La commission examine le rapport de la mission d'information sur la fiscalité du patrimoine (MM. Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, rapporteurs).
Je suis particulièrement heureux, après que notre commission a examiné à l'été un rapport d'information sur la fiscalité des entreprises que j'ai présenté avec M. le rapporteur général Jean-René Cazeneuve, que nous puissions aborder, au travers du rapport qui nous est présenté par MM. Jean-Paul Mattei et Nicolas Sansu, la fiscalité du patrimoine . Ce rapport est le bienvenu avant l'examen du projet de loi de finances. Nous allons écouter les rapporteurs nous exposer les conclusions de leur travail.
Je tiens tout d'abord à remercier mon collègue Nicolas Sansu, pour son investissement dans nos travaux, l'ensemble des membres de la mission qui ont assisté aux auditions, les administrateurs de l'Assemblée nationale qui nous ont accompagnés dans la préparation de ce rapport ainsi que nos collaborateurs que nous avons mis à contribution et qui se sont avérés très efficaces. Ce travail, ainsi que d'autres études menées par de nombreux économistes, permettent de dégager quelques tendances de fond.
La politique monétaire non conventionnelle a permis de préserver au cours de la dernière décennie l'économie et des emplois, mais elle a généré une inflation importante de la valeur des actifs financiers et de l'immobilier au bénéfice des plus aisés.
De même, le vieillissement de la population conduit à une concentration du patrimoine au profit des catégories les plus âgées, à rebours peut-être des besoins de notre société.
Les inégalités proviennent également de déséquilibres du système économique, renforcés par la mondialisation, l'émergence de l'économie numérique et une forme de financiarisation de l'économie. Ces raisons ne sont pas toutes condamnables. Toutefois, certaines sont appelées à s'amplifier à court et moyen termes, alors que nous sommes confrontés à des défis de plus en plus importants, notamment le changement climatique.
Ce contexte nous conduit à interroger le cadre actuel de la fiscalité du patrimoine. Nous avons organisé de nombreuses auditions non seulement d'économistes, de praticiens des mondes juridique, administratif, financier et immobilier, mais également d'associations et de syndicats. Nous nous sommes donc efforcés d'approfondir les sujets.
Nous concluons que la fiscalité actuelle du patrimoine n'est plus en adéquation avec les besoins contemporains qui appellent certaines évolutions. Nous formulons de nombreuses recommandations communes ainsi que des propositions individuelles qui reflètent les divergences politiques et philosophiques que nous avons eues sur des sujets tels que les donations ou la fiscalité du logement.
Ce rapport dresse des pistes d'évolution de la fiscalité au regard des défis contemporains.
Une de nos premières recommandations concerne la possibilité d'appliquer une retenue à la source pour les plus-values mobilières. Actuellement, le prélèvement forfaitaire unique est payé à la source en matière de distribution de dividendes, ce qui n'est pas le cas en matière de plus-value lors d'une cession de valeur mobilière. Notre proposition constituerait une façon d'assurer une rentrée de trésorerie plus rapide.
Nous avons ensuite évoqué la contribution des revenus du capital au redressement des finances publiques et mené une réflexion relative à l'augmentation, raisonnable, du taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Ce sujet ne fait pas l'unanimité.
Pour financer les nécessaires investissements liés à la transition climatique, nous proposons la mise en place au niveau européen de prélèvements exceptionnels et explicitement temporaires sur le patrimoine des contribuables les plus riches.
Nous proposons également de lancer une réflexion relative à la mise en œuvre d'un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches afin de financer les aides aux pays pauvres. Cette proposition contient de façon sous-jacente l'idée de l'élaboration d'une forme de cadastre financier mondial, proposé par certains des économistes que nous avons auditionnés.
S'agissant des donations et successions, il conviendrait de revoir les abattements et le barème des droits de mutation à titre gratuit et de mener une réflexion relative aux transmissions, dans le cadre de familles recomposées, à des enfants qui ont vécu de nombreuses années avec des beaux-parents et qui seraient fondés à revendiquer une forme de filiation affective au sein des familles.
Nous avons constaté une accumulation des richesses en fonction de l'âge et nous proposons de transférer des capitaux, de manière modérée, en adaptant les bornes d'âge actuelles des dispositifs fiscaux en matière de donation de sommes d'argent, qui ne sont plus pertinentes.
En matière de donation et de transmission en ligne directe, il existe une tranche marginale à 45 %, alors que pour ce qui concerne l'assurance-vie la tranche marginale s'élève à 31,25 %. On peut s'étonner de cet écart.
S'agissant du pacte Dutreil, il conviendrait d'apporter une définition précise au terme « activité » afin de sécuriser son utilisation. Initialement, ce texte visait à favoriser la transmission d'entreprises familiales. Il semble efficace, bien que nous disposions de peu de données.
En ce qui concerne les plus-values sur les cessions de parts transmises dans le cadre du pacte Dutreil, beaucoup considèrent qu'il serait souhaitable d'instaurer un mécanisme de sursis à imposition. Nous proposons que, dans le cadre d'un pacte Dutreil, si l'on cède ses titres, la plus-value puisse être calculée en prenant comme référence la valeur abattue des titres transmis et non pas leur valeur totale.
S'agissant de la fiscalité immobilière, nous avons évoqué la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Nous préconisons de limiter l'abattement au titre de la résidence principale à six cent mille euros. Je rappelle que cela correspond à une valeur de la résidence principale s'élèvant à deux millions d'euros.
En ce qui concerne le revenu foncier, il importera absolument de réfléchir à une harmonisation du régime d'imposition pour les revenus des locations meublées et pour les autres revenus de location.
La mesure la plus novatrice serait, en matière de plus-value immobilière, de réformer l'abattement pour durée de détention. En effet, on peut s'interroger quant aux raisons pour lesquelles la plus-value sur la vente disparaît au bout de quelques années de détention. Ne s'agit-il pas d'un élément de rétention foncière qui limite la circulation des biens ? Ce point mérite une réflexion.
Enfin, afin de favoriser le « parcours résidentiel » depuis une première acquisition immobilière, nous préconisons de réfléchir à la mise en place d'un crédit aux droits de mutation payés lors de la première acquisition, ce qui permettrait de limiter le montant des droits d'enregistrement dus lors d'une nouvelle acquisition à la différence avec les premiers droits acquittés.
Je remercie Jean-Paul Mattei pour la loyauté et la transparence dont il ne s'est jamais départi pendant ces six mois de travail en commun. Nous avons confronté et additionné nos points de vue dans un respect réel et non feint. Je le remercie également pour le choix du thème de la fiscalité du patrimoine, car il nous a permis d'examiner l'ensemble des aspects du patrimoine (mobilier, immobilier, financier) et leur fiscalisation. Je remercie également les administrateurs et nos collaborateurs respectifs, les personnes qui ont accepté d'être auditionnées afin de nourrir le rapport et les membres de la mission.
