La commission procède à l'examen, ouvert à la presse, et au vote sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification du Protocole du 30 avril 2010 à la convention de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, signé par la France à Londres le 25 octobre 2011 (n° 1277) (M. Alain David, rapporteur).
Présidence de M. Jean-Louis Bourlanges, président
La séance est ouverte à 9 h 45
La France est particulièrement exposée aux accidents impliquant des navires transportant des hydrocarbures ou des substances nocives telles que des produits chimiques ou du gaz naturel liquéfié (GNL). On se souvient, en effet, du naufrage du pétrolier Erika, en 1999, ou de celui du chimiquier italien Ievoli Sun, en 2000. Le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage – CROSS – Corsen, à la pointe de la Bretagne, a vu transiter 287 millions de tonnes de matières dangereuses en 2020, ce qui montre bien l'importance de la convention sur la ratification de laquelle nous nous prononcerons ce matin. Le protocole qui la complète et la modernise prévoit un régime de responsabilité sans faute, assorti d'une obligation d'assurance, avec recours direct contre l'assureur, ainsi que la création d'un fonds d'indemnisation abondé par les réceptionnaires des marchandises dangereuses, ce qui n'est pas du tout superflu.
Le transport de substances dangereuses par mer et les dommages qui peuvent en résulter sont un sujet de préoccupation récent pour la communauté internationale. Au départ, dans les années 1960, on ne se préoccupait en effet que de la pollution par les hydrocarbures. Un premier traité, limité à cette question, a ainsi vu le jour en 1969, les questions liées aux dommages résultant d'autres substances nocives, comme les produits chimiques ou le gaz naturel liquéfié, étant laissées de côté. À l'époque, la pollution par les hydrocarbures semblait un sujet beaucoup plus pressant. Il aura fallu, comme souvent, que plusieurs accidents se produisent, dans les années 1990, pour que l'on juge utile de combler cette lacune. Une convention sur les dommages liés au transport par mer des autres substances dangereuses a ainsi été signée en 1996.
La France y avait tout intérêt : comptant 18 000 kilomètres de côtes, dont les deux-tiers outre-mer, notre pays est très exposé aux conséquences d'accidents impliquant des navires qui transportent des substances dangereuses. Ce n'est pas un risque fictif : en 2000, un chimiquier italien, le Ievoli Sun, qui transportait 6 000 tonnes de produits chimiques, a fait naufrage dans la Manche. Cet accident, survenu un an après celui du pétrolier Erika, doit nous rappeler que la pollution par les hydrocarbures n'est pas le seul danger qui menace les côtes françaises.
Le principal apport de la convention de 1996 est d'instituer un régime international d'indemnisation des dommages résultant du transport maritime de substances dangereuses, sur le modèle de ce qui existe déjà pour les hydrocarbures. Le régime d'indemnisation comporte deux niveaux.
Le premier est la responsabilité du propriétaire du navire en cas d'accident. Il s'agit d'une responsabilité objective, mise en jeu même en l'absence de faute. En conséquence, les propriétaires de navires transportant des substances nocives ont une obligation d'assurance. La responsabilité du propriétaire du navire est néanmoins limitée, sauf si l'accident résulte d'une faute inexcusable de sa part. La limite dépend de la capacité d'emport du navire et varie selon que les substances sont transportées en vrac ou en colis. En tout état de cause, pour le transport en vrac, la responsabilité est plafonnée à environ 120 millions d'euros.
Le deuxième niveau d'indemnisation fait appel à un fonds de type assurantiel. Il peut être mobilisé lorsque le propriétaire du navire n'est pas responsable du sinistre, lorsqu'il n'est pas en mesure d'indemniser les victimes ou lorsque le montant du dommage dépasse la limite de responsabilité du propriétaire du navire. Grâce à ce fonds, l'indemnisation peut aller jusqu'à 300 millions d'euros par accident. Le fonds est alimenté par des contributions versées par les importateurs de substances dangereuses, en fonction des quantités reçues. Les États ont l'obligation de communiquer la liste des importateurs redevables et les données relatives aux quantités de cargaisons donnant lieu à contribution.
