La commission des affaires économiques a examiné pour avis, dans le cadre de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, sur le rapport de Mme Anaïs Sabatini, les crédits de la mission « Économie », en ce qui concerne le « Tourisme ».
Mes chers collègues, notre commission poursuit l'examen pour avis du projet de loi de finances pour 2024 en étudiant les deux premiers rapports portant sur la mission Économie. Il s'agit des avis budgétaires relatifs au tourisme, d'une part, et à l'économie sociale et solidaire, d'autre part. Les amendements se rattachant à ces deux thématiques seront présentés et mis aux voix lors de la présente réunion, à l'issue de la discussion générale les concernant. En revanche, les crédits de la mission Économie ne pourront être votés que demain, après la présentation des trois autres rapports portant sur cette mission.
Nous commençons par l'avis budgétaire relatif au tourisme présenté par Mme Anaïs Sabatini. Notre rapporteure pour avis a choisi de consacrer sa partie thématique à l'emploi dans ce secteur.
J'ai l'honneur de vous présenter les crédits budgétaires relatifs au tourisme au sein du projet de loi de finances pour 2024, ainsi que mes travaux sur le thème de l'emploi dans le secteur touristique.
L'activité touristique a été percutée de plein fouet par l'épidémie de covid-19. Aujourd'hui, elle revient progressivement à la normale. Cet été, le nombre de nuitées dans les hébergements collectifs de tourisme a augmenté de 3,3 % par rapport à 2019 ; l'hiver dernier, la fréquentation des hôtels et des résidences de tourisme a progressé de 1,4 % par rapport à l'année précédente. On note aussi une hausse du chiffre d'affaires : les recettes issues du tourisme international étaient estimées, fin août, entre 64 et 67 milliards d'euros pour l'ensemble de l'année 2023, alors qu'elles n'étaient que de 58 milliards en 2022.
Est-ce un résultat glorieux pour autant ? En réalité, la saison est marquée par l'inflation élevée, qui affecte non seulement le pouvoir d'achat des touristes, mais également les entreprises du secteur, qui doivent en outre rembourser leurs prêts garantis par l'État (PGE) alors qu'elles ont besoin de penser à l'avenir et donc d'investir. Les entreprises du secteur touristique sont aussi confrontées à une pénurie de main-d'œuvre et à un manque d'attractivité des métiers proposés, des sujets sur lesquels je reviendrai lorsque je présenterai la partie thématique de mon avis budgétaire.
Je commence donc par la présentation des crédits consacrés au tourisme dans le projet de loi de finances initiale pour 2024. Alors que la consommation touristique intérieure représentait 7,8 % du PIB en 2019 et environ 2 millions d'emplois directs et indirects, à l'heure où la concurrence des pays voisins européens en matière de tourisme se fait fortement ressentir, ce budget manque d'ambition.
Tout d'abord, il est regrettable qu'un secrétaire d'État ou un ministre ne soit pas spécifiquement chargé du tourisme. Cette politique est diluée au milieu d'un portefeuille ministériel, celui de Mme Olivia Grégoire, au sein duquel on retrouve également l'économie sociale et solidaire, les petites et moyennes entreprises, le commerce et l'artisanat.
Surtout, les crédits relatifs au tourisme dans le budget 2024, au sein de la mission Économie, sont quasi inexistants. Ils se résument au versement d'une subvention pour charges de service public de 28,7 millions d'euros à Atout France, l'opérateur de l'État en matière touristique. Ce montant n'a pas évolué depuis deux ans. De plus, Atout France bénéficiait auparavant de l'attribution d'une fraction des recettes issues des droits de visas, mais ce mécanisme a été supprimé, sans aucune compensation, pour des raisons de non-conformité à la nouvelle version de la loi organique relative aux lois de finances. J'ai donc déposé un amendement visant à compenser cette perte de recettes.
Par ailleurs, le document de politique transversale relatif au tourisme a été supprimé, ce qui pose problème d'autant que le Gouvernement a choisi de financer sa politique touristique par un grand plan Destination France, doté de 1,9 milliard d'euros mais dont les sources de financement sont largement dispersées et difficiles à retracer au sein de la loi de finances. Alors que le Gouvernement avait annoncé regrouper l'essentiel des crédits relatifs au tourisme au sein de la mission Économie, aucun crédit d'intervention n'est ouvert cette année au sein du programme 134, Développement des entreprises et régulation, pour soutenir ce secteur. Cela est paradoxal.
Je donnerai donc un avis défavorable à ces crédits, en raison de leur manque d'ambition et de lisibilité.
J'en viens à la seconde partie de mon avis budgétaire, qui porte sur la question de l'emploi dans le secteur du tourisme et plus particulièrement sur le manque d'attractivité dont pâtissent les emplois touristiques en France.
Les emplois du tourisme souffrent d'un déficit d'image et d'un manque d'attractivité qui génèrent d'importantes tensions de recrutement. Le Gouvernement estime que, pour les saisons estivale 2022 et hivernale 2022-2023, 65 000 postes de saisonniers n'ont pu être pourvus faute de candidats.
Les métiers du tourisme recouvrent des réalités très diverses. On parle ici de métiers qui appartiennent à plusieurs branches professionnelles, allant de l'hôtellerie-restauration à la commercialisation de voyages, en passant par le métier de guide, d'animateur, ou encore par la promotion et le développement des territoires. La nature des contrats de travail et les qualifications professionnelles requises varient en conséquence. On peut tout de même dégager quelques grandes tendances : ce sont des métiers essentiellement tournés vers la relation client, avec une forte proportion d'emplois saisonniers, proposés par des très petites, petites et moyennes entreprises (TPE et PME) et souvent accessibles avec un faible niveau de qualification.
Il va de soi que la faible rémunération des métiers du tourisme est l'un des premiers freins à l'attractivité du secteur, mais également à la fidélisation de ses travailleurs. Les temps partiels subis, de même que les horaires décalés dans certains métiers, sont aussi des freins qui s'ajoutent au problème des bas salaires.
En outre, les différents acteurs auditionnés ont mis en avant des difficultés liées à la mobilité géographique et au logement pour les travailleurs du secteur touristique, et plus particulièrement pour les saisonniers. L'accès au logement est un enjeu central pour attirer ces derniers. La tension locative inhérente aux zones touristiques s'est accrue, en raison de l'augmentation du nombre de résidences secondaires et de l'émergence de plateformes de location de meublés touristiques davantage destinées aux vacanciers qu'aux travailleurs saisonniers.
La formation est également une composante majeure de l'attractivité de ces métiers. Le secteur connaît de profondes mutations liées tant aux évolutions numériques qu'à l'émergence de nouveaux modes de tourisme comme le tourisme durable. Les formations doivent s'y adapter.
Tous ces freins affectent de manière déterminante l'image des métiers du tourisme, qui sont bien souvent considérés comme des jobs et non comme des métiers sérieux malgré les possibilités d'évolution de carrière.
Certes, des mesures de soutien ont été mises en œuvre pour faire face à la pénurie de main-d'œuvre et au manque d'attractivité du secteur, comme en témoignent le plan Destination France et, plus récemment, la feuille de route pour améliorer l'emploi des travailleurs saisonniers. Au niveau local, plusieurs initiatives ont également émergé : la mise en place d'une plateforme recensant des offres de logement en Bretagne est un exemple qui est régulièrement revenu lors des auditions. Mais ces mesures demeurent insuffisantes.
Les initiatives du Gouvernement n'ont pas toujours le succès escompté. Ainsi, la plateforme monemploitourisme.fr semble avoir du mal à rencontrer son public, comme le constate d'ailleurs la Cour des comptes, qui recommande d'en réaliser un audit – une proposition à laquelle je souscris.
Certaines questions ont été totalement laissées de côté, notamment celle de la nature du contrat de travail. Le CDI intermittent est une option intéressante, qui éviterait la multiplication des contrats courts ; toutes les expérimentations n'ont pas été fructueuses mais je regrette que le Gouvernement délaisse le sujet et semble privilégier la multiplication des contrats de court terme.
Le grand nombre d'initiatives sectorielles ou locales pose le problème de leur généralisation à plus grande échelle. Tant pour le logement que pour l'emploi, le sujet du recensement de l'offre apparaît déterminant, mais reste à savoir qui en assumerait la charge, et avec quels moyens.
Le renforcement de l'attractivité des métiers du tourisme passe avant tout par l'amélioration des conditions de travail, qu'il s'agisse du niveau de rémunération ou du logement. Notre groupe a d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens, visant à renforcer l'attractivité du travail saisonnier dans les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration.
En matière budgétaire comme sur le sujet plus spécifique de l'emploi, les moyens consacrés à la politique touristique ne sont donc pas à la hauteur des défis. Alors que la France accueille la Coupe du monde de rugby cette année et les Jeux olympiques et paralympiques l'année prochaine, il est pourtant évident que le tourisme devrait faire l'objet d'une attention plus soutenue. C'est le rayonnement de la France qui est en jeu, non seulement à l'étranger, mais aussi auprès de nos concitoyens.
J'associe à cette intervention notre collègue Anne-Laurence Petel, qui a suivi de près ce secteur.
Depuis plusieurs années, la France est la première destination touristique mondiale. Grâce au soutien apporté par le Gouvernement et la majorité parlementaire pendant et après la crise sanitaire, l'activité est aujourd'hui bien repartie. Ainsi, les recettes pour la saison estivale 2023 avoisinent les 65 milliards d'euros, en hausse de 12 % par rapport à 2019, avec un afflux massif de touristes français et internationaux. Néanmoins, le secteur est confronté à de grands défis, notamment en matière d'emploi, du fait du manque de main-d'œuvre. Cette situation s'explique par une baisse d'attractivité des métiers du tourisme, par des difficultés de logement pour les saisonniers ainsi que par une formation insuffisante.
