Commission des affaires européennes

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 15h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • PAC
  • REACH
  • agriculture
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  • révision
  • substance

La réunion

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COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

Mercredi 14 février 2024

Présidence de M. Pieyre-Alexandre Anglade, Président de la Commission,

La séance est ouverte à 15 heures 05.

I. Souveraineté alimentaire européenne : examen du rapport d'information (MM. Rodrigo ARENAS et Charles SITZENSTUHL, rapporteurs d'information)

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En introduction, je voudrais rendre hommage à Robert Badinter, auditionné par notre commission il y a près de dix ans, le 11 février 2014. Il ouvrait son propos avec ces mots : « je suis un Européen convaincu, car j'avais 15 ans sous l'Occupation et je sais ce que sont le nationalisme, le populisme et la volonté de domination qui ont conduit l'Europe au désastre. Aussi insatisfaite et inachevée soit-elle, cette Union, quand bien même elle pose des problèmes nouveaux, est par rapport à l'ordre ancien qui nous a conduits à deux guerres mondiales, un accomplissement prodigieux ». Je crois que ces mots et ces combats résonnent aujourd'hui. Je tiens à saluer la mémoire de cette grande conscience française, et résolument européenne, en ce jour d'hommage national. Ces mots trouvent un écho particulier eu égard aux défis nombreux que nous avons à affronter en Europe. Je pense évidemment au défi de l'indépendance et de l'autonomie de notre continent, notamment en matières agricole et alimentaire.

Nos collègues Charles Sitzenstuhl et Rodrigo Arenas vont nous présenter les conclusions de leurs travaux dans quelques instants. Nous devons être capables d'assumer cette souveraineté en matière alimentaire, et d'en faire un objectif stratégique et politique premier de notre Union. Il s'agit de permettre à nos agriculteurs de produire pour nourrir les Européens. Je tiens à saluer la qualité des travaux et surtout l'esprit qui les ont guidés, puisque ce n'est pas un mystère, vous n'appartenez pas à la même famille politique, vous n'avez pas les mêmes convictions, mais vous avez su travailler dans le même sens, pour la souveraineté alimentaire.

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Malgré les orientations politiques très différentes de Rodrigo Arenas et moi-même, nous avons travaillé dans un esprit constructif, en cherchant au maximum à trouver des points de convergence, et en respectant aussi les points de divergence que nous pouvions avoir. Ceux qui ont lu le rapport de façon extensive verront que nous formulons parfois des avis qui sont plus personnels.

La question à l'origine de ce rapport est simple : l'Europe est-elle souveraine sur le plan alimentaire ? La crise sanitaire, en 2020, et la guerre en Ukraine en 2022 avaient fait vaciller plusieurs certitudes à ce sujet. Une crainte revenait : et si l'Europe venait un jour à manquer de nourriture ? L'actualité récente, marquée par des mouvements sociaux d'agriculteurs dans plusieurs pays européens, y compris en France, depuis l'hiver 2023-2024, confirme que l'agriculture reste un enjeu éminemment politique. Il mérite une attention particulière des responsables politiques, notamment français, car sur la scène agricole mondiale, la France n'est pas n'importe quel pays. La voix agricole française compte beaucoup. Sans être exhaustif sur le contenu du rapport, et pour laisser place au débat, je mettrai seulement quatre points en avant.

Tout d'abord, à la question fondamentale que nous posions – « l'Europe est-elle souveraine en matière alimentaire ? » –, la réponse est oui, globalement oui. L'Europe est en capacité de nourrir ses habitants en quantité et en qualité. C'est une réussite de l'Union européenne, c'est une réussite de la politique agricole commune (PAC) depuis soixante ans. Je veux ainsi tordre le cou aux mensonges qui circulent depuis quelques semaines de la part de certains partis à ce sujet, qui accusent l'Union européenne de tous les maux. Nous pouvons être fiers du fait que la PAC nourrisse les Européens, assure la sécurité alimentaire du continent, et nous donne un levier de puissance considérable à l'exportation. L'Union européenne est la première puissance agricole d'exportation au monde, à hauteur de 180 milliards d'euros d'exportations agroalimentaires en 2020. Nous avons essayé d'objectiver la situation, en travaillant sur la base du taux d'auto-approvisionnement, qui correspond au ratio de la production européenne sur la consommation européenne. Comme tout indicateur, il a ses limites, mais il donne une photographie intuitive. Nous voyons par exemple que l'Union européenne est souveraine sur la viande bovine, la viande de volaille, les œufs, les légumes, le blé, l'orge et les cultures sucrières. L'Union européenne est proche de la souveraineté sur les viandes ovines, les fruits, les pommes de terre, le maïs, le riz et les légumineuses sèches, pour ne s'arrêter qu'à ces cultures. Cette situation globale à l'échelle de l'Union comporte bien sûr des variations d'État à État. Le cas français l'illustre bien, puisque nos résultats sont meilleurs que la moyenne européenne en ce qui concerne la viande bovine, les pommes de terre, les légumineuses sèches, et surtout, pour les grandes cultures, le blé, le maïs et l'orge. En revanche, nous décrochons, et cela s'est beaucoup ressenti dans le débat que nous avons eu cet hiver, dans les secteurs de la viande de volaille, des fruits et légumes. Ce sont des secteurs en grande souffrance.

J'aborderai désormais mon deuxième point, qui est un point d'alerte. La dépendance extérieure de l'Union au titre de l'alimentation des animaux à base de protéines végétales est l'une des grandes faiblesses européennes. La production européenne de graines et tourteaux de soja, de colza et de tournesol est clairement insuffisante. L'autonomie de l'Europe en protéines progresse, mais un effort résolu doit être poursuivi. Nous formulons une recommandation pour que la prochaine Commission et la prochaine PAC renforcent les aides en faveur de la production de protéines végétales. Nous avons besoin d'une véritable stratégie européenne sur les protéines végétales, et je tiens à rajouter que cela avait été l'un des combats de Julien Denormandie lorsqu'il était ministre de l'Agriculture. La France a, sur ce sujet également, pris les devants en Europe.

En troisième lieu, la PAC doit être préservée. Il est de l'intérêt de l'Europe, mais aussi de l'intérêt national de la France d'avoir une PAC à l'échelle européenne. La France est la première puissance agricole du continent et la première bénéficiaire des fonds de la PAC. Ceux qui veulent sortir de la PAC affaibliront l'agriculture française. La PAC est une réussite européenne, même si, comme toutes les politiques publiques, elle a des imperfections et des limites qui doivent sans cesse être corrigées. La crise actuelle montre la souffrance des exploitations de petite taille et de taille intermédiaire, particulièrement en France. L'uniformisation des exploitations à l'échelle du continent n'est pas souhaitable, il faut que la PAC protège mieux la diversité des modèles agricoles dans tous les pays d'Europe, ainsi qu'au sein des pays européens. Il convient d'instituer plus de solidarité entre les grandes et les petites exploitations. Le chiffre est bien connu, mais je le rappelle de nouveau : 20 % des plus gros bénéficiaires de la PAC perçoivent 80 % des aides directes à l'échelon européen, même si ce chiffre est un peu plus tempéré en France. Ces ordres de grandeur démontrent bien que la majorité des fonds de la PAC bénéficient aux plus grandes exploitations. Nous appelons à ce que la prochaine PAC renforce la péréquation, la solidarité et les aides qui favorisent l'emploi en agriculture.

Enfin, l'Europe doit sortir de la naïveté sur la question commerciale. L'agriculture ne peut pas être une monnaie d'échange dans le cadre des accords de libre-échange. Je ne suis pas opposé par principe au libre-échange, mais j'y suis favorable lorsqu'il se fait entre des zones économiques aux standards sociaux et environnementaux comparables. Ainsi, le traité signé avec le Canada a bénéficié au secteur agroalimentaire européen. En revanche, c'est l'inverse dans le cas des négociations avec le Mercosur : les standards sud-américains sont bien inférieurs aux standards européens. Dès lors, l'ouverture de nos marchés aux produits agricoles du Mercosur serait constitutive d'une concurrence déloyale. Nous nous sommes accordés sur ce point avec Rodrigo Arenas. Un tel accord serait un danger pour l'agriculture européenne, l'accord entre Union européenne et le Mercosur n'est donc pas acceptable.