Cette convention de 1996 a un coût pour les entreprises, lesquelles assurent le financement du régime d'indemnisation. Si le texte entrait en vigueur aujourd'hui, les entreprises seraient redevables de 1 000 euros pour 100 000 tonnes de produits reçus. Cependant, le texte poursuit des objectifs de justice et de protection de l'environnement : d'une part il tend à garantir l'indemnisation des victimes en cas d'accident, d'autre part l'indemnisation sert aussi à la remise en état.
Un protocole de 2010 a modifié la convention de 1996. Je souligne à ce propos que le projet de loi que nous examinions a pour objet d'autoriser la ratification du protocole et non celle de la convention elle-même. Fort heureusement, la ratification du protocole entraînera automatiquement celle de la convention : ils seront en effet tous les deux considérés comme un seul et même instrument juridique.
Le texte initial présentait un gros inconvénient : il n'était jamais entré en vigueur et, en l'état, ce n'était pas près de changer, pour deux raisons principales.
En premier lieu, ses stipulations étaient trop complexes à mettre en œuvre. Il était en particulier trop difficile d'assurer le suivi des importateurs de substances transportées en colis, c'est-à-dire en conteneurs. En effet, les expéditions en conteneurs se font en quantités unitaires beaucoup plus faibles que les expéditions en vrac. Le nombre de destinataires est, par ailleurs, beaucoup plus élevé, de même que le nombre d'intermédiaires logistiques. Enfin, ce sont les douanes qui, la plupart du temps, surveillent ces questions, et le faible nombre de douaniers en exercice rend difficiles les contrôles.
En second lieu, les obligations fixées par la convention pouvaient facilement être contournées, ce qui faisait craindre un partage inégal du fardeau financier entre les parties. Aucune sanction n'était prévue lorsqu'un État manquait à son obligation de transmettre les rapports sur les cargaisons donnant lieu à contribution. Et, même sans contribuer au fonds, en l'absence de déclaration, les États et leurs entreprises restaient cependant éligibles à des indemnisations en cas de sinistre.
L'intérêt du protocole de 2010 est de lever les obstacles à l'entrée en vigueur de la convention de 1996.
Pour simplifier les choses, le protocole supprime l'obligation contributive des importateurs de substances transportées en conteneurs : seules les cargaisons en vrac donneront lieu à une contribution. En contrepartie, les limites de responsabilité des propriétaires de navire pour les dommages causés par les substances nocives transportées en conteneurs sont augmentées.
De plus, le protocole durcit les mesures à l'encontre des États qui ne respecteraient pas leurs obligations déclaratives. Le droit aux indemnisations est désormais lié à l'effectivité des déclarations. En cas de non-paiement, le fonds d'indemnisation peut engager une action en justice à l'encontre de l'entreprise redevable.
Grâce à ces modifications, les stipulations de la convention de 1996 devraient entrer en vigueur dans les prochaines années. Il faudra pour cela qu'au moins douze États ratifient le protocole de 2010. Pour l'instant, seuls sept États parties y ont adhéré : l'Afrique du Sud, le Canada, le Danemark, l'Estonie, la Grèce, la Norvège et la Turquie. Quatre autres pays, la France, les Pays-Bas, l'Allemagne et la Belgique, devraient les rejoindre prochainement. Du point de vue des surfaces maritimes concernées, tout cela reste quand même très faible.
Je comptais initialement m'abstenir sur ce texte. Néanmoins, il faut bien trouver des solutions en matière d'indemnisation lorsque des pays sont victimes de drames tels que celui de l' Erika. Ce protocole apportant des garanties, j'émets donc tout de même un avis favorable au projet de loi autorisant sa ratification.
Ne peut-on pas mieux faire, non pas sub specie æternitatis, mais pour compléter ce qui est actuellement prévu ?
Vous avez vu le peu d'engouement au niveau international et vous connaissez les difficultés posées par les pavillons de complaisance. À chaque jour suffit sa peine. Il manque encore quelques pays pour que le protocole entre en vigueur. La France, qui est bien consciente de tous les risques, devra prendre son bâton de pèlerin pour convaincre au moins les pays qui ont une surface maritime de prendre leurs responsabilités en adhérant à ce protocole. Sinon, on continuera à faire du bricolage à chaque naufrage, à chaque drame qui met en péril nos côtes. En l'absence de convention applicable, ce sont les tribunaux qui sont saisis.
