La séance est ouverte à quinze heures cinq.
La commission poursuit l'examen de la proposition de loi abrogeant le recul de l'âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d'une conférence de financement du système de retraite (n° 1164) (M. Charles de Courson, rapporteur).
Nous poursuivons l'examen des amendements de la proposition de loi abrogeant le recul de l'âge effectif de départ à la retraite et proposant la tenue d'une conférence de financement du système de retraite.
Madame la présidente, de la proposition de loi dont vous venez de donner le titre, vous voudriez que ne soit examinée le 8 juin que la disposition relative à l'organisation d'une conférence de financement des retraites, en magouillant, je le redis, pour que les 577 députés – représentants du peuple dont bon nombre ont été élus pour lutter contre votre réforme –, ne puissent pas discuter et voter contre la retraite à 64 ans.
Pour ne pas perdre le vote, vous êtes en train de transformer la loi en utilisant un moyen inacceptable. Je veux le redire avec solennité, vous ne pouvez pas vous considérer comme au-dessus de la Constitution, au-dessus du droit fondamental des parlementaires, c'est-à-dire le droit d'amender. Comme vous avez manqué de le faire avec l'article 40 limitant l'initiative parlementaire, avec le refus d'examiner les sous-amendements, vous créez un précédent inacceptable, anticonstitutionnel – le mot a été beaucoup entendu ces derniers temps – et très dangereux.
L'article 41 du Règlement dispose que le président de chaque commission « a le pouvoir d'organiser les travaux de celle-ci » ; cela ne vous donne pas le pouvoir de choisir les amendements que nous pouvons discuter ou non. Ce que vous êtes en train de faire est très grave pour notre démocratie. Vous êtes des dangers pour la démocratie !
(Applaudissements.)
Nous n'allons pas continuer à examiner les amendements comme si rien ne s'était passé, en fermant les yeux sur l'acte d'autoritarisme incroyable que vous avez commis. Madame la présidente, vous abaissez l'Assemblée nationale !
Madame la présidente, nous n'acceptons pas la décision que vous avez soumise au bureau, car nous pensons qu'elle crée un précédent grave pour les droits des parlementaires et pour la démocratie. L'enjeu est clair, il est de savoir si l'Assemblée nationale pourra se prononcer sur la question de l'âge légal de départ à la retraite. Et cela dépendra de ce qui se passe aujourd'hui. Nous pensons qu'elle doit se prononcer, et c'est sans doute pourquoi Charles de Courson a déposé cette proposition de loi.
Après que la présidente de la commission a empêché l'examen des sous-amendements – même si je n'en ai pas déposé, ce droit doit être défendu –, la présidente de l'Assemblée nationale nous empêchera-t-elle, en plus, de déposer et de défendre un amendement rétablissant le texte initial, que vous avez vidé de sa substance ?
Le film n'est pas tout à fait fini mais, pour ce qui nous concerne, compte tenu de la décision que vous avez prise de nous empêcher de discuter et de porter à nouveau atteinte aux droits du Parlement, nous allons vous laisser tranquilles, entre vous, puisque c'est comme ça que vous êtes bien. On ne veut pas déranger !
Ce qui s'est passé ce matin est inédit dans l'histoire parlementaire de la Ve République. Sans sourciller, vous avez bafoué le droit le plus élémentaire de notre mandat de député. Vous avez ôté au Parlement le peu de forces qui lui restent.
Sans sourciller, vous avez nié le droit d'amendement des parlementaires, qui est pourtant protégé par l'article 44 de la Constitution. Les sous-amendements sont indissociables du droit d'amendement : ils sont sanctifiés par le Conseil constitutionnel et ont été reconnus comme tels depuis 1986 – si le terme « sanctifié » déplaît à mes collègues, je dirai qu'ils sont « protégés », comme la norme suprême que vous vous êtes empressés de bafouer ce matin.
