ne pouvons que saluer ces revirements. Vous avez vous-même, monsieur le ministre délégué, assuré aux membres de la commission des finances ne pas vouloir vous inscrire dans une « démarche unilatérale ». Nous ne pouvons que nous en réjouir.
Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une augmentation de la DGF de 220 millions d'euros, dont 90 millions au titre de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU), 100 millions au titre de la dotation de solidarité rurale (DSR) et 30 millions pour les intercommunalités. Ce montant pourrait cependant se révéler insuffisant pour permettre à toutes les collectivités de faire face à leurs charges. Car si la Cour des comptes, à l'instar d'autres institutions, évoque, dans un rapport de juillet 2023, « une situation financière des collectivités territoriales particulièrement favorable en 2022 », je tiens à appeler votre attention sur deux points. Le premier est qu'il existe d'importantes disparités entre les territoires et les collectivités.
Le second concerne les nouvelles charges, faramineuses, qui pèsent sur les collectivités, en lien avec l'inflation, l'augmentation des prix des matières premières, ou encore les augmentations successives de la valeur du point d'indice des fonctionnaires. Les communes doivent par exemple supporter des coûts non négligeables au titre de la gestion des déchets ou de l'eau, tandis que les départements doivent gérer la prédominance des dépenses sociales, qui continuent d'augmenter et représentent une part importante de leurs dépenses réelles. L'explosion des charges de fonctionnement réduit mécaniquement la capacité d'investissement des collectivités.
S'agissant ensuite des ressources, les suppressions d'impôts locaux en cours – qu'il s'agisse de la taxe d'habitation ou de la CVAE –, même compensées, réduisent les marges de manœuvre des collectivités et leur capacité à s'administrer librement. Les ressources des communes ont certes profité de l'inflation, les valeurs locatives ayant été revalorisées de 7,1 % en 2023. Il devrait en être de même en 2024, une augmentation, certes moindre, mais qui pourrait atteindre 4,2 %, étant prévue. La hausse cumulée atteindrait ainsi 11,3 % sur deux ans. J'ai bien compris que vous ne souhaitiez pas revenir sur cette dynamique, qui est un élément important des ressources des collectivités, mais une telle évolution me semble soulever la question du consentement à l'impôt, qui concerne déjà certains propriétaires et qui se posera avec encore plus d'acuité à l'avenir, tant la charge liée aux taxes foncières devient lourde.
Par ailleurs, si les départements ont vu les DMTO augmenter fortement, la trajectoire s'inverse de manière brutale et rapide. C'est le cas du département de l'Orne, où les DMTO ont augmenté de près de 10 millions d'euros, soit près de 33 %, en 2021 et 2022, mais où les chiffres disponibles suggèrent, dès 2023, un retour aux niveaux observés en 2019 et en 2020. Je ne reviendrai pas sur la volatilité de la part de TVA que les collectivités reçoivent en compensation, et que les départements perçoivent également au titre du transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) au bloc communal. Cette ressource, malgré une progression notable, est très fragile.
J'ai deux questions, monsieur le ministre délégué. La première concerne la réintégration dans le FCTVA des dépenses d'aménagement de terrains, que vous avez évoquée et qui est très attendue par les élus locaux – je l'avais moi-même réclamée à vos prédécesseurs, Olivier Dussopt et Gabriel Attal : quelle sera la période de référence prise en compte pour les collectivités souhaitant recourir au FCTVA par ce biais ? Les aménagements de terrains réalisés en 2023 seront-ils concernés ? Je vous vois sourire, monsieur le ministre délégué – j'en déduis que la réponse sera positive !
Sourires.
Par ailleurs, qu'en est-il de la révision générale des valeurs locatives, dont le calendrier a été repoussé ? Pouvez-vous nous faire part des enseignements que vous tirez de la première phase, à savoir la révision des valeurs locatives des locaux professionnels, engagée en 2017 ? S'agissant des logements, si la révision du référentiel utilisé depuis 1970 semble inéluctable, avez-vous mesuré le risque d'explosion de la taxe foncière qui s'appliquera aux logements ?
Le dialogue entre l'État et les collectivités peut se révéler complexe, tendu ou difficile. Il n'en reste pas moins essentiel au fonctionnement du pays. À ce titre, le groupe Démocrate salue la création du Haut Conseil des finances publiques locales, dont la première réunion s'est tenue le 22 septembre. Loin de constituer un énième comité Théodule, cette instance doit être perçue comme une enceinte où l'État et les collectivités locales échangeront d'égal à égal sur la stratégie de maîtrise de nos finances publiques.
Nous espérons que ce nouvel organe permettra d'aborder cette question cruciale avec sérénité, sincérité et régularité. En effet, le débat sur la dette qui s'est tenu dans cet hémicycle en début de semaine nous a rappelé que la maîtrise de nos finances publiques devait être une priorité absolue, afin que la France puisse se projeter dans l'avenir, en relevant les défis nombreux qui se posent à elle en matière d'accès aux services publics, de transition écologique, d'éducation, de défense ou encore de justice.
La méthode que nous prônons en matière de finances locales est la même que pour l'État : il faut engager un travail collectif et concerté pour mieux prévoir et évaluer les dépenses des collectivités locales, et réfléchir ensemble, en toute objectivité, aux sources d'économies possibles.
Comme pour l'État, il est essentiel de rappeler que la maîtrise des finances publiques n'est pas une punition collective. La majorité a fait des choix courageux ces dernières années pour protéger les collectivités locales face aux crises successives, et elle l'assume. Sans revenir sur tout ce qui a été fait pendant la crise liée au covid, je rappellerai simplement l'instauration du bouclier tarifaire pour les collectivités qui y sont éligibles ou la création du filet de sécurité. Il est désormais temps de reconstituer nos marges de manœuvre, dans l'hypothèse d'une nouvelle crise conjoncturelle. Il est tout à fait juste, dans ce cadre, de demander que l'effort soit partagé entre l'État, la sécurité sociale et les collectivités.