Tout à fait. Ce texte permettra de lever des obstacles à l'entrée en vigueur d'un régime international d'indemnisation utile, malgré tout, à la justice et à la protection de l'environnement. C'est un début.
Le débat me semble assez délicat car personne ne sera pleinement satisfait de ce système même si, d'un autre côté, l'esprit de responsabilité peut conduire à l'accepter, comme vous le suggérez.
Avec l'expansion du commerce maritime mondial, 90 % des marchandises transitent par mer. Or les voies maritimes présentent des risques : des incidents conduisant au déversement de substances nocives et potentiellement dangereuses (SNPD) peuvent avoir des répercussions désastreuses. Des catastrophes causées par différents naufrages ont ainsi été rappelées par notre rapporteur.
La France, que ses 20 000 kilomètres de côtes placent au second rang mondial en matière d'espace maritime, est particulièrement vulnérable. En 2021, 345 millions de tonnes de matières dangereuses ou polluantes ont transité par la Manche. Malgré l'adoption d'une convention plus large par l'Organisation maritime internationale en 1996, seul le déversement d'hydrocarbures fait actuellement l'objet d'une prise en charge dans le cadre d'un régime international de responsabilité et d'indemnisation. Les incidents impliquant le déversement de substances nocives et potentiellement dangereuses, qui incluent le gaz naturel liquéfié et représenteront près d'un quart du transport maritime européen d'ici à 2030, restent en dehors de tout cadre international de responsabilité et d'indemnisation structuré.
Le protocole que nous examinons vise à permettre l'application de la convention de 1996 et donc à combler un vide juridique en cas d'accident impliquant des substances dangereuses.
En établissant la responsabilité objective des propriétaires de navire, qui seront tenus de compenser les dommages jusqu'à un certain plafond, à quoi s'ajoute la création d'un fonds approvisionné post-incident par les réceptionnaires de SNPD, la convention renforce le principe du pollueur-payeur. En complément de l'instauration d'une obligation d'assurance, assortie d'un droit de recours direct contre l'assureur, la convention consacre une contribution effective du secteur maritime et des acteurs impliqués dans le transport de substances nocives aux frais de dépollution et de restauration de l'environnement.
Le protocole fournit les assurances nécessaires pour l'application de la convention initiale et sa ratification par la France. Je souligne aussi que le protocole permet une simplification de l'action en justice contre le propriétaire, puisque les juridictions compétentes pour en connaître seront celles du pays concerné par le dommage, alors que se produit parfois actuellement un imbroglio qui rend difficile l'indemnisation.
Ce texte allant dans le bon sens, le groupe Renaissance votera en sa faveur.
Chaque année, des navires inondent la mer de quelque 1,8 milliard de kilos de produits dangereux et nocifs. Le protocole que nous examinons institue un système d'indemnisation à deux niveaux pour couvrir et réparer les conséquences des accidents en mer impliquant des substances nocives et potentiellement dangereuses. Il vise également à réparer les dommages dus à la pollution et à couvrir les risques d'incendie et d'explosion, les dommages corporels, ainsi que les dommages et pertes concernant des biens.
L'indemnisation est, en premier lieu, à la charge du propriétaire du navire en cause, ainsi que de l'importateur ou réceptionnaire. Ce texte applique le principe du pollueur-payeur.
Un tel mécanisme est bienvenu. La France est directement concernée par cette question, révélée au grand public en 1999 lors du naufrage du pétrolier Erika et du déversement de plus de 20 000 tonnes de fioul au large des côtes bretonnes.
Signée en 1996, la convention dite SNPD ne fut pas ratifiée en raison de difficultés techniques. Le protocole de 2010 vise à apporter des solutions mais son processus de ratification commence seulement. Une des raisons expliquant ce retard est le délai qu'il a fallu au Conseil de l'Union européenne pour autoriser les États membres à ratifier le protocole. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous indiquer pourquoi il lui a fallu sept ans pour cela ?
