La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a poursuivi l'examen du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire (n° 2197) .
(M. Jean-Luc Fugit, rapporteur)
Article 11 (suite) : Augmentation des rémunérations versées au sein de l'IRSN et de l'ASN ; élaboration d'un rapport du Gouvernement et d'évaluations par l'ASNR sur les besoins prévisionnels humains et financiers nécessaires à la nouvelle autorité
Amendement CD55 de Mme Christelle Petex
Nous proposons, à la première phrase de l'alinéa 2, après le mot « humains », d'insérer le mot « techniques ».
Le rapport prévu par l'article 11 portera notamment sur la manière d'assurer l'attractivité des conditions d'emploi dans le domaine du nucléaire, c'est-à-dire d'attirer et de retenir les talents dans ce secteur, en tenant compte des évolutions du marché du travail et des exigences accrues en matière de compétences.
Il est crucial d'évaluer les besoins techniques que nécessitera la relance du nucléaire en France : c'est la condition du maintien de notre leadership dans ce domaine et de notre adaptation aux défis contemporains de sûreté et de sécurité.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement.
Amendement CD424 du rapporteur
Cet amendement répond à une demande des syndicats que je trouve pertinente : il s'agit de préciser que « le rapport propose un dispositif d'accompagnement à la conduite du changement à mettre en place ». Je signale, parce qu'il n'arrive pas si souvent que nous soyons d'accord, que M. Benjamin Saint-Huile avait déposé un amendement identique au mien.
Avis favorable. J'ai dit que je suivrai la mise en œuvre de cette réforme de très près et cet amendement va dans ce sens.
La commission adopte l'amendement.
Amendements identiques CD418 du rapporteur, CD9 de Mme Danielle Brulebois et CD362 de M. Anthony Brosse
Il est nécessaire de nommer un préfigurateur dans les plus brefs délais après la promulgation du présent projet de loi afin de prévoir au mieux les conditions du transfert des activités de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) vers la nouvelle Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ARSN) et de tenir le délai de constitution de la nouvelle autorité au 1er janvier 2025.
Je l'ai dit, nous prendrons nos responsabilités pour favoriser l'application de cette loi, une fois votée. Je suis très favorable à votre proposition de nommer rapidement un préfigurateur.
La commission adopte les amendements.
Amendement CD290 de M. Maxime Laisney
Nous proposons que la nouvelle autorité évalue chaque année les moyens qui lui sont nécessaires. Je note au passage que le Conseil d'État a considéré que cet article ne relevait pas du domaine de la loi – ce qui tend à prouver que celui-ci est à géométrie variable.
Il va de soi que la sûreté nucléaire nécessitera davantage de moyens, surtout avec la relance que vous avez votée l'année dernière, mais cet article pourrait donner l'impression que vous cherchez principalement à acheter les salariés des trois organisations qui ne veulent pas de cette réforme.
Ce travail d'évaluation annuelle se fera naturellement, comme pour toutes les administrations, lors de la préparation de la loi de finances, en lien avec le Parlement et le Gouvernement. Cette précision est donc inutile.
La commission rejette l'amendement.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement CD56 de Mme Christelle Petex.
Amendement CD136 de Mme Julie Laernoes
Nous proposons que l'évaluation par la nouvelle autorité des moyens humains et financiers dont elle aura besoin soit renouvelée tous les cinq ans.
Dans son rapport d'information sur l'IRSN, Jean-François Rapin a observé que son budget avait baissé de 10 % en dix ans, passant de 301 millions d'euros en 2012 à 271 millions en 2022. Une hausse de 8,7 millions d'euros a certes été décidée en 2023, mais elle a été absorbée par l'inflation.
Je trouve incroyable que l'on se soit lancé dans une réforme de cette ampleur sans évaluer au préalable les besoins humains et financiers qu'elle nécessitera. Prévoir la remise d'un rapport après l'entrée en vigueur de la loi n'a aucun sens. Nous ne pouvons pas délibérer de manière éclairée si nous n'avons pas tous les éléments.
