La séance est ouverte à dix-sept heures vingt.
Dans le cadre du Printemps social de l'évaluation, la commission organise une table ronde sur les dispositions des lois de financement de la sécurité sociale relatives aux recettes et à l'équilibre général de la sécurité sociale réunissant :
– Direction de la sécurité sociale : M. Morgan Delaye, adjoint au directeur ;
– Direction du budget : Mme Mélanie Joder, directrice ;
– Direction générale de la santé : Mme Christine Jacob-Schuhmacher, sous-directrice de la santé des populations et de la prévention des maladies chroniques ;
– Urssaf Caisse nationale : M. Yann-Gaël Amghar, directeur général.
Mes chers collègues, nous débutons cet après-midi nos travaux sur le Printemps social de l'évaluation, dans la perspective du premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale, que nous examinerons en commission le mercredi 31 mai, puis en séance le mardi 6 juin.
Je veux d'abord remercier la rapporteure générale, les coprésidents et l'ensemble des rapporteurs de la Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (Mecss), qui se sont fortement mobilisés à cette occasion pour ce travail transpartisan. La Mecss conduira par ailleurs des évaluations au long cours, consacrées à diverses politiques publiques, mais elle remplit aujourd'hui le cœur de sa fonction : l'évaluation et le contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS).
Cet après-midi, ce soir et demain matin, les rapporteurs issus de la majorité et des oppositions nous présenteront des évaluations de six dispositions ou ensemble de dispositions adoptées dans de précédentes lois de financement de la sécurité sociale, portant sur la quasi-totalité des branches. L'ensemble de nos travaux fera l'objet d'un rapport d'information. Leur restitution, conjointement à ceux de la commission des finances, donnera lieu à un débat en séance publique le mercredi 7 juin.
Je remercie également les responsables des administrations et caisses d'avoir accepté notre invitation.
Le Printemps social de l'évaluation, engagé au cours de la précédente législature, est un complément indispensable aux débats que nous tenons à l'automne sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). Comme au cours de la quinzième législature, les trois tables rondes que nous organisons doivent être l'occasion d'échanger avec les caisses et les administrations de l'État sur les réussites et les difficultés d'application des dispositions des LFSS. La Mecss renoue ainsi avec le cœur de sa mission d'évaluation et de contrôle. Elle tâche également de faire œuvre utile pour nourrir les réflexions de l'ensemble des groupes politiques qui en sont membres, dans la perspective du prochain PLFSS.
Ces tables rondes sont par ailleurs une première étape avant le prolongement de nos travaux en séance publique. Je rappelle à cet égard que depuis juin 2019, le Règlement de l'Assemblée nationale, prévoit précisément à son article 146-1-1, la possibilité d'organiser cette semaine de séances prioritairement consacrées au contrôle de l'exécution des lois de finances et des LFSS.
Comme au cours des précédents exercices, la Mecss, en étroite concertation la rapporteure générale, a préparé Printemps social de l'évaluation en retenant, il y a moins de deux mois, plusieurs articles de LFSS pouvant faire l'objet de travaux d'évaluation. Les contraintes de calendrier sont dues à l'examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS), qui a accaparé nombre des membres de cette commission. J'espère que nous pourrons choisir les dispositions à évaluer plus en amont dès l'année prochaine.
Un total de six articles et ensembles cohérents d'articles ont été retenus par la rapporteure générale et les rapporteurs de la Mecss. Comme au cours des précédents exercices, ces derniers ont auditionné différents acteurs concernés par les articles choisis. Les rapporteurs vous en présenteront les premières conclusions et interrogeront les administrations sur les enjeux et les difficultés qu'ils ont identifiées lors de leurs travaux.
Ces différentes évaluations viennent s'inscrire dans les trois thématiques du Printemps social de l'évaluation.
S'agissant du financement de la sécurité sociale et de l'équilibre général, les rapporteurs de la Mecss vous présenteront leurs travaux sur les dispositifs de « fiscalité comportementale » relative aux boissons, votée au sein des précédentes lois de financement, s'agissant notamment des boissons sucrées et des boissons dites « prémix » à base de vin ainsi que de bière.
Ce soir, dans le cadre de la table ronde consacrée aux branches accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) et autonomie, les rapporteurs de la Mecss reviendront sur les nouveaux rôles de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et la manière dont cette caisse se transforme en branche de la sécurité sociale. Nous échangerons également sur la mise en œuvre du Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides.
Enfin, demain matin, lors de la table ronde consacrée à l'assurance maladie, la rapporteure générale présentera ses conclusions relatives aux innovations récentes dans le financement des établissements de santé, tandis que les rapporteurs de la Mecss rendront compte de leurs travaux sur deux dispositifs précis : « Mon parcours psy » et les entretiens postnataux précoces obligatoires.
Je voudrais d'abord revenir sur la situation des finances sociales, telle qu'elle apparaît notamment dans le programme de stabilité 2023-2027 sur lequel nous avons débattu la semaine dernière. Je constate en premier lieu que, contrairement à ce que beaucoup pensaient cet automne, la baisse des dépenses de santé liée à la diminution de la prévalence du covid se confirme.
D'autre part, la masse salariale est restée particulièrement dynamique en 2022, puisqu'elle a augmenté de 8,7 % hors primes, en raison à la fois de la bonne tenue de l'emploi et de l'augmentation des salaires. Quelle évolution de la masse salariale prévoyez-vous pour l'année 2023, tant au regard de l'inflation prévisionnelle que des politiques salariales menées dans les entreprises ?
Les délais contraints dans lesquels nous examinons les PLFSS à l'automne – même si nous bénéficions désormais d'une semaine supplémentaire – ne nous permettent pas d'anticiper pleinement les conséquences des mesures que nous adoptons. La période actuelle est donc cruciale pour que nous puissions, de manière informée, comprendre les modalités – et parfois les difficultés – d'application de la loi, pour en tirer les conséquences au cours des prochains exercices.
