La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures.

Sous la présidence de Mme Maud Petit, vice-présidente, la commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance s'est réunie en vue de procéder à l'audition de M. Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), et Mme Katy Lemoigne, co-présidente de la commission « Enfances, familles, jeunesses » de l'Uniopss.

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Nous poursuivons les travaux de la commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance avec l'audition de M. Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss), et de Mme Katy Lemoigne, co-présidente de la commission « Enfances, familles, jeunesses » de l'Uniopss. Je vous remercie d'avoir accepté notre invitation. Votre réseau, présent sur l'ensemble du territoire, regroupe les associations des secteurs sanitaires, sociaux et médico-sociaux dans le but de développer les solidarités. Vous allez pouvoir éclairer notre commission sur les dysfonctionnements des politiques de protection de l'enfance que vous avez pu observer dans vos activités. Vous avez récemment saisi, avec d'autres associations, le Conseil d'État concernant le respect de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE) en matière de mise à l'abri et d'évaluation des mineurs isolés. J'ai une première question à ce sujet : comment les établissements que vous représentez abordent-ils cette problématique ?

En novembre 2023, vous avez également publié les résultats d'une enquête sur la pénurie de professionnels en protection de l'enfance. Nous souhaitons donc connaître vos préconisations et les mesures que vous estimez nécessaires pour améliorer l'attractivité des métiers de la protection de l'enfance.

Je vous laisse la parole pour une intervention liminaire de quinze minutes maximum. Nous poursuivrons ensuite nos échanges sous forme de questions-réponses. Je rappelle que notre audition est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et que l'enregistrement vidéo sera disponible à la demande. Enfin, en application de l'article 6 de l'ordonnance numéro 58-100 du 17 novembre 1958, relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, je vais vous demander de prêter serment, de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure ».

(M. Daniel Goldberg et Mme Katy Lemoigne prêtent serment.)

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Nous allons effectuer une présentation à deux voix. Je tiens à préciser que Mme Lemoigne possède de nombreuses qualités : en plus d'être co-présidente de notre commission « Enfances, familles, jeunesses », elle est membre du bureau du Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE). Les propos que nous allons tenir ont également été élaborés avec l'autre co-président de cette commission, M. Jean-Pierre Rosenczveig, bien connu dans le secteur de la protection de l'enfance.

L'Uniopss salue la mise en place de votre commission d'enquête. Vos travaux complètent les multiples rapports ou alertes émanant des professionnels du secteur, des personnes accompagnées ou ayant été accompagnées, ainsi que des administrations publiques. Nous espérons qu'ils permettront de placer la protection de l'enfance au cœur du débat démocratique. Cette problématique dépasse l'accueil et l'accompagnement des mineurs et des jeunes majeurs. De nombreux constats ont été dressés ces dernières années, mais peu de réponses concrètes ont été apportées pour résoudre les difficultés. Ce fossé grandissant entre les recommandations et les réalisations contribue à nourrir la crise du secteur et la lassitude des professionnels.

Nous espérons donc que les travaux de votre commission ne resteront pas sans suite et que vos recommandations incluront des mesures rapides. Il est impératif de mettre en œuvre toutes les décisions de protection non exécutées à ce jour, car la République ne respecte pas son engagement de protection envers de nombreux mineurs et jeunes majeurs. Vos recommandations doivent également proposer des pistes pour concevoir collectivement une protection de l'enfance pleinement respectueuse des droits fondamentaux et des besoins de tous les enfants et jeunes majeurs. Il est essentiel que cette protection soit également valorisante et épanouissante pour les professionnels du secteur.

Dans le secteur des solidarités et de la santé, l'Uniopss, comme vous l'avez rappelé, est intersectorielle et très transversale. Mon propos concerne donc l'ensemble des secteurs des solidarités et de la santé. Premièrement, les droits des personnes accueillies et accompagnées, ainsi que de toutes celles qui devraient l'être, est un sujet central. Un deuxième sujet est celui de la reconnaissance des professionnels, de la valorisation de leur métier et de leurs conditions d'exercice. Troisièmement, il existe des enjeux autour de la place du secteur associatif dans la mise en œuvre des politiques publiques de l'État et des départements. Ces trois sujets représentent les trois facettes d'une même exigence de conformité à notre République.

L'Uniopss tient à rappeler, dans ses propos liminaires, que malgré les difficultés, les insuffisances et parfois les dysfonctionnements, les établissements et services associatifs continuent quotidiennement de proposer des accompagnements de qualité. Ils développent régulièrement de nouvelles solutions pour répondre aux besoins des personnes concernées. Nous refusons que les dysfonctionnements majeurs, parfois mis en lumière par des situations dramatiques, occultent le fait qu'au quotidien, les professionnels et nos associations œuvrent ensemble pour accompagner des centaines de milliers de mineurs. Sans les associations et les professionnels, ces enfants et jeunes majeurs n'auraient que peu ou pas de solutions concrètes de protection et d'accompagnement. Bien sûr, les départements ont leurs responsabilités. Cependant, ce sont majoritairement les associations qui exécutent concrètement cette politique publique.

Cette fonction de mise en œuvre des politiques publiques pour le compte des départements et de l'État nous engage. Nous revendiquons d'être des co-constructeurs des politiques publiques, tant au niveau national que départemental, et non de simples opérateurs ou sous-traitants, comme on tente parfois de nous y réduire. Le mandat que nous recevons est donc un mandat pour agir, mais aussi pour dénoncer les dysfonctionnements. La protection de l'enfance a connu ces dernières années des évolutions positives qu'il convient de souligner et de préserver. L'amélioration des connaissances sur le développement des enfants, la prise de conscience de la nécessité d'accompagner les jeunes au-delà de leur majorité, ainsi que le renforcement de la participation des premiers concernés et la diversification des modalités d'accompagnement en sont des exemples notables.

Cependant, nous avons tiré la sonnette d'alarme à plusieurs reprises. En novembre 2023, nous avons accueilli dans nos locaux Mme la rapporteure, ainsi que le CNPE et le Conseil national de l'adoption (CNA), qui ont dressé un constat alarmant de la situation actuelle. Concrètement, la sécurité des enfants, le respect de leurs droits et de leurs besoins, ainsi que l'avenir du secteur associatif sont aujourd'hui en péril. En d'autres termes, alors que la maison des solidarités risque de s'effondrer, nous espérons que votre commission permettra de ne pas détourner le regard. L'Uniopss appelle ainsi à des évolutions majeures sur plusieurs aspects. Nous devons inscrire les débats sur les dysfonctionnements de la protection de l'enfance dans un cadre plus large, englobant l'ensemble des politiques en faveur des enfants et des familles. Cela inclut notamment le renforcement de toutes les politiques de prévention : protection maternelle et infantile (PMI), santé scolaire, services sociaux, centres médico-psychologiques (CMP), centres médico-psycho-pédagogiques (CMPP), maisons des parents – nous y reviendrons.

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Katy Lemoigne, coprésidente de la commission « Enfances, familles, jeunesses » de l'Uniopss

Un premier pilier à aborder a trait à l'augmentation continue du nombre d'enfants et de jeunes à protéger depuis des décennies. Cela démontre à la fois une évaluation beaucoup plus fine de la situation et une meilleure capacité à identifier les enfants en danger ou à risque. Cependant, cela peut aussi indiquer une aggravation des situations familiales, se traduisant par une grande précarisation des familles concernées et une difficulté accrue à les accompagner, surtout face à la faiblesse des politiques de prévention. Nous reviendrons sur ce point ultérieurement.