Contrairement à ce qu'a indiqué Mme la rapporteure pour avis, le Gouvernement a déjà pris ces problèmes à bras-le-corps et élaboré un plan de reconquête et de transformation du tourisme, un plan ambitieux qui témoigne d'une vision de long terme. Son premier axe, consacré à l'emploi, se décline très concrètement en un plan triennal pour les travailleurs saisonniers.
Parmi les mesures de ce plan, je citerai, en premier lieu, l'institution d'une semaine des métiers du tourisme visant à valoriser ces métiers et à susciter des vocations chez les jeunes et les demandeurs d'emploi. Sa première édition a été un franc succès, avec plus de 1 300 événements organisés dans l'ensemble du territoire. Ce dispositif sera pérennisé. En outre, l'État s'attache à développer des partenariats territoriaux afin de multiplier les contrats complémentaires et d'assurer une activité aux saisonniers tout au long de l'année.
En deuxième lieu, la plateforme numérique « Mes aides », créée en juin dernier, répertorie les offres de location disponibles dans les parcs publics, associatifs et sociaux. Elle permet aux saisonniers de trouver plus facilement et rapidement des logements à prix raisonnable.
En troisième lieu, 10 000 demandeurs d'emploi seront formés d'ici à 2025, et une enveloppe de 10 millions d'euros par an sera spécifiquement consacrée à la formation des saisonniers.
Ainsi, l'État fixe le cadre et donne l'impulsion afin de promouvoir les métiers du tourisme. Néanmoins, il ne peut agir seul face à la baisse d'attractivité. Une coopération de toutes les parties prenantes est nécessaire. Les bas salaires ainsi que les conditions de travail difficiles évoquées dans ce rapport ne peuvent être améliorés sans passer par des accords de branche ; or l'État n'est pas compétent pour intervenir directement dans ces négociations. Dans ce contexte, le Gouvernement prend pleinement ses responsabilités et met en œuvre des mesures inédites et ambitieuses.
Le groupe Renaissance est favorable à la politique menée et aux crédits inscrits dans ce projet de loi de finances, qui permettront au Gouvernement de poursuivre son action efficace en faveur du fleuron français qu'est le secteur du tourisme.
J'admets que le Gouvernement a mis en œuvre certaines actions, mais elles ne sont pas toutes efficientes. La plateforme monemploitourisme.fr n'a pas rencontré son public : seulement 10 % des jeunes déclarent qu'ils passeraient immédiatement par cette plate-forme pour effectuer leur recherche d'emploi. Certes, une semaine des métiers a été instituée afin de promouvoir et valoriser les métiers du tourisme, mais les auditions que j'ai menées ont montré que cela n'avait pas permis d'améliorer la mauvaise image dont ils pâtissent. Les saisonniers ont du mal à être fidélisés d'une année à l'autre. Le droit du travail, notamment, paraît inadapté : certes, des outils existent, comme les CDI intermittents, mais après presque deux ans d'expérimentation, seule une quinzaine de contrats de ce type ont été conclus, et uniquement dans la branche des remontées mécaniques. Aussi les actions mises en œuvre me paraissent-elles largement insuffisantes.
La France est l'une des premières destinations touristiques mondiales, avec plusieurs dizaines de millions de visiteurs chaque année. Après la pandémie de covid qui a mis le secteur à rude épreuve en 2020 et 2021, l'année 2022 a été marquée par un rebond record. Mais si les entreprises de tourisme ont également vu leur chiffre d'affaires croître en 2023, grâce à une saison estivale réussie, cela ne compense que partiellement l'inflation, qui rogne les marges. Le remboursement des PGE contractés pendant la crise sanitaire, jalonnée de fermetures administratives et de couvre-feux, ainsi que les rattrapages demandés par les organismes comme l'Urssaf sont également des sources d'inquiétude pour les entreprises.
Nous regrettons la disparition d'un grand ministère du tourisme spécifiquement conscaré au développement d'un secteur essentiel de notre économie, permettant de coordonner les politiques en faveur des entreprises et des collectivités bénéficiaires de la manne touristique. Nous déplorons également la dispersion des financements consacrés au tourisme, saupoudrés par-ci par-là. Les budgets alloués au développement touristique sont ventilés entre différents ministères, institutions ou organismes. Difficilement traçables, ils rendent l'analyse de la stratégie globale du Gouvernement assez complexe.
La crise sanitaire a profondément déstabilisé les effectifs des entreprises du tourisme. Mis au chômage pendant de longs mois, certains personnels se sont détournés de leur activité initiale et se sont réorientés vers d'autres domaines. Bon nombre de saisonniers, forces vives de ce secteur, n'ont d'ailleurs pas pu tenir le choc. Au delà des contraintes qu'elle a suscitées, la crise sanitaire a été pour ces salariés le déclencheur d'une réflexion sur leurs conditions de travail et certaines pratiques. Cette récente prise de conscience incite les nouvelles recrues à se montrer plus exigeantes. Nous l'entendons dans nos circonscriptions, notamment dans les plus touristiques, comme la mienne qui englobe la côte audoise bordée par les stations balnéaires de la Méditerranée – Gruissan, Leucate, Narbonne, Port-la-Nouvelle, Saint-Pierre-sur-Mer.
Il devient de plus en plus difficile de recruter des salariés dans le secteur de l'hôtellerie et de la restauration. Si certaines entreprises ont pris conscience de la nécessité de réaliser des efforts en matière d'aménagement des horaires en limitant les coupures, les fermetures tardives et le travail le week-end, ces évolutions s'avèrent insuffisantes pour rattraper le déficit d'attractivité de ces métiers. La mauvaise image dont souffrent les métiers de l'hôtellerie et de la restauration trouve également son origine dans la dévalorisation de ces filières professionnelles au sein de notre système éducatif.
Voilà donc plusieurs freins au développement économique du secteur touristique, qu'il convient de soutenir par une politique d'investissements ambitieuse. Ce sont, je le crois, des obstacles sérieux à la croissance de notre économie.
Madame la rapporteure pour avis, pensez-vous que le Gouvernement a pris la réelle mesure des freins au développement de ce secteur pourvoyeur d'emplois ? La répartition des crédits alloués au secteur du tourisme dans le PLF 2024 correspond-elle aux enjeux et aux contraintes rencontrées par les entreprises du secteur ?
Oui, je pense que le Gouvernement a pris conscience des difficultés rencontrées par les acteurs du tourisme.
Il faut savoir que 65 % des PGE souscrits l'ont été dans ce secteur, qui a été touché de plein fouet par la crise sanitaire, mais que seuls 15 % de ces prêts avaient été totalement remboursés en juin 2023.
Pour pallier les difficultés de recrutement, le Gouvernement a également élaboré le plan Destination France visant à revaloriser les métiers du tourisme et à déployer des guichets saisonniers. À ce jour, une cinquantaine de ces guichets a été mise en place, mais le Gouvernement espère passer à plus de 100 d'ici à 2025. Je préconise dans mon rapport d'installer ces guichets dans des endroits assez reculés et de préférer le présentiel aux solutions dématérialisées.
Le Gouvernement encourage encore certains projets, comme celui d'Action Logement qui envisage de créer des résidences hôtelières à vocation sociale. Des logements pourraient enfin être mis à disposition des saisonniers dans les internats. Cependant, cela poserait une difficulté dans votre circonscription comme dans la mienne, où la saison estivale est longue et où il n'est pas certain que ces logements seraient disponibles en mai, juin, septembre et octobre.
Comme vous, j'estime que la place accordée à la politique touristique dans le projet de loi de finances pour 2024 n'est pas à la hauteur des enjeux. Ce sujet majeur mériterait une mission et un ministère à part entière. Si la politique touristique est par essence transversale, sa présentation éclatée dans plusieurs documents budgétaires n'en améliore vraiment pas la lisibilité.
Le plan Destination France doit aider le secteur du tourisme à aborder les transitions écologique et numérique et à accélérer la relance après la crise. Dans les territoires souffrant de désindustrialisation, le développement du tourisme permet de donner un nouveau souffle à l'économie locale, mais les actions de formation et le recrutement de professionnels, notamment dans l'hôtellerie et la restauration, sont indispensables. Il en est de même de la revalorisation de ces métiers, qu'il faut rendre plus attractifs. Le premier des cinq axes du plan Destination France, intitulé « Conquérir et reconquérir les talents », est consacré à l'emploi et à la formation. Les moyens prévus pour 2024 vous semblent-ils à la hauteur de ces ambitions ?
Enfin, vous avez souligné la nécessité de réaliser un audit de la plateforme monemploitourisme.fr, méconnue tant des employeurs que des candidats. Lors de vos auditions, avez-vous eu le sentiment qu'elle serait abandonnée ou avez-vous perçu une volonté de la rendre plus visible et lisible ?
Je vous rejoins tout à fait quant à la nécessité de dédier un ministère de plein exercice au tourisme, qui représente 8 % du PIB et 2 millions d'emplois directs et indirects – c'est d'ailleurs l'une des préconisations de mon rapport.
Il ressort des auditions que la formation n'est pas efficiente. Les saisonniers et les nouveaux arrivants dans ce secteur d'activité sont peu qualifiés, puisque parmi les jeunes accompagnés par les missions locales dans les secteurs du tourisme et de l'hôtellerie, 6 % seulement ont fait des études supérieures. Le plan Destination France prévoit la création d'une filière de formation ; cela paraît intéressant mais je doute que nous en percevions des résultats à court terme. Les professionnels nous ont expliqué que les formations existantes n'étaient pas vraiment adaptées à la réalité du terrain. Les nouveaux arrivants se forment généralement sur le tas, ce qui est regrettable ; pour l'employeur non plus, ce n'est pas toujours évident.
Pôle emploi nous a indiqué que la plateforme monemploitourisme.fr n'apportait aucune plus-value : elle ne fait qu'énumérer les emplois proposés. Je doute de son efficience, car seulement 10 % des jeunes déclarent qu'ils passeraient immédiatement par cette plate-forme pour effectuer leur recherche d'emploi .