Je l'ai dit, un travail d'évaluation est fait chaque année, dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances. Pourquoi demander une évaluation tous les cinq ans, alors qu'il y en a déjà une tous les ans ? Nous venons d'inscrire dans la loi un dispositif d'accompagnement de la réforme et nous veillerons à ce que la nouvelle autorité ait, chaque année, des moyens suffisants. Je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Ce que prévoit l'article, c'est un rapport évaluant les besoins techniques et humains de la nouvelle autorité à cinq ans, en tenant compte du développement du nouveau nucléaire. Cette disposition me paraît excellente. Faut-il produire un tel rapport tous les cinq ans, comme vous le proposez ? Il sera peut-être préférable d'en refaire un tous les trois ou quatre ans, en fonction de l'évolution de la programmation : nous verrons. Pour l'heure, je pense qu'une projection à un an et cinq ans garantira une bonne gestion.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD349 de M. Emmanuel Maquet
Le décret du 7 novembre 2022 a institué une délégation au nouveau nucléaire afin d'assurer le suivi de l'avancement de la construction de nouveaux réacteurs de troisième génération, EPR 2.
Parce qu'il est un relais privilégié du Gouvernement, il semble pertinent de tenir cet organe informé des besoins humains et financiers à cinq ans de l'autorité, afin qu'il puisse faire état d'un éventuel écart entre les ambitions affichées et les moyens en présence.
Le délégué interministériel au nouveau nucléaire étant placé auprès du Premier ministre, cette mesure est inutile. Je vous invite donc à retirer votre amendement.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD77 de M. Pierre Meurin
Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur le coût de la fusion de l'ASN et de l'IRSN. Au cours de l'examen du projet de loi d'accélération du nucléaire, le groupe Rassemblement national avait déjà déposé un amendement demandant une évaluation des moyens matériels et humains dédiés à notre système de contrôle des rayonnements ionisants et à la sûreté des installations nucléaires, qui avait été rejeté. Je retirerai mon amendement si vous pouvez, monsieur le ministre délégué, me donner ce soir une évaluation du coût de cette fusion.
Je suis plutôt défavorable à votre amendement, dans la mesure où l'ASN et l'IRSN sont en train de travailler à la maquette budgétaire de la future autorité. Mais peut-être M. le ministre délégué pourra-t-il vous apporter la réponse que vous attendez !
Des chiffres éclairants figurent dans l'étude d'impact, mais il est peut-être difficile de les y trouver, car elle est volumineuse.
Il y a d'abord les coûts directs de la fusion, qui sont notamment liés à la convergence des systèmes informatiques, au changement de logo et à l'accompagnement du personnel : ils représenteront 4 à 6 millions d'euros, payés une fois pour toutes.
Il y a ensuite des coûts indirects liés au fait que l'IRSN a des activités commerciales, qui seront préservées au sein de la nouvelle entité, mais qui deviendront des services publics. Ils seront donc financés sur des crédits publics, à hauteur de 3 millions d'euros, et ces coûts seront récurrents.
Il y a encore ce que j'appellerai des « faux coûts », qui résultent en réalité de transferts entre comptes publics. Le fait que la nouvelle entité soit assujettie au régime de TVA va entraîner un transfert vers le budget public, qu'il faudra évidemment compenser. Il faudra aussi prendre en compte la taxe sur les installations nucléaires de base, qui était affectée à l'IRSN, ainsi que le transfert des activités de dosimétrie au CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives), qui se traduira mécaniquement par un transfert de revenus de l'IRSN vers le CEA – lequel sera compensé, à due concurrence, par un transfert des subventions de l'État.
Le texte prévoit par ailleurs que 15,7 millions d'euros soient consacrés à l'augmentation des salaires et des effectifs dès 2024, à structure constante.
J'espère avoir répondu à votre question et, si tel est le cas, je vous suggère de retirer votre amendement.
L'amendement CD77 est retiré.
La commission adopte l'article 11 modifié.
Après l'article 11
Amendement CD204 de M. Nicolas Dragon
Il s'agit d'autoriser les parlementaires français à effectuer des visites sur les chantiers des installations nucléaires civiles. Dans un souci de transparence et afin de renforcer la confiance du public envers une source d'énergie qui fait l'objet de nombreux fantasmes, il est important que les parlementaires puissent informer les citoyens des réalités du chantier d'une installation nucléaire civile.