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Je me réjouis de la présentation de ce rapport, qui est le fruit d'une collaboration constructive avec mon co-rapporteur. Il prouve, que par-delà nos évidentes différences politiques, il est possible d'établir des diagnostics partagés et de soutenir des propositions communes dans l'intérêt de la France, des Françaises et des Français, mais aussi de l'Europe.

Comme dans tous les épisodes de crise, nous sommes confrontés à un moment crucial, à un enjeu civilisationnel. D'Athènes à Varsovie, de Madrid à Berlin, de Paris à Bruxelles, la colère et la détresse du monde agricole s'expriment à travers toute l'Europe. Les causes sont très différentes à chaque fois, mais les manifestations convergent : nos agriculteurs veulent pouvoir vivre de leur travail. Ces hommes et ces femmes se sont donné la mission noble et vitale de nous nourrir. Ils produisent les céréales de nos pains, les fruits de nos tables, le lait de notre enfance. Ils sont essentiels, mais dans leur grande majorité, ils souffrent. En 2023, les revenus agricoles ont diminué à cause de l'augmentation spectaculaire des charges, en particulier l'énergie et le prix des engrais. En outre, leurs prix de vente sont à la baisse, alors que les prix des consommateurs augmentent et que les marges des grandes entreprises, elles, explosent. C'est la crise de toute une chaîne, dont ces hommes et ces femmes ne sont que des maillons, fortement endettés, prisonniers d'un système industriel et financier qui leur échappe et les écrase. Tous les acteurs ne sont pas concernés, puisque le monde agricole est extrêmement divers et inégalitaire. Les aides européennes, essentielles à l'équilibre financier de nombreuses exploitations, vont en majorité écrasante vers une petite minorité. C'est une injustice de plus à laquelle nous devons faire face.

Les auditions et les conclusions de notre rapport sont claires. Les indicateurs de souveraineté alimentaire européenne sont au vert, pour le moment. Après soixante ans d'existence, la PAC a rempli sa mission : notre continent exsangue et affamé au sortir de la guerre est aujourd'hui autosuffisant et se permet même de nourrir le monde par l'exportation de ses surplus. Mais cette puissance est fragile, hautement intégrée aux marchés mondiaux et fortement dépendante des importations d'intrants chimiques, mécaniques et caloriques. Notre agriculture européenne et française est aujourd'hui un colosse aux pieds d'argiles. Les agronomes, les pédologues, les climatologues nous indiquent que menace qui pèse le plus fortement sur notre souveraineté alimentaire réside dans le modèle même. Le ver est dans le fruit. La fuite en avant du productivisme et du rendement agricoles menace les revenus des agriculteurs, les jette dans des spirales d'endettement et les mène aux faillites et à commettre des gestes désespérés. Toujours plus de pesticides, d'engrais de synthèse, de chimie et d'exportations. Travailler plus pour gagner de moins en moins, à mesure que s'épuisent les sols et les ressources de la nature.

Ce rapport nous invite à porter un autre regard sur notre souveraineté alimentaire en France et en Europe. L'épuisement de la terre constitue la plus grande menace. Et comme chacun le sait, « la terre, elle, ne ment pas ». Nous assistons à la fin des sols lessivés, épuisés, dopés aux engrais ; à l'effondrement de la biodiversité, éradiquée à coups de pesticides ; à l'eutrophisation de nos rivières, étouffées par les pollutions agricoles et l'épuisement des hommes. En effet, une catastrophe sociale se dessine à côté de la catastrophe écologique qui est en marche. Le vieillissement de nos agriculteurs et l'absence de successeurs ressemblent à un grand plan social, lent et culturellement dévastateur, qui vide nos campagnes et accélère la concentration des terres aux mains de l'agro-industrie et des puissances financières. Nous sommes à un moment crucial, où se joue l'avenir de notre souveraineté alimentaire. Qui va nous nourrir ? Les grands groupes agro-industriels, qui veulent « ubériser » les paysans, privatiser l'eau et accaparer la terre, ou l'agriculture paysanne ? Contrairement à ceux qui exploitent les détresses pour leurs propres gains électoraux, nous ne devons pas abandonner la transition vers l'agroécologie. Par ailleurs, nous ne devons plus conclure de traités de libre-échange sans clauses miroirs, où l'alimentation est réduite à une variable d'ajustement. Nous devons rétablir la justice dans la distribution de la PAC, nous devons accompagner financièrement et administrativement nos agriculteurs, faciliter le remplacement des générations, ainsi qu'encourager les installations et le renouvellement des pratiques. La qualité et la pérennité de notre alimentation en dépendent.

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. La souveraineté alimentaire est un sujet d'actualité à l'heure où les agriculteurs européens font part de leur mécontentement. C'est également un sujet législatif puisque le futur projet de loi d'orientation et d'avenir agricole devrait inclure des mesures sur la souveraineté alimentaire. Des dispositions réglementaires devraient également être prises dans la matière.

Dans votre rapport, vous évoquez la question du renouvellement des générations et de leur formation. C'est un défi pour la souveraineté alimentaire de notre pays mais également pour l'Europe. Il nous faut enrayer le déclin de la démographie agricole et renforcer l'activité des métiers de la terre et du vivant. Il s'agit d'installer une nouvelle génération de professionnels de la terre, conscients du rôle que doit jouer l'agriculture dans la transition écologique. Cela passe notamment par la formation, le partage des connaissances, et surtout par les compétences. C'est également un des objectifs du projet de loi d'orientation et d'avenir agricole qui sera bientôt discuté. La moitié de ce texte est consacrée à la formation, à l'orientation et à la recherche.

Concernant votre proposition d'un Erasmus agricole, les établissements français d'enseignement agricole ont parfaitement compris l'importance de ce programme. Plus de 38 000 étudiants ont pu parcourir, grâce à Erasmus, des écoles agricoles et des exploitations à travers toute l'Europe sur une période de dix ans. Pensez-vous, même si je trouve votre proposition intéressante, qu'il soit opportun d'intégrer des priorités sectorielles dans le programme Erasmus ? Ce qui est bénéfique pour la France ne l'est pas nécessairement pour d'autres pays.

Par ailleurs vous soulignez les efforts de la Commission européenne pour renforcer la capacité de réaction de l'Union face aux crises qui fragilisent nos chaînes d'approvisionnement. Le plan d'urgence sur la sécurité alimentaire en temps de crise est un excellent outil qu'il est nécessaire de déployer territorialement.

Votre rapport semble indiquer que la Finlande fait figure de bon élève en la matière, mais que la France l'est un peu moins. En quoi vos propositions relatives à la constitution de stock stratégique en matière alimentaire consistent-elles, et quelle serait la place des instances publiques et privées dans cette démarche ?

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. Votre rapport indique que le cadre européen serait aujourd'hui le plus pertinent pour apprécier et corriger notre dépendance externe. Vous me donnez aucune explication à ce choix, qui entre en contradiction totale avec la définition de la souveraineté alimentaire figurant dans le rapport. Celle-ci est définie comme le droit dont dispose chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité de production et de produire son alimentation. Si la souveraineté alimentaire européenne est importante, elle est évidemment subordonnée à l'indispensable souveraineté nationale. Ce choix idéologique a des conséquences graves car la souveraineté alimentaire européenne pourrait être satisfaite sans l'agriculture française. Cela aggraverait au passage le déficit de la balance commerciale, qui ne se calcule pas au niveau européen, mais bien au niveau national.

Vous soulignez, dans votre rapport, que la souveraineté alimentaire de la France n'est pas menacée à ce jour sur la base de statistiques des Nations unies. Pourquoi aller chercher des chiffres si loin, et par ailleurs totalement fantaisiste au regard des chiffres du ministère de l'Agriculture ? Vous faites état d'une quasi-stagnation de la production française entre 2012 et 2021, alors que l'Agreste, organe statistique du ministère de l'Agriculture, indique que le nombre de têtes est passé d'un peu moins de 5 millions en 2012 à un peu moins de 4,3 millions en 2022. Cet effondrement concerne également d'autres secteurs. Un tiers des fruits et légumes, la moitié du poulet et le quart de la viande porcine sont importés en France, pour ne prendre que quelques exemples.