Le projet de rapport que nous vous présentons vise à objectiver la réalité du patrimoine et sa constitution. Notre première remarque porte sur l'accroissement du patrimoine rapporté au produit intérieur brut (PIB) qui induit une accumulation vers le haut de l'échelle, dans le dernier décile, voire centile, voire les 0,1 %. Il ne s'agit pas de prendre parti mais d'observer les dynamiques. Comme le montrent de nombreuses études répertoriées dans le rapport, au sein de cette dynamique, la part de l'héritage devient prépondérante puisque l'héritage explique aujourd'hui en moyenne 60 % de la constitution des patrimoines contre seulement 35 % il y a cinquante ans. Cette distorsion, qui n'est pas propre à notre pays, peut, si l'on n'y prend pas garde, entraver le pacte social et fiscal. L'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, qui précise que chacun contribue selon ses facultés respectives à la charge commune, est-il respecté dans l'esprit, si ce n'est dans la lettre ? Force est de constater que le débat s'impose, car pour ma part, j'estime que les modifications successives ont entraîné notre architecture fiscale vers un impôt moins progressif et donc moins juste.
La fiscalité sur le patrimoine progresse en valeur parce que les patrimoines ont explosé sous le double effet d'un renchérissement de l'immobilier, bien au-delà de l'inflation, et d'une valorisation des actifs financiers, donc des revenus des capitaux mobiliers. La part de la fiscalité du patrimoine reste pourtant stable si on la rapporte à la valeur du patrimoine. Forts de ce constat posé par type de patrimoine (assurance-vie, immobilier, titres financiers), nous avons cherché à identifier des pistes de réflexion qui assurent le double objectif de favoriser le consentement à l'impôt, en retrouvant plus de justice fiscale, et de garantir un niveau de recettes compatible avec les choix politiques de notre pays en matière de service public, d'assurance-maladie, d'investissements publics au niveau national ou local.
Sur ces bases, nous avons retenu vingt-sept pistes communes. Elles ne représentent évidemment pas autant d'amendements conjoints pour le prochain PLF, mais de simples pistes de réflexion. À titre d'exemple, nous proposons des réflexions sur la contribution des très hauts patrimoines au financement de la transition écologique. Ne pas lancer ce débat serait une faute, même s'il serait souhaitable d'aller plus loin et d'établir des limites. Quoi qu'il en soit, le pire consisterait à ignorer ce qui se passe, notamment avec l'Initiative citoyenne européenne autour de « Tax the rich », à laquelle se sont joints plusieurs multimillionnaires qui se sont dits prêts à payer plus d'impôts.
Nous proposons également de réfléchir non seulement au montant de la flat tax pour la rapprocher des 33 %, mais aussi à son assiette. Nul n'ignore que je plaide pour davantage de barémisation de l'imposition de tous les revenus, mais j'ai suivi le président Mattei conformément à l'adage selon lequel un petit pas vaut mieux que mille programmes.
S'agissant des holdings et de leur défaut de transparence, il importera d'identifier des solutions visant à empêcher l'évitement fiscal manifeste par la remontée de dividendes.
Toutefois, nous manquons de données fiables sur certains dispositifs, notamment le pacte Dutreil. Nous demandons donc à l'administration de se doter des outils et des moyens nécessaires pour objectiver ces dispositifs et mieux les calibrer.
Enfin, nous avons abordé un sujet qui ne fait absolument pas l'objet d'un consensus, à savoir la proposition d'instaurer une imposition du flux successoral qui, à mon sens, constitue un outil pertinent pour lutter contre une société de l'héritage. Je pense que ce sujet ne doit pas être laissé en jachère et je ne doute pas que certains sauront s'y intéresser.
Ce sont, dessinées à grands traits, les lignes de force de ce rapport. Prenons-le pour ce qu'il est, à savoir un rapport et non pas une proposition de loi, bien qu'il puisse s'avérer judicieux d'en tirer quelques propositions de loi. Ce rapport consolide les données chiffrées sur plusieurs dizaines d'années et permet à chacun de l'utiliser pour que la fiscalité sur le patrimoine soit plus juste, plus utile et plus efficace.
Ce n'est qu'un rapport, certes, mais j'estime que ce travail est très important parce qu'il a été approfondi, sans tabou. J'ai eu l'occasion, sous la précédente législature, d'être chargé d'un rapport avec Jean-Paul Mattei et j'ai apprécié son ouverture d'esprit tout comme j'ai apprécié celle du rapporteur général lors de notre travail commun sur la fiscalité des entreprises.
Je connais bien l'équité de Jean-Paul Mattei et de Nicolas Sansu. Je pense que ce système qui vise à constituer des binômes de rapporteurs de la majorité et des oppositions est efficace. C'est un rapport de qualité qui nous est présenté dans ce cadre.
Ce rapport couvre un champ fiscal très large puisqu'il ne se contente pas d'examiner la fiscalité pesant sur la détention et la transmission du patrimoine. Il s'intéresse également aux revenus générés par ce patrimoine.
Il rappelle que la répartition du patrimoine est de plus en plus inégalitaire. Ce constat se fonde sur plusieurs données très documentées aux niveaux national et international. Il me semble important de nous remémorer certaines d'entre elles avant tout débat objectif. Début 2021, 92 % de la masse du patrimoine brut sont détenus par la moitié la mieux dotée des ménages. Les 5 % les mieux dotés détiennent un tiers des avoirs patrimoniaux (34 %). Le 1 % les mieux dotés en concentre 15 %. Entre 1998 et 2018, le patrimoine brut moyen des 10 % des ménages les moins dotés a diminué de 48 % alors que celui des 10 % des ménages les mieux dotés a augmenté de 119 %. Compte tenu des modifications récentes de la loi, je doute que cette trajectoire se soit infléchie. Alors que parmi les 10 % de ménages les plus modestes 65 % ne possèdent aucun logement, 9 % de multipropriétaires, qui possèdent au moins quatre logements, détiennent 31 % du parc locatif privé. Ce rappel est important parce que la concentration de richesse remet en cause notre pacte social.
Si les inégalités de patrimoine se transmettent d'une génération à l'autre, et donc s'amplifient, comment pouvons-nous accepter un système qui n'apporte pas de réponse aux difficultés à se loger, se nourrir ou se soigner, c'est-à-dire à des besoins fondamentaux ? Comment pouvons-nous accepter de demander aux plus démunis de participer à l'effort nécessaire à la transition écologique, alors que ceux qui peuvent le plus ne font pas plus ? Une société qui permet à une minorité toujours plus petite d'hériter des richesses pendant que la quasi-totalité se voit léguer une dette climatique n'est pas acceptable. Les fondations des principes républicains sont ainsi minées.
Je rappelle - et le chef de l'État l'a confirmé à plusieurs reprises - que sur la question climatique nous sommes en guerre. Si nous sommes en guerre, il importe de procéder à des modifications fiscales importantes. L'impôt sur le revenu est né de la Première Guerre mondiale. Je me félicite donc que ce rapport contienne une recommandation partagée, à savoir la mise à contribution des plus riches afin de financer les investissements nécessaires à la transition écologique.