Comme pour l'État, la maîtrise des finances publiques ne rime pas avec austérité : le budget pour 2024 prévoit un soutien accru de l'État aux collectivités, tant en fonctionnement qu'en investissement.
Afin de continuer à protéger et à soutenir les collectivités territoriales face à la hausse des prix de l'énergie, la DGF sera rehaussée de 220 millions d'euros en 2024, pour atteindre 27 milliards. Elle augmentera donc pour la deuxième année consécutive, après des baisses successives sous le quinquennat de François Hollande, puis cinq années de stabilité au cours du dernier quinquennat. De la même façon, pour amplifier le soutien de l'État aux projets engagés par les élus locaux en faveur de la transition écologique, le fonds Vert sera reconduit en 2024 et son enveloppe, revue à la hausse, atteindra 2,5 milliards. Le Conservatoire d'espaces naturel des Pays de la Loire, situé à Nantes, a par exemple bénéficié de 92 600 euros dans ce cadre.
Afin de donner aux collectivités des outils fiscaux supplémentaires pour lutter contre le phénomène d'attrition des résidences principales, l'État a annoncé il y a quelques semaines un élargissement du zonage de la taxe sur les logements vacants, qui englobera 2 000 nouvelles communes. Les logements vacants y seront automatiquement taxés et les élus locaux qui le souhaitent pourront y majorer la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Sur ce point, il convient de rassurer les élus locaux : comme lors de la suppression de la taxe d'habitation, les pertes de recettes induites par le passage de la taxe d'habitation sur les logements vacants (THLV) à la TLV seront compensées – n'en déplaise à M. Ruffin – à l'euro près, grâce à un nouveau prélèvement sur recettes.
Le groupe Démocrate défend une certaine idée de la confiance entre l'État et les collectivités : une confiance fondée, d'une part, sur l'exigence de l'État envers les collectivités, lesquelles doivent participer à l'effort national et contribuer à la bonne maîtrise des finances publiques ; et, d'autre part, sur l'assurance donnée aux collectivités que l'État leur apportera un soutien sans faille.
M. le rapporteur général et Mme la rapporteure spéciale applaudissent.
À cette tribune, l'année dernière, ma collègue Christine Pires Beaune insistait sur la nécessité d'engager urgemment une refonte majeure des dotations aux collectivités locales. Chacun ici le sait, la DGF est profondément inégalitaire, variant selon la strate et la richesse relative des territoires qui la perçoivent. Le rééquilibrage opéré grâce à la progression de la DSU et de la DSR demeure limité. En effet, ce n'est que depuis 2023 que le renforcement de la péréquation n'est pas financé par un écrêtement de la dotation forfaitaire : auparavant, pour certains bénéficiaires, une part importante du gain était effacée par la baisse de la composante forfaitaire de la DGF.
Cette situation est aussi liée au fait que certains des mécanismes instaurés successivement pour limiter les variations de dotations d'une année sur l'autre sont devenus caducs, et au fait que les communes les plus riches ne contribuent plus à l'écrêtement, au fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France (FSRIF), ni au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC). Du fait des plafonds d'entrée et des garanties de sortie, les évolutions des dotations sont enfermées dans un tunnel et l'atteinte du montant visé au titre d'une dotation nouvellement perçue s'en trouve parfois décalée d'une décennie.
Une telle réforme n'étant envisageable en période électorale, il nous reste un peu plus d'un an pour y travailler. N'échouons pas, comme lors des précédentes législatures, à traiter cette urgence ! Cette remise à plat devra évidemment s'accompagner d'une refonte de la fiscalité locale car, contrairement à ce qu'a affirmé M. Cazeneuve, les maires qui ont été contraints d'augmenter la taxe foncière n'avaient pas quinze autres taxes à leur disposition.
Si l'on excepte les taxes affectées, les recettes fiscales de la section d'investissement, celles dont les communes perçoivent le produit sans fixer le taux et celles dont le taux est contraint par une règle de lien ou par un plafond d'évolution, seule la taxe foncière reste à la main des communes, à l'exception de la part de cotisation foncière des entreprises (CFE) perçue par les rares communes membres d'un EPCI à fiscalité professionnelle de zone.
Toutes les communes n'ont pas la chance de pouvoir lever la taxe communale sur les entreprises exploitant des engins de remontée mécanique ou la contribution sur les eaux minérales naturelles.
Je profite de ce débat, monsieur le ministre délégué, pour vous alerter sur l'évolution des enveloppes de la DETR. Depuis quatre ans, plusieurs départements, très ruraux, voient leurs enveloppes départementales diminuer sans justification. Afin que cette répartition ne devienne pas inégalitaire, il est urgent de geler ces enveloppes.
Je souhaite également soulever le cas particulier de la dotation forfaitaire des groupements touristiques, figée depuis 1993 et qui ne concerne plus que quelques territoires en France. Seuls quarante-sept EPCI l'ont perçue en tant que telle en 2023, pour un montant de 18,2 millions. La liste des bénéficiaires ne peut d'ailleurs que se réduire.
Les quelques syndicats intercommunaux sans fiscalité propre n'ont pas connu de hausse de cette dotation depuis de nombreuses années et il serait opportun, sinon de procéder à un rattrapage, du moins de faire un geste dans leur direction. Un amendement à 2 millions d'euros avait été proposé à cet effet en première partie du projet de loi de finances ; il n'a pu être débattu et n'a hélas pas été retenu dans le texte final.
Comme d'autres collègues – et je ferai ici un lien avec mes travaux sur le logement –, je m'inquiète de l'impact du fort ralentissement de la production et de la vente de logements neufs comme anciens sur les finances locales. Au premier semestre 2023, les droits de mutation ont diminué de près de 2 milliards par rapport à l'année 2022. Les chiffres annoncés par la Fédération des promoteurs immobiliers, la FPI, il y a quelques jours, à savoir une baisse des ventes de 44 % sur un an au troisième trimestre 2023, font légitimement frémir nos départements.