Les professionnels du tourisme sont encore, pour l'essentiel, débiteurs des prêts garantis par l'État. Cette charge financière va contraindre leurs investissements, notamment ceux liés à la transition écologique. La question de la rénovation thermique des bâtiments se pose avec d'autant plus d'acuité après un été où les records de chaleur se sont enchaînés. Quelles sont les aides prévues en la matière en faveur du secteur touristique ?
Depuis la crise du covid, les métiers du tourisme perdent en attractivité. Cela s'explique évidemment par la faible rémunération des saisonniers et par les problèmes liés au logement, non spécifiques au secteur du tourisme mais exacerbés pour les saisonniers. Ces derniers sont en situation précaire et doivent trouver un logement dans des zones touristiques déjà très tendues, comme je peux le constater dans mon territoire. Dans quelle mesure les aides de l'État, notamment la prime d'activité, peuvent-elles soutenir les saisonniers dans ce contexte de crise du logement ?
Enfin, le projet de loi relatif à l'immigration, qui sera examiné prochainement à l'Assemblée nationale, prévoit un dispositif de régularisation des étrangers en situation irrégulière qui travaillent dans des métiers en tension. Or, à ce jour, l'hôtellerie et la restauration ne sont pas incluses dans le périmètre de ce dispositif. Son extension à ces secteurs semble de bon sens. Qu'en pensez-vous ?
Je l'ai dit tout à l'heure, seuls 15 % des PGE avaient été totalement remboursés en juillet 2023. Les difficultés sont exacerbées dans un secteur confronté aux défis de la transition écologique, que vous avez évoquée, et de la transition numérique, qu'il ne faut pas oublier.
S'agissant des rémunérations, il ressort des auditions que les salaires ont été revalorisés dans l'hôtellerie, les cafés et la restauration, mais tel n'est pas le cas dans tous les secteurs, car certaines conventions collectives, notamment celle du personnel des agences de voyage, prévoient encore des minima conventionnels en dessous du Smic.
En matière de logement, il existe déjà quelques outils juridiques tels que le bail mobilité, qui n'est pas toujours appliqué convenablement. Les représentants de l'Agence nationale pour l'information sur le logement (Anil) relèvent, au sujet des logements modulaires, que la question de la décence de ces logements pourrait se poser.
Le projet de loi relatif à l'immigration prévoit effectivement la possibilité d'accorder un titre de séjour temporaire aux ressortissants étrangers en situation irrégulière s'ils exercent des métiers en tension, mais elle ne s'appliquerait pas aux saisonniers. Et aujourd'hui la liste des métiers en tension, pour lesquels le recrutement des travailleurs étrangers est déjà facilité, ne contient pas ceux de l'hôtellerie-restauration. Cela dit, certains professionnels nous ont indiqué qu'il ne serait pas forcément évident de recourir à un tel dispositif, en raison notamment de la barrière de la langue.
La prime d'activité est-elle susceptible d'aider les saisonniers ? Par ailleurs, s'agissant de la nouvelle disposition du projet de loi relatif à l'immigration, que vous disent les professionnels à propos des autres métiers que ceux de l'accueil ?
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne permettrait pas de remédier aux difficultés constatées. Il ne prévoit pas, à ce jour, d'octroyer une telle possibilité aux métiers dont nous parlons, mais nous en rediscuterons lorsque le texte sera examiné à l'Assemblée nationale.
Vous évoquez dans votre rapport les enjeux liés aux conditions de logement des acteurs du secteur. Inaki Echaniz, Annaïg Le Meur, le président de notre commission et moi-même avons déposé un amendement très important, soutenu par le Gouvernement, visant à remettre des biens vides ou meublés sur le marché de la location de longue durée, en particulier dans les zones touristiques. J'espère que nous pourrons, tous ensemble, garantir son adoption. L'impossibilité de se loger à proximité des zones touristiques est un problème majeur pour les saisonniers, comme d'ailleurs pour les professionnels du tourisme à l'année. L'éloignement du lieu de travail, surtout avec des horaires décalés, peut constituer un frein au recrutement et à la fidélisation des travailleurs.
J'élargis la question à celle des conditions de travail des saisonniers, ce qui me permet d'évoquer, comme vous l'avez fait vous-même, la nécessité d'une revalorisation salariale de ces métiers. Mon groupe appelle de ses vœux, depuis au moins l'été 2022, l'organisation de grandes conférences sur les salaires – le Président de la République s'y est en partie engagé, mais pas encore suffisamment. La question des salaires et celle des rythmes de travail, avec la nécessité d'un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, sont les principaux défis du secteur.
J'aimerais évoquer un dernier point, auquel ma collègue Marie-Noëlle Battistel est très attachée et auquel j'espère que vous serez sensible. Dans mon département littoral comme en montagne, le défi du changement climatique se pose avec une acuité accrue puisque c'est parfois l'existence même de l'activité touristique qui se trouve menacée. Hélas, je ne vois dans le périmètre de cet avis budgétaire aucun dispositif permettant un accompagnement renforcé de ces territoires dans la mutation de leur outil afin de faire face aux conséquences du changement climatique, que ce soit la montée des eaux ou la baisse de l'enneigement. Auriez-vous quelques pistes à ce sujet ?
Je déplore dans mon rapport le manque de visibilité et de lisibilité des crédits accordés au secteur du tourisme, par nature interministériel, d'autant que le document de politique transversale a été supprimé cette année. Certaines mesures visant à remédier aux problèmes que vous soulevez figurent dans le plan Destination France, mais je conviens qu'il est difficile de les identifier dans le budget.
Il est tout aussi compliqué de loger les saisonniers, qui font nécessairement concurrence aux vacanciers. J'évoque également dans mon rapport le problème de la concurrence des plateformes de location de meublés touristiques. Peut-être serait-il opportun de créer une plateforme recensant les offres de logement, mais la difficulté serait de déterminer quel acteur serait le plus à même de se charger de ce grand projet qui, du reste, devrait être financé.
M. Leseul a évoqué l'amendement transpartisan que nous avons déposé avec Inaki Echaniz, Annaïg Le Meur et les membres d'autres groupes : cela me permet de redire tout mon soutien à cette démarche de rééquilibrage des abattements fiscaux dont peuvent bénéficier les meublés touristiques et les meublés traditionnels. À l'époque où cet abattement avait été imaginé, il visait à encourager la location touristique dans des zones où les chambres d'hôtel manquaient. Vingt ans plus tard, rien ne justifie plus une telle différence de traitement fiscal entre les meublés touristiques et les meublés traditionnels, a fortiori dans un contexte de crise du logement absolument phénoménale. Pour ma part, j'ai cosigné cet amendement les yeux fermés et j'espère qu'il sera repris dans le texte sur lequel le Gouvernement engagera sa responsabilité, puisque nous savons tous comment cette histoire finira. Si tel n'est pas le cas, nous ne lâcherons pas l'affaire : une proposition de loi transpartisane allant dans ce sens a été déposée, là encore, par nos collègues Inaki Echaniz et Annaïg Le Meur, et j'ai rappelé à la présidente de notre assemblée notre volonté d'avancer sur ce sujet lors de la prochaine semaine où l'ordre du jour de la séance publique sera réservé à l'Assemblée nationale.
Je vous remercie de vos efforts redoublés. Nous comptons sur la poursuite de ce travail transpartisan.
Madame la rapporteure pour avis, vous n'avez pas répondu à la question de Gérard Leseul concernant l'enjeu majeur de la transition écologique du secteur du tourisme. Certains sites sont aujourd'hui confrontés à une saturation de touristes, à laquelle il conviendrait de remédier, tandis que d'autres font face à la montée des eaux, à une perte de biodiversité ou à d'autres effets du réchauffement climatique qui dégradent leur attractivité touristique. Le budget ne prévoit aucun crédit pour accompagner ces territoires, pour les aider à anticiper les conséquences du changement climatique, ce qui pose évidemment problème.
Il existe pourtant des expériences inspirantes. Dans ma région, la Loire à vélo offre un modèle de tourisme résilient : plus d'un million de cyclotouristes sillonnent chaque été ces routes, générant plus de 30 millions d'euros de retombées économiques diffusées dans les territoires. Il y a lieu de réfléchir à d'autres formes de tourisme, vert et solidaire.
Un autre sujet qui mérite d'être mis sur la table est la dimension sociale du tourisme. Comment pourrait-on soutenir des acteurs comme l'Union nationale des associations de tourisme et de plein air (Unat), une organisation à vocation sociale qui œuvre en faveur de l'accès aux vacances et de la participation au tourisme ?
La question des emplois a déjà été soulevée. Les conditions de travail sont déplorables, de même que le niveau des rémunérations et les conditions de logement et de déplacement. Quelles sont vos préconisations concrètes pour répondre à ces problèmes ?
Au delà de l'action de l'État, il faudrait peut-être regarder du côté des collectivités territoriales. Rendre compte de l'action publique en faveur du tourisme, c'est aussi rapporter ce que font les régions, les intercommunalités ou encore les départements, dans le cadre des comités départementaux du tourisme. Cela nous permettrait d'avoir une vision plus complète de ce secteur.
Sauf erreur de ma part, il existe un fonds en faveur du tourisme durable. À mon sens, cette dimension devrait être intégrée dans la formation des nouveaux arrivants.
Le tourisme social est évoqué dans mon rapport à travers une mesure, celle des chèques-vacances permettant au plus grand nombre de partir en vacances à moindre coût. Dans la période actuelle de forte inflation, cette disposition me paraît particulièrement utile : je regrette donc qu'elle ait été supprimée pour les retraités de la fonction publique d'État.
Que proposez-vous pour pallier les difficultés de remboursement du PGE par les acteurs du tourisme ? Pourrait-on envisager un lissage ou un changement des règles relatives aux délais ?
Par ailleurs, on nous dit qu'en 2022-2023, 65 000 postes de saisonniers n'ont pas été pourvus. Au-delà des questions des salaires et du logement, déjà évoquées, comment pourrait-on restaurer une forme d'attractivité de ces métiers et donc pourvoir ces emplois ? Vous avez répondu à Mme Babault qu'en l'état actuel, le projet de loi relatif à l'immigration ne prenait pas en compte le secteur spécifique du tourisme. Ne faudrait-il pas envisager de l'y inclure et débattre de cette possibilité qui permettrait peut-être de trouver la main-d'œuvre qui manque aujourd'hui ?
