Commission des affaires sociales

Réunion du mercredi 29 mars 2023 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • RSA
  • bourse
  • jeunesse
  • précarité
  • seuil
  • solidarité
  • étranger
  • étudiant
  • étudiante

La réunion

Source

La séance est ouverte à quinze heures.

La commission procède à l'examen de la proposition de loi visant à protéger la jeunesse de la précarité par la solidarité intergénérationnelle (n° 884 rect.) (Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure).

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les jeunes représentent la moitié des personnes en situation de précarité dans notre pays. Le sujet est majeur et nous devons le traiter en urgence. Ces jeunes, qui sont nés dans les années 1990 et au début des années 2000, ont massivement manifesté hier contre la réforme des retraites et l'allongement contraint de leur durée de travail, sans doute en écho à leur situation matérielle. Ils font partie d'une génération qui n'a connu que le recul de leurs droits sociaux, qu'il s'agisse de leurs droits à l'assurance chômage ou de leur droit à la retraite. Ils font partie d'une génération qui s'est confinée pour préserver la santé de leurs aînés. Ils font partie, enfin, de la génération qui devra faire face aux conséquences grandissantes de notre inaction pour le climat.

Cette proposition de loi est née d'un constat : contrairement aux générations précédentes, la jeunesse d'aujourd'hui n'a plus foi dans l'idée qu'elle connaîtra des conditions de vie meilleures que celles de ses parents. Outre l'accélération du dérèglement climatique dans les prochaines années, la jeunesse, ou plutôt les jeunesses, sont confrontées à une précarité massive, contre laquelle les pouvoirs publics demeurent atones.

De plus en plus de jeunes sont dans une situation précaire, comme en ont témoigné les nombreuses associations que nous avons auditionnées. Selon un chercheur, la jeunesse n'est pas considérée par notre protection sociale actuelle comme un « risque », alors qu'elle est un passage particulier durant lequel tout peut basculer, dans un sens comme un autre. Les jeunes ont besoin d'être accompagnés, sans perdre leur autonomie. Entre 18 et 25 ans, les jeunes sortent progressivement de la sphère protectrice familiale, quand elle existe, sans bénéficier pour autant de ressources stables. C'est pourquoi les jeunes constituent la population la plus pauvre en France, après les enfants. Les moins de 30 ans représentent un pauvre sur deux.

Précaires parmi les précaires, les jeunes qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (Neet) représentent 11,6 % des jeunes de 15 à 29 ans, contre 11,4 % au Royaume-Uni, 9,2 % au Portugal, 7,6 % en Allemagne et 5,7 % aux Pays-Bas. Ces jeunes, majoritairement des femmes, sont venus remplir les files à l'entrée des banques alimentaires avec les étudiants précaires, lors de la crise sanitaire. Ces files n'ont pas désempli, ce qui prouve que la crise sanitaire n'a fait qu'accélérer un mouvement qui dure depuis plusieurs années. D'ailleurs, une distribution alimentaire a été organisée, il y a quelques heures, sur l'esplanade des Invalides. Il ne faut jamais beaucoup de communication pour que plusieurs centaines d'étudiants se déplacent pour venir chercher un litre de lait ou quelques grammes de beurre.

Le Gouvernement a répondu par des mesures exceptionnelles qui s'apparentent à des rustines, certes vitales, mais qui ne viendront pas à bout des problèmes structurels.

Plutôt que de permettre aux jeunes pauvres de bénéficier, comme toutes les autres générations, d'un minimum social, le Gouvernement leur a proposé le contrat d'engagement jeune (CEJ), dont le montant reste inférieur à celui du revenu de solidarité active (RSA) et qui est conditionné dans le temps – de six à douze mois, parfois dix-huit – comme dans son éligibilité, puisqu'il s'accompagne d'une exigence d'assiduité. Environ 300 000 CEJ étaient signés au début de l'année, ce qui correspond au nombre de jeunes engagés dans la garantie jeunes, dont le CEJ constitue une variante nouvelle, mais fait 100 000 de moins que l'objectif visé par le Gouvernement. Selon le rapport remis au ministre du travail par le Conseil d'orientation des politiques de jeunesse en décembre dernier, ce dispositif n'a pas démontré qu'il pouvait atteindre les personnes durablement éloignées de l'emploi – les jeunes qui en ont bénéficié étaient déjà identifiés par le service public de l'emploi. Enfin, les missions locales font état de difficultés dans l'application des conditions pour bénéficier du CEJ. Dans tous les cas, avec 300 000 contrats signés et 200 000 en exécution, nous sommes loin du 1,5 million de Neet que compte notre pays !

Nous vous proposons de réparer une injustice sociale qui date de la création du revenu minimum d'insertion (RMI), en 1988 : il s'agit d'étendre le RSA, qui l'a remplacé, aux personnes âgées de 18 à 25 ans, dans les mêmes conditions et sous les mêmes réserves que l'ensemble de la population.

Quand je dis « nous », je vise le groupe Écologiste, mais aussi les associations que nous avons auditionnées, qu'il s'agisse des associations étudiantes, de celles qui s'occupent de la précarité des jeunes, du Secours catholique, de la Fondation Abbé Pierre ou de ATD Quart Monde.

Quand je dis « nous », je pense également aux économistes qui, pour bon nombre d'entre eux, estiment que ce serait une mesure à la fois de justice sociale et d'efficacité économique, susceptible d'améliorer l'insertion des jeunes. Philippe Aghion, que l'on ne peut guère suspecter de partialité politique en notre faveur, a écrit récemment un article dans la revue Journal of Urban Economics pour démontrer qu'un minimum social en France aurait pour effet de réduire de 20 % le nombre de sans-abri âgés de 22 à 27 ans.

Quand je dis « nous », je pense encore aux collectivités territoriales qui, à l'instar du conseil départemental de la Loire-Atlantique ou de la métropole de Lyon, ont prévu des revenus de solidarité pour les personnes âgées de 18 à 24 ans, afin de pallier les impérities de l'action sociale nationale.

Quand je dis « nous », je pense enfin à l'Union européenne, puisque la Commission européenne a présenté en septembre 2022 une recommandation pour lutter contre la pauvreté, invitant les États membres à ouvrir l'accès aux minima sociaux aux jeunes âgés de 18 à 25 ans. Le Parlement européen a lui-même voté, il y a deux semaines, une résolution appelant à une directive européenne sur le sujet.

Dès lors la question se pose : resterons-nous l'un des derniers pays à priver les 18-25 ans d'un minimum social ? Plutôt que de lutter contre le sens de l'histoire, je vous propose d'adopter ce principe à l'article 1er de la proposition de loi.

Concernant les étudiants, nous souhaitons mettre fin à certaines injustices qui affectent les bourses étudiantes. Là encore, le constat est alarmant. Les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques montrent que les étudiants sont bien plus souvent en situation de pauvreté monétaire que les jeunes en emploi et que près d'un quart d'entre eux sont en situation de pauvreté. De plus en plus d'étudiants doivent travailler pour financer leurs études, au point que, dans certaines universités comme Paris VIII, cette situation est devenue la norme. Je ne pensais pas que les conditions de vie des étudiants auraient reculé à ce point durant ces dernières décennies. La France réussit l'exploit d'accumuler toujours plus de richesses et d'avoir des étudiants toujours plus pauvres.

Il me tenait à cœur d'entendre le Gouvernement. J'ai donc auditionné des membres du cabinet du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche et de celui du ministère des solidarités, de l'autonomie et des personnes handicapées, en particulier au sujet de la réforme des bourses étudiantes, présentée, justement, il y a tout juste une heure. Quelle déception ! Les annonces de la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, même si elles vont dans le bon sens, ne suffiront pas à sortir les étudiants de leur pauvreté structurelle. Le Gouvernement se contente de corriger les conséquences de son inaction de l'année dernière, en relevant le barème et en ajoutant quelques euros par mois, mais ces dispositions remettent à peine les choses à l'équilibre. Les 40 000 foyers qui étaient sortis du dispositif à la rentrée dernière semblent réintégrés, au bout d'un an, mais les augmentations couvrent tout juste l'inflation déjà constatée, comme si celle à venir n'existait pas, alors qu'on sait que les étudiants peinent à répondre aux besoins primaires. La rustine et le rafistolage ne suffisent pas.

Pour ce qui nous concerne, nous soutenons une véritable réforme des bourses étudiantes, qui s'appuie sur une refonte des échelons. Les bourses se répartiraient désormais sur douze échelons. Le plus élevé permettrait de verser des bourses correspondant à 60 % du revenu médian, soit le seuil de pauvreté. Pour reconnaître la valeur des étudiants qui s'engagent dans de longs parcours de formation initiale sans pouvoir s'appuyer sur leurs ressources familiales, n'est-ce pas le minimum dans notre République qui prône l'égalité ?

Nous prévoyons en outre que ces bourses soient versées sur une base annuelle, car les charges que les étudiants supportent – alimentation, logement, transport – ne prennent pas de vacances l'été !

Nous souhaitons ouvrir le bénéfice des bourses aux étudiants étrangers qui étudient en France, pour des raisons d'égalité auxquelles notre commission ne peut qu'être sensible, mais aussi pour renforcer le rayonnement de nos universités qui se doivent d'accueillir les étudiants étrangers dans de meilleures conditions.

Enfin, nous voulons adapter le montant des bourses au coût réel de la vie des étudiants, en le majorant dans les départements, régions et collectivités ultramarins, ainsi qu'en Nouvelle-Calédonie.

Notre groupe a adopté une démarche responsable et couvert les financements nécessaires par une réforme des droits de succession. Il s'agit de supprimer les exemptions d'assiette actuelles, qui sont autant de dispositifs régressifs, qui favorisent les ménages les plus riches, et de possibilités d'optimisation fiscale. Ces mesures s'appuient sur le travail très documenté du Conseil d'analyse économique (CAE) placé auprès de la Première ministre, sur le rapport que les économistes Jean Tirole et Olivier Blanchard ont remis au Président de la République, et sur le travail qu'a réalisé l'Organisation de coopération et de développement économiques sur les droits de succession en 2021.

C'est le cœur de la solidarité intergénérationnelle. Comme se le demande le CAE, comment éviter de devenir une société d'héritiers ? Des députés ont été élus sur la promesse de lutter contre la rente. Je ne doute pas qu'ils soient sensibles à cette proposition.

Nous vivons à une époque où les héritages sont transmis toujours plus tardivement, en moyenne à l'âge de 50 ans, à des personnes qui sont en général dans une situation beaucoup moins précaire que les jeunes. La part financière des successions et des donations a par ailleurs tendance à augmenter avec la valeur des patrimoines eux-mêmes. Outre le financement de la proposition de loi, l'article 3 tend à rétablir une forme de justice fiscale, alors que les inégalités de patrimoine l'emportent très largement désormais sur les inégalités de revenus.

Nous proposons également de majorer les sanctions applicables à la fraude aux droits de mutation à titre gratuit et nous demandons un rapport au Gouvernement sur les moyens effectivement consacrés au contrôle de la bonne application de la loi fiscale en la matière. Charlotte Leduc, dans son rapport spécial sur la lutte contre l'évasion fiscale, a pu constater que les effectifs de la direction générale des finances publiques affectés au contrôle fiscal avaient considérablement diminué ces dernières années, altérant d'autant notre capacité à assurer la justice fiscale et sociale.

Voici la solidarité intergénérationnelle que nous vous proposons : lutter contre la précarité des jeunes, permettre aux étudiants d'étudier et de s'épanouir en rétablissant une justice dans la fiscalité des donations et des successions, qui bénéficie aujourd'hui majoritairement aux patrimoines très supérieurs à la moyenne française.

L'égalité des chances, c'est donner davantage aux plus modestes pour combler les inégalités à un moment où les choix sont cruciaux et où l'on a besoin de sérénité pour construire son projet sans autre pression que celle de la réussite aux examens.