Ces derniers sont pris en tenaille entre l'augmentation des dépenses sociales depuis 2020, la baisse attendue des recettes issues des DMTO et peut-être, demain, une perte de dynamique de la TVA. Nous devons absolument leur apporter une réponse forte, comme nous avons su le faire avec le filet de sécurité de 2022 – même si celui-ci était perfectible.
Il est impératif de redonner des outils budgétaires et fiscaux à nos communes pour lutter contre la crise du logement plutôt que d'offrir de nouveaux cadeaux fiscaux à Airbnb, monsieur le ministre délégué.
Nous avions proposé un amendement visant à suspendre pour trois mois la règle de liaison des taux des taxes locales, parmi lesquelles figure la THRS, la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, mais vous lui avez préféré un amendement symbolique du groupe Horizons. Il est encore temps de corriger le tir.
Nous avions également proposé un rétablissement de l'aide aux maires bâtisseurs afin de soutenir les maires qui souhaitent prendre toute leur part dans la relance de la production de logements. Si rien n'est fait, on construira cette année 100 000 logements de moins qu'en 2017.
Je vous demande toute votre attention sur un dernier point : les professionnels et des collectivités nous ont alertés sur les difficultés de recouvrement des taxes d'urbanisme depuis que leur liquidation a été transférée à la DGFIP. Sans rectification de ces modalités, les retards induits par ce changement risquent d'être hautement préjudiciables pour nos collectivités territoriales.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LFI – NUPES, Écolo – NUPES et GDR – NUPES. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Nous en sommes tous convaincus, l'État et les élus locaux doivent travailler main dans la main, en concertation et en faisant preuve de cohérence. C'est un gage de réussite et d'efficacité des politiques publiques, qu'elles soient nationales ou locales.
Laissez-moi vous donner un exemple. Samedi dernier, dans ma circonscription, à La Neuville-au-Pont, commune de 550 habitants, en Argonne Champenoise, terre sur laquelle ont été écrites tant de grandes pages de l'histoire de France – depuis l'arrestation de Louis XVI, la bataille de Valmy et la naissance de la République française jusqu'aux combats meurtriers de la Grande Guerre – et qui compte 20 000 habitants, avec une densité de quatorze habitants au kilomètre carré, nous avons posé la première pierre d'un futur centre de consultation de médecine générale et de petite urgence qui ouvrira ses portes dans un an.
Ce projet, porté par un médecin venu s'implanter dans ce territoire qui était devenu un désert médical, a été rendu possible grâce à l'engagement sans faille des collectivités territoriales – commune, communauté de communes, département et région –, mais aussi et surtout des services de l'État : préfet, corps des architectes des bâtiments de France et ARS, agence régionale de santé.
Chaque jour, dans l'ensemble de nos territoires, des projets publics ou privés naissent grâce à ce partenariat absolument nécessaire entre l'État et les élus locaux. C'est tout l'objet des dotations de soutien à l'investissement des collectivités locales, qui permettent le financement de politiques publiques en faveur de la rénovation et de l'amélioration des bâtiments publics, la création de services publics locaux, l'accès aux soins, la mobilité, l'entretien des réseaux d'eau et d'assainissement, la préservation du patrimoine, les équipements sportifs – et j'en passe.
En 2024, l'État restera évidemment aux côtés des collectivités en assurant aussi bien le versement des dotations d'investissement que le financement de leur fonctionnement. C'est aussi par la mise en œuvre du budget vert local que l'État soutient les collectivités dans l'aide à la prise de décision, car la responsabilité collective et l'engagement de tous, à tous les échelons, en faveur de l'enjeu majeur que représente la transition énergétique et écologique, seront déterminants.
Je veux saluer votre engagement, monsieur le ministre délégué, dans la construction d'outils adaptés aux réalités de nos territoires, comme Petites Villes de demain, Villages d'Avenir ou encore les quartiers prioritaires de la politique de la ville – autant de dispositifs conçus pour les élus, selon les besoins réels de leur territoire et en concertation avec les préfets.
En effet, nous ne trouverons pas les réponses aux difficultés que nos concitoyens rencontrent pour se loger sans les élus locaux ; nous ne transformerons pas l'école de la République, de la maternelle jusqu'au lycée, sans les collectivités territoriales ; nous ne résorberons pas les fractures territoriales en matière de mobilité ou d'accès aux soins sans l'engagement de nos territoires.
Nous pourrions revenir dans le détail sur la compensation, à l'euro près, des charges transférées aux collectivités, ou sur les réformes des impôts locaux, mais je suis convaincue que la question n'est plus là. Il nous faut avancer sur une réflexion plus juste et plus importante, celle de l'efficacité de l'action publique.
Osons donc dresser collectivement un bilan réel de la décentralisation. Devons-nous conserver autant d'échelons territoriaux ? Comment engager des mutualisations entre l'État et les collectivités territoriales, notamment en matière d'immobilier public ? L'ensemble des compétences décentralisées méritent-elles de rester exercées par les collectivités territoriales ?
Je suis convaincue qu'il nous faut ouvrir ce chantier avec les élus locaux, mais surtout avec conviction, courage et honnêteté. Au groupe Horizons, nous y sommes prêts. Surtout, cela permettra ensuite d'engager les autres chantiers, comme la refonte des critères de calcul des dotations et des compensations ou la fiscalité locale.
À ce sujet, je veux vous remercier, monsieur le ministre délégué, d'avoir entendu notre demande et de redonner des marges de manœuvre aux élus en garantissant une plus grande élasticité dans la liaison entre les taux d'impôts locaux. L'amendement qui a été retenu dit beaucoup de cette relation de confiance : oui, les élus locaux sont les premiers acteurs de l'aménagement de notre territoire et c'est pourquoi nous devons leur donner une réelle capacité d'action.