Cependant, ce Printemps social de l'évaluation a également ceci de particulier que nous entamons une nouvelle phase du contrôle de l'exécution budgétaire, puisque sera déposé la semaine prochaine le premier projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Ce dépôt sera l'occasion pour nous d'examiner le rapport de la Cour des comptes sur l'application des LFSS, mais aussi des nouvelles annexes jointes à ce projet de loi, et en particulier l'évaluation d'un tiers des exonérations de cotisations sociales. Ces dispositifs accaparent une grande partie de nos débats à l'automne. Leur évaluation exhaustive est donc plus que bienvenue.
À ce sujet, une mission conjointe de l'Inspection générale des finances (IGF) et de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) doit proposer une méthode de recension et d'évaluation pour nourrir cette annexe. La mission a-t-elle déjà rendu ses conclusions et quelle méthode a-t-elle retenue ?
Les débats de l'automne dernier avaient par ailleurs été marqués par un point saillant : le refus de la Cour de certifier les comptes de la branche recouvrement en raison d'une divergence d'appréciation sur l'affectation des mesures de soutien aux indépendants à l'exercice 2020 ou l'exercice 2021. Ce refus de certification ne remettait pas en cause la sincérité des tableaux d'équilibre pour l'année 2021 tels qu'ils avaient été présentés par le Gouvernement. Néanmoins, le législateur, à l'initiative du Sénat, avait retenu une approche divergente de l'exécutif sur l'exécution du budget 2021.
Ainsi, le refus de certification a-t-il eu des conséquences sur l'activité de recouvrement ou encore sur la confiance des créanciers de l'Urssaf Caisse nationale ? Par ailleurs, les tableaux d'équilibre tels qu'adoptés pour 2021 emportent-ils des conséquences sur l'analyse de l'exécution budgétaire pour 2022 ?
La Cour des comptes n'a pas encore, à ce stade, rendu ses conclusions sur la certification des comptes de la sécurité sociale pour 2022. Néanmoins, dans quelle mesure estimez-vous que les comptes de la branche recouvrement pourront être certifiés selon les modalités qui précédaient la crise covid ?
Enfin, s'agissant du recouvrement proprement dit, le PLFRSS 2023 comportait une disposition supprimant le transfert des activités de recouvrement de l'Agirc-Arrco et de la Caisse des dépôts et consignations vers l'Urssaf Caisse nationale. Cette disposition a été censurée par le Conseil constitutionnel. Dans cette situation instable, quelles sont vos relations avec l'Agirc-Arrco ? Dans quelle mesure les travaux de rapprochement sont-ils suspendus ?
Nous en venons à l'évaluation des mesures récentes relatives à la « fiscalité comportementale ».
Chaque année, différents amendements portant sur les taxes comportementales sont déposés à l'occasion de l'examen du PLFSS. La mission que j'ai menée avec Thierry Frappé a ainsi visé à évaluer l'efficacité des taxes sur les boissons alcoolisées et sucrées.
Les boissons alcoolisées et sucrées font l'objet d'une taxation très disparate et peu lisible. Outre une TVA à 20 %, les boissons alcoolisées sont soumises à des droits d'accise, qui varient en fonction du type de produits et du degré d'alcool, mais aussi à une cotisation additionnelle poursuivant des objectifs de santé publique pour les boissons au-delà de 18 degrés. Il existe également une taxe « prémix », renforcée par la LFSS 2020, qui touche les boissons à la fois alcoolisées et sucrées. Exemptées de droits d'accise, en revanche, les boissons non alcoolisées sont soumises à une TVA de 5,5 % et à plusieurs contributions, notamment à une taxe « soda », réformée en LFSS 2018 afin de la moduler en fonction de la quantité de sucre ajouté.
Nous avons été surpris de constater que la taxation sur les boissons était à l'origine de très importantes recettes fiscales – entre 4,5 et 5 milliards d'euros chaque année. La majorité de ces recettes proviennent des accises sur les alcools, alors que beaucoup de taxes, comme celle visant les boissons « prémix », ont un rendement très faible. Ainsi, la taxation des boissons représente la quasi-totalité de l'ensemble de la fiscalité relative aux produits alimentaires et à l'agriculture.
Ces recettes nous interrogent : est-ce une fiscalité comportementale, ou de rendement ?
Surtout, nous avons constaté que cette fiscalité n'avait que peu d'effets en matière de santé publique. On constate une baisse de la consommation d'alcool de l'ordre de 60 % depuis 1960, en grande partie liée à une baisse de la consommation de vin. Or, cette diminution ne peut être imputée à la fiscalité dans la mesure où les prix des alcools ont très peu varié dans les dernières décennies. En effet, les prix étaient en 2011 à peu près équivalents à ceux de 1990. La fiscalité n'a donc que très peu joué sur les prix pour ralentir la consommation.
Le résultat est assez identique pour la taxe « soda », malgré l'augmentation de son taux et la modification de ses seuils depuis la réforme de 2018. On constate une augmentation continue de la proportion des boissons non alcoolisées sucrées dans la structure de consommation des ménages.
La dernière étude sur la taxe « soda », conduite en France en 2023, montre que la réforme a induit une baisse des apports en sucre provenant des boissons de 30 grammes par ménage et par mois ; le taux de sucre n'a diminué que pour 10 % des 822 boissons étudiées, et dans des proportions très modestes : au total, pour un soda à 100 grammes de sucre par litre, la taxe a induit une augmentation de seulement 5 centimes d'euros pour une canette de 33 centilitres.
