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Intervention de Charles Sitzenstuhl

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCharles Sitzenstuhl, rapporteur :

Concernant le projet de loi que va présenter le ministre de l'Agriculture, je suis, effectivement heureux de la prise en compte de la souveraineté alimentaire. À l'origine, la seule question de la transmission devait être abordée, la crise agricole sociale française a montré la nécessité d'ajouter dans le projet de loi, un chapitre sur la souveraineté alimentaire. Certes, les intitulés ministériels ne sont que des mots. Toutefois, le fait, qu'en 2022, pour la première fois, le ministre de l'Agriculture soit également ministre de l'Agriculture et de la souveraineté alimentaire témoigne de l'importance que prend la réflexion autour de cet enjeu. Pour répondre à Nicole Le Peih, sur la question des stocks stratégiques, la Finlande a mis en œuvre cette expérience intéressante, en tant que pays limitrophe de la Russie : on comprend aisément son avance sur le sujet. Une agence gouvernementale, la NESA (The National Emergency Supply Agency), travaille avec des opérateurs privés agréés pour définir des stocks stratégiques. En France, nous en sommes loin même si nous considérons que l'État doit être pionnier sur cette question qui relève de la compétence du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Nous n'en avions pas parlé lors du vote de la loi de programmation militaire, mais ce sujet devra être abordé.

Notre collègue du Rassemblement national n'est plus présent pour entendre notre réponse. Nous avons bien compris qu'il était contre tout. Le débat sur la souveraineté à l'échelle européenne oppose notre vision de l'Europe à celle du Rassemblement national. À titre personnel, je considère que la PAC est globalement une réussite, qu'elle renforce la souveraineté nationale en permettant une complémentarité au niveau européen ainsi qu'une politique intégrée.

Sur la question des produits phytosanitaires, le règlement « SUR » a été rejeté par le Parlement européen, en novembre 2023, et la proposition de règlement vient d'être retirée par la Commission européenne il y a quelques jours. Toutefois, on ne pourra pas à l'avenir continuer d'utiliser le même niveau de produits phytosanitaires. À ce titre, les agriculteurs français sont plutôt plus vertueux que leurs homologues en Europe. Paroles d'agriculteurs français, l'avenir nécessitera donc un usage plus raisonné des produits phytosanitaires. La prochaine Commission européenne devra donc proposer une nouvelle initiative en ce sens car la situation des sols agricoles en Europe l'exige.

Madame Sophia Chikirou, je vous remercie d'avoir mis en avant nos recommandations relatives aux investissements étrangers. Il s'agit d'une réflexion qui manque au niveau européen. La France est, là aussi, un pays précurseur : nous sommes plus interventionnistes que libéraux par rapport aux autres pays de l'Union européenne. Le décret de surveillance des investissements étrangers en France (IEF), lancé par Dominique de Villepin, a été un modèle du règlement de filtrage des investissements étrangers. Pour avoir échangé avec la Direction générale du Trésor, sujet sur lequel nos conclusions convergent, si l'on considère l'alimentation comme un enjeu de souveraineté, l'État doit avoir les moyens pour pouvoir intervenir, et empêcher des puissances étrangères hostiles d'accaparer des sols. Il faut en être conscient au niveau européen, ce clivage idéologique oppose interventionnistes et libéraux. La France doit pouvoir contourner la bataille idéologique.

Mme Louise Morel, concernant la comparaison entre les manifestations agricoles françaises et celles en cours dans les autres pays de l'Union, nos travaux ont essentiellement porté sur la première moitié de l'année 2023, antérieure à ces crises. Toutefois, des préoccupations très nationales se manifestent dans ces crises. Par exemple, aux Pays-Bas, il y avait des sujets spécifiquement néerlandais, en France aussi d'ailleurs, concernant les filières fruits et légumes, qui est un point d'alerte. La question des légumes est moins présente au niveau européen car une spécialisation par pays existe et donc une concurrence très forte sur le marché des fruits et légumes.

En France, il faut tirer la sonnette d'alarme concernant les filières des fruits et des légumes. Le maraîchage en France souffre, parole de député Alsacien. La question du revenu, des inégalités entre grandes exploitations et petites exploitations a une dimension européenne, mais elle se pose également dans chaque États membre. La réponse à la crise, quant à elle, a une dimension très nationale. Nous faisons des propositions pour la prochaine Commission européenne et la prochaine législature du Parlement européen parce qu'aux crises nationales, il faut apporter des réponses européennes pour préserver la PAC. Sur la question générationnelle, au-delà du salaire, le déficit d'attractivité du métier d'agriculteur demeure un enjeu en Europe. Les pouvoirs publics, les syndicats et les agriculteurs, en sont conscients et doivent pouvoir y apporter des solutions. La recherche et l'innovation sont des sujets qui se sont imposés auxquels nous n'avions pas pensé au commencement de nos travaux. Beaucoup de spécialistes et certains praticiens nous ont dit que les avancées de la recherche dans le domaine agricole se sont faites il y a un siècle ou plusieurs décennies et qu'aucune novation récente est à relever.

La dégradation des sols en Europe doit devenir une priorité des pouvoirs publics et faire davantage l'objet de recherches sur les mécanismes qui sont à l'œuvre, incluant les impacts sur les produits phytosanitaires, le labourage et le traitement de la terre. Il faut être en mesure de proposer des alternatives, parce que le fameux « pas d'alternative, pas d'interdiction », traduit, en fait, la volonté des agriculteurs qui souhaitent utiliser moins de produits phytopharmaceutiques en ayant une solution alternative. Cette demande est légitime et se manifeste dans toutes les colères agricoles aujourd'hui. Pour qu'il y ait des solutions, il faut de la recherche. Ceci doit être une priorité de l'Europe, du budget de l'Union européenne et de la PAC.

Sur le principe du « pas de solutions, pas d'interdiction », je pense qu'il ne faut pas opposer les agricultures entre elles : ce message est à tenir auprès des agriculteurs. Il existe différents types d'agriculture, du point de vue des filières et des pays. L'agriculture biologique et l'agriculture conventionnelle, sont deux agricultures qui coexistent, elles sont complémentaires, se renforcent et apprennent l'une de l'autre. Il ne faut pas culpabiliser les agriculteurs qui ont fait le choix de rester dans l'agriculture conventionnelle et qui ne veulent pas faire la transition vers l'agriculture biologique.

Sur le concept de souveraineté alimentaire, je comprends votre point de vue. Le concept de souveraineté alimentaire porté par le Président de la République, Emmanuel Macron et qui provient des mouvements altermondialistes, dans les années 1990.

Enfin, quand on parle d'alimentation, on pense à la terre, mais il ne faut pas oublier ce qui provient de la mer dont les poissons et les coquillages. Sur les produits en provenance de la mer, la situation au niveau européen est préoccupante : nous sommes très dépendants de l'extérieur, pour nos importations. Parce que je connais bien le Rhin, j'ai souhaité que l'on travaille également sur la pêche fluviale. Aujourd'hui, de mémoire, en Alsace, il ne reste qu'un ou deux pêcheurs, car les fleuves, dont le Rhin, ont également pâti de l'industrialisation à outrance. Des programmes européens existent pour re-naturer les fleuves et reconstituer des biotopes diversifiés avec des espèces. J'ai conscience que nous sommes dans une stratégie de long terme qui manque de dimension européenne afin de considérer les fleuves comme des gisements et des sources d'alimentation.

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