Avec le système des pavillons de complaisance, il n'est pas rare que le propriétaire d'un navire en cause dans un accident soit en fait une coquille vide basée à Malte ou au Panama. En quoi les évolutions permises par le protocole rendront-elles plus facile l'identification des propriétaires des navires ?
Par ailleurs, l'absence de deux des plus gros importateurs de SNPD parmi les signataires, les États-Unis et la Chine, ne risque-t-elle pas d'amoindrir la portée et l'effectivité de la convention ?
En tout état de cause, comme l'a dit le rapporteur, cette convention contribuera à la justice et à la protection de l'environnement. Le Rassemblement national se prononcera donc en faveur du projet de loi.
En ce qui concerne le poids réel de la convention, l'absence des États-Unis, de la Chine et du Royaume-Uni, de l'autre côté de la Manche, posera effectivement des problèmes.
La machine européenne a mis du temps avant d'arriver à être efficace. Et encore, très peu d'États membres ont été convaincus de ratifier le texte : seuls le Danemark, l'Estonie et la Grèce l'ont fait. Pour ce qui est des autres États membres qui possèdent une façade maritime, il reste un point d'interrogation.
On ne peut que vous rejoindre, Monsieur le rapporteur, au sujet de cette convention internationale sur la responsabilité et l'indemnisation des dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses. La portée du texte est visiblement limitée car il n'y a toujours pas assez de pays qui ont ratifié le protocole, un peu moins de quinze ans après sa conclusion. Que de temps perdu ! Les deux-tiers de la population mondiale vivent pourtant à moins de 100 kilomètres d'une côte. En France, c'est même la moitié de la population et les outre-mer sont encore davantage concernés.
Outre le problème de la surpêche, les océans sont devenus un déversoir de pollutions de toutes sortes, dont les substances visées par ce protocole : les substances chimiques, les pesticides, le GNL et les métaux lourds, auxquels on peut ajouter les déchets plastiques. Dès lors, toute la chaîne alimentaire est contaminée, y compris ce que nous mangeons et l'océan mondial, qui joue un rôle de régulateur climatique, est au bord de l'asphyxie. Or l'humanité et, de manière générale, le vivant sont dépendants de la bonne santé de nos océans. Il est plus urgent que jamais de mener une diplomatie écologique universaliste, mais sa mise en place est très lente.
Des mesures d'urgence devraient être prises, comme l'interdiction réelle de l'exploration et de l'exploitation des hydrocarbures offshore, notamment dans les eaux territoriales françaises : l'État peut intervenir dans ce domaine. Il faudrait aussi réserver la notion d'aire marine protégée aux zones excluant toute activité industrielle et interdisant toute extraction ou capture.
Il y a matière à s'inquiéter. Pas plus tard que la semaine dernière, TotalEnergies a annoncé son intention d'investir au Texas dans une usine de liquéfaction de gaz naturel. Du fait de la guerre en Ukraine et du déséquilibre des approvisionnements en gaz, les solutions alternatives vers lesquelles on se tourne risquent d'être encore plus polluantes et encore plus dommageables pour l'environnement.
Je n'irai pas plus loin, car j'arrive au bout de mon temps de parole, mais nous vous rejoignons, monsieur le rapporteur : c'est pour nous aussi un « oui frustré ».
Je partage ce que vous avez dit, monsieur le rapporteur, en particulier en ce qui concerne le temps mis à ratifier ce protocole, qui traîne depuis de très nombreuses années, les manques évidents dans le texte et enfin sa portée, qui sera assez faible si on ne réussit pas à faire en sorte que tous les pays ayant une façade maritime le ratifient.
Élu d'une circonscription côtière, je peux témoigner des graves difficultés que nous connaissons dans le détroit du Pas-de-Calais à certains moments, pas simplement du fait des navires qui y transitent régulièrement – c'est le lieu de passage le plus important en Europe – mais aussi du fait de matières déjà présentes dans les eaux. Je pense aussi, même si c'est une digression, aux munitions immergées dans la Manche et en mer du Nord durant les deux guerres mondiales, notamment la première. Cela reste une question majeure, en raison de la dégradation de plus en plus importante des munitions immergées, qui fait peser un risque considérable sur la biodiversité marine et ensuite sur notre chaîne alimentaire, en particulier dans les régions côtières.