État et collectivités continueront à défendre ensemble les politiques publiques et les services publics nécessaires et attendus par nos concitoyens. Ouvrons donc un chantier collectif permettant d'écrire l'avenir ensemble, dans le cadre d'une responsabilité partagée, au service des Français.
Applaudissements sur les bancs du groupe HOR. – M. le rapporteur général et Mme la rapporteure spéciale applaudissent également.
Quelle incohérence, monsieur le ministre délégué, dans votre position sur les finances des collectivités locales, et quelle déconnexion !
Incohérence, parce que vous ne cessez de dire que les collectivités doivent financer la transition écologique alors que dans le même temps, vous leur refusez les moyens de le faire. Déconnexion, parce que vous ignorez les difficultés des Français, la pauvreté croissante et le soutien que les collectivités doivent leur apporter au quotidien.
S'agissant de la transition écologique, vous ne prévoyez que 7 milliards d'investissements de l'État sur les 25 à 34 milliards d'investissements publics que le rapport de Selma Mahfouz et Jean Pisani-Ferry estime nécessaires. Vous comptez donc sur un investissement de quelque 20 milliards par an de la part des collectivités territoriales.
Ainsi, dans le domaine des transports, le Président de la République annonce – à grand renfort de communication – le développement de RER métropolitains, mais ne met que 700 millions sur la table alors que le coût global est de 10 à 13 milliards. Ce sont donc les collectivités qui devront payer. Au président les annonces, aux collectivités la facture !
Les collectivités ont besoin de marges de manœuvre pour financer la transition écologique, mais aussi pour faire face à des besoins sociaux de plus en plus aigus. Que dire en effet de la situation des 14 500 centres communaux d'action sociale – CCAS – de France ? Indispensables soutiens des populations les plus fragiles avec leurs accueils sociaux, leurs crèches, leurs Ehpad, ils doivent faire face simultanément à la montée de la pauvreté – 14 % de la population est en situation de privation matérielle et sociale – et à une augmentation de leur masse salariale et de leur facture énergétique, soit plus de 930 000 euros de surcoûts, par exemple, pour le CCAS de Poitiers. Mettre sous contrainte le financement des collectivités, c'est fragiliser encore un peu plus les CCAS, qui sont souvent le dernier recours des populations les plus vulnérables.
Que dire aussi de la prise en charge des sans-abri, pour lesquels les collectivités pallient le plus souvent les carences de l'État, pourtant compétent en matière d'hébergement d'urgence ? Les maires de Bordeaux, Strasbourg, Rennes, Lyon, Paris et d'autres villes vous ont interpellés conjointement la semaine dernière pour que l'État assume enfin la charge qui est la sienne.
Les besoins en matière de transition écologique et d'accompagnement social sont croissants. Les collectivités sont souvent exemplaires et pionnières dans ces deux domaines. Or votre seule obsession est la réduction de leurs moyens.
Vous refusez d'indexer la dotation globale de fonctionnement. Pour une ville comme Besançon, cela représente une baisse de dotation de 1,2 million en euros courants en 2023. Vous remplacez la CVAE par une recette moins dynamique, si bien qu'il manquera aux collectivités près de 650 millions par rapport à ce que cette cotisation leur aurait rapporté. Vous n'accordez que 500 millions au plan de rénovation des écoles, alors que nos enfants étouffent pendant les canicules et que le coût annuel est estimé à 4 milliards. Pour vous donner un exemple parmi d'autres, la rénovation de quatre groupes scolaires à Grenoble nécessite déjà 35 millions. Vous imaginez donc bien que 500 millions ne suffiront pas pour soutenir les collectivités dans cet effort de rénovation.
Enfin, j'aimerais insister sur le financement des transports en commun dans notre pays. Le problème, connu en Île-de-France, est tout aussi grave dans des métropoles comme Aix-Marseille, dont j'évoquais en commission la situation dramatique : l'intervention des gendarmes pour empêcher les usagers de descendre dans le métro les soirs de match, la surcharge du réseau avec deux lignes de métro pour 2 millions de métropolitains et les bus qui s'arrêtent à vingt et une heures. Voilà la réalité des transports en commun dans les métropoles de France ! C'est du quotidien de millions de nos concitoyens que nous parlons ici.
Le Gart, le Groupement des autorités responsables de transport, le rappelait encore il y a quelques jours : « un mur de plus de 100 milliards d'euros de dépenses se dresse devant les AOM, les autorités organisatrices de la mobilité, d'ici à 2030 ». J'ajoute qu'au moment où nous instaurons les ZFE, zone à faibles émissions, nous avons le devoir de développer les transports en commun et d'offrir une solution alternative au véhicule individuel.
Bien que tous ces éléments soient portés à votre connaissance, vous n'acceptez que contraints et forcés d'augmenter de 0,25 point le versement mobilité pour l'Île-de-France, et vous le refusez aux AOM dans les autres régions. Cette rupture d'égalité inacceptable témoigne aussi d'un manque de responsabilité dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Pour conclure, je vous appelle solennellement, monsieur le ministre délégué, à laisser aux collectivités les marges de manœuvre fiscales et budgétaires dont elles ont absolument besoin pour protéger les Français, mais aussi pour les accompagner dans la transition écologique. La demande des écologistes est claire : indexation des dotations, déplafonnement du versement mobilité et soutien à la rénovation du bâti scolaire.
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES et LFI – NUPES. – M. le président de la commission des finances applaudit également.
Comme toujours, le Gouvernement, mais aussi notre rapporteur général, convoquent ce bon docteur Coué pour affirmer que les collectivités locales se portent bien et que les associations d'élus ne proféreraient que mensonges et affabulations.
Non, les associations d'élus n'affabulent pas quand elles pointent du doigt les difficultés financières et juridiques auxquelles sont confrontés les élus territoriaux lorsqu'il s'efforcent de répondre à des enjeux cruciaux. Les collectivités sont frappées par l'inflation. Carburants, énergie, matériaux : les factures flambent. Il est légitime que leurs salariés, les agents de la fonction publique territoriale, soient augmentés eu égard à la perte de pouvoir d'achat – comme on le demanderait à tout employeur.
