Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du mercredi 11 janvier 2023 à 11h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à onze heures.

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Nous poursuivons notre cycle d'auditions consacrées à la dissuasion nucléaire en recevant l'amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la Marine (CEMM), et le vice-amiral d'escadre Jacques Fayard, commandant des forces sous-marines et de la force océanique stratégique (Alfost).

L'amiral Vandier est un interlocuteur régulier de notre commission. Le vice-amiral Fayard, pour sa part, a pris ses fonctions d'Alfost en septembre 2022, après avoir été pendant deux ans commandant des forces françaises aux Émirats arabes unis et de la zone maritime de l'océan Indien.

Amiral Vandier, vous êtes aussi l'auteur de La Dissuasion au troisième âge nucléaire. Cet ouvrage, publié en 2018, reste d'actualité. Selon vous, le premier âge nucléaire fut celui de la guerre froide. Il fut suivi d'un deuxième âge, entamé à la chute du mur de Berlin, en 1989, et marqué par l'espoir d'une dénucléarisation. Vous annonciez l'entrée dans un troisième âge, caractérisé par le « couplage entre les dynamiques conflictuelles régionales et le jeu stratégique des grands ». Compte tenu de ce qui se passe en Ukraine, ce n'était pas si mal vu…

Votre point de vue sera donc non pas uniquement celui d'un marin, mais également celui d'un stratège. Nous sommes intéressés par votre regard sur le conflit ukrainien, qui, même s'il se déroule comme une guerre conventionnelle de haute intensité, se déploie à l'ombre de l'arme atomique. Aux menaces plus ou moins voilées que la Russie agite, répondent les exercices nucléaires de l'Otan, ainsi que la proposition allemande d'un bouclier antimissiles européen. Quelles conséquences tirez-vous de cette accélération de l'histoire sur la doctrine et les forces stratégiques de la dissuasion ?

L'audition portera pour l'essentiel sur la composante océanique de notre dissuasion, et ce même si le chef d'état-major des armées (CEMA), que nous venons d'auditionner, a déjà bien expliqué l'articulation entre les forces océaniques, les forces aériennes stratégiques (FAS) et la force aéronavale nucléaire (FANU).

Vous nous donnerez sans doute votre sentiment sur l'utilité et la crédibilité de notre dissuasion, sur le recrutement et la formation des hommes ainsi que sur la cohérence entre les moyens et les ambitions. Ces moyens sont-ils suffisants, aussi bien en qualité qu'en quantité ?

Nous sommes également curieux de connaître vos attentes s'agissant des futurs sous-marins nucléaires lanceurs d'engins de troisième génération (SNLE 3G). Comment la force océanique stratégique (FOST) fera-t-elle face aux nouvelles menaces telles que les drones sous-marins ou la transparence toujours croissante des océans ?

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l'amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la Marine

Merci Monsieur le président de cette introduction. Je m'exprime avant tout dans mon périmètre de chef d'état-major de la Marine. J'évoquerai donc pour l'essentiel ma responsabilité en matière de préparation et de mise en œuvre des forces.

Je suis personnellement convaincu de la nécessité de travailler à bien s'approprier ce sujet, par essence « vivant », comme toute question stratégique. La bonne compréhension de ces enjeux par la société participe à la résilience de la nation. Le concept de dissuasion nucléaire a mûri pendant la Guerre froide, s'imposant au gré des événements historiques. Les bombes larguées sur Hiroshima et Nagasaki, l'émergence de la Russie et de la Chine, ou encore la frayeur causée par la crise de Cuba ont favorisé l'apparition de ce concept. La chute du mur de Berlin a pu laisser penser que la fin de la Guerre froide mettrait un terme aux armes nucléaires. Or on observe un effort majeur de renouvellement des moyens nucléaires dans le monde.

La dissuasion procède de la puissance considérable des armes nucléaires : leur capacité de destruction surpasse tout ce que l'homme a pu inventer. Si terrible qu'elle ait été, l'explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020 ne représente qu'une puissance de l'ordre d'une centaine de fois inférieure à une seule tête nucléaire française. Il faut comprendre qu'avec de telles armes, on change radicalement de paradigme. Raymond Aron résumait les choses de la manière suivante : « C'est la possibilité de la violence illimitée qui, sans même que la menace en soit proférée, restreint la violence effective. » La dissuasion pose la question d'être ou de disparaître. Dans une guerre conventionnelle, une fois que le premier coup a été tiré, on envisage toujours la possibilité de s'en sortir ; une guerre nucléaire ne laisse entrevoir aucune issue.

La guerre en Ukraine illustre bien, en ces temps agités, la réalité du fait nucléaire, qui surplombe les grands rapports de force.

Pour la Marine, la dissuasion est une mission structurante, définie dans les années 1960. En 1965, dans un discours prononcé sur le parvis de l'École navale, le général de Gaulle déclarait : « la Marine est exceptionnellement appropriée à cet armement nucléaire ». Non seulement son intuition n'a pas été démentie, mais elle apparaît d'une actualité frappante. La dissuasion est à l'origine de la construction des SNLE, qui sont les machines les plus complexes jamais construites par l'homme. Elle a façonné et continue à façonner l'ensemble des composantes de la Marine, qui participent de près ou de loin à sa définition, sa sûreté et sa crédibilité. La Marine française possède ainsi une culture du fait nucléaire, sur le plan technique et sur le plan stratégique.

Pour la Marine, nous parlons d'une constante de temps qui est de l'ordre du siècle. Nous héritons de 50 ans de permanence à la mer. Depuis le départ en patrouille du Redoutable du 22 novembre 1972, il y a toujours eu au moins un SNLE à la mer. De même, nous bâtissons aujourd'hui les cinquante prochaines années : les premières pièces de la chaufferie du SNLE 3G ont été coulées, en vue du lancement de sa mission de service actif à partir des années 2035. Ce bateau naviguera jusqu'en 2080. Nous construisons donc un outil vivant, amené à évoluer dans le temps long. Cinquante ans d'héritage, cinquante ans d'avenir : cela fait un siècle, soit vingt quinquennats.

La dissuasion repose sur des paradoxes. L'arme nucléaire est une force infinie, qu'on ne souhaite pas utiliser, mais qui existe. La dissuasion doit être d'une fiabilité absolue pour celui qui la met en œuvre, afin de plonger l'adversaire dans l'incertitude. Le général Beaufre le rappelait dès 1963 : « C'est en fin de compte l'incertitude qui constitue le facteur essentiel de la dissuasion. » La dissuasion nucléaire consiste à rendre impossible le pari de l'adversaire. A contrario, pour le CEMM, la dissuasion signifie un impératif de certitude et de fiabilité – nous parlons de « sûreté de la mise en œuvre » et de « crédibilité ». C'est la garantie absolue de la mise en œuvre, quels que soient les aléas techniques ou humains et les difficultés. Il ne s'agit pas de s'entraîner à être prêt, il s'agit d'être prêt en permanence.

La dissuasion est donc un exemple remarquable de réussite collective, de volonté politique, de maîtrise technologique et de savoir-faire militaire. Elle constitue aussi un défi pour l'avenir, dans un monde en voie de fragmentation et qui a repris la course aux armements.

J'en viens au rôle de la Marine dans la dissuasion nucléaire française. La Marine en déploie la composante océanique, avec quatre SNLE dont un au moins est en permanence quelque part dans les océans – je rappelle, à ce propos, que la surface de l'Atlantique est de 106 millions de kilomètres carrés, soit vingt fois celle de la France.