Le redéploiement des économies liées à la suppression des « niches brunes » ne suffira effectivement pas à atteindre les 34 milliards d'euros d'investissements supplémentaires qui seront nécessaires à partir de 2030, surtout en se contentant des mesures qui sont proposées pour le PLF 2024. J'espère que cette prise de conscience partagée par les rapporteurs nous permettra d'aboutir à des propositions, si ce n'est communes, du moins majoritaires.
D'autres propositions formulées sont également intéressantes, notamment la proposition de relever les quotes-parts pour frais et charges applicables aux remontées de dividendes des holdings patrimoniales ou encore la proposition d'évolution du régime fiscal de l'épargne retraite afin d'éviter que ses avantages soient concentrés sur les contribuables à hauts revenus.
En revanche, il me semble que les rapporteurs sont un peu trop timides à l'égard de certains aspects actuels de la fiscalité du patrimoine qui peuvent être critiqués ou contestés. Restreindre l'ISF à un impôt sur la fortune immobilière a permis au patrimoine financier des particuliers d'échapper à cette taxation. La suggestion d'augmenter de quelques points la flat tax me semble encore trop modeste par rapport à ce système qui a beaucoup trop avantagé non seulement les revenus des capitaux, mais en réalité les revenus les plus importants tirés du capital alors que j'estime que les revenus du capital devraient être traités comme les revenus du travail.
Au-delà des propositions partagées par les deux rapporteurs de ce rapport, je relève que certaines idées sont mises en avant par le seul Nicolas Sansu. Il suggère notamment l'application de la transparence fiscale à l'ensemble des sociétés patrimoniales détentrices de participations, ce qui permettrait ainsi de taxer le revenu économique des personnes les plus fortunées qui échappent aujourd'hui largement à l'impôt, comme le confirme une récente note diffusée par l'Institut des politiques publiques (IPP). En effet, les cent cinquante plus grandes fortunes de France sont assujetties à un taux d'imposition d'environ 25 % (impôts personnels et professionnels confondus) alors qu'il est supérieur à 45 % pour les contribuables à hauts revenus. La limitation du plafonnement de l'impôt sur la fortune immobilière permettrait d'éviter que les plus grandes fortunes bénéficient d'un mécanisme excessivement avantageux.
À l'inverse, certaines recommandations communes me laissent perplexe, notamment la recommandation relative à l'adaptation des bornes d'âges applicables à l'exonération de droits de mutation pour les dons de sommes d'argent dans le cadre familial. Il s'agit là d'une possibilité de transmettre totalement dérogatoire, très avantageuse pour les personnes détenant de gros patrimoines qui peuvent se permettre de donner des grosses sommes d'argent à leurs enfants et petits-enfants. Je conteste le fait que les limites d'âge actuel de quatre-vingts ans pour le donateur et dix-huit ans pour le donataire soient excessives. En outre, j'attire votre attention sur le fait qu'en faisant sauter la borne des quatre-vingts ans, vous faciliterez encore plus le fait de pouvoir y avoir recours plusieurs fois au cours de la vie puisque cet avantage est reconstitué tous les quinze ans. Plus fondamentalement, je m'interroge quant à ce dispositif fiscal dérogatoire. Quel est son coût annuel ? Combien de personnes en bénéficient ? Dispose-t-on d'une évaluation sérieuse de l'intérêt qu'il représente ? Ne serait-il pas souhaitable de réfléchir à la suppression ou à un encadrement beaucoup plus strict d'un tel avantage fiscal ?
Malgré ces observations critiques, je vous félicite pour votre rapport.
Je salue également le travail de très grande qualité de nos rapporteurs, et je pense qu'il fera date. Il dresse un état des lieux extrêmement exhaustif et j'encourage chacun de vous à le lire dans le détail.
Messieurs les rapporteurs, vous présentez de nombreuses recommandations, dont vingt-sept sont communes ce qui est louable. Nombreuses sont celles que je pourrais reprendre à mon compte.
Dans la première partie de votre rapport, vous posez le constat d'un rendement dynamique en France de la fiscalité du patrimoine qui aurait augmenté de 49 % entre 2012 et 2022 alors que l'érosion monétaire s'est élevée sur la même période à 13,6 %. Le niveau de prélèvements sur le patrimoine est plus élevé en France qu'ailleurs en Europe. Pour autant, vous proposez d'asseoir une plus grande part des recettes publiques sur le patrimoine et d'alourdir notre fiscalité sur l'assurance-vie, le PFU, l'IFI au titre de la résidence principale, etc. Comment définiriez-vous l'équilibre fiscal que vous recherchez à travers vos propositions ? N'identifiez-vous pas une petite contradiction entre constater que la fiscalité du patrimoine est extrêmement dynamique et vouloir encore l'alourdir ?
Vous proposez de lancer une réflexion portant sur un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches afin de financer des aides aux pays les plus pauvres. Je soutiens cette mesure qui me paraît intelligente. Comment envisagez-vous la réflexion que vous proposez ? Quelle serait selon vous la cible d'une telle initiative, s'agissant du niveau de richesse concerné et de la nature de l'assiette taxable ?
Vous proposez une légère augmentation du PFU. Il est intéressant de constater que, dans la majorité de vos propositions, vous vous placez dans un cadre international et nous savons que sans cohérence internationale, le risque de voir des personnes et des entreprises quitter notre territoire est important et prégnant. Le PFU se situe actuellement dans la moyenne internationale. Pourquoi envisagez-vous de l'augmenter ? Est-ce une pure proposition de rendement ?
Vous exposez un défaut de notre fiscalité du patrimoine qui me semble notable, à savoir qu'en cas de transmission d'un titre, sa valeur est soumise au barème des droits de mutation entre vifs ou suite au décès. Pour autant, la plus-value enregistrée par le donateur tout au long de la détention du titre n'est pas taxée en tant que telle. Elle est effacée par la transmission. Ce constat doit être étudié avec attention. Il constitue un des rouages qui génèrent un doute sur le fait que la plus-value de la réussite professionnelle des personnes les plus fortunées soit effectivement taxée un jour ou l'autre. Vous faites d'ailleurs une proposition à ce sujet dans le cadre du pacte Dutreil. Je considère pour ma part qu'il serait pertinent d'interroger le principe même de l'effacement de la plus-value lors de la transmission d'un actif mobilier. Comment pourrions-nous envisager de taxer ce type de plus-values, en déduisant bien entendu la plus-value de l'assiette des droits portant sur la transmission elle-même ?