La confiance est le maître mot de ce texte, celle que nous voulons accorder à la jeunesse. Alors qu'elle devrait être naturelle, chaque nouveau dispositif est assorti de conditions drastiques, qui compliquent encore davantage l'accès au droit. Il faut au contraire faire confiance aux jeunes pour qu'ils puissent s'épanouir et sortir de l'échec scolaire auquel certains sont confrontés. C'est cela qui fonde une relation saine.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel sujet majeur pour l'avenir de notre pays ! Si nous nous retrouvons tous, je n'en doute pas, autour de l'objectif de protéger notre jeunesse de la précarité, nous ne proposons pas les mêmes moyens d'y parvenir.

Vous souhaitez ouvrir le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans. Si certains jeunes perçoivent déjà cette allocation, à condition de justifier d'une certaine durée d'activité professionnelle ou d'une famille à charge, nous ne pensons pas que l'ouverture à tous, sans la contrepartie d'un accompagnement intensif et personnalité, serait efficace pour les sortir de la précarité et les insérer professionnellement.

Le CEJ, lui, instauré sous notre majorité il y a plus d'un an et qui prévoit cet accompagnement, donne de bons résultats. Au 31 janvier 2023, dix mois après son lancement, plus de 300 000 jeunes avaient signé un CEJ. L'efficacité et la justice sociale imposent de privilégier cet outil et de le développer.

Vous proposez également de réformer le système des bourses étudiantes en élargissant le nombre d'étudiants éligibles et en en augmentant les montants. Si nous partageons la philosophie de votre texte à ce sujet, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Sylvie Retailleau, vient d'annoncer la revalorisation massive du barème des bourses, ce qui permettra de gommer les effets de seuil et d'intégrer 35 000 nouveaux étudiants dans le système. De surcroît, 140 000 étudiants boursiers actuels pourront basculer à un échelon supérieur, ce qui leur assurera une augmentation significative, allant de 66 à 127 euros par mois. Dès la rentrée prochaine, les montants des bourses augmenteront de 37 euros pour tous les boursiers, à tous les échelons. C'est la plus forte revalorisation depuis 2013. Au total, le Gouvernement ne mobilise pas moins d'un demi-milliard d'euros pour nos étudiants. Une rustine, dites-vous ? J'espère qu'elle est vendue par paquets de douze !

La majorité agit. À la rentrée 2023, aucun étudiant ne verra sa bourse diminuer d'un montant supérieur à l'augmentation des revenus de ses parents : les effets de seuil seront neutralisés dès cette année.

Nous voterons contre cette proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si cette proposition de loi pointe la réalité de la précarité étudiante, elle n'apporte pas les bonnes réponses. La gauche, à l'origine de ce texte, connue pour promouvoir l'écologie punitive, sort du chapeau un nouveau concept qui lui ressemble bien : la solidarité punitive. Le principe est simple : permettre à ceux qui ne souhaitent pas travailler de continuer à ne rien faire, sur le dos des travailleurs et de leur patrimoine.

Notre groupe ne partage pas du tout cette conception punitive et confiscatoire de la solidarité. Faut-il accompagner la jeunesse de France vers le marché du travail ? Oui. Faut-il rendre plus juste le système des bourses sur critères sociaux ? Oui. Faut-il prendre ces mesures en surtaxant le fruit d'une vie entière de travail des Français des classes populaires et des classes moyennes ? Non.

Je sais bien que la NUPES considère l'héritage comme un privilège bourgeois qu'il faut confisquer, voire abolir. Or ce sont bien les Français modestes qui seraient les plus lésés par votre proposition puisqu'elle vise à supprimer les exemptions d'assiettes sur les droits de mutation à titre gratuit. Beaucoup sont même contraints, faute de moyens, de vendre la maison familiale pour s'acquitter des droits de succession. Plutôt que de confisquer le patrimoine des Français pour financer vos propositions sur le RSA, pourquoi ne pas réserver cette aide aux Français et aux seuls étrangers qui ont travaillé au moins cinq ans dans notre territoire ?

Résumons : accorder automatiquement le bénéfice du RSA aux jeunes de 18 à 24 ans ne résoudra pas le fléau de la précarité des jeunes. De plus, le RSA existe déjà pour les moins de 25 ans qui remplissent certaines conditions et les missions locales proposent déjà des mesures pour les aider financièrement et les accompagner vers l'emploi.

Quant à la lutte contre la fraude fiscale, vous n'avez pas le monopole en la matière. Vous devriez même vous faire tout petits sur ce sujet, quand vous comptez dans vos rangs des socialistes qui ont nommé Jérôme Cahuzac ministre du budget, sous François Hollande ! Nous préférons un ministère de lutte contre les fraudeurs à un fraudeur ministre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Rappelons le contexte dans lequel nous discutons cette proposition de loi. Vous êtes en train de craquer, tout simplement ! Vous renoncez à rendre le service national universel (SNU) obligatoire, et vous venez d'annoncer une augmentation de 37 euros des bourses étudiantes. Mais puisque vous économisez 2 milliards d'euros avec le SNU, pourquoi ne pas en investir 1,5 milliard dans la réforme des bourses ? Ce n'est pas avec 37 euros de plus chaque mois qu'un étudiant sortira de la précarité !

Vous avez refusé la proposition de loi visant à instaurer une allocation d'autonomie pour les jeunes en formation. Vous avez refusé le repas à 1 euro pour les étudiants, refusé l'augmentation des salaires. Ne vous étonnez pas que des centaines de milliers de jeunes descendent aujourd'hui dans la rue contre vous ! Vous pouvez réprimer les blocages, multiplier les arrestations arbitraires de jeunes qui manifestent, mais vous feriez mieux d'écouter nos conseils, pour gagner du temps. Adoptez cette proposition de loi d'urgence ! Les jeunes sont dans la rue, vous commencez à craquer : quoi qu'il arrive, vous finirez par étendre le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans. Faites-le maintenant !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il ressort des études que la condition étudiante dans notre pays n'est pas normale et que les bourses étudiantes sont moins élevées que chez nos voisins, ce qui ne favorise pas l'égalité des chances. La revalorisation des bourses étudiantes serait un levier puissant contre la précarité étudiante. La jeunesse est l'avenir de notre pays et nous tenons tous à ce que nos jeunes puissent vivre dignement.

En revanche, les moyens que vous proposez ne sont pas de nature à inciter à trouver un emploi. Le RSA jeune actif permet d'aider les jeunes qui ont déjà travaillé à trouver un emploi. C'est un outil de réinsertion professionnelle. Ouvrir le RSA aux jeunes de 18 à 25 ans ne me semble pas la bonne solution car ce serait favoriser un démarrage de la vie professionnelle dans l'assistanat alors que d'autres dispositifs existent pour y échapper, qu'il s'agisse des aides personnalisées au logement, des bourses ou de la réduction des frais de scolarité.

Le travail est une valeur cardinale qui doit être défendue. Nous devons aider les jeunes et les accompagner pour qu'ils puissent s'épanouir grâce à des formations adaptées et trouver un emploi. La solution n'est pas de les faire baigner dans l'assistanat dès leur plus jeune âge.

D'autre part, nous ne pouvons pas nous satisfaire de la situation actuelle des boursiers. C'est pourquoi nous devrions réfléchir à étendre la grille pour éviter les effets de seuil. En revanche, les annualiser ferait dépendre les jeunes d'une aide sociale et pourrait ne pas les inciter à chercher du travail.

Enfin, plutôt que de faciliter la transmission du patrimoine entre parents et enfants, vous la rendez plus difficile en voulant taxer encore davantage les patrimoines les plus élevés et les droits de taxation. Au contraire, la diminution de la taxe successorale permettrait de privilégier la solidarité familiale.

La situation des jeunes est une cause importante qui mérite toute notre attention mais cette proposition de loi pourrait plonger la jeunesse dans l'assistanat. Nous devons aider les jeunes en leur permettant de trouver une formation adaptée et, plus tard, un emploi, non en les couvrant d'aides sociales.

Notre groupe ne votera pas cette proposition de loi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette proposition de loi reprend de nombreuses dispositions de la campagne du candidat écologiste à l'élection présidentielle : extension du RSA aux moins de 25 ans, réforme de la bouse étudiante, grand soir de la fiscalité sur l'héritage. Ce sont autant de bouleversements majeurs de notre modèle fiscal et social que le groupe Écologiste propose de mener sans étude d'impact ni concertation.

Au-delà de la méthode, il est indéniable que nous devons nous prononcer sur de véritables choix de société : faut-il répondre aux difficultés des jeunes en les enfermant dans un minimum social dès 18 ans, sans accompagnement ni perspective d'insertion ? Multiplier par cinq le montant des bourses universitaires sans s'attaquer à l'injustice des effets de seuil ? Supprimer brutalement l'assurance vie, que l'on présente souvent comme le placement préféré des Français ? Votre texte pose de vrais problèmes mais n'apporte pas les solutions adaptées.

Face à la transition démographique qu'affronte notre pays, nous devons encourager la circulation du capital entre les générations, pas la réduire. Formons et accompagnons les jeunes en difficulté.

Quant aux bourses, la réforme annoncée par la ministre s'appuie sur les revendications des organisations étudiantes. Elle présente des avancées concrètes et réalistes, loin des effets d'annonce. Pour rendre notre économie plus durable et résiliente, nous avons besoin de mobiliser l'encours des assurances vie et non de susciter la défiance, qui pourrait entraîner le retrait des sommes placées.

Notre groupe n'est pas favorable à cette proposition de loi mais le sujet ne doit pas rester en suspens. Nous vous invitons à réfléchir à un texte transpartisan pour notre jeunesse, qui nous rassemblerait plutôt que de nous déchirer sur de fausses vérités. Les bourses étudiantes devraient être destinées aux seuls jeunes qui en ont besoin, pas forcément à M. Boyard.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'objectif de la proposition de loi est de répondre à la précarité croissante qui touche notre jeunesse. Les jeunes ont payé le prix fort depuis la crise sanitaire. Ils sont désavantagés à tous les niveaux : alors que les Français sont asphyxiés par l'inflation, les jeunes sont plus précaires que leurs aînés ; ils sont aussi plus nombreux à souffrir de troubles psychiques, qu'il s'agisse d'anxiété ou de dépression. Dès lors, il n'est pas étonnant de voir de plus en plus de jeunes dans les cortèges des manifestations contre la réforme des retraites. Ils se mobilisent pour plus de justice sociale. Ils se mobilisent car ils sont inquiets pour l'avenir de la planète. Ils se mobilisent car, comme leurs aînés, ils constatent que le système démocratique est fatigué par la présidentialisation à outrance. Enfin, ils se mobilisent car ils ont vu leur niveau de vie se dégrader.

Il est donc urgent d'agir. Il faut favoriser l'émancipation des jeunes, notamment en permettant aux 18-25 ans de percevoir le RSA et en révisant les critères d'octroi des bourses étudiantes. Cependant, les députés socialistes proposeront certaines améliorations au dispositif. Il nous semble essentiel, par exemple, de limiter l'effet de seuil dans l'octroi des bourses. Il faut aussi encourager l'autonomie des jeunes en prenant en compte leurs revenus propres et non ceux de leurs parents.

Je rappelle que le Gouvernement et ses députés se sont opposés au repas à 1 euro pour tous les étudiants. Alors que les Restos du cœur nous apprennent qu'un bénéficiaire sur deux a moins de 26 ans, nous ne pouvons qu'être scandalisés par le rejet de cette mesure peu coûteuse pour l'État mais vitale pour des centaines de milliers de jeunes.

Nous avons été élus pour améliorer le quotidien des Français. En votant ce texte, nous rendrions un grand service à la jeunesse de France.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cette proposition de loi nous offre l'occasion de rappeler que le Gouvernement a mobilisé, à la fin du mois de novembre dernier, une enveloppe exceptionnelle de 10 millions destinée à une aide alimentaire pour les étudiants. De nombreuses mesures consacrées au pouvoir d'achat des jeunes ont été prises en complément. Je pense notamment aux repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et précaires, à la hausse de 4 % des bourses sur critères sociaux à la rentrée 2022, au versement d'une aide de 100 euros à plus de 1,5 million d'étudiants, à la revalorisation de 3,5 % des aides personnelles au logement (APL) et au gel des loyers dans les résidences étudiantes. Il est également utile de rappeler qu'afin de répondre à la situation de détresse rencontrée par de trop nombreux étudiants, le Gouvernement travaille à une réforme des bourses et au versement à la source de certaines prestations.