Contrairement à ce que vous dites, la souveraineté alimentaire française est bien menacée. Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, a lui-même donné un entretien le mois dernier à Valeurs actuelles, intitulé « Retrouver la souveraineté alimentaire » – ce qui sous-entend bien qu'elle a été perdue.

En matière environnementale, nous sommes en désaccord total avec votre présentation de la stratégie « Farm to Fork ». Il ne s'agit pas d'un outil de transition environnementale mais de décroissance agricole, contraire à la souveraineté alimentaire. Son étude d'impact envisage en effet une baisse de la production européenne de 11 %. Par ailleurs, la proposition de règlement sur l'utilisation durable des produits phytopharmaceutiques, dit SUR, a été retirée. Dès lors, pourquoi s'obstiner avec le plan Écophyto, qui en est sa déclinaison nationale ? Je rappelle que le Premier ministre s'est engagé à mettre fin aux surtranspositions alors que ce plan va précisément créer une distorsion de concurrence majeure. Le mot « surtransposition » est d'ailleurs absent de votre rapport, ce qui est problématique si l'on veut parler de souveraineté alimentaire.

Ce rapport, pur produit de l'idéologie macroniste, réalisé avec le soutien curieux de la France insoumise, est une vaste tromperie sur l'état actuel de notre souveraineté alimentaire et ne rend pas service à l'agriculture française.

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. La souveraineté alimentaire est, à l'évidence, devenue une priorité brûlante. Nous sommes confrontés à une situation d'explosion sociale en France, mais aussi dans toute l'Europe, mais aussi à un risque d'explosion écologique et environnementale.

Je suis satisfaite de constater que vingt-sept recommandations du rapport ont été portées en commun et qu'elles reprennent des éléments que nous défendons depuis toujours.

Notre collègue Rodrigo Arenas a insisté sur le sort des agriculteurs et sur la dimension sociale de l'agriculture. Les agriculteurs étaient 5,5 millions en 1955. Aujourd'hui, ils sont moins d'un demi-million. Il y a deux suicides par jour et plus d'un quart des agriculteurs vit sous le seuil de pauvreté. D'où mon soutien à la recommandation du rapport visant à augmenter les moyens de la politique agricole commune.

Il faut aller plus loin à l'échelle nationale, en augmentant à la fois le salaire et la retraite agricoles et en instaurant des prix plancher. C'est une proposition défendue par La France insoumise, qui visait à encadrer les marges des grands industriels et qui a malheureusement été rejetée à six voix près en novembre dernier.

La santé est un deuxième sujet important du rapport. Vous indiquez qu'il est urgent de légiférer pour interdire l'usage des pesticides au niveau européen. Nous sommes tout à fait d'accord : il convient également d'agir au niveau français afin de faire cesser à la fois l'épuisement des terres et l'empoisonnement de la population.

Enfin, il faut mettre un terme aux accords de libre-échange qui créent un dumping social et un abaissement des normes écologiques, tout en étant nuisibles à la santé de notre population. Il faut aussi lutter contre les distorsions de concurrence à l'intérieur de l'Union européenne, pas uniquement à l'extérieur de ses frontières. J'apprécie donc également la proposition appelant à mobiliser la politique de développement de l'Union.

Je salue, à titre personnel, votre dernière recommandation qui vise à instaurer un filtrage des investissements directs étrangers dans le secteur agricole. Je porte la même proposition à propos du logement, c'est une mesure qu'il convient d'appliquer à plusieurs secteurs pour retrouver notre souveraineté.

En définitive, ce rapport propose des recommandations qui sont fidèles à la vision portée par La France Insoumise sur l'Union européenne : transition écologique, soutien massif au bio, harmonisation et protectionnisme.

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. La sécurité alimentaire de nos concitoyens ne doit pas être tenue pour acquise, et il nous faut être en permanence vigilants. Votre propos introductif permet de dresser un bilan de notre souveraineté, de rappeler les points de vigilance et de rappeler le rôle central de la PAC, trop souvent décriée par un certain nombre de responsables politiques alors qu'elle est une chance pour notre pays. La France est bien le premier pays bénéficiaire de la PAC.

Les fragilités de notre approvisionnement en intrants consommables ont été révélées par la guerre en Ukraine. Quelles actions concrètes, l'Union européenne peut-elle prendre pour la sécurité de cet approvisionnement, notamment sur le long terme puisque la guerre en Ukraine se prolonge ?

Au regard de la crise agricole actuelle, nous comprenons que les différents pays de l'Union européenne sont confrontés à des défis convergents. Avez-vous pu les étudier plus en détail et, dans ce cas, en quoi les revendications du monde agricole français divergent-elles de celles des autres pays européens ? La moitié des agriculteurs français partiront à la retraite dans les dix prochaines années. Comment les autres pays européens font-ils face au renouvellement des générations ?

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Ce rapport a une double actualité. D'une part, il interroge le mode économique de l'agriculture européenne dans un contexte de mondialisation et de tensions internationales. D'autre part, il pose la question du modèle de production, alors qu'il existe parfois des tendances divergentes selon les produits.

L'enjeu de la sécurité alimentaire européenne déjà présent de longue date, notamment dans les traités européens, en particulier à l'article 39 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Ce dernier précise que la politique agricole commune vise à garantir l'accès à « l'alimentation à des prix raisonnables pour les consommateurs », et renvoie également aux notions de stabilité et de durabilité dans le contexte de la sécurité alimentaire européenne. Les crises économiques, sanitaires et internationales successives ont montré qu'il pouvait exister un risque de dépendance, sans que des mesures adaptées ne soient nécessairement prévues.

La durabilité du système alimentaire européen implique en particulier qu'il soit plus économe en intrants agricoles, tout en intégrant des facteurs biophysiques de long terme comme le climat et la biodiversité. Elle dépend également des politiques de consommation, qui doivent évoluer vers plus de santé par l'alimentation et donc la lutte contre le gaspillage.

S'agissant du sujet clé de la recherche, la mobilisation des politiques de recherche, de développement et d'innovation dans le domaine de l'agriculture et de l'alimentation ne devrait-elle pas être une priorité nationale, mais également européenne ?

Par ailleurs, ne faudrait-il pas mieux valoriser la place et le rôle des consommateurs dans les évolutions de la production ?

Enfin, la souveraineté alimentaire implique d'aborder la sécurité des territoires, et entre autres, celle des routes d'approvisionnement. Nous avons mené des travaux en ce sens dans le cadre de la Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires (COSAC), à propos de l'Ukraine.

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L'actuelle escalade du prix des matières agricoles, exacerbée par le conflit en Ukraine, représente une menace sérieuse pour la sécurité alimentaire européenne et mondiale. Le rapport met en lumière les défis cruciaux auxquels l'Europe est confrontée, dont le changement climatique, la perte de la biodiversité ainsi que les crises sanitaires et géopolitiques.

Qu'est-ce qui, aujourd'hui, menace notre souveraineté ? Notre dépendance aux engrais russes et au soja brésilien. Nous surproduisons des protéines animales : sur les 65 millions de tonnes de maïs produites par l'Union européenne entre 2020 et 2021, 60 millions de tonnes ont été utilisées pour l'alimentation animale. Certaines voix, qui préconisent une intensification de la production au mépris des normes environnementales, s'élèvent pour remettre en question la stratégie de la « Fourche à la Fourchette ». C'est non seulement une vision myope mais également contre-productive. La hausse des prix, nourrie par l'interruption des importations de gaz et l'augmentation de son coût, a impacté le prix des fertilisants azotés et fragilise le système alimentaire mondial. À court terme, la première question à se poser est la capacité de résilience des systèmes les plus vulnérables à faire face à cette flambée des prix. Nous, écologistes, sommes conscients de l'urgence d'une transition profonde et durable. Nous applaudissons l'appel du rapporteur à une réforme de la politique agricole commune pour soutenir davantage la transition vers l'agroécologie, la protection de la biodiversité et la garantie d'une alimentation saine et accessible à tous.

