La séance est ouverte à quatorze heures trente.
(Mme Isabelle Rauch, Présidente)
La commission examine, en application de l'article 140 alinéa 2 du Règlement, de la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu'elles ont délégation de service public (n° 1319) (Mme Béatrice Bellamy, rapporteure).
Nous nous retrouvons pour examiner la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu'elles ont délégation de service public.
La présidente du groupe Écologiste-NUPES a fait savoir, à l'occasion de la réunion de la conférence des présidents du 6 juin dernier, que son groupe souhaitait utiliser son droit de tirage pour la création de cette commission.
En application du second alinéa de l'article 140, il appartient à notre commission, à laquelle la proposition de résolution a été renvoyée, de vérifier sa recevabilité, sans se prononcer sur son opportunité, ni pouvoir amender son dispositif.
Lors de la conférence des présidents du 6 juin, la présidente du groupe Écologiste-NUPES a indiqué faire usage, pour la création de la commission d'enquête prévue par cette proposition de résolution, du droit de tirage que le deuxième alinéa de l'article 141 du règlement de l'Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire, une fois par session ordinaire.
En conséquence, conformément au second alinéa de l'article 140 du règlement, il revient à notre commission de vérifier que les conditions requises pour la création de la commission d'enquête sont réunies. Je souhaite préciser que nous devons nous prononcer aujourd'hui sur la recevabilité, et non sur l'opportunité de la création cette commission d'enquête.
Trois conditions sont requises. En premier lieu, en application de l'article 137 de notre règlement, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d'enquête « doivent déterminer avec précision les faits qui donnent lieu à enquête ». En l'occurrence, les faits semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l'article unique de la proposition de résolution, la commission d'enquête serait chargée « d'identifier les défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ». L'exposé des motifs précise par ailleurs que la commission d'enquête portera plus spécifiquement sur les enjeux de corruption, les phénomènes de discrimination dont le sexisme, l'homophobie, le racisme, ainsi que sur les dysfonctionnements pouvant aller jusqu'au harcèlement sexuel. Le premier critère est donc rempli.
En second lieu, de telles propositions de résolution sont recevables sauf si, dans l'année qui précède leur discussion, a eu lieu une commission d'enquête ayant le même objet. Ce n'est pas le cas en l'espèce, bien que les travaux de notre commission aient pu, à quelques occasions, aborder certaines thématiques évoquées par la proposition de résolution. Le deuxième critère de recevabilité est donc satisfait.
Enfin, en application de l'article 139 du règlement, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit même que la mission d'une commission d'enquête déjà créée « prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter ».
Interrogé par la présidente de l'Assemblée nationale, le garde des Sceaux lui a fait savoir, dans un courrier du 13 juin 2023, que le périmètre de la commission d'enquête envisagée « est susceptible de recouvrir pour partie des procédures judiciaires en cours ».
La commission devra donc veiller, au long de ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. La commission d'enquête, si elle s'en tient à l'objet clairement défini que je vous ai lu à l'instant, ne portera donc pas sur des questions relevant de l'autorité judiciaire.
Sous cette réserve, il apparaît que la création de cette commission d'enquête est juridiquement recevable.
Le groupe Renaissance accueille favorablement la demande de création de cette commission d'enquête bien que le calendrier ne soit pas idéal pour le monde sportif. Celui-ci aura à s'interroger sur ses dysfonctionnements au moment où il doit se conformer à la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France et à près d'un an de l'ouverture des Jeux olympiques et paralympiques.
Néanmoins, il n'est jamais trop tôt pour agir. Je salue l'intention louable d'identifier les causes des défaillances de certaines fédérations sportives.
Il serait vain de nier les difficultés après les révélations qui ont émaillé l'actualité récente – je pense aux démêlés au sommet des instances du football ou du rugby ainsi qu'aux enquêtes ou procédures ouvertes pour des faits dénoncés ou révélés au sein des fédérations de gymnastique et de patinage.