Une de nos recommandations concerne le régime dit mère/fille et les remontées de dividendes. Deux écoles s'opposent. La première considère qu'une société holding doit bénéficier d'une unité fiscale, c'est-à-dire de la faculté de conserver ou de réinvestir les bénéfices. À l'inverse, certains économistes préconisent la transparence fiscale de ces sociétés holding. On peut effectivement s'interroger quant au montant de la quote-part de frais de gestion appliqué aux dividendes perçus par les sociétés mères et à celui appliqué en cas de cession de titres de participation. Concrètement, cela signifie que la taxation des dividendes ainsi remontés s'élève à 1,25 % et celle des plus-values sur les titres cédés à un peu plus de 3 %. Ces systèmes peuvent être utiles pour permettre le développement des sociétés, mais on peut s'interroger lorsque la trésorerie dort, ne sert plus et devient en quelque sorte une grande tirelire qui manque d'affectation. Faut-il pour autant aller vers la transparence ? Je pense que ce n'est pas souhaitable, mais le sujet peut être posé. Tel était le sens de nos recommandations.
S'agissant de l'instauration d'un report ou d'un sursis d'imposition en matière de plus-values latentes, notre droit fiscal repose sur le principe selon lequel la transmission à titre gratuit purge la plus-value. Notre recommandation concerne a minima le pacte Dutreil. Actuellement, l'article 41 du code général des impôts prévoit de purger la plus-value réalisée lors de la cession d'un bien professionnel lorsque l'activité est poursuivie pendant au moins cinq ans. Il est possible d'aménager ce régime en restant vigilant à ne pas tomber dans des excès de reports ou de purges des plus-values.
Je reviens sur les propos du président Coquerel selon lesquels une de nos propositions assouplirait et favoriserait les transmissions anticipées pour les ménages les plus aisés. Je précise qu'il s'agit d'une propositon faite par le seul rapporteur Mattei. Pour ma part, je pense qu'il faut évoluer vers la taxation du flux successoral, qui mettrait fin à l'ensemble de ces dispositifs de donation. Cette question-là mérite d'être approfondie.
Monsieur le rapporteur général s'interroge quant à notre souhait de remettre un peu de pression fiscale sur le patrimoine alors que la fiscalité dans ce domaine est déjà très dynamique. Les patrimoines ont explosé. Les revenus fiscaux sur le patrimoine ont augmenté de 42 %, mais les patrimoines ont augmenté de 50 %. Force est de constater que les plus hauts patrimoines contribuent moins, ce qui pose une question majeure, notamment en ce qui concerne le consentement à l'impôt. Ce sont des pistes de réflexion et je pense qu'il n'est pas souhaitable de s'en exonérer alors que nos concitoyens s'acquitteront de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TIPP) et de la TVA à des niveaux considérables et que les plus aisés ne font aucun effort.
L'impôt mondial sur les patrimoines serait un impôt progressif applicable aux plus riches, les ultra-multi-millionnaires et les milliardaires. Il serait intéressant de l'étudier attentivement afin de résoudre les crises climatique et migratoire que nous connaissons actuellement.
S'agissant du PFU, je suis évidemment partisan de la barémisation. Toutefois, le PFU existe et nous en proposons une augmentation ainsi que d'autres mesures qui permettraient d'éviter les excès, telles que l'augmentation des quotes-parts de frais de gestion.
Je tiens à saluer, Messieurs les rapporteurs, la très grande qualité de votre rapport, dont la lecture nous permet d'avoir un panorama très complet sur la fiscalité du patrimoine en France, et la pertinence de certaines de vos propositions.
Dans ce rapport, vous dressez un état des lieux de l'évolution du patrimoine, vous vous interrogez sur le cadre actuel de la fiscalité du patrimoine et vous faites des recommandations non seulement communes, mais aussi individuelles, qui nourrissent clairement ce rapport.
Vous soulignez que le flux et le stock de patrimoine en France sont marqués notamment par une inflation de la valeur des actifs financiers de l'immobilier due à une diminution des taux d'intérêt bas. Cependant, cette situation est volatile. En effet, les taux d'intérêt augmentent et donc, la valeur des actifs financiers immobiliers va probablement baisser. C'est une loi intangible en finances : elle dégradera le patrimoine des ménages. Vous auriez pu évoquer ce point afin de relativiser le phénomène d'une augmentation régulière des valeurs patrimoniales et d'une aggravation continue des inégalités.
S'agissant de la fiscalité du patrimoine, vous relevez à juste titre que cette fiscalité est parmi les plus lourdes de l'Union européenne et que la baisse des taux a permis d'augmenter le rendement des recettes fiscales. Vos propositions qui aggravent la fiscalité sur le flux de revenus et le stock de patrimoines me paraissent totalement contre-productives. En effet, elles se traduiraient par une diminution des recettes fiscales et elles entameraient l'attractivité de notre économie. Nous sommes à nouveau le premier pays d'accueil des investissements directs étrangers. La diminution de notre fiscalité du capital, encore très lourde, est clairement à l'origine de cette performance qui crée de la croissance et donc de l'emploi.
Les propositions qui concernent l'assurance-vie sont intéressantes et nourrissent le débat. Toutefois, si nous voulons constituer une réserve d'épargne suffisante pour financer l'investissement productif, il nous faut un cadre stable sans remise en cause des règles fiscales. L'instabilité fiscale est contre-productive. Elle entame la confiance dans l'épargne et tarit les sources de financement de notre investissement. Pour ma part, je suis très sceptique sur vos recommandations trois, quatre et treize qui introduisent de la complexité là où il faudrait de la simplification, qui augmentent les impôts sur l'assurance-vie et qui abîmeraient la seule voie de transmission à un tiers.
Enfin, nous partageons vos propositions relatives au logement puisqu'avec Charles de Courson, nous avons formulé les mêmes, lors de la présentation de notre rapport en juillet.
Vos propositions relatives au pacte Dutreil et celles qui portent sur des dispositifs européens ou mondiaux me semblent tout à fait pertinentes.
Je salue l'ampleur et la qualité du travail que vous avez effectué. Votre rapport fait de nombreuses propositions. Nous en partageons certaines : éviter de favoriser la rétention des terrains, faciliter les donations, repenser le régime fiscal de l'épargne-retraite, faire contribuer le patrimoine financier plus efficacement. En revanche, nous sommes sceptiques sur quelques autres propositions.
S'agissant de l'ISF vert, repris du fameux rapport Pisani-Ferry, préconisez-vous un ISF vert au niveau français ou au niveau européen ? Dans le dernier cas, serait-ce une ressource propre de l'Union européenne ?
Vous proposez d'augmenter la flat tax de trois points. Ne craignez-vous pas que cette hausse défavorise certains artisans indépendants et certains entrepreneurs ? Nous avions d'ailleurs proposé l'année dernière de limiter le bénéfice du PFU aux foyers fiscaux dont le revenu est inférieur à un certain seuil. En tout état de cause, allez-vous présenter un amendement au PLF sur cette question ?
Concernant la fiscalité immobilière, nous souhaitons supprimer l'IFI pour le remplacer par un IFF, impôt sur la fortune financière. Votre rapport souligne d'ailleurs que le patrimoine financier est plus inégalement réparti que le patrimoine immobilier. Nous souhaitons très sensiblement alléger les droits de succession, notamment sur la résidence principale qui ne concerne pas que les ménages les plus aisés, 58 % des Français étant propriétaires. Nous souhaitons également faciliter et augmenter le seuil des donations entre vifs. Nous partageons certains points sur la facilitation des transmissions, mais nous voudrions aller plus loin, de sorte à remettre sur le marché des fonds aujourd'hui thésaurisés. En période de crise du logement, cela pourrait peut-être aider soit à acquérir un bien, soit à réaliser des travaux de rénovation énergétique dans certains logements.