Le rapporteur Charles Sitzenstuhl préconise une évolution progressive des pratiques agricoles et part du principe « pas d'interdiction sans solutions ». Les solutions existent, cela s'appelle l'agriculture biologique et il y a 60 000 exploitations en France qui la pratiquent. Affirmer « pas d'interdictions sans solutions », c'est nous maintenir dans une trajectoire insoutenable retardant les changements nécessaires face à l'urgence climatique et écologique. Pour cela, il faut réorganiser notre système alimentaire et réduire notre dépendance aux importations de soja et de tournesols à destination de l'élevage industriel. En favorisant des exploitations à taille humaine, plus autonomes et économes, nous pouvons devenir exportateurs nets de calories tout en réduisant notre empreinte carbone et notre dépendance aux énergies fossiles. Comme le souligne le rapporteur Rodrigo Arenas, des éco-régimes ambitieux doivent permettre de financer la transition agro-écologique, et pas des labels Haute valeur environnementale (HVE) dont les bénéfices n'ont pas été démontrés. En France, la différence de rémunération entre les certifications HVE et la conversion à l'agriculture biologique est actuellement trop faible, elle doit être revue pour refléter le bénéfice environnemental réel et encourager une transition vers l'agriculture biologique. La transition est indispensable, car même si l'on veut maintenir un système de production industriel, les limites naturelles et écologiques nous obligeront, certainement trop tard, à en changer brutalement.

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Cet enjeu, dont vous prenez les problématiques à bras-le-corps, devrait être une priorité nationale et européenne. Je vais présenter deux réflexions générales.

Concernant le titre et la première partie, le principe même de la souveraineté alimentaire fait l'objet d'une intense bataille idéologique. Plutôt que de changer de logiciel devant les effets désastreux de leur propre politique de libéralisation des marchés, imposée depuis trente ans par les accords de Marrakech de 1994, et la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les libéraux européens travaillent au détournement intellectuel de la dimension systémique et transformatrice du concept de souveraineté alimentaire. Ce travail se traduit en France par l'utilisation, à tout va, de ce concept, dans les discours, dans les projets ministériels, avec pour principal objectif de le vider de sa signification première, à savoir, la capacité donnée aux peuples de conduire démocratiquement leur propre politique agricole alimentaire et de déterminer les moyens et outils pour assurer le développement de leur autonomie et de leur modèle durable de production et de distribution.

J'ajouterai l'exigence d'une coopération internationale : le concept de la sécurité alimentaire est un concept soluble dans un libéralisme parfaitement compatible avec la multiplication des accords de libre-échange. Je suggère de substituer à la première recommandation des rapporteurs une véritable évaluation des conséquences de trente années de libéralisation des échanges agricoles sur l'accroissement des déséquilibres alimentaires internationaux et sur les dépendances ainsi que sur les effets induits par les spécialisations agricoles et la compétition internationale. La transformation profonde des agrosystèmes permettra-t-elle de répondre demain aux enjeux alimentaires, sociaux, environnementaux dans chaque pays, y compris au plan européen ?

Ma seconde remarque porte une conviction : la crise agricole européenne ne fera que croître, sans une reconstruction véritable de la politique agricole et alimentaire commune que j'appelle la PAAC et que nous devons construire ensemble. Je conclurai toutefois par une note positive : la recommandation portant sur l'avenir de nos sols agricoles, qui mérite véritablement d'être approfondie.

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Je veux m'attacher tout particulièrement à la proposition numéro 11 qui concerne les fleuves. Celle-ci défend l'idée de mettre en place une véritable stratégie européenne pour la préservation et la valorisation alimentaire des fleuves de l'Union européenne. Mettre en lumière les fleuves européens et appeler à leur valorisation est quelque chose qui m'est particulièrement cher. Vous défendez le rôle des fleuves en tant que voies économiques et écologiques durables, ce qui mène intuitivement au sujet de la pêche en eaux douces. En effet, vous souhaitez voir cette source d'alimentation comme une source nourricière conséquente dans le cadre de la souveraineté alimentaire. Quel rôle donneriez-vous à nos grands fleuves au sein de cette ambition affirmée de souveraineté alimentaire ?

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Concernant le projet de loi que va présenter le ministre de l'Agriculture, je suis, effectivement heureux de la prise en compte de la souveraineté alimentaire. À l'origine, la seule question de la transmission devait être abordée, la crise agricole sociale française a montré la nécessité d'ajouter dans le projet de loi, un chapitre sur la souveraineté alimentaire. Certes, les intitulés ministériels ne sont que des mots. Toutefois, le fait, qu'en 2022, pour la première fois, le ministre de l'Agriculture soit également ministre de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire témoigne de l'importance que prend la réflexion autour de cet enjeu. Pour répondre à Nicole Le Peih, sur la question des stocks stratégiques, la Finlande a mis en œuvre cette expérience intéressante, en tant que pays limitrophe de la Russie : on comprend aisément son avance sur le sujet. Une agence gouvernementale, la NESA (The National Emergency Supply Agency), travaille avec des opérateurs privés agréés pour définir des stocks stratégiques. En France, nous en sommes loin même si nous considérons que l'État doit être pionnier sur cette question qui relève de la compétence du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Nous n'en avions pas parlé lors du vote de la loi de programmation militaire, mais ce sujet devra être abordé.

Notre collègue du Rassemblement national n'est plus présent pour entendre notre réponse. Nous avons bien compris qu'il était contre tout. Le débat sur la souveraineté à l'échelle européenne oppose notre vision de l'Europe à celle du Rassemblement national. À titre personnel, je considère que la PAC est globalement une réussite, qu'elle renforce la souveraineté nationale en permettant une complémentarité au niveau européen ainsi qu'une politique intégrée.

Sur la question des produits phytosanitaires, le règlement « SUR » a été rejeté par le Parlement européen, en novembre 2023, et la proposition de règlement vient d'être retirée par la Commission européenne il y a quelques jours. Toutefois, on ne pourra pas à l'avenir continuer d'utiliser le même niveau de produits phytosanitaires. À ce titre, les agriculteurs français sont plutôt plus vertueux que leurs homologues en Europe. Paroles d'agriculteurs français, l'avenir nécessitera donc un usage plus raisonné des produits phytosanitaires. La prochaine Commission européenne devra donc proposer une nouvelle initiative en ce sens car la situation des sols agricoles en Europe l'exige.

Madame Sophia Chikirou, je vous remercie d'avoir mis en avant nos recommandations relatives aux investissements étrangers. Il s'agit d'une réflexion qui manque au niveau européen. La France est, là aussi, un pays précurseur : nous sommes plus interventionnistes que libéraux par rapport aux autres pays de l'Union européenne. Le décret de surveillance des investissements étrangers en France (IEF), lancé par Dominique de Villepin, a été un modèle du règlement de filtrage des investissements étrangers. Pour avoir échangé avec la Direction générale du Trésor, sujet sur lequel nos conclusions convergent, si l'on considère l'alimentation comme un enjeu de souveraineté, l'État doit avoir les moyens pour pouvoir intervenir, et empêcher des puissances étrangères hostiles d'accaparer des sols. Il faut en être conscient au niveau européen, ce clivage idéologique oppose interventionnistes et libéraux. La France doit pouvoir contourner la bataille idéologique.

Mme Louise Morel, concernant la comparaison entre les manifestations agricoles françaises et celles en cours dans les autres pays de l'Union, nos travaux ont essentiellement porté sur la première moitié de l'année 2023, antérieure à ces crises. Toutefois, des préoccupations très nationales se manifestent dans ces crises. Par exemple, aux Pays-Bas, il y avait des sujets spécifiquement néerlandais, en France aussi d'ailleurs, concernant les filières fruits et légumes, qui est un point d'alerte. La question des légumes est moins présente au niveau européen car une spécialisation par pays existe et donc une concurrence très forte sur le marché des fruits et légumes.

En France, il faut tirer la sonnette d'alarme concernant les filières des fruits et des légumes. Le maraîchage en France souffre, parole de député Alsacien. La question du revenu, des inégalités entre grandes exploitations et petites exploitations a une dimension européenne, mais elle se pose également dans chaque États membre. La réponse à la crise, quant à elle, a une dimension très nationale. Nous faisons des propositions pour la prochaine Commission européenne et la prochaine législature du Parlement européen parce qu'aux crises nationales, il faut apporter des réponses européennes pour préserver la PAC. Sur la question générationnelle, au-delà du salaire, le déficit d'attractivité du métier d'agriculteur demeure un enjeu en Europe. Les pouvoirs publics, les syndicats et les agriculteurs, en sont conscients et doivent pouvoir y apporter des solutions. La recherche et l'innovation sont des sujets qui se sont imposés auxquels nous n'avions pas pensé au commencement de nos travaux. Beaucoup de spécialistes et certains praticiens nous ont dit que les avancées de la recherche dans le domaine agricole se sont faites il y a un siècle ou plusieurs décennies et qu'aucune novation récente est à relever.