Les clubs sportifs comptent de trop nombreuses victimes de violences physiques, sexuelles ou psychologiques, souvent très jeunes et vulnérables face au système.
Il faut souligner la prise de conscience de ce malaise par le ministère des Sports et la ministre, Amélie Oudéa-Castéra. Ainsi, le récent Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana, vient s'ajouter aux moyens déployés pour venir en aide aux éventuelles victimes, telles que la cellule de traitement des signalements de violences et la désignation de référents au sein des fédérations.
La commission d'enquête doit permettre de recenser les dysfonctionnements des fédérations, – espérons-le – de libérer la parole, de déceler les non-dits et de faire toutes les propositions utiles pour remettre le projet sportif, éducatif et citoyen au cœur de l'action des fédérations et des clubs.
En tant que rapporteur pour avis de la loi relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 et co-rapporteur de la mission d'information sur les retombées des Jeux olympiques et paralympiques de 2024 sur le tissu économique et associatif local, je mesure l'héritage que les Jeux doivent nous laisser. Les espoirs fondés sur cet élan sont toutefois conditionnés à une action résolue contre les dérives visées par la commission d'enquête.
Comment espérer travailler correctement sur les défaillances dans le monde du sport sans oser nommer l'islamisme qui, chaque jour, gagne un peu plus de terrain ?
Le journal Le Parisien a révélé récemment l'ampleur, lors de matchs de football, des incidents liés au port du voile, au mépris parfois du règlement de la Fédération française de football (FFF) qui interdit tout port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse.
Dimanche dernier à Pierrefitte-sur-Seine, un arbitre a dû être escorté par les forces de l'ordre pour sortir du gymnase. Quel était son crime ? Il avait refusé de faire jouer le match parce que des joueuses souhaitaient rester voilées. Chaque semaine, des militantes islamistes bravent l'interdit et provoquent notre République en exhibant leur étendard.
Sur le terrain, comme partout, il faut mettre la religion de côté, c'est ce que martèlent les arbitres qui se sentent abandonnés. Mais l'islamisme, dans le sport ou ailleurs, ne recule pas. À l'entrisme islamiste se mêle la dictature du communautarisme ainsi que le racisme, la stigmatisation et l'exclusion qui en découlent.
Il faut avoir le courage de regarder la réalité en face : dans le football amateur, dans bon nombre de quartiers à forte immigration et dans des zones de non-droit, le racisme anti-Blancs est devenu la norme. En 2019, le journaliste Pierre Ménès avait osé dénoncer publiquement cette vérité honteuse qui dérange.
Je regrette que l'exposé des motifs de la résolution ne daigne même pas mentionner des phénomènes qui sont pourtant à rapprocher du sexisme, du racisme, de l'homophobie et du repli identitaire.
Malgré tout, j'espère que la commission d'enquête permettra de mettre en lumière les véritables dérives et les défaillances qui gangrènent le monde du sport. Le groupe Rassemblement national votera donc en faveur de sa création.
Les députés de votre groupe membres de la commission d'enquête auront tout le loisir de proposer des pistes de travail. Je rappelle néanmoins l'intitulé sur lequel nous avons à nous prononcer : « l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du monde sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu'elles ont délégation de service public ».
Les délires islamophobes du Rassemblement national n'ont pas leur place ici alors que nous parlons de dysfonctionnements, parfois graves, dans les fédérations sportives et de leurs victimes.
Je cite trois titres récents pour les illustrer : dans Le Monde, le 3 juin, « Sports de glace : la gestion de l'ex-président de la fédération signalée à la justice après un rapport accablant » ; dans Libération, le 8 juin, « Gymnastique : le pôle France de Marseille va fermer après la condamnation de son directeur pour harcèlement moral » ; le 13 juin, « Violences dans le judo : un entraîneur national écarté après des années de signalement ».