Lorsque le site est localisé dans la circonscription d'un parlementaire, ce dernier peut faciliter le dialogue entre les responsables du chantier et les habitants et informer ces derniers sur la sécurité, l'impact sur l'environnement, ou encore les retombées économiques potentielles de ce projet.
La visite permet aussi au parlementaire d'avoir un contact direct avec les responsables du chantier, de prendre conscience des réalités techniques de celui-ci et d'éclairer sa prise de décision par une meilleure compréhension des enjeux du secteur.
Les parlementaires peuvent déjà se rendre sur les chantiers des installations nucléaires civiles et il n'est pas nécessaire de l'écrire dans la loi. M. Armand a organisé il y a quelques mois une visite de la centrale du Bugey ; j'ai fait de même à la centrale du Tricastin en janvier ; l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) organise aussi ce genre de visite.
Je suis tout à fait d'accord avec vous quant à l'importance de ce genre d'initiative mais, votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.
J'ajoute que les mots « à tout moment » rendent votre amendement problématique. Les seules personnes qui peuvent visiter une centrale nucléaire à tout moment sont les inspecteurs de l'ASN. Lorsque je me suis rendu à la centrale du Bugey il y a dix jours, j'ai dû annoncer ma visite, et les parlementaires doivent faire de même. Je vous invite, moi aussi, à retirer votre amendement.
L'amendement est retiré.
Article 11 bis (nouveau) : Consultation des comités sociaux de l'ASN et de l'IRSN sur des dispositions portant organisation et fonctionnement des services de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection ainsi que le projet de règlement intérieur de cette dernière
Amendements identiques CD428 du rapporteur et CD439 de la commission des affaires économiques
Il convient d'assurer une continuité de fonctionnement entre l'ASN et l'IRSN, d'une part, et la nouvelle autorité, d'autre part. Or deux décisions sont indispensables au fonctionnement de cette nouvelle autorité : son règlement intérieur et la décision d'organisation et de fonctionnement de ses services. Il convient donc que les actuelles instances représentatives puissent être consultées, avant même l'entrée en vigueur de la loi, sur un projet élaboré par l'actuel collège de l'ASN.
La commission adopte les amendements.
Chapitre IV Dispositions de coordination et finales
Article 13 : Soumission de la recherche de l'ASNR à l'évaluation du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) et coordination
Amendement CD441 de la commission des affaires économiques
Il s'agit d'un amendement de coordination lié à l'adoption, hier, d'amendements relatifs à la nomination du haut-commissaire à l'énergie atomique.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement. En conséquence, les amendements CD419, CD420 et CD421 du rapporteur tombent.
La commission adopte l'article 13 modifié.
Article 14 : Conditions de nomination du président de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection et actualisation de références législatives
Successivement, la commission rejette l'amendement CD270 de M. Gérard Leseul et adopte les amendements de coordination rédactionnelle CD409, CD410 et CD411 du rapporteur.
Amendement CD442 de la commission des affaires économiques
Avant de présenter cet excellent amendement, qui a été adopté à l'unanimité par la commission des affaires économiques, je tiens à rappeler que j'entretiens d'excellentes relations avec la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
(Sourires.)
Il s'agit tout simplement de respecter l'esprit et la lettre du règlement de l'Assemblée nationale : dans la mesure où son article 36 précise que la commission des affaires économiques est pleinement compétente en matière d'énergie et d'industrie, mais aussi de recherche appliquée et d'innovation, il paraît tout naturel que le contrôle de la nomination du président de la future autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection lui revienne, et non à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, comme l'a proposé le Sénat.
Le Sénat a souhaité que la commission permanente compétente pour émettre un avis sur la nomination à la présidence de l'ASNR, en application de l'article 13 de la Constitution, soit la commission compétente en matière de prévention des risques naturels et technologiques. Il s'agit, à l'Assemblée nationale, de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire.
Ce choix me paraît judicieux, à plusieurs titres.
Tout d'abord, la raison d'être de la future autorité ne sera pas de garantir l'approvisionnement énergétique, mais d'assurer la sûreté nucléaire. Le choix de la commission chargée de la prévention des risques technologiques traduit cette priorité accordée à la sûreté.
