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Intervention de Rodrigo Arenas

Réunion du mercredi 14 février 2024 à 15h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRodrigo Arenas, rapporteur :

Je me réjouis de la présentation de ce rapport, qui est le fruit d'une collaboration constructive avec mon co-rapporteur. Il prouve, que par-delà nos évidentes différences politiques, il est possible d'établir des diagnostics partagés et de soutenir des propositions communes dans l'intérêt de la France, des Françaises et des Français, mais aussi de l'Europe.

Comme dans tous les épisodes de crise, nous sommes confrontés à un moment crucial, à un enjeu civilisationnel. D'Athènes à Varsovie, de Madrid à Berlin, de Paris à Bruxelles, la colère et la détresse du monde agricole s'expriment à travers toute l'Europe. Les causes sont très différentes à chaque fois, mais les manifestations convergent : nos agriculteurs veulent pouvoir vivre de leur travail. Ces hommes et ces femmes se sont donné la mission noble et vitale de nous nourrir. Ils produisent les céréales de nos pains, les fruits de nos tables, le lait de notre enfance. Ils sont essentiels, mais dans leur grande majorité, ils souffrent. En 2023, les revenus agricoles ont diminué à cause de l'augmentation spectaculaire des charges, en particulier l'énergie et le prix des engrais. En outre, leurs prix de vente sont à la baisse, alors que les prix des consommateurs augmentent et que les marges des grandes entreprises, elles, explosent. C'est la crise de toute une chaîne, dont ces hommes et ces femmes ne sont que des maillons, fortement endettés, prisonniers d'un système industriel et financier qui leur échappe et les écrase. Tous les acteurs ne sont pas concernés, puisque le monde agricole est extrêmement divers et inégalitaire. Les aides européennes, essentielles à l'équilibre financier de nombreuses exploitations, vont en majorité écrasante vers une petite minorité. C'est une injustice de plus à laquelle nous devons faire face.

Les auditions et les conclusions de notre rapport sont claires. Les indicateurs de souveraineté alimentaire européenne sont au vert, pour le moment. Après soixante ans d'existence, la PAC a rempli sa mission : notre continent exsangue et affamé au sortir de la guerre est aujourd'hui autosuffisant et se permet même de nourrir le monde par l'exportation de ses surplus. Mais cette puissance est fragile, hautement intégrée aux marchés mondiaux et fortement dépendante des importations d'intrants chimiques, mécaniques et caloriques. Notre agriculture européenne et française est aujourd'hui un colosse aux pieds d'argiles. Les agronomes, les pédologues, les climatologues nous indiquent que menace qui pèse le plus fortement sur notre souveraineté alimentaire réside dans le modèle même. Le ver est dans le fruit. La fuite en avant du productivisme et du rendement agricoles menace les revenus des agriculteurs, les jette dans des spirales d'endettement et les mène aux faillites et à commettre des gestes désespérés. Toujours plus de pesticides, d'engrais de synthèse, de chimie et d'exportations. Travailler plus pour gagner de moins en moins, à mesure que s'épuisent les sols et les ressources de la nature.

Ce rapport nous invite à porter un autre regard sur notre souveraineté alimentaire en France et en Europe. L'épuisement de la terre constitue la plus grande menace. Et comme chacun le sait, « la terre, elle, ne ment pas ». Nous assistons à la fin des sols lessivés, épuisés, dopés aux engrais ; à l'effondrement de la biodiversité, éradiquée à coups de pesticides ; à l'eutrophisation de nos rivières, étouffées par les pollutions agricoles et l'épuisement des hommes. En effet, une catastrophe sociale se dessine à côté de la catastrophe écologique qui est en marche. Le vieillissement de nos agriculteurs et l'absence de successeurs ressemblent à un grand plan social, lent et culturellement dévastateur, qui vide nos campagnes et accélère la concentration des terres aux mains de l'agro-industrie et des puissances financières. Nous sommes à un moment crucial, où se joue l'avenir de notre souveraineté alimentaire. Qui va nous nourrir ? Les grands groupes agro-industriels, qui veulent « ubériser » les paysans, privatiser l'eau et accaparer la terre, ou l'agriculture paysanne ? Contrairement à ceux qui exploitent les détresses pour leurs propres gains électoraux, nous ne devons pas abandonner la transition vers l'agroécologie. Par ailleurs, nous ne devons plus conclure de traités de libre-échange sans clauses miroirs, où l'alimentation est réduite à une variable d'ajustement. Nous devons rétablir la justice dans la distribution de la PAC, nous devons accompagner financièrement et administrativement nos agriculteurs, faciliter le remplacement des générations, ainsi qu'encourager les installations et le renouvellement des pratiques. La qualité et la pérennité de notre alimentation en dépendent.

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