La dégradation des sols en Europe doit devenir une priorité des pouvoirs publics et faire davantage l'objet de recherches sur les mécanismes qui sont à l'œuvre, incluant les impacts sur les produits phytosanitaires, le labourage et le traitement de la terre. Il faut être en mesure de proposer des alternatives, parce que le fameux « pas d'alternative, pas d'interdiction », traduit, en fait, la volonté des agriculteurs qui souhaitent utiliser moins de produits phytopharmaceutiques en ayant une solution alternative. Cette demande est légitime et se manifeste dans toutes les colères agricoles aujourd'hui. Pour qu'il y ait des solutions, il faut de la recherche. Ceci doit être une priorité de l'Europe, du budget de l'Union européenne et de la PAC.

Sur le principe du « pas de solutions, pas d'interdiction », je pense qu'il ne faut pas opposer les agricultures entre elles : ce message est à tenir auprès des agriculteurs. Il existe différents types d'agriculture, du point de vue des filières et des pays. L'agriculture biologique et l'agriculture conventionnelle, sont deux agricultures qui coexistent, elles sont complémentaires, se renforcent et apprennent l'une de l'autre. Il ne faut pas culpabiliser les agriculteurs qui ont fait le choix de rester dans l'agriculture conventionnelle et qui ne veulent pas faire la transition vers l'agriculture biologique.

Sur le concept de souveraineté alimentaire, je comprends votre point de vue. Le concept de souveraineté alimentaire porté par le Président de la République, Emmanuel Macron et qui provient des mouvements altermondialistes, dans les années 1990.

Enfin, quand on parle d'alimentation, on pense à la terre, mais il ne faut pas oublier ce qui provient de la mer dont les poissons et les coquillages. Sur les produits en provenance de la mer, la situation au niveau européen est préoccupante : nous sommes très dépendants de l'extérieur, pour nos importations. Parce que je connais bien le Rhin, j'ai souhaité que l'on travaille également sur la pêche fluviale. Aujourd'hui, de mémoire, en Alsace, il ne reste qu'un ou deux pêcheurs, car les fleuves, dont le Rhin, ont également pâti de l'industrialisation à outrance. Des programmes européens existent pour re-naturer les fleuves et reconstituer des biotopes diversifiés avec des espèces. J'ai conscience que nous sommes dans une stratégie de long terme qui manque de dimension européenne afin de considérer les fleuves comme des gisements et des sources d'alimentation.

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Je ne vais pas répondre dans le détail aux différentes questions qui m'ont été posées. Mais si vous me le permettez, j'aimerais intervenir sur une note plus personnelle. Charles Sitzenstuhl et moi-même avons chacun participé à cette mission d'information avec notre propre histoire et nos aventures personnelles. Je vais bientôt avoir 50 ans et je fais partie de cette génération qui a été bercée dans sa jeunesse par We are the World et SOS Éthiopie. Ceux qui pensent que la réponse aux problèmes globaux de souveraineté alimentaire peut uniquement être hexagonale sont soit des menteurs soit des cyniques. Ce n'est pas ainsi que s'est écrite l'histoire de l'humanité ni celle de la France ni celle de l'Europe.

Je rappelais ce matin en conférence de presse que j'ai eu la chance de naître et de grandir sur un autre continent, au Chili. Charles Sitzenstuhl faisait allusion à l'instant à son expérience intime du fleuve du Rhin. Je me souviens pour ma part des images d'Épinal qui illustraient nos manuels scolaires et qui ont marqué mes années passées sur les bancs de l'école républicaine. Ces images représentaient des bateliers ou encore des pêcheurs qui étaient au cœur d'un système économique certes, mais surtout d'une histoire et d'une culture. Je pense que c'est ce que transmet l'école. Je pense que les députés que nous sommes doivent être les garants de cette histoire.

Lorsque nous proposons un Erasmus, il s'agit de favoriser les échanges de pratiques et de savoir-faire. Mais il s'agit aussi de répondre à la question : qui doit nous nourrir ? Les grands complexes agroalimentaires ou le monde paysan ? Pour ce qui nous concerne, la question est tranchée. L'injuste rémunération de ceux qui nous nourrissent est un choix de civilisation. Nous pensons que le problème de la sous-alimentation, celui de la famine, sont des questions politiques. Souhaitons-nous comme dans le film L'aile ou la cuisse, être nourris par une usine ou par des agriculteurs ? Nous avons pu le constater en nous rendant en Hollande : il est aujourd'hui possible de produire certains légumes sans terre, mais est-ce souhaitable ? Doit-on prendre cette direction ? Dans l'hypothèse où les recherches actuelles nous permettraient d'atteindre un niveau de production suffisant hors-sol, est-ce le chemin que nous voulons emprunter ? C'est un enjeu culturel global.

Certains ont parlé de patriotisme alimentaire. Or la logique de fermeture est une logique de courte vue qui n'a pas d'avenir. N'en déplaise à M. de Fournas, si nous rompons nos relations avec le Maroc, comment aurons-nous accès aux fertilisants dont nous avons besoin ? Nous devons au contraire œuvrer à la juste échelle, au niveau européen et mondial, afin de veiller à ce que nos modes de vie ne soient pas dépendants de marchés ultra-libéraux et ne contribuent pas à la destruction des cultures vivrières de nos partenaires. Doit-on continuer d'importer des poulets du Sénégal ? Je pose la question. À l'échelle hexagonale, doit-on laisser grande distribution prendre la main sur la production agricole ? Ce sont des questions de civilisations auxquelles nous allons devoir répondre, collectivement, sur tous les bancs de cette assemblée.

Sur la PAC, on entend un certain nombre de contre-vérités auxquelles j'aimerais apporter quelques réponses. La politique agricole commune a permis de nourrir tout un continent à la fin de la Seconde guerre mondiale, il faut le rappeler. Personne ne peut dire le contraire. Mais aujourd'hui il nous faut repenser un système de financement qui privilégie les grandes exploitations au détriment des petites exploitations. Il n'y a pas aujourd'hui de modèle agricole qui fonctionne sans le soutien de la puissance publique : nous devons simplement déterminer le modèle dont nous voulons.

Lorsque je parle d'ubérisation de l'agriculture, je pense aussi à la nécessité d'éduquer les populations. Nous devons nous rappeler qu'il n'y a pas de production agricole magique. Il y a des hommes et des femmes derrière ce que nous commandons et mangeons.

Je regrette aussi le mépris envers notre monde agricole. Je note que les filières agricoles ne dépendent pas de l'éducation nationale mais du ministère de l'agriculture. Cela en dit beaucoup sur la façon dont nous considérons les gens qui nous nourrissent. Cette organisation du système éducatif alimente une forme de mépris social.

Enfin, j'aimerais souligner l'importance de l'orientation de nos politiques publiques et la diversité des défis auxquels le monde agricole doit faire face au niveau national et européen. Le même instrument de politique publique peut être utilisé à des fins différentes. Par exemple, la PAC aujourd'hui permet à l'Autriche de développer près de 26 % d'agriculture biologique. En Roumanie, nous avons ouvert un corridor économique qui permet d'importer des produits agricoles qui ne respectent pas les normes européennes. En Espagne, c'est la question de l'eau qui est aujourd'hui centrale et doit trouver une solution. L'Erasmus que nous proposons doit aussi permettre de soutenir la recherche, d'apporter des solutions aux problèmes qui se tiennent devant nous et de mesurer les enjeux communs au monde agricole. Nous ne pouvons laisser dire des contre-vérités sur l'agriculture en France et en Europe.