Ensuite, la commission du développement durable de l'Assemblée nationale assure déjà un suivi des questions de sûreté nucléaire, puisqu'elle est compétente pour émettre un avis, au titre de l'article 13 de la Constitution, sur la nomination du directeur général de l'IRSN et qu'elle examine chaque année, pour avis, les crédits relatifs à la prévention des risques du projet de loi de finance. Elle se prononce, dans ce cadre, sur les subventions accordées à l'ASN et à l'IRSN.
Enfin, c'est bien la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, et non celle des affaires économiques, qui a été saisie au fond de ce projet de loi.
Pour toutes ces raisons, et malgré tout le respect que j'ai pour le rapporteur pour avis, j'émettrai un avis très défavorable sur son amendement.
L'ancien président de la commission des affaires économiques que je suis, qui avait eu l'honneur et le plaisir d'auditionner l'actuel président de l'ASN, se gardera bien de s'immiscer dans une discussion relative à l'interprétation du règlement de l'Assemblée nationale. Sagesse.
Dans un esprit de concorde avec le rapporteur, j'estime qu'il n'y a aucune raison que la nomination à la présidence de l'ASN revienne à la commission des affaires économiques – dont je suis pourtant habituellement membre. La sûreté nucléaire relève du développement durable. À cet égard, je suis assez étonnée que ce soit le ministre en charge de la production énergétique, et non le ministre de la transition écologique, M. Christophe Béchu, qui ait pris part à nos débats : cela m'aurait paru plus cohérent.
Historiquement, la question de la sûreté nucléaire a toujours plutôt été confiée au ministre chargé de l'environnement. Je crois qu'il faut rester dans cette logique et laisser la nomination à la présidence de la nouvelle autorité à la commission du développement durable.
Je suis du même avis. Pour moi, la question va au-delà du règlement de l'Assemblée nationale ; c'est une vraie question politique. Si ce texte porte bien sur la sûreté nucléaire, alors il ne fait aucun doute que la nomination du président de la nouvelle autorité doit revenir à la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. Si elle est confiée à la commission des affaires économiques, cela donnera à penser que ce texte vise surtout à favoriser la production électrique à bas prix, et le plus rapidement possible.
Je vais prêcher pour notre paroisse, c'est-à-dire pour la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire. L'énergie nucléaire étant décarbonée, nous émettons beaucoup moins de CO2 que nos voisins allemands qui ont relancé des centrales à charbon. Il s'agit d'une énergie durable : il est donc normal que la nomination à la présidence de la nouvelle autorité revienne à notre commission.
La commission est unanime. J'en suis désolé pour Antoine Armand, mais cet amendement est une ineptie.
(Sourires.)
J'ai une pensée pour la commission des affaires économiques, dont une immense majorité a adopté l'amendement.
La commission rejette l'amendement.
La commission adopte l'article 14 modifié.
Article 15 : Entrée en vigueur
Amendement CD233 de M. Gérard Leseul
Nous n'avons pas de base pour décider de notre vote final. Cet amendement vise donc à subordonner l'entrée en vigueur du projet de loi à la remise au Parlement d'un rapport démontrant enfin la nécessité de réformer notre système dual de sûreté nucléaire. Nous demandions déjà ce rapport en février 2023 à Mme Pannier-Runacher.
Le rapport de l'Opecst sur les conséquences d'une éventuelle réorganisation de l'ASN et de l'IRSN sur les plans scientifique et technologique ainsi que sur la sûreté nucléaire et la radioprotection a fait l'objet de nombreux commentaires. Il y a eu de larges concertations. Ne rouvrons pas ce débat.
Je trouve baroque l'idée de subordonner l'entrée en vigueur d'un texte de loi à la remise d'un rapport ! Cela créerait une insécurité juridique – mais c'est peut-être le but de l'amendement.
Avis particulièrement défavorable.
Je voudrais essayer de revenir à la concorde de l'amendement précédent.
La remise du rapport de l'Opecst que vous mentionnez n'était-elle pas la condition de la présentation d'un nouveau projet de loi, à la suite de l'adoption de l'amendement de M. Saint-Huile ? Ce rapport ne comporte pas d'analyse des forces et des carences du système dual de sûreté nucléaire, alors que cela devrait être au fondement du projet. Il paraîtrait normal que la représentation nationale soit éclairée par une telle analyse, et nous la demandons avant le démantèlement du système, à défaut d'en avoir disposé avant l'examen du texte.