Comment expliquer cette faible efficacité de la fiscalité sur les boissons en matière de santé ? Tout en s'accordant clairement sur l'efficacité potentielle de cet outil, toutes les études montrent que l'outil fiscal est très peu et mal utilisé en France dans le but de réduire la consommation de certaines boissons. Concernant les alcools, la fiscalité semble trop légère et reflétant mal les habitudes de consommation : les vins, les rhums fabriqués dans les départements d'outre-mer et les bières produites dans les petites brasseries bénéficient d'un régime fiscal particulièrement favorable. En parallèle, les spiritueux sont deux fois plus taxés que les bières et cinquante-neuf fois plus que le vin.
La Cour des comptes va ainsi jusqu'à parler de discrimination positive en faveur du vin en matière fiscale : cette boisson représente 58 % de la consommation d'alcool et seulement 3,8 % des droits d'accise. C'est pourquoi toutes les études françaises appellent a minima à rehausser progressivement cette fiscalité sur le vin. Il faut rappeler que le coût social de la consommation de l'alcool a été estimé par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) à 110 milliards d'euros par an.
Par ailleurs, dans le contexte économique actuel, les droits d'accises sur les alcools doivent mieux refléter l'inflation. La LFSS 2023 a permis d'indexer les accises sur le tabac à l'inflation de l'année N-1, sans appliquer ce principe aux accises sur l'alcool, qui tiennent compte de l'année N-2. Il conviendrait donc de procéder à la même adaptation pour ces accises sur l'alcool.
Chaque année, la consommation d'alcool coût 110 milliards d'euros à la société.
Au fil des auditions, une nouvelle orientation comportementale nous a paru intéressante. Concernant l'alcool, notre pays doit engager des réflexions sérieuses sur la fixation d'un prix minimum. En effet, une telle mesure a un effet sur les comportements. De plus, elle échapperait au reproche souvent adressé aux taxes d'augmenter les recettes de l'État. Enfin, en augmentant les marges des producteurs – et surtout des indépendants – elle conforterait une filière économique importante dans certains de nos territoires.
La politique du prix minimum est une recommandation unanime de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), de la Cour des comptes et du rapport remis récemment par la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives. Jugée potentiellement compatible avec le droit européen, cette politique a un impact particulièrement fort en matière de santé publique et concentré sur les consommateurs excessifs – ceux qui coûtent cher à la société et à l'assurance maladie. Il s'agit d'imposer aux distributeurs un prix de vente plancher par unité d'alcool contenue dans une boisson.
Cette politique a permis d'économiser plus de 6 milliards d'euros en dix ans au Canada, notamment grâce à des vies sauvées, en évitant beaucoup d'hospitalisations et en réduisant le chômage – sans même parler des effets sur les comportements sociaux, qui ne peuvent pas être chiffrés.
En Écosse, une étude menée en 2023 a montré que le prix minimum établi en 2018 a permis, dans des délais rapides, de réduire de 13 % le nombre de morts attribuables à la consommation d'alcool et de 4,1 % le nombre d'hospitalisations, majoritairement chez les personnes les moins favorisées.
Si nous appliquons cette politique en France, nous pourrions constater une diminution de 15 % des volumes achetés par les ménages, une augmentation au profit des producteurs indépendants au détriment des industriels et des distributeurs et une réduction de 22 % de la mortalité par cancer attribuable à l'alcool.
La nouvelle stratégie interministérielle de mobilisation contre les conduites addictives 2023-2027 indique clairement que cette politique du prix minimum est plus efficace que l'augmentation de la fiscalité. Quelles seraient les prochaines étapes prévues par le Gouvernement pour déployer cette mesure ?
Les études montrent la faible efficacité de la taxe « soda » en France. Pourtant, au Royaume-Uni, cette mesure a permis de faire chuter de 40 % la proportion de boissons au-dessus du premier seuil – à savoir 5 grammes de sucre par millilitre. La baisse totale des apports en sucre serait estimée à 30 grammes par ménage et par semaine, soit un résultat quatre fois supérieur à la taxe française.
Comment expliquer cette différence ? La taxe britannique a des taux d'accise plus élevés et elle introduit des discontinuités brutales entre les différents paliers – au nombre de trois, contre seize en France –, incitant les entreprises à ne pas dépasser les seuils tout en leur permettant d'anticiper plus clairement les conséquences des reformulations. La taxe française est donc trop peu dissuasive et trop complexe. Ne paraît-il pas nécessaire de la réformer pour en réduire le nombre de paliers et en augmenter fortement les taux ?
Madame la rapporteure générale, les prévisions d'évolution de la masse salariale pour 2023 ont été rendues publiques par le Gouvernement il y a trois semaines, dans le cadre du programme de stabilité. Après une augmentation de 8,7 % l'année dernière, la prévision s'établit à 5,6 %, à raison d'une hausse de 4,7 % des salaires, soutenue par l'inflation et l'effet des négociations au sein des entreprises, et de seulement 0,9 % des emplois. Cette prévision est pour le moment confortée.
Nous avons confié une mission à l'IGF et à l'Igas sur l'évaluation des niches sociales, qui avait pour but de définir une méthode et de procéder à une première évaluation de l'ensemble du paysage des exonérations et des exemptions sociales, afin de construire une approche régulière au fil des ans. Le rapport a été rendu. Il sera publié avant le dépôt du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.
Son contenu pourra être débattu avec l'ensemble des parlementaires intéressés ; cependant, le rapport souligne l'ambition très forte de cette démarche d'évaluation de l'intégralité du périmètre d'exemptions. Les cent cinquante niches sociales identifiées sont déjà couvertes par les annexes au PLFSS. Certaines donnent lieu à des évaluations régulières – y compris externes, par des comités d'experts, des économistes ou des experts – tandis que d'autres n'ont jamais fait l'objet de telles enquêtes. En effet, si l'administration dispose de données qui permettent d'en apprécier les effets, elles ne constituent pas une approche suffisamment aboutie.