L'Uniopss réaffirme ici l'universalité des droits de l'enfant et de la protection de l'enfance. Nous dénonçons également les discours qui font des mineurs non accompagnés (MNA) les responsables de la crise actuelle. Deux points essentiels doivent être entendus. Les enfants en danger ou à risque doivent être traités en fonction de leurs besoins de développement et non de leur statut. Il est impératif d'adopter un regard humain sur cette question. Les données publiques confirment l'augmentation du nombre d'enfants et de jeunes à protéger, mais en excluant les MNA. Cela signifie que les MNA ne sont pas la cause de l'embolisation du système.

L'enjeu principal est de réduire le nombre d'enfants en danger ou à risque sur le territoire national. Pour y parvenir, plusieurs leviers sont nécessaires. Voici ce que l'Uniopss propose : renforcer les politiques de lutte contre les violences, y compris les violences sexuelles dont sont victimes les enfants, et renforcer les actions de soutien aux parents. De nombreux dispositifs d'accompagnement collectif et individuel sont en danger, faute de financements suffisants des collectivités territoriales. Il faut également accorder une place centrale aux enfants protégés en situation de handicap dans le cadre du plan « 50 000 solutions ». Des solutions multiples doivent être garanties, allant des plus légères aux plus intensives, afin de favoriser la diversification plutôt que l'homogénéisation ou la généralisation. Souvent, lorsque des trésors d'inventivité émergent sur certains territoires, une tendance à vouloir généraliser se manifeste. Or la réponse à un besoin est parfois singulière à un territoire et ne doit pas nécessairement être généralisée partout. Rétablir la prévention spécialisée dans tous les départements constitue un arbitrage nécessaire. Il est impératif de mettre en œuvre de nombreuses recommandations issues des Assises de la pédiatrie et de la santé de l'enfant, notamment le renforcement du nombre de professionnels de santé et des actions spécifiques à mener auprès des publics les plus en difficulté. Il est également essentiel de conduire une véritable politique de lutte contre la pauvreté des familles. La pauvreté, le mal-logement et les difficultés d'accès aux soins peuvent exacerber les problèmes éducatifs. Confier un enfant à une institution alors qu'il pourrait vivre dans une famille aimante, mais sans toit, est inacceptable.

En ce qui concerne les financements, ceux-ci ne correspondent pas aux besoins des enfants et des jeunes majeurs à protéger. Il est souvent mal vu de parler de finances, car c'est une question délicate et on nous rappelle souvent que les finances publiques ne sont pas un tonneau des Danaïdes. Cependant, la plupart des associations, voire toutes, sont extrêmement rigoureuses et attentives à la dépense publique. Elles ne demandent des financements que pour garantir la qualité des services qu'elles rendent.

Par ailleurs, l'Uniopss estime que la protection de l'enfance doit nécessairement être une compétence partagée. Ainsi, les dysfonctionnements actuels de cette politique pour répondre aux besoins de l'enfant ne peuvent être uniquement attribués à l'aide sociale à l'enfance (ASE). Cette politique doit bénéficier d'une approche transversale et interministérielle. L'Uniopss ne considère pas la recentralisation de la protection de l'enfance comme une solution durable à la crise actuelle. Cette approche n'est pas plus garante d'équité territoriale et de coopération que la décentralisation. Nous devons retenir deux principes clés : l'équité territoriale et la coopération. L'Uniopss s'interroge néanmoins sur les conditions de mise en œuvre de cette répartition des compétences. Les moyens financiers sont restreints. Les décisions en matière de protection de l'enfance dépendent largement des ressources financières disponibles, et les départements font face à un contexte tendu en la matière, notamment en raison de la baisse des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). De plus, les départements subissent l'adoption de lois successives relatives à la protection de l'enfance, imposant de nouvelles exigences sans compensation financière adéquate ou avec une compensation insuffisante. Cette pression financière impacte les associations et les personnes accompagnées, qu'il s'agisse des enfants ou des familles.

Nous proposons plusieurs leviers pour améliorer la situation. Premièrement, une compensation réelle des nouvelles exigences légales. Deuxièmement, une refonte des modalités de financement de l'ASE et de la PMI, afin de sécuriser ces financements et de lutter contre les inégalités de ressources. Troisièmement, un recours beaucoup moins fréquent aux marchés publics et aux appels d'offres. La mise en concurrence n'a jamais permis de générer des économies, bien au contraire. Il est nécessaire de faire un usage réel des contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM), qui ne doivent pas se transformer en réductions d'objectifs faute de moyens nécessaires.

Enfin, notre réseau s'oppose fermement à la segmentation des enfants et des jeunes qui doivent être protégés en fonction des secteurs. La tendance actuelle à la sanitarisation, notamment pour les mineurs présentant des problèmes complexes, pourrait conduire à la création d'unités spécifiques, engendrant des dualités terribles entre les enfants en grande précarité et ceux dont les crises sont considérées comme éteintes. Les réponses aux dysfonctionnements et le respect des droits et besoins des enfants reposent sur l'exercice effectif des responsabilités des départements, de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), des agences régionales de santé (ARS), de l'éducation nationale et des préfectures, avec une volonté sincère de mise en œuvre.

L'Uniopss demande le déploiement des comités départementaux de protection de l'enfance (CDPE), non pas pour traiter uniquement la question des mineurs présentant des problèmes complexes et celle de la gestion des places, mais pour aborder de manière plus globale, avec une ingénierie portée par les observatoires départementaux de la protection de l'enfance (ODPE), la question des appels à projets auxquels les associations pourraient participer. Nous ne sommes pas de simples opérateurs, mais des acteurs capables de co-réfléchir à l'activité sur un territoire.

Dans l'intérêt des enfants, l'Uniopss souhaite que les cahiers des charges des appels à projets soient définis avec l'ensemble de l'expertise présente sur le territoire, qu'elle soit associative ou institutionnelle : PJJ, ARS, éducation nationale. Pour que ces instances deviennent de véritables espaces de gouvernance partagée, il est nécessaire de renforcer les compétences en matière de protection de l'enfance dans les préfectures, notamment par le recrutement de délégués départementaux à la protection de l'enfance, actuellement présents dans seulement quelques départements.

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Abordons deux points supplémentaires dans cette intervention liminaire, en réponse à une question posée sur la manière dont nous vivons la situation actuelle et comment les associations que nous représentons la perçoivent, notamment en ce qui concerne la pénurie de professionnels. Cette crise des recrutements, accentuée par le départ de nombreux professionnels, affecte non seulement ceux en contact direct avec les mineurs et les jeunes majeurs à protéger, mais aussi le personnel de direction d'établissements ou de services, créant de grandes difficultés.

Pour cette raison, nous avons mené une enquête auprès de nos adhérents, qui représentent largement le secteur. Tout d'abord, 97 % des structures interrogées déclarent rencontrer des difficultés de recrutement, avec un taux moyen de postes vacants de 9 % de manière pérenne. Cette vacance concerne massivement les travailleurs sociaux, mais aussi les postes d'encadrement, de secrétariat et d'autres personnels non éducatifs. De plus, 40 % des répondants à notre enquête déclarent recourir à l'intérim, avec un surcoût moyen de 67 % par rapport à un contrat à durée déterminée (CDD) classique.