Vous l'avez dit, le remboursement des PGE constitue un enjeu majeur, car il apparaît que les entreprises doivent souvent faire un choix entre investir et rembourser ces prêts. Cette contrainte est d'autant plus regrettable qu'il convient de relever les défis des transitions écologique et numérique. Une éventuelle solution, qui recueillerait probablement l'assentiment de bon nombre d'entre nous, serait d'étaler les remboursements.
S'agissant du recrutement, j'ai expliqué tout à l'heure que les métiers du tourisme souffraient d'une mauvaise image : les jeunes les considèrent souvent davantage comme un job transitoire que comme un vrai métier. C'est dommage, car ce secteur offre de multiples possibilités, notamment celle d'une promotion sociale. Il conviendrait peut-être d'insister là-dessus pour attirer les jeunes, notamment les saisonniers. Nous débattrons du projet de loi relatif à l'immigration lorsqu'il sera inscrit à l'ordre du jour. Je pense sincèrement qu'un élargissement de la mesure évoquée au secteur du tourisme ne permettrait pas de résoudre les difficultés constatées, tant le nombre d'emplois non pourvus est important. Je n'y serais donc pas nécessairement favorable.
La réunion est suspendue de dix-huit heures dix à dix-huit heures trente.
L'abattement fiscal sur les revenus des meublés classés est actuellement de 71 %, mais le Gouvernement souhaite le diminuer, par amendement, à 50 %. Cette mesure risque de dissuader les propriétaires de réaliser les travaux nécessaires à ce classement. La fin de cette incitation fiscale ne menacerait-elle pas le classement de stations de tourisme, dont 70 % des offres d'hébergement doivent être classées ?
Il y a un équilibre à trouver. Des tensions apparaissent dans les territoires pour le logement des saisonniers, car ceux-ci doivent se loger au même endroit que les vacanciers. Il existe une concurrence avec les plateformes de locations meublées. Le dossier d'un saisonnier est en général moins compétitif que celui d'un salarié, car son emploi est plus précaire. Une plateforme pourrait être créée pour recenser les offres de logements. En outre, plus d'une centaine de guichets saisonniers doivent être installés d'ici à 2025 : cet outil pourrait aider les saisonniers à trouver un logement.
L'amendement du Gouvernement auquel vous avez fait allusion suscitera un débat nourri. Un accord transpartisan pourrait être trouvé, car toutes les circonscriptions seront affectées, qu'elles soient touristiques ou non. Il est difficile de se loger dans de nombreux endroits du pays, notamment en zone tendue, où le problème ne concerne pas que les acteurs du tourisme. Je n'ai pas d'avis tranché et j'attends la discussion, importante pour ma circonscription, qui fait face à des problèmes bien au delà du seul bord de mer.
Article 35 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE158 de Mme Anaïs Sabatini
Il vise à compenser la perte de recettes issues des droits de visa dont bénéficiait Atout France jusqu'à la loi de finances pour 2023. La suppression de cette source de financement était justifiée par le fait que la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques interdisait l'affectation d'un tel produit de recettes. Si l'on peut comprendre la nécessité d'une mise en conformité avec les nouvelles règles en vigueur, il est anormal de ne pas compenser une telle suppression.
Voilà pourquoi, je propose d'abonder les crédits du programme 134 Développement des entreprises et régulations de 4,9 millions d'euros, afin de compenser cette perte de ressources pour Atout France. Ce montant correspond au produit perçu en 2019, celui-ci ayant ensuite diminué à cause de la crise du covid. Il est essentiel de maintenir les moyens de l'opérateur public compétent en matière de tourisme, à l'heure où nous nous préparons à accueillir les Jeux olympiques et paralympiques, et où nous devons accompagner la transformation structurelle de nombreux secteurs dans les domaines de la transition écologique, de la numérisation et de la montée en gamme de l'hôtellerie.
La commission rejette l'amendement.
Madame la rapporteure pour avis, quel est votre avis sur les crédits consacrés au tourisme dans la mission Économie ?
Puis elle a procédé à l'examen pour avis, sur le rapport de M. Charles Fournier, des crédits se rapportant à l'Économie sociale et solidaire de la mission « Économie ».
L'économie sociale et solidaire (ESS) est cette autre économie qui se définit davantage par ses valeurs que par ses chiffres, même si son poids est loin d'être négligeable puisqu'elle représente 10 % du PIB et 14 % des emplois privés – cette proportion atteint même 18 % dans certains territoires ruraux.
Malgré cette importance, le soutien public directement accordé à l'ESS est extrêmement faible, puisqu'il ne dépasse pas 20 millions d'euros, quand les crédits consacrés à l'économie classique approchent les 140 milliards – même si cette estimation est difficile à réaliser. L'Espagne vient d'engager un programme interministériel extrêmement ambitieux en faveur de l'ESS, qui repose sur un plan d'investissements de plus de 800 millions d'euros, alors que les crédits stagnent en France. On ne prend pas en compte l'inflation, ni les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs de l'ESS. L'essentiel de la hausse des crédits de paiement (CP) sera consacré aux contrats à impact social, qui ne sont pas une solution stimulante pour les acteurs que nous avons auditionnés, car ils exigent un travail administratif et d'évaluation très lourd et ne donnent lieu à un paiement de l'État que si les résultats sont au rendez-vous.
Les crédits de paiement affectés aux structures de l'ESS baissent de 1 million d'euros, alors que celles-ci ont besoin d'un soutien massif pour engager plus fortement les transformations auxquelles le secteur doit participer. Le rôle de l'ESS dans la transition écologique pourrait aller de soi, car beaucoup de ses acteurs ont fait partie des premiers à innover dans ce domaine, notamment dans la gestion des déchets, le réemploi et l'énergie produite par des coopératives citoyennes, mais ils ne sont pas identifiés et ne bénéficient donc pas de soutien particulier. Ils ne sont pas davantage soutenus pour leur propre transformation : les acteurs du secteur sanitaire et social, qui gèrent des bâtiments, de la mobilité et de l'alimentation, ne sont pas accompagnés dans la transition qu'ils doivent engager. Dans France 2030, une vingtaine de dossiers seulement sont soutenus au titre de l'ESS.
BPIFrance apporte un soutien très faible à l'ESS, alors qu'un engagement fort de la banque publique d'investissement avait été annoncé au moment de la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire, dite Hamon. Le bilan de cette loi, près de dix ans après sa promulgation, montre quelques faiblesses ; ainsi, l'agrément d'entreprise solidaire d'utilité sociale (Esus) reste méconnu, faute d'offrir suffisamment d'avantages et d'accompagnement.
Pour toutes ces raisons, j'émettrai un avis défavorable sur les crédits de l'action 04 du programme 305 Stratégies économiques, consacrés à l'ESS.
Je préconise l'adoption d'une loi de programmation pluriannuelle en faveur de l'ESS, car le secteur a besoin de visibilité ; les acteurs doivent pouvoir inscrire leur action dans le temps et être accompagnés dans leurs engagements, dans leur champ historique comme en matière d'innovation sociale et écologique. Il est urgent de consolider le soutien budgétaire de l'État, qui est assez limité avec seulement 20 millions d'euros. Le mouvement associatif défend l'instauration de mesures fiscales, comme la modulation de la taxe sur les salaires (TS) qui pèse particulièrement sur les structures de l'ESS, afin de redonner des marges à ces dernières ; dans le même objectif, les dispositions sur l'impôt sur le revenu pourraient être étendues.
Certains chercheurs évoquent l'émergence d'une EESS, à savoir une économie écologique, sociale et solidaire : tout le monde le reconnaît, les questions sociales et écologiques sont intimement liées. Les acteurs de l'ESS sont bien placés pour défendre cette articulation : ils peuvent offrir des solutions, mais il faut prendre en compte les difficultés qu'ils affrontent ; l'inflation, notamment des prix énergétiques et alimentaires, les frappe en effet de plein fouet. J'ai déposé plusieurs amendements visant à les accompagner pour faire face à ces problèmes.
Il convient également de réviser la loi Hamon, qui suscite de nombreux débats : faut-il toucher à l'article 1er, qui définit les familles de l'ESS ? Faut-il prendre en considération la mesure de l'impact social et écologique de ces acteurs ? Il me semble qu'il y a lieu de faire les deux et de reconnaître leur utilité sociale et écologique. Il convient de toiletter plusieurs articles de la loi, afin d'intégrer des avantages, des contreparties et des engagements liés à l'appartenance à ce secteur : la loi de programmation, dont je défends le principe, serait tout à fait utile pour impulser une telle orientation.
Il serait également opportun de soutenir l'accès des acteurs de l'ESS aux marchés publics, actuellement difficile. Aucune part de ces marchés ne leur est réservée et aucune intermédiation n'existe pour les aider à faire des réponses groupées. Certains projets extrêmement importants ne trouvent pas de financement : je pense, par exemple, au projet de l'association Ïkos, qui pourrait répondre à un tiers des enjeux de réemploi de la métropole bordelaise, mais auquel il manque quelques millions d'euros pour boucler le tour de table ; dans le même temps, on trouve des milliards pour soutenir des activités économiques comme le développement de semi-conducteurs, à Grenoble ou ailleurs.
Les innovations dans le domaine de la transition écologique provenant de l'ESS ne sont pas reconnues par la puissance publique, qui ne les soutient pas. Il faut accompagner les acteurs du secteur dans leur transition et leur réserver une plus grande place, dans les marchés publics comme dans France 2030, car ils ont un rôle majeur à jouer dans la période actuelle.
Les crédits attribués à l'ESS pour 2024 sont stables par rapport à la loi de finances de 2023, avec 19 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 22 millions en crédits de paiement (CP). Comme en 2023, les priorités porteront sur le soutien aux structures de l'ESS – fédérations, têtes de réseau, opérateurs, think tanks –, à l'investissement à impact, avec la structuration de nouveaux contrats à impact social, et au développement international de l'ESS.
