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Intervention de Jean-Paul Mattei

Réunion du mardi 26 septembre 2023 à 18h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei, rapporteur :

Je tiens tout d'abord à remercier mon collègue Nicolas Sansu, pour son investissement dans nos travaux, l'ensemble des membres de la mission qui ont assisté aux auditions, les administrateurs de l'Assemblée nationale qui nous ont accompagnés dans la préparation de ce rapport ainsi que nos collaborateurs que nous avons mis à contribution et qui se sont avérés très efficaces. Ce travail, ainsi que d'autres études menées par de nombreux économistes, permettent de dégager quelques tendances de fond.

La politique monétaire non conventionnelle a permis de préserver au cours de la dernière décennie l'économie et des emplois, mais elle a généré une inflation importante de la valeur des actifs financiers et de l'immobilier au bénéfice des plus aisés.

De même, le vieillissement de la population conduit à une concentration du patrimoine au profit des catégories les plus âgées, à rebours peut-être des besoins de notre société.

Les inégalités proviennent également de déséquilibres du système économique, renforcés par la mondialisation, l'émergence de l'économie numérique et une forme de financiarisation de l'économie. Ces raisons ne sont pas toutes condamnables. Toutefois, certaines sont appelées à s'amplifier à court et moyen termes, alors que nous sommes confrontés à des défis de plus en plus importants, notamment le changement climatique.

Ce contexte nous conduit à interroger le cadre actuel de la fiscalité du patrimoine. Nous avons organisé de nombreuses auditions non seulement d'économistes, de praticiens des mondes juridique, administratif, financier et immobilier, mais également d'associations et de syndicats. Nous nous sommes donc efforcés d'approfondir les sujets.

Nous concluons que la fiscalité actuelle du patrimoine n'est plus en adéquation avec les besoins contemporains qui appellent certaines évolutions. Nous formulons de nombreuses recommandations communes ainsi que des propositions individuelles qui reflètent les divergences politiques et philosophiques que nous avons eues sur des sujets tels que les donations ou la fiscalité du logement.

Ce rapport dresse des pistes d'évolution de la fiscalité au regard des défis contemporains.

Une de nos premières recommandations concerne la possibilité d'appliquer une retenue à la source pour les plus-values mobilières. Actuellement, le prélèvement forfaitaire unique est payé à la source en matière de distribution de dividendes, ce qui n'est pas le cas en matière de plus-value lors d'une cession de valeur mobilière. Notre proposition constituerait une façon d'assurer une rentrée de trésorerie plus rapide.

Nous avons ensuite évoqué la contribution des revenus du capital au redressement des finances publiques et mené une réflexion relative à l'augmentation, raisonnable, du taux du prélèvement forfaitaire unique (PFU). Ce sujet ne fait pas l'unanimité.

Pour financer les nécessaires investissements liés à la transition climatique, nous proposons la mise en place au niveau européen de prélèvements exceptionnels et explicitement temporaires sur le patrimoine des contribuables les plus riches.

Nous proposons également de lancer une réflexion relative à la mise en œuvre d'un impôt mondial sur le patrimoine détenu par les ménages les plus riches afin de financer les aides aux pays pauvres. Cette proposition contient de façon sous-jacente l'idée de l'élaboration d'une forme de cadastre financier mondial, proposé par certains des économistes que nous avons auditionnés.

S'agissant des donations et successions, il conviendrait de revoir les abattements et le barème des droits de mutation à titre gratuit et de mener une réflexion relative aux transmissions, dans le cadre de familles recomposées, à des enfants qui ont vécu de nombreuses années avec des beaux-parents et qui seraient fondés à revendiquer une forme de filiation affective au sein des familles.

Nous avons constaté une accumulation des richesses en fonction de l'âge et nous proposons de transférer des capitaux, de manière modérée, en adaptant les bornes d'âge actuelles des dispositifs fiscaux en matière de donation de sommes d'argent, qui ne sont plus pertinentes.

En matière de donation et de transmission en ligne directe, il existe une tranche marginale à 45 %, alors que pour ce qui concerne l'assurance-vie la tranche marginale s'élève à 31,25 %. On peut s'étonner de cet écart.

S'agissant du pacte Dutreil, il conviendrait d'apporter une définition précise au terme « activité » afin de sécuriser son utilisation. Initialement, ce texte visait à favoriser la transmission d'entreprises familiales. Il semble efficace, bien que nous disposions de peu de données.

En ce qui concerne les plus-values sur les cessions de parts transmises dans le cadre du pacte Dutreil, beaucoup considèrent qu'il serait souhaitable d'instaurer un mécanisme de sursis à imposition. Nous proposons que, dans le cadre d'un pacte Dutreil, si l'on cède ses titres, la plus-value puisse être calculée en prenant comme référence la valeur abattue des titres transmis et non pas leur valeur totale.

S'agissant de la fiscalité immobilière, nous avons évoqué la transformation de l'impôt sur la fortune (ISF) en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Nous préconisons de limiter l'abattement au titre de la résidence principale à six cent mille euros. Je rappelle que cela correspond à une valeur de la résidence principale s'élèvant à deux millions d'euros.

En ce qui concerne le revenu foncier, il importera absolument de réfléchir à une harmonisation du régime d'imposition pour les revenus des locations meublées et pour les autres revenus de location.

La mesure la plus novatrice serait, en matière de plus-value immobilière, de réformer l'abattement pour durée de détention. En effet, on peut s'interroger quant aux raisons pour lesquelles la plus-value sur la vente disparaît au bout de quelques années de détention. Ne s'agit-il pas d'un élément de rétention foncière qui limite la circulation des biens ? Ce point mérite une réflexion.

Enfin, afin de favoriser le « parcours résidentiel » depuis une première acquisition immobilière, nous préconisons de réfléchir à la mise en place d'un crédit aux droits de mutation payés lors de la première acquisition, ce qui permettrait de limiter le montant des droits d'enregistrement dus lors d'une nouvelle acquisition à la différence avec les premiers droits acquittés.

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