Dans ce contexte dégradé, de nombreux établissements et services doivent s'adapter, que ce soit pour l'accueil en institution ou l'accompagnement à domicile des familles. Les structures et les professionnels font face à cette situation en recrutant souvent des personnes sans aucune formation préalable. Une large partie de nos structures fait appel à ce type de professionnels pour pallier les manques. Les reports d'activité sur le reste de l'équipe épuisent d'autant plus les professionnels et entraînent un nombre accru d'enfants et de jeunes par intervenant. Ces missions non assumées bafouent les droits des parents et des enfants, réduisent la capacité d'accueil, diminuent la fréquence des interventions en milieu ouvert et mettent en attente tout nouvel accueil ou accompagnement. Bien entendu, plusieurs leviers d'amélioration existent, mais nous pourrons en discuter ultérieurement.

Le dernier point que je souhaite aborder concerne les questions de gouvernance. Mme Katy Lemoigne en a évoqué un aspect, mais je tiens à partager avec la représentation nationale les difficultés rencontrées par nos associations lorsque certaines décisions, que nous jugeons illégales, sont prises par des collectivités territoriales. Je précise cela en lien avec mon propre parcours, sans remettre en cause la légitimité des élus locaux. Toutefois, lorsque l'on nous demande d'appliquer des dispositions qui ne sont pas conformes à la loi, cela heurte l'éthique de responsabilité et de conviction que nous défendons dans nos projets associatifs. Une association regroupe des professionnels, mais aussi des bénévoles engagés dans des projets communs.

Par exemple, des décisions récentes de certains départements visant à suspendre la mise à l'abri de personnes se présentant comme MNA, ou à développer des offres d'accueil et d'accompagnement pour les MNA à des prix de journée réduits, fondées sur un principe erroné de semi-autonomie, posent problème. De plus, la non-effectivité de la loi du 7 février 2022, dite loi Taquet, en matière d'accompagnement des jeunes majeurs aggrave la situation. Ces décisions, que nous considérons comme illégales, mettent en grande difficulté les enfants et les jeunes concernés et interrogent sur le sens du métier et de l'action des professionnels.

Enfin, il est important de souligner la coopération parfois difficile entre les associations et les pouvoirs publics, tant au niveau départemental que national. Je me permets de m'exprimer ainsi devant vous pour évoquer ce sentiment de défausse de responsabilité sur les associations. En effet, on nous demande parfois d'accueillir les enfants dans des conditions que nous ne jugeons pas normales. Les dialogues en place sont souvent des dialogues de gestion plutôt que des échanges de qualité sur l'accompagnement. De plus, les appels d'offres ou les appels à manifestation d'intérêt favorisent parfois des logiques de réduction des coûts plutôt que d'amélioration des services. Les associations et les bénévoles qui en assurent la présidence sont alors confrontés à des dysfonctionnements, notamment en raison de la saturation des dispositifs.

Nos associations, pour fonctionner correctement, ont besoin de professionnels et d'un cadre structuré. Les bénévoles qui assurent la gouvernance doivent être rassurés dans leurs fonctions. Il est impératif que les risques légaux et financiers ne reposent pas uniquement sur eux, car les associations ne sont pas les premières responsables de ces risques.

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Nous allons maintenant passer aux questions des députés. Pour ma part, je souhaite insister sur la crise des recrutements. Pourriez-vous nous indiquer précisément les points sur lesquels nous devrions travailler pour redonner de l'attractivité à ces métiers et les pérenniser ? Vous avez évoqué un taux moyen de postes vacants de 9 %, ce qui est alarmant. Je souhaite donc vivement connaître vos recommandations pour améliorer et pérenniser le recrutement. Pourriez-vous également préciser les départements auxquels vous avez fait allusion dans vos propos liminaires ?

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L'Uniopss, tout comme la Convention nationale des associations de protection de l'enfant (Cnape), est un acteur majeur du secteur associatif. Il faut rappeler que ce secteur joue un rôle essentiel en protection de l'enfant, puisqu'il prend en charge la majorité des 377 000 enfants de l'ASE.

Ma première question concerne les capacités d'hébergement, dont le besoin est croissant depuis plusieurs années. Organisez-vous, à travers les réseaux de l'Uniopss, des dialogues de gestion à ce sujet avec les départements ? Nous manquons de données pour construire une politique publique efficace et prospective. De plus, les chiffres varient considérablement selon les territoires : le Nord accueille 22 000 enfants, cinq départements en accueillent plus de 15 000, tandis que d'autres en accueillent entre 3 000 et 5 000. Cette disparité et ce manque de données posent un véritable problème, notamment en termes de sureffectifs et de mesures en attente d'exécution. J'aimerais connaître votre point de vue sur cette situation. Est-ce que les associations que vous représentez rencontrent également ces problèmes de sureffectifs et de mesures en attente d'exécution, comme l'a mentionné la Cnape pour les associations qu'elle représente lors de son audition devant la commission d'enquête ? Quelles sont vos préconisations, notamment sur le plan financier, pour les établissements d'accueil ? La Cnape nous a signalé que certains établissements sont au bord de la faillite. Les situations sont-elles les mêmes pour les établissements représentés par l'Uniopss ? Structurellement, existe-t-il un modèle à proposer, puisque nous ne pouvons plus continuer avec des ressources fondées sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) ? Par ailleurs, il est essentiel de souligner que le calendrier d'expertise des comptes ne vous permet pas de vous projeter sur la gestion administrative et budgétaire de vos associations. En commission d'enquête, les questions budgétaires sont des éléments très importants.

Lors de l'annonce du plan Marshall pour la protection de l'enfance, il a été mis en évidence un manque de places et de nombreux postes vacants. Nous nous retrouvons face à une ubérisation du secteur qui pose d'énormes problèmes, notamment à travers l'intérim, un sujet dramatique. Si l'on considère les besoins fondamentaux de l'enfant, l'intérim a des conséquences sur le turnover des professionnels, qui est préoccupant. De plus, certains appels à projets peuvent atteindre des coûts auxquels les associations nationales, même reconnues, ne peuvent répondre, car le prix de journée n'est pas adéquat. Le secteur marchand s'engouffre alors dans cette brèche. Nous allons auditionner le groupe Domino RH, un acteur de ce secteur.

Il est évident que cette problématique n'est pas nouvelle : des rapports ont déjà été établis et cela fait plus de cinq ans que la situation se détériore, nécessitant le recours à l'intérim. J'aimerais comprendre comment, à l'époque, vous avez pu dialoguer avec les ministres et au niveau de l'État : quelqu'un a-t-il pris la mesure du problème en train de se créer dans le domaine médico-social en général et dans celui de la protection de l'enfance en particulier ? Il y a aujourd'hui un manque cruel de professionnels et une problématique d'emploi, qui est également lié au dispositif Parcoursup.

Je terminerai par une question que j'avais posée à la Cnape et qui m'horrifie. Cette situation de l'emploi et de l'intérim conduit les associations à ne pas respecter ce que nous avions exigé en tant que législateurs dans la loi du 7 février 2022, à savoir l'accès au bulletin numéro deux (B2) du casier judiciaire. Aujourd'hui, comme ce bulletin est transmis tardivement, il est tout à fait possible d'embaucher des personnes ayant commis des violences sexuelles pour travailler avec des enfants. Ce problème soulève évidemment de nombreuses questions. N'hésitez pas à nous faire part des difficultés rencontrées, mais aussi des propositions que vous pouvez nous soumettre.