Nous voterons en faveur du projet de loi autorisant la ratification de ce protocole, en dépit de ses manques, sur lesquels il faudra que notre diplomatie travaille dans les prochains mois ou les prochaines années. C'est, en effet, une question majeure.
Nous sommes d'accord au sujet du constat et des moyens à mettre en œuvre à l'avenir.
Par ailleurs, ni les navires de guerre, ni les munitions ne sont compris dans la convention. Un sous-marin atomique ne l'est pas. Les États, qui sont leurs propres assureurs, sont responsables de leurs matériels, militaires ou civils.
Les marées noires ne sont pas le seul type de pollutions marines à craindre, notamment pour notre pays qui possède la deuxième zone économique exclusive mondiale et plus de 18 000 kilomètres de côtes. D'ailleurs, le centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage situé à Corsen, à la pointe de la Bretagne, a vu transiter, en 2020, 287 millions de tonnes de matières dangereuses. Il est donc important que la France ratifie ce protocole et, à travers lui, la convention de 1996, afin d'assurer une répartition efficace des responsabilités et des indemnités en cas d'accident.
Comme le souligne l'Organisation maritime internationale, la convention SNPD est la dernière pièce du puzzle pour que les victimes d'un sinistre aient accès à un régime de responsabilité et d'indemnisation complet et international. L'application de cette convention ayant été retardée par des difficultés d'interprétation et de mise en œuvre, on peut se réjouir que ces dernières, soulevées notamment par la France, aient été levées grâce à une simplification du dispositif. Si les marchandises dangereuses en colis ne sont plus contributrices, le protocole reste protecteur en ce que les dommages occasionnés par ces marchandises sont couverts par le régime d'indemnisation.
Je souhaite vous interroger sur le régime d'indemnisation à deux niveaux, le premier ne pouvant dépasser 120 millions d'euros, le second pouvant aller jusqu'à 300 millions. Ces montants seront probablement insuffisants en cas d'accident majeur, vu que les récentes marées noires ont coûté plusieurs milliards d'euros et que le plafond du Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures (FIPOL) avait été critiqué à la suite du naufrage de l' Erika en 1999.
Le groupe Démocrate salue néanmoins cette avancée importante pour la justice environnementale et espère que la convention entrera en vigueur rapidement.
Les sommes garanties varieront en fonction de la sinistralité. Au fur et à mesure, les chiffres évolueront mais, pour l'instant, on en reste aux montants que vous avez indiqués.
Le 12 avril 2023, notre Assemblée autorisait la ratification de la résolution relative à l'Organisation maritime internationale. À cette occasion, le groupe Horizons et apparentés avait souligné la nécessité de disposer d'outils juridiques reconnus internationalement, afin de faire face aux enjeux environnementaux, sécuritaires et commerciaux des océans.
Le texte soumis à notre examen ce matin porte l'ambition de mieux sécuriser ces espaces. Jusqu'à présent, il n'existait qu'un instrument juridique couvrant les contaminations et dommages causés par le transport d'hydrocarbures en mer. Grâce à ce protocole, on pourra prendre en considération l'ensemble des polluants en mer. Conformément au principe du pollueur-payeur, le propriétaire du navire sera tenu responsable des dommages causés par les substances nocives qu'il transporte. Il aura en outre l'obligation d'être assuré. Dans l'objectif d'assurer une juste réparation, le fonds du SNPD pourra être mobilisé si les ressources du propriétaire du navire sont insuffisantes ou si le plafond de responsabilité est atteint.
Alors que la France s'est posée en leader de la protection des océans lors de la dernière conférence internationale sur le climat, la ratification de cette convention confirmerait notre engagement en faveur de la préservation la plus exhaustive possible des écosystèmes marins. Le groupe Horizons et apparentés votera en sa faveur.
Je me dois tout d'abord de souligner que la convention dont il est question a été signée en 1996. Il est donc légitime de s'interroger, une fois de plus, sur le temps nécessaire à la ratification de certains textes par le Parlement ; et encore, si j'ai bien compris, il s'agit ici d'une ratification partielle.
S'agissant de questions environnementales ayant un impact sur le réchauffement climatique et la disparition de la biodiversité, nous devons agir beaucoup plus rapidement.