Je l'ai dit et je le répète : nous ne souhaitons rien démanteler, et l'adoption du projet n'entraînerait aucun démantèlement.
L'adoption de votre amendement aurait un effet paradoxal. Vous voteriez une loi qu'un de ses propres articles pourrait remettre en cause, seulement parce qu'un rapport – qui ne vous aurait de toute façon pas convaincus – n'aurait pas été publié. Je comprends votre intention, mais ce que vous proposez ne semble pas solide du point de vue légistique.
Je demande le retrait. À défaut, je suis défavorable, ne serait-ce que par incompréhension.
Ce que nous demandons, c'est un rapport qui justifierait la fusion que vous proposez – le rapport de l'Opecst susmentionné, en dépit de ses qualités, ne traite que de ses modalités.
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD322 de M. Maxime Laisney
Cet amendement propose que le projet de loi, et le démantèlement qu'il prévoit, ne puissent entrer en vigueur qu'après la promulgation de la loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC).
Le texte prétend tout chambouler pour répondre aux défis de la relance de la filière nucléaire. Encore faudrait-il mener cette relance ! L'année dernière, c'est une loi d'accélération des procédures administratives du nucléaire qui a été votée, et la ministre de la transition énergétique d'alors, Mme Agnès Pannier-Runacher, nous l'avait vendue de cette manière : pour les objectifs et les prises des décisions de construction, disait-elle, il faudra attendre la PPE (programmation pluriannuelle de l'énergie). Or, nous attendons depuis le 1er juillet 2023.
Nous proposons que le projet, s'il était adopté, n'entre en vigueur qu'au 1er janvier 2025, laissant au Gouvernement dix-huit mois – même si je sais qu'il est difficile, au fil des remaniements qui se produisent tous les six mois, de se concentrer pour faire avancer les dossiers – pour présenter enfin devant les parlementaires une loi de programmation énergie-climat prévue dans un texte voté par la majorité lors de la précédente législature. Ce serait le minimum.
M. Millienne n'a rien écouté, mais ce n'est pas grave : s'il avait écouté, il n'aurait pas davantage compris.
(M. Bruno Millienne proteste.)
Ce propos n'est pas au niveau de notre commission ! On ne remet pas en cause nos collègues de la sorte. Je sais que votre groupe pratique des méthodes qui peuvent poser problème, mais elles n'ont pas cours ici.
Vous avez évoqué un délai de dix-huit mois à partir d'aujourd'hui, qui ne semble pas tout à fait cohérent avec la date du 1er janvier 2025 que vous mentionnez par ailleurs.
La stratégie française pour l'énergie et le climat a été présentée en fin d'année et nous pouvons la considérer comme un point de départ sur le chemin qui nous mène à la présentation de la LPEC.
Mon avis est très défavorable. L'amendement n'a aucun lien avec l'objet du texte.
Avis défavorable. Nous aurons l'occasion d'en débattre plus avant.
Conditionner l'entrée en vigueur d'une loi à la promulgation d'une autre serait inédit et probablement inconstitutionnel. Nous vérifierons ce qu'il en est.
Lors de l'examen du projet de loi d'accélération du nucléaire, nous n'avions aucune visibilité ; pourtant, une loi de programmation énergie-climat aurait dû être adoptée avant le 1er juillet 2023.
Dans un esprit de construction, je vous indique que j'ai déposé une proposition de loi visant à instaurer de nouveaux objectifs de programmation énergétique pour répondre concrètement à l'urgence climatique, car, s'il existe une stratégie nationale, le Parlement ne peut s'en saisir ni disposer d'un rapport sur son état d'avancement. Cela empêche un débat démocratique important. Je vous propose, dans un esprit d'ouverture, de vous joindre à nous le 4 avril prochain pour discuter et adopter une vraie stratégie pour l'énergie et le climat.
Je profite de votre présence, monsieur le ministre délégué, pour poser une question sincère : quand la LPEC sera-t-elle examinée ? Vos prédécesseurs ont pris des engagements qu'ils n'ont pas pu tenir, pour des raisons que j'imagine indépendantes de leur volonté. Le Parlement respectera-t-il un jour la loi qu'il a lui-même votée ?