La Marine met aussi en œuvre une composante aéroportée, la FANU (force aéronavale nucléaire). Elle repose sur l'association du Rafale et du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), à partir du porte-avions Charles de Gaulle.

Ces deux forces nécessitent de disposer en toutes circonstances de moyens – système d'armes et plateformes – entraînés au plus haut niveau et dont la fiabilité garantit l'exercice de la mission. Lorsqu'un SNLE part en patrouille pour environ soixante-dix jours, il doit être doté du potentiel technique assurant la fiabilité de ses systèmes. Si des pannes surviennent, il faut savoir les résoudre en autonomie. Pendant ce temps, à terre, un autre équipage se prépare à la patrouille suivante. Depuis 1972, cet enchaînement s'est déroulé sans rupture plus de cinq cents fois. Le fonctionnement d'un système de cette complexité repose sur une maîtrise globale, de l'industriel aux marins qui le mettent en œuvre et aux officiers qui les commandent.

J'ai la responsabilité de cette chaîne organique et dois par conséquent veiller à sa cohérence. Cela suppose trois axes d'action.

Le premier concerne le personnel. Celui-ci est recruté, formé et entraîné aux plus hauts niveaux technique et moral. La moyenne d'âge sur un SNLE est de 29 ans. Pour cette mission particulière, la Marine doit assurer un flux de recrutement d'environ 400 marins chaque année, qui exerceront durant quinze à vingt ans.

Le deuxième axe concerne l'entretien et le maintien en condition du matériel et des systèmes d'armes. Si la durée de vie des bateaux est de cinquante ans, les technologies évoluent en permanence – il suffit, pour s'en convaincre, de se souvenir de ce qu'étaient les ordinateurs il y a cinquante ans. La Marine conseille le CEMA et le Délégué général pour l'armement s'agissant de la modernisation et du développement des projets futurs. L'organisation Cœlacanthe, créée dans les années 1960, rassemble tous les acteurs de cette mission.

Enfin, s'agissant du format de la Marine, il me revient de veiller à la cohérence de l'environnement de la dissuasion. Une grande majorité des moyens de la Marine sont impliqués, d'une manière ou d'une autre, dans sa mise en œuvre. La chasse aux mines garantit ainsi la sûreté de l'entrée et de la sortie du SNLE par le goulet de Brest. Les avions de patrouille maritime blanchissent des zones considérables dans lesquelles les sous-marins se diluent. Les frégates multimissions (FREMM) et les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) participent aux opérations sous-marines, tandis que les frégates de défense aérienne (FDA) protègent, en complément des moyens pré-cités, le porte-avions, notamment lors du déploiement de la composante aéroportée. Les navires hydrographiques, quant à eux, assurent la bonne connaissance des caractéristiques physiques des océans pour maitriser la propagation des ondes acoustiques.

Toutes les forces nucléaires sont complémentaires ; aucune n'est plus importante que les autres, même si leurs caractéristiques diffèrent. La Marine propose un portefeuille d'options, allant de l'avertissement nucléaire, unique et non renouvelable, à la frappe en second.

Le SNLE restera longtemps un outil d'une très forte crédibilité. Un ennemi qui voudrait décapiter le pays par des frappes préemptives ne pourrait éviter une riposte du fond de l'océan. L'ubiquité du SNLE garantit la profondeur stratégique de la France : lorsqu'il est dilué, il est à la fois nulle part et partout. Entreprendre de le trouver dans l'océan Atlantique requiert des moyens considérables.

L'invulnérabilité des SNLE est le fruit d'un travail rigoureux de veille technologique que nous devons au chef des armées. Elle n'est en aucun cas le fruit de paris hasardeux. Un travail d'analyse prospective correspondant à la durée de vie du système est mené avec une grande régularité par des groupes d'experts de la Marine, de la direction générale de l'armement (DGA) et des industriels.

Des annonces sont parfois faites d'une nouvelle capacité révolutionnaire qui incapaciterait la dissuasion. Les années 2000 ont par exemple fait grand cas de la Défense anti-missiles balistiques (DAMB), initialement vu comme le moyen de se protéger d'une salve nucléaire. Avec le temps, il a bien fallu constater qu'elle ne constituerait jamais une garantie absolue. L'incertitude, le doute doit rester dans l'esprit de nos potentiels agresseurs, pas dans le nôtre.

Aujourd'hui, il est question de neutrinos et de capteurs quantiques. À cet égard on peut dire que passer du laboratoire aux conditions opérationnelles n'est pas une mince affaire. Les neutrinos peuvent aujourd'hui être détectés par des installations expérimentales. Mettre ce type de capteur sur un bateau, un satellite ou un avion est une autre affaire.

Ces nouvelles technologies doivent également être jaugées à l'aune de l'immensité de l'océan. L'indiscrétion acoustique d'un SNLE en Atlantique, c'est la surface d'une balle de tennis comparée aux 124 000 m2 du palais Bourbon et de toutes ses annexes. Quand en plus, cette balle de tennis peut se cacher dans les discontinuités de l'Océan et esquiver en vous entendant arriver, on comprend mieux la notion d'invulnérabilité d'un SNLE en patrouille, c'est-à-dire la complexité et la somme des moyens à engager pour - peut-être – le détecter et encore plus pour le neutraliser. La transparence des Océans, ce n'est pas pour demain.

Quelques mots enfin, concernant la FANU. Cette force conserve toute sa pertinence car elle élargit le portefeuille d'options du chef des armées et rentabilise les efforts financiers et techniques consentis pour se doter d'une force aéroportée. Elle est composée d'un système d'armes, d'une logistique et de normes opérationnelles identiques à ceux de l'Armée de l'Air et de l'Espace, avec laquelle sont d'ailleurs organisés des entraînements communs. Sur le porte-avions, la FANU tire parti de la mobilité de la plateforme. Celle-ci constitue une véritable base aérienne, défendue par des moyens considérables et qui peut se déplacer de plus de 1 000 kilomètres par jour. Le porte-avions est potentiellement porteur de l'arme nucléaire, ce qui sert la logique de dissuasion.

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le vice-amiral d'escadre Jacques Fayard, commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique

En tant qu'Alfost, je commande à la fois la FOST – composante dédiée à la dissuasion nucléaire – et les forces sous-marines. Au sein d'une organisation très intégrée, j'exerce des responsabilités organiques sur l'ensemble des forces sous-marines et opérationnelles, notamment dans la conduite des patrouilles de dissuasion des SNLE.

La FOST est dotée de quatre SNLE, entrés en service entre 1997 et 2010, auxquels il convient d'ajouter six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), qui, outre leurs missions propres, contribuent directement à la formation des équipages et des commandants de SNLE, à leur entraînement régulier et leur apportent un soutien en opération. Par la maîtrise de leur savoir-faire opérationnel, démontrée sur tous les théâtres de déploiement, de l'Atlantique Nord au Pacifique, les équipages de SNA sont la vitrine des compétences des équipages de SNLE auprès de nos partenaires et de nos compétiteurs. Ils contribuent directement, à ce titre, à la crédibilité opérationnelle de la composante océanique.

Les forces sous-marines s'appuient sur la base opérationnelle de l'île Longue, pour les SNLE, et de la base navale de Toulon, pour les SNA. Elles y coopèrent avec les maîtrises d'ouvrage étatiques – la DGA, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le service de soutien de la flotte (SSF) – ainsi qu'avec des maîtres d'œuvre industriels comme Naval Group et ArianeGroup. Ces deux bases produisent de la disponibilité technique et opérationnelle au profit de nos sous-marins.