Je salue la création du Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport, coprésidé par Marie-George Buffet et Stéphane Diagana. La commission d'enquête en sera un complément utile. Nous le devons aux 3,5 millions de bénévoles qui, chaque semaine, chaque week-end, se mobilisent pour faire vivre le sport et le meilleur de ce qu'il véhicule, notamment l'antiracisme – et à écouter les collègues du Rassemblement national, on se dit que notre pays en a bien besoin. Nous le devons aussi aux licenciés. Nous le devons aux victimes d'agissements criminels, qu'ils soient à caractère sexuel ou raciste. Nous le devons, enfin, au sport et à toutes celles et ceux qui participent à sa beauté.
Puisqu'il est question d'éthique, monsieur le député, nous avons pour habitude au sein de la Commission de ne pas nous prendre à partie.
Nous assistons ces dernières années à un déluge de dysfonctionnements au sein des fédérations sportives françaises : racisme, homophobie corruption, violences sexistes et sexuelles. Il est indispensable d'approfondir la réflexion sur la gouvernance des fédérations, qui devrait être irréprochable.
La commission d'enquête, composée de trente membres, serait chargée d'identifier les défaillances de fonctionnement dans le monde du sport en France. Je rappelle, cependant, que le Comité national pour renforcer l'éthique et la vie démocratique dans le sport doit faire, d'ici à la fin de l'automne 2023, des propositions concrètes et opérationnelles sur trois thèmes : une gouvernance du sport plus éthique ; une meilleure vitalité démocratique au sein de ses instances ; et une protection renforcée des pratiquants notamment contre toutes les formes de violence et de discrimination.
Est-ce à dire que ce comité n'est pas suffisant à vos yeux ? N'y a-t-il pas un risque de mélange des genres à créer une seule commission pour traiter de sujets aussi essentiels que les violences sexuelles, les discriminations et les défaillances dans la gouvernance ?
Je le rappelle, nous avons à nous prononcer sur la recevabilité et non sur l'opportunité de la demande de création de la commission d'enquête.
Au cours des deux dernières années, cinquante-quatre fédérations sportives sur cent neuf membres du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) ont signalé des cas de violence. Parmi les victimes, 79 % étaient de sexe féminin, 84 % étaient mineures et 89 % des faits dénoncés concernaient des violences sexuelles. Ces chiffres peuvent choquer mais ils ne sont que le reflet des fléaux qui touchent notre société : violence verbale, racisme, homophobie, sexisme, discriminations, violences sexuelles. Il n'y avait malheureusement aucune raison pour que les fédérations sportives en soient préservées.
Chacune ou chacun doit pouvoir pratiquer un sport en toute quiétude. À l'évidence, les fédérations ont encore beaucoup de chemin à parcourir. Elles peinent à briser l'omerta. Le nombre de cas de violence et de harcèlement sexuel ne faiblit pas. Plus de 1 000 signalements ont été effectués depuis 2020, et ces chiffres sont très certainement en deçà de la réalité. « Quand vous parlez, vous avez beaucoup à perdre ; les représailles, elles existent », ces mots sont ceux de la présidente de la commission de lutte contre les violences sexuelles du CNOSF.
Le groupe Démocrate ne peut être que favorable à la résolution et à la création de la commission d'enquête. Nous ne pouvons plus tolérer les affaires dans lesquelles tout le monde savait mais personne n'a rien dit. L'éradication durable de toute forme de violence dans le sport nous apparaît comme un impératif.
Jean-François Lamour avait déjà évoqué en 2003 la montée du communautarisme dans le sport : elle existe et n'est pas circonscrite au monde sportif, mais elle n'est pas l'objet de la commission d'enquête.
Le sport est un formidable facteur d'intégration et d'émancipation citoyennes comme de promotion sociale. Les différences religieuses et sociales n'y ont pas leur place car il est le lieu de la mixité.
Je veux avoir un mot pour nos 300 000 associations sportives, nos 107 fédérations, nos clubs et les 3,5 millions de bénévoles : sans leur engagement, la France ne pourrait être cette formidable nation sportive. Dans ma circonscription, une association de football fête ses 100 ans : je veux saluer ses 450 bénévoles et, à travers eux, tous les bénévoles de France.