Enfin, nous voudrions également aller plus loin pour la transmission des petites entreprises, notamment pour les exploitations agricoles familiales, pour lesquelles il serait souhaitable de supprimer complètement les droits de succession.
Nous nous souvenons tous du fameux amendement Mattei, qui visait à taxer les superdividendes, adopté l'année dernière par l'Assemblée nationale avant d'être balayé par le 49-3. Nous ne retrouvons pas cette proposition dans votre rapport. Y avez-vous renoncé ? Ne s'inscrivait-elle pas dans le champ du rapport ? Que devient cette proposition qu'évidemment nous soutenions ?
Ce rapport est excellent. Le constat s'avère pertinent quand l'inflation dévore le budget des Français avec des prix alimentaires qui ont augmenté de 20 % alors que le ministre de l'économie affirme que la société française ne s'appauvrit pas. À l'heure où il devient extrêmement complexe pour les classes intermédiaires et populaires d'avoir accès à la propriété, vous mettez en lumière la hausse des inégalités tout en soulignant que la crise n'atteint pas tout le monde.
Les chiffres que vous présentez sont alarmants. J'espère que celles et ceux qui subissent la crise de plein fouet m'écoutent ou liront votre excellent rapport. Les 5 % les plus riches détiennent 34 % du patrimoine pendant que les 50 % des plus pauvres ne détiennent que 8 % du patrimoine. Entre 1998 et 2018, le patrimoine des plus pauvres a été divisé par deux, alors que le patrimoine des 10 % les plus riches a augmenté de 120 %. Ce constat est alarmant et il pourrait sans doute mettre en colère, à juste titre, l'ensemble des concitoyens qui se lèvent tôt chaque jour et qui n'ont pas un salaire suffisant.
Vos propositions à ce sujet vont dans le bon sens, bien qu'elles ne soient pas nouvelles. En effet, pour pallier cette situation, vous proposez notamment l'augmentation de l'impôt sur les dividendes, en particulier pour financer le déficit public, et la création d'un impôt sur la fortune européen pour financer la transition écologique. Ce sont des mesures de bon sens, conformes à ce que préconisent les économistes. M. Pisani-Ferry a participé au programme d'Emmanuel Macron et il plaide pour un impôt exceptionnel temporaire qui toucherait les plus aisés pour financer la transition écologique. C'est également l'avis des milliardaires dont deux cents ont signé une lettre ouverte intitulée « Taxez nous » lorsqu'ils étaient à Davos. D'autres pays le font : l'Espagne, les États-Unis et nous l'avons fait dans le passé, avec l'impôt sur le revenu pendant la Première Guerre mondiale.
Monsieur le rapporteur Mattei, la majorité à laquelle vous appartenez a diminué l'impôt sur les sociétés, supprimé l'impôt de solidarité sur la fortune et souhaite sans cesse alléger la fiscalité sur le patrimoine, mesures qui ne vont pas dans le bon sens. Comment comptez-vous convaincre le gouvernement d'accepter toutes les propositions contenues dans un rapport qui, lui, va dans le bon sens ?
En effet, ce rapport est très intéressant et tout à fait remarquable. Je salue le travail de nos deux rapporteurs.
L'effet de rétention de l'impôt sur les plus-values immobilières me semble un sujet prégnant. J'ai noté également la proposition 17 sur l'indexation des abattements IFI, commune aux deux rapporteurs, et je m'en réjouis. Les propositions relatives à la flat tax ne sont pas inintéressantes. La flat tax concerne les revenus mobiliers, pourquoi ne proposez-vous pas l'équivalent sur le revenu immobilier qui ne bénéficie pas des mêmes avantages ? Le peu d'attrait des propriétaires pour l'investissement locatif pose des problèmes.
Les droits de succession constituent un véritable sujet d'actualité, d'abord parce que le Président de la République a pris des engagements clairs dont nous souhaitons qu'ils se traduisent dans les faits et dans les textes. Ensuite, parce que l'impôt sur les successions est l'impôt le plus impopulaire. Enfin, parce qu'il représente une spécificité française. Nous sommes le pays qui impose le plus lourdement les successions. J'invite les uns et les autres à lire attentivement le tableau qui figure en page 51 de votre rapport, qui montre très clairement que l'impôt sur les successions génère des recettes trois fois supérieures à celles de l'Allemagne et quatre fois supérieures à la moyenne de l'OCDE. Je dénonce cette spécificité française qui nous inquiète. Il est d'autant plus indispensable de le réformer que nous sommes dans une période d'inflation. Nous sommes également dans une période où l'espérance de vie s'étant accrue, les patrimoines sont concentrés sur des gens âgés. On peut parfaitement imaginer transmettre des patrimoines à des gens entre trente-cinq et quarante-cinq ans qui utiliseront cet argent à des fins d'investissement dans l'immobilier ou dans des entreprises. En ce sens, votre rapport est pertinent et nous espérons que la loi de finances de cette année permettra des évolutions significatives sur la base de ce rapport.
Je vous remercie pour ce rapport complet et de qualité.
Vous soumettez l'idée de création d'un ISF vert sur les plus aisés, à l'échelle européenne, pour financer la transition écologique. Pouvez-vous nous apporter des précisions ? L'échelle européenne vous semble-t-elle la plus opportune ?
Nous vivons actuellement une importante crise du logement qui risque de s'aggraver. Il convient d'identifier des mesures dans l'urgence afin de libérer du foncier et plusieurs propositions figurant dans ce rapport sont à ce titre très intéressantes. Vous suggérez la création d'un statut de l'investisseur immobilier afin d'encourager les particuliers à investir dans l'immobilier en respectant des conditions écologiques et sociales. Vous avancez également l'idée très ambitieuse de supprimer l'abattement pour durée de détention au titre des plus-values immobilières pour fluidifier le marché de l'immobilier et éviter la rétention foncière. Sur ce point, je partage le constat du président Mattei. Cette évolution doit néanmoins se faire progressivement. Pouvez-vous préciser la manière dont vous envisagez de procéder pour que cette réforme puisse entrer en vigueur sans trop de bouleversements à court terme ?
De nombreux acteurs économiques insistent également sur l'importance des prélèvements obligatoires portant sur le secteur du logement. Ils sont passés de 56,8 milliards d'euros en 2010 à 88,3 milliards d'euros en 2021. Comment expliquer cette augmentation ? Quels moyens proposez-vous pour éviter que ces augmentations de prélèvements obligatoires pèsent trop lourdement sur le propriétaire qui, souvent, s'est constitué un modeste patrimoine immobilier tout au long de sa vie pour assurer un complément de revenus à sa retraite ?