J'imagine que ce débat aura lieu au sein de cette commission dans les semaines qui viennent, à l'occasion de la discussion de la proposition de loi déposée par Mme Laernoes. C'est la commission des affaires économiques qui est saisie au fond, mais vous pourrez toujours vous en saisir pour avis !
(Rires.)
La commission rejette l'amendement.
Amendement CD323 de Mme Anne Stambach-Terrenoir
L'amendement propose que le texte ne puisse entrer en vigueur que si la France atteint ses objectifs en matière de développement des énergies renouvelables. Je rappelle que la France est le seul pays de l'Union européenne qui n'ait pas atteint le but qu'elle s'était fixé en la matière. Le Gouvernement s'est encore fait taper sur les doigts par la Commission européenne parce qu'il n'a pas inscrit le moindre objectif de production dans son plan énergie-climat. Et la France refuse de payer l'amende : puisqu'on fait plein de nucléaire, tout va bien – sauf qu'au mieux, les premiers EPR sortiront de terre en 2037, selon le directeur d'EDF lui-même, et que Les Échos ont déjà annoncé un surcoût d'au moins 30 %. J'ajoute que, vu le bazar que vous êtes en train de mettre dans l'organisation, je doute fort que le calendrier soit respecté !
Pendant ce temps, nous ne faisons pas diminuer nos émissions de gaz à effet de serre. Un rapport de Greenpeace a justement mis en évidence le fait que, si nous investissions dans les énergies renouvelables les sommes que nous consacrons au programme de relance de la filière nucléaire, nous pourrions éviter quatre fois plus d'émissions de dioxyde de carbone d'ici à 2050, tout en produisant trois fois plus d'électricité.
Vous dites qu'il ne faut pas opposer nucléaire et énergies renouvelables, mais j'ai l'impression que c'est exactement ce que vous faites !
La condition que vous posez à l'entrée en vigueur du texte n'entretient pas de lien avec son objet : la sûreté nucléaire. L'adoption de votre amendement créerait une insécurité juridique.
Dans quatre jours, ce sera le premier anniversaire de la promulgation de la loi relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Vous ne pourrez pas le fêter, madame Stambach-Terrenoir, puisque vous ne nous avez pas aidés à adopter cette loi. Vous demandez que le texte que nous examinons n'entre en vigueur qu'une fois atteints nos objectifs de développement des énergies renouvelables, tout en n'ayant pas voté une loi visant à accélérer ce développement… Si vous ne nous aidez pas s'agissant du nucléaire et des énergies renouvelables, cela veut dire que vous défendez les énergies fossiles ! Nous voulons, nous, additionner les solutions pour défossiliser notre production énergétique, en n'opposant ni les énergies renouvelables à l'énergie nucléaire, ni les énergies renouvelables entre elles, ni même les molécules aux électrons.
Avis très défavorable.
Je n'ai rien à ajouter à cette démonstration très convaincante. Avis défavorable.
Je fais partie des quatre rapporteurs de la mission d'application de la loi sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Nous avons montré, dans le rapport rendu il y a quinze jours, que 70 % de ses décrets d'application n'étaient toujours pas parus, un an après sa promulgation. Nous avions compris que cette loi n'accélérerait en aucune manière le développement des énergies renouvelables. Vous dites que vous n'opposez pas renouvelables et nucléaire, mais la réalité est qu'avec vous, c'est le deux poids, deux mesures permanent.
La commission rejette l'amendement.
Amendements CD333 de M. Maxime Laisney, CD133, CD135 et CD134 de Mme Julie Laernoes, CD234 de M. Gérard Leseul et CD307 de M. Benjamin Saint-Huile (discussion commune)
La très grande majorité des personnes que nous avons auditionnées – les représentants du personnel de l'ASN, les dirigeants de l'Anccli (Association nationale des comités et commissions locales d'information), Michaël Mangeon, chercheur en sûreté nucléaire, ou encore André-Claude Lacoste, ancien président de l'ASN – jugent précipitée une constitution de la future autorité de sûreté nucléaire au 1er janvier 2025. Acter une fusion est une chose ; se saisir d'un sujet et entendre les inquiétudes qui s'expriment partout en est une autre.