Il ne faut pas jeter l'opprobre sur toutes les associations et toutes les fédérations, ce qui n'est d'ailleurs pas la position de nos collègues du groupe Écologiste-NUPES. Des scandales ont néanmoins secoué le monde du sport récemment et ont terni l'image du sport français, à peine un an avant les Jeux olympiques et paralympiques ; ils ont révélé des dysfonctionnements au sein des fédérations sportives, notamment de la Fédération française de rugby (FFR) et de la Fédération française de tennis (FFT). L'émission « Stade 2 » a par ailleurs fait état de pratiques contestables et dangereuses pour la santé des athlètes en France.
Ces révélations nous indignent ; les faits qu'elles mettent en lumière sont évidemment inacceptables dans le milieu du sport. Comme mes collègues, je forme le vœu que ces pratiques opaques et délétères soient éradiquées et que nous trouvions ensemble des solutions concrètes.
Je veux saluer Mme la ministre des sports, qui, sans attendre la création de cette commission d'enquête, a lancé plusieurs audits et a pris plusieurs mesures importantes. Je souhaite à mes collègues de cette commission d'enquête un travail fructueux.
Au nom du groupe Écologiste-NUPES, je salue évidemment la demande de création de cette commission d'enquête, initiée par ma collègue Sabrina Sebaihi, et lui apporte tout mon soutien.
Au cours des douze prochains mois, la France va accueillir des événements sportifs majeurs, au premier rang desquels figurent la Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques et paralympiques. Peut-on toutefois célébrer ces événements festifs sans se préoccuper des violences, des discriminations et de la corruption qui ravagent le monde du sport, plus particulièrement les fédérations sportives ? De nombreuses révélations ont mis en lumière des cas de violences sexuelles et sexistes, ainsi que des discriminations et des propos homophobes et racistes ayant cours au sein des fédérations ou des clubs sportifs. Ces faits se succèdent et se ressemblent tristement. Malgré cela, les accusés restent bien souvent à leur poste en toute impunité, accréditant l'idée que les actes ou les propos subis par les victimes ne justifient pas qu'ils soient démis de leurs fonctions.
Certes, le #MeToo sport, lancé par le témoignage courageux de Sarah Abitbol, a encouragé des centaines de personnes à raconter ce qu'elles avaient vécu, mais qu'est-ce qui a vraiment changé ? Au cours de la seule année 2022, cinquante-deux fédérations sportives étaient concernées par des cas de violences sexistes et sexuelles et les plus grandes fédérations sont loin d'être épargnées. Ces problèmes ne sont pas épisodiques, mais systémiques.
Mes chers collègues, nous nous devons d'agir pour que le sport redevienne un vecteur d'émancipation populaire.
L'intégrité est une vertu cardinale du sport et une condition de son succès durable ; les dérives sont connues : dopage, manipulations des compétitions et défaillances de la gouvernance des fédérations. Le risque est l'affaiblissement de l'intérêt populaire pour le sport.
L'ensemble des acteurs de la filière doit se mobiliser pour garantir l'éthique et l'intégrité dans les organisations, les pratiques et les compétitions sportives. Les pouvoirs publics, le mouvement sportif et les partenaires doivent tirer dans le même sens ; il en est de même de notre institution, qui doit permettre à la commission d'enquête d'accomplir son travail et de faire la lumière sur toutes les dérives.
J'aimerais que la commission éclaire l'impact de ces faits sur les pratiques sportives, la vie des clubs et l'intérêt pour le sport.
La proposition de résolution expose des faits bien réels – sexisme, racisme et homophobie –, mais elle fait totalement l'impasse sur les difficultés des fédérations et du monde sportif pour lutter efficacement contre le séparatisme, le communautarisme et la radicalisation.