Au-delà de la ratification de ce protocole, il me semble nécessaire de nous poser la question du fret maritime, vecteur d'une mondialisation effrénée : 75 % du commerce extérieur de l'Union européenne s'effectue par cette voie, alors qu'il s'agit d'un des plus grands émetteurs de CO2. Avec la multiplication des échanges commerciaux, ces émissions risquent d'être multipliées par deux. Or près de la moitié des marchandises transportées par mer sont classées dangereuses ou nuisibles : parmi elles, le gaz naturel liquéfié. On perçoit là l'étendue du problème. Au-delà de la question de l'indemnisation, il convient de réfléchir à un changement profond de modèle car le consumérisme finira sûrement par causer notre perte.
D'autre part, il est urgent d'engager la transition vers un transport maritime plus écologique. À cet égard, l'Union européenne et la France ont un rôle prépondérant à jouer. Nous avons la capacité de devenir un leader dans la transformation du secteur maritime vers un fonctionnement plus respectueux de l'environnement. Je propose que nous explorions des solutions viables en encourageant l'innovation dans ce domaine. Il faut soutenir l'émergence de technologies de propulsion plus propres, encourager le développement des énergies renouvelables en mer et étudier les moyens de rendre le transport maritime plus efficace, afin de réduire le nombre de navires nécessaires. Nous devons également nous pencher sur la nature des marchandises transportées : une régulation stricte des marchandises dangereuses ou nuisibles est impérative. Il est enfin primordial de collaborer avec d'autres pays et avec les organisations internationales, ce qui passe par l'élaboration de réglementations communes, par l'instauration de mécanismes de partage d'informations et par le soutien aux pays en développement dans leur transition vers un transport maritime durable.
Je le répète : les décisions doivent être prises rapidement. Nous ne pouvons plus nous permettre d'attendre plusieurs décennies pour ratifier des conventions et des accords essentiels. Nous devons apprendre de nos erreurs.
Pensez-vous qu'une indemnité, même élevée, peut compenser des catastrophes comme le naufrage du Ievoli Sun ?
Non, une indemnité ne compensera jamais une catastrophe environnementale. Vous avez raison, c'est un combat à mener et il nous faut inciter l'Europe à aller plus loin au sein du concert des nations et à prendre en considération la totalité des risques. Il nous faut aussi prendre conscience de l'impact du transport maritime de produits de plus en plus dangereux ; à tout moment, la catastrophe menace. Nous devons protéger, anticiper et convaincre. Ce sont probablement les contraintes financières qui arrêtent les uns et les autres mais il faudra bien les dépasser car la survie de notre planète est en jeu.
Torrey Canyon, Amoco Cadiz, Erika : autant de grandes catastrophes qui ont marqué ma jeunesse et qui m'ont, très tôt, connecté à la réalité des questions environnementales. J'ai fait mon premier exposé à l'école primaire sur le Torrey Canyon, c'est dire !
Depuis, on progresse lentement… On ne me fera pas croire que le monde économique, à commencer par les grandes multinationales et les entreprises de logistique, n'est pas intervenu pour freiner les choses. D'ailleurs, cela est dit à mi-mot dans le rapport.
L'autre image que j'ai en tête, c'est ces petits granulés de plastique qui jonchent la plage. Des déchets de ce type ne se retrouvent d'ailleurs pas forcément sur les rivages mais ils tuent la faune et la flore des océans. Nous devrions être bien plus sévères que nous le sommes. Ce protocole, c'est la politique des petits pas : petits et très lents. Certes, c'est une bonne chose de le voter mais il reste beaucoup à faire. Par exemple, pour ce qui concerne le GNL, qui est inscrit dans la liste des matières dangereuses, on aurait pu penser qu'avant d'installer un port méthanier au Havre, on prendrait un maximum de précautions. Mais non : au nom de l'urgence et de l'efficacité, on s'affranchit des études d'impact, alors même que nous sommes en train de ratifier un protocole sur ces questions ! Quel écart entre les intentions et la réalité !
