Chaque année, différents amendements portant sur les taxes comportementales sont déposés à l'occasion de l'examen du PLFSS. La mission que j'ai menée avec Thierry Frappé a ainsi visé à évaluer l'efficacité des taxes sur les boissons alcoolisées et sucrées.
Les boissons alcoolisées et sucrées font l'objet d'une taxation très disparate et peu lisible. Outre une TVA à 20 %, les boissons alcoolisées sont soumises à des droits d'accise, qui varient en fonction du type de produits et du degré d'alcool, mais aussi à une cotisation additionnelle poursuivant des objectifs de santé publique pour les boissons au-delà de 18 degrés. Il existe également une taxe « prémix », renforcée par la LFSS 2020, qui touche les boissons à la fois alcoolisées et sucrées. Exemptées de droits d'accise, en revanche, les boissons non alcoolisées sont soumises à une TVA de 5,5 % et à plusieurs contributions, notamment à une taxe « soda », réformée en LFSS 2018 afin de la moduler en fonction de la quantité de sucre ajouté.
Nous avons été surpris de constater que la taxation sur les boissons était à l'origine de très importantes recettes fiscales – entre 4,5 et 5 milliards d'euros chaque année. La majorité de ces recettes proviennent des accises sur les alcools, alors que beaucoup de taxes, comme celle visant les boissons « prémix », ont un rendement très faible. Ainsi, la taxation des boissons représente la quasi-totalité de l'ensemble de la fiscalité relative aux produits alimentaires et à l'agriculture.
Ces recettes nous interrogent : est-ce une fiscalité comportementale, ou de rendement ?
Surtout, nous avons constaté que cette fiscalité n'avait que peu d'effets en matière de santé publique. On constate une baisse de la consommation d'alcool de l'ordre de 60 % depuis 1960, en grande partie liée à une baisse de la consommation de vin. Or, cette diminution ne peut être imputée à la fiscalité dans la mesure où les prix des alcools ont très peu varié dans les dernières décennies. En effet, les prix étaient en 2011 à peu près équivalents à ceux de 1990. La fiscalité n'a donc que très peu joué sur les prix pour ralentir la consommation.