Il existe également deux centres opérationnels de la Force océanique stratégique (COFOST ). Les COFOST analysent, compilent, synthétisent, mettent en forme et transmettent toutes les informations nécessaires au commandant du SNLE afin qu'il conduise sa patrouille de dissuasion en totale discrétion. En effet, le commandant d'un SNLE n'émet jamais : rompre le silence, c'est risquer de compromettre son invulnérabilité. Ainsi, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, depuis plus de cinquante ans, le COFOST fournit au commandant de SNLE tous les renseignements de situation militaire et les données météorologiques, océanographiques ou hydrographiques dont il a besoin, sans pouvoir échanger avec lui. Il permet au SNLE de rester à grande distance des bâtiments, aéronefs ou sous-marins en capacité anti-sous-marine – qu'ils soient alliés, compétiteurs ou adversaires – et d'appréhender les changements d'environnement naturel. Le SNLE peut alors profiter pleinement de l'immensité de son espace de déploiement ainsi que de l'opacité et de l'hétérogénéité du milieu sous-marin pour se diluer, tout en restant en mesure d'assurer la précision de sa navigation et de recevoir les ordres d'engagement du Président de la République.

La FOST compte également quatre centres de transmissions stratégiques qui émettent dans des gammes de fréquences très basses, seules capables de pénétrer de quelques mètres dans l'eau. Ces stations assurent en permanence la capacité de transmission des ordres de conduite opérationnelle du COFOST vers les SNLE et SNA en patrouille, et, si besoin, les ordres de changement de stade d'alerte et d'engagement des forces nucléaires stratégiques émanant du Président de la République.

La FOST, enfin, repose sur le travail irremplaçable des deux escadrilles de sous-marins de SNLE à Brest et de SNA à Toulon, auxquelles sont associées deux écoles dédiées à la formation sous-marine. Le travail de ces escadrilles s'exerce dans les domaines opérationnel, technique et humain. Il concerne notamment la préparation et la qualification opérationnelle des équipages, à terre sur simulateur puis à la mer, conduits par nos équipes d'entraîneurs, en les confrontant à ce qui se fait de mieux en matière de chasseurs de sous-marins – nos frégates multimissions, nos avions de patrouille maritime Atlantique 2 et nos SNA – et en leur faisant tirer régulièrement des torpilles d'exercice.

Il s'agit également de la maîtrise d'expertises techniques pointues, allant du domaine de la chaufferie nucléaire embarquée à la navigation inertielle, en passant par le déploiement d'un missile balistique intercontinental ou d'une torpille lourde. Ces expertises, en back office, forment une garantie de sécurité dans tous les domaines, adossée à la capitalisation d'un retour d'expérience chèrement acquis par les précédentes générations de sous-mariniers.

Les escadrilles jouent aussi un rôle crucial en matière de gestion des ressources humaines de proximité au sein d'un système à flux où le sous-marinier est amené à gravir l'escalier social vers des qualifications supérieures et des postes d'expertise. Cette gestion fine et exigeante nous permet d'armer nos équipages de SNLE et de produire les compétences supérieures et les expertises dont nous avons besoin, tout en préservant un taux d'effort soutenable pour les sous-mariniers, lesquels sont confrontés à ce parcours sélectif très exigeant.

Lorsqu'ils partent pour des patrouilles de soixante-dix à quatre-vingts jours à bord d'un SNLE, les sous-mariniers ne peuvent pas communiquer avec leurs familles, ni les soutenir dans les difficultés du quotidien. Ils ne sont pas non plus prévenus en cas de problème familial grave. Afin de remplir sereinement leur mission, ils doivent avoir l'assurance que leurs familles à terre seront correctement soutenues durant la patrouille. Ce rôle essentiel est dévolu, là encore, aux escadrilles.

Cette organisation très intégrée a pour unique objectif de permettre aux équipages de faire opérer en toute sécurité et en toute autonomie l'objet industriel le plus complexe au monde : le SNLE, véritable base de lancement spatiale sous la mer, avec son million de pièces, sa chaufferie nucléaire embarquée, ses seize missiles balistiques intercontinentaux et ses dizaines de têtes nucléaires, évoluant à plusieurs centaines de mètres sous la surface de la mer dans un milieu confiné, concentré de risques techniques et opérationnels – et ce, sans soutien ni la moindre communication avec le reste du monde.

Opérant dans la troisième dimension, dans un milieu hostile par nature, les sous-mariniers cultivent trois forces de l'esprit.

L'esprit de corps, d'abord, est au cœur du métier des armes, métier littéralement extraordinaire, qui forge nos énergies dans un but qui nous dépasse, car la nation nous confie la défense ultime de la maîtrise du destin. La cohésion quotidienne dans les difficultés, la confiance mutuelle renvoyée dans le regard de l'autre et la pugnacité développée à chaque opportunité renforcent la force morale des sous-mariniers et sont gages de succès en opération.

Le haut niveau d'exigence requis pour exercer le dur métier de sous-marinier – gage de sécurité collective – nécessite, ensuite, le développement d'un esprit d'équipage. Il s'applique du commandant au jeune quartier-maître embarqué de 20 ans à qui est confié le poste de pilotage d'un sous-marin de 14 000 tonnes après six mois dans la Marine. Il oblige chacun d'entre nous à se montrer digne, par son travail permanent, sa rigueur quotidienne et le développement continu de sa culture de la sécurité en plongée et de la sécurité nucléaire. En retour, chacun d'entre nous a le droit à la considération de tous.

Enfin, les sous-mariniers cultivent l'esprit d'entreprendre. La vie embarquée m'a régulièrement donné l'occasion d'être frappé par les trésors d'autonomie, d'inventivité et d'innovation des sous-mariniers. Ces derniers doivent en effet conduire et réparer seuls leurs nombreuses installations.

La FOST repose d'abord et avant tout sur ses 3 300 militaires et civils, dont 2 200 sous-mariniers, qui se dévouent chaque jour à la protection du pays, de nos concitoyens et des intérêts vitaux de la nation. L'équipage d'un SNLE compte 110 volontaires, femmes et hommes, exerçant vingt-cinq métiers différents. Leur niveau de technicité est remarquable et ils ont une obligation de résultat permanente.

Cette efficacité fait notre force, mais il faut avoir conscience du défi quantitatif et qualitatif que représente le fait d'assurer le niveau de compétences d'un équipage de SNLE. La durée moyenne de service d'un sous-marinier est de dix-huit ans et demi. Or près de quinze ans sont nécessaires pour former les experts, tout au long d'un parcours interne qualifiant. En effet, les compétences requises par la conduite d'une chaufferie nucléaire embarquée et le déploiement d'une salve de missiles balistiques ne se trouvent pas « sur étagère » dans le secteur privé. Les forces sous-marines doivent donc recruter chaque année 360 jeunes français volontaires et fidéliser leurs experts les plus pointus, dans un contexte de concurrence croissante dans le monde civil.

Trois notions me paraissent consubstantielles à la FOST : la crédibilité, la permanence et la liberté d'action.

La crédibilité opérationnelle est assurée par la permanence à la mer d'au moins un de nos SNLE. La posture océanique de dissuasion repose sur un SNLE en patrouille dilué dans l'océan, un SNLE disponible à très court terme, à quai ou en entraînement à la mer, et un SNLE en entretien périodique disponible à court terme.