Si l'objectif donnant son intitulé à la proposition de loi est de nature à nous rassembler, ses quatre articles nous semblent manquer d'ambition. Ainsi, votre seule proposition pour protéger la jeunesse de la précarité consiste à ouvrir le RSA aux moins de 25 ans. Durant la précédente législature, nous avons déjà mis en place le RSA jeune actif, le plan « 1 jeune, 1 solution », le contrat initiative emploi et le CEJ. Nous avons d'autres perspectives pour la jeunesse qu'un minimum social.

La réforme du système des bourses est nécessaire ; le constat est unanimement partagé. La ministre Sylvie Retailleau vient d'annoncer les premières mesures issues de la concertation. Le système s'en trouvera amélioré, à raison de 500 millions d'euros qui permettront d'accompagner 35 000 étudiants de plus, de revaloriser 140 000 bourses et de mettre fin aux effets de seuil, comme le demandaient les organisations étudiantes – un phénomène très pénalisant que votre proposition de loi ne corrige pas.

L'article 3 a le mérite d'ouvrir la réflexion sur le système des droits de mutation à titre gratuit, dispositif fiscal d'une grande complexité. Reconnaissons-le, il est difficile d'appréhender un tel dispositif dans le cadre d'une proposition de loi, comme l'illustre d'ailleurs votre texte. Nous sommes d'accord pour considérer qu'il est nécessaire de réformer le système et de mieux prévenir les abus. Nous appelons de nos vœux un travail de fond avec les parties prenantes pour mener cette réforme de manière efficace.

Enfin, si nous partageons l'ambition énoncée à travers l'article 4, là encore, le moyen proposé nous semble peu opérant : isoler le temps et les moyens consacrés au contrôle des seuls droits de mutation à titre gratuit n'a pas de sens, puisque les agents vérifient la situation d'un contribuable dans son ensemble.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hier, M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer a envoyé aux préfets de région un SMS leur demandant de faire « attention aux jeunes ». Mais ce n'est pas seulement dans les manifestations, après les avoir parfois brutalisés, qu'il faut agir ainsi. À travers cette proposition de loi, nous vous demandons justement de faire attention aux jeunes, de les protéger de la pauvreté et de les accompagner vers la citoyenneté.

Tous les jeunes n'ont pas la chance d'être enfants de ministre. Tous ne vivent pas de la même manière ce qui devrait être l'âge de l'insouciance et de l'émancipation. Tous n'ont pas la chance de pouvoir vivre dignement, tout simplement : 1 500 000 vivent sous le seuil de pauvreté.

Depuis le 23 mars, les jeunes sont descendus en masse dans la rue pour défendre notre système de solidarité. Il serait donc temps de penser à les intégrer eux aussi dans notre contrat social. C'est à croire qu'ils ne sont pas des citoyens comme les autres. Dès la création du RMI, en 1988, les moins de 25 ans ont été écartés de cette aide, et ils n'ont pas été réintégrés lors de l'évolution du dispositif en RSA. Les jeunes constituent la frange de la population la plus touchée par la pauvreté. Pourtant, subsiste encore cette inégalité criante et insupportable qui consiste à ne pas leur octroyer le droit à un revenu minimum quand ils ont atteint la majorité, contrairement à ce qui se passe dans la quasi-totalité des pays de l'Union européenne.

Plutôt que d'ouvrir des droits, on se contente de poser des sparadraps, d'accumuler des dispositifs qui ne parviennent pas à éradiquer la pauvreté et la précarité. Cette accumulation rend illisibles les aides et décourage ceux qui pourraient en bénéficier. Ainsi, le non-recours est extrêmement important : un jeune sur deux en a fait les frais à un moment ou à un autre.

Il faut sortir de la banalisation de la précarité étudiante. Non, il n'est pas normal de devoir recourir à l'aide alimentaire ; non, il n'est pas normal de travailler à côté de ses études ; non, toutes les familles, qui font déjà beaucoup, ne peuvent pas faire assez pour chacun de leurs enfants.

Nous sommes conscients de nos responsabilités à l'égard de la jeunesse. C'est pour cela que nous proposons ce texte ambitieux qui ouvre le RSA aux moins de 25 ans et refonde le système des bourses de manière très volontariste, en finançant entièrement l'ensemble grâce à une réforme de la fiscalité sur l'héritage. Car, aujourd'hui, il est plus naturel d'échapper à l'impôt en transmettant plusieurs centaines de milliers d'euros de son vivant ou en léguant une entreprise et des assurances vie que de contribuer à la solidarité nationale et à l'égalité des chances !

Nous espérons que la majorité construira avec nous ce texte au lieu de le vider de sa substance. Jeunesse ne devrait plus jamais rimer avec détresse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je remercie le groupe Écologiste, en particulier Sophie Taillé-Polian, d'inscrire ce texte à l'ordre du jour.

La question est simple : la situation est-elle satisfaisante pour notre jeunesse ? Pouvons-nous en rester là ? Pour notre part, nous pensons qu'il faut prendre beaucoup plus soin de la jeunesse, dont une part est précarisée. Certains jeunes font la queue devant les banques alimentaires. Ils ne peuvent pas prendre leur envol, se projeter dans la vie. Ce n'est pas acceptable. La solidarité nationale n'est pas au niveau. Les dispositifs en faveur de la jeunesse présentent trop de lacunes, nous l'avons vérifié à l'occasion de la crise sanitaire, et les mesures prises depuis lors sont insuffisantes.

Si le RSA, dispositif de solidarité absolument indispensable, n'est un horizon souhaitable pour personne, et encore moins pour les jeunes, son ouverture aux moins de 25 ans offrirait malgré tout à ces derniers un filet de sécurité et mettrait fin à une forme de discrimination. Il est vrai que les CEJ ont leur utilité, mais le dispositif est plus restreint que le RSA, lequel a lui aussi pour vocation d'aider à l'insertion. Les CEJ s'adressent aux jeunes de 16 à 25 ans qui ne sont pas étudiants, ne suivent pas de formation et présentent des difficultés d'accès à l'emploi durable. Cet accompagnement ne dure que six à douze mois et est rémunéré à hauteur de 500 euros par mois maximum, en échange de quinze à vingt heures de formation par semaine. Pour rappel, les jeunes concernés, qui ne sont ni en études, ni en emploi, ni en formation, représentent 11,6 % des 15-24 ans.

L'augmentation massive des bourses et la limitation des effets de seuil sont des urgences, tant la précarité est grande. Elles n'ont été revalorisées que de 4 % cette année, soit bien au-dessous de l'inflation, ce qui ne fait qu'aggraver une situation dont la réalité a éclaté aux yeux de tous pendant la crise sanitaire.

Nous avions, pour notre part, proposé la création d'un revenu étudiant détaché du foyer fiscal des parents. Toutefois, nous soutiendrons le dispositif conçu par nos collègues écologistes. Il faut agir, et l'Assemblée nationale doit prendre ses responsabilités en la matière. Nous soutenons d'autant plus ces propositions qu'elles sont financées de manière pertinente par une réforme de l'héritage.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous en venons aux questions individuelles des députés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je souhaite rappeler certaines vérités que la Mélenchonie tente de camoufler, persévérant dans les méthodes antidémocratiques que nous subissons depuis un bon moment.

C'est notre majorité qui a fait de la lutte contre les inégalités de destin l'un de ses chevaux de bataille. Mes collègues ont déjà rappelé plusieurs mesures, il y en a d'autres. Le dédoublement des classes de CP et de CE1, c'est nous qui l'avons fait. Les petits-déjeuners gratuits pour les enfants en difficulté, c'est nous qui l'avons fait. La cantine à 1 euro pour les familles modestes, c'est nous qui l'avons fait. La mutuelle gratuite pour les étudiants, c'est nous qui l'avons fait, et aussi les repas à 1 euro pour les étudiants boursiers.

M. Raux vient de dire que tous les jeunes n'ont pas la chance d'être enfants de ministre. C'est précisément pour cela que nous n'avons pas voté la proposition de loi visant à faire bénéficier tous les étudiants des repas à 1 euro : nous voulons cibler ceux qui en ont besoin, c'est-à-dire les boursiers. Quand vous énoncez une vérité partielle, vous fabriquez du mensonge. Je tiens à dénoncer ces méthodes.

Il est vrai que nous ne sommes pas très bons en com'. Nous ne faisons pas des vidéos à gogo, nous ne tweetons pas pour appeler à la haine contre nos collègues, nous n'organisons pas des distributions alimentaires démagos sur l'esplanade des Invalides. Nous, nous agissons, comme l'a fait aujourd'hui la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en annonçant l'augmentation des bourses et du nombre de boursiers, afin de faciliter l'accès aux études supérieures et de continuer à lutter contre les inégalités de destin.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si j'en crois les retours du terrain, les missions locales, chargées de l'accompagnement intensif et obligatoire dans le cadre du CEJ, ont bien du mal à proposer aux jeunes des dispositifs adaptés à raison de quinze à vingt heures par semaine. Jusqu'à présent, ces organismes pratiquaient un accompagnement global et construisaient une relation de confiance avec le jeune – c'était même tout leur intérêt. Désormais, certains agents se retrouvent à devoir lui reprocher de ne pas avoir participé à des ateliers collectifs, lesquels ne sont même pas forcément adaptés à des personnes qui, rappelons-le, sont éloignées de toute formation. Nous sommes favorables à l'accompagnement intensif, évidemment, mais ce n'est pas en imposant à des jeunes qui n'ont pas réussi à l'école et qui se retrouvent dans des situations difficiles, sans logement et en rupture familiale, des dispositifs rappelant le milieu scolaire qu'ils s'en sortiront.

Madame Guichard, vous parliez de 35 000 nouveaux boursiers, mais 40 000 avaient perdu leur bourse l'année dernière ! Le barème n'ayant pas été revu, il a suffi d'une légère hausse des revenus liée à l'inflation pour qu'ils ne soient plus éligibles. Mme Retailleau, même si je l'en remercie, ne fait donc que réparer un énorme raté de sa prédécesseure. Si elle n'avait rien fait, 120 000 nouveaux foyers seraient sortis du dispositif cette année.

En ce qui concerne la revalorisation, je trouve étonnant que tous les boursiers touchent 37 euros de plus par mois, que leur bourse soit de 100 euros mensuels ou de 580, alors que vous expliquez sans arrêt qu'il faut cibler les dispositifs au plus près. Ceux qui bénéficient du niveau de bourse le plus élevé devraient avoir droit à une revalorisation qui correspond à l'inflation qu'ils subissent. À cet égard, il faudrait se fonder plutôt sur l'inflation des produits alimentaires, qui est de l'ordre de 14 % ou 15 %, que sur l'inflation globale, qui s'élève à 6 %.

Monsieur Masson, vous préféreriez que l'on accompagne la jeunesse vers le travail. Je vous invite à travailler vous-même davantage, car les chiffres que vous avez donnés sont totalement faux. Notre proposition ne concerne pas du tout les héritages des classes populaires. Au total, 50 % de la population hérite de moins de 70 000 euros. Si l'on tient compte du fait qu'un tiers des foyers n'hérite de rien du tout et un deuxième tiers de pas grand-chose, on mesure l'ampleur des inégalités. Quand on sait que 10 % de la population hérite de plus de 500 000 euros, la concentration des richesses devient évidente. Qui plus est, selon le CAE, organisme placé sous l'autorité du Premier ministre, le taux réel appliqué aux 0,1 % des plus riches est non pas de 45 %, comme le prévoit le code général des impôts, mais de 2 % à 3 %. Trouvez-vous normal que les 0,1 % les plus riches transmettent leur patrimoine en ne payant quasiment rien ? Moi non, surtout au regard de la très grande pauvreté et de la précarité de la jeunesse.