Toutefois, le soutien apporté par l'État à l'ESS ne saurait être mesuré à l'aune de la seule action 04 du programme 135. Ce modèle économique singulier regroupant des entreprises, des associations ou des coopératives agricoles, on le retrouve dans des secteurs d'activité aussi différents que le sport, les loisirs, l'hébergement, la restauration ou les activités financières. Le programme 163 Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative concerne aussi l'ESS : ses crédits connaissent une forte augmentation, de 64 millions d'euros d'AE. Les crédits consacrés aux contrats aidés du programme 102 Accès et retour à l'emploi sont également en hausse, de même que le Fonds d'inclusion dans l'emploi (FIE) et le financement de l'insertion par l'activité économique. Il serait donc réducteur de prétendre que le budget général des ESS est en stagnation, puisque plusieurs programmes concourant à son financement connaissent une forte progression de leurs crédits. Je partage toutefois vos regrets, monsieur le rapporteur pour avis, quant à la difficile identification des crédits alloués à l'ESS dans le budget.
Je tiens à saluer les ambitions que portent ces crédits, dont le groupe Renaissance soutiendra l'adoption.
Il y a en effet un manque de lisibilité. D'ailleurs, le Sénat avait adopté un amendement au PLF 2023 visant à la remise d'un rapport présentant l'ensemble des crédits et des moyens publics mobilisés en faveur de l'ESS. Ce rapport n'est pas disponible, ce qui est regrettable. Puisque vous ne disposez pas d'image budgétaire globale, il vous est difficile d'affirmer que les crédits progressent ; j'ai plutôt l'impression que ceux-ci stagnent et qu'ils sont donc en recul si on prend en compte l'inflation. En tout état de cause, ils ne sont pas à la hauteur de ce dont les acteurs ont besoin et de ce que ceux-ci pourraient apporter aux transformations de notre société.
L'économie sociale et solidaire donne priorité au principe d'utilité sociale et environnementale : elle regroupe les secteurs associatif, mutualiste et coopératif, et compte 2,6 millions d'emplois, soit environ 14 % de l'emploi privé.
Si l'ESS correspond à un changement de mentalité, lié à la prise en compte de l'humain et du devenir écologique, elle ne doit pas se construire au détriment de l'ancrage local et des valeurs nationales. Vous dénoncez la stagnation et la faiblesse des moyens alloués par l'État au développement de l'ESS dans un contexte inflationniste très fort, mais que dire des difficultés que doivent affronter les commerçants locaux, comme les boulangers, qui ont pris de plein fouet l'augmentation considérable du prix de l'électricité et qui, pour bon nombre d'entre eux, ont mis la clef sous la porte ?
L'ESS doit s'inscrire dans le respect des valeurs de nos terroirs et dans le rejet des solutions écologiques qui font la part belle à nos concurrents européens, dans la quête de filières stratégiques d'avenir liées à l'incontournable transition écologique, telles que les énergies citoyennes, la rénovation thermique, le développement des mobilités durables, l'économie circulaire, l'agriculture, l'alimentation durable ou le réemploi solidaire.
Si la politique de la ville constitue le support budgétaire des financements spécifiques, il est proposé de débloquer 634,5 millions d'euros, en supplément des crédits de droit commun de l'État et des collectivités déjà mobilisés au profit des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Les gouvernements y déversent l'argent public depuis des années sans aucun résultat probant : ces quartiers dits sensibles, véritables zones de non-droit, sont marqués par une augmentation exponentielle du communautarisme, malgré l'ampleur des dotations et l'implantation d'infrastructures sportives, absentes de nombreuses petites villes, bourgs et villages. Tout cela crée une profonde injustice territoriale et une fracture sociale, économique et identitaire vis-à-vis de nos concitoyens français. Votre rapport reste malheureusement silencieux sur ces sujets.
Je n'ai pas le temps d'évoquer les scandales dans le secteur de la petite enfance et des personnes âgées.
Sous l'appellation d'ESS évoluent des entreprises qui peuvent créer une concurrence déloyale, car elles sont placées sous perfusion d'aides de l'État alors qu'elles ne réussissent pas ou peu – je pense, dans ma circonscription, à des entreprises réparant les téléphones mobiles, certaines appartenant à l'ESS, d'autres non.
Vous parlez beaucoup de ruralité, mais les structures de l'ESS sont parfois les seules à fournir des emplois dans ces territoires. Vous parvenez toujours à faire un lien avec l'immigration, mais vous mettez de côté le fait que l'ESS représente parfois 30 % des emplois dans les zones rurales. Vous devriez défendre ce secteur, vous qui prétendez parler pour la ruralité !
Seule une partie des moyens dévolus à l'ESS concernent les QPV : de mon point de vue, il faudrait soutenir davantage l'ESS, car cela aiderait les territoires. Vous prétendez également combattre le libéralisme, mais ces acteurs proposent justement de développer une économie territorialisée, dans laquelle le partage de la valeur s'effectue dans les territoires et dont les emplois ne sont pas délocalisables. Les structures de l'ESS compensent l'absence du marché bien plus qu'elles ne le concurrencent.
Nous partageons avec le rapporteur pour avis l'idée que l'ESS est un secteur clef de la bifurcation démocratique, écologique – n'en déplaise à certains – et sociale, qui représente une alternative concrète à l'économie financiarisée, privilégie l'utilité sur le profit et la décision collective sur le féodalisme actionnarial. Je regrette d'ailleurs que la ministre chargée de ce secteur ait refusé d'être auditionnée par le rapporteur pour avis, comme avant elle Marlène Schiappa – l'utilisation du 49.3 ayant déjà été annoncée, le Gouvernement ne juge même plus utile de se déplacer, tombant ainsi le masque et assumant le déni démocratique permis par la Constitution de la cinquième République.
Nous nous prononçons, comme le rapporteur pour avis, pour un rejet des crédits de l'ESS, sur la forme comme sur le fond, puisque ceux-ci souffrent d'un sous-dimensionnement structurel et restent dérisoires – ils ne dépassent pas 20 millions d'euros pour un secteur qui représente 10 % du PIB. Nous déplorons également leur redéploiement au détriment du soutien aux structures et en faveur des contrats à impact social, dont la mission principale vise à sous-traiter l'action sociale à des entreprises privées, comme si la logique de rentabilité pouvait s'y appliquer.
Votre rapport avance également plusieurs propositions : nous soutenons notamment l'instauration, dix ans après la loi Hamon, d'une loi de programmation, de même que l'orientation visant à mieux conjuguer enjeux sociaux et environnementaux dans le modèle de l'ESS, pour peu que les moyens soient au rendez-vous.
Les acteurs de l'ESS ont lancé un cri d'alarme il y a quelques semaines : ce secteur souffre en effet de problèmes de recrutement du fait du caractère pénible des métiers de l'aide à la personne – petite enfance, aide à la réinsertion sociale, aide à domicile. La responsabilité de l'État est première dans la revalorisation des salaires des métiers de première ligne, comme le soulignait la rapporteure pour avis Sophia Chikirou l'an passé, mais également dans la protection du tissu associatif, lequel amortit les crises ; pourtant, le Gouvernement a annoncé la suppression de 15 000 emplois aidés dans ce secteur déjà fragilisé. Comment le comprendre, alors que le président de l'Union des employeurs de l'économie sociale et solidaire (Udes) indique que 100 000 emplois ne sont pas pourvus dans l'ESS, dont les besoins atteindront 500 000 emplois d'ici à 2030 ? Encore une fois, le Gouvernement n'est pas à la hauteur et préfère continuer sa politique de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises capitalistiques plutôt que d'investir au service de l'humain dans le cadre d'une économie fondée sur l'utilité sociale.
Monsieur le rapporteur pour avis, que pensez-vous de nos remarques sur la précarisation des emplois dans le secteur de l'ESS ?
Je partage votre analyse ; j'ai d'ailleurs déposé un amendement visant à rétablir les crédits finançant les 15 000 emplois aidés qui risquent d'être supprimés : il s'agit d'un coup de massue supplémentaire, dans un secteur qui connaît un plan social permanent et à bas bruit, notamment dans le domaine associatif. En outre, les acteurs sont frappés de plein fouet par l'inflation. L'ESS s'intéresse à des publics que le marché délaisse car ils ne sont pas solvables ; ceux-ci rencontrent des difficultés de plus en plus aiguës, situation qui augmente parfois le coût des activités et peut conduire à la suppression de la gratuité de certaines d'entre elles. Aider ce secteur est indispensable, particulièrement dans des moments aussi rudes que ceux que nous connaissons.
Faute de moyens, les métiers de l'ESS ne sont pas toujours attractifs car ils n'offrent pas de parcours, ni de salaires ou de conditions de travail engageants. Il convient de soutenir davantage les acteurs du secteur.
L'ESS est importante car elle représente 2,6 millions d'emplois en France et assure un maillage territorial étendu et diversifié de coopératives, d'associations, de mutuelles et d'entreprises. Il me paraît d'ailleurs injustifié d'opposer le modèle économique des entreprises à celui des structures des ESS, puisque les deux se complètent.
L'ESS connaît de grandes réussites : dans mon village, Nestlé a fermé pour délocaliser, mais l'activité d'une association engagée dans l'ESS, Vitamine T, a repris et restauré les locaux du site pour travailler sur de l'électroménager de seconde main : des personnes sont ainsi revenues dans l'emploi, et les résultats sont assez probants. L'ESS doit donc être soutenue.
L'enveloppe de 20 millions d'euros semble insuffisante, comme l'indiquent l'ensemble des acteurs de la filière ; pour autant, ces crédits présentent le mérite d'être fléchés, donc nous nous abstiendrons lors du vote.
Votre proposition sur le livret A m'intéresse : il serait en effet opportun de donner aux acteurs de l'ESS la possibilité d'y recourir pour lever des fonds et continuer de se développer dans les territoires.