Pour conclure, oui nos terres vont mal. Entre 60 et 70 % des terres françaises sont épuisées. Oui, nous avons des problèmes de souveraineté sur les intrants, sur l'eau. Oui, nous avons des problèmes de sécurité alimentaire et de défense de la biodiversité et du vivant. Voulons-nous d'un monde où les usines de traitement déversent leurs déchets dans nos fleuves et où on élève des saumons dans des bacs en plastique ? Enfin, plus de 40 % de nos excédents en céréales sont exportés vers la Tunisie, le Maroc et l'Algérie. En remettant en question cette exportation vous ne rendez service ni à la France ni à nos partenaires. Les explications sont également géopolitiques. Nous ne souhaitons pas que dans ces pays-là, des régimes portent atteinte à la sécurité de notre pays et à l'esprit des valeurs de la République. Lorsque nous n'avons pas de pain dans l'assiette, la démocratie est en danger.

Comme je le disais en préambule, « la terre elle ne ment pas » et quand elle est épuisée nous avons le devoir de la réparer.

La commission a ensuite autorisé le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

II. Révision du règlement européen REACH sur les substances chimiques : examen de la proposition de résolution européenne de M. Nicolas THIERRY et plusieurs de ses collègues (M. Nicolas THIERRY, rapporteur) (n° 1921)

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Je suis heureux de vous soumettre aujourd'hui une proposition de résolution européenne transpartisane. La diversité des signataires de ce texte montre que nous pouvons trouver des points de convergences, notamment sur un sujet aussi important que celui de la lutte contre la pollution chimique de l'environnement.

Cette proposition de résolution européenne se fonde sur un paradoxe que je souhaite que nous résolvions collectivement aujourd'hui. D'un côté, le nombre de substances chimiques n'a jamais été aussi élevé sur le sol européen. 300 millions de tonnes de substances chimiques sont produites chaque année dans l'Union.

L'Agence européenne pour l'environnement nous enseigne que 74 % de ces substances sont considérées comme dangereuses pour la santé ou les écosystèmes, tandis que 18 % sont classées potentiellement cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques. L'initiative européenne de biosurveillance humaine a relevé que la population est ainsi exposée à des niveaux « alarmants », ce sont les mots de l'agence, de substances chimiques dangereuses, en particulier chez les enfants.

Parmi ces substances figurent par exemple les per- et polyfluoroalkylées, appelés PFAS. Créés de façon artificielle pour leurs vertus antiadhésives et imperméabilisantes, les PFAS contiennent des liaisons carbone-fluor qui ne se dégradent pas dans l'environnement : ce sont donc des polluants éternels. Dans les Cévennes en janvier, des analyses inédites révèlent par exemple des taux spectaculaires de PFAS dans l'eau potable. Les PFAS, comme d'autres substances ciblées par REACH, peuvent être à l'origine de pathologies graves tels que des cancers, des problèmes cardio-vasculaires, une baisse de la fertilité… Et cela touche tout le monde : adultes, enfants, consommateurs, travailleurs, riverains des usines chimiques. Le constat est donc sans appel : l'Union européenne n'échappe pas à la civilisation des toxiques, et les PFAS en sont un exemple criant.

Je reviens au paradoxe que je mentionnais pour vous en présenter le second aspect. L'Union européenne dispose depuis 2007 d'un règlement européen dit « REACH » pour sécuriser la fabrication et l'utilisation des substances chimiques dans l'industrie européenne. Le règlement repose sur deux principes : toutes les substances doivent être enregistrées pour être mises sur le marché ; et la charge de la preuve de la sécurité de ces substances repose sur les industriels.

Ainsi, lors de l'évaluation de la toxicité des substances mises sur le marché, les plus nocives obéissent à un régime d'autorisation et les plus dangereuses à un régime de restriction. Ce règlement a permis à l'Union de disposer d'une solide base de données, la plus développée au monde, avec 23 000 substances chimiques enregistrées. La mise en œuvre de ce règlement repose notamment sur une agence européenne, l'ECHA, qui formule des recommandations aux autorités politiques sur la toxicité des substances.

L'acquis du règlement REACH n'est pas négligeable, mais face à l'ensemble des risques que je mentionnais, il n'est pas suffisant. Ce texte doit en effet besoin d'être révisé pour être pleinement utile. Le règlement REACH n'a pas été révisé depuis 2007. Imaginez un règlement en matière numérique qui daterait de 2007 ! Un règlement rédigé avant Chat GPT, avant le succès de Facebook, et avant même le premier iPhone. Un règlement qui ignorerait donc les enjeux de l'intelligence artificielle, de la protection des données et les risques liés aux réseaux sociaux. Sur des sujets aussi évolutifs, il n'est pas concevable de passer 17 ans de progrès scientifique sous silence.

Lors de mes travaux, j'ai eu l'occasion d'auditionner des acteurs au fait des difficultés de mise en œuvre de la politique européenne de lutte contre les toxiques. J'ai notamment rencontré des dirigeants de l'ECHA et une éminente toxicologue française, Laurence Huc. Ces auditions m'ont amené à identifier les principales difficultés qui devraient selon moi guider la révision du règlement REACH.

La première difficulté tient au manque de ressources de l'ECHA pour effectuer convenablement sa mission. Par exemple, l'agence est dans l'impossibilité d'évaluer les substances correctement et de vérifier les données fournies par les industriels, puisqu'elle ne dispose que d'un délai de 3 semaines pour évaluer la toxicité d'une substance et ne peut pas travailler en un temps aussi court. La plupart du temps, la décision de l'ECHA se borne ainsi à une reprise des conclusions de l'étude produite par l'industriel, sans contre-expertise. Par ailleurs, l'ECHA évalue les substances une par une et non par famille de substances : l'évaluation par familles permettrait de couvrir un nombre plus important de substances et d'accroître le niveau de protection, tout en allégeant la charge pesant sur les structures d'évaluation. Je reviens à l'exemple des PFAS, qui recouvre environ 10 000 substances : plutôt que de procéder à 10 000 évaluations, une seule analyse approfondie globale serait à la fois plus logique et plus utile. Le cadre actuel du règlement REACH permet d'envisager d'agir sur l'ensemble des PFAS tel que cela a été proposé par plusieurs pays européens. Néanmoins, comme l'ont souligné les représentants de l'ECHA, cette procédure à l'échelle de plus de 10 000 substances va véritablement mettre à l'épreuve le cadre actuel du règlement REACH.

La deuxième difficulté, en lien avec la première, tient au fait que les propriétés de nombreuses substances demeurent inconnues : dans les deux tiers des dossiers contrôlés, les informations fournies sont insuffisantes pour évaluer la dangerosité des substances. Les critères doivent également être actualisés : le potentiel de perturbation endocrinienne des substances est par exemple absent des études et des données à fournir par les industriels au moment de l'enregistrement d'une substance.

La troisième difficulté est la prise en compte de l'exposition à des mélanges de substances, dite aussi « effet cocktail ». Ce sujet est exclu de l'analyse que doivent fournir les industriels au moment de la demande d'enregistrement du produit.

La révision du règlement est donc nécessaire et la Commission européenne en convenait puisque dès 2020, la modification de REACH était annoncée. Et c'est là que se noue tout le paradoxe que je vous annonçais : alors que le niveau d'exposition des Européens aux substances chimiques n'a jamais été aussi élevé, que nous n'avons jamais été aussi renseignés sur leur probable toxicité, la Commission européenne a reporté sine die la révision de REACH, notamment sous la pression des grands groupes de l'industrie chimique et pharmaceutique allemande.

Je ne m'explique pas cette décision et la proposition de résolution européenne que je porte aujourd'hui a un seul objectif : inviter la Commission européenne à proposer une initiative de révision du règlement REACH, afin de permettre au Parlement européen et au Conseil de déterminer ensemble des modalités à mettre en œuvre pour protéger le plus efficacement possible notre santé et notre environnement.

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Le règlement REACH, créé en 2007, pose plusieurs principes fondamentaux en faveur de la santé et de l'environnement avec une règle simple : pas de données, pas de marché. Avec le Pacte vert pour l'Europe adopté en 2019 et la stratégie de l'Union européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques adoptée l'année suivante, l'Union européenne s'est fixé une ambition : lutter contre la pollution de toute provenance et évoluer vers un environnement exempt de substances toxiques. Si votre proposition de résolution européenne s'inscrit dans cette lignée, elle oublie un point : la contribution de la chimie à la lutte contre le changement climatique.