Monsieur Boyard, le SNU ne devrait effectivement pas être généralisé, et je m'en réjouis. Grâce à cette décision, 2 milliards d'euros, au bas mot, pourront être réorientés vers la jeunesse.

Madame Corneloup, vous ne voulez pas de l'assistanat dès le plus jeune âge. Pour ma part, je considère qu'il faut surtout supprimer l'assistanat pour les personnes aisées d'un certain âge : entre les notaires et les conseillers fiscaux, les détenteurs des patrimoines les plus importants sont vraiment très assistés quand il s'agit d'échapper à l'impôt et de profiter de toutes les niches qui mitent la fiscalité des successions ! Il faut remettre tout cela à plat. Cela nous permettra de dégager chaque année plusieurs milliards d'euros en faveur de politiques d'égalité, sans pour autant empêcher quiconque de vivre.

Monsieur Cosson, vous me reprochez l'absence d'étude d'impact. Moi aussi, j'aurais bien aimé en avoir une, mais pour cela il faudrait que la NUPES soit au gouvernement – ce qui se produira le plus rapidement possible, espérons-le. Il n'en demeure pas moins que je m'appuie sur des études très précises, dont celle du CAE. À ce propos, j'ai été extrêmement étonnée qu'il n'existe aucun chiffre du ministère, aucune étude s'agissant du non-recours aux bourses. Pourtant, chacun sait bien que le non-recours est un problème généralisé dans les aides sociales. Mais personne ne se demande si des étudiants qui pourraient y avoir droit les perçoivent...

Tout à l'heure, madame Parmentier-Lecocq, j'étais aux Invalides. Ce n'était pas une fausse distribution alimentaire : il y avait de vraies personnes, notamment des étudiants. J'ai interrogé une étudiante en deuxième année de droit et une autre en troisième année de philo, qui ne touchent pas de bourse – j'ai vérifié, parce que je savais ce que vous alliez me le demander, qu'elles ne sont pas les filles de Bernard Arnault. Elles m'ont toutes les deux dit qu'elles avaient eu des difficultés pour accéder aux dossiers. Certes, je ne connais rien de leur vie, mais je suppose que ce n'est pas par plaisir qu'elles sont venues faire une heure et demie de queue pour recevoir un litre de lait. Cela illustre le fait qu'il y a de vrais problèmes d'accès aux droits.

Monsieur Christophe, le Gouvernement a effectivement décidé des aides exceptionnelles. Non seulement elles ne sont pas suffisantes, mais, par nature, elles sont ponctuelles, comme c'est trop souvent le cas pour les aides ciblant les ménages les plus en difficulté. En leur offrant une aide pérenne, nous souhaitons donner aux jeunes la capacité à se projeter, à construire leur parcours, à mieux réussir leurs études, en leur évitant notamment de devoir rater des cours pour aller travailler.

La métropole de Lyon a constaté, depuis qu'elle a créé une aide supplémentaire, il y a un an et demi, que les jeunes émargeant au dispositif n'y restaient pas : le fait de pouvoir compter sur une aide au long cours, de savoir qu'ils auront de quoi manger accroît considérablement leur capacité à rebondir. Cela leur donne confiance. C'est la même idée ici.

Je tiens à vous alerter sur le fait que la contemporanéisation des APL a fait beaucoup de perdants, notamment chez les jeunes : la réforme s'est traduite par une diminution de 6 euros par mois en moyenne pour les étudiants et de 100 euros pour les jeunes travailleurs. C'était une décision de gestion destinée à faire baisser le coût des APL. Malheureusement, elle a fait des dégâts.

Selon vous, le Gouvernement a fait beaucoup. Vous avez énuméré les dispositifs, mais en oubliant que les uns avaient remplacé les autres. Je me souviens très bien de Mme Dubos nous disant qu'elle allait créer un revenu universel d'activité et qu'il s'agirait d'une forme d'élargissement du RSA aux moins de 25 ans. Nous attendons toujours.

Il est nécessaire, nous l'avons tous reconnu, de régler la question de la pauvreté de la jeunesse. Tel est l'objectif de cette proposition de loi, que plusieurs amendements permettront d'enrichir.

Article 1er : Élargir le revenu de solidarité active aux jeunes de 18 à 25 ans

Amendements de suppression AS1 de M. Fabien Di Filippo, AS4 de M. Bryan Masson et AS28 de Mme Claire Guichard.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article 1er vise à étendre le RSA sans contrepartie à tous les jeunes dès 18 ans.

Il y aurait beaucoup à dire à propos des bourses, notamment sur la possibilité d'en bénéficier – un étudiant par exemple dont les parents appartiennent à la classe moyenne et travaillent tous les deux, même s'ils ont des salaires modestes, en est exclu. On pourrait favoriser l'attribution au mérite, mais non : vous choisissez de créer une nouvelle allocation.

Je ne vous ferai pas le procès de l'absence de financement, puisque vous proposez une taxation des héritages, mais notre pays est déjà le champion des prélèvements obligatoires. En effet, on parle beaucoup du déficit et de la dette, mais un autre élément est frappant : plus de 46 % du PIB, soit presque 1 euro sur 2 de richesse produite dans notre pays, est prélevé sous forme d'impôts, de taxes ou de prélèvements obligatoires.

Par ailleurs, sept ans après l'entrée dans le RSA, un tiers seulement des bénéficiaires ont un emploi, si l'on en croit le dernier rapport de la Cour des comptes. Le RSA n'est donc pas du tout le tremplin vers la réussite que vous imaginez.

Cette proposition de loi témoigne d'un rapport à la famille, à travers la taxation de l'héritage et de la solidarité familiale, et d'un rapport au travail qui sont bien éloignés de notre philosophie. C'est pourquoi nous proposons de supprimer purement et simplement l'article 1er.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Un RSA existe déjà pour les 18-25 ans, et le texte ne pose pas assez d'exigences en matière de travail. Nous demandons nous aussi la suppression de cet article.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le RSA jeunes existe déjà, sous certaines conditions. Si l'on entend lutter efficacement contre la précarité des jeunes et favoriser leur insertion professionnelle, une allocation ne saurait se concevoir qu'en contrepartie d'un accompagnement intensif et personnalisé, ainsi que d'activités. C'est la logique du CEJ, qui est déployé depuis un an, en remplacement progressif de la garantie jeunes. Par ailleurs, pour les jeunes les plus éloignés de l'emploi, dans le cadre de la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, des appels à projets « CEJ - jeunes en rupture » ont été lancés.

Vous n'avez pas auditionné les missions locales et Pôle emploi, qui sont les principaux prescripteurs du contrat d'engagement jeune. C'est dommage : cela vous aurait évité certaines erreurs.

D'abord, l'objectif pour 2022 était bien de 300 000, et pas davantage ; il a donc été atteint. Le dispositif doit continuer sa montée en charge.

Ensuite, il est faux d'affirmer que la prise en compte des taux de sortie inciterait les structures à proposer le CEJ aux jeunes ayant plus de chances de trouver un emploi, puisque les missions locales sont financées en fonction des entrées et non pas des sorties.

Une enquête effectuée auprès des jeunes bénéficiaires du CEJ montre que 89 % d'entre eux sont satisfaits de l'accompagnement intensif et plébiscitent les quinze heures de mobilisation hebdomadaire.

Il est faux également de déclarer que le revenu de solidarité créé par la métropole de Lyon a été une réponse plus adaptée que le CEJ, puisqu'il est entré en vigueur neuf mois avant.

Pour tout vous dire, moi aussi je suis sur le terrain : je suis présidente d'une mission locale, vice-présidente de l'association régionale des missions locales de Bretagne et vice-présidente de l'Union nationale des missions locales. Je travaille depuis dix ans avec les conseillers en insertion. Nous voterons ces amendements de suppression.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je viens de vérifier : M. Castex avait bien donné le chiffre de 400 000 CEJ comme objectif.

À vous entendre, le RSA jeunes serait quelque chose de formidable. Or, en 2023, il concerne 460 foyers pour toute la France. Au regard de la situation de la jeunesse, c'est microscopique. Cela ne correspond évidemment pas aux besoins.

Il est vrai que certaines titulaires du RSA peuvent y rester fort longtemps, mais ce sont des personnes en milieu ou en fin de carrière et ayant connu des accidents de parcours, ce qui rend leur insertion plus difficile et les éloigne davantage de l'emploi. Des jeunes qui essaient d'entrer sur le marché du travail et ont du mal à se loger – certains sont en décohabitation, ou en rupture familiale – sont dans une situation fondamentalement différente. Les difficultés ne sont pas du tout les mêmes. La société peut les aider à se lancer.

Madame Le Nabour, peut-être avez-vous mal compris ce que j'ai écrit dans le rapport ? Le dispositif créé par la métropole de Lyon ne vient pas du tout concurrencer le CEJ. C'est un dispositif « interstitiel », conçu pour s'ajouter aux autres, étant donné les difficultés d'accès aux aides sociales qui existent. Ce dispositif, qui évite l'enkystement, tourne très bien et offre aux jeunes une visibilité qui leur assure qu'ils pourront dormir sous un toit, manger à leur faim et donc construire leur avenir.

Nous sommes donc très opposés à la suppression de cet article, car le RSA pour les 18-25 ans était et est encore une demande très forte de toutes les associations étudiantes et de jeunesse, urbaines ou rurales. Pour elles, cela serait un moyen de donner à la jeunesse sa pleine majorité, qui n'est pas seulement une majorité politique à 18 ans, mais une majorité sociale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la rapporteure, votre raisonnement est très construit, et notre désaccord est purement philosophique : pour moi, cette mesure aurait des conséquences catastrophiques. Aujourd'hui, le RSA enferme les personnes dans la prison de l'assistanat. L'accompagnement est quasiment impossible et l'on voit arriver des générations de personnes qui ont des enfants et qui n'ont jamais travaillé. Notre société a un problème dans son rapport culturel au travail. En onze ans, le nombre de bénéficiaires du RSA n'a pas été multiplié par deux, comme l'indiquait Olivier Dussopt, mais il a augmenté de 50 %, pour atteindre le chiffre de 2 millions. On ne peut pas aller beaucoup plus loin dans une direction qui ne fragilise pas seulement notre économie, mais aussi le pacte social de la nation. Je ne crois pas que le RSA, tel qu'il est construit, permette une insertion sociale pérenne de ces jeunes. Au contraire, il les fait entrer dans un cercle vicieux dont il est d'autant plus difficile de sortir qu'on y est resté longtemps.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je répète que, sur l'année 2022, l'objectif était bien de 300 000 entrées : 200 000 pour les missions locales et 100 000 pour Pôle emploi. Pardon, mais je suis dans ces réseaux.

Pour ce qui est des 450 jeunes concernés par le dispositif de la métropole de Lyon, les missions locales concernées m'ont indiqué qu'elles les orientaient vers le CEJ parce qu'il est mieux disant, avec une allocation de 500 euros contre 400 pour le revenu de solidarité.

Quant à l'accompagnement global, il est depuis quarante ans au cœur des missions des missions locales, qui doivent aussi lever les freins liés par exemple au logement, à la santé, à la mobilité ou au mode de garde. Ce que vous proposez remettrait en cause l'accompagnement global qu'elles assurent.

Du reste, dans le cadre du revenu de solidarité de la métropole de Lyon, ce sont bien les missions locales qui accompagnent les jeunes et qui, de plus en plus, les orientent vers le CEJ au détriment de ce dispositif.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ces amendements brossent en creux un portrait bien peu engageant de notre jeunesse. Notre souhait, par ce texte et tout particulièrement par l'article 1er, était de lui montrer notre confiance en lui octroyant les moyens de son émancipation.