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Concernant la question du manque de données, dans toutes les politiques publiques des solidarités et de la santé, nous demandons des états des lieux partagés par territoire. Cela fait plusieurs années que nous soutenons ce sujet auprès de différents ministres. Nous avons eu l'opportunité d'en discuter avec plusieurs ministres ces dernières années, y compris au niveau des ARS et des conseils départementaux. Il est essentiel d'objectiver l'état des besoins. Les données qui sont disponibles – car heureusement nous disposons tout de même de données – doivent permettre d'établir un état des lieux prédictif, par exemple de la situation dans cinq ans. Je parle ici du cas de la protection de l'enfance, mais cela s'applique à toutes les politiques publiques. L'État possède ses données, les départements ont les leurs, les régions aussi, notamment en matière d'aménagement du territoire et de formation, tandis que les communes ont une visibilité de terrain. Nous estimons également disposer d'une visibilité, à la fois par l'action concrète de nos associations sur le terrain, par nos unions régionales, les uriopss, ainsi qu'à l'Uniopss au niveau national. Cependant, ce travail d'état des lieux partagé n'est pas réalisé.

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Pourquoi ce travail n'a-t-il pas été réalisé, bien que vous ayez transmis le message à plusieurs reprises ? Il est vrai qu'il y a eu des remaniements et des changements d'interlocuteurs, mais qu'est-ce qui explique l'absence de réalisation de ce travail ? Est-ce un manque de volonté ? Est-ce dû à une absence de continuité dans la mise en œuvre de cette politique publique ?

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Il y a effectivement eu des changements de ministres, mais la difficulté vient d'un manque d'habitudes. Entre l'État, les départements et les régions, il n'y a pas cette habitude de considérer une politique publique sur laquelle chacun a son champ de compétences et de regarder, par territoire – que ce soit dans les zones les plus urbaines de 300 000 à 400 000 habitants ou dans les zones moins urbanisées, avec des populations moins nombreuses –, avec les chiffres à disposition, ce qu'il est possible de faire et surtout quelle dynamique commune adopter pour faire face aux besoins à venir. Par exemple, dans le champ du grand âge, il y a un enjeu démographique. Mais l'augmentation des besoins en termes de protection de l'enfance, hors MNA, n'a quant à elle pas été anticipée. Cette hausse est liée à de nombreux facteurs. Nous en avons cité quelques-uns et nous pourrons y revenir : nous pensons notamment que les actions de prévention sont essentielles. Par exemple, la disparition des maîtres E et des maîtres G à l'école élémentaire, qui étaient des professeurs des écoles spécialisés pour détecter et accompagner des mineurs rencontrant leurs premières difficultés, est problématique. De même, la difficulté d'obtenir des places en CMP ou en CMPP, les difficultés de la médecine scolaire, des services sociaux et de l'éducation nationale sont des obstacles majeurs. Toutes ces mesures de détection, de prévention et d'action proactive sont importantes, avant même que soient prises des mesures de protection de l'enfance au sens strict. Cela justifie la nécessité d'un dispositif commun.

C'est pourquoi nous avons soutenu la demande d'un plan Marshall pour la protection de l'enfance. En termes de communication, cela résonne bien. Cependant, nous avions plutôt défendu l'idée d'Assises de l'enfance, permettant de disposer d'une vision globale. Nous appelons de nos vœux chaque acteur, qu'il s'agisse de l'État, des départements, des régions, des communes, et nous, les acteurs de terrain, à réaliser ces états des lieux partagés pour un territoire donné. Il s'agit d'établir un diagnostic commun, validé par tous, et d'adopter des démarches communes et prédictives. Par exemple, dans le cadre du développement des quartiers, il y a des enjeux de zones de transport, de rénovation urbaine, etc., dont nous connaissons désormais les effets à cinq ans. Il est essentiel d'avoir cette vision prédictive de l'action publique en protection de l'enfance.

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Katy Lemoigne, coprésidente de la commission « Enfances, familles, jeunesses » de l'Uniopss

Les associations, lorsqu'elles signent un CPOM, remplissent une quantité considérable de critères et de données qui ne sont pas exploités. Par exemple, l'association de protection de l'enfance que je gère en Mayenne produit environ soixante pages informatique d'indicateurs CPOM chaque année. Cependant, ces données ne sont même pas consultées, y compris par les ODPE. Lorsque les ODPE rendent compte de l'activité sur le territoire chaque année, les données des associations ne sont pas prises en compte. Pourtant, nous sommes les principaux acteurs dans les territoires. Cela constitue un premier dysfonctionnement.

Deuxièmement, les systèmes d'information actuels ne sont pas interopérables. Il existe des cloisonnements : la justice dispose de son propre système et les associations ont parfois le leur. Même si nous militons pour l'utilisation d'un outil de référentiel métier commun au niveau national et formons nos professionnels à la collecte d'informations, les données ne sont pas étudiées. La direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) ne dispose pas de nos indicateurs CPOM, qui ne sont jamais comptabilisés. En réalité, nous ne recevons des retours que de ce qui est transmis par les conseils départementaux. Ces retours peuvent intégrer nos données partiellement, totalement ou pas du tout. À ce niveau, nous n'avons aucune visibilité.

Aujourd'hui, motiver des professionnels à coter une activité demande un temps considérable. Le personnel éducatif préfère passer du temps avec les enfants et les familles plutôt que de s'occuper de tâches administratives. Pour ma part, je collabore avec eux sur l'intérêt d'une stratégie prédictive pour cette politique publique de protection de l'enfance. Actuellement, les professionnels comprennent la nécessité de cette cotation. Cependant, demain, je serai incapable de soutenir cette nécessité si leur travail n'est pas utilisé, alors que celui-ci est pourtant essentiel.

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

J'en viens aux questions de recrutement, de pénurie des métiers de l'humain et d'ubérisation du travail social. J'avais évoqué ce terme d'ubérisation dans une tribune, il y a quelques années. Il est aujourd'hui une réalité. Il est compréhensible, du point de vue des professionnels, de vouloir travailler en intérim pour obtenir une rémunération supérieure à des salaires souvent bas, tout en respectant un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle. Cependant, cette situation devient ingérable pour les structures.

Vous avez demandé des préconisations à ce sujet. Certaines, comme les revalorisations salariales, ne vous surprendront peut-être pas. J'étais avec la ministre Catherine Vautrin avant-hier pour faire le bilan du pacte des solidarités et de la stratégie pauvreté. Je lui ai expliqué que, dans tout le champ du travail social, médico-social et sanitaire, nos associations souhaitent revaloriser les salaires. Celles-doivent bien sûr consentir des efforts en matière d'évaluation ou de justification des ressources publiques ; elles sont d'ailleurs prêtes à le faire. Cependant, il faut être clair : nous sommes les employeurs et non les payeurs. Si l'on veut revaloriser les métiers de l'humain, l'État et les départements doivent suivre une trajectoire budgétaire en conséquence, certes complexe en cette période. Il n'existe pas de solution miracle. Mais il faut définir concrètement, en matière de protection de l'enfance, combien d'enfants, de mineurs et de jeunes majeurs sont à protéger, avoir la volonté d'offrir cette protection, connaître le nombre de professionnels requis. Ensuite, qui paie ? Qui décide ? Ce sont d'ailleurs les questions dont m'a fait part un directeur de structure dans la Somme il y a quelques jours.