Madame la présidente, vous l'avez dit en début de réunion, votre seul pouvoir pour écarter l'examen d'un amendement est de prononcer une irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution. Vous n'avez pas prononcé d'irrecevabilité. Le droit, rien que le droit, et certainement pas le fait arbitraire d'écarter de l'examen des amendements qui ne vous plairaient pas. La présidente de la commission n'en a pas le pouvoir ; le bureau de la commission, non plus.
Rendez-vous compte, madame la présidente, comment, sans sourciller, nous nous éloignons dangereusement du chemin démocratique. Rendez-vous compte du précédent que vous créez, en autorisant n'importe quel président de commission ou de séance – deux sont issus du Rassemblement National – à refuser d'examiner des amendements selon leur bon vouloir, en dehors de toute règle, de tout cadre.
Sans droit, nous ne faisons pas de politique. Sans règle, nous menaçons l'édifice de nos institutions. Je le dis avec gravité, parce que vous vouliez éviter de discuter du report de l'âge légal – que vous nous avez imposé sans vote –, vous vous êtes assis sur la légalité même. Nous ne pouvons cautionner cela, et nous partirons.
Cette réforme des retraites, qui a mobilisé de manière historique – l'union syndicale n'a jamais été aussi large, ni aussi solide –, notre assemblée n'en a jamais voté le texte : il y a eu des 49, alinéa 3, sur un projet de société, qui touche en premier les plus vulnérables de notre société.
Le groupe LIOT, qui n'est pas d'ultragauche, ni d'extrême gauche, ni « extrêmement de gauche », comme vous le dites sur tous les plateaux, ce groupe, qui est centriste, a pour volonté de garantir le fonctionnement démocratique. Estimant qu'en première lecture, ce projet de loi avait été bafoué et n'avait pas été étudié comme il aurait dû l'être, il a déposé une nouvelle proposition de loi dans sa niche parlementaire. Vous saisissez cette occasion pour aller chercher des articles jamais usités dans le Règlement de l'Assemblée nationale. Et ce matin, vous avez créé un précédent, vous avez franchi la ligne rouge de ce qui n'est pas autorisé par le Règlement.
Nous constatons notre impuissance à contrer votre volonté de toute-puissance et de ne pas perdre la face. Notre rôle de parlementaire ne sert plus à grand-chose. Nous le constatons et nous partons.
(Les députés Ecolo - NUPES, GDR - NUPES, LFI - NUPES et SOC quittent la salle.)
C'est une fausse idée que celle que le droit d'amendement est sans limite. Le droit d'amendement n'est pas absolu : il est encadré. Une abondante jurisprudence constitutionnelle explique qu'il ne doit pas être détourné. Le Conseil constitutionnel a ainsi plusieurs fois jugé que le droit d'amender doit être limité quand il est utilisé à des fins autres que de faire la loi. Le 17 mai 1973, notamment, il a estimé que l'utilisation d'une procédure à des fins autres que celles auxquelles elle doit constitutionnellement servir est interdite. Dans une décision du 13 janvier 1994, il a considéré que la restriction au droit d'amendement « doit être appréciée au regard du contenu des amendements [...] et des conditions générales du débat ».
C'est un abus de prétendre que le droit d'amendement est sacré, « sanctifié » et qu'il ne connaît aucune limite. Ce droit peut être apprécié eu égard à l'utilisation réelle de ces amendements. Or nous avons été confrontés à de l'obstruction. Ce n'est que le droit constitutionnel qui s'applique.
Je regrette que nos collègues soient partis ; le débat était intéressant. La France insoumise semble avoir décidé de donner des cours de morale sur le Règlement de l'Assemblée et le respect de la Constitution. Ses membres se drapent dans la Constitution, qu'ils n'ont jamais lue, alors qu'ils sont les premiers à la bafouer quand elle ne les arrange pas. Toute leur démonstration repose sur le 49, alinéa 3, qu'il ne serait pas bien d'employer. Or c'est un emploi constitutionnel qui en a été fait. On peut le regretter, en faire un sujet de débat démocratique, mais le fondement de la démocratie, c'est la Constitution, ce n'est pas un article de journal ou un programme électoral. Là sont les bases fondamentales de notre démocratie et quiconque tente de s'en exonérer, par nature, s'éloigne de la démocratie.