La capacité d'action du SNLE en patrouille est permanente et immédiate. Cette permanence de la capacité de frappe en second, notamment en cas de surprise stratégique, garantit au Président de la République une totale liberté d'action : il n'y a pas de contrainte ou de chantage possibles quant à la capacité de faire appareiller un SNLE. À la liberté d'action du Président de la République fait écho celle du commandant de SNLE, ancien commandant de SNA, doté de vingt-cinq ans d'expérience. Il lui est conféré une liberté de mouvement totale pour garantir la permanence. Il conduit la patrouille opérationnelle en fonction de son appréciation des éléments de contexte opérationnel transmis par le COFOST ou détectés par les capteurs acoustiques. Son invulnérabilité est garantie par la discrétion acoustique intrinsèque du sous-marin, obtenue lors de la construction, et par sa mobilité, car il se dilue dans un espace océanique immense et opaque aux ondes électromagnétiques, optiques ou radar. Chercher un SNLE en plongée, qui se déplace dans trois dimensions, c'est s'efforcer de localiser un bâtiment de 140 mètres de long, dont le bruit rayonné est comparable au bruit de fond de l'océan, dans un espace équivalent après trois jours de navigation à celui de la France et après une semaine à celui de l'Europe

La permanence à la mer de la dissuasion met sous tension l'ensemble du système technologique, technique, industriel, logistique et militaire, avec, là encore, une obligation absolue de résultat. C'est ce qui a conduit à rassembler à l'île Longue les nombreux acteurs de la maintenance des sous-marins, des missiles balistiques, des têtes nucléaires et des infrastructures spécifiques, car l'enjeu est de délivrer toutes les sept semaines un SNLE disponible opérationnellement, prêt à partir à la mer avec un potentiel technique régénéré pour les cinq prochains mois. Cette prouesse technique et logistique chaque jour renouvelée, cette horlogerie fine résulte d'une organisation dédiée, garante de la vision de long terme consubstantielle aux enjeux de la dissuasion, inscrite dans le cadre de l'œuvre commune liant les armées au CEA et articulée autour du programme d'ensemble Cœlacanthe.

C'est pour moi chaque jour une immense fierté de constater que, dans le cadre si particulier qu'est la dissuasion nucléaire océanique, le génie français s'exprime dans toutes ses dimensions, et que l'équipe française, regroupant des ingénieurs, des techniciens, des ouvriers et des militaires pour une mission qui les dépasse, est au rendez-vous, quelle que soit la sollicitation. Cette organisation vertueuse, pensée par les pionniers de la dissuasion, continue à faire ses preuves aujourd'hui.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Le 13 février 1960, la France procédait à son premier essai nucléaire ; en octobre 1964, débutait la permanence de la dissuasion nucléaire française avec la première prise d'alerte d'un Mirage IV armé d'une bombe AN-11 – cette permanence n'a jamais été interrompue.

Le 15 février 1965, à l'École navale, le général de Gaulle prononçait la phrase suivante, qui témoigne de la vision accompagnant alors la dotation de la France d'une arme nucléaire, rehaussant ainsi notre pays parmi ses alliés et le dispensant de protecteurs : « pour ce qui est du pays », il s'agit d'avoir une Marine « qui soit en mesure de frapper fort, de frapper comme c'est sa nature, sur la mer et, depuis la mer, tout ennemi de la France, de le frapper avec les armes les plus puissantes qui soient et de le frapper, le cas échéant, sans réserve et sans conditions ».

Le 14 janvier 1994, l'Ukraine signa à Moscou un accord proposé par la Russie et les États-Unis, aux termes duquel les 1 500 ogives nucléaires qui faisaient de ce pays le troisième le plus doté seraient transférées en Russie. Le 24 février 2022, la Russie lança les opérations d'invasion de l'Ukraine. CQFD.

Dans La Dissuasion au troisième âge nucléaire, amiral, vous écrivez : « Or précisément, c'est parce qu'on craint le pire, parce que demeure dans les esprits la mémoire des carnages classiques du xxe siècle, qu'on s'interdit de rentrer dans un monde de violence illimitée. Le spectre de la violence absolue est facteur de limitation de la violence pratique. La crédibilité de l'emploi des armes nucléaires est la clé de voûte de la doctrine de dissuasion. »

Depuis le début du conflit en Ukraine, la Russie laisse planer la possibilité d'employer des armes préstratégiques, ou tactiques, comme le prévoit la doctrine russe, sur un champ de bataille. Cette posture ne réaffirme-t-elle pas davantage l'importance du porte-avions comme porteur de l'ASMPA et sa capacité à mener des frappes en profondeur vers la terre ou en mer, en faisant peser une pression importante sur l'adversaire, en fonction des mouvements du groupe aéronaval ?

En y associant les membres de la commission, je voudrais redire notre admiration envers celles et ceux qui, dès le début du conflit en Ukraine, ont permis une montée en puissance quasiment instantanée de notre capacité de menace nucléaire, bien visible à son départ de Brest. Pour les observateurs, c'est cela aussi, la dissuasion.

Les études concernant le SNLE 3G, très avancées, montrent que la nation ne saurait s'affaiblir dans ce domaine. La LPM consacre à l'ensemble de la dissuasion nucléaire plus de 37 milliards d'euros. La partie relative aux outils est donc planifiée. Cependant, rencontrez-vous des difficultés à recruter et conserver des atomiciens, compte tenu de l'appel d'air externe exercé par le retour de la filière civile, alors que nous travaillons déjà sur le réacteur K22 de nos futurs bâtiments ?

Enfin, amiral Vandier, le conflit en Ukraine tend à faire oublier que l'Iran aura prochainement accès au nucléaire militaire, si ce n'est déjà fait. Quelles en sont les conséquences sur les équilibres régionaux dans cette zone sensible ?

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Je vous adresse mes meilleurs vœux, ainsi qu'à nos marins, pour cette nouvelle année qui, à l'aube de la prochaine LPM, nous appelle à redoubler d'attention envers les éléments dont vous nous ferez part lors de cette audition.

Le conflit qui a lieu en Ukraine depuis près d'un an a posé la question de la haute intensité à trois heures de Paris. Pour autant, cette question se pose différemment pour la France, qui, contrairement à l'Ukraine, est dotée de l'arme nucléaire.

Mercredi dernier, lors de ses vœux dans la cour des Invalides, le ministre des armées a rappelé que la protection de nos intérêts vitaux dépendait bien plus de la crédibilité de la dissuasion que d'une ligne de front imaginaire. En effet, si la dissuasion nucléaire française a été conçue pour éviter la guerre, il semble qu'elle s'articule difficilement avec la perspective d'un conflit à haute intensité. De même, la puissance navale d'un État repose sur sa capacité de projection, notamment de sa dissuasion nucléaire, clé de voûte de notre stratégie de défense. Quelle est la place accordée aux conflits de haute intensité en mer à l'aune du nucléaire ?

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Je vous présente à mon tour mes meilleurs vœux. En 2022, les SNA français ont été détectés, photographiés et filmés à trois reprises, en mer et aux abords de bases étrangères, en Atlantique Nord en avril, aux abords d'une base britannique en septembre ainsi qu'en mer d'Écosse en novembre. Les repérages de SNA participent-ils d'une stratégie de démonstration de force offensive de la France ? Est-ce le signe d'une nouvelle posture de dissuasion de notre pays ?

La suppression des numéros d'identification des navires de surface est-elle liée à la posture de la dissuasion nucléaire ou aux nouvelles technologies d'identification depuis des satellites, lesquelles permettent d'attribuer à chaque navire en mer une signature unique ou empreinte afin de surveiller sa localisation en mer ?

Comme vous l'avez rappelé, la dissuasion n'est pas figée. Devons-nous voir dans le développement d'activités extra-atmosphériques l'émergence d'un nouvel espace stratégique de la dissuasion nucléaire française ? Quelle priorité faudrait-il alors y accorder ?