Plutôt que de parler sans cesse d'assistanat, mieux vaudrait rappeler les chiffres qui expriment clairement la dure réalité. La pauvreté chez les jeunes reste largement sous-estimée, car il est difficile de quantifier leurs ressources réelles. Il est en tout cas certain que c'est chez les jeunes que la pauvreté a le plus progressé ces quinze dernières années, avec une hausse de 50 % entre 2002 et 2017. La situation ne s'est pas arrangée depuis lors, avec 1 400 000 jeunes vivant sous le seuil de pauvreté. On ne peut donc pas considérer tous les jeunes comme des profiteurs à qui on donnerait des sommes mirobolantes sans contrepartie. Qui peut être heureux de vivre avec 600 euros par mois ? Et si certains les accusent de frauder, qu'ils n'oublient pas d'autres fraudes, comme celle que j'ai découverte ce matin dans la presse commise par de grandes banques – mais là, on parle de 140 milliards d'euros : c'est comme comparer des cacahuètes et du caviar...

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tout l'objet de notre débat est tout de même de savoir si la France restera le seul pays d'Europe, avec le Luxembourg, à ne pas accorder de revenu minimum aux jeunes...

Plus d'un quart des moins de 25 ans vivent sous le seuil de pauvreté. Ils sont donc vulnérables dans leur formation, car lorsqu'on est obligé de fréquenter la banque alimentaire ou d'occuper un emploi de nuit, on ne peut pas se concentrer pour étudier et mener ses études à leur terme – peut-être y êtes-vous parvenus, et je vous en félicite, mais ce n'est pas le cas de tout le monde. Ils sont également vulnérables dans la recherche d'un emploi, lorsqu'ils hésitent à faire un plein d'essence pour se rendre à un entretien d'embauche ou à un forum de l'emploi. Bref nous chipotons sur la sécurité matérielle des jeunes, et tout ça pour des montants qui représentent la moitié du seuil de pauvreté ! C'est en parfait décalage avec ce qui se passe dans le pays. Après tout, l'un des grands enjeux de l'ouverture du RSA, c'est que les jeunes puissent s'offrir du sérum physiologique pour les cas où vous les faites gazer dans les manifestations...

Un autre véritable enjeu est celui des projets que peuvent entreprendre les jeunes. Si vous ne sécurisez pas une aide inscrite dans le temps, qu'ils sachent acquise pour plus d'une année, vous leur rendez difficile de concevoir un projet de formation qualifiante, d'accès à l'emploi, d'installation, de vie de famille. Votre position rend tous les jeunes vulnérables.

Selon vous, le RSA n'est pas un tremplin. Mais la misère en est-elle un ? Car c'est cela, l'alternative ! Sinon, donnez des emplois à tout le monde, et nous retirerons le texte ! La vraie question est de savoir si on a droit à la sécurité matérielle lorsqu'on a moins de 25 ans. Vous dites non, nous oui.

Du reste, toutes les études montrent que le passage de 24 à 25 ans ne change rien au taux de retour à l'emploi. Le RSA n'a donc pas d'effet désincitatif. Bien au contraire, il vient appuyer les projets des jeunes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous rassure, j'ai dû travailler pour financer mes études. Paradoxalement, il fallait à l'époque être salarié pour bénéficier des APL... C'était vraiment très incitatif !

Il y a plusieurs aspects à prendre en compte. Dans certains cas, les jeunes souffrent d'une méconnaissance du droit existant, et d'un déficit manifeste d'orientation, voire de formation. Le RSA n'est alors pas la réponse – peut-être faut-il inventer un autre dispositif.

Quant aux fraudeurs au RSA, il en existe. Dans le Nord, par exemple, où l'on comptait 115 000 allocataires voilà six ans, 2 500 ont disparu d'un coup lorsqu'il a été annoncé qu'on allait accompagner le retour à l'emploi : il s'agissait de ceux qui travaillaient en Belgique tout en bénéficiant du RSA en France. Bien sûr, ce n'est qu'une certaine proportion, mais gardons-nous des amalgames.

Nous voulons tous faire progresser l'accompagnement des plus jeunes, et je ne pense pas que le RSA soit la clef d'entrée. Il a du reste quelque chose de stigmatisant. Les jeunes méritent mieux. Il y a sans doute d'autres dispositifs à réarticuler ou à renforcer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faut le repréciser : sur le site du Gouvernement, au 2 novembre 2021, Jean Castex a annoncé 400 000 CEJ.

Je connais bien les missions locales, que j'ai auditionnées à de nombreuses reprises en tant que rapporteure spéciale pour le Sénat des crédits de la mission Travail et emploi. Je n'ai donc aucunement l'intention de les attaquer. Ce sont de bons outils. Souvent soutenues par les collectivités locales, elles sont confrontées aux baisses de dotations, comme c'est le cas dans ma région d'Île-de-France en raison de la politique de Mme Pécresse. Pour certains professionnels, toutefois, l'obligation d'accomplir quinze à vingt heures, s'agissant de jeunes très en retrait, nuit au lien que les conseillers créent avec eux. Cette réalité ne correspond pas au projet lancé dans les années 1980 par Bertrand Schwartz, qui reposait sur l'accompagnement global du jeune et qui a fait ses preuves. Nous devons aider et soutenir les missions locales.

Le dispositif de Lyon ne concurrence donc nullement le CEJ. Il vient aider des jeunes qui seraient, par exemple, en attente d'un CEJ ou d'autres aides, en leur donnant, comme le ferait le RSA, la certitude d'avoir un droit. De fait, les autres dispositifs ne sont pas des droits pour les jeunes : il faut y avoir accès. Et pour cela, il faut aller à la mission locale, qui peut être un peu éloignée, ou auprès de Pôle emploi, ce qui peut être difficile, ou encore il faut lever ses propres freins...

En outre, ces dispositifs sont insuffisamment dotés pour répondre à tous les besoins. Alors que plus d'un million de jeunes pourraient relever du CEJ, seuls 200 000 à 300 000 en bénéficient. Les autres, on les retrouve dans les statistiques de la pauvreté. Dans les faits, certains dorment dehors. Allons-nous nous contenter de perpétuer ces dispositifs ?

Supprimer l'article 1er sans proposer rien d'autre que les dispositifs qui existent déjà et dont on connaît l'insuffisance n'est pas responsable. Il faut trouver les voies pour remédier à la situation que connaît aujourd'hui notre jeunesse.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 1er est supprimé et les amendements AS20 de Mme Christelle D'Intorni, AS21 de Mme Charlotte Leduc et AS5 de M. Bryan Masson tombent.

Après l'article 1er

Amendement AS6 de M. Bryan Masson.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement vise à favoriser l'accompagnement des étudiants français dans la poursuite d'études supérieures, parfois compromise par la précarité de leur famille. Accompagner un jeune dans ses études supérieures n'est pas à la portée de toutes les familles. Les plus modestes et les classes moyennes ne peuvent bien souvent pas payer un loyer et des frais de scolarité pour leurs enfants, ce qui compromet leur entrée dans l'âge adulte.

La précarité est devenue un passage obligé, parfois même un horizon, pour des centaines de milliers de jeunes Français. Plusieurs études évaluent à un million le nombre d'étudiants qui travaillent durant leurs études. Il apparaît ainsi essentiel de les soutenir sans réserve, en encourageant non seulement leur activité, mais aussi la réussite de leur formation.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons aujourd'hui la possibilité d'instaurer un système de bourses correspondant aux besoins. Nul besoin de demander un rapport.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous connaissons enfin la proposition du Rassemblement national contre la précarité étudiante, et elle s'est éclatée au sol ! Vous voulez donner entre 200 et 300 euros par mois aux étudiants, mais seulement à ceux qui travaillent à côté de leurs études. La première cause d'échec en licence étant les jobs étudiants, vous proposez donc d'encourager la principale inégalité entre étudiants. Qui plus est, tous les jeunes ne parviennent pas à cumuler job et université, et ne méritent pas pour autant d'être privés d'études. Le plus incroyable est qu'un contrat de quinze heures ne permettrait même pas de vivre au-dessus du seuil de pauvreté.

Finalement, au Rassemblement national, vous êtes comme Macron, vous acceptez la fatalité d'une précarité étudiante en France. Marine Le Pen est à la précarité ce que Macron est à la démocratie : une gigantesque arnaque.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Au-delà d'un rapport visant à évaluer le niveau de précarité étudiante, cet amendement tend à instaurer une sorte de prime au mérite qui ne coïncide pas avec notre vision de l'universalité et ne répond en outre pas du tout aux besoins des étudiantes et des étudiants.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS22 de M. Louis Boyard.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement vise à la remise d'un rapport sur les modalités de création et de financement d'une garantie d'autonomie universelle, prenant en compte les propositions formulées par la NUPES pour sortir les étudiants de la précarité, qui sont constamment taxées d'instaurer de l'assistanat.

Nous voulons un débat de fond. Le problème de la précarité étudiante ressemble à celui des retraites. Jadis, on demandait aux familles de financer le grand âge, la vie de personnes qui ne pouvaient plus travailler. Des millions de familles n'étaient malheureusement pas en mesure d'assurer cette solidarité familiale et des retraités vivaient dans la précarité. Il en va de même ici : on demande aux familles de financer les études de leurs enfants en leur assurant un revenu supérieur au seuil de pauvreté, mais une immense partie des familles ne peuvent pas se le permettre.

Voilà pourquoi nous proposons de passer d'une solidarité familiale à une solidarité sociale et nationale. Il ne suffit pas de crier à l'assistanat : nous souhaiterions vous entendre évoquer sur le fond le rapport entre solidarité familiale et solidarité sociale et nationale. Nous pourrions alors avoir un débat apaisé, et peut-être les étudiants pourraient-ils alors vous écouter sans avoir les oreilles qui sifflent.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai l'impression que c'est M. Boyard qui est en train de craquer ! La grande solution que vous proposez, c'est donc un... rapport ? Figurez-vous que tout le monde n'a pas eu la chance de financer ses études en passant chez Hanouna ! J'aimerais que vous présentiez vos amendements de façon un peu plus mesurée, les invectives ne sont pas de mise ici.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis favorable.

Notre proposition, qui répond à une urgence et à un problème structurel, ne constitue pas le projet politique global que nous portons pour la jeunesse. Si nous avons proposé bourses et RSA – lequel n'est assurément pas le paradis sur terre – c'est simplement pour apporter des aides et donner un droit.

Il faut engager une réforme fiscale très profonde, qui remette aussi en question la familialisation et la définition des foyers fiscaux, mais cela prend du temps et dépasse le cadre d'une proposition de loi. Il faut une réflexion approfondie pour que les jeunes puissent disposer d'un véritable outil leur permettant de construire leur autonomie. La justice fiscale doit être refondée pour que chaque enfant soit aidé de la même manière, et non pas en fonction du foyer où il naît.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Voter cet amendement est une question de bon sens. Puisque vous ne cessez de dire que vous êtes presque d'accord avec nous, sauf qu'il y a toujours une objection, un rapport permettrait de savoir quelles garanties d'autonomie nous pouvons proposer aux jeunes. C'est bien beau de dire qu'il faut travailler, entrer dans la vie active, mais voulez-vous que les élèves infirmières, qui sont payées 1 euro de l'heure quand elles ont de la chance, aillent travailler le soir dans des fast foods après leurs douze heures de stage ? Nous manquons cruellement de soignants, et vous leur demandez de travailler en plus de leur formation ? Vous êtes satisfaits qu'un interne en médecine, avec le nombre d'heures qu'il effectue, touche moins de 500 euros ? Et il y a tant d'autres exemples...

(Exclamations.)

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

À voir vos réactions, il est clair que quand vous avez tort, vous le prenez mal. Mais il y a des solutions à trouver. Montrez que vous vous intéressez au financement de l'autonomie des jeunes, votez ce rapport, ça vous fera du bien !

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS12 de M. Bryan Masson.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La jeunesse de France, des étudiants aux jeunes actifs, subit de plein fouet la crise du pouvoir d'achat et l'augmentation du prix de la vie. Au-delà de l'explosion du prix des énergies cette année, celui des transports a aussi un impact considérable sur le budget des jeunes. Or l'entrée en formation professionnelle ou supérieure contraint de nombreux jeunes à s'éloigner de leur famille, le centre de formation des apprentis, l'université ou l'entreprise formatrice n'étant que rarement à proximité du domicile familial : les jeunes sont dès lors souvent contraints d'abandonner la mobilité pour financer leur logement et les produits alimentaires.

