La question de M. Gonzalez porte en réalité sur les sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière (SSGN). Compte tenu de la force sous-marine dont disposaient les États-Unis dans les années 1990, lors de la signature des accords sur la réduction des armes stratégiques, cette puissance a fait le choix de reconvertir certains SNLE qui en étaient à la moitié de leur durée de vie. Quatre sous-marins de classe Ohio ont ainsi été convertis. Leur lance-missiles balistique a été transformé en lance-missiles de croisière avec une capacité de mise en œuvre de forces spéciales. S'il est vrai que nous pourrions faire de même, en théorie, le nombre de sous-marins dont nous disposons ne nous le permet pas dans la pratique. Nos sous-marins seront utilisés jusqu'à la fin de leur cycle de vie.
La dissuasion se pratique tous azimuts. La ZEE n'est donc pas moins protégée que le reste du territoire. Vous avez souligné l'immensité de notre espace maritime. La LPM 2019-2024 a déjà acté un effort important dans ce domaine, qui se réalisera prochainement, puisque le patrouilleur Auguste Bénébig arrivera au mois d'avril à Nouméa. D'ici à 2025, la France produira six de ces patrouilleurs intégralement pour l'espace Indopacifique : deux à La Réunion, deux à Nouméa, et deux à Papeete. L'aviation de surveillance maritime sera également renouvelée : les Falcon 200 seront remplacés par des Falcon 2000, dotés de capacités étendues. Fin décembre, des navires chinois et iraniens ont été identifiés dans la ZEE. Nous surveillons ces mouvements et devons, sur le plan stratégique, indiquer que nous le faisons.
Nous travaillons également au signalement stratégique dans le cadre de différents exercices, notamment les missions Marianne et Jeanne d'Arc, y compris avec nos voisins. Équipée de drones et dotée d'un rayon d'action considérable, la nouvelle classe de patrouilleurs outre-mer sera deux à trois fois plus efficace que l'ancienne génération de P400.
Votre question, Monsieur Lachaud, porte au fond sur le format de la Marine. Elle relève de la LPM et a été débattue durant l'automne. Cela renvoie à l'enjeu de la haute intensité. Il convient de réfléchir à la manière dont on intègre une potentielle attrition dans les moyens conventionnels avant la mise en œuvre du nucléaire.
Le modèle de la Marine est très compact : les mêmes moyens peuvent servir à plusieurs missions. En outre, de nombreuses dimensions de notre résilience se situant en dehors de la dissuasion et de l'autonomie stratégique française sont assurées par le travail en coalition : deux ou trois nations escortent le porte-avions. Les marines européennes comptent autant de frégates que la marine américaine. La question ne se résume donc pas au seul effort national.
Le Monge a été admis au service actif en 1992 et son retrait est actuellement prévu à la fin de la décennie. La coque du bateau est en bon état. Les missions de navigation qui lui sont confiées sont relativement simples. Il assure notamment la surveillance de tirs et des mesures. La question est plutôt désormais celle de la rénovation et de la modernisation de sa charge utile, afin de poursuivre son cycle de vie d'une dizaine d'années. Cela relève pour l'essentiel de la DGA, en coordination avec le SSF pour le calendrier de MCO du bateau.
Les fonds marins constituent l'un des grands axes d'effort du moment. La stratégie s'agissant des fonds marins consiste donc en une réappropriation de la technologie et de la connaissance de l'état de l'art, selon trois axes : connaître, surveiller et intervenir jusqu'à 6 000 mètres – ce qui couvre permet de couvrir 97 % des fonds marins.
L'incident de Nord Stream a rappelé l'intérêt de surveiller les infrastructures stratégiques, en coopération avec l'industrie. L'industrie de l' Oil and Gas norvégienne compte ainsi 600 drones et robots autonomes sous-marins (AUV et ROV). L'objectif est de nous appuyer sur ces savoir-faire pour acquérir une capacité souveraine militaire.
Lorsqu'un sous-marin quitte le port de Brest, les satellites étrangers peuvent l'observer. Quand il entre dans la mer d'Iroise, un dispositif comportant éventuellement un autre sous-marin, des frégates et des avions de patrouille maritime permet de repérer des sous-marins étrangers grâce à un système de bouées et de sonars. La mise en oeuvre de ces moyens permet de diluer le sous-marin. Des efforts considérables seraient dès lors nécessaires pour le retrouver.