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Je vous transmets, ainsi qu'à l'ensemble de la Marine, les vœux de mon groupe. J'ai eu la chance et la fierté d'être récemment invitée sur un porte-hélicoptères amphibie (PHA) et de visiter la base de l'île Longue.

Vos éventuelles difficultés à recruter des atomiciens sont-elles le fait de la reprise de la filière civile du nucléaire, ou bien de la diffusion de certaines idéologies et d'une forme de méconnaissance de l'impact du nucléaire ?

Vous avez indiqué que 80 % des moyens de la Marine participaient à la dissuasion nucléaire. Ce pourcentage est-il amené à évoluer dans la LPM ?

Enfin, les drones sous-marins seront-ils associés à la dissuasion nucléaire ?

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Notre groupe vous adresse ses meilleurs vœux.

La prochaine LPM aura pour ambition d'entretenir nos efforts militaires et de permettre à nos armées d'être à la hauteur des enjeux auxquels elles sont confrontées. Les grandes lignes du texte commencent à se dessiner et la planification du budget pour les modèles d'armée dont la France sera dotée progresse. Cela dit, les enjeux de la LPM dépassent la seule dimension budgétaire : le retour de la guerre sur le sol européen rappelle que tout État est investi d'une mission de défense et de souveraineté envers ses citoyens et ses valeurs.

Le Président de la République a déclaré à Toulon que nos forces nucléaires contribuent à la sécurité de la France et de l'Europe. Un des sujets majeurs de la LPM est le porte-avions de nouvelle génération, ce qui pose également la question de la vulnérabilité d'un tel équipement. Qu'attendez-vous de ce nouveau porte-avions ? Plus généralement, pourriez-vous nous éclairer sur les perspectives de la force aéronavale nucléaire ?

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Je vous adresse à mon tour mes meilleurs vœux.

La composante océanique de la dissuasion nucléaire est un pilier de notre autonomie et de notre liberté d'action.

Amiral Fayard, vous avez évoqué l'esprit d'entreprendre et les trésors de compétences de nos sous-mariniers, techniciens et ouvriers au service des SNLE. C'est effectivement ce qui forge les valeurs du territoire que je représente – car je suis députée de l'île Longue. Pourtant, la complexité du maintien en condition opérationnelle de cette composante et sa pertinence dans la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire demeurent méconnues de nos concitoyens.

Or, depuis la présidence Trump et plus encore depuis l'agression russe en Ukraine, le concours de la FOST à la posture de dissuasion permanente donne une résonance particulière à la voix de la France et confirme la pertinence des investissements dans ce domaine. La dégradation du contexte stratégique se double de la nécessité de renouveler certains systèmes coûteux, avec notamment l'introduction du M51 et le développement du SNLE 3G. Ces chantiers stratégiques et capacitaires visent à maintenir la possibilité de dilution du SNLE à partir de la rade de Brest et à assurer la lutte antidétection sur son parcours. Les contestations croissantes – je pense notamment aux initiatives de la Chine et de la Russie dans l'espace indo-pacifique – rendent l'exercice particulièrement difficile. À cet égard, la question de la maturation des patrouilleurs océanographiques est prégnante.

Enfin, pourriez-vous nous apporter votre éclairage sur la mise en œuvre de la collaboration européenne, dans le cadre de ce que le Président de la République appelait des « exercices de soutien aux missions de dissuasion » ?

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Très bonne année à chacun d'entre vous et aux marins.

Le 9 novembre 2022, à Toulon, le Président de la République a présenté la nouvelle revue nationale stratégique, dont le premier objectif est « une dissuasion nucléaire robuste et crédible ». Pour cela, la Marine nationale peut s'appuyer sur plusieurs programmes majeurs : les sous-marins nucléaires d'attaque, les frégates de défense et d'intervention et les patrouilleurs outre-mer, ou encore les études relatives au SNLE 3G et au prochain porte-avions.

Ce qui fait l'exception française, ce sont les populations ultramarines. La France possède le deuxième domaine maritime mondial, avec une zone économique exclusive (ZEE) de près de 9 millions de kilomètres carrés, dont 97 % bordent les outre-mer. Les 2,7 millions d'ultramarins présentent une vulnérabilité spécifique. Ils doivent être protégés de la même manière que les habitants de métropole. Or, en raison de leur éloignement et de la fragilité de certaines voies de communication, les territoires d'outre-mer ne bénéficient pas entièrement de la dissuasion nucléaire. Pourtant, comme vous l'avez rappelé lors de votre audition devant notre commission en juillet 2022, ces territoires doivent absolument être protégés. La revue nationale stratégique promeut également cette ambition nécessaire, en prévoyant une stabilisation de la zone indo-pacifique à l'horizon 2030.

Dans ce contexte, d'aucuns considèrent qu'une posture permanente en mer dans ces territoires entraînerait des coûts humains et matériels bien trop importants au regard du risque réel. Qu'en pensez-vous ?

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l'amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la Marine

Merci à tous pour vos vœux.

Je vous remercie aussi pour la qualité de vos interventions, qui témoignent à la fois de votre compréhension des enjeux et du fait que la dissuasion, comme je l'indiquais, est une matière vivante.

S'agissant du recrutement des atomiciens, de nombreux jeunes sont intéressés par ce domaine. La filière est donc vivante, même s'il est vrai que le contexte industriel et économique fait peser une pression importante. Cela demande beaucoup d'engagement et d'efforts, mais à ce stade nous parvenons à recruter les effectifs dont nous avons besoin.

La problématique porte plutôt sur la fidélisation, qui ne concerne pas seulement les atomiciens. En raison du dynamisme du marché du travail, notamment s'agissant des profils dotés de compétences très pointues, nous faisons face à des taux de départs importants s'expliquant par l'attrait de salaires plus élevés, associés à de moindres contraintes. La fidélisation du personnel est donc l'un des enjeux majeurs de la nouvelle LPM.

La FANU a débuté à la fin des années 1970, sur les porte-avions Clémenceau et Foch puis sur le Charles de Gaulle. L'objectif est d'accroître l'ambiguïté : non seulement personne ne sait si l'arme nucléaire est réellement présente à bord, mais le porte-avions navigue dans tous les océans. Cela renforce la crédibilité de la dissuasion nucléaire.

Concernant la question de Monsieur Piquemal sur le signalement des mouvements de nos sous-marins nucléaires d'attaque (SNA), qui n'emportent pas d'arme nucléaire, seulement portée sur les SNLE : des spotters font de leur activité de transmettre ces mouvements sur internet. Dans les cas que vous citez, il s'agit de l'activité courante de nos SNA.

Concernant le porte-avions de nouvelle génération, lors d'une audition au Sénat, la question de sa vulnérabilité a été soulevée. Tout système militaire est vulnérable. Au cours d'une guerre, des porte-avions sont coulés, des bases aériennes sont détruites et des avions sont abattus. Toutefois, nous pensons que l'exercice de la puissance aérienne en haute mer, dans des espaces considérables, requiert des plateformes permettant de déployer des avions de dernière génération. De nombreux pays se dotent ainsi de moyens de puissance aérienne en haute mer. Le porte-avions est par ailleurs un outil de signalement stratégique. Enfin, il est au cœur d'un dispositif qui le protège : le groupe aéronaval (GAN). Si le Charles de Gaulle était installé place de la Concorde, la première frégate de défense aérienne serait située sur le périphérique, la frégate de lutte anti-sous-marine serait à Lyon, le SNA en Corse, le Hawkeye en Sardaigne. Tout développement sur le sujet du porte-avions doit donc être appréhendé en tenant compte de la complexité et de la puissance de ce dispositif.