Si vous décidez de passer en force, la date d'entrée en vigueur que vous avez choisie perturbera encore plus le processus de réorganisation de ce système, car tous ses acteurs affirment qu'ils ne seront pas prêts : le CEA considère qu'il ne sera pas au point s'agissant de la dosimétrie, les fusions ne pourront être effectives, une grande partie de la période de relance de la filière nucléaire que vous opérez sera consacrée à des questions d'organisation, il faudra choisir les logiciels sur lesquels travailler… Ces problèmes, et d'autres, ne pourront se régler d'ici au 1er janvier 2025.
Je vous propose donc trois amendements repoussant respectivement l'entrée en vigueur de la réforme de quatre, cinq et six ans, afin de laisser le temps aux groupes de travail auxquels M. Millienne faisait allusion de faire aboutir leur réflexion.
Mettre sous pression le personnel chargé de la sûreté et de la sécurité nucléaires, comme c'est le cas aujourd'hui, met en péril le maintien d'un bon niveau de sûreté et de sécurité dans notre pays.
Cette inquiétude est si partagée que le rapport de notre excellent rapporteur indique, page 37, qu'il « n'est pas exclu que l'organisation ait d'abord tendance à piétiner, voire à légèrement régresser, avant de s'engager sur la voie d'un progrès global ». Si vous estimez qu'un progrès global est possible – nous en doutons encore et ne sommes pas favorables à la réforme proposée –, donnez-vous du moins, ainsi qu'à vos partenaires, le temps et la possibilité de réaliser vos ambitions.
Monsieur le ministre délégué, vous avez rencontré les parties prenantes. Douze groupes de travail ont été créés, mais tous ceux que nous avons auditionnés nous ont affirmé que ces groupes piétinaient, après avoir entamé un bon travail. Vous allez mettre en danger la sûreté et la sécurité de notre filière nucléaire, puisque vous vous apprêtez à créer un dispositif pour lequel aucun des acteurs principaux n'est prêt, et qu'aucun n'approuve.
Nous vous proposons, plus modestement que nos collègues, de repousser cette réforme de deux années.
Je suis opposé à la fusion de l'ASN et de l'IRSN. Néanmoins, si elle a lieu, je souhaite que la nouvelle autorité soit efficace et conforte la capacité de l'excellence française à créer une organisation de sûreté implacable. Pour ce faire, il faut réussir à mener à bien les importants travaux nécessaires, mais sans précipitation, sans quoi nous irions aux devants de quelques déconvenues.
Les personnels de l'IRSN, mais aussi de l'ASN et du CEA, ne peuvent pas se projeter dans le futur système, auquel ils sont opposés. Si demain la loi est votée, ils intégreront que la réforme aura lieu, mais ils ne seront pas prêts. Si vous maintenez la date prévue, vous risquez d'échouer.
Je propose de décaler la constitution de la nouvelle autorité au 1er janvier 2026 ; j'ai entendu le rapporteur affirmer que le gros du travail d'accélération de la relance de la filière serait mené en 2026 et en 2027.
Avis défavorable.
Nous sommes dans une situation de transition, porteuse d'incertitude, notamment celle du personnel concerné. Si les groupes de travail piétinent après des efforts fructueux, c'est aussi parce qu'ils sont suspendus au vote du Parlement. Ils ont besoin d'une clarification, qui doit survenir aussi tôt que possible.
Certaines dispositions sociales permettent de décaler les dispositifs d'accompagnement de la transition. Indubitablement, cette période de transition ne sera pas simple, mais, si elle était repoussée, elle serait d'autant plus difficile que la montée en charge des besoins en matière de sûreté nucléaire induits par la relance de la production d'énergie nucléaire ira s'accélérant.
Je maintiens donc que l'entrée en vigueur du texte doit être fixée à une date aussi proche que possible de son adoption. Il y aura une période de transition, naturelle en cas de réorganisation. Dans de nombreux domaines, de tels rapprochements ont réussi, mais ils prennent évidemment du temps.
Les industriels aussi attendent de savoir vers quel modèle nous nous dirigeons. Une fois connue la date d'entrée en vigueur de la loi, ils pourront s'organiser.