La gratuité des transports ferroviaires, qu'il s'agisse de lignes régionales ou nationales, pour tous les Français de 18 à 25 ans et aux heures creuses, serait un véritable coup de pouce pour la santé financière de la jeunesse.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les besoins de mobilité de la jeunesse ne se limitent pas aux heures creuses. Avis défavorable.

La commission rejette l'amendement.

Article 2 : Réforme du système de bourses

Amendement AS29 rectifié de Mme Anne Brugnera, sous-amendements AS35 et AS38 de Mme Sophie Taillé-Polian.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre système de bourses est primordial pour la démocratisation de l'enseignement supérieur et, surtout, pour l'émancipation de notre jeunesse et la lutte contre les déterminismes sociaux. Ce système, vieux de trente ans, est toutefois complexe et comporte plusieurs limites, dont certaines sont conjoncturelles et d'autres structurelles. C'est pourquoi a été lancée une concertation sur la vie étudiante – j'espère, chers collègues qui êtes intéressés par la question des bourses, que vous y avez participé – et qu'une mission a été confiée à M. Jean-Michel Jolion.

Les principaux écueils auxquels se heurte notre système sont le caractère figé du barème, qui a pu faire sortir certains étudiants du système des bourses, le fait qu'il compte huit échelons, qui produisent des effets de seuil, la perception des bourses sur dix mois, qui peut poser problème l'été, et la non-automaticité des revalorisations. Mon amendement vise donc à l'annualisation les bourses et à leur indexation. J'appelle aussi de mes vœux, dans l'exposé des motifs, la révision du barème et sa linéarisation, qui relève quant à elle d'un arrêté ministériel et non de la loi.

Comme vous je l'espère, et comme les syndicats étudiants, j'ai écouté avec attention les annonces de la ministre sur les premières mesures de la réforme des bourses. À la rentrée 2023, il y aura un engagement financier sans précédent de 500 millions d'euros, une augmentation de 20 % du budget des bourses étudiantes, 35 000 nouveaux boursiers et une annualisation des effets de seuil.

Je retire donc l'amendement et resterai très vigilante quant à la mise en œuvre de ces premières mesures et, surtout, quant à l'acte 2 de la réforme des bourses, qui devra notamment aborder la question plus globale de l'annualisation. Je souhaite que cette réforme soit véritablement transformatrice, simplificatrice et ambitieuse pour tous nos étudiants.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je regrette le retrait de cet amendement qui, après les annonces de la ministre, qui nous ont laissés sur notre faim, offrait peut-être une possibilité de converger vers une amélioration notable du système de bourses. Il allait au-delà du rattrapage des difficultés et des erreurs de l'année précédente, avec notamment une indexation sur l'inflation. Même s'il n'était pas aussi ambitieux que les mesures que nous défendons, cet amendement permettait des avancées réelles et importantes au bénéfice des étudiants et des étudiantes. Je regrette que nous ne puissions en débattre.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous invite à étudier de près les annonces de la ministre, qui satisfont plusieurs des points figurant dans cet amendement. Je précise par ailleurs, au vu du premier de vos sous-amendements, que l'année universitaire comporte douze mois, de septembre à août.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

De nombreux étudiants s'intéressent au sort de cet amendement, qui leur a laissé espérer que les députés Renaissance, après avoir refusé le repas à 1 euro, allaient enfin servir à quelque chose dans la lutte contre la précarité étudiante. Et voilà qu'au prétexte d'une augmentation de 37 euros, vous empêchez un débat et un vote sur des mesures dont vous avez vous-même reconnu l'importance : la possibilité de toucher la bourse durant l'été et son indexation sur l'inflation !

Alors que le dépôt de cet amendement répondait à un engagement sincère de votre part, aucune de vos propositions n'est apparue dans celles de la ministre. Les députés Renaissance ont-ils donc, une fois encore, abandonné les étudiants ? Vous avez ouvert des débats très intéressants, sans aucune réponse.

Voilà six ans qu'on nous annonce la réforme des bourses, et c'est pour aboutir à ça, à ce truc low cost ? Et vous retirez votre amendement ? Quelle déception !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme Mme Brugnera le soulignait à juste titre, les bourses permettent de lutter contre les déterminismes sociaux et toutes les inégalités qui s'accroissent dans notre pays, et je regrette moi aussi le retrait de cet amendement. Vous nous renvoyez à des concertations mais, après moult conseils et cahiers de doléances, tous les grands échanges débouchent sur des solutions qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Cette réforme se fera donc en deux temps, comme l'a expliqué la ministre : nous verrons quel sera le second. Certes, 500 millions d'euros, ce n'est pas négligeable, mais c'est loin des 11 milliards que la proposition de loi entendait mobiliser pour permettre à un million et demi d'étudiants, la moitié de ceux que compte la France, de recevoir une bourse.

La distribution alimentaire organisée aux Invalides n'avait rien de démagogique. Ce n'est pas la première fois que j'y assiste, et je n'y fais habituellement pas de photos ou de vidéos. Ces dernières avaient valeur d'invitation. Il est dommage que vous ne soyez pas venus échanger avec ces jeunes, qui vous auraient exposé sans aucune agressivité leur quotidien et leurs difficultés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La ministre ayant présenté ses annonces comme une première série de mesures, j'attends, comme vous, la seconde. On voudrait faire croire que nous ne nous intéressons pas à la question, mais c'est très loin de la vérité.

Je suis cependant dubitatif quant à l'indexation sur l'inflation. Il est arrivé que le Gouvernement décide d'augmenter les montants en l'absence de toute inflation : cela risque de devenir impossible si nous nous enfermons dans cette indexation. Nous devons donc nous doter d'un mécanisme permettant les deux solutions.

Quant aux effets de seuil, votre intention est louable, mais vous ne pourrez pas les supprimer. À quelques euros près de revenus, on peut perdre 600 euros de prestations, comme nous l'ont confirmé des témoignages directs.

Nous n'aurons donc pas clos le sujet et je serai très attentif aux annonces qui compléteront celles qui ont été faites aujourd'hui, qui, si elles ont le mérite de poser une première pierre, n'ont pas réglé tous les problèmes.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Boyard, vous demandez que les bourses soient revalorisées face à l'inflation. Mais c'est ce que nous avons fait dès que nous avons été élus, dans le cadre de la loi relative au pouvoir d'achat, que vous n'avez pas votée ! Ne nous donnez pas de leçons, nous vous avons donné l'occasion de faire ce geste avec nous et vous ne l'avez pas fait. Encore une fois, vous passez sous silence toutes les mesures que j'ai énumérées tout à l'heure, de même que les annonces sur l'augmentation du nombre de boursiers et du montant des bourses, ainsi que le renforcement de l'accès aux bourses pour tous les étudiants.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pour ma part, je participe depuis longtemps aux distributions alimentaires aux étudiants dans ma circonscription, mais je ne me rends pas sur l'esplanade des Invalides pour en faire des vidéos et des tweets. Nous avons déployé de nombreuses aides pendant le covid. Le repas à 1 euro pour tous, c'est nous qui l'avons fait. Nous l'avons ensuite réservé aux boursiers ainsi qu'aux étudiants précaires, justement parce que de nombreux étudiants étaient sortis du barème et que, en attendant sa révision, nous voulions qu'ils aient accès à ce repas à 1 euro.

Certains disent que la concertation vient d'être lancée : elle a lieu depuis plusieurs mois, et je vous encourage à la rejoindre ! Les étudiants y ont d'ailleurs participé en masse, avec tous les acteurs de l'enseignement supérieur ou les associations de l'aide alimentaire. Elle a abouti aux premières mesures de la réforme, et servira aussi à son acte 2.

Parmi les premières mesures figure l'annulation des effets de seuil. Ce n'est pas suffisant : nous voulons la linéarisation et l'indexation automatique des bourses, mesures qui seront intégrées à l'acte 2.

Nous avons revalorisé plusieurs fois les bourses. Ce n'est pas encore satisfaisant, mais dégager 500 millions d'euros supplémentaires ou réintégrer 35 000 étudiants dans le système des bourses, ce n'est pas négligeable – d'autant que, vous le savez, avoir une bourse donne accès à des logements du centre régional des œuvres universitaires et scolaires (Crous), à des repas à 1 euro et à bien d'autres avantages.

Vous ne faites que parler. Nous, nous agissons pour les étudiants, et ils ne sont pas dupes !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous nous prenez vraiment pour des lapins de six semaines ! L'inflation serait donc de 3,5 %, et le prix des pâtes n'aurait pas augmenté ? Quelles bonnes nouvelles !

Quant aux annonces... Lors de la précédente législature, le ministre de la santé et le Président de la République avaient annoncé à plusieurs reprises l'arrivée imminente d'une loi grande âge et autonomie. Six ans plus tard, toujours rien. Je ne suis pas là pour écouter les effets d'annonce d'une ministre, mais pour voter la loi. C'est ce que nous pouvons faire aujourd'hui. Je regrette vraiment que l'amendement soit retiré. Si la ministre fait mieux plus tard, tant mieux, mais en attendant, il faut aider les jeunes !

Quant aux tweets et aux vidéos, ils n'ont rien à voir avec le débat. Beaucoup de personnes qui participent aux distributions ne se filment pas. Arrêtez avec ça : ce qui compte, c'est que des jeunes commencent leur vie en faisant la queue pour pouvoir manger !

Vous dites que vous avez fait plein de choses pendant le covid, mais nous vous avions proposé les mêmes mesures quelques mois auparavant et vous ne les aviez pas votées – les amendements sont faciles à retrouver. Il a fallu la crise covid pour vous dire que nous avions peut-être raison.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ne dites pas que rien n'a été fait. La puissance publique a été présente pendant la crise du covid. Dans la seule région Bourgogne-Franche-Comté, l'aide alimentaire, qui était de 360 000 euros en 2019, est passée à 3 millions en 2020. Les associations sur le terrain le reconnaissent. Certes, je préférerais qu'il n'y ait pas de pauvres, mais la situation des plus vulnérables est prise en compte. Cela mérite d'être dit.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Peut-être les médias donnent-ils à voir ce qui serait invisible dans notre société ? J'aurais préféré ne jamais avoir à aller sur l'esplanade des Invalides pour participer à...

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce que vous appelez une mascarade, ce sont des jeunes venus chercher des pâtes, du lait, du beurre. Mais comme vous l'envisagez ainsi, vous ne cherchez pas à répondre à la situation.

Madame Parmentier-Lecocq, le réel n'est pas une mascarade, pas plus que la situation de détresse des jeunes. Alors parfois, il faut mettre ces situations en pleine lumière, sans quoi elles restent invisibles. Je l'assume. Nous avons organisé cette distribution en lien avec les organisations étudiantes, qui ont effectivement participé à la concertation et qui attendaient beaucoup des annonces de la ministre – beaucoup et longtemps : les annonces devaient arriver en février, et non fin mars. Ce que certaines disent, c'est « Tout ça pour ça ! ».

Oui, il y a un rattrapage. Oui, il y aura davantage d'étudiants boursiers à la rentrée prochaine qu'à la précédente – mais parce que 40 000 foyers avaient été exclus du dispositif l'année dernière, faute de revalorisation du barème ! Alors, que 35 000 étudiants soient réintégrés, tant mieux, mais cela ne peut pas être présenté comme une grande avancée sociale. Ça, c'est de la démagogie, si l'on veut se donner des leçons en la matière.