Je n'oppose pas les deux économies entre elles, je pense que l'une doit servir de modèle à l'autre et je soutiens les mariages qui feraient évoluer l'ensemble de notre système économique. On parle beaucoup d'entreprises à mission et à impact, parce que tous les acteurs doivent prendre en considération les enjeux économiques et sociaux s'ils veulent résister. L'ESS a donc vocation à transformer l'autre pan de l'économie.
Je vous rejoins pleinement pour dire que l'ESS n'est pas une niche de l'économie générale ; elle a vocation à répondre à des problèmes très concrets : les acteurs de l'ESS ont des solutions à apporter en matière de réindustrialisation de nos territoires ; or ils étaient totalement absents du projet de loi relatif à l'industrie verte. De nombreuses coopératives ont repris, sous forme de sociétés coopératives de production (Scop), des activités industrielles qui se trouvaient en échec. Les acteurs de l'ESS pourraient rendre des services importants en matière d'écologie industrielle et territoriale en organisant la coopération entre entreprises dans les territoires, par exemple pour la mutualisation de l'énergie et des déchets. Nous devons soutenir l'ESS car elle conduit des changements utiles, surtout lorsque ses acteurs sont les derniers à subsister dans des territoires, notamment ruraux.
J'ai avancé plusieurs propositions fiscales : vous avez retenu celle concernant le livret A, dont la mise en œuvre approfondirait le soutien et la reconnaissance de l'ESS. Dans le domaine de la finance verte, la dimension écologique et sociale de très nombreux projets était pour le moins limitée : il faut agir dans ce domaine pour soutenir les acteurs vertueux.
Nous nous réjouissons que le portefeuille de l'ESS revienne à Mme Olivia Grégoire, car elle connaît bien le sujet pour l'avoir déjà eu sous sa responsabilité. Je tiens à saluer le travail effectué par sa prédécesseure, Mme Marlène Schiappa, qui a œuvré à la simplification des démarches administratives des associations, a remis en place le soutien de l'État aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) et a porté une résolution adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies visant à améliorer la reconnaissance internationale de l'ESS. Soyons fiers de ces actions et continuons sur ce chemin !
L'ESS constitue une alternative économique au modèle capitaliste, plaide pour un plus grand partage de la valeur et une gouvernance démocratique, promeut une finalité sociale et écologique, et incarne une économie à part entière, inspirante et prometteuse. À cet égard, nous saluons l'augmentation de plus de 8 % du budget. Si nous déplorons, comme vous, le manque de visibilité sur l'ensemble des crédits accordés, nous ne partageons pas vos critiques sur le manque supposé de moyens et d'ambition. Vous indiquez que les acteurs de l'ESS ont souffert de la hausse des coûts de l'énergie : sur ce sujet, l'État a adopté et coordonné une stratégie protectrice, qu'il continuera de déployer en 2024.
Les différents acteurs publics participent au financement de l'ESS au travers de BPIFrance et de la Banque des territoires, au plus près des acteurs. Mme Olivia Grégoire a récemment rappelé aux opérateurs de l'ESS que celle-ci devait être une source d'inspiration pour le reste de l'économie et que l'État devait y aider dans les territoires. Cette orientation se traduit par le financement des contrats à impact, dont nous saluons le développement et la simplification à venir, et par le renforcement des PTCE, pour lesquels nous pouvons saluer l'appel à manifestation d'intérêt, doté de 1,5 million d'euros.
Enfin, nous encourageons la consolidation de statistiques précises sur l'appui des personnes publiques aux structures de l'ESS, dans les domaines de la santé et du social – je pense notamment à certains Ehpad ou à l'Aide à domicile en milieu rural (ADMR). L'objectif est de mieux évaluer l'efficacité et l'ampleur des politiques publiques.
Les crédits de paiement pour les contrats à impact social seront les seuls à croître, alors qu'ils ne concernent que très peu d'acteurs compte tenu de la complexité des dossiers : la plupart des petites structures n'y ont pas accès et les grandes doivent produire de très nombreux indicateurs pour obtenir un financement. Il n'y a aucun enthousiasme dans l'ESS pour ces contrats.
Alors que les PTCE forment un programme, qui est, lui, intéressant, les crédits diminuent. Il y a une autre difficulté liée au fait que seul l'amorçage est financièrement soutenu : comment le pôle tient-il dans le temps ? Un travail doit donc être accompli avec les collectivités territoriales pour apporter une aide durable, mais également pour favoriser des rapprochements entre les tiers lieux, les manufactures de territoire et les PTCE.
Quant à BPIFrance, il faut reconnaître qu'elle ne joue pas le jeu, contrairement à la Banque des territoires qui s'implique davantage. La banque publique d'investissement pourrait apporter un soutien beaucoup plus important aux acteurs de l'ESS.
En tant que coprésident du groupe d'études de notre assemblée sur l'économie sociale et la responsabilité sociale des entreprises (RSE), je souhaite rappeler, à la suite du rapporteur pour avis, que l'ESS représente plus de 10 % du PIB et un emploi privé sur six. Pourtant, les crédits budgétaires qui lui sont alloués restent faméliques, puisqu'ils ne pèsent qu'une vingtaine millions d'euros dans l'action budgétaire éponyme. Plusieurs autres programmes budgétaires contribuent certes au financement du secteur, notamment par le biais du soutien à l'emploi, mais nous manquons grandement de visibilité sur la fraction de ces moyens qui alimente effectivement l'ESS.
À ces insuffisances s'ajoutent les annonces mettant en péril certaines activités de l'ESS, comme la suppression des 15 000 contrats aidés ou la baisse des moyens dédiés à l'expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) : en décidant de fixer les crédits budgétaires à seulement 69 millions d'euros contre 89 millions nécessaires pour assurer les embauches prévues dans les cinquante-huit territoires bénéficiaires, le Gouvernement crée les conditions d'un échec du dispositif TZCLD. Que représentent ces 20 millions d'euros par rapport à l'ensemble des nouveaux cadeaux fiscaux offerts aux entreprises dans ce PLF et au refus d'une juste taxation des superprofits ? Nous dénonçons fortement cette coupe budgétaire.
J'adhère à l'idée selon laquelle l'ESS doit prendre toute sa part dans la transition écologique. Nous soutenons le principe d'une loi de programmation budgétaire, que tous les acteurs réclament.
En parallèle, une autre difficulté s'est développée durant tout le premier quinquennat d'Emmanuel Macron : la perte de repères entre entreprises de l'économie sociale, entreprises à impact ou entreprises à mission. Si ces entités ont vocation à œuvrer dans le sens d'une meilleure gouvernance, d'une mutualité sociale renforcée ou d'une prise en compte des enjeux de la transition écologique, cette confusion nuit à la lisibilité du secteur de l'économie sociale, qui dit capital collectif, gouvernance démocratique et impartageabilité des réserves.
L'ESS devrait pouvoir s'appuyer sur un écosystème de développement à la hauteur de son potentiel d'initiative et de solidarité. Cela passe notamment par le financement de la fonction accueil, information, orientation des chambres régionales de l'économie sociale et solidaire (Cress), afin d'aiguiller correctement les porteurs de projets dans la reconversion éventuelle des entreprises ; par l'augmentation des moyens dédiés aux dispositifs locaux d'accompagnement (DLA) ou au dispositif Guid'Asso ; par le financement d'une ingénierie territoriale de coopération.
J'espère que l'examen des amendements permettra d'améliorer les crédits dédiés à l'ESS. À défaut, nous les rejetterons.
Je vous remercie d'avoir souligné la baisse des crédits pour le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée. J'espère que l'ensemble des groupes soutiendront les amendements visant à revenir aux montants nécessaires. Un vote contre mettrait en péril ce dispositif, ce qui est très inquiétant.
Le débat traverse en effet l'ESS de savoir si la seule revendication comme entreprise à impact ou l'histoire statutaire des entités suffisent à garantir une activité non contradictoire avec les valeurs de l'ESS. En l'état, les deux éléments me semblent insatisfaisants puisqu'on peut trouver, au sein des familles de l'ESS, aussi bien une association de producteurs pétroliers qu'une coopérative à fort impact négatif. Quant à la considération de l'impact, elle ne garantit pas contre une simple démarche de greenwashing ou de socialwashing. Il faut essayer de réfléchir à l'articulation des deux, sans les opposer.
Comme vous l'écrivez dans votre rapport, « l'ESS vise à fournir une alternative économique au modèle capitaliste. Elle se fonde sur un modèle de lucrativité limitée, à rebours de la finalité de l'économie de marché, et a vocation à inspirer des transformations de l'ensemble de l'économie. » Aussi, je me joins à vous pour déplorer la faiblesse des moyens consacrés à l'ESS ces dernières années, au regard des besoins réels du secteur.
Dans une économie marchande, libérale et capitaliste, l'ESS rencontre des difficultés à performer selon les indicateurs économiques traditionnels. Or ces indicateurs ne capturent pas les externalités positives créées par les acteurs de l'ESS, les services publics qu'ils rendent ainsi que les bénéfices économiques ou sociaux non quantifiés et souvent non quantifiables. Par exemple, plus de réemploi, c'est moins de dépenses pour la gestion des déchets. Pour que ce modèle puisse continuer à se diffuser, l'État doit prendre tout son rôle et soutenir les acteurs de l'ESS. Les crédits sont malheureusement insuffisants et manquent de lisibilité.
À Nantes, c'est le contexte foncier qui a mené à une impasse : malgré les subventions de Nantes métropole, la Ressourcerie de l'île a été placée en liquidation par le tribunal, en mars dernier. C'est là l'illustration de la crise généralisée que traverse le secteur du réemploi solidaire ces dernières années. Cette crise s'explique par la pression foncière, par la difficulté à trouver des locaux pour exercer des activités de l'ESS et par la concurrence déloyale de l'industrie des start-up, attirées par le succès du réemploi et de la seconde main, qui menacent les acteurs historiques du réemploi solidaire et, plus généralement, mettent en difficulté le modèle économique de l'ESS.