Le rapport propose donc d'évaluer de manière plus précise certaines exonérations ou exemptions jugées prioritaires, et de procéder à des évaluations plus limitées de certains dispositifs, afin de proportionner l'effort.
En matière de méthode, le rapport rappelle le besoin d'une structuration interne à l'administration tout en s'appuyant sur des partenaires extérieurs, de manière à garantir l'objectivité de ces évaluations et d'éviter qu'elles puissent être considérées comme l'appréciation d'une administration ou du Gouvernement sur un dispositif. Cela suppose donc la mobilisation d'entités extérieures, y compris issues du monde de la recherche.
Le rapport souligne l'ambition de ce dispositif et propose une première appréciation de l'état de l'évaluation des dispositifs, qui formera un premier point de départ – l'absence d'évaluation constituant en elle-même un critère ; c'était en tout cas le raisonnement de la mission de 2015.
Le refus de certification des comptes de l'activité de recouvrement en 2022 n'a eu aucun effet ni sur la capacité de recouvrement ni sur les relations financières. En effet, le débat avec la Cour des comptes portait sur un point très spécifique : il s'agissait de décider si, à la différence de la règle appliquée jusque-là, il fallait appliquer un traitement particulier aux cotisations qui n'avaient pas été réclamées aux travailleurs indépendants en 2020, et que la Cour des comptes considérait comme devant être rattachées à l'année 2021 et non à l'année 2020. Le Gouvernement préférait s'en tenir à la règle antérieure, jusque-là admise par la Cour des comptes. Certes, l'objet de débat concernait 5 milliards d'euros, mais il n'a pas porté atteinte à la crédibilité des actions de recouvrement de la branche, à sa capacité à faire face à ses obligations financières ni à ses relations avec les investisseurs qui achètent de la dette française, et notamment les titres de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).
Le Parlement a décidé, à l'initiative du Sénat, de modifier les tableaux d'équilibre de l'année 2021 au motif du refus de certification de la Cour des comptes, sans pour autant corriger celui de 2020 : en effet, les comptes ayant été clos, ils ne pouvaient plus être modifiés. Nous avons donc décidé d'expliquer l'écart avec les comptes tels qu'ils ont été approuvés et le tableau d'équilibre, modifié par le Parlement, par une mention en annexe aux comptes des organismes et aux différentes lois. Les comptes approuvés forment légalement le point de départ à partir duquel se construit toute la mécanique financière. Par ailleurs, la Cour des comptes a décidé dans son rapport de réaliser le double exercice. Enfin, circonscrit à l'exercice 2021, ce débat n'aura pas d'effet sur les comptes de l'année 2022.
La séance est suspendue de dix-sept heures cinquante à dix-huit heures.
S'agissant des relations avec l'Agirc-Arrco, dans un communiqué de presse publié après l'adoption de la loi de financement rectificative de la sécurité sociale, le Gouvernement a manifesté son souhait de prendre une disposition analogue dans le PLFSS 2024 – confirmant ainsi son intention de ne pas réaliser le transfert tel qu'il était prévu, nonobstant l'annulation ou la censure pour une raison purement formelle par le Conseil constitutionnel.
Par ailleurs, la réforme ayant été comprise comme un premier pas vers l'unification des régimes – ce qui n'était pas du tout son esprit –, le Gouvernement a préféré la retirer. L'objectif de départ demeure : simplifier les relations entre les entreprises et les réseaux de collecte, notamment en matière de cotisations sociales.
Si nous devons proposer d'autres modalités de travail avec l'Agirc-Arrco et les Urssaf, dont la mise en œuvre sera plus complexe, le but reste le même : en effet, les deux opérateurs resteront séparés, mais le contrôle ou les modifications de déclarations des entreprises se feront de manière concertée et unifiée.
La fiscalité est importante sur les boissons, même si son rendement – 5 milliards d'euros – ne représente que le tiers de celui issu de la taxe sur le tabac. Progressivement, les enjeux de santé publique ont fait de ces accises des taxations à visée comportementale. C'est particulièrement le cas de la taxe « prémix » : si son rendement est très faible – 2 millions d'euros –, c'est qu'elle a été fixée à un niveau tel qu'il serait très peu rentable de vendre des produits présentant de tels critères : elle remplit donc son objectif de dissuasion.
S'agissant de la taxe sur les boissons sucrées, remaniée en 2018, son évaluation a été retardée par la crise sanitaire ; nous nous efforcerons de la conduire dans les prochains mois. Si certains modèles – comme le Royaume-Uni – fonctionnent mieux, ils peuvent être source d'inspiration. Il semble toutefois que le remaniement de cette taxe a porté ses effets incitatifs, par la révision des recettes ou par la diminution des volumes de produits vendus pour ne pas franchir des seuils de prix qui seraient difficilement acceptés par les consommateurs.
S'agissant des alcools, le système de taxation est efficace, puisqu'il cible fortement les alcools forts. En revanche, ces alcools sont soixante fois plus taxés que les vins. Si la proposition d'un prix minimal peut sembler préférable à celle de la taxation, en étant moins punitive pour le secteur, elle a pour effet d'accroître les marges de fabricants – ce qui n'aura pas d'effet concret sur la santé publique. C'est la raison pour laquelle l'instrument de la fiscalité, qui a le même effet, a été utilisé sur d'autres produits, notamment le tabac. Le minimum de perception garantit donc un effet sur le prix, tout en évitant que l'augmentation des prix crée une marge supplémentaire pour les fabricants.
De même, nous avions affecté une partie de la hausse de certains prélèvements, notamment sur les boissons sucrées, à des fonds de prévention de lutte contre les addictions : nous pouvons trouver un moyen de rendre cette fiscalité un peu plus utile à la politique de santé publique et aux finances publiques, sans effets économiques dommageables pour le secteur.