Si nous voulons attirer de jeunes professionnels, mais aussi des personnes en reconversion vers des métiers qui ont du sens, il est essentiel que le cadre de travail permette de mener une vie personnelle normale. Le sens du métier inclut également les questions de taux d'encadrement, c'est-à-dire la qualité de vie au travail. Dans des secteurs tels que le handicap, il est crucial que les professionnels n'aient pas à s'occuper de trop de mineurs à la fois, que ce soit en institution ou en milieu familial. Cette question est fondamentale pour la qualité des accompagnements. Un débat existe autour des dispositions du décret sur les taux et normes d'encadrement. Il est impensable d'avoir un décret qui responsabilise les directeurs de structures et les présidents d'association en les rendant fautifs de ne pas l'appliquer, avec des risques légaux en cas d'accident ou d'incident. D'un autre côté, il est nécessaire de considérer la trajectoire des finances publiques. Le véritable enjeu réside dans l'écart entre les droits proclamés et les droits effectifs.

Par ailleurs, Parcoursup soulève des questions concernant les formations au travail social et médico-social. Les instituts régionaux du travail social (IRTS) et autres structures de formation de notre réseau rapportent que Parcoursup a considérablement modifié le profil des étudiants inscrits en première année.

(La séance est suspendue dix minutes.)

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Vous avez soulevé une question concernant la place grandissante et inquiétante du secteur marchand dans le secteur de la protection de l'enfance. Je ne reproche pas au secteur marchand d'être marchand, mais la question est de savoir si le législateur et les pouvoirs publics, notamment les départements, régulent ou non les activités d'accompagnement des personnes. Nous avons déjà constaté plusieurs scandales dans le secteur du grand âge ainsi que dans celui de la petite enfance. Notre grande crainte est que ces mêmes problèmes se reproduisent dans d'autres secteurs des solidarités et de la santé, tels que la protection de l'enfance, le handicap et la lutte contre l'exclusion. Les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets, bien que de manière légèrement différente en protection de l'enfance. Des acteurs lucratifs pourraient s'approprier les segments de marché les plus rentables, en fonction des publics. Nous ne sommes pas dans le cas du secteur du grand âge, où les personnes payent deux fois plus dans les établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) privés que dans les Ehpad publics ou non lucratifs. Le risque est de répondre à une partie du problème seulement, sans aucune obligation d'intervenir dans tous les territoires ou d'accompagner les cas les plus complexes en protection de l'enfance, comme les doubles vulnérabilités. Nous pourrions nous retrouver dans une logique de sous-traitance avec des acteurs moins soucieux du contenu des politiques publiques et des moyens alloués, car ils seraient entièrement dans une logique de sous-traitance. Nous n'attaquons pas par principe la présence d'acteurs lucratifs, mais les pouvoirs publics doivent réguler ce secteur.

Il est également essentiel de veiller à ce que le secteur associatif ne soit pas négligé, notamment sur le plan financier. Mme Katy Lemoigne a précisé le problème des CPOM. Nous avons accompagné la mise en place de ces contrats, qui n'en sont plus vraiment. En effet, on nous impose de prendre une activité à un tarif fixé ou de la laisser, ce qui ne correspond plus à la notion juridique de contrat entre deux parties privées. De plus, nous défendons le fait que nos associations sont des entreprises. Nous évoluons dans le champ de l'économie sociale et solidaire, avec des dépenses contraintes telles que l'alimentation, le chauffage, les bâtiments ainsi que les rémunérations des salariés et des sous-traitants. Nous avons, nous aussi, besoin de protection. Les contrats doivent être de véritables contrats prévisionnels, avec des objectifs clairement définis, qui correspondent aux projets associatifs et aux réalités territoriales des départements, et des moyens adéquats. Un acteur de notre réseau a suggéré de passer des « CPOM de discorde » à des « CPOM d'amour » : nous sommes dans cette logique. Il serait également intéressant de bénéficier de CPOM permettant le recours à l'apprentissage, lequel pourrait être développé dans notre secteur.

Sur le plan financier, vous avez mentionné plusieurs cas que nous pourrons détailler dans nos réponses écrites. Il est essentiel de souligner que, sur l'ensemble des territoires, indépendamment de la taille des structures, toutes les entités impliquées dans la protection de l'enfance rencontrent des difficultés budgétaires extrêmes. Ces difficultés peuvent parfois mener à une cessation d'activité ou à une réduction de celle-ci. Les chiffres évoqués récemment montrent que certaines structures, en raison d'un manque de professionnels ou de moyens, ou de la conjonction des deux, réduisent leur activité sans fermer complètement. Cependant, elles se retrouvent en situation de surbooking. En effet, lorsqu'une mesure de placement est décidée, ces structures sont contraintes d'accueillir le mineur ou le jeune majeur concerné, faute de place ailleurs. Ainsi, selon l'enquête que nous avons réalisée, environ 60 % des structures ont été contraintes de dépasser leur capacité autorisée d'accueil, malgré une réduction de leur activité par ailleurs. De plus, 44 % à 45 % des structures indiquent qu'elles doivent accueillir des mineurs dont la prise en charge ne correspond pas à leur savoir-faire. En effet, toutes les associations ne sont pas conçues pour prendre en charge n'importe quel type de difficulté. En particulier, la question des doubles vulnérabilités est cruciale. Il y a une augmentation significative de mineurs en situation de handicap ou victimes de violences intrafamiliales. Ces situations exigent que les associations possèdent le savoir-faire nécessaire, tant au niveau des professionnels que des structures elles-mêmes. En conséquence, les responsabilités pesant sur les professionnels en contact direct avec les personnes, sur les directeurs de structures, ainsi que sur les bénévoles des associations, ne sont pas les leurs.

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Vous dites que l'on fait reposer les responsabilités sur la direction des établissements. Concrètement, avez-vous connaissance de situations de condamnations ?

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Je n'ai pas connaissance de condamnations. En revanche, je suis conscient du poids moral et des responsabilités qui incombent aux responsables associatifs, bénévoles et professionnels. Certains affirment qu'en l'état actuel des choses, ils sont contraints de cesser leur activité. De plus, plusieurs reportages médiatiques ont mis en lumière des situations indésirables, accusant les professionnels et leurs structures. Lorsque des manquements, dysfonctionnements ou violences surviennent, nous les condamnons fermement. Nous n'hésitons pas à exprimer notre opinion à nos adhérents lorsque ces dysfonctionnements se produisent. Cependant, laisser des acteurs sans moyens suffisants pour mettre en œuvre des orientations publiques revient à les mettre en danger, les exposant potentiellement à des situations critiques.

En ce qui concerne la distinction entre les secteurs lucratif et non lucratif, j'ai affirmé que nous étions des entreprises. Pour se développer et innover, aucun secteur économique de notre pays ne vise un résultat nul en fin d'année. Or actuellement, nous faisons face à des déficits importants.

Pour revenir sur la question des ressources humaines, notamment en lien avec le Ségur pour tous, il est essentiel de souligner les avancées réalisées, même si des problèmes subsistent, notamment le fait que les 183 euros promis n'ont pas été versés à tous les professionnels impliqués dans l'accompagnement des mineurs. De plus, certaines mesures du Ségur n'ont pas été budgétées correctement dans les ressources des associations, entraînant des conséquences concrètes pour de nombreuses structures. Ces associations se trouvent parfois contraintes de recourir à des pratiques de cavalerie budgétaire, en espérant que les ressources suivront. D'autres doivent puiser dans leurs fonds propres, qui s'épuisent rapidement. Ainsi, ces questions financières et budgétaires sont intrinsèquement liées.