Je regrette que Mme Brugnera ait retiré son amendement car il comportait des mesures qui ne figurent pas dans les annonces de la ministre. Je pense notamment au versement des prestations sur dix ou douze mois, ainsi qu'à la garantie d'indexation sur l'inflation : quel soulagement ce serait pour les étudiants ! Oui, les annonces sont décevantes et je regrette que nous ne puissions pas construire ensemble un meilleur dispositif que celui de la ministre. Le Parlement doit prendre sa place, au lieu d'attendre les annonces ministérielles !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lorsque j'étais directeur de maison d'enfant à caractère social, j'ai vu des jeunes de 18 ans partir pour travailler, perdre leur emploi au bout de six mois et se retrouver sous les ponts. Je me suis aussi occupé de soupes populaires, où des jeunes – certains étudiants, d'autres non – venaient chercher de quoi manger. Face à une telle misère, on ne peut pas parler de mascarade. La misère humaine, cela se respecte. Ces propos sont ignobles.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le député, personne n'a dit cela, et personne ne le pense. Ce qui était une mascarade, c'était la mise en scène de certains députés, non la misère humaine. Nous avons tous le souci de nos jeunes, qui sont l'avenir de notre pays.

L'amendement est retiré.

En conséquence, les sous-amendements tombent.

Amendement AS2 de M. Fabien Di Filippo.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'amendement tend à supprimer l'alinéa 6, qui vise à porter le montant des bourses à 60 % du revenu médian, ce que vous estimez être le seuil de pauvreté, c'est-à-dire 1 102 euros.

Il y aurait eu un grand nombre de mesures à discuter. Il aurait pu être question des bourses au mérite pour les classes moyennes ; du logement étudiant dans les grandes villes ; de la localisation des formations – toujours dans les métropoles, où la vie est si chère. Mais non : avec vous, c'est toujours davantage d'argent public, davantage d'aides.

L'extension des bourses aux étudiants étrangers a deux effets pervers. Elle peut conduire ces derniers à s'inscrire le plus longtemps possible dans des cursus, sans nullement vouloir y trouver un débouché professionnel, afin de toucher un montant qui s'approche tout doucement du Smic. Elle peut aussi susciter un appel d'air d'étudiants étrangers qui ne seraient pas attirés par la qualité de nos cursus. Il y a bien mieux à faire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis défavorable.

Les étudiants sont un investissement pour notre pays : il faut les accompagner vers la réussite. Quitte à ce que les jeunes étudient, il faut leur en donner les moyens. Les plus avancés dans leurs études doivent pouvoir aller en cours, faire leurs devoirs, réviser, sans être obligés de travailler en parallèle. Nous assumons ce montant élevé de prestations pour les étudiants éligibles.

S'agissant des étudiants étrangers, dès lors que nous les accueillons dans nos universités, il faut leur permettre d'étudier dans de bonnes conditions. C'est un enrichissement pour la France et pour nos universités. Des pays comme les États-Unis ou le Canada se sont dotés de politiques d'ouverture : ils ont raison, il faut que les étudiants étrangers viennent nous enrichir de leur culture. Certains resteront, d'autres partiront. Dans tous les cas, ils apporteront quelque chose à notre société. Nous voulons donner à ceux qui n'ont pas de moyens personnels – certains en ont – la capacité à vivre dignement dans notre pays.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous dites que si l'on revalorise les bourses, des jeunes voudront s'inscrire à la fac. Moi, je trouve que c'est plutôt une bonne nouvelle mais si pour vous c'est une mauvaise, alors votez le texte, instaurez le RSA jeunes ! Vous aurez résolu à la fois le problème de l'accès à l'université et vos contradictions.

Quant aux étudiants étrangers, il me semble qu'il faut soutenir tous les jeunes en formation, quels que soient leur pays d'origine ou leur nationalité. D'abord parce qu'à travail égal, il semble cruel de leur réserver un sort distinct, et ensuite parce qu'il y a un risque de mettre les autres étudiants en difficulté : si vous mettez un obstacle supplémentaire à de jeunes étrangers en formation, la durée de leurs études se trouvera allongée et les amphis surchargés. Au contraire, aider les uns à réussir a toujours un effet bénéfique sur les autres.

Pour ce qui est d'un « appel d'air d'étudiants », je ne crois pas que, dans le tiers monde, les habitants des villages se rassemblent pour étudier quelle filière, du génie mécanique ou des mathématiques appliquées, ouvre les droits les plus intéressants au Crous. Cela n'existe pas. Il n'est pas vrai qu'une aide sociale attirerait les étudiants étrangers : ils viennent en France pour la qualité d'un cursus, pas pour une aide de 10 ou 15 euros.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On se demande bien pourquoi des étudiants viennent étudier en France si l'accueil qu'on leur réserve est aussi « cruel » !

Lorsque des Français souhaitent étudier à l'étranger, ils peuvent bénéficier de dispositifs de réciprocité légitimes, comme les bourses croisées d'Erasmus au sein de l'Union européenne.

En dehors de l'Union européenne, en revanche, les étudiants français non seulement n'ont pas forcément accès au logement social et aux bourses, mais doivent parfois justifier d'une certaine somme sur leur compte bancaire. Avant de dire que nous accueillons mal les étudiants étrangers et que le contribuable français doit y remédier, on peut se demander si la réciprocité est assurée ailleurs. Mais ces pays ont sans doute un rapport culturel au travail, à l'investissement, à la responsabilité personnelle bien différent du nôtre. J'envisage la mesure que vous proposez comme une dérive.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Di Filippo, si vous voulez une réciprocité, il faut qu'un pays commence : pourquoi pas la France ?

Il est question de grands principes, de constats abstraits, d'« appel d'air » ou d'étudiants qui « profiteraient ». Quand parlerons-nous du vrai sujet, les étudiants ? La très grande majorité des étudiants étrangers viennent en France en toute bonne volonté, sans bourse. Comment font-ils pour se loger, boire, manger, s'habiller, ce qui est déjà très difficile pour des étudiants français boursiers ?

Enfin, nous ne disons pas que vous n'avez rien fait mais que, au vu de l'immense misère qui existe dans ce pays, vous ne faites pas assez. On parle d'étudiants qui ne mangent pas à leur faim tous les jours, qui ne peuvent pas se loger ! Vous parlez de budgets qui passent de 360 000 à 3 millions d'euros, de 500 millions consacrés aux bourses, mais les gens se fichent pas mal de ces montants ! Ce qui compte, c'est qu'ils aient dans leur portefeuille de quoi leur assurer le minimum de la dignité humaine, et ce n'est pas le cas aujourd'hui !

Quittez vos tableurs et entrez dans la réalité ! (Exclamations.) Les personnes sur l'esplanade étaient de vrais étudiants précaires, venus vous demander de les entendre. Vous avez refusé le repas à 1 euro. Vous aviez déposé un amendement intéressant, vous l'avez retiré. Et vous parlez de mascarade ! (Mouvements divers.) Ces gens essaient de vous faire entendre des choses. Vous devriez les traiter avec respect.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il faut rendre à César ce qui appartient à César : c'est le Président de la République et cette majorité qui ont instauré le repas à 1 euro. Pendant la crise sanitaire, nous l'avons étendu à l'ensemble des étudiants, sans critères sociaux.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ensuite, nous l'avons maintenu pour les boursiers et les étudiants en grande précarité. Ne dites pas que rien n'a été fait ! Oui, je trouverais choquant que l'enfant d'un ingénieur ou d'un député bénéfice du repas à 1 euro. En revanche, un étudiant en rupture familiale trouve de l'accompagnement dans son Crous et bénéficie du repas à 1 euro, ne dites pas le contraire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les étudiants en grande précarité n'en bénéficient pas !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce sont des mensonges ! C'est insupportable !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'entends les arguments de la droite, mais le principe des bourses est qu'il n'y a pas de « contrepartie », comme vous l'évoquez dans votre exposé sommaire. La contrepartie, c'est d'étudier. Une bourse ne se mérite pas, elle compense une situation sociale délicate, pour pouvoir étudier dans de bonnes conditions. Quand les étudiants sont obligés de cumuler études et travail, la moitié d'entre eux arrêtent leurs études.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS17 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cet amendement de repli vise à lisser les effets de seuil que présente le système actuel à huit échelons : entre deux échelons, le montant de la bourse peut différer de 800 euros, ce qui peut être perçu comme injuste par les bénéficiaires. Il inscrit dans le dispositif législatif les seuils supplémentaires que veut créer le texte, soit douze échelons en tout, tout en renvoyant leur fixation à un décret plutôt qu'à un arrêté.

Contre l'avis de la rapporteure, la commission rejette l'amendement.

Amendement AS23 de Mme Charlotte Leduc.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Venant de la commission des finances, je suis choquée par l'ambiance qui règne ici, et atterrée par le mépris qui s'exprime pour les étudiants en galère.

L'amendement vise à rendre les étudiants étrangers éligibles au système de bourses universitaires dans les mêmes conditions que les étudiants de nationalité française. Les étudiants étrangers subissent une triple précarité, pédagogique, sociale et administrative. Cette précarité résulte notamment d'une politique discriminatoire. L'accès aux bourses pour les étrangers est un parcours du combattant. Pour y prétendre, les ressortissants européens doivent avoir occupé un emploi en France au cours de l'année de référence n-2, ou avoir des parents qui ont perçu des revenus en France, ou justifier de plus d'un an de présence continue dans le territoire. Les étudiants extra-européens doivent soit justifier d'un statut de réfugié reconnu par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soit être titulaires d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de résident, être domiciliés en France et y attester d'un foyer fiscal depuis au moins deux ans. Depuis la rentrée 2019, dans le cadre du programme Bienvenue en France, ils ont subi une augmentation sans précédent des droits d'inscription, passés de 170 à 2 770 euros pour une licence par exemple.

Cette politique est en contradiction avec le droit fondamental à l'égal accès à l'enseignement supérieur pour toutes et tous. Selon le Préambule de la Constitution de 1946, « La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L'organisation de l'enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l'État. »

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis favorable.

Les étudiants étrangers vivent souvent dans une grande précarité : ils sont nombreux dans les files de distribution d'aide alimentaire. Si nous les avons accueillis pour faire des études et s'ils sont inscrits dans nos universités, nous devons les accompagner vers la réussite. Nous devons leur donner des moyens de subsistance afin qu'ils puissent mener leurs études, voire rester en France et travailler, s'ils le souhaitent, dans les nombreux métiers en tension – informaticiens, médecins, soignants.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Élargir les bourses aux étudiants étrangers figurait dans l'amendement que vous avez retiré, madame Brugnera. La disposition ne figure pas dans les annonces de la ministre. Vous avez ici l'occasion d'ouvrir les droits que vous défendiez : voterez-vous l'amendement ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Boyard, j'ai passé beaucoup plus de temps que vous au contact des étudiants, notamment étrangers, en tant qu'enseignant-chercheur, responsable de formation en licence et master. Il faut arrêter l'hypocrisie, la démagogie, arrêter de mépriser les étudiants, notamment étrangers, en faisant de leurs problèmes un carburant politique pour votre parti. Vous pourrez donner des leçons sur les étudiants étrangers lorsque vous aurez passé du temps avec eux pour résoudre leurs problèmes de titre de séjour à la préfecture, ou pour aménager leurs examens, ou pour les aider à travailler – car ils sont demandeurs.

Je réponds à votre interpellation constante : vous vous posez en seul défenseur des étudiants alors qu'il y a ici des gens qui connaissent très bien les étudiants et le monde universitaire. Je pense en particulier à ma collègue Anne Brugnera. Vous donnez des leçons à tout le monde. La réalité est que vous n'êtes nullement en capacité de le faire.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'étais dans les distributions alimentaires ! Je connais très bien les étudiants !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'en appelle au calme, et pour tout le monde, monsieur Boyard !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne donnerai de leçon à personne. Je souscris à l'amendement de Mme Leduc et du groupe La France insoumise. Les étudiants de nationalité étrangère sont bien plus exposés à la pauvreté et à la précarité. Ils cumulent les difficultés : l'éloignement familial, l'isolement, la non-éligibilité à certaines aides, la méconnaissance de celles auxquelles ils auraient droit. Leur vie est loin d'être un long fleuve tranquille.

Par ailleurs, nous n'avons pas examiné l'amendement précédent, AS19, qui n'a pas été soutenu. Dans les trois lignes de son exposé sommaire figurent les termes de « préférence nationale ». J'en reste sidéré.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 2.