Pour ce qui concerne l'espace, il s'agit d'un domaine transparent. À partir de la Terre, il est quasiment possible d'observer les confins de l'univers. En outre, on commence à déployer des radars spatiaux. Quand bien même on déciderait de stationner des armes dans l'espace – ce qui irait à l'encontre des traités internationaux de démilitarisation de l'espace –, elles y seraient donc visibles en permanence, ce qui n'est pas compatible d'une logique de dissuasion.

Des travaux spécifiques ont été consacrés aux populations ultramarines dans le cadre de la préparation de la LPM. Il est utile de rappeler que la doctrine de la dissuasion française est « tout azimut » et qu'elle couvre nos intérêts, où qu'ils soient.

Les drones – aériens, de surface et sous-marins – font partie des technologies qui émergent. Même si des progrès sont enregistrés, de nombreuses questions persistent quant à la possibilité d'utiliser militairement ces appareils. Près des côtes, des drones apparaissent – je pense notamment de gliders sous-marins – mais leurs capacités de transmission et de détection sont réduites. Nous avons expérimenté ces appareils lors de l'exercice Polaris fin 2021, et nous continuerons à le faire dans le cadre de l'exercice Orion début 2023. Les drones sont prometteurs mais ne remplaceront pas à court ou moyen terme l'action humaine en mer. Compte tenu de la complexité du bâtiment et du coût que cela représenterait, on ne réussira pas tout de suite à transformer un SNLE en drone géant.

Les questions relevant de la stratégie – notamment celle portant sur l'Iran – n'entrent pas dans le cadre de mon propos.

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le vice-amiral d'escadre Jacques Fayard, commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique

La force dont j'ai la responsabilité compte environ 400 atomiciens officiers mariniers et 100 officiers atomiciens. Je dois en recruter 60 par an, tout en sachant que la phase de formation est longue et exigeante. Dans un contexte très concurrentiel, nous faisons feu de tout bois. La Marine offre des avantages comparatifs, notamment pour les jeunes : ce sont des métiers qui non seulement sont techniques et opérationnels, mais qui permettent de répondre à la volonté d'engagement, car la mission a du sens.

Hors atomiciens, je dois recruter 360 sous-mariniers chaque année. J'y parviens, mais la dimension qualitative requiert toute ma vigilance, car nous ne saurions diminuer notre niveau d'exigence.

Nous avons créé, au sein de l'École des applications militaires de l'énergie atomique, à Cherbourg, des brevets de technicien supérieur (BTS) dédiés au recrutement d'atomiciens. Plus généralement, pour renforcer l'attractivité des forces sous-marines, nous avons joué sur le levier indemnitaire pour tenir compte de la spécificité du métier ainsi que des qualifications requises. Nous avons essayé de rendre plus facile de concilier la vie familiale et la vie professionnelle. La montée en gamme des compétences, par ailleurs, participe de cet écosystème valorisant pour les jeunes.

S'agissant de la fidélisation, la gestion du flux des départs est un enjeu important. Quinze années sont nécessaires pour former un sous-marinier dans les domaines d'expertise, notamment le nucléaire. Or la durée de service est d'environ dix-huit ans et demi. Pour supporter de s'enfermer aussi longtemps à bord d'un sous-marin, il faut être jeune. Il importe de préparer les départs. Nous devons accompagner les sous-mariniers. Il est possible, par exemple, de leur confier des fonctions d'instruction, de mentorat et d'entraînement, afin que leur départ intervienne au moment le plus opportun.

La question des drones soulève celle du contrôle politique : confieriez-vous à une intelligence artificielle la mise en œuvre d'une arme nucléaire ? Poser la question, c'est y répondre. Le problème de l'endurance à la mer des drones doit aussi être souligné : nos sous-marins assurent la permanence grâce à la propulsion nucléaire, qui leur garantit une durée de vie sous l'eau indéfinie. En outre, la méthode de communication des drones avec les autres éléments pourrait poser problème, notamment s'ils utilisent des basses fréquences, alors qu'il est déjà difficile, en opération, de coordonner l'action des bâtiments de surface, des sous-marins et des avions de patrouille maritime. Cela dit, certaines applications très pratiques des drones, notamment dans le domaine de la guerre des mines, qui en utilise déjà, pourraient se révéler pertinentes.

Enfin, je tiens à souligner notre fierté de travailler avec l'écosystème local de l'île Longue, qui regroupe chaque jour 2 500 personnes, 300 entreprises et 160 chantiers d'infrastructures. Ces acteurs font preuve d'une réactivité extraordinaire. Le sens de la mission qui les habite n'est pas lié à leur nature militaire ou civile. Le soutien de l'hôpital d'instruction des armées (HIA) Clermont-Tonnerre nous est également très utile pour préparer les médecins embarqués à officier en totale autonomie durant leur patrouille. L'écosystème brestois est ainsi une belle démonstration du génie français.

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l'amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la Marine

Je souhaite revenir sur la haute intensité et la dissuasion. Les guerres récentes, notamment celle entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan et celle en Ukraine, rappellent que des conflits sollicitant l'ensemble de l'énergie de la nation peuvent survenir à proximité de notre territoire. Il n'existe pas de conflit conceptuel entre haute intensité et dissuasion. La dissuasion protège les intérêts vitaux du pays, tandis que la haute intensité s'impose à nous dans le domaine conventionnel. La nature de la guerre évolue et des armes d'un nouveau type arrivent, ce qui commande de s'adapter. C'est la raison de mes efforts, depuis deux ans, pour changer l'esprit qui anime la préparation opérationnelle de haute intensité (POHI). L'objectif est de prendre en compte l'intensité du réarmement naval. En mer, la sûreté et la crédibilité des forces navales nécessitent de s'entraîner différemment. La haute intensité nous appelle à disposer de commandants de bateaux et de forces capables de faire face à des environnements bien plus contestés.

Concernant la coopération européenne en matière de dissuasion nucléaire, le sujet a été évoqué par le Président de la République. Il relève d'une décision politique, développée par l'état-major des armées et la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS).

Le président Gassilloud a évoqué la défense antimissiles balistiques (DAMB). Dans les années 2000, certains ont pensé que la conjonction du désarmement nucléaire et du durcissement des boucliers antimissiles rendrait la dissuasion obsolète. Cependant, la DAMB repose sur un paradigme différent : avec un tel système, l'incertitude ne repose pas sur l'éventuel agresseur, mais sur celui qui se défend. L'étanchéité d'un bouclier anti-missile ne peut pas être absolument certaine, et n'offre donc pas les mêmes garanties que la dissuasion nucléaire.

La réalisation du programme SNLE de 3ème génération a été lancée lors de la précédente LPM, en février 2021. Le premier SNLE 3G remplacera Le Triomphant à l'horizon 2035. La découpe de la première tôle est prévue fin 2023. Les noms des quatre futurs SNLE n'ont pas encore été définis. Ils seront prochainement proposés au ministre et au chef de l'État. Leur mise en service actif s'échelonnera jusqu'à l'horizon 2050. Il est prévu que le sous-marin rentre dans les infrastructures actuelles. De plus, nous avons appliqué la même logique incrémentale aux bateaux qu'aux missiles.

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On a pu voir, ici ou là, émerger l'idée d'un sous-marin réunissant les capacités conventionnelles et stratégiques du SNLE et celles du SNA, afin de répondre à un objectif d'ordre économique. Si cette perspective peut être interrogée, la mission Marianne a démontré l'importance stratégique de ce type de bâtiments dans une zone aussi complexe que l'Indopacifique. En effet, le format relativement restreint de la Marine conduit à s'interroger sur les solutions économiques envisageables.