Je me réjouis que les commissions des affaires sociales et des finances reprennent les travaux d'évaluation dans le cadre du Printemps de l'évaluation. En effet, nous avons un grand besoin d'évaluation de la qualité de la dépense face aux enjeux de finances publiques qui nous attendent dans les années à venir.
La direction du budget est bien consciente que le meilleur signe du bon fonctionnement d'une taxe comportementale en matière de santé publique est la baisse de son rendement ; soit parce que les producteurs ont adapté la composition de leurs produits et qu'ils les rendent plus sains, soit parce que les consommateurs sont dissuadés par les effets sur les prix. Ces taxes représentent malgré tout une part assez importante des recettes de la sécurité sociale.
Le meilleur exemple de l'action publique sur les prix pour inciter à adopter des comportements favorables à la santé est le champ du tabagisme. En effet, l'introduction de taxes comportementales poursuit un double objectif, très assumé par le ministère de la santé : dans le cas du tabac, il s'agit de prévenir l'entrée dans l'addiction et d'inciter les fumeurs à sortir du tabagisme. La consommation de tabac est en outre un marqueur important des inégalités de santé : les personnes à faibles revenus fument deux fois plus que les personnes à revenus plus élevés. Le fait de conforter ces taxes produit un effet réel sur la santé publique. Le tabac entraîne plus de 75 000 décès par an, soit plus de 200 chaque jour, contre 112 pour l'alcool.
Madame la rapporteure générale, la non-certification des comptes de l'Urssaf au titre de 2021 n'a pas eu d'impact ni sur l'activité de recouvrement, ni sur l'activité de financement de la sécurité sociale, ni sur les comptes des partenaires pour lesquels nous collectons, comme l'Unédic. En effet, ce refus de certification ne traduisait pas un défaut de fiabilité des comptes, de maîtrise des risques ou de contrôle interne, mais une divergence d'appréciation sur le traitement comptable d'éléments liés à la crise sanitaire – qu'il s'agisse des reports de cotisations établis en 2020 ou de l'impact de la régularisation des revenus des travailleurs indépendants. Nous avions choisi d'appliquer les normes édictées dans le plan comptable des organismes de sécurité sociale, là où la Cour des comptes aurait voulu un traitement exceptionnel – qui, par ailleurs, ne correspondait pas à ces mêmes normes. Les différents partenaires des marchés financiers et ceux pour lesquels nous collectons, ainsi que leurs commissaires aux comptes, ont bien saisi la nature de cette divergence. Ainsi, la certification des comptes des partenaires n'a pas été affectée.
Je souhaiterais en premier lieu souligner l'évolution progressive de rétablissement des finances publiques et des comptes sociaux. Je me réjouis que l'action menée depuis six ans par la majorité présidentielle porte ses fruits. Comme l'a souligné notre rapporteure générale, les décisions prises avant, pendant et après la crise sanitaire ont également permis de maintenir une masse salariale dynamique et, par ce biais, des cotisations sociales afférentes qui confirment la trajectoire de rétablissement de nos comptes sociaux.
À cet égard, dans une volonté de simplification pour les professionnels de santé libéraux, nous avons engagé une unification des caisses de recouvrement spécifiques. Ainsi, depuis le 1er janvier 2023, l'Urssaf constitue l'interlocuteur unique des professionnels relevant de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav). Pouvez-vous nous faire un rapide état des lieux de ce transfert ? Qu'en est-il des ressources humaines de ces caisses ?
Dans un deuxième temps, j'aurais souhaité connaître votre regard sur l'indexation des prix du tabac sur l'inflation votée en LFSS 2023. Ces mesures avaient fait débat dans notre commission et à l'hémicycle. Elles soutiennent pourtant la trajectoire du prix du tabac pour des raisons de santé publique évidentes. Depuis 2018, la volonté du Gouvernement sur la fiscalité des produits du tabac est assumée : elle ne doit pas encourager à leur consommation, qui demeure la première cause de décès évitable en France, pas plus qu'elle ne doit inciter les fumeurs à se tourner vers des produits moins taxés comme le tabac à rouler ou à chauffer lorsque le prix des cigarettes manufacturées augmente.
L'objectif est d'encourager le maximum de fumeurs à sortir du tabagisme, qui représente encore 75 000 décès par an. Cette mesure nous invite à nous interroger sur les impacts en matière de santé publique que pourrait avoir une extension de cette mesure aux boissons alcoolisées.
Enfin, dans le cadre de nos débats à l'automne, nous avions également évoqué la nécessité d'une réflexion sur l'assiette des cotisations sociales des travailleurs indépendants afin de réduire l'iniquité avec les salariés. Pouvez-vous nous indiquer les réflexions menées sur la question ? Quelle forme pourrait, selon vous, prendre l'harmonisation de l'assiette des travailleurs indépendants ? Dans cette hypothèse, comment les micro-entrepreneurs pourraient-ils être intégrés à ces mesures ?
Il est clair que l'évaluation des comptes de la sécurité sociale, comme d'ailleurs tout le reste de la dépense publique, est une nécessité, et qu'elle a pris énormément de retard. Le contrôle, jusqu'à présent, était particulièrement aléatoire et parcellaire. C'est ce qui explique ce Printemps social de l'évaluation ; mais là encore, c'est une évaluation dispositif par dispositif, et l'étude de l'impact des recettes reste encore peu représentative d'une stratégie globale. A minima, c'est un simple effet de communication, et au plus, la simple évaluation d'un dispositif isolé, sans résonance globale.
Il est regrettable que nous ne disposions pas du rapport de certification de la Cour des comptes pendant ces débats.
Quelles sont vos relations avec la Cour des comptes ? Comment se fait-il que depuis vingt-sept ans, certaines recommandations ne soient pas respectées, ou mal respectées – en particulier en matière d'informatisation et d'harmonisation des réseaux informatiques, ce qui biaise les évaluations ?