Après l'article 2

L'amendement AS30 de Mme Anne Brugnera est retiré.

Article 3 : Suppression d'exemptions d'assiette sur les droits de mutation à titre gratuit

Amendements de suppression AS3 de M. Fabien Di Filippo, AS11 de M. Bryan Masson et AS31 de Mme Claire Guichard.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Par cet article, visant à financer le revenu jeunes et les bourses étudiantes, vous réussissez l'exploit de punir les classes moyennes qui travaillent toute leur vie pour transmettre un patrimoine à leurs enfants et d'aller encore plus loin dans une fiscalité confiscatoire.

La solidarité familiale est pourtant une valeur noble, même si elle est éloignée de vos principes. En taxant l'héritage à hauteur de 16 milliards d'euros, soit davantage que l'enjeu de la réforme des retraites, vous ferez fuir de nombreuses personnes de notre pays. Si les aides sociales ne démarrent qu'à 25 ans, c'est aussi car les familles sont tenues d'aider leurs enfants dans leurs projets d'études jusqu'à cet âge. Pour moi, attaquer ces solidarités familiales pour leur substituer une solidarité étatique fragilise les fondements mêmes de notre nation.

C'est pourquoi je vous propose de supprimer cet article.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Contrairement à la petite musique que l'on entend trop souvent, l'héritage n'est pas un gros mot ; être héritier n'est pas une tare.

Madame la rapporteure, vous disiez vouloir mettre fin à une société d'héritiers. Mais l'héritage n'est pas une punition, ni un fardeau, la solidarité familiale est une valeur importante ! Pour financer l'ouverture de RSA aux jeunes, vous sanctionnez les classes moyennes, ces personnes qui ont travaillé dur toute une vie pour acheter un bien et le transmettre à leurs enfants.

De façon générale, les droits de succession sont à mes yeux une double peine, après la mort. N'ayons pas peur de défendre l'héritage, les donations, la solidarité familiale que vous voulez mettre à mal. La doctrine de la gauche, c'est de faire table rase, de faire éclater la famille.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'article 3 propose une réforme d'ampleur de la fiscalité des successions sans aucune étude d'impact, donc sans en mesurer les conséquences concrètes. En outre, les mesures fiscales que vous envisagez n'ont pas leur place dans une proposition de loi mais dans une loi de finances.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme vous le savez, une proposition de loi ne peut malheureusement pas être assortie d'une étude d'impact. En revanche, l'article 3 s'appuie sur une étude très fouillée du CAE, institution placée auprès de la Première ministre, datant de décembre 2021. Celle-ci montre un creusement des inégalités dans notre pays. Nous devenons une société d'héritiers. Autrement dit, seuls quelques-uns conservent une part de plus en plus importante de la richesse nationale.

Cette note ne recommande pas de mettre davantage à contribution les classes moyennes et, je le répète puisque vous semblez ne pas vouloir l'entendre, notre proposition de loi ne les vise absolument.pas.

Un tiers des Français ne paient pas de droits de succession ; il ne s'agit pas de leur en faire payer. Les 10 % les plus aisés, eux, héritent de plus de 500 000 euros. Le code général des impôts prévoit de les taxer à hauteur de 45 %, mais dans les faits, grâce aux niches fiscales, le taux réel est de... 2 à 3 % !

Vous ne voulez pas que le fils de Bernard Arnault ait accès à un repas à 1 euro, mais vous ne voyez pas d'inconvénient à ce qu'il touche son héritage le plus largement et le plus tranquillement possible. Grâce aux innombrables dispositifs fiscaux, il peut dormir sur ses deux oreilles, il sera aussi riche que son papa.

D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à nous intéresser à la fiscalité des successions. Lors de l'examen du projet de loi de finances, ce sujet a fait l'objet d'un débat très intéressant avec le rapporteur général et Jean-Paul Mattei. Tous deux avaient alors admis que le statu quo en la matière n'était plus tenable et plaidé pour la création d'un groupe de travail.

Oui, il y a un problème dans la taxation de l'héritage, qui contribue à creuser les inégalités. Pour financer des aides au profit de la jeunesse, il serait logique que la solidarité intergénérationnelle ne se limite pas au cercle familial. Je suis ravie d'aider mes enfants, et je voudrais que tout le monde ait cette chance. Pour cela, prenons à ceux qui ont énormément d'argent, pour venir en aide à plusieurs enfants !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'admets la nécessité d'une réflexion approfondie sur la fiscalité des successions. La création du groupe de travail que vous avez évoqué montre que c'est une préoccupation partagée.

Mais nous sommes aussi là pour faire du droit et deux points me semblent poser une difficulté juridique : vous introduisez une divergence entre droit civil et droit fiscal qui présente un risque constitutionnel et vous prévoyez une double taxation de l'assurance vie, au titre des droits de succession et du prélèvement libératoire, pour une même finalité.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Contrairement à ce que j'ai entendu, l'héritage ne peut pas faire fuir ceux qui réussissent. Il profite à ceux qui ont un droit de naissance, ce qui n'a rien à voir avec un droit de capacité.

L'héritage est une forme de revenu très inégalement distribué et dont le caractère inégalitaire s'accentue depuis plusieurs décennies. Les 0,1 % de Français les plus aisés toucheront, tout au long de leur vie, sous différentes formes, jusqu'à 13 millions d'euros d'héritage au total, soit 180 fois l'héritage médian. Pendant ce temps, deux tiers des Français héritent de moins de 30 000 euros, et un tiers n'hérite de rien. Il est faux de dire que l'héritage est le carburant d'un investissement, ou d'un projet entrepreneurial : il est trop aléatoire. D'ailleurs, il serait peu joyeux de fonder son projet sur la perte d'un proche.

Vous refusez d'ouvrir des aides avant 25 ans au motif que les parents doivent venir en aide à leurs enfants. Bref, pour vous, le droit au secours des jeunes n'est pas automatique, il ne dépend même pas de leur travail, mais des revenus de leurs parents. Vous recréez tout simplement une société de classe. Quand votre argument entrepreneurial pour défendre l'héritage tombe, il ne reste que votre souci de protéger les rentiers, les seuls qui, pour vous, ont le droit à la paresse et à l'oisiveté.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l'article 3 est supprimé et l'amendement AS25 de Mme Charlotte Leduc tombe.

Article 4 : Lutte contre la fraude en matière de droits de mutation à titre gratuit

Amendement AS26 de Mme Charlotte Leduc.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Il s'agit de compléter le rapport sur les moyens juridiques et humains du contrôle fiscal qui est demandé par une évaluation précise du manque à gagner pour les finances publiques de l'évitement fiscal en matière de droits de mutation à titre gratuit. Le rapport devra notamment préciser l'étendue de la sous-évaluation des biens et la fréquence des omissions volontaires dans les déclarations des biens hérités.

L'évitement fiscal reste un phénomène mal connu dans notre pays. Pour le combattre efficacement, il est nécessaire de mieux le documenter. Entre 80 et 120 milliards d'euros par an manquent aux caisses de l'État du fait de la fraude des entreprises et des particuliers : de quoi financer des services publics de qualité et une solidarité intergénérationnelle ambitieuse !

S'agissant de la fraude sur les successions et les donations, l'État est aujourd'hui aveugle. À l'automne dernier, dans le cadre de mon rapport spécial consacré à la lutte contre l'évasion fiscale, j'ai auditionné les agents de la direction générale des finances publiques (DGFiP) et des experts. Tous m'ont confirmé que le contrôle fiscal sur les héritages est défaillant. Pourtant l'enjeu est de taille, compte tenu du poids croissant de l'héritage dans notre pays.

La taxation des successions et des donations peut représenter des milliards très précieux pour les finances publiques, mais elle peut aussi jouer un rôle redistributif prépondérant du fait de la concentration toujours plus importante des patrimoines. Or plus les montants des héritages ou des donations sont élevés, plus la différence entre le taux théorique et le taux effectif d'imposition s'accroît. De là à soupçonner que la fraude et l'évasion fiscale se concentrent sur l'héritage de gros patrimoines, il n'y a qu'un pas que je ne me permets pas de franchir. Je vous demande d'autoriser le rapport à éclaircir ce point.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avis favorable.

Les chercheurs qui ont rédigé la note du CAE soulignent les carences de l'appareil statistique du ministère des finances sur les successions. Au-delà des moyens humains supplémentaires, un travail d'envergure s'impose pour réarmer notre pays face à la fraude fiscale.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L'Insee évaluait la fraude fiscale à environ 80 milliards d'euros en 2022. L'évasion fiscale est plus difficile à quantifier mais je crains que ce ne soit vertigineux.

De récents travaux montrent que 35 % des profits des multinationales sont délocalisés artificiellement dans les paradis fiscaux. Cinq banques françaises sont aujourd'hui soupçonnées par le parquet national financier d'avoir permis à leurs clients étrangers d'échapper à l'impôt sur les dividendes. Tout cela incite à soutenir l'amendement. Nous devons absolument améliorer nos outils et renforcer les contrôles. L'argent qui s'évapore pourrait financer une allocation d'autonomie jeunes ou aurait pu combler le déficit des régimes de retraite.

La commission rejette l'amendement.

Amendement AS27 de M. Louis Boyard.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Faute de pouvoir exiger la création de postes dédiés au contrôle fiscal, et c'est bien malheureux, nous demandons un rapport sur la création des 3 900 postes nécessaires.

Le nombre d'agents affectés dans les différents services de contrôle de la DGFiP était de 13 336 en 2010. En 2020, ils ne sont plus que 9 000, soit une baisse d'environ un tiers des effectifs en dix ans. Dans le même temps, les résultats du contrôle fiscal se sont effondrés : alors que le fisc a notifié 21,2 milliards d'euros en redressement fiscal et pénalités en 2015, les montants dépassent à peine les 10 milliards en 2020, 2021 et 2022, soit une diminution de moitié sur les cinq dernières années.

L'État doit cesser de se désarmer et de se faire le complice passif des évadés et fraudeurs fiscaux. Il faut donc rétablir des moyens de contrôle. La légère amélioration des rentrées annoncée en grande pompe par le ministre délégué chargé des comptes publics ne peut cacher l'essentiel : aujourd'hui, le contrôle fiscal est défaillant et les fraudeurs fiscaux ne sont que trop rarement inquiétés. Comment M. Attal peut-il se féliciter de récupérer 14 milliards quand toutes les estimations disponibles évaluent le manque à gagner entre 80 et 120 milliards ?

Dans la proposition de loi, les mesures de progrès social sont financées en luttant plus efficacement contre l'évasion fiscale, qui, disons-le, est une atteinte au contrat social. Pour combattre l'évasion fiscale, il ne suffit pas de renforcer les sanctions contre les fraudeurs, sanctions qui sont déjà loin d'être négligeables : il faut que l'État se donne les moyens de les appliquer, en prenant sur le fait les délinquants financiers. Il n'y a pas de secret, il faut embaucher des agents dédiés au contrôle fiscal. Pour que le Gouvernement en prenne enfin conscience, il nous paraît judicieux de lui demander un rapport sur le sujet.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle rejette l'article 4.

Article 5 : Gage financier

La commission rejette l'article 5.

La commission ayant supprimé ou rejeté tous les articles de la proposition de loi, l'ensemble de celle-ci est rejeté.

La séance est levée à dix-sept heures vingt-cinq.

Présences en réunion

Présents. – M. Éric Alauzet, M. Joël Aviragnet, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, Mme Anne Brugnera, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, Mme Josiane Corneloup, M. Mickaël Cosson, M. Pierre Dharréville, M. Marc Ferracci, Mme Caroline Fiat, M. Thierry Frappé, Mme Claire Guichard, Mme Monique Iborra, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Didier Martin, M. Yannick Monnet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Claude Raux, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, M. Freddy Sertin, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal

Excusés. – M. Elie Califer, M. Jérôme Guedj, Mme Caroline Janvier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Isabelle Valentin

Assistaient également à la réunion. – M. Christophe Barthès, M. Louis Boyard, M. Fabien Di Filippo, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Charlotte Leduc, M. Bryan Masson