Ce rapport est bienvenu parce qu'il met en lumière les inégalités de patrimoine et surtout leur évolution croissante, qui est inquiétante.
La France tourne à plusieurs vitesses, avec des très riches qui vivent sur une autre planète, une classe moyenne qui garde à peine la tête hors de l'eau et les très pauvres, abandonnés des politiques publiques et que le Gouvernement traite comme des fainéants sans mérite. Les nouvelles mesures voudraient les envoyer travailler de force, notamment dans des emplois inadaptés ou dangereux : la réforme de l'assurance chômage, la réforme des retraites ou encore le projet France Travail.
Ce rapport met en lumière les raisons de cet accroissement des inégalités. Force est de constater que pour devenir propriétaire, il faut hériter. La prise de valeur de l'immobilier conduit à creuser l'écart avec ceux qui ne sont pas propriétaires. Il faut être propriétaire pour rester dans le haut de la classe moyenne. Le patrimoine financier permet aux plus riches des plus riches de le rester et de le devenir encore plus. La suppression de l'ISF et l'instauration de la flat tax sur les dividendes ont intensifié cet état de fait.
Ce rapport comporte vingt-sept recommandations, mais je souhaiterais connaître la position du rapporteur général du budget sur trois points, à savoir la taxation des revenus d'assurance-vie en fonction de l'ancienneté réelle des versements et non de la date d'ouverture du contrat, le plafonnement à 600 000 euros de l'abattement sur la valeur de la résidence principale dans le cadre de l'IFI et enfin l'élargissement du pouvoir de taux des départements sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).
Ce rapport mentionne le constat selon lequel l'héritier d'aujourd'hui est un retraité, ce qui explique notamment la concentration du patrimoine. Je crois que notre pays n'a pas tiré les conséquences de cette situation liée au vieillissement. Ce constat pose la problématique de la transmission du patrimoine.
Je vous félicite d'écrire que notre pays a organisé la rétention foncière. Plus on détient un patrimoine longtemps, moins on paie d'imposition sur la plus-value. J'espère que la loi de finances en tiendra compte. En tout cas, le groupe Horizons défendra cette position.
Le défi auquel nous devons faire face aujourd'hui consiste également à produire du logement, puisque le secteur de la production est en train de s'arrêter, et à s'occuper du stock en opérant des travaux de réhabilitation. Certains auteurs, des fiscalistes et des professionnels du logement, envisagent l'idée d'exclure de l'IFI les locations soumises à un plafond de ressources et un plafond de loyer, ainsi que celles pour lesquelles les propriétaires décideraient de les soumettre à des contraintes d'intérêt général. Qu'en pensez-vous ?
Je remercie nos collègues pour cet excellent rapport qui examine les mécanismes actuels de la fiscalité du patrimoine, pointant plusieurs aspects dont l'amélioration permettrait une plus grande justice fiscale et dégagerait des moyens supplémentaires pour faire face aux défis de la transition écologique.
50 % des ménages détiennent 92 % de la masse de patrimoine brut. 5 % d'entre eux détiennent un tiers de ces avoirs. Et parmi ces 5 %, 1 % des mieux dotés en concentrent 15 %. Autrement dit, 50 % des ménages ne détiennent que 8 % de la masse du patrimoine.
La prédominance de la fortune héritée dans la composition de la richesse des ménages affiche une tendance croissante depuis les années soixante-dix. Cette concentration de la richesse pose des problèmes sociétaux, notamment en termes d'ascension sociale, d'émancipation individuelle, de consentement à l'impôt. Les lacunes et les insuffisances de la loi ainsi que l'incivisme fiscal permettent à certains des plus riches de trouver des échappatoires pour minimiser leur contribution au financement des biens communs, notamment des services publics. Ce rapport aborde très clairement et très fermement la nécessité de mieux encadrer certaines niches fiscales telles que le pacte Dutreil, et explore des pistes pour limiter la reproduction générationnelle des très hauts patrimoines, notamment en tenant compte du flux successoral tout au long de la vie. Ces propositions affichent l'ambition d'atteindre une plus grande justice fiscale en déterminant un niveau de prélèvements cohérent avec nos choix collectifs dans le but de revitaliser notre pacte social.
Notre groupe soutient plusieurs de ces propositions et je retiendrai en particulier la proposition relative à la fiscalité des dividendes et des plus-values qui ne saisit qu'une petite partie des distributions auxquelles procèdent les entreprises. D'après les comptes nationaux de l'Insee, en 2021, les sociétés non financières ont distribué 230 milliards d'euros de dividendes. Les comptes des ménages font apparaître en ressources 44 milliards d'euros. Les sociétés non financières ont enregistré en ressources 180 milliards d'euros de dividendes. Cherchez l'erreur et cherchez surtout à quel moment on taxe ces dividendes.
Ce rapport dresse un état des lieux nécessaire sur les inégalités de patrimoine et ouvre des perspectives fiscales pour y remédier. Plusieurs recommandations ont déjà été évoquées, notamment pour accroître la flat tax et mettre en place une contribution exceptionnelle sur le patrimoine. Ces propositions ne sont pas à la hauteur de celles que porte le groupe GDR lors des différents PLF, mais il va de soi que si nous pouvions obtenir ces avancées, nous les prendrions.
Ma question portera sur la taxe foncière. Outre la hausse mécanique des bases, à hauteur de 7 % cette année, certaines mairies, dont les dotations diminuent d'année en année, ont été obligées d'accroître le taux de cet impôt qui est désormais très mal perçu par nos compatriotes, en partie à raison. En effet, d'une part, il est assis sur des valeurs locatives qui s'avèrent totalement désuètes et d'autre part, il pèse parfois très lourd pour de petits propriétaires. Cette situation participe au délitement du consentement à l'impôt. À part l'Arlésienne de la réforme des valeurs cadastrales, comment rendre cet impôt plus progressif et donc plus acceptable pour le plus grand nombre ? Faut-il aller vers un barème progressif ?
Je remercie nos deux rapporteurs pour la masse d'informations qu'ils ont récoltées. Les propositions sont très diverses et certaines s'apparentent davantage à des réflexions. Quoi qu'il en soit, ce rapport constitue une base de réflexion.
Vous n'avez pas évoqué dans votre rapport les retraites. Or pour les gens les plus modestes, leur retraite représente leur plus grand patrimoine. La capitalisation des droits à retraite est presque aussi importante que l'immobilier.
Les économistes en France et dans d'autres pays de même niveau de développement constatent que la taxation des revenus du patrimoine est d'autant plus élevée que la rentabilité des biens est faible. C'est pour partie le fruit d'un système fiscal qui est un héritage historique construit sur les biens connus, c'est-à-dire les biens immobiliers. Les biens immobiliers sont donc beaucoup plus taxés que les biens mobiliers pour une raison purement historique. Mais ce n'est absolument pas équitable et ce constat a été accentué par l'exclusion des biens mobiliers de l'assiette de l'IFI, alors même qu'ils sont beaucoup plus rentables que les biens immobiliers.
