Cet enjeu, dont vous prenez les problématiques à bras-le-corps, devrait être une priorité nationale et européenne. Je vais présenter deux réflexions générales.
Concernant le titre et la première partie, le principe même de la souveraineté alimentaire fait l'objet d'une intense bataille idéologique. Plutôt que de changer de logiciel devant les effets désastreux de leur propre politique de libéralisation des marchés, imposée depuis trente ans par les accords de Marrakech de 1994, et la création de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), les libéraux européens travaillent au détournement intellectuel de la dimension systémique et transformatrice du concept de souveraineté alimentaire. Ce travail se traduit en France par l'utilisation, à tout va, de ce concept, dans les discours, dans les projets ministériels, avec pour principal objectif de le vider de sa signification première, à savoir, la capacité donnée aux peuples de conduire démocratiquement leur propre politique agricole alimentaire et de déterminer les moyens et outils pour assurer le développement de leur autonomie et de leur modèle durable de production et de distribution.
J'ajouterai l'exigence d'une coopération internationale : le concept de la sécurité alimentaire est un concept soluble dans un libéralisme parfaitement compatible avec la multiplication des accords de libre-échange. Je suggère de substituer à la première recommandation des rapporteurs une véritable évaluation des conséquences de trente années de libéralisation des échanges agricoles sur l'accroissement des déséquilibres alimentaires internationaux et sur les dépendances ainsi que sur les effets induits par les spécialisations agricoles et la compétition internationale. La transformation profonde des agrosystèmes permettra-t-elle de répondre demain aux enjeux alimentaires, sociaux, environnementaux dans chaque pays, y compris au plan européen ?
Ma seconde remarque porte une conviction : la crise agricole européenne ne fera que croître, sans une reconstruction véritable de la politique agricole et alimentaire commune que j'appelle la PAAC et que nous devons construire ensemble. Je conclurai toutefois par une note positive : la recommandation portant sur l'avenir de nos sols agricoles, qui mérite véritablement d'être approfondie.