À cet égard, il avait également été suggéré durant la campagne présidentielle de restaurer d'anciens SNLE pour en faire des SNA. Que pensez-vous de cette idée pour permettre à nos sous-marins de déployer des missiles de croisière ? Pourrions-nous imaginer, afin de réaliser des économies, qu'un bâtiment puisse être transformé pour assurer les missions de ces deux navires ? Le concept du SNLE est-il toujours le plus pertinent ? Comment garantissons-nous le fonctionnement des systèmes que nous appliquons ?

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Vous avez évoqué de nombreux paradoxes. Ainsi, 80 % des forces de la Marine contribuent à la dissuasion. Nul ne remet en question l'intérêt de la dissuasion nucléaire et de la force océanique. Cependant, la France est la deuxième puissance maritime au monde ; si 80 % de sa Marine est utilisée pour la dissuasion, comment assure-t-elle la sécurité conventionnelle du reste du territoire maritime ?

Par ailleurs, si nos moyens sont concentrés sur la dissuasion, nous ne pouvons pas nous permettre de les perdre lors de combats, au risque de mettre en péril la crédibilité de la dissuasion. Si nos frégates sont détruites lors de combats conventionnels, comment garantir la dilution de notre dissuasion ?

En décembre, j'ai eu la chance d'embarquer sur une frégate en période d'entraînement. Cependant, comme elle était également en alerte opérationnelle, aucun exercice n'a pu avoir lieu puisqu'elle a été envoyée en mission. Avons-nous les moyens d'assurer l'entraînement de l'ensemble des bâtiments qui servent à la dissuasion ?

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D'abord, je vous transmets, ainsi qu'aux marins et à leurs familles, mes meilleurs vœux.

La France possède la deuxième ZEE au monde grâce à ses territoires ultramarins. Pourtant, à la différence de la Grande-Bretagne, qui est tournée vers la mer, la France ne dispose pas d'une stratégie maritime clairement identifiée, alors qu'elle possède tous les atouts pour ce faire.

Dans le cadre de la prochaine LPM, notre pays pourrait opérer un tournant stratégique, en particulier maritime. Nos bases pourraient être renforcées dans le cadre de la revue nationale stratégique. Je pense notamment au port de la Pointe des Galets à La Réunion, troisième port militaire français après Toulon et Brest. En développant une politique de rayonnement et d'influence dans les territoires ultramarins, nous pourrions aussi renforcer nos relations avec les forces armées partenaires des océans Indien et Pacifique ainsi que dans les Caraïbes.

À l'approche de la prochaine LPM et compte tenu des dernières déclarations du ministre Sébastien Lecornu à propos de la nécessité d'adapter les moyens, quelle est la marge de manœuvre des forces de la Marine dans les zones ultramarines pour renforcer notre surveillance de la ZEE ? Dans le cadre de la dissuasion nucléaire, cette orientation vers les territoires d'outre-mer est-elle envisageable ?

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Tous mes vœux, ainsi qu'à vos marins.

Je remercie chaleureusement la Marine nationale d'accueillir la commission de la défense nationale des forces armées à Brest sur la base navale et à l'île Longue le 19 janvier.

Le bâtiment d'essais et de mesures (BEM) Monge a été admis au service en 1992, et a depuis connu des évolutions incrémentales et des modernisations. Quels sont les enjeux de son remplacement, à l'horizon 2028 ?

Quel peut être le rôle des drones dans la surveillance des approches, en particulier celle du bastion brestois ?

Quels sont les enjeux liés à la modernisation des bassins de l'île Longue ? L'aménagement d'un troisième bassin serait-il nécessaire ?

Enfin, un dialogue stratégique suppose une compréhension mutuelle, et donc une grammaire nucléaire commune. Identifiez-vous des évolutions dans le dialogue avec les Russes ? Je pense notamment à l'émergence de nouvelles armes : il est question de sous-marins portant des drones, lesquels seraient capables, notamment, de lancer des torpilles nucléaires. Cette évolution marque-t-elle un tournant, en matière de grammaire et de moyens ou de capacités nécessaires pour y répondre ? Mon impression est que, si cette grammaire reste assez classique en ce qui concerne la Russie, notamment depuis le début du conflit en Ukraine, elle tend à évoluer avec des partenaires tels que la Chine, ou, dans un avenir proche, l'Iran.

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Les hommes et les femmes qui servent au sein de la FOST sont la clé de voûte de la dissuasion. Je les remercie pour leur engagement et les assure de notre confiance.

Je suis co-rapporteure d'une mission flash de notre commission consacrée aux fonds marins. Comme vous l'avez rappelé, les fonds marins voient émerger de nouvelles conflictualités, au même titre que l'espace. Leur contrôle est stratégique pour notre pays. Ils sont également le milieu où navigue l'une des composantes de notre dissuasion, à savoir les SNLE. Or de nombreux acteurs manifestent la volonté d'agir dans ce milieu, en mobilisant des moyens humains et des systèmes autonomes, comme les drones sous-marins. Dès lors, il semble possible que nos forces de dissuasion, qui s'appuient sur une nécessaire discrétion, puissent être les cibles de missions de renseignement de plus en plus nombreuses, voire d'actions offensives. Une stratégie ministérielle de maîtrise des fonds marins a été publiée en février 2022. Au-delà de ce texte, pouvez-vous nous donner votre appréciation sur les nouveaux enjeux et leurs incidences pour notre dissuasion ?

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Je vous adresse mes meilleurs vœux pour l'année 2023.

Seuls six pays dans le monde disposent de sous-marins nucléaires, au premier rang desquels figurent les États-Unis et la Russie. Cette dernière possède notamment le sous-marin K-329 Belgorod, capable de transporter huit torpilles Poséidon, qualifiées d'armes « d'Apocalypse ». Vous avez indiqué que les sous-marins étaient quasiment indétectables en raison de la profondeur à laquelle ils opèrent, mais cela vaut pour tous. Par ailleurs, qu'arrive-t-il lorsque deux sous-marins se croisent ?

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Nul ne sait où se trouve un sous-marin, avez-vous dit. Lorsqu'un bâtiment entame sa patrouille, qui sait où il va ?

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l'amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la Marine

La question de M. Gonzalez porte en réalité sur les sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière (SSGN). Compte tenu de la force sous-marine dont disposaient les États-Unis dans les années 1990, lors de la signature des accords sur la réduction des armes stratégiques, cette puissance a fait le choix de reconvertir certains SNLE qui en étaient à la moitié de leur durée de vie. Quatre sous-marins de classe Ohio ont ainsi été convertis. Leur lance-missiles balistique a été transformé en lance-missiles de croisière avec une capacité de mise en œuvre de forces spéciales. S'il est vrai que nous pourrions faire de même, en théorie, le nombre de sous-marins dont nous disposons ne nous le permet pas dans la pratique. Nos sous-marins seront utilisés jusqu'à la fin de leur cycle de vie.

La dissuasion se pratique tous azimuts. La ZEE n'est donc pas moins protégée que le reste du territoire. Vous avez souligné l'immensité de notre espace maritime. La LPM 2019-2024 a déjà acté un effort important dans ce domaine, qui se réalisera prochainement, puisque le patrouilleur Auguste Bénébig arrivera au mois d'avril à Nouméa. D'ici à 2025, la France produira six de ces patrouilleurs intégralement pour l'espace Indopacifique : deux à La Réunion, deux à Nouméa, et deux à Papeete. L'aviation de surveillance maritime sera également renouvelée : les Falcon 200 seront remplacés par des Falcon 2000, dotés de capacités étendues. Fin décembre, des navires chinois et iraniens ont été identifiés dans la ZEE. Nous surveillons ces mouvements et devons, sur le plan stratégique, indiquer que nous le faisons.