Les travaux lancés piétinent parce que les acteurs du secteur essayent de comprendre dans quel sens le Parlement va aller. Une fois que le projet de loi aura été voté, j'espère que ces travaux, que je me suis engagé à organiser pour qu'ils soient efficaces, reprendront de manière accélérée, afin que nous puissions converger vers une fusion effective au 1er janvier 2025. Tout ne sera pas prêt à cette date, et l'échéancier d'application de certaines dispositions du texte nous conduit jusqu'en 2026.
Avis défavorable.
Je suis étonnée de vos avis défavorables s'agissant d'amendements de bon sens. La fusion de l'ASN et l'IRSN apparaît obscure pour beaucoup, je prendrai donc un exemple plus concret : France Travail. Sa mise en place très rapide a abouti à une catastrophe : les professionnels sont sous l'eau et ne savent pas comment gérer leurs dossiers. En tout cas, c'est comme cela dans mon territoire.
Les changements structurels prennent du temps. Nous ne sommes pas favorables au démantèlement, mais, si vous décidez de le faire, prenez le temps de le faire bien, concrètement. En voulant aller vite, on met les gens en grande difficulté et on suscite de la désorganisation. Je ne comprends pas votre opposition dogmatique.
La commission rejette successivement les amendements.
Successivement, suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte l'amendement CD443 de la commission des affaires économiques et l'amendement rédactionnel CD412 du rapporteur, et rejette les amendements CD45 de Mme Mireille Clapot et CD324 de M. Maxime Laisney.
Elle adopte l'article 15 modifié.
Article 15 bis (nouveau) : Rapports de suivi de la mise en œuvre de la réforme de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection
Amendements identiques CD413 du rapporteur et CD363 de M. Anthony Brosse
Cet amendement prévoit la remise de trois rapports à l'Opecst. Le premier, émanant du Gouvernement, fera état de l'avancement des travaux préparatoires à la création de la future autorité, au 1er juillet 2024. Le deuxième et le troisième, émanant de l'ASNR, dresseront un bilan de la réforme, respectivement le 1er juillet 2025 et le 1er juillet 2026.
Avis favorable, même si un rapport sur les moyens techniques et financiers est déjà prévu pour le 1er juillet 2024.
Des rapports préalables aux transformations envisagées, plutôt que postérieurs, nous auraient paru plus appropriés. Et que fera le Gouvernement dans l'hypothèse où l'un de ces rapports – portant tout de même sur la réorganisation de la sûreté nucléaire – dresse un bilan négatif ?
C'est une question tout à fait pertinente. Ces rapports remis à l'Opecst, auxquels je suis favorable, seront-ils par ailleurs rendus publics ?
Je proposerai pour ma part au bureau de l'Opecst que les rapports qui lui seront rendus, compte tenu de l'importance du sujet, soient mis à la disposition de l'ensemble des parlementaires.
Il serait tout de même curieux qu'on ne vote pas un amendement prévoyant la remise de rapports de bilan au prétexte qu'on ne saurait pas quoi en faire au cas où ils seraient négatifs ! Nous ne sommes pas en train de bâtir des pyramides, mais simplement d'œuvrer pour rapprocher deux organisations qui se connaissent et qui travaillent déjà ensemble. Il y aura certainement des choses à améliorer, mais j'ai du mal à imaginer que ces rapports dresseront un bilan catastrophique.
La commission adopte les amendements.
Elle adopte l'ensemble du projet de loi modifié.
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 6 mars 2024 à 21 h 30
Présents. - M. Damien Adam, Mme Lisa Belluco, Mme Pascale Boyer, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Pierre Cazeneuve, Mme Cyrielle Chatelain, Mme Bérangère Couillard, M. Nicolas Dragon, M. Daniel Grenon, M. Yannick Haury, Mme Chantal Jourdan, Mme Julie Laernoes, M. Maxime Laisney, Mme Florence Lasserre, M. Gérard Leseul, M. Bruno Millienne, M. Jimmy Pahun, Mme Natalia Pouzyreff, M. Benjamin Saint-Huile, Mme Anne Stambach-Terrenoir, Mme Huguette Tiegna, M. Pierre Vatin, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - M. Olivier Becht, M. Jean-Victor Castor, Mme Claire Colomb-Pitollat, M. Marcellin Nadeau