À mon avis, il faut être plus incisif. Il s'agit du deuxième texte consacré aux questions maritimes que notre commission examine. Je pense qu'il serait utile que nous nous intéressions à la diplomatie de l'environnement et aux océans, même s'il n'y a pas de traité ou de convention à ratifier. Cela nous permettrait d'approfondir le sujet et d'être force de propositions.
J'abonde dans votre sens. Il y a vraisemblablement eu une intervention de la part des industriels pour essayer de limiter la portée de leur responsabilité car les dégâts peuvent être considérables, voire sans limite. C'est un combat difficile mais il nous faut le mener.
Comme Sisyphe, nous poussons notre rocher et il retombe toujours. Mais Camus disait que Sisyphe était heureux…
Durant la précédente législature, j'avais rédigé avec Mme Ramlati Ali un rapport d'information sur la pollution des mers, comprenant quarante mesures précises. Le problème, c'est le mode de décision nécessairement consensuel entre les nations dans ce domaine. De ce point de vue, l'Union européenne, loin d'être un atout, est un frein, puisque Chypre y effectue un lobbying très important ; on le voit d'ailleurs dans le trafic transmanche. Le Monde a publié hier un article très intéressant sur le fait que deux actions engagées à la fois par le Royaume-Uni et par la France risquent de ne pas pouvoir aboutir compte tenu du lobbying de Chypre. Pourtant, si l'Union européenne pouvait être unie sur ce dossier, elle pourrait faire pression sur les autres nations.
Ce protocole marque un progrès ; c'est mieux que rien. D'ailleurs, l'Organisation maritime internationale n'a cessé de progresser au cours des cinquante dernières années, à la suite des drames pétroliers. Ne désespérons donc pas.
Toutefois, il est vrai que ce texte reste très partiel. D'un côté, on signe des accords de libre-échange qui favorisent le développement des transports et les délocalisations, de l'autre, on clame qu'on est pour l'écologie et qu'il faut sauver la planète ! C'est plutôt contradictoire et l'Union européenne est au cœur de cette contradiction.
Autre contradiction : si l'on a avancé dans la prise de conscience du réchauffement planétaire et des effets des gaz à effet de serre, on a trente ans de retard en matière de pollution des océans. Pourtant la pollution par le plastique est un enjeu tout aussi important et l'on pourrait agir assez rapidement pour y remédier.
D'où l'intérêt de ce rapport, dont notre commission doit de saisir. C'est l'honneur de la France d'être en pointe sur ces sujets, quel que soit le gouvernement.
Chers collègues, vous avez tous évoqué dans vos interventions, par ailleurs fort intéressantes, des blocages économiques ou écologiques qui empêcheraient d'avoir une réponse à la mesure du problème posé – et tel est bien le sens du rapport de M. David. Je me permets de vous dire, concernant la procrastination et la lenteur de la ratification de cette convention qui remonte à 1996, que dès lors que les enjeux mondiaux multilatéraux sont gérés par 193 États – c'est le nombre d'États inscrits à l'Organisation des Nations Unies (ONU) – totalement indépendants les uns des autres, sans qu'il y ait de possibilité de fonctionner avec un système de majorité qualifiée, les résultats ne peuvent être que très en deçà des espoirs et des exigences. Il me semble qu'il y a là une contradiction dans le fonctionnement de la planète.
L'un de mes collègues lorsque je siégeais au Parlement européen, le professeur de droit Maurice Duverger, évoquait, dans l'un de ses livres, le lièvre libéral et la tortue démocratique. Il y disait à juste titre que si les acteurs économiques et sociaux agissaient partout, on rencontrait d'extrêmes difficultés à constituer une force publique qui dépasse le cadre des États-nations. Je ne veux pas engager une polémique au sujet de la souveraineté des États – je comprends fort bien qu'on y soit attaché – mais, comme vous le savez, « Dieu se rit des hommes qui maudissent les conséquences dont ils chérissent les causes » !
Ne nous étonnons donc pas qu'avec un système international aussi émietté, de tels textes mettent autant de temps à aboutir.
Nous en avons fini avec les orateurs des groupes mais je laisse volontiers la parole aux membres de la commission qui le souhaitent, à titre individuel.
Mon groupe demandera probablement un débat normal sur le sujet, en s'opposant à un examen selon la procédure simplifiée.