Le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée est un autre exemple du manque d'ambition de l'État sur les sujets clés de la transition écologique : il manque 20 millions pour assurer les embauches prévues dans les cinquante-huit territoires habilités. Dans ma circonscription, alors que les collectivités territoriales sont engagées dans le dispositif, la baisse de la participation de l'État confirme une tendance à se dédouaner pour laisser aux collectivités de plus en plus de charges et de dépenses. Pourtant, quels projets auraient plus de sens que les expérimentations menées pour rapprocher de l'emploi ceux qui en sont très éloignés ?
Comment renforcer l'accompagnement de l'ESS et aider les structures à faire face aux pressions externes ? Comment expliquer la disproportion entre les moyens alloués à l'économie traditionnelle et ceux consacrés à l'ESS ? Comment pallier l'éclatement des crédits pour donner plus de visibilité aux acteurs ? Comment le plan d'investissement France 2030 peut-il être une rampe de lancement pour l'ESS ?
Nous proposons de réserver une part de l'enveloppe de France 2030 aux acteurs de l'ESS et de faciliter leur accession à certains programmes. Le plan n'est pensé que sous l'angle de l'innovation technologique ; il pourrait intégrer l'innovation sociale et écologique. Quant aux externalités positives, avoir des instruments pour les mesurer permettrait de mettre en valeur l'impact écologique et social de l'ESS.
Pour résumer, il y a toujours un décalage entre le discours et sa traduction budgétaire. La ministre déléguée Olivia Grégoire voulait faire de l'ESS le fer de lance d'une économie plus durable ; finalement, celle-ci reste le parent pauvre – ou plutôt maigre – de l'affaire, surtout si on la compare avec les pays voisins. L'Espagne investit massivement dans ces secteurs et nous sommes toujours incapables d'appuyer avec force sur des leviers de croissance plus vertueux.
Nous considérons qu'il faut flécher des crédits en ingénierie au plus près des territoires, notamment auprès des Cress, pour permettre aux acteurs de mener à bien des projets, de mutualiser les connaissances et de renforcer les compétences. La disparition de 15 000 emplois aidés fragilisera nécessairement le secteur, qui s'appuie en partie sur ces dispositifs.
Nous regrettons également l'absence de visibilité sur ces crédits. Sans aller jusqu'à la loi de programmation que nous souhaiterions, il y a tout de même des moyens d'assurer un fléchage plus net. Comme le rapporteur pour avis, nous souhaitons que France 2030 puisse flécher une partie des investissements d'avenir sur l'ESS. Il faut donner aux acteurs, fragilisés par l'inflation, la possibilité d'y faire face et de continuer à investir en s'appuyant sur une ingénierie renouvelée et des crédits à la hauteur de la place que l'ESS occupe de plus en plus dans les discours.
La France s'est pensée comme le berceau de l'économie sociale et solidaire ; c'est plutôt du côté de l'Espagne que cela se passe. J'espère que le nouveau gouvernement qui y sera nommé continuera le plan d'investissement massif qui avait été décidé en faveur de l'ESS, avec une feuille de route interministérielle. De notre côté, nous n'avons toujours pas de haut-commissaire à l'économie sociale et solidaire, l'ESS a disparu de l'intitulé du portefeuille de la ministre et la feuille de route interministérielle arrivera après le budget – nous aurions apprécié qu'elle l'influence de manière ambitieuse.
J'ai déposé un amendement visant à rétablir les 15 000 emplois aidés qui seront supprimés.
De manière générale, mes amendements tendent à augmenter les crédits. Si tous étaient adoptés, le montant cumulé ne dépasserait pas 230 millions. Rapporté aux 2,9 milliards consacrés à la seule entreprise STMicroelectronics, il n'y aurait pas là de quoi mettre la France en faillite, ni crier au scandale quand il s'agit de procéder à un rééquilibrage partiel en faveur d'une économie souvent essentielle dans les territoires.
En réalité, il y a deux ESS. L'une existe depuis longtemps : il s'agit des banques du Crédit agricole, des coopératives agricoles, qui se sont créées en dehors de cette idéologie néomarxiste qui défend une ESS sans vilains profits, sans méchants actionnaires, et sans se gaver de subventions publiques. Dans le sens où vous l'entendez, l'ESS ne représente pas 14 % de l'économie.
Dans ma circonscription, cette idéologie a mené à cette aberration que le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine – la gauche, pour ne pas la nommer – a subventionné des architectes qui ont préféré fonder une coopérative pour toucher les subventions de l'ESS plutôt que de s'associer.
Vous préconisez d'élargir la logique du livret de développement durable et solidaire (LDDS) à d'autres produits d'épargne réglementée pour soutenir le développement de la finance solidaire. Ce livret très attractif est en effet le seul dispositif d'épargne orienté à la fois vers la transition écologique et vers l'économie sociale et solidaire. En étendre le mécanisme de partage au livret A, qui a vocation à financer des projets d'intérêt général comme le logement social et les projets de renouvellement urbain, ne serait-ce pas affaiblir d'autres investissements utiles pour les populations et les territoires ?
Dans la définition de l'ESS, je ne confonds pas les différentes familles. D'ailleurs, en plus des deux que vous avez citées, monsieur de Fournas, la loi Hamon, que je vous invite à lire dans le détail, inclut les entreprises commerciales ou celles qui peuvent obtenir un agrément Esus. Très large, la famille ESS peut apporter une solution très concrète pour la réindustrialisation, par exemple. Si les structures touchent des financements, c'est de manière ponctuelle, à l'amorçage des projets. Parfois, les collectivités territoriales prennent des parts dans des coopératives, grâce auxquelles des activités économiques peuvent renaître dans les territoires. Il s'agit, non pas d'une économie marxiste, mais d'une économie coopératrice qui ouvre des perspectives nécessaires.
Quant à l'élargissement du fonctionnement du LDDS au livret A, s'agissant d'une logique de don, il n'y aura pas d'effet négatif sur d'autres investissements. Je le redis, ces acteurs réalisent des investissements utiles. L'ESS n'est pas une économie de niche ; elle offre des solutions aux besoins dont la réponse reste à fabriquer, notamment sous forme de services. Dans nos territoires, elle apporte du concret et du solide, avec des emplois à la clé.
Article 35 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-CE71 de M. Charles Fournier
L'amendement vise à augmenter les crédits affectés à l'ESS de 4 millions, une somme modeste, qui ne mettra pas en péril l'équilibre du budget de notre pays. Il s'agit de soutenir plus fortement les acteurs de l'ESS, les têtes de réseaux comme le secteur dans son ensemble.
Je voterai l'amendement et les suivants.
Si, pour nos collègues du Rassemblement national, le soutien à l'économie sociale et solidaire relève d'une idéologie marxiste, comment qualifient-ils le soutien qu'ils demandent pour les artisans ? Nous-mêmes demandons qu'un soutien leur soit apporté, ainsi qu'aux agriculteurs – selon l'agriculture qu'ils pratiquent, toutefois – pour payer leurs factures d'électricité. Ont-ils prévu de taxer les revenus du capital comme ceux du travail, de rétablir l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou de lancer une cagnotte Leetchi ?
Si je comprends bien, il s'agit de prendre 4 millions d'euros à l'économie réelle pour les donner à l'ESS. Or, non seulement l'économie réelle subventionne l'ESS avec les taxes qu'elle paie sur les profits qu'elle réalise, mais elle est en concurrence avec elle. Un garage éco-solidaire, résilient ou je ne sais quoi, crée une concurrence déloyale pour un garage de l'économie réelle qui, de plus, paie des impôts pour financer les subventions octroyées au premier.
Nous sommes résolument contre cet amendement. L'ESS peut bénéficier de subventions ; elle n'a pas à prendre les crédits réservés à l'économie réelle.
Vous défendez là une approche purement libérale. D'abord, il s'agit de demander au Gouvernement de lever le gage. Ensuite, les acteurs de l'ESS se financent majoritairement par l'autofinancement, par la vente de produits ou d'activités. La part des financements publics a diminué de manière drastique. On est loin de l'image que vous essayez de véhiculer.
Vous donnez l'exemple de garages en concurrence, mais, bien souvent, les projets de l'ESS existent car il n'y a pas de réponse dans les territoires. La dernière boulangerie ou le café d'une commune rurale sont repris par un acteur coopératif ou associatif. Vous devriez plutôt soutenir ces modèles, qui n'intéressent pas le marché. Dans les territoires ruraux dont vous voulez être les représentants, heureusement que l'ESS est là !
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE76 de M. Charles Fournier
Il s'agit d'augmenter de 3 millions d'euros les crédits permettant de soutenir les associations, dont beaucoup se sont retrouvées en grande difficulté, notamment en cessation de paiements.
Je soutiens cet amendement de bon sens. Nos territoires ont besoin d'une vie associative dynamique, qui souffre aujourd'hui de l'inflation et des factures énergétiques.
Visiblement, nos collègues du Rassemblement national ne comprennent pas ce qu'est l'économie sociale. L'ESS représente les associations, les coopératives, les mutuelles et d'autres entreprises sociales. En France, 40 % de la lunetterie est sous forme de coopératives de commerçants, et cela fonctionne. L'ESS paie des impôts ; il s'agit ici de renforcer les initiatives de ses acteurs.
Ça n'en reste pas moins de la concurrence déloyale : des associations d'économie circulaire, de réparation de vélos ou d'ordinateurs, se créent parallèlement à des entreprises qui les subventionnent par leurs impôts, et peuvent, en plus, bénéficier de contrats aidés. Et on creuse l'écart : les petits commerçants et entreprises se meurent, et on continue à mettre des pièces dans le juke-box. Par cet amendement, vous voulez encore prélever des fonds sur l'économie réelle pour les donner à l'économie sociale et solidaire.