L'évaluation doit aussi porter sur des dérives persistantes. Je pense en particulier aux dettes et déficits de l'Acoss, apparus en 2010 à la suite de la crise de 2008. Comptez-vous établir des dispositifs d'évaluation interne des dérives comme les fraudes qui affectent les recettes ?
Je voudrais revenir sur un sujet qui ne cesse de nous questionner, et sur lequel notre commission sera prochainement saisie à nouveau quand elle aura à examiner la proposition de loi d'approbation de la réforme des retraites déposée par le groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires : quel est le coût réel de la réforme des retraites ?
Les mesures d'âge telles qu'elles étaient présentées concluaient à un gain de 17 milliards d'euros à horizon 2030. Dans le dépôt du PLFRSS, il était mention de 4 milliards par an de mesures dites d'accompagnement – soit un gain net de 13 milliards d'euros. Dans la navette parlementaire, plusieurs mesures d'accompagnement ont été adoptées, sans jamais avoir été chiffrées. On peut les estimer à 3 à 5 milliards par an. Auriez-vous des chiffres plus précis ?
Dans le même temps, le Gouvernement n'avait jamais chiffré les dépenses sociales induites par la réforme en matière d'allocation de solidarité spécifique, de revenu de solidarité active ou de pensions d'invalidité. En 2019, après la première réforme, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques avait estimé les dépenses à 3,5 milliards d'euros et l'Unédic à 1,5 milliard pour celles liées à l'indemnisation du chômage – soit un total de 5 milliards d'euros. On arrive donc à un gain net de 3 milliards d'euros environ.
Selon les résultats de l'étude de l'Inserm et du centre hospitalier universitaire de Montpellier, 47 % des Français adultes seraient en surpoids, et 17 % obèses. Depuis 1997, le nombre de cas d'obésité augmente de façon importante, notamment chez les plus jeunes et les plus défavorisés. Depuis 1997, l'obésité chez les 18-24 ans a été multipliée par quatre, et par trois chez les 25-34 ans. Elle dépasse les 20 % dans le nord et le nord-est de la France, contre moins de 14,5 % en Île-de-France et dans les Pays de la Loire.
L'OMS ne cesse de nous alerter sur les enjeux majeurs de santé publique que représente l'obésité à échelle mondiale, en la caractérisant, dès 1997, de première épidémie non infectieuse de l'histoire de l'humanité. Vingt-cinq ans plus tard, et à l'aune des conséquences sociales de la covid-19, l'OMS Europe alerte à nouveau sur la hausse du surpoids et de l'obésité. Pas un seul État de la région européenne n'est actuellement en voie d'atteindre son objectif de diminution du nombre de personnes obèses d'ici 2025.
Pourtant, les effets néfastes de l'obésité sur la santé des populations ne sont plus à démontrer, tout comme son coût économique et social sur nos sociétés. Tout comme le soulignait le rapport sénatorial « Surpoids et obésité : l'autre pandémie », l'obésité est intrinsèquement liée à de multiples comorbidités et à une mortalité élevée. Elle augmente ainsi le risque de maladie cardiovasculaire, de diabète ou encore de cancer.
Afin de lutter contre l'obésité et le surpoids, nous avons fait le choix de réformer la taxe « soda » dès 2018. Cependant, cette réforme atteint ses limites. En effet, depuis sa mise en place, elle n'a pas contribué à une baisse suffisante des apports en sucre provenant des boissons sans alcool. L'effet incitatif auprès des producteurs n'a pas non plus fonctionné puisque le contenu en sucre est inchangé pour 90 % des références.
Il est légitime de réfléchir au renforcement des mesures de prévention auprès des patients et de leur accompagnement dans la maladie. Comment pouvons-nous faire évoluer notre fiscalité pour faire diminuer l'obésité ? À l'image de nos voisins britanniques, devons-nous imposer une taxe bien plus lourde sur les sucres ajoutés, dont ils mesurent déjà les résultats positifs ?
Nous avons encore la chance d'examiner un budget qui a été adopté par la représentation nationale : dans un an, lorsque nous nous retrouverons pour procéder à ce même exercice, nous nous pencherons sur des mesures que nous n'aurons ni travaillées ni adoptées.
Je souhaite vous interroger sur notre capacité à répondre aux besoins et sur les effets de ce budget sur notre système de santé. S'il est bien entendu important que l'argent public soit correctement dépensé, je suis favorable à l'attribution de ressources supplémentaires. Quelle est l'efficacité des exonérations qui se perpétuent, et, parfois, s'ajoutent, lors des PLFSS ?
Par ailleurs, avec le transfert d'une partie de la dette covid sur la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), ce sont autant de recettes issues de la CSG et de la CRDS qui seront consacrées à son remboursement plutôt qu'à des besoins sociaux, comme l'avait relevé le Haut Conseil des finances publiques. Qu'en pensez-vous ?
Quelles sont, selon vous, les limites de la fiscalité comportementale ? Devrions-nous activer d'autres leviers pour agir sur les problématiques essentielles d'addiction ? Quelles sont les conditions pour rendre la fiscalité comportementale efficace tout en s'assurant qu'elle soit perçue de manière juste ? Vous avez par exemple noté que la taxe sur les sodas touchait davantage les producteurs et les industriels qui vendent ces produits que les consommateurs – ce qui n'était pas l'objectif premier que nous recherchions au sein de cette commission.
Comment concilier les objectifs de rendement et de santé publique ? Faut-il passer par une taxe ou par un prix minimum ? Au vu des conséquences de l'alcool et des boissons sucrées – mais aussi des aliments gras et sucrés – sur la santé, il me semble que nous devons réfléchir à un impôt ou à un prix pertinent, afin de proposer des amendements au prochain PLFSS. Y réfléchissez-vous également ?