Des enquêtes du CNOSF et de l'Association nationale des directeurs et intervenants d'installations et des services des sports (Andiiss) indiquent que 50 000 à 70 000 personnes s'entraînent dans un environnement communautariste ou séparatiste. Certains signaux bien connus des acteurs du sport nous alertent et doivent être combattus : refus d'avoir un éducateur féminin, de serrer la main à une femme ou à un homosexuel, refus de s'entraîner avec elle ou lui, refus de la douche, prière sur le terrain et dans les vestiaires, horaires d'entraînement dépendant du ramadan, exclusion des femmes, etc. Toutes les ligues connaissent les clubs et les éducateurs qui posent problème, mais elles ne savent pas comment engager de procédure et craignent surtout des représailles.
La future commission d'enquête compte-t-elle se pencher sur cette question pour permettre au monde du sport de lutter efficacement contre la radicalisation et défendre ainsi les valeurs de la République ?
Monsieur le député, nous étudions aujourd'hui la recevabilité de la requête, non son périmètre.
Je partage évidemment l'objectif de la proposition de résolution : chacun doit pouvoir pratiquer le sport en toute quiétude, sans être malmené à cause de son poids, de son sexe ou de son orientation sexuelle. À la suite de différentes affaires dans les fédérations sportives, il faut s'intéresser à ce milieu parfois opaque dans lequel sévissent des comportements inacceptables.
Tout le monde a été choqué par les affaires auxquelles la proposition fait référence et par certaines attitudes intolérables. L'exposé sommaire cite de nombreuses histoires de mœurs ayant débouché sur la condamnation de dirigeants pour harcèlement sexuel, sexisme ou détention d'images pédopornographiques. Malheureusement, des affaires financières de corruption, de trafic d'influence ainsi que d'abus et de recel de biens sociaux ont également été révélées.
Le champ de la commission d'enquête englobera-t-il bien toutes les défaillances recensées dans les fédérations sportives ?
Je tiens tout d'abord à remercier le groupe Écologiste-NUPES de mettre en avant dans une commission d'enquête parlementaire la question des défaillances de fonctionnement des fédérations françaises de sport, du monde sportif et de ses organismes de gouvernance. Les derniers scandales sont effarants : corruption, harcèlement moral et sexuel, sexisme, LGBTphobie, racisme, actes de violence sexuelle, et j'en passe. Ce climat délétère infiltre les fédérations, depuis les instances dirigeantes jusqu'aux sportifs et même au public.
Si les stades de football sont un miroir de la société, alors le racisme et la LGBTphobie s'y font une part belle, avec l'assentiment des instances dirigeantes. Ces dernières sont responsables de cette situation car elles ont organisé l'impunité des actes et des propos racistes et homophobes en s'opposant à toute poursuite judiciaire, en s'abstenant de déployer les outils d'andragogie contre les discriminations, en minimisant le problème et en affirmant que la responsabilité reposait sur de petits groupes de supporters. Les instances se sont dérobées et ont envoyé un message désastreux aux licenciés, aux sportifs professionnels et surtout au public. Nous devons faire la lumière sur ces mécanismes et y mettre un terme.
Madame la rapporteure, vous avez dit que la commission d'enquête ne pourrait pas aborder les affaires judiciaires en cours : avons-nous les moyens de connaître toutes les plaintes déposées dans chaque fédération ?
En 2020, un rapport de l'Inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche (IGESR) a révélé que plus d'une vingtaine d'entraîneurs seraient impliqués dans des affaires de violences sexuelles dans le milieu du patinage. À la suite du témoignage de la patineuse Sarah Abitbol, une cellule dédiée à la remontée et au traitement des signalements a été créée au sein du ministère des Sports ; depuis, des centaines de dossiers ont été instruits, impliquant des dizaines de fédérations sportives.
Toutes ces révélations sur les violences sexuelles dans le sport sont de nature à ébranler la nécessaire confiance des parents qui souhaitent inscrire leur enfant dans un club sportif. Les chiffres sont effrayants : huit victimes sur dix sont de sexe féminin et 82 % d'entre elles sont mineures ; les filles sont donc particulièrement exposées à ce type de violences. Il s'agit d'un obstacle supplémentaire au développement de la pratique sportive féminine. Il serait intéressant que la commission d'enquête se penche sur cette dimension du sujet, les défaillances graves du milieu sportif en matière de violences sexuelles ayant des conséquences tout aussi lourdes.