Vous considérez que la concentration des inégalités patrimoniales est liée à plusieurs phénomènes, notamment l'augmentation de l'espérance de vie. Si nous vivons tous un siècle, le patrimoine se concentrera sur les gens âgés, mais il semble que l'espérance de vie stagne désormais.
Par ailleurs, si les taux d'intérêt sont quasiment nuls, la valeur des biens explose. Les taux d'intérêt remontant actuellement très rapidement, il serait intéressant de refaire cet exercice, dans trois, quatre ou cinq ans, et de voir si le phénomène de concentration perdure ou se réduit.
Ce rapport constitue un document de travail qui permet de faire émerger des positions politiques.
En réponse à Daniel Labaronne, on peut en effet s'interroger quant à un éventuel effet pervers de l'augmentation de la flat tax. Le taux proposé est raisonnable. Je rappelle d'ailleurs qu'il est possible d'opter pour l'imposition au barème de l'impôt sur le revenu. La flat tax se décompose entre 12,8 % d'impôt sur le revenu et 17,2 % de prélèvements sociaux. J'entends bien que, quand on parle d'un dividende, l'impôt sur les sociétés est applicable. En cumul, la fiscalité sur les dividendes s'élève à 37,8 %. En comparaison, la tranche marginale de l'impôt sur le revenu s'élève à 45 %. Il est donc légitime de s'interroger quant à la contribution des revenus du travail au budget de l'État par rapport à celle des revenus du capital. La situation est un peu différente en matière d'imposition des plus-values sur les valeurs mobilières.
Les recettes diminueraient-elles en augmentant le taux du PFU ? Je n'en suis pas convaincu.
S'agissant des droits de succession, en ligne directe, le barème prévoit un taux de 45 % au-dessus de 1 800 000 euros. La taxation des droits de succession est tout de même importante.
Je pense qu'il convient de limiter la taxation des donations de sommes d'argent. Ce rapport constate l'inégalité des patrimoines, mais les problèmes fiscaux ne touchent pas tout le monde. Il convient de réfléchir. Si nous permettons la fluidité, il faut l'encadrer et rechercher une réduction des inégalités entre ceux qui ont la chance de recevoir et ceux qui n'ont rien.
Vous m'interrogez sur les superdividendes, mais le rapport n'aborde pas la question. Je rappelle que l'intérêt de ma proposition de taxation des superdividendes consistait à dire qu'un bénéfice de l'entreprise investi dans cette dernière constitue un bénéfice utile. Lorsqu'il sort de l'entreprise, il change de nature et il devient un revenu du capital. On peut considérer qu'il est normal d'avoir une rémunération de l'investisseur, mais pas une sur-rémunération. C'était le sens de l'amendement sur les superdividendes.
Je souhaitais mener cette mission car la fiscalité du patrimoine a été peu évoquée dans les programmes présidentiels. C'est regrettable parce que c'est un vrai sujet de société.
S'agissant du foncier, nous sommes d'accord sur la proposition relative aux plus-values immobilières. En revanche, Nicolas Sansu ne partage pas l'idée de créer un statut de l'investisseur immobilier. Je rappelle qu'un amendement avait été adopté l'année dernière dans l'hémicycle, mais il n'a pas été retenu dans le cadre du 49-3. Il prévoyait la possibilité pour un investisseur d'opter pour la flat tax pour les revenus fonciers. Les revenus fonciers sont actuellement taxés au barème ce qui signifie qu'ils sont taxés à une tranche marginale d'impôt sur le revenu de 45 %, et même à 66,2 % en ajoutant la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et les prélèvements sociaux. Il convient ensuite d'ajouter le foncier bâti et l'IFI. C'est pourquoi on observe un vrai décrochage entre les revenus fonciers et les revenus du capital. C'est un constat.
S'agissant de l'IFI, l'un de vous mentionnait le paradoxe qui a consisté à ne retenir que l'immobilier dans son assiette. Il conviendra de tirer les conséquences des questions posées.
Concernant l'ISF au niveau européen, le moment est venu d'utiliser l'outil de la fiscalité pour répondre aux grands enjeux climatiques. Il faut oser ces propositions et il faut les pousser au niveau européen. Il importe d'obtenir une contribution au niveau européen des plus gros patrimoines afin d'accélérer la transition énergétique. Il s'agit d'un défi majeur et nous ne le relèverons pas sans moyens financiers.
La fiscalité n'est pas une punition ; la fiscalité est une contribution. Il importe qu'elle soit justement répartie et qu'on garantisse le consentement à l'impôt.
Sur la question du PFU, je suis favorable à la mise en place d'une barémisation pour les plus modestes. L'objectif ne consiste pas à soumettre tout le monde à un taux forfaitaire de 15,8 %.
S'agissant de l'ISF vert au niveau européen, M. Pisani-Ferry proposait sa mise en place au niveau de la France. Nous nous sommes accordés sur cette proposition qui est très intéressante parce que c'est la première fois que, dans un rapport parlementaire, rédigé par deux membres de groupes différents, on arrive à porter une proposition en faveur d'une telle contribution exceptionnelle sur le patrimoine. La presse ne s'y est pas trompée ; c'est un sujet majeur du rapport. La France a le droit d'être précurseur.
Je ne suis absolument pas d'accord avec Marc Le Fur sur les droits de succession. Arrêtons de dire que cela tape sur les gens. Un tiers des héritiers sont soumis aux droits de succession ; les deux tiers restants ne paient rien. La vraie question consiste à déterminer si l'héritage est naturel. C'est la raison pour laquelle je plaide pour la taxation du flux successoral. En effet, l'héritage appelle l'héritage ; c'est un fait. Je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle les droits de succession sont très élevés. Les héritiers paient 45 % de droits de succession au-dessus de 1,8 million d'euros par part, ce qui correspond tout de même à un héritage important.
La fiscalité de l'immobilier a augmenté parce que l'immobilier a explosé. Il s'agit malgré tout d'un patrimoine détenu et on ne peut pas l'ignorer.
En réponse à mon collègue Jean-Marc Tellier, j'avais proposé de plafonner la taxe foncière en fonction du revenu fiscal de référence, comme c'était le cas de la taxe d'habitation. La taxe foncière atteint parfois 8 à 10 % du revenu de certains ménages. La taxe foncière n'est pas un impôt proportionnel, mais un impôt régressif en fonction du revenu et cela pose quand même un problème.
Je remercie les rapporteurs pour ce rapport. Ma circonscription en Haute-Savoie, comme de nombreuses autres en France, connaît une situation critique en matière de logement et les habitants à l'année ne parviennent plus à se loger.
Vous mentionnez la fiscalité des logements meublés et celle des logements non meublés. Je partage la nécessité d'aligner progressivement la fiscalité de la location meublée non-professionnelle sur la fiscalité de la location nue de longue durée, ce qui permettrait de supprimer cette injustice fiscale. Le Conseil des prélèvements obligatoires préconise d'harmoniser le traitement fiscal des revenus immobiliers autour d'un régime foncier unique adapté, avec un taux d'abattement forfaitaire de l'ordre de 40 % et la possibilité d'un amortissement au réel. Selon vous, à quelle échéance ce type de mesure pourrait-il entrer en vigueur ?