La taxe « soda », dans son état actuel, ne semble pas pertinente : est-il envisagé de la revoir, avec, par exemple, une simplification des paliers ?
La dernière mesure d'indexation des prix du tabac sur l'inflation étant récente, nous ne disposons que des chiffres du mois de mars, qui révèlent un effet sur les prix conforme et un peu plus élevé qu'attendu. Ainsi, une baisse importante en volume a été observée, dont il est cependant difficile de tirer des enseignements précis : en effet, les consommateurs anticipent les hausses en achetant du tabac avant la date d'application de la mesure.
La réforme de l'assiette des travailleurs indépendants reflète l'engagement de la Première ministre pour améliorer leurs droits à la retraite. Ce travail complexe s'étalera sur plusieurs années. Il nécessitera une certaine concertation afin de vérifier ses effets sur les différentes populations de travailleurs indépendants. Les micro-entrepreneurs sont dans une situation particulière, car leur assiette consiste en leur chiffre d'affaires : ils n'ont pas besoin de calculer eux-mêmes le niveau de leurs revenus pour connaître le montant de leurs cotisations. La réforme vise surtout les travailleurs indépendants qui calculent leurs revenus sur leur bénéfice net des cotisations. Elle pourrait toutefois avoir des effets indirects sur les micro-entrepreneurs, en cas d'ajustements des prélèvements à leur initiative sur le régime complémentaire pour faciliter sa mise en œuvre. Dès que les travaux techniques seront suffisamment aboutis, et après avoir instruit le dossier avec les organisations professionnelles représentatives, nous échangerons avec les représentants de chacune des catégories spécifiques.
Le rapport de la Cour des comptes en matière de certification devrait être publié aujourd'hui, soit avant le dépôt du projet de loi d'approbation des comptes. Comme chaque année, ce rapport présente des recommandations et des points de désaccord. Certaines sont en effet formulées depuis longtemps, en raison de différends avec le certificateur ou de la complexité de leur mise en œuvre. C'est notamment le cas de l'automatisation des modalités de calcul et de liquidation des prestations sociales : celle-ci n'est possible que depuis que les revenus déclarés mensuellement par les employeurs ont été rendus disponibles par la déclaration sociale nominative, généralisée en 2017 au privé et en 2022 seulement au public. Nous allons continuer à travailler à l'automatisation pour réduire les risques d'erreur.
S'agissant du plan de lutte contre la fraude, des actions sont en cours de préparation.
Il est un peu tôt pour évaluer les effets de la réforme des retraites. Néanmoins, le rendement de la réforme tel qu'il a été présenté par le Gouvernement s'élevait à 17 milliards d'euros, en tenant compte des 4 milliards de mesures d'accompagnement prévues dans le projet initial. Le coût estimé des modifications à l'Assemblée et au Sénat était de 1,1 milliard. Le financement a été réalisé dans le cadre du projet de loi, puisque l'objectif d'équilibre a été maintenu à horizon 2030 par plusieurs mesures, notamment la modification de la taxation sur les indemnités de rupture et la décision du Gouvernement de transférer une partie des cotisations patronales de la branche AT-MP à la branche vieillesse, sans effet sur les cotisations salariales, pour combler le besoin de financement des mesures qui avaient été adoptées.
Monsieur Dharréville, il ne m'appartient pas de me prononcer sur l'opportunité politique du transfert à la Cades. J'observe néanmoins que le choix de sécuriser le financement de cette dette et de ce passif est intervenu alors que la Cades avait pu placer cette dette à des conditions et à des taux très avantageux en 2020. C'était donc un choix prudent sur le plan technique et financier.
Une vraie taxe comportementale doit aboutir à une baisse de rendement : c'est le signe de son efficacité. Comment concilier cet objectif avec des enjeux de financement du système de santé ? La question est complexe. En tout cas, il faut que la prévention s'améliore pour réduire les dépenses de santé. Cependant, ces effets comportementaux sont très différés dans le temps. Ainsi, nous devons à la fois poursuivre notre politique de prévention et financer le coût des dépenses pour les personnes malades et qui souffrent de pathologies liées notamment à ces addictions.
Jusqu'en 2018, les boissons sucrées étaient soumises à un droit d'accise de 7,53 euros par hectolitre, soit un niveau tel qu'il ne pouvait avoir aucun effet comportemental. Il a été transformé en une taxe comportementale. Si on peut en critiquer les effets, cette évolution était clairement assumée par la majorité.
La séance est suspendue de dix-huit heures quarante-cinq à dix-huit heures cinquante-cinq.
Pour éviter qu'un produit puisse être vendu en dessous d'un certain prix, deux instruments existent : on peut en interdire la vente en dessous de ce prix, ou établir un système de taxation rendant impossible ou déraisonnable la vente à un prix inférieur. Les deux mesures ont le même effet sur le consommateur. Le premier dispositif évite la concurrence entre les fabricants en dessous du prix minimum fixé ; ils peuvent donc conserver la marge que représente cet effort. J'y vois donc un possible effet d'aubaine ; c'est la raison pour laquelle nous avons opté pour la seconde solution pour le tabac. Le choix n'est pas neutre : le gain revient soit aux finances publiques, soit aux fabricants.
Concernant la lutte contre la fraude et la modernisation des systèmes d'information, nous travaillons actuellement sur le renouvellement des conventions d'objectifs et de gestion des différentes caisses. Dans ce cadre, un effort particulier sera mené sur ces deux thématiques.