Ce que vous dites n'est pas vrai. Les aides apportées aux entreprises sont incomparablement plus importantes que celles accordées à l'ESS. D'ailleurs, pour rester dans votre raisonnement, les impôts versés par les acteurs associatifs viennent aussi financer l'économie réelle.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE135 de M. Gérard Leseul
Cet amendement, proposé par ESS France, vise à constituer un fonds de conversion des entreprises à l'ESS. Certaines entreprises en difficulté qui pourraient faire le choix de se transformer, en coopératives par exemple, ne parviennent parfois pas à concrétiser leur projet. Le fonds serait un facilitateur pour le maintien, la reprise ou la création d'activité. Il permettrait de lever les freins à la création d'entreprise.
Il faut arrêter d'opposer l'ESS et l'économie réelle : l'ESS est employeur, elle paie l'ensemble des contributions sociales, des impôts. Les plus gros contributeurs sont les banques coopératives. L'économie sociale et solidaire fait partie de l'économie réelle.
Je partage l'idée de créer un fonds de conversion. J'ai d'ailleurs déposé d'autres amendements pour aider à la création d'activités dans le champ de l'ESS : ce modèle peut être envisagé dès la phase de réflexion sur une nouvelle entité.
Les sommes que nous mobilisons sont modestes – visiblement, c'est encore trop pour certains. Pour accompagner les conversions, on peut imaginer aller plus loin qu'un fonds de 2 millions.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE137 de M. Gérard Leseul
Cet amendement vise à créer une administration déconcentrée entièrement dédiée à la conduite des politiques de l'État en matière de développement de l'ESS. On trouve quelques correspondants de l'ESS au sein des conseils régionaux, parfois au sein des préfectures, mais la représentation administrative dans les territoires manque de cohérence. Il nous paraît important d'y assurer une juste représentation au moyen de la déconcentration, d'autant plus que les crédits dédiés à l'ESS ont baissé depuis quatre ans.
Au cours des auditions, mes interlocuteurs m'ont beaucoup parlé de l'inégalité des territoires. Des correspondants sont parfois présents au sein de la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) ou du secrétariat général pour les affaires régionales (Sgar). Ils s'occupent soit exclusivement de l'ESS, soit de multiples autres sujets. Il y a vraiment un défaut d'harmonisation. L'articulation entre l'État et les collectivités est en effet fondamentale pour que nous trouvions des réponses structurantes, par exemple concernant les PTCE. Je ne sais pas si le million que vous proposez correspond au nombre de postes manquants, mais je partage l'idée qu'il faut avancer sur le sujet. Avis favorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE73 de M. Charles Fournier
La mobilisation du secteur de l'ESS, par exemple pour mieux répondre aux marchés publics ou accompagner la transition écologique, passe par la capacité des têtes de réseau à faire de l'accompagnement. Cette ingénierie de la coopération existe dans les territoires mais aussi au niveau national ; elle est assurée par les Cress, ESS France, le mouvement associatif, l'Agence d'ingénierie et de services pour entreprendre autrement (Avise)… Il s'agit de renforcer le soutien à ces têtes de réseau, qui peinent à assurer l'ensemble de leurs missions.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques II-CE72 rectifié de M. Charles Fournier et II-CE134 de M. Gérard Leseul
Il s'agit d'allouer 2,5 millions d'euros pour soutenir les Cress dans la conduite d'une de leurs missions clés, qui mérite d'être mieux organisée : l'accueil, l'information et l'orientation des porteurs de projets. L'ESS est mal identifiée dans les territoires, notamment dans le parcours des créateurs d'entreprises.
Le montant proposé correspond aux attentes de l'ensemble des Cress pour pouvoir assumer leur mission d'accueil et d'orientation en matière de création d'entreprise. À l'heure actuelle, cette mission n'est pas assumée par les chambres consulaires. Une personne souhaitant créer une coopérative ne trouve pas d'information.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CE136 de M. Gérard Leseul
L'amendement a pour objet de financer la tenue et la qualification de la liste des entreprises de l'économie sociale afin d'identifier ces dernières dans chaque territoire et de favoriser les achats responsables. La tenue de cette liste est également indispensable pour mettre à la disposition des entreprises de l'économie sociale des crédits collectés dans le cadre du LDDS.
Avis favorable. Le débat sur l'évolution du périmètre de l'ESS n'enlève rien à la nécessité d'établir une telle liste.
En quoi le fait de s'adresser à une entreprise de l'ESS favorise-t-il l'achat responsable ?
Il s'agit de permettre aux Crees d'identifier l'ensemble des entreprises de l'ESS et de tenir leur liste. Les acheteurs pourraient ainsi s'adresser à elles dans le cadre des politiques d'achats responsables.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques II-CE74 rectifié de M. Charles Fournier et II-CE139 de M. Gérard Leseul
L'amendement a pour objet de renforcer le soutien au dispositif local d'accompagnement, qui a été institué à la fin des emplois jeunes dans le but d'aider les entités de l'ESS à affiner leur stratégie économique, en matière d'emploi mais aussi, aujourd'hui, de transition écologique – un centre de ressources a été créé à cet effet. Ce DLA a fait ses preuves et a permis de sauver des emplois dans des secteurs peu lucratifs comme le sport.
Les dispositifs locaux aident les associations à mieux piloter leur projet entrepreneurial, leur développement. Les associations qui emploient des personnes constituent en effet des entreprises. Le DLA les accompagne dans leurs projets, qu'elles soient associatives, coopératives ou mutualistes.
Vous semblez considérer que les entreprises de l'ESS sont plus responsables que les autres. Cela s'explique-t-il par le fait qu'elles ne font pas de profits, qu'elles n'ont pas d'actionnaires ou y a-t-il d'autres raisons ?
Je vous renvoie à la définition de l'achat responsable, qui figure notamment dans la loi « climat et résilience ».
Certaines structures de l'ESS ont un actionnariat. Ce qui fait la différence, c'est notamment le partage de la valeur, les modes de gouvernance, la faible lucrativité choisie, la redistribution des bénéfices pour l'investissement et le partage avec les salariés, tous éléments qui pourraient servir de modèle à l'ensemble de l'activité économique.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-CE138 de M. Gérard Leseul
Il s'agit de créer un programme d'accompagnement national centré sur l'écosystème de l'ESS et visant l'accès aux fonds France 2030.
Cet amendement correspond à l'une des propositions que je fais dans le rapport. Sur un total de 2 000 projets financés par France 2030, seule une vingtaine sont liés à des structures de l'ESS. Il faut réorienter les financements, car les acteurs de l'ESS peuvent contribuer à la France de demain, notamment dans le domaine de l'innovation sociale, très peu présente dans les ambitions de France 2030.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE140 de M. Gérard Leseul
Avec cet amendement, l'ambition est de réintroduire l'innovation sociale parmi les modes d'innovation. La loi assimile toujours cette dernière à l'innovation technique ou technologique, alors que l'article 15 de la loi Hamon de juillet 2014 considérait comme « relevant de l'innovation sociale le projet d'une ou de plusieurs entreprises consistant à offrir des produits ou des services présentant l'une des caractéristiques suivantes : soit répondre à des besoins sociaux non ou mal satisfaits, que ce soit dans les conditions actuelles de marché ou dans le cadre des politiques publiques, soit répondre à des besoins sociaux par une forme innovante d'entreprise […] ». Nous proposons de créer une ligne budgétaire dédiée à l'innovation sociale abondée de 200 millions.
Depuis la loi de finances de 2022, les crédits en faveur de l'innovation sociale ont tout simplement disparu. Il y a pourtant beaucoup à inventer en la matière, par exemple pour remédier à un problème comme le mal-être au travail. Malheureusement, cette forme d'innovation ne suscite que peu d'intérêt : l'innovation technologique prend le pas sur tout le reste. Ce ne serait pas un scandale que d'orienter 200 millions vers l'innovation sociale.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE75 de M. Charles Fournier
Il s'agit de rétablir les crédits destinés à financer les 15 000 emplois aidés dont le secteur souffrirait de la disparition.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-CE70 de M. Charles Fournier
L'amendement a pour objet de soutenir le déploiement des monnaies locales, auxquelles on peut ajouter les monnaies interentreprises, qui se sont développées dans de nombreux territoires. Ce n'est absolument pas un gadget : en certains endroits, ces monnaies ont accéléré l'économie locale du fait qu'elles ne se prêtent pas à la thésaurisation et incitent à privilégier les producteurs et acteurs locaux. À cet égard, le franc WIR en Suisse est un modèle qui mériterait d'être regardé avec intérêt.
Je soutiens cet amendement. Contrairement à l'euro, qui nourrit parfois la spéculation et les crises, les monnaies locales font tourner de manière tout à fait réelle l'économie de notre pays.
La commission rejette l'amendement.
Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous confirmer votre avis sur les crédits de la mission Économie relatifs à l'économie sociale et solidaire ?
Membres présents ou excusés
Commission des affaires économiques
Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 17 h 30
Présents. – M. Laurent Alexandre, M. Antoine Armand, Mme Anne-Laure Babault, Mme Anne-Laure Blin, M. Jean-Luc Bourgeaux, M. Bertrand Bouyx, M. Dino Cinieri, M. Romain Daubié, M. Julien Dive, Mme Christine Engrand, M. Frédéric Falcon, M. Grégoire de Fournas, M. Charles Fournier, M. Éric Girardin, Mme Florence Goulet, M. Alexis Izard, M. Guillaume Kasbarian, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, M. Pascal Lavergne, Mme Annaïg Le Meur, M. Gérard Leseul, M. Bastien Marchive, M. Éric Martineau, M. Patrice Perrot, Mme Anaïs Sabatini, M. Benjamin Saint-Huile, M. Lionel Tivoli, M. Jean-Pierre Vigier
Excusés. – M. André Chassaigne, M. Perceval Gaillard, M. Johnny Hajjar, Mme Hélène Laporte, Mme Nicole Le Peih, Mme Sandra Marsaud, M. Max Mathiasin, M. Philippe Naillet, M. Nicolas Pacquot, Mme Anne-Laurence Petel, M. Charles Rodwell, M. Jiovanny William