Les budgets locaux se tendent, en raison de la baisse des DMTO, bien sûr, mais surtout face aux urgences qui s'aiguisent – sociale, climatique ou démocratique. Tous les jours, nos élus communaux, départementaux et régionaux s'ingénient à trouver des solutions, à faire vivre la cohésion sociale et territoriale et à agir localement. Tous les jours, ils font vivre la République et ses valeurs de liberté, d'égalité, de fraternité et de laïcité auprès de nos concitoyens.
La très grande majorité des investissements publics, soit plus de 70 % des investissements hors défense, sont le fait des collectivités locales – nous parlons ici de 70 milliards.
De très grands services publics tels que la mobilité, l'accès à l'eau, mais aussi tous ceux qui relèvent des grands enjeux environnementaux et la solidarité envers les publics fragiles, sont assurés par les administrations et par les exécutifs locaux. Quand une famille ne peut plus remplir le frigo, c'est vers la mairie ou le CCAS qu'elle se tourne ; quand une tornade, événement climatique exceptionnel, se produit comme dans ma circonscription le 19 juin dernier, c'est la mairie et le département qui sont en première ligne. Je pourrais multiplier les exemples de ce type.
Soutenir réellement les collectivités territoriales, comme le demandent toutes les associations d'élus, passe par des mesures fortes.
La première d'entre elles, que défend notre groupe de la Gauche démocrate et républicaine, consiste à indexer la dotation globale de fonctionnement sur l'inflation. Ne pas l'indexer, c'est faire perdre du pouvoir d'agir aux communes et aux intercommunalités. N'oublions pas de surcroît que la DGF, qui s'élevait à plus de 40 milliards d'euros en 2013, n'est plus que de 27 milliards d'euros ! Les collectivités locales – qui, elles, sont soumises à la fameuse règle d'or – ont ainsi fait plus que leur part pour juguler les déficits publics !
La deuxième mesure forte consiste à repenser l'impôt économique local, source d'autonomie fiscale. Depuis la suppression de la taxe professionnelle, c'est le concours Lépine de la baisse des impôts des entreprises, un concours qui devrait se clore avec l'extinction de la CVAE. Mais une entreprise bénéficie de services à l'échelle du territoire, de la crèche à la vie culturelle et sportive, des services de propreté à ceux de la tranquillité publique ! Il est donc anormal que les entreprises participent si peu aux charges communes des territoires.
La troisième mesure consiste en la création d'un vrai fonds de péréquation verticale assis, par exemple, sur une surtaxe Gafam générant 4 à 5 milliards d'euros qui permettrait de replacer l'égalité territoriale au cœur de la République. Il n'est plus possible de continuer à prendre sur l'enveloppe normée pour financer la péréquation. J'ajoute que la situation de très grande souffrance de certaines collectivités à faibles ressources et qui abritent beaucoup de ménages modestes exige de notre part un véritable rééquilibrage.
La quatrième mesure consiste à appliquer réellement le droit commun. Comment expliquer qu'un lycéen de Louis-Le-Grand à Paris reçoive plus de l'État qu'un lycéen d'Édouard-Vaillant à Vierzon ou de Victor-Schœlcher à Fort-de-France ? Que le Gouvernement applique déjà les règles de droit commun avant de mettre en œuvre des dispositifs dérogatoires : l'égalité territoriale en sera mieux respectée. C'est la demande des territoires ruraux et des villes comportant des quartiers populaires !
La cinquième mesure consiste à ne plus corseter la libre administration des collectivités territoriales et à permettre un soutien efficace à la transition écologique. Prêts à taux zéro ou bonifiés par la Banque des territoires et relèvement du versement mobilité sont ici des pistes à explorer.
Pour conclure, je veux vous alerter, monsieur le ministre délégué, sur l'ineptie du filet dit de sécurité qui, dans mon département, a sécurisé la commune la plus riche et laissé de côté des communes à faibles ressources – et c'est encore pire en outre-mer.
Vous l'avez voté.
Le ministère a raté sa cible, mais vous pouvez encore y remédier. Plus généralement, des solutions existent pour que les collectivités territoriales, fortes de leur proximité et de leur légitimité auprès de nos concitoyens, continuent de rendre encore plus efficaces et plus efficients les 300 milliards d'euros de services et d'investissements publics qu'elles gèrent et qu'elles génèrent. Mais faites-leur confiance, cessez la défiance !
Applaudissements sur les bancs des groupes GDR – NUPES, SOC et Écolo – NUPES.
Manifestement, les finances locales sont mieux gérées que les finances de l'État puisque les collectivités, leurs groupements et les organismes affiliés représentent seulement 8 % de la dette publique française, mais 60 % de l'investissement public – au sens de la formation brute de capital fixe. Est-ce à dire pour autant que la situation financière des collectivités est enviable ? Certainement pas. Elles subissent de plein fouet les soubresauts du monde : l'inflation, la hausse des dépenses de solidarité pour les départements, la hausse du point d'indice, etc. Le Gouvernement estime pourtant que son effort en faveur des administrations locales augmente cette année, les orateurs de la majorité ayant invariablement rappelé le chiffre de l'évolution de la DGF : plus 220 millions d'euros. Les relations entre l'État et les collectivités ne sauraient cependant se limiter au montant de la DGF.