Madame Guichard, dans l'ensemble du monde, la taxation des produits du tabac est reconnue comme une mesure efficiente, démontrée scientifiquement. L'OMS estime que si tous les États augmentaient leurs droits d'accise de 50 %, il y aurait moins 40 millions de fumeurs en moins – soit la population de l'Espagne –, et 11 millions de décès en moins sur trois ans – soit la population de la Belgique. Depuis 2003, l'OMS, par sa convention-cadre de lutte antitabac, incite les États qui l'ont ratifiée – dont la France et l'Union européenne font partie – à mobiliser ce levier. Par ailleurs, la hausse de cette fiscalité permet d'obtenir les mêmes bienfaits sanitaires pour un coût vingt fois moins important que d'autres mesures.
En France, ce levier a fait ses preuves : entre 1999 et 2005, la prévalence de fumeurs a diminué de 12 %, et cela, sans inversion de tendance. Il a été particulièrement efficace chez les jeunes de 15 à 16 ans, avec une baisse de 45 % entre 1999 et 2007. Entre 2014 et 2019, le nombre de fumeurs a diminué de 1,9 million en France.
Monsieur Dharréville, il existe en effet d'autres leviers pour lutter contre les addictions. J'en citerai cinq, utilisés dans la lutte contre le tabagisme : l'interdiction de fumer dans les lieux publics pour protéger l'ensemble de la population contre la fumée du tabac ; l'offre de moyens de sevrage et d'accompagnement psychologique à ceux qui veulent arrêter de fumer ; l'information et la sensibilisation du public contre les dangers ; l'interdiction de la publicité, de la promotion et du parrainage en faveur de ces produits addictogènes ; enfin, la lutte contre le commerce illicite.
Les études montrent qu'il y a trois grandes conditions à réunir pour rendre la fiscalité comportementale efficace dans le cadre de la lutte contre le tabac. La première est d'inscrire cette dimension fiscale dans un ensemble de mesures plus larges, mobilisant l'ensemble des leviers pertinents pour induire un comportement plus favorable à la santé. C'est ce qu'a fait la France au travers des différents programmes nationaux de lutte contre le tabac depuis 2014, qui visaient à protéger les jeunes en régulant leur accès aux produits. Depuis 2009, les mineurs ne peuvent plus acheter de tabac dans les débits. Le deuxième levier consiste à réduire l'attractivité du tabac dans la société, en agissant sur la dénormalisation des produits : nous avons ainsi mis en place le paquet neutre et interdit la publicité. Enfin, il convient de développer une offre d'accompagnement pour les fumeurs, comme le remboursement des médicaments de substitution nicotinique et l'amélioration de la formation des différents professionnels de santé.
La deuxième condition est d'éviter le report vers des produits moins chers ; le Gouvernement a ainsi acté la hausse du tabac à rouler dans la LFSS 2023.
Enfin, il est aussi important de promouvoir un rapprochement des niveaux de fiscalité des produits du tabac au sein de l'Union européenne.
Le transfert des cotisations de la Cipav est effectif depuis le début de l'année. 200 000 professionnels libéraux bénéficient de cette simplification, avec un échéancier unifié de cotisations et un interlocuteur pour la gestion des éventuelles demandes de délai de paiement ou d'étalement – l'action sociale venant en aide aux cotisants en difficulté. Une étape importante est en cours avec la régularisation des revenus 2022, qui donnera lieu au recalcul des dernières cotisations au titre de ce qui relevait auparavant de la Cipav.
Concernant les personnels de la Cipav, 97 emplois ont été transférés depuis la Cipav vers l'Urssaf au 1er janvier 2023 – principalement en Île-de-France, et quelques-uns à la Caisse nationale, sans obligation de mobilité géographique et en maintenant les avantages individuels et collectifs, en application de la législation.
La lutte contre la fraude aux cotisations a fait l'objet d'annonces par le ministre des comptes publics. Dans le cadre de la future convention d'objectifs et de gestion entre l'Urssaf et l'État, nous programmons une hausse significative des redressements en matière de lutte contre le travail dissimulé. Sur la période 2018-2022, les redressements ont atteint 3,5 milliards d'euros. L'ambition de la future convention d'objectifs et de gestion est de parvenir à 5 milliards entre 2023 et 2027.
Plusieurs leviers seront mobilisés dans ce cadre : d'une part, un renforcement des ressources humaines allouées à la lutte contre le travail dissimulé ; d'autre part, de nouveaux croisements de données pour mieux cibler les risques de fraude et mieux les redresser, notamment dans le cadre de la lutte contre la fraude au détachement. Par ailleurs, plusieurs mesures législatives devraient nous aider à la fois à détecter ces situations de travail dissimulé et à recouvrir les sommes frauduleuses. L'un des enjeux est de mieux lutter contre les entreprises éphémères, dont le modèle économique repose entièrement sur la fraude aux cotisations et qui organisent leur insolvabilité pour disparaître dès que le contrôle est réalisé. Une série de mesures sera présentée pour lutter contre ce phénomène.
Je vous remercie pour vos réponses. Si nous cherchons à mettre fin à la consommation de tabac, s'agissant de l'alcool, nous souhaitons encourager la population à boire de manière raisonnable, soit un maximum de deux verres par jour et dix verres par semaine. On voit là la différence entre le vin et d'autres alcools : le facteur soixante dans l'écart de taxation n'est pas normal. Si le budget peut estimer que lorsque la taxe comportementale est efficace, le rendement est moindre, il est difficile de tenir ce discours aux producteurs. C'est la raison pour laquelle la fixation d'un prix minimum est intéressante. Cette solution ne pénaliserait pas l'économie et réévaluerait la taxation du vin. Il pourrait être intéressant d'y réfléchir dans le cadre du prochain PLFSS.
La séance est levée à dix-neuf heures dix.
Présences en réunion
Présents. – Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, M. Jean-Carles Grelier, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, M. Didier Martin, Mme Joëlle Mélin, M. Serge Muller, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusés. – Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, Mme Caroline Fiat, Mme Caroline Janvier, Mme Katiana Levavasseur, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, M. Olivier Serva