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Katy Lemoigne, coprésidente de la commission « Enfances, familles, jeunesses » de l'Uniopss

Je vais aborder les différents points que vous avez soulevés, notamment les mesures en attente d'exécution et l'emploi intérimaire.

Premièrement, nous avons créé l'urgence actuelle par un manque de politiques de prévention et de prospective. Si nous ne sommes pas en mesure d'anticiper à cinq ans ce qui va se passer, nous restons constamment dans l'urgence. C'est ce que vous avez mentionné en introduction. Cette situation représente une véritable difficulté. Par urgence, j'entends des placements non effectifs et des mesures judiciaires de milieu ouvert non exécutées, ce qui a mis sous pression les conseils départementaux, responsables en tant que chefs de file, et les a contraints à trouver des solutions.

À partir de là, quelle est la réponse la plus agile en matière d'emploi si l'on veut répondre rapidement à cette difficulté et augmenter les effectifs ? C'est l'intérim. Une niche s'est ainsi créée, et le groupe Domino RH s'y est largement infiltré en affirmant : « Nous, Domino, avons la capacité de vous décharger de cette responsabilité, car en quinze jours, nous pouvons mettre en place une maison d'enfants à caractère éphémère ». Cependant, l'éphémère en protection de l'enfance est tout sauf viable. Nous avons besoin de permanence et de continuité. Or, dès leur arrivée sur les territoires, cela a été extrêmement compliqué. Comment parviennent-ils à mettre en place une maison d'enfant à caractère social (Mecs) en quinze jours ? Parce qu'ils louent des bâtiments initialement destinés à du locatif pour les vacances, par exemple des maisons à la campagne. Cela ne prend absolument pas en compte la territorialisation des enfants, c'est-à-dire leur lieu de vie, la proximité avec leurs parents et les droits de visite et d'hébergement. Rien n'est pensé en ce sens.

Il est impératif de maintenir la diversification de l'offre en protection de l'enfance. Quand nous orientons un enfant vers un placement familial, c'est parce que nous avons jugé que cela permettrait à l'enfant de se développer au sein d'une famille d'accueil. De la même manière, si nous choisissons de le diriger vers une Mecs, la décision est mûrement réfléchie. Il est essentiel de cesser de considérer les placements comme de simples places à pourvoir et de penser que les départements gèrent des flux et des stocks avec les associations. Tant que cette mentalité persistera, nous n'atteindrons pas nos objectifs. Aujourd'hui, notre capacité à orienter les enfants vers la place qui leur convient repose sur la réponse à leurs besoins fondamentaux.

J'en viens à la question de Mme la rapporteure sur la durée depuis laquelle nous avons recours à l'intérim. Il y a quelques années, nous y avions recours de manière extrêmement ponctuelle, notamment lorsque nous avions un creux et qu'un professionnel que nous souhaitions embaucher en contrat à durée indéterminée (CDI) n'était disponible qu'à une certaine période. En attendant, nous avions besoin de quelqu'un et, faute de CDD disponible, nous faisions appel à l'intérim. Cette pratique était alors quasi inexistante dans le secteur. Aujourd'hui, nous en sommes même arrivés à remplacer les personnes partant en formation par des intérimaires, faute de vivier de CDD. Il est donc pertinent d'examiner l'objet de l'intérim.

Parcoursup constitue un problème majeur : 30 % des jeunes abandonnent leur cursus dès le premier trimestre, puis à nouveau 30 % à la fin. Cette situation découle d'orientations par défaut. En effet, ces jeunes, faute d'avoir été retenus dans les filières qu'ils souhaitaient, s'inscrivent sur Parcoursup pour ne pas perdre une année. Ils se retrouvent alors dans des écoles d'éducation spécialisée sans conviction. Or ce domaine requiert un degré de maturité important pour établir des relations et faire preuve d'altérité. S'occuper de personnes vulnérables est un métier qui s'apprend et qui doit être valorisé. Ce n'est pas du bénévolat. Aujourd'hui, le travail social est souvent perçu comme une vocation. On me dit fréquemment : « Madame Lemoigne, réenchantez le secteur et continuez de parler de vocation », mais je dis : « Stop ». Ce métier est un métier à part entière. Il faut trois ans pour devenir éducateur spécialisé, soit l'équivalent d'une licence. Les salaires actuels, comme l'a mentionné M. Goldberg, sont honteux. Il est inadmissible de prétendre s'occuper de personnes vulnérables lorsque nos professionnels sont eux-mêmes vulnérables. Nous devons nous ressaisir collectivement sur cette question. Les CPOM doivent inclure des lignes budgétaires permettant de prendre des apprentis et de gratifier les stages. Actuellement, la majorité de nos CPOM n'inclut pas cette capacité de financement. Cette situation contribue à la dégradation du secteur.

Pourquoi les professionnels désertent-ils aujourd'hui ? Nous avons évoqué Parcoursup, le manque de prévention et le sens de l'action. Lorsque nos professionnels perdent le sens de l'action sociale, ils ne peuvent plus retrouver la motivation nécessaire. Imaginez-vous seul avec un groupe de douze jeunes, dont certains ne correspondent pas à l'habilitation délivrée. On vous demande de les encadrer, de leur faire pratiquer des activités sportives le week-end, de les accompagner à leurs diverses activités, tout cela alors que les coûts de transport sont prohibitifs et que vous ne pouvez pas recourir aux taxis. Comment est-ce possible ?

Je forme des étudiants en certificat d'aptitude aux fonctions de directeur d'établissement ou de service d'intervention sociale (Cafdes) dans une école de travail social d'Askoria depuis cinq ans. Les futurs directeurs et directeurs généraux me disent qu'ils n'iront pas travailler dans la protection de l'enfance. Leur décision est mûrement réfléchie. Pourquoi ? La responsabilité pénale est trop lourde, la charge de travail est écrasante et ils ne peuvent pas faire face à l'urgence permanente. La protection de l'enfance est devenue une machine à laver pour les cadres, où tout tourne beaucoup trop vite.

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J'ai trois questions complémentaires. Premièrement, est-il autorisé que des enfants, même très jeunes, prennent le taxi sans accompagnement ? Nous trouvons cela absolument scandaleux et sommes prêts à légiférer sur cet aspect. Deuxièmement, j'ai découvert que certaines offres d'emploi, y compris dans le Val-de-Marne, sollicitent des personne en service civique pour encadrer des jeunes. Cela me semble poser un énorme problème. J'aimerais avoir votre retour sur ce point. Enfin, seriez-vous d'accord pour réviser complètement le cadre de la formation initiale ? Actuellement généraliste, elle devrait, selon moi, se spécialiser dans la protection de l'enfance.

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Nous avons bien compris que la question des moyens est essentielle. Cependant, je suis moins convaincue en ce qui concerne le secteur associatif. Par définition, une association n'est pas destinée à générer des bénéfices. Quoi qu'il en soit, il est clair qu'il faudrait davantage de subventions et que l'État et les départements assument une part plus importante de la charge financière. Je souhaiterais revenir sur un point que vous avez mentionné précédemment. Vous avez évoqué l'idée de « co-réfléchir » avec le département. Pourriez-vous préciser dans quel cadre ou lors de quelles réunions vous envisageriez de siéger et de participer aux décisions ?