La chimie apporte des innovations aujourd'hui indispensables dans les domaines de la mobilité, de l'habitat durable, de l'énergie renouvelable et du recyclage des déchets. Nous n'oublions pas non plus le poids de la chimie dans l'économie européenne. En 2021, l'industrie chimique européenne comptait 30 000 entreprises, dont 95 % petites et moyennes entreprises. De plus, la chimie est le 4e secteur industriel français et a consacré une part importante de ses investissements dans la recherche et le développement. Ce secteur fait aujourd'hui face à des défis sans précédent. Il doit pouvoir maintenir sa dynamique de transformation alors que ses activités sont fragilisées, notamment par la hausse des prix de l'énergie, une demande atone et une pression concurrentielle internationale croissante.

En résumé, nous pensons que la révision du règlement REACH devrait prendre en compte plusieurs conditions complémentaires comme la nécessité de renforcer la recherche et l'innovation en faveur de la souveraineté industrielle et de la transition écologique. Si nous pensons que la révision du règlement REACH est une nécessité au regard de l'ambition en matière de santé et d'environnement pour la France et l'Europe, elle doit néanmoins être pensée avec l'ensemble des acteurs du secteur.

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Le règlement européen REACH, qui prévoit l'enregistrement, l'évaluation et l'autorisation des substances chimiques dans l'Union européenne, n'est pas à la hauteur de l'enjeu environnemental et sanitaire que nous subissons. Je pense particulièrement à la contamination aux PFAS. Ces substances chimiques sont présentes dans tous les milieux, dans l'air, dans l'eau, les sols et l'ensemble du vivant et ne font l'objet de presque aucun contrôle par le règlement REACH. Il faut attendre 2017 pour que l'acide perfluorooctanoïque (PFOA), le polluant éternel le plus dangereux, soit reconnu comme cancérogène par le centre international de recherche sur le cancer et 2020, pour qu'il soit définitivement interdit. Pourtant, le PFOA avait déjà fait scandale dans les années 1990 aux États-Unis.

Les institutions françaises et européennes font preuve d'une forte inertie. Alors que partout en France et en Europe, nous prenons conscience de l'ampleur de la contamination, le gouvernement nous demande d'attendre patiemment une éventuelle révision du règlement prévu peut-être pour 2026. Nous ne voterons donc pas l'amendement sur la suppression de l'alinéa 15 du dispositif que vous proposez. Je peux d'ailleurs citer les paroles du discours de clôture du vice-président de la Commission européenne du 17 octobre 2023 : « Nous devons respecter les dommages causés à la santé et à l'environnement, mais nous devons aussi garantir la disponibilité des substances chimiques et la compétitivité de nos entreprises ». Vive l'Europe des profits de l'industrie chimique ! Au diable la santé humaine et l'environnement ! Vive la gestion consensuelle de l'Union européenne ! Le groupe La France insoumise soutient ainsi votre initiative.

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Le sujet majeur de la lutte contre les substances chimiques dangereuses est un engagement que la Commission européenne semble avoir abandonné sous la pression des entreprises chimiques. Le règlement européen REACH nous permet de disposer de moyens pour garantir un haut niveau de protection contre les dangers liés aux substances chimiques mais ce règlement a aujourd'hui 17 ans et mérite donc d'être actualisé. En effet, sur les 300 millions de tonnes de substances chimiques produites par an en Europe, plus de 60 % d'entre elles sont considérées comme dangereuses par l'Europe elle-même. Pourtant, ces substances continuent à circuler.

L'exposition chimique est donc pour nous, européens, alarmante, et une révision du règlement REACH est cruciale pour interdire ces produits dangereux. Elle doit notamment permettre de mieux prendre en compte la famille des PFAS. La Commission européenne s'était engagée à le faire dans le cadre de la stratégie du pacte vert pour l'Europe mais le 17 octobre dernier, les dirigeants européens ont enterré cette révision et sacrifié la santé des Européens. Notre rôle est d'agir, en insistant auprès du Gouvernement pour qu'il œuvre à ce que la Commission européenne tienne sa promesse et reprenne les travaux pour la révision du règlement. Le groupe écologiste soutiendra la proposition de résolution et votera contre les amendements du député Fugit.

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Il a été rappelé l'importance du secteur de la chimie, de l'innovation, de la compétitivité et la manière dont cela pouvait s'articuler avec la santé publique. L'industrie chimique est bien évidemment un secteur industriel important, il représente 220 000 salariés et 3 000 entreprises. Personne ne nie cette place en France et en Europe. Il faut néanmoins avoir une vision globale et équilibrée lorsque l'on aborde la question des risques. Le cas du chlordécone, de l'acide perfluorooctanoïquece, ce PFAS extrêmement toxique, du DDT qui a été autorisé pendant plus de 30 ans ou encore du bisphénol A montrent que les industriels mettent en place des stratégies de diversion et que la régulation des pouvoirs publics est nécessaire. Il faut également mettre en lumière que l'évolution du secteur de la chimie, à travers la chimie verte. Les politiques publiques doivent être très ambitieuses dans l'accompagnement du secteur de la chimie dans la transition écologique et notre rôle de responsables politiques doit être d'être extrêmement exigeants pour la protection de la santé publique.

Amendement n° 1 de M. Jean Luc Fugit

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Je propose un amendement rédactionnel précisant que dans l'Union européenne, 300 millions de tonnes de substances chimiques sont produites et consommées chaque année.

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La précision est adéquate. Ce sera un avis favorable.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 2 de M. Jean Luc Fugit

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Nous proposons de remplacer le mot « présente » par « peut présenter ». Pour nous, il n'est pas juste d'affirmer que REACH présente des limites au regard des législations extra-européennes et de l'encadrement réalisé depuis 2018 en matière d'évaluation des substances chimiques.

Depuis 2018, plus de 23 000 substances chimiques sont connues et leurs risques potentiels établis, ce qui en fait la base de connaissance la plus avancée au niveau mondial. Il ne s'agit pas de faire le procès de la chimie, il s'agit de voir ce qu'elle peut apporter, comment elle doit évoluer et comment on doit l'accompagner.

Enfin chaque entreprise est accompagnée par l'État en matière de gestion des substances chimiques par le service d'assistance réglementaire helpdesk. Il s'agit ici d'un amendement de précision.

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Je suis en désaccord avec votre amendement. L'agence européenne des produits chimiques ne dispose pas des moyens adéquats pour faire face à sa mission d'évaluation des dangerosités des substances.

Il a été souligné par la toxicologue Laurence Huc que le délai d'enregistrement d'une substance auprès de l'agence européenne des produits chimiques est de seulement trois semaines, alors que la vérification de la toxicité nécessiterait plusieurs mois. Les scientifiques de l'ECHA ne peuvent pas analyser dans un délai si restreint la toxicité de la substance et les substances sont mises sur le marché sans avoir été réellement évaluées. J'émets un avis défavorable.

L'amendement est rejeté.

Amendement n° 3 de M. Jean Luc Fugit

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Cet amendement vise à rappeler la contribution de la chimie à la lutte face au changement climatique et la transition écologique.

Le secteur de la chimie est nécessaire pour le développement durable, la réduction de la consommation des véhicules et l'optimisation du stockage des véhicules électriques, ainsi que pour le développement des matériaux utilisés pour alléger le poids des véhicules. Elle l'est aussi pour l'habitat durable à travers la mise au point de nouveaux matériaux d'isolation ou le développement des énergies renouvelables en optimisant l'efficacité des panneaux photovoltaïques. Les évolutions concernant la chimie des matériaux doivent permettre d'avoir des véhicules et des pales d'éoliennes plus légers. La chimie est enfin nécessaire pour l'économie circulaire, à travers le recyclage des déchets qui se développe de manière remarquable avec le soutien de France 2030.

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L'amendement est centré sur la place de l'industrie chimique alors que la proposition de résolution appelle plutôt à la révision du règlement REACH. Sur le fond, je n'ai pas de désaccord profond avec votre amendement qui ne dénature pas le texte. J'émets un avis de sagesse.

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L'objet de la proposition de résolution est de demander aux institutions européennes d'accélérer la révision du règlement REACH. Le problème sanitaire exige que l'on agisse vite alors que la réforme de ce règlement est reportée année après année depuis 2019. Si l'on commence à vouloir anticiper la part que doit prendre la chimie par rapport à d'autres objectifs d'intérêts généraux, humains ou écologiques, on dénature le sens du message que nous pourrions porter collectivement, c'est-à-dire accélérer le processus de révision de REACH.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 4 de M. Jean Luc Fugit

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Cet amendement vise à appeler la Commission européenne à définir et à mettre en œuvre un plan de transition sectorielle pour donner les moyens à la chimie d'atteindre les objectifs du Pacte vert sans fragiliser son industrie. Cela pourrait être réalisé sur le modèle des plans de transition sectoriels mis en œuvre en France à travers la formulation de propositions d'actions pour accélérer la transition du secteur de la chimie.