Je regrette que nous ne puissions avoir un débat éclairé. En effet, nous n'avons toujours pas le rapport annexé relatif aux transferts financiers de l'État aux collectivités – c'est une anomalie. On peut néanmoins constater qu'au total, les prélèvements sur recettes en PLF 2024 diminuent de 750 millions d'euros par rapport à 2023, soit moins 2,7 %, la baisse atteignant même 775 millions d'euros à périmètre constant si l'on tient compte de la nouvelle compensation de la taxe sur les logements vacants. Certes, la moitié de cette baisse s'explique par la disparition des 430 millions d'euros de compensation de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique, mais le coût pour les collectivités n'en sera pourtant pas moins important en 2024 – bien au contraire, puisqu'elles devront répercuter une nouvelle hausse de 1,5 % du point d'indice décidée en juin dernier. Notons que l'inflation permet de faire peser davantage le redressement des finances publiques sur les collectivités et que la nouvelle version des pactes de confiance fait l'objet d'une forte opposition, car le contexte inflationniste provoque une réduction des enveloppes en euros constants tout en permettant d'afficher une hausse en euros courants. C'est évidemment très commode. Nous regrettons, à cet égard, que le Gouvernement n'ait donné suite à aucun des amendements visant à protéger les finances locales.
Les frictions que l'on observe entre l'État et les collectivités vont donc s'accroître. C'est la suite logique de votre réforme de la fiscalité locale, car il est facile d'observer qu'il y a une doctrine de réduction de l'autonomie fiscale des collectivités. La suppression de la taxe d'habitation et la baisse de la CVAE sont une bonne nouvelle pour les ménages et les entreprises, un peu moins pour les finances publiques, mais elles ont considérablement réduit le lien fiscal entre les élus locaux d'une part, et les habitants et les acteurs économiques d'un territoire d'autre part. Cette politique a fortement déstabilisé l'édifice fiscal local, et la polémique sur les propos du Président de la République, rendant les élus locaux responsables de l'augmentation de la taxe foncière, révèle une incompréhension des réalités vécues dans les territoires. Pour sortir de cette impasse et apaiser les relations entre les collectivités et l'État, la meilleure solution est certainement celle de l'autonomie financière des collectivités ; nous devons travailler dans cette direction.
Le Président de la République s'est engagé, il y a quelques semaines, sur la question de l'autonomie de la Corse. Cela suppose une définition claire à la fois des compétences transférées et des moyens budgétaires, la dévolution à la collectivité de Corse de la gestion des domaines transférés et de la maîtrise de leur financement. On nous reproche quelquefois d'être des quémandeurs, de réclamer à la fois des aides et de l'autonomie. C'est inexact : nous demandons une définition claire des compétences d'État et des compétences transférées, accompagnées les unes et les autres d'un périmètre clair de financement pérenne. C'est là une approche constructive où personne ne perd. Cela suppose évidemment, dans le domaine certes complexe de l'autonomie fiscale, d'avoir une connaissance fine des comptes régionaux, dont je vous demande ici une nouvelle fois communication, monsieur le ministre délégué, et plus largement une coconstruction entre les services d'État et ceux de la collectivité de Corse, coconstruction que nous appelons de nos vœux.
Vous annoncez votre volonté d'engager un nouvel acte de décentralisation pour l'ensemble des collectivités. Mais une telle réforme, dont les contours demeurent pour l'heure flous, ne pourra faire l'économie d'avancées majeures pour davantage d'autonomie financière et fiscale en faveur des collectivités, lesquelles ont apporté la preuve de leur maturité. C'est un impératif démocratique et un chantier pour demain.
Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et Écolo – NUPES.
Les difficultés suscitées par la crise sanitaire et par la flambée des prix de l'énergie, et désormais par la hausse des taux d'intérêt, percutent à la fois l'État et les collectivités locales. Il est donc très important que ceux-ci agissent de concert pour protéger au mieux nos concitoyens sur tout le territoire. C'est ce que nous avons fait face aux turbulences économiques : l'État a répondu présent pour apporter son soutien aux collectivités et, comme l'a rappelé le ministre délégué, la situation financière de ces dernières est globalement satisfaisante – même si cela peut bien sûr varier selon les collectivités. Ainsi, en 2022, l'épargne brute des collectivités a significativement augmenté. L'État a contribué de façon essentielle à cette amélioration de leur situation financière, grâce à l'augmentation du montant de la dotation globale de fonctionnement, mais aussi au bouclier tarifaire, à l'amortisseur électricité et au filet de sécurité. Et pour l'exercice en cours, on observe déjà qu'à la fin du premier semestre, le bloc communal a de nouveau connu une progression de son épargne brute très significative, même s'il faut être vigilant s'agissant des départements, comme l'a souligné le rapporteur général.
La compensation de la suppression progressive d'impôts locaux s'est accompagnée, comme le relève la Cour des comptes, d'une dynamique de la TVA plus favorable aux finances des collectivités locales. Il est donc très important de tordre le cou à un mythe qui a toujours cours : une commune peut augmenter ou baisser la taxe foncière, pour de bonnes ou de mauvaises raisons ; mais elle ne peut en aucun cas en imputer la responsabilité à la suppression de la taxe d'habitation décidée par le Gouvernement, celle-ci ayant été entièrement compensée.
En 2024, l'État sera encore au rendez-vous puisqu'il propose une forte hausse des crédits aux collectivités locales, en particulier pour les collectivités rurales et les autres collectivités les plus fragiles ; les concours financiers à destination des collectivités augmentent globalement – y compris, à nouveau, cela a été souligné par plusieurs des orateurs précédents, la dotation globale de fonctionnement, à hauteur de 220 millions d'euros après une augmentation historique en 2023.
Cette action partenariale entre État et collectivités locales que nous avons su entreprendre face à la crise économique, nous devons également la mettre en œuvre pour faire face à la crise écologique. Cela passe par le verdissement des crédits via le fonds Vert, le fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires, dont les crédits vont dorénavant s'élever à 2,5 milliards d'euros. De même, les crédits de la dotation biodiversité, créée par mon collègue Joël Giraud lorsqu'il était au Gouvernement, seront considérablement augmentés et portés à 100 millions d'euros. D'autres dotations de l'État – la dotation de solidarité rurale, la dotation de soutien à l'investissement local et la dotation de soutien à l'investissement des départements – financeront de plus en plus de projets verts, conformément aux circulaires adressées par le Gouvernement.