Par ailleurs, vous avez mentionné le fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais). Souhaiteriez-vous que le Fijais, qui recense toute personne impliquée dans une agression sexuelle, même non condamnée, vous soit accessible, peut-être par l'intermédiaire du parquet ?

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Quelles sont les perspectives d'évolution des salaires, de l'entrée en poste après un bac + 3 à la fin de carrière ?

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Katy Lemoigne, coprésidente de la commission « Enfances, familles, jeunesses » de l'Uniopss

La co-construction pourrait par exemple être réalisée dans les ODPE. Cependant, tous les départements n'ont pas mis en place des ODPE et leur fonctionnement peut varier. Il est donc légitime de créer des commissions où tous les acteurs impliqués dans la protection de l'enfance peuvent participer. Toutefois, il y a une complexité liée à la démarche d'appels à projets. En effet, participer à la construction des appels à projets peut être perçu comme une tentative d'influencer la réponse et l'obtention du marché. Nous avons souligné dans notre propos liminaire qu'il est impératif de repenser la question des appels à projets, car ils ne garantissent pas nécessairement une réduction des coûts. La mise en concurrence, souvent perçue comme essentielle pour la bonne gestion des finances publiques, ne fonctionne pas. Il existe également des marchés publics qui s'ouvrent en protection de l'enfance, notamment pour les visites médiatisées.

La loi du 7 février 2022 permet actuellement de mettre en place des CDPE, où tous les acteurs, tels que la justice, la santé, l'éducation nationale, les départements et les associations, sont présents. Ces commissions pourraient devenir des lieux d'analyse, soutenues par les ODPE qui disposent de l'expertise nécessaire pour fournir des données territoriales précises, afin de répondre aux besoins spécifiques de chaque territoire.

En effet, tous les territoires ne sont pas identiques. Par exemple, en Mayenne, nous ne disposons que d'un seul dispositif intégré des instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Ditep). Les listes d'attente y sont très longues : il faut parfois attendre trois ans après avoir reçu une notification pour y accéder. Des jeunes se trouvent alors dans le dispositif de la protection de l'enfance, sans que nous disposions des moyens nécessaires pour répondre adéquatement à leur situation.

Nous appelons donc à une concertation entre les différents acteurs, plutôt qu'à un libre champ concurrentiel. Lorsqu'un appel à projets est lancé, il peut mettre en péril la survie des associations. En effet, nous constatons aujourd'hui un détournement de ces appels à projets, qui servent à remettre en concurrence des structures existantes. Plutôt que de perpétuer la défiance actuelle, il est nécessaire de nouer des liens en confiance pour co-construire des solutions au bénéfice des jeunes et des familles, en s'appuyant sur une connaissance partagée des territoires et des données disponibles.

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Nous répondrons par écrit aux questions relatives aux taxis et à l'emploi de personnes en service civique.

Concernant la formation, il s'agit de déterminer si nous formons les jeunes à devenir les meilleurs rédacteurs de dossiers pour obtenir des appels d'offres ou des appels à manifestation d'intérêt pour leur propre structure, ou si nous les formons à être en contact avec des mineurs et des jeunes majeurs protégés. Cette question se pose dans les modules de formation, parfois obligatoires.

Je tiens à souligner que nous avons besoin de réaliser des bénéfices. Nous ne souhaitons pas rémunérer des actionnaires, mais il est essentiel de générer des profits pour maintenir le caractère non lucratif de nos associations. Être déficitaire en permanence nous empêcherait d'innover, de nous développer, d'améliorer la qualité de vie au travail et de développer de nouvelles modalités d'ingénierie sociale. C'est pourquoi je fais le parallèle avec d'autres secteurs économiques et revendique notre statut d'acteurs économiques qui embauchent dans les territoires et ont une activité dans le champ de l'économie sociale et solidaire (ESS). Nous célébrons les dix ans de la loi ESS et, à l'occasion du congrès de l'ESS, j'interviendrai dans un atelier consacré aux solidarités. Si l'on impose aux associations l'objectif unique d'être déficitaires ou, au mieux, de parvenir à l'équilibre financier, elles ne pourront pas se développer. Elles disparaîtront car le secteur lucratif s'emparera des parts de marché les plus rentables.

Sur l'évolution des salaires, je rappelle que les employeurs ne sont pas les payeurs. Il est donc nécessaire de connaître, sur une période de cinq à dix ans, les trajectoires financières des politiques publiques pour pouvoir rémunérer nos professionnels de manière adéquate. Il existe également des questions conventionnelles en discussion depuis longtemps. Nous soutenons des évolutions, notamment une convention collective unifiée qui permettrait des parcours professionnels différenciés.

Cependant, la question principale reste celle de l'évolution de carrière en termes de rémunération. Nos adhérents, qui se trouvent en situation d'employeurs, sont confrontés à cette problématique, souvent soulevée par les salariés ou les jeunes envisageant ces métiers.

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De manière très opérationnelle, quels sont, en moyenne, le salaire d'entrée et les perspectives d'évolution ? Cela nous aidera à avoir une connaissance concrète de l'historique des rémunérations des professionnels.

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Katy Lemoigne, coprésidente de la commission « Enfances, familles, jeunesses » de l'Uniopss

Je vous transmettrai les informations nécessaires, car je ne connais pas par cœur la grille des éducateurs et des moniteurs-éducateurs. Nous vous présenterons ainsi l'évolution complète des rémunérations, du début à la fin de la claire, de manière claire et détaillée. Il est essentiel de comprendre que la convention collective du 15 mars 1966, la plus répandue dans le secteur, ne prévoit des évolutions qu'en fonction de l'ancienneté. Cela fige les situations et empêche la mobilité. Le système actuel d'ancienneté ne reconnaît pas les évolutions en matière de responsabilité et ne prend pas en compte les nouveaux métiers.

Pour compléter ce que disait M. Goldberg, nous ne réalisons pas de bénéfices, mais des excédents budgétaires. Je tiens à le préciser, car beaucoup pourraient s'inquiéter. Ces excédents ne sont pas intentionnels ; ils résultent mécaniquement de notre gestion. Notre objectif est de maintenir un équilibre budgétaire. Mais nous savons bien que, dans une structure budgétaire où les ressources humaines représentent 80 % du budget, lorsque nous ne remplaçons pas un professionnel faute de candidat ou par choix, cela génère des économies sur le glissement vieillesse technicité (GVT). Ainsi, ces économies conduisent à des excédents budgétaires.

Nous insistons sur le fait que les excédents budgétaires, une fois un CPOM signé, doivent rester disponibles pour permettre des évolutions, y compris sur une période de cinq ans. Par exemple, nous avons mis en place un accueil de jour au sein de notre association, initialement financé par le crédit d'impôt et les taxes sur les salaires, car lors de la signature de notre CPOM, ces éléments n'étaient pas inclus, générant ainsi un excédent. Par la suite, nous avons fléché ces excédents budgétaires pour inscrire cette initiative dans notre budget. Aujourd'hui, le problème réside dans le fait que si nous ne répondons pas à un appel à projets ou ne sommes pas reconnus, nous restons dans une phase expérimentale. Actuellement, certains appels à projets prévoient que cette phase expérimentale peut durer jusqu'à quinze ans, ce qui est inacceptable. Il faut distinguer entre un besoin contextuel, justifiant une phase expérimentale, et un besoin structurel, qui nécessite une pérennisation. Sinon, nous créons une insécurité pour tous les acteurs impliqués. Il n'est alors pas surprenant que les gens soient réticents à s'engager ; qui accepterait de signer un CDD reconduit sans explication mais sans être pérennisé, alors même que cela fait dix ans que la personne concernée occupe le poste ?