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En raison du manque de cohérence de cet amendement avec la proposition de résolution, cela sera un avis de sagesse.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 5 de M. Jean Luc Fugit

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Cet amendement vise à défendre une conception plus large de la stratégie « zéro pollution » du pacte Vert. En effet, cette stratégie est organisée autour de plusieurs objectifs fondamentaux, qui sont tous par leurs ambitions des piliers de ce pacte. Nous prônons la révision de REACH car celle-ci est une condition parmi d'autres de la réussite « zéro émissions » du pacte.

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Cela sera un avis favorable. Vous l'avez dit, l'idée est d'insister sur la révision du règlement REACH dans le cadre de la stratégie « zéro pollution » du Pacte vert.

L'amendement est adopté.

Amendement n° 6 de M. Jean Luc Fugit

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Cet amendement vise à rappeler le poids de l'industrie chimique dans l'industrie européenne. Je rappelle que la chimie constitue le premier secteur industriel français en termes d'exportations, que ses produits irriguent l'ensemble des chaînes de valeurs françaises et européennes et que ses innovations sont essentielles dans la construction de filières industrielles stratégiques dans les domaines des batteries, des énergies renouvelables, de l'hydrogène, des semi-conducteurs ou encore des médicaments.

C'est pour cela que la révision de REACH doit prendre en compte ses potentiels effets sur l'industrie chimique européenne dans un contexte concurrentiel compliqué.

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L'objet de cette proposition de résolution européenne n'est pas de rappeler l'importance du secteur de l'industrie chimique européenne, ni de traiter du problème de sa compétitivité mais de rappeler les enjeux de santé publique et de protection de l'environnement. J'émets un avis défavorable.

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Cette proposition de résolution européenne a la vertu d'être déposée par des parlementaires de différents groupes. Je trouve dommage que l'on se serve d'un texte qui s'interroge sur la méthode d'élaboration d'une réglementation, pour se prononcer sur le fond en s'intéressant aux évolutions de ce que produit l'activité humaine.

Cet amendement procède à un plaidoyer en faveur de la chimie, alors que d'autres pourraient déposer des amendements en faveur de ce que la nature sait produire gratuitement, par elle-même, et qui peuvent tout à fait être des substituts à des molécules chimiques polluantes et cancérigènes.

Nous avons privilégié le travail transpartisan afin d'obtenir une unanimité sur le texte final de la proposition de résolution et que nous soyons en mesure de porter ensemble, avec notre diversité politique, la nécessité de réviser le règlement REACH.

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Nous avons constaté tous ensemble, à partir de données scientifiques, l'influence des activités chimiques sur notre santé, notre vie et l'environnement. La proposition de résolution est axée sur le dispositif REACH : elle ne doit pas être affadie. Nous ne nions pas le poids du secteur de la chimie et le nécessaire accompagnement vers sa transition. Mais il y a quelque chose qui peut nous unir tous : le fait que nous avons aujourd'hui plus de connaissances scientifiques sur l'impact des produits chimiques sur notre santé. Nous n'avions pas ces connaissances auparavant. Il serait coupable de ne pas agir sachant que cela produit des effets délétères. Qu'allez-vous dire à une personne dont l'enfant est gravement malade, en raison d'une intoxication aux produits chimiques ? Que le secteur chimique représente trop d'emplois dans le secteur industriel ? Sans tomber dans cette caricature-là, il me semble important que la France reprenne haut et fort le flambeau. Il me semble donc vraiment important de ne pas intégrer cet alinéa.

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Dans l'esprit dans lequel nous travaillons, que je trouve apaisé et intéressant, je vais retirer cet amendement.

L'amendement n° 6 est retiré.

Amendement n° 7 de M. Jean Luc Fugit

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Je souhaite rappeler que nous avons 30 % des alertes sur des produits dangereux qui pour 90 % d'entre eux sont des produits importés issus de ventes en ligne. Renforcer l'application du règlement REACH aux frontières et mener une collaboration avec les plateformes en ligne nous semble crucial pour maintenir la compétitivité des industries européennes dans le domaine chimique.

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Dans la droite ligne des arguments précédemment invoqués, le rappel des chiffres relatifs au poids de l'industrie chimique ne me semble pas nécessaire mais j'émets un avis de sagesse.

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Étant donné l'importance du règlement REACH, il me semble important d'insérer cette précision dans les considérants.

L'amendement n° 7 est adopté.

Amendement n° 8 de M. Jean-Luc Fugit

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Il s'agit d'un amendement appelant à adopter des mesures similaires au niveau européen et au niveau français. Nous avons une collaboration étroite entre la chimie et la recherche publique en France. Il est important de déployer cette synergie insuffisamment mise en valeur. Nous disposons d'excellents chercheurs qui font progresser la connaissance et la science notamment dans le domaine d'une chimie qui évolue. Et cela concerne plusieurs domaines.

L'amendement n° 8 est adopté

Amendement n° 9 de M. Jean-Luc Fugit

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Nous considérons comme nécessaire la révision du règlement – même si nous ne contestons pas le bien-fondé de son report – mais le terme de « faillite » ne nous paraît pas acceptable.

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L'alinéa que vous souhaitez supprimez ne remet absolument pas en cause le bien-fondé du règlement REACH. L'idée de mettre en avant la nécessité de la révision est de souligner les fortes réserves que nous avons vis-à-vis du souhait de la Commission de reporter cette révision. J'entends que la formulation ne vous convienne pas et qu'elle ne fait pas consensus. Néanmoins, une suppression pure et simple de l'alinéa est également problématique. Si cela vous convient Monsieur le Président, je peux proposer une rédaction alternative : « Considérant que la révision du règlement REACH par les institutions européennes permettra d'œuvrer à la préservation de la santé et de l'environnement au niveau européen. » La formulation me semble ainsi rédigée de manière plus factuelle.

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La réécriture proposée par le rapporteur de l'amendement nous semble beaucoup plus en phase avec ce que nous recherchons.

L'amendement n° 9 rectifié est adopté.

Amendement n° 10 de M. Jean-Luc Fugit

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Nous suggérons que l'encadrement des usages essentiels faisant appel à la protection individuelle ne soit pas inclus dans le champ du règlement REACH. Nous préconisons que cette question spécifique soit traitée par la réglementation sur la santé au travail. Nous ne souhaitons pas alourdir la réglementation voire même la retarder.

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Votre formulation me semble problématique. Vous le soulignez, la notion d'usage essentiel est très difficile à définir. La formulation me paraît trop approximative donc j'émets un avis défavorable.

L'amendement n° 10 est adopté.

Amendement n° 11 de M. Jean-Luc Fugit

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L'objectif est de favoriser des produits chimiques sûrs dès leur conception incluant des options durables à base de matériaux écologiques. Cette démarche de substitution n'est pas seulement bénéfique pour l'environnement mais contribue également à promouvoir une culture d'économie circulaire.

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L'interdiction des substances les plus chimiques est une position que je partage, j'émets donc un avis favorable.

L'amendement n° 11 est adopté.

L'article unique de la proposition de résolution européenne ainsi modifié est adopté à l'unanimité.

La proposition de résolution européenne est par conséquent adoptée.

La séance est levée à 18 heures.

Membres présents ou excusés

Présents. - M. Gabriel Amard, M. David Amiel, M. Pieyre-Alexandre Anglade, M. Rodrigo Arenas, Mme Pascale Boyer, M. André Chassaigne, Mme Annick Cousin, M. Grégoire de Fournas, M. Jean-Luc Fugit, Mme Marietta Karamanli, Mme Julie Laernoes, Mme Constance Le Grip, Mme Nicole Le Peih, Mme Louise Morel, M. Jean-Pierre Pont, M. Charles Sitzenstuhl, M. Nicolas Thierry

Assistaient également à la réunion. - Mme Sophia Chikirou, M. Benoit Mournet