Nous travaillons également au signalement stratégique dans le cadre de différents exercices, notamment les missions Marianne et Jeanne d'Arc, y compris avec nos voisins. Équipée de drones et dotée d'un rayon d'action considérable, la nouvelle classe de patrouilleurs outre-mer sera deux à trois fois plus efficace que l'ancienne génération de P400.

Votre question, Monsieur Lachaud, porte au fond sur le format de la Marine. Elle relève de la LPM et a été débattue durant l'automne. Cela renvoie à l'enjeu de la haute intensité. Il convient de réfléchir à la manière dont on intègre une potentielle attrition dans les moyens conventionnels avant la mise en œuvre du nucléaire.

Le modèle de la Marine est très compact : les mêmes moyens peuvent servir à plusieurs missions. En outre, de nombreuses dimensions de notre résilience se situant en dehors de la dissuasion et de l'autonomie stratégique française sont assurées par le travail en coalition : deux ou trois nations escortent le porte-avions. Les marines européennes comptent autant de frégates que la marine américaine. La question ne se résume donc pas au seul effort national.

Le Monge a été admis au service actif en 1992 et son retrait est actuellement prévu à la fin de la décennie. La coque du bateau est en bon état. Les missions de navigation qui lui sont confiées sont relativement simples. Il assure notamment la surveillance de tirs et des mesures. La question est plutôt désormais celle de la rénovation et de la modernisation de sa charge utile, afin de poursuivre son cycle de vie d'une dizaine d'années. Cela relève pour l'essentiel de la DGA, en coordination avec le SSF pour le calendrier de MCO du bateau.

Les fonds marins constituent l'un des grands axes d'effort du moment. La stratégie s'agissant des fonds marins consiste donc en une réappropriation de la technologie et de la connaissance de l'état de l'art, selon trois axes : connaître, surveiller et intervenir jusqu'à 6 000 mètres – ce qui couvre permet de couvrir 97 % des fonds marins.

L'incident de Nord Stream a rappelé l'intérêt de surveiller les infrastructures stratégiques, en coopération avec l'industrie. L'industrie de l' Oil and Gas norvégienne compte ainsi 600 drones et robots autonomes sous-marins (AUV et ROV). L'objectif est de nous appuyer sur ces savoir-faire pour acquérir une capacité souveraine militaire.

Lorsqu'un sous-marin quitte le port de Brest, les satellites étrangers peuvent l'observer. Quand il entre dans la mer d'Iroise, un dispositif comportant éventuellement un autre sous-marin, des frégates et des avions de patrouille maritime permet de repérer des sous-marins étrangers grâce à un système de bouées et de sonars. La mise en oeuvre de ces moyens permet de diluer le sous-marin. Des efforts considérables seraient dès lors nécessaires pour le retrouver.

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l'amiral Pierre Vandier, chef d'état-major de la Marine

À l'exception du commandant, personne ne la connaît, pas même le Président de la République. C'est la meilleure garantie que personne ne le trouve. Des messages sont transmis au commandant quotidiennement afin de l'aider à établir sa route. Par ailleurs, les bulles d'indiscrétion sont de très courte portée. L'océan est immense.

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le vice-amiral d'escadre Jacques Fayard, commandant les forces sous-marines et la force océanique stratégique

L'ignorance de la localisation du SNLE est une garantie du secret opérationnel. Les commandants de SNLE savent comment diluer leur sous-marin. Qui plus est, le chef du centre opérationnel est le plus ancien des commandants. Il sait donc de quelles informations le commandant en patrouille aura besoin.

Des navires hydrographiques réalisent des mesures pour que nous disposions d'une connaissance intime de la colonne d'eau. Les caractéristiques physiques du milieu, opaque aux ondes électromagnétiques, anisotrope, font de l'océan le meilleur espace pour cacher un sous-marin.

C'est la garantie de frappe en second qui impose la permanence, et non l'inverse. Même si la base de Brest était la cible d'une frappe, un bateau serait toujours en mer, capable d'y répondre. Le bon fonctionnement du dispositif global est assuré par le haut niveau d'exigence sur la formation du personnel. Des contrôles de qualifications ont lieu dans l'ensemble des domaines, ainsi que des contrôles extérieurs. L'île Longue fait ainsi l'objet de soixante-dix inspections et audits pour vérifier le respect de la sûreté de mise en œuvre dans les domaines de la pyrotechnie, de la sécurité plongée et de la sécurité nucléaire. Cette exigence est propre au nucléaire. La crédibilité de la dissuasion ne se décrète pas : elle se démontre au quotidien.

Il y a une spécificité française en matière de formation des commandants de SNLE. Un commandant est âgé de 40 ans environ, il part seul et assure en totale autonomie la permanence de la dissuasion. Le niveau d'exigence est très élevé. Ce système a fait ses preuves au quotidien depuis cinquante ans.

Les installations de l'île Longue ont cinquante ans. Nous héritons d'un investissement réalisé par nos prédécesseurs, que nous devons maintenir à niveau. Des travaux sont menés quotidiennement. Ils ont récemment permis de développer une station de pompage et une nouvelle usine électrique. Les décisions que nous prendrons en 2025 permettront de préparer l'avenir à l'horizon de 2035 et nous engageront pour les cinquante années suivantes. Elles concerneront notamment le nombre de bassins. Deux sont situés à l'île Longue et un troisième du côté brestois. Les enjeux concernent leur maintien à un bon niveau de sûreté et leur adaptation aux SNLE 3G.

Madame Thillaye, il convient de distinguer nos SNLE, qui ne doivent pas être localisés, et nos SNA, chargés de chercher le contact. Trouver un sous-marin en mer est très complexe et consommateur de moyens ; nous menons ces opérations avec nos alliés. Elles participent à la liberté d'action des SNLE dilués.

Par ailleurs, nos SNA sont déployés dans le cadre de l'Otan. Les signalements des mouvements de nos sous-marins leur permettent de naviguer en parfaite intelligence.

La séance est levée à douze heures quarante-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Jean-Philippe Ardouin, M. Xavier Batut, M. Julien Bayou, M. Frédéric Boccaletti, M. Benoît Bordat, M. Yannick Chenevard, Mme Caroline Colombier, M. Jean-Pierre Cubertafon, Mme Stéphanie Galzy, M. Thomas Gassilloud, Mme Anne Genetet, M. Frank Giletti, M. Christian Girard, M. José Gonzalez, M. Jean-Michel Jacques, M. Loïc Kervran, M. Bastien Lachaud, M. Jean-Charles Larsonneur, Mme Anne Le Hénanff, Mme Alexandra Martin, Mme Lysiane Métayer, M. François Piquemal, Mme Natalia Pouzyreff, M. Julien Rancoule, Mme Isabelle Santiago, Mme Nathalie Serre, Mme Sabine Thillaye, Mme Mélanie Thomin

Excusés. - M. Mounir Belhamiti, M. Christophe Bex, M. Christophe Blanchet, Mme Yaël Braun-Pivet, M. Steve Chailloux, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Charlotte Goetschy-Bolognese, M. David Habib, M. Laurent Jacobelli, Mme Delphine Lingemann, Mme Brigitte Liso, M. Olivier Marleix, M. Frédéric Mathieu, M. Pierre Morel-À-L'Huissier, Mme Anna Pic, Mme Valérie Rabault, M. Fabien Roussel, M. Aurélien Saintoul, M. Mikaele Seo