Cela passe aussi par une coordination des investissements verts pour qu'État et collectivités locales atteignent ensemble, comme l'a rappelé le ministre délégué, les objectifs fixés par le rapport Pisani-Ferry-Mahfouz. Nous devons élargir l'approche des budgets verts pour qu'ils nous servent de tableaux de bord et mieux distinguer la dette verte, c'est-à-dire la dette contractée au service de l'environnement et donc de l'avenir, de la dette brune. Je salue l'engagement très fort du ministre des comptes publics sur ces questions ; il y travaille en lien avec ses collègues Christophe Béchu et Dominique Faure et l'ensemble des acteurs. Cette coordination, dont nous avons tant besoin pour les questions économiques et pour les questions écologiques, nous en avons aussi besoin pour répondre à la crise du logement.
La crise actuelle, qui frappe de plein fouet le secteur immobilier, est à la fois une crise de la demande, les taux d'intérêt freinant la capacité à investir – nous avons été conduits dès la première partie du projet de loi de finances à proposer plusieurs mesures d'urgence à ce sujet –, et une crise de l'offre, car trop peu de permis de construire sont délivrés. La combinaison des deux montre que la politique publique du logement est à bout de souffle. Au-delà des mesures d'urgence, il va falloir remettre à plat la répartition des responsabilités et des moyens pour construire davantage de logements là où nos concitoyens en ont besoin.
Pour conclure, je tiens à souligner qu'à l'heure où les inégalités sociales sont bien souvent le reflet des fractures territoriales et où la situation des villes et des territoires peut être extrêmement variable d'un endroit à l'autre, nous ne pouvons plus nous satisfaire de postures ni de caricatures. Qu'il soit représenté par son élu local ou national – il se trouve que je suis l'un et l'autre –,…
…rappelons qu'il n'existe à la fin qu'un seul contribuable et qu'un seul citoyen. Il nous faut donc bâtir un constat partagé, notamment en matière financière. Je salue à ce titre la création par Thomas Cazenave et Bruno Le Maire du Haut conseil des finances publiques locales, qui doit nous permettre de tracer notre feuille de route. Plus que jamais, nous avons besoin d'une action commune entre l'État et les collectivités locales, partenariale et respectueuse en matière financière comme dans les autres matières.
Applaudissements sur les bancs du groupe RE.
Je vais essayer de répondre de manière synthétique aux différentes interventions en commençant par la vôtre, monsieur le président Coquerel. Rien n'est plus faux que de dire que nous sous-traitons l'austérité aux collectivités territoriales. Je rappelle que l'effort demandé sur les dépenses de l'État est trois fois supérieur à celui attendu des collectivités. Je vous renvoie sur ce point à la loi de programmation des finances publiques : les chiffres sont transparents. Le Gouvernement ne demande pas aux collectivités de baisser leurs dépenses, mais que leurs dépenses de fonctionnement progressent un peu moins vite que l'inflation. Voilà la réalité de l'effort que nous leur demandons. Vous dites par ailleurs que nous ne nous inscrivons pas dans la trajectoire permettant d'atteindre les objectifs fixés par le rapport Pisani-Ferry. Mais nous mettons 7 milliards d'euros de plus !
Vous rétorquez que ce sont 30 milliards de plus qu'il faudrait pour le secteur public, mais vous omettez une dimension très importante de la question, à savoir que 70 % de l'investissement public civil provient des collectivités.
Nous n'allons pas nous substituer aux collectivités – qui, d'ailleurs, nous le reprocheraient. Politique de transport, de rénovation, de réseaux d'eau : c'est dans le respect du champ de nos responsabilités respectives que nous inscrivons notre trajectoire pluriannuelle.
Par ailleurs, vous semblez regretter la fin de la CVAE, qui écornerait l'autonomie fiscale des collectivités ; je rappelle pourtant que s'agissant de la CVAE, les collectivités n'étaient pas maîtresses des taux. La TVA, pour sa part, a toujours été considérée comme une recette dynamique et les régions, qui se sont vu retirer la CVAE au profit d'une fraction de TVA, ne regrettent pas cette évolution.
M. Valletoux n'est plus dans l'hémicycle, mais je tiens à lui dire que nous sommes à sa disposition pour travailler sur l'approfondissement des dispositifs de solidarité entre les collectivités – un travail engagé par la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.
Monsieur Gillet, vous parlez de l'agonie, de la casse des collectivités territoriales –…
…autant de termes qui ne permettent pas un débat serein et apaisé.
Rien n'est plus faux : les chiffres sont formels.
Mme Laure Lavalette et M. Frédéric Boccaletti s'exclament.
Permettez-moi de vous répondre. L'immense majorité des élus locaux, heureusement, ne tiennent pas de tels propos, et ils ont raison : ce sont des gestionnaires responsables,…
…qui ont compris qu'il nous fallait redresser, collectivement, nos finances publiques.
Vous avez raison, monsieur Gillet, de rappeler la règle d'or qui empêche les collectivités de s'endetter pour leurs dépenses de fonctionnement. C'est une bonne règle. Quant à la dette de l'État, son augmentation résulte de notre réponse aux crises successives, qui nous a permis de protéger les citoyens comme les collectivités.
Est-il anormal, maintenant que nous voulons revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB, de leur demander de partager l'effort ? Je pense que c'est légitime, vu qu'elles ont bénéficié de cette protection, tout comme nos associations, nos commerçants et nos salariés. Vous vous posez en protecteurs des collectivités territoriales ; mais je vous renvoie à l'amendement que vous avez déposé et voté – avec La France insoumise –, qui visait à plafonner l'évolution des bases de la taxe foncière à 3,5 %. Cela aurait représenté 2 milliards de recettes en moins pour les collectivités territoriales.
Il n'est pas cohérent de nous accuser d'étrangler les collectivités tout en défendant un resserrement de leurs ressources de cette ampleur – bien supérieure, d'ailleurs, à l'effet qu'aurait eu l'indexation de la dotation globale de fonctionnement que vous souhaitez.