Certes, les petits États peuvent bloquer les choses, mais quand les grands États veulent avancer, ils en ont les moyens. Si ce n'est pas le cas, c'est qu'ils utilisent des pavillons de complaisance pour leur commerce international.
Pour finir sur une note d'optimisme, je voudrais vous faire part d'une expérience personnelle. En 2009, dans une autre vie, j'ai eu à rédiger le réquisitoire définitif dans l'affaire de l' Erika. Tout cela avait pris beaucoup de temps car c'était un dossier extrêmement complexe sur le plan du droit international. Nous avons quand même abouti à une décision majeure, puisque c'est à cette occasion qu'a été créé le principe de préjudice écologique. Cela montre que, lorsqu'un État comme la France avance sur des sujets de ce type, cela peut avoir des répercussions sur le droit international.
Même si les conventions prennent des années, lorsqu'on prend la mesure d'un événement aussi tragique que le naufrage de l' Erika, on réussit à progresser.
Je me souviens moi-même de la bataille qui avait été menée au sein de la Commission européenne au sujet de la sécurité des navires, notamment pour imposer la double coque, par ces personnalités extrêmement fortes qu'étaient la Commissaire aux transports et à l'énergie Loyola de Palacio et le directeur général de l'énergie et des transports, mon ami François Lamoureux. Au sein de cette Commission déjà travaillée par la procrastination et la volonté de conciliation, ils avaient réussi à obtenir des résultats assez considérables. Cela prouve que quand il y a une volonté, il peut y avoir une solution.
Article unique (autorisation de la ratification du Protocole du 30 avril 2010 à la convention internationale de 1996 sur la responsabilité et l'indemnisation pour les dommages liés au transport par mer de substances nocives et potentiellement dangereuses, signé par la France à Londres le 25 octobre 2011)
La commission adopte l'article unique non modifié.
L'ensemble du projet de loi est ainsi adopté.
Voilà la preuve que, comme le disait Guillaume le Taciturne, il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer !
***
Informations relatives à la commission
Au terme de sa réunion, la commission désigne :
- M. Bruno Fuchs et Mme Sabrina Sebaihi, co-rapporteurs pour avis sur le projet de contrat d'objectifs et de performances entre l'Etat et Campus France pour 2023-2025.
La séance est levée à 10 heures 45
Membres présents ou excusés
Présents. - M. Damien Abad, Mme Nadège Abomangoli, Mme Véronique Besse, M. Carlos Martens Bilongo, Mme Chantal Bouloux, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Louis Boyard, M. Jérôme Buisson, Mme Eléonore Caroit, M. Alain David, M. Pierre-Henri Dumont, M. Nicolas Dupont-Aignan, M. Frédéric Falcon, M. Olivier Faure, M. Nicolas Forissier, M. Bruno Fuchs, Mme Maud Gatel, M. Hadrien Ghomi, M. Philippe Guillemard, M. Alexis Jolly, M. Hubert Julien-Laferrière, Mme Stéphanie Kochert, Mme Élise Leboucher, M. Jean-Paul Lecoq, M. Sylvain Maillard, Mme Emmanuelle Ménard, M. Nicolas Metzdorf, Mme Nathalie Oziol, M. Frédéric Petit, M. Kévin Pfeffer, Mme Mereana Reid Arbelot, Mme Laurence Robert-Dehault, Mme Sabrina Sebaihi, Mme Ersilia Soudais, Mme Michèle Tabarot, Mme Laurence Vichnievsky, M. Patrick Vignal, M. Lionel Vuibert, M. Christopher Weissberg, M. Frédéric Zgainski
Excusés. - Mme Clémentine Autain, M. Sébastien Chenu, Mme Julie Delpech, M. Thibaut François, M. Guillaume Garot, M. Michel Guiniot, M. Meyer Habib, M. Michel Herbillon, Mme Amélia Lakrafi, M. Tematai Le Gayic, Mme Marine Le Pen, M. Vincent Ledoux, M. Laurent Marcangeli, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Barbara Pompili, Mme Liliana Tanguy, M. Éric Woerth, Mme Estelle Youssouffa
Assistait également à la réunion. - M. Mickaël Bouloux