On a réussi avec la flat tax à donner de la visibilité et à simplifier le système. Dans quelle mesure pourrions-nous faire de même avec la fiscalité des meublés ? Quels seraient les freins ?
Je vous remercie, Messieurs les rapporteurs, pour ce rapport et pour vos vingt-sept recommandations. Je retiens votre proposition de déductibilité des DMTO, c'est-à-dire la déduction des droits de mutation déjà payés sur ceux à payer pour l'achat d'une nouvelle résidence principale, notamment en faveur des jeunes ménages. Cette mesure constituerait une réponse efficace à la mobilité professionnelle des personnes qui souhaitent accéder à la propriété sans vouloir s'attacher à un lieu et pour rester ouverts à des opportunités d'emploi ou de projets de vie.
Disposez-vous de points de comparaison avec des pays qui proposeraient de tels mécanismes ?
L'augmentation du nombre de transactions qui viendraient potentiellement compenser la perte de recettes des collectivités est-elle possible ?
Vous nous alertez quant à l'explosion des taxes foncières. Vous vous saisissez de la question de la réforme des valeurs locatives, ce vieux serpent de mer, pour dire d'ailleurs qu'il conviendrait de faire en sorte que la révision des valeurs locatives soit bien mise en œuvre, mais en 2028. Vous admettez donc son report. Pour quelle raison ?
Je souhaiterais que vous précisiez le sujet de la concentration des patrimoines. Comment jugez-vous l'idée de redistribution du flux successoral en dotant chaque jeune de 25 ans de 120 000 euros afin d'améliorer l'égalité dans l'entrée dans la vie tout en en réduisant l'héritage des millionnaires ?
Je vous remercie pour ce rapport très intéressant.
S'agissant des droits de mutation à titre gratuit, vous préconisez d'adapter les bornes d'âge. Pourriez-vous nous apporter des précisions ? Quelle serait la borne d'âge qui vous semblerait la plus pertinente dans un objectif de garantir la continuité de l'activité économique ?
S'agissant des revenus immobiliers, vous mentionnez une fusion ou en tout cas une convergence entre les régimes de taxation. Faut-il y voir la volonté de créer un statut de l'investisseur immobilier qui s'occuperait non seulement de la fiscalité, mais également de la réglementation, des droits et devoirs de chacun et de la protection de l'investisseur ?
Par ailleurs, vous évoquez l'idée de remplacer les abattements pour durée de détention. Envisagez-vous la création d'une flat tax sur les plus-values immobilières ? Serait-il nécessaire de faire en sorte que la taxation soit plus importante en fonction de la rétention du bien ?
Enfin, actuellement, environ 3,1 millions de logements sont vacants en France. Une telle mesure serait-elle de nature à fluidifier le marché ?
La fiscalité des meublés est historique. L'intérêt du meublé n'est pas uniquement fiscal. Il offre également la possibilité de récupérer le bien et de ne pas le louer à long terme à des locataires. Pour autant, il n'est pas admissible qu'un propriétaire qui loue son bien sur une courte durée bénéficie d'une fiscalité plus incitative que celui qui prend le risque de louer à long terme. Il convient néanmoins d'approfondir le sujet des meublés touristiques.
S'agissant des droits de mutation à titre onéreux, nous préconisons une mesure incitative. Il conviendra néanmoins de compenser les départements, car cela représente une ressource importante des départements et ce décrochage de ressources ne serait pas neutre.
En ce qui concerne la révision des valeurs locatives, pour avoir eu la chance de présider une commission de révision pour les locaux professionnels, je vous confirme que la tâche n'est pas aisée. Je pense que cette notion de valeur locative est un peu dépassée. Nous avons désormais les moyens de disposer de valeurs vénales beaucoup plus actualisées et plus fiables que les valeurs locatives.
Je ne pense pas que la suppression de la taxe d'habitation ait entraîné une augmentation de la taxe foncière, parce que cette suppression a été compensée à l'euro près pour les collectivités. Il n'empêche que des contraintes pèsent sur les communes (augmentation des salaires, des fluides, frais d'emprunts) et qu'il peut s'avérer nécessaire d'augmenter l'impôt foncier. C'est un sujet sur lequel il conviendra de réfléchir, tout comme sur celui des logements vacants ou sur la taxation des résidences secondaires. Les élus locaux disposent de quelques outils.
S'agissant de la question relative au flux successoral, la proposition de Piketty est une belle construction intellectuelle qui mérite d'être approfondie. Dans le monde tel qu'il est, dans la France telle qu'elle est, je pense que l'application de cette proposition est trop complexe. En revanche, il convient de poursuivre la réflexion, tout comme il importe d'approfondir la réflexion relative au revenu économique disponible. Le flux successoral tel que le préconise Piketty consisterait à disposer d'un héritage de cent vingt mille euros à la naissance et qu'ensuite, tout le reste revienne à l'État. Ce n'est pas si simple à mettre en œuvre en France.
Le droit des successions est bâti sur le code civil. Les enfants et les conjoints paient moins de droits. Ces notions civilistes ont une grande influence sur notre fiscalité des droits de succession. Est-ce que c'est souhaitable ? Il convient d'y réfléchir. Il me semble que notre recommandation relative aux familles recomposées va en ce sens, mais elle appelle une modification de notre code civil.
S'agissant du report de la révision des valeurs locatives, techniquement, cette révision exige la mise en place de commissions et deux ou trois ans sont donc nécessaires. Je préférerais que ce soit plus rapide, mais je doute que ce soit possible.
La commission autorise, en application de l'alinéa 7 de l'article 145 du règlement de l'Assemblée nationale, la publication du rapport d'information.
Membres présents ou excusés
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire
Réunion du mardi 26 septembre 2023 à 18 heures 45
Présents. - Mme Christine Arrighi, M. Christian Baptiste, M. Karim Ben Cheikh, M. Frédéric Cabrolier, M. Jean-René Cazeneuve, M. Éric Coquerel, M. Charles de Courson, M. Dominique Da Silva, Mme Stella Dupont, Mme Sophie Errante, Mme Marina Ferrari, M. François Jolivet, M. Daniel Labaronne, M. Emmanuel Lacresse, M. Mohamed Laqhila, M. Michel Lauzzana, M. Marc Le Fur, Mme Charlotte Leduc, M. Philippe Lottiaux, M. Jean-Paul Mattei, M. Damien Maudet, M. Benoit Mournet, M. Sébastien Rome, M. Xavier Roseren, M. Nicolas Sansu, M. Jean-Marc Tellier
Excusés. - M. Manuel Bompard, M. Mickaël Bouloux, M. Joël Giraud, M. Tematai Le Gayic, Mme Gisèle Lelouis, M. Charles Sitzenstuhl