Mme Laure Lavalette et M. Frédéric Boccaletti s'exclament.
Monsieur Ruffin, vous avez raison de souligner l'importance des maires : leur engagement doit être salué. Cependant, il faut aussi rappeler les chiffres. Entre 2019 et 2022, le nombre des communes en difficulté a baissé de plus de 25 %. La réalité que vous décrivez n'est donc pas majoritaire, et elle a tendance à se faire moins présente. La direction générale des finances publiques constate d'ailleurs, dans sa publication du mois de septembre, que la situation financière du bloc communal est globalement meilleure que l'année dernière, mais aussi meilleure qu'avant la crise du covid. Voilà la réalité des chiffres.
De même, s'agissant de la taxe foncière, vous renvoyez aux propos du Président de la République, mais je redis qu'il s'agit d'un impôt 100 % local. Ne nous lançons pas dans un débat sur la taxe foncière : celle-ci obéit à une règle d'indexation automatique, et les élus font leur choix, en toute responsabilité : ne pas toucher au taux – ce fut le cas de 85 % des communes –, l'augmenter, voire le baisser. En effet, certains maires ont choisi de baisser le taux de la taxe foncière pour éviter d'amputer le pouvoir d'achat de leurs administrés. En tout état de cause, c'est un débat purement local.
Madame Louwagie, merci de reconnaître l'avancée que représente la prise en charge, à compter du 1er janvier 2024, des dépenses d'aménagement des terrains grâce au FCTVA – une proposition que vous défendiez, comme de nombreux autres députés. Pour le budget de l'État, c'est un effort de 250 millions d'euros. Si nous avions rendu cette mesure rétroactive, en retenant les trois dernières années, cela aurait porté cet effort à 750 millions. Dans une période de redressement des finances publiques, on ne peut pas se permettre un tel niveau de dépense, même si pareille décision aurait pu se justifier par ailleurs. Il s'agit de partager l'effort. Reconnaissez néanmoins que 250 millions d'euros supplémentaires au titre du FCTVA, ce n'est pas rien.
Quant à la révision générale des valeurs locatives, nous continuons à y travailler avec les associations d'élus. Nous avons mené un travail technique sur les effets de transfert entre les commerces de centre-ville et ceux de périphérie ; nous poursuivrons la concertation avec les associations d'élus et, en fonction de leur position, nous verrons s'il nous faut revenir devant la représentation nationale pour avancer sur ce point. Je reste à votre disposition si vous souhaitez plus d'informations ou si vous désirez participer à ces travaux.
M. Geismar a me semble t-il quitté l'hémicycle.
Monsieur Echaniz, vous avez évoqué les propositions que vous partagez, je crois, avec Christine Pires Beaune. La remise à plat de la DGF représente un grand chantier, dont nous avons longuement débattu. Je suis à la disposition de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation si elle souhaite lancer des travaux et partager avec moi les préconisations et les propositions qui en résulteraient. Le rapporteur général du budget entend lui aussi avancer sur ce chantier.
S'agissant des droits de mutation à titre onéreux, je suis favorable à ce qu'on étudie la possibilité d'activer le fonds de secours pour certains départements, qui ont été mis en difficulté par la forte chute des DMTO. La situation des collectivités territoriales n'est pas uniforme, et il faut y répondre au cas par cas.
Je salue le travail du groupe Socialistes et apparentés, en particulier de Mme Pires Beaune, sur le filet de sécurité 2022. Je rappelle à M. Sansu, qui lui trouve maintenant beaucoup de limites, que ce dispositif a été voté à l'unanimité, à l'initiative du groupe SOC.
Nous avons coconstruit ce filet de sécurité.
Pour ce qui est des acomptes, comme l'a rappelé David Amiel, la situation du bloc communal est aujourd'hui globalement meilleure que l'année dernière ; voilà pourquoi certains acomptes qui ont été versés doivent être repris. C'est plutôt une bonne nouvelle, dont on devrait se féliciter.
Madame Magnier, merci de reconnaître l'avancée que représente l'évolution de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires. Les élus locaux souhaitaient plus de souplesse. C'est une première étape, attendue depuis des années, et je suis ravi que nous ayons pu coconstruire ces dispositions dans le PLF.
Madame Sas, vous dites que ce budget ne donne pas plus de moyens aux collectivités territoriales. C'est faux : les transferts financiers intègrent plus de 1 milliard d'euros supplémentaires. Vous pouvez juger que ce n'est pas assez, mais ne dites pas que nous n'augmentons pas les transferts à destination des collectivités.
Vous évoquez les 500 millions d'euros du plan de rénovation des écoles, annoncé par le Président de la République, qui s'inscrit dans le fonds Vert, lui-même passé de 2 milliards à 2,5 milliards ; mais ce n'est pas à l'État de financer tous les travaux des écoles de ce pays ! C'est une responsabilité des collectivités territoriales. Par ailleurs, nous avons voté à l'unanimité une loi sur le tiers-financement des programmes de rénovation énergétique, qui nous permettra de trouver d'autres sources de financement.
Monsieur Sansu, vous regrettez la non-indexation de la DGF tout en continuant à défendre le plafonnement de l'évolution des bases de la taxe foncière.
Bien sûr : vous avez déposé et voté des amendements en ce sens.
Une telle mesure amputerait le budget des collectivités de 2 milliards d'euros.
Monsieur Gillet, le groupe Rassemblement national avait bien déposé un amendement tendant à plafonner l'évolution des bases de la taxe foncière à 3,5 %.
Assumez vos positions !
Enfin, monsieur Castellani, le rapport sur la situation des finances publiques locales est sorti mardi ; je me ferai un plaisir de vous le remettre.
Applaudissements sur les bancs des groupes RE et HOR.
Prochaine séance, à vingt et une heures trente :
Discussion commune et votes sur deux motions de censure déposées en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution.
La séance est levée.
La séance est levée à seize heures quarante.
Le directeur des comptes rendus
Serge Ezdra