Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Daniel Goldberg

Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux :

Notre convention collective commence en dessous du Smic. Il y a également eu un tassement des rémunérations, si bien que les professionnels exerçant des fonctions de responsabilité ne perçoivent pas beaucoup plus que les autres.

Avant de conclure mon propos, je souhaiterais aborder deux points importants. Premièrement, les points nous avons évoqués concernent à la fois les établissements de protection de l'enfance et l'action au domicile des familles. Souvent, lorsqu'on discute de la protection de l'enfance, on se focalise uniquement sur les établissements. Or nous pensons que l'action en milieu ouvert, au sein des familles, doit être privilégiée lorsque cela est possible. Elle doit également être réformée. Il est essentiel de disposer de professionnels compétents à la fois en établissement et dans les familles, même si les métiers ne sont pas exactement les mêmes.

Deuxièmement, il est crucial de considérer la protection de l'enfance comme une composante d'une politique plus globale de l'enfance.

Pour conclure nos débats, trois constats s'imposent. D'abord, les mesures non exécutées doivent être objectivées. Concernant les mesures de placement, le Syndicat de la magistrature a fourni des chiffres. Ceux-ci ne prennent pas toujours en compte les mesures en milieu ouvert. Il est donc nécessaire d'objectiver ces données et d'examiner les disparités territoriales. En d'autres termes, la décentralisation ne signifie pas que l'État se désengage des territoires en laissant les conseils départementaux gérer seuls. Il est impératif de respecter la parole de la République, qui se discrédite face à des objectifs nationaux non vérifiés dans tous les territoires.

Deuxièmement, je souhaite insister sur la défaillance des dispositifs de prévention. Concrètement, quels sont les moyens alloués à la santé mentale, à la santé scolaire, aux services sociaux scolaires, aux maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), aux PMI et à la prévention spécialisée, cette dernière ayant disparu de certains départements ? Ces moyens permettraient de réduire l'urgence dans la protection de l'enfance, en diminuant le nombre de situations critiques. J'ai mentionné les maîtres G, les réseaux d'aide et de soutien aux élèves en difficulté, ainsi que les structures d'appui familial, telles que les maisons des parents, qui permettraient de considérer autrement les structures et les besoins dans le cadre de la protection de l'enfance.

Troisièmement, l'insécurité des acteurs associatifs est préoccupante. Nous en avons beaucoup parlé, notamment en ce qui concerne l'exercice des mesures prescrites, tant en termes de parole écoutée dans des lieux de co-construction de l'action publique que de moyens financiers et organisationnels.

Les professionnels doivent être plus nombreux, mieux formés et reconnus. Cela nécessite tout d'abord de maintenir les effectifs existants, d'améliorer les salaires, la qualité de vie au travail et le sens du travail, y compris pour les postes de direction. Il est également crucial d'attirer de nouveaux professionnels. Nous avons évoqué la question des jeunes professionnels et les limites de Parcoursup à cet égard, ainsi que celle des professionnels en reconversion. Nous pensons qu'il est possible que des professionnels, en milieu de carrière, recherchent des métiers davantage porteurs de sens et choisissent ces professions. Peut-être parce qu'ils ont eu une autre vie professionnelle auparavant, ils seraient encore mieux à même d'accompagner des mineurs nécessitant une protection. Nous avons véritablement besoin de professionnels investis dans leur travail, des professionnels militants de la protection de l'enfance.

Il convient également de garantir la qualité des prestations fournies par les acteurs associatifs. Cela inclut les normes et le projet d'accompagnement. Aujourd'hui, on demande trop souvent aux structures de simplement garder les enfants, sans réfléchir à leur épanouissement afin de les préparer progressivement à devenir des jeunes adultes autonomes. Vous êtes bien au fait de la question des sorties sèches de l'ASE, qui n'a pas été abordée ici, ainsi que de ce qui se passe à l'issue des contrats jeunes majeurs, lesquels ne sont pas généralisés. Pour le dire autrement, un jeune majeur de 21 ans, dans une famille où tout se passe bien, n'est généralement pas laissé seul sans ressources.

Je souhaite également m'arrêter sur la clarification des compétences au sein de la famille, notamment le rôle des beaux-parents et des grands-parents. La question de la visite obligatoire du père, lorsque la mère s'occupe seule de l'enfant, peut sembler anecdotique. L'enjeu n'est pas l'obligation de visite, mais bien d'assurer un rôle parental continu, et non pas seulement de contraindre à des visites ponctuelles. Trop d'enfants n'ont pas aujourd'hui de référents, qu'ils soient biologiques ou qu'il s'agisse de beaux-parents. Je tiens à souligner l'importance de la décision que M. Rémy Heitz, procureur général près la Cour de cassation, doit rendre concernant la responsabilité civile des parents dans les prochains mois.

Il est donc essentiel de clarifier les compétences au sein des familles, ainsi qu'entre les autorités publiques. Nous ne pouvons plus tolérer les renvois de responsabilité entre l'État et les départements, qui se font un peu à nos dépens et surtout au détriment des mineurs sans solution. Nous ne croyons pas au « grand soir » institutionnel. La proposition de recentraliser la protection de l'enfance, en raison des dysfonctionnements observés dans les structures dépendant de l'État, nous semble difficilement envisageable. La décentralisation a également eu des effets positifs. À l'inverse, confier entièrement cette responsabilité aux départements pose la question d'un accompagnement équilibré sur l'ensemble des territoires. Nous devons donc adopter une approche de co-responsabilités, avec des responsabilités clairement définies pour chaque partie, en fonction des prérogatives que vous, législateurs, leur attribuez dans la loi. C'est pourquoi nous appelons à des Assises de l'enfance, englobant plus largement la protection de l'enfance. Il est crucial de réfléchir à la protection de l'enfance dans les années 2040, tout en agissant ici et maintenant pour répondre aux besoins des mineurs qui doivent être protégés. Il est également urgent de soutenir les acteurs associatifs en difficulté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.