Les faits sont graves – discriminations, corruption, abus sexuels et harcèlement –, mais ils relèvent de la justice ; or la rapporteure a précisé que la commission d'enquête ne pourra aborder aucune affaire en cours devant un tribunal. Cela posera un problème car l'intitulé de la proposition de résolution, qui vise les défaillances de fonctionnement, est assez poreux avec les affaires judiciaires évoquées. Si le sport français va mal, les difficultés vont au-delà de ces faits.
Elles ne sont pas d'ordre économique et ne concernent pas le nombre de médailles glanées aux JO : nous devons regarder loin et nous tourner vers la base de notre pyramide sportive et vers les pratiques et la démographie. C'est là que réside le principal dysfonctionnement de nos fédérations : un sport à deux vitesses se met en place avec, d'un côté, la promotion d'un élitisme de plus en plus étroit et court-termiste par l'Agence nationale du sport (ANS) et par les fédérations qui procèdent à des naturalisations pour combler les manques, et, de l'autre, la désagrégation du sport amateur à cause de problèmes liés à l'encadrement, aux bénévoles et aux infrastructures dans les territoires ruraux. Voilà le principal dysfonctionnement sur lequel la commission d'enquête devrait se pencher.
Le sport ne connaît aucune couleur politique. Je voudrais avoir un mot pour tous les bénévoles : ne les oublions pas car ils permettent aux adultes et aux enfants d'avoir la chance de pratiquer une activité physique et font vivre toutes les associations sportives présentes dans nos circonscriptions.
Je tiens à rappeler les actions engagées par Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports.
Enfin, nous devons, comme l'a rappelé la présidente, juger de la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création de la commission d'enquête sur la base de trois articles du règlement : l'article 137 dispose que la proposition doit porter sur des faits précis, l'article 138 interdit à une commission d'enquête d'avoir le même objet qu'une autre commission d'enquête ou une mission d'information disposant des mêmes pouvoirs a traité au cours de l'année précédente, et l'article 139 confie au garde des Sceaux le contrôle de l'absence d'empiétement de la commission d'enquête sur des procédures judiciaires en cours. Je comprends que les discours puissent s'enflammer car le sujet nous passionne, mais nous devons uniquement nous prononcer sur la recevabilité de la proposition de résolution. Nous aborderons plus tard, en son sein, les différents sujets relevant de l'objet de la commission.
En application de l'article 140 alinéa 2 du Règlement, la commission constate, à l'unanimité, que les conditions sont requises pour la création de la commission d'enquête.
La séance est levée à quinze heures.
Présences en réunion
Présents. – Mme Ségolène Amiot, Mme Emmanuelle Anthoine, Mme Bénédicte Auzanot, M. Belkhir Belhaddad, Mme Béatrice Bellamy, M. Philippe Berta, M. Bruno Bilde, Mme Anne Brugnera, M. Roger Chudeau, Mme Fabienne Colboc, M. Laurent Croizier, Mme Catherine Jaouen, M. Stéphane Mazars, Mme Frédérique Meunier, M. Maxime Minot, M. Julien Odoul, Mme Francesca Pasquini, M. Jérémie Patrier-Leitus, M. Emmanuel Pellerin, Mme Isabelle Périgault, Mme Isabelle Rauch, Mme Claudia Rouaux, M. Bertrand Sorre, Mme Violette Spillebout, M. Léo Walter
Excusés. – Mme Aurore Bergé, Mme Soumya Bourouaha, Mme Agnès Carel, M. Raphaël Gérard, M. Frantz Gumbs, Mme Sarah Legrain, M. Stéphane Lenormand, M. Frédéric Maillot, M. Christophe Marion, M. Boris Vallaud
Assistaient également à la réunion. – M. Fabien Di Filippo, M. François Piquemal