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Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux

Notre convention collective commence en dessous du Smic. Il y a également eu un tassement des rémunérations, si bien que les professionnels exerçant des fonctions de responsabilité ne perçoivent pas beaucoup plus que les autres.

Avant de conclure mon propos, je souhaiterais aborder deux points importants. Premièrement, les points nous avons évoqués concernent à la fois les établissements de protection de l'enfance et l'action au domicile des familles. Souvent, lorsqu'on discute de la protection de l'enfance, on se focalise uniquement sur les établissements. Or nous pensons que l'action en milieu ouvert, au sein des familles, doit être privilégiée lorsque cela est possible. Elle doit également être réformée. Il est essentiel de disposer de professionnels compétents à la fois en établissement et dans les familles, même si les métiers ne sont pas exactement les mêmes.

Deuxièmement, il est crucial de considérer la protection de l'enfance comme une composante d'une politique plus globale de l'enfance.

Pour conclure nos débats, trois constats s'imposent. D'abord, les mesures non exécutées doivent être objectivées. Concernant les mesures de placement, le Syndicat de la magistrature a fourni des chiffres. Ceux-ci ne prennent pas toujours en compte les mesures en milieu ouvert. Il est donc nécessaire d'objectiver ces données et d'examiner les disparités territoriales. En d'autres termes, la décentralisation ne signifie pas que l'État se désengage des territoires en laissant les conseils départementaux gérer seuls. Il est impératif de respecter la parole de la République, qui se discrédite face à des objectifs nationaux non vérifiés dans tous les territoires.

Deuxièmement, je souhaite insister sur la défaillance des dispositifs de prévention. Concrètement, quels sont les moyens alloués à la santé mentale, à la santé scolaire, aux services sociaux scolaires, aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), aux PMI et à la prévention spécialisée, cette dernière ayant disparu de certains départements ? Ces moyens permettraient de réduire l'urgence dans la protection de l'enfance, en diminuant le nombre de situations critiques. J'ai mentionné les maîtres G, les réseaux d'aide et de soutien aux élèves en difficulté, ainsi que les structures d'appui familial, telles que les maisons des parents, qui permettraient de considérer autrement les structures et les besoins dans le cadre de la protection de l'enfance.

Troisièmement, l'insécurité des acteurs associatifs est préoccupante. Nous en avons beaucoup parlé, notamment en ce qui concerne l'exercice des mesures prescrites, tant en termes de parole écoutée dans des lieux de co-construction de l'action publique que de moyens financiers et organisationnels.

Les professionnels doivent être plus nombreux, mieux formés et reconnus. Cela nécessite tout d'abord de maintenir les effectifs existants, d'améliorer les salaires, la qualité de vie au travail et le sens du travail, y compris pour les postes de direction. Il est également crucial d'attirer de nouveaux professionnels. Nous avons évoqué la question des jeunes professionnels et les limites de Parcoursup à cet égard, ainsi que celle des professionnels en reconversion. Nous pensons qu'il est possible que des professionnels, en milieu de carrière, recherchent des métiers davantage porteurs de sens et choisissent ces professions. Peut-être parce qu'ils ont eu une autre vie professionnelle auparavant, ils seraient encore mieux à même d'accompagner des mineurs nécessitant une protection. Nous avons véritablement besoin de professionnels investis dans leur travail, des professionnels militants de la protection de l'enfance.

Il convient également de garantir la qualité des prestations fournies par les acteurs associatifs. Cela inclut les normes et le projet d'accompagnement. Aujourd'hui, on demande trop souvent aux structures de simplement garder les enfants, sans réfléchir à leur épanouissement afin de les préparer progressivement à devenir des jeunes adultes autonomes. Vous êtes bien au fait de la question des sorties sèches de l'ASE, qui n'a pas été abordée ici, ainsi que de ce qui se passe à l'issue des contrats jeunes majeurs, lesquels ne sont pas généralisés. Pour le dire autrement, un jeune majeur de 21 ans, dans une famille où tout se passe bien, n'est généralement pas laissé seul sans ressources.

Je souhaite également m'arrêter sur la clarification des compétences au sein de la famille, notamment le rôle des beaux-parents et des grands-parents. La question de la visite obligatoire du père, lorsque la mère s'occupe seule de l'enfant, peut sembler anecdotique. L'enjeu n'est pas l'obligation de visite, mais bien d'assurer un rôle parental continu, et non pas seulement de contraindre à des visites ponctuelles. Trop d'enfants n'ont pas aujourd'hui de référents, qu'ils soient biologiques ou qu'il s'agisse de beaux-parents. Je tiens à souligner l'importance de la décision que M. Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, doit rendre concernant la responsabilité civile des parents dans les prochains mois.

Il est donc essentiel de clarifier les compétences au sein des familles, ainsi qu'entre les autorités publiques. Nous ne pouvons plus tolérer les renvois de responsabilité entre l'État et les départements, qui se font un peu à nos dépens et surtout au détriment des mineurs sans solution. Nous ne croyons pas au « grand soir » institutionnel. La proposition de recentraliser la protection de l'enfance, en raison des dysfonctionnements observés dans les structures dépendant de l'État, nous semble difficilement envisageable. La décentralisation a également eu des effets positifs. À l'inverse, confier entièrement cette responsabilité aux départements pose la question d'un accompagnement équilibré sur l'ensemble des territoires. Nous devons donc adopter une approche de co-responsabilités, avec des responsabilités clairement définies pour chaque partie, en fonction des prérogatives que vous, législateurs, leur attribuez dans la loi. C'est pourquoi nous appelons à des Assises de l'enfance, englobant plus largement la protection de l'enfance. Il est crucial de réfléchir à la protection de l'enfance dans les années 2040, tout en agissant ici et maintenant pour répondre aux besoins des mineurs qui doivent être protégés. Il est également urgent de soutenir les acteurs associatifs en difficulté.

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Katy Lemoigne, coprésidente de la commission « Enfances, familles, jeunesses » de l'Uniopss

À l'Uniopss, nous pensons que mener une digne politique de protection de l'enfance nécessite une volonté d'investir dans l'enfance, et non d'en reprocher le coût immédiat pour la société.

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Je vous remercie pour vos propos. Certains points restent en suspens. Vous nous avez promis des éclaircissements sur l'utilisation des taxis pour les enfants de deux ans non accompagnés, le recours à des personnes en service civique, la grille de salaires et l'évolution salariale, ainsi que tout ce qui concerne la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Vous avez également mentionné que la loi du 7 février 2022 n'était pas appliquée dans son intégralité. Pourrez-vous préciser à quels aspects vous faisiez référence concrètement ? Enfin, pour conclure sur une note positive, pourrez-vous nous fournir quelques exemples de bonnes pratiques ? Même si une pratique exemplaire ne doit pas nécessairement être généralisée, elle peut néanmoins être source d'inspiration. Je vous remercie.

La séance s'achève à dix-huit heures vingt-cinq.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Karine Lebon, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Maud Petit, Mme Béatrice Roullaud, Mme Isabelle Santiago

Excusés. – Mme Anne-Laure Blin, Mme Béatrice Descamps, Mme Laure Miller