Ce site présente les travaux des députés de la précédente législature.
NosDéputés.fr reviendra d'ici quelques mois avec une nouvelle version pour les députés élus en 2024.

Intervention de Daniel Goldberg

Réunion du mercredi 5 juin 2024 à 16h30
Commission d'enquête sur les manquements des politiques de protection de l'enfance

Daniel Goldberg, président de l'Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux :

Abordons deux points supplémentaires dans cette intervention liminaire, en réponse à une question posée sur la manière dont nous vivons la situation actuelle et comment les associations que nous représentons la perçoivent, notamment en ce qui concerne la pénurie de professionnels. Cette crise des recrutements, accentuée par le départ de nombreux professionnels, affecte non seulement ceux en contact direct avec les mineurs et les jeunes majeurs à protéger, mais aussi le personnel de direction d'établissements ou de services, créant de grandes difficultés.

Pour cette raison, nous avons mené une enquête auprès de nos adhérents, qui représentent largement le secteur. Tout d'abord, 97 % des structures interrogées déclarent rencontrer des difficultés de recrutement, avec un taux moyen de postes vacants de 9 % de manière pérenne. Cette vacance concerne massivement les travailleurs sociaux, mais aussi les postes d'encadrement, de secrétariat et d'autres personnels non éducatifs. De plus, 40 % des répondants à notre enquête déclarent recourir à l'intérim, avec un surcoût moyen de 67 % par rapport à un contrat à durée déterminée (CDD) classique.

Dans ce contexte dégradé, de nombreux établissements et services doivent s'adapter, que ce soit pour l'accueil en institution ou l'accompagnement à domicile des familles. Les structures et les professionnels font face à cette situation en recrutant souvent des personnes sans aucune formation préalable. Une large partie de nos structures fait appel à ce type de professionnels pour pallier les manques. Les reports d'activité sur le reste de l'équipe épuisent d'autant plus les professionnels et entraînent un nombre accru d'enfants et de jeunes par intervenant. Ces missions non assumées bafouent les droits des parents et des enfants, réduisent la capacité d'accueil, diminuent la fréquence des interventions en milieu ouvert et mettent en attente tout nouvel accueil ou accompagnement. Bien entendu, plusieurs leviers d'amélioration existent, mais nous pourrons en discuter ultérieurement.

Le dernier point que je souhaite aborder concerne les questions de gouvernance. Mme Katy Lemoigne en a évoqué un aspect, mais je tiens à partager avec la représentation nationale les difficultés rencontrées par nos associations lorsque certaines décisions, que nous jugeons illégales, sont prises par des collectivités territoriales. Je précise cela en lien avec mon propre parcours, sans remettre en cause la légitimité des élus locaux. Toutefois, lorsque l'on nous demande d'appliquer des dispositions qui ne sont pas conformes à la loi, cela heurte l'éthique de responsabilité et de conviction que nous défendons dans nos projets associatifs. Une association regroupe des professionnels, mais aussi des bénévoles engagés dans des projets communs.

Par exemple, des décisions récentes de certains départements visant à suspendre la mise à l'abri de personnes se présentant comme MNA, ou à développer des offres d'accueil et d'accompagnement pour les MNA à des prix de journée réduits, fondées sur un principe erroné de semi-autonomie, posent problème. De plus, la non-effectivité de la loi du 7 février 2022, dite loi Taquet, en matière d'accompagnement des jeunes majeurs aggrave la situation. Ces décisions, que nous considérons comme illégales, mettent en grande difficulté les enfants et les jeunes concernés et interrogent sur le sens du métier et de l'action des professionnels.

Enfin, il est important de souligner la coopération parfois difficile entre les associations et les pouvoirs publics, tant au niveau départemental que national. Je me permets de m'exprimer ainsi devant vous pour évoquer ce sentiment de défausse de responsabilité sur les associations. En effet, on nous demande parfois d'accueillir les enfants dans des conditions que nous ne jugeons pas normales. Les dialogues en place sont souvent des dialogues de gestion plutôt que des échanges de qualité sur l'accompagnement. De plus, les appels d'offres ou les appels à manifestation d'intérêt favorisent parfois des logiques de réduction des coûts plutôt que d'amélioration des services. Les associations et les bénévoles qui en assurent la présidence sont alors confrontés à des dysfonctionnements, notamment en raison de la saturation des dispositifs.

Nos associations, pour fonctionner correctement, ont besoin de professionnels et d'un cadre structuré. Les bénévoles qui assurent la gouvernance doivent être rassurés dans leurs fonctions. Il est impératif que les risques légaux et financiers ne reposent pas uniquement sur eux, car les associations ne sont pas les premières responsables de ces risques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.