Quant à l'article 40, je le connais bien. Je dois être le seul ici à l'avoir manié autant pendant cinq ans. Normalement, le président de la commission des finances est le gardien du temple de l'article 40 – c'est, en tout cas, l'esprit des textes. Pour des questions partiales, politiques, le président de la commission des finances LFI a décidé de s'exonérer de l'article 40, alors que celui-ci ne tient à aucune considération politique : le texte crée une charge ou n'en crée pas. Cette charge ne se constate pas au moment du dépôt, la vérification de la conformité à l'article 40 intervient lorsque les choses deviennent sérieuses et si un député le demande. En l'espèce, il y a eu vérification et, de façon manifestement anormale, le président LFI a décidé que la proposition ne constituait pas une charge, donc qu'elle était recevable au titre de l'article 40. Or, compte tenu de la présence d'un gage, l'article 40 devait s'imposer et nous n'aurions pas dû avoir toutes ces discussions.
Nous acceptons le débat, mais les députés LFI ne peuvent pas parler comme ils le font. Je respecte évidemment la décision du bureau, qui est pleine de bon sens.
Je suis d'accord avec M. Delaporte, ce qui s'est passé ce matin est inédit, mais par la violence : en fin de séance, on dépassait les 100 décibels. Je souffre de problèmes d'audition et j'ai failli quitter la salle en raison des acouphènes, des vibrations et des vertiges. On ne peut pas accepter de tels comportements dans une salle de commission ou dans l'hémicycle. Les présidents et les vice-présidents devraient avoir la possibilité d'exclure les personnes qui se comportent de la sorte. J'espère qu'une solution sera trouvée et qu'une disposition sera intégrée dans le Règlement, si elle n'existe pas déjà.
Je suis ravi que le calme soit revenu, tout en regrettant l'absence de la NUPES, car elle fait partie de la représentation nationale. Je réponds tout de même à M. Delaporte, qui s'inquiétait que l'Assemblée compte deux vice-présidents du Rassemblement National : comme lui, Hélène Laporte et Sébastien Chenu ont été élus par les Français, d'abord, dans leur circonscription, puis par leurs pairs, au sein de l'hémicycle. Lors de la réunion du bureau, M. Delaporte craignait l'arrivée au pouvoir du Rassemblement National. Si les Français nous font confiance, nous serons les premiers à respecter la Constitution, le droit des parlementaires, leur liberté, leur capacité d'initiative, donc leur droit à déposer des amendements, quoi qu'il en coûte.
La Constitution offre la possibilité de faire des référendums. Nous avions déposé une motion référendaire pour donner aux Français la possibilité de se prononcer par référendum, mais la NUPES ne l'a pas votée. Tout cela pour dire que le Rassemblement National est très attaché au respect de la Constitution et des institutions.
Ce n'est pas la première fois qu'une assemblée parlementaire refuse l'examen de sous-amendements, dès lors qu'ils sont déposés de manière abusive, à des fins d'obstruction. Nous sommes favorables au débat, à la démocratie, à ce que les parlementaires puissent voter. Mais nous disons non à l'obstruction. Nous partageons toutes et tous ce point de vue. J'espère que les députés de la NUPES, qui ont quitté la salle, ce qui est dommage, l'entendront. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs validé le refus du Sénat d'examiner des sous-amendements.
Article 2 : Conférence de financement du système des retraites (suite)
Amendements AS10 et AS11 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune).
Je défendrai également l'amendement AS80.
Je comprends que l'on puisse être opposé à la réforme du Gouvernement, et considérer que l'âge légal de départ à la retraite n'est plus un critère décisif, suffisant ou juste, compte tenu de l'évolution démographique, qui portera bientôt une atteinte définitive au système par répartition. Mais si l'on compte s'éloigner d'une solution de financement par l'augmentation de l'âge légal, on doit dire ce que l'on propose à la place. La proposition de loi n'en a pas le courage. Les collègues de la NUPES diraient certainement qu'ils veulent plus de taxes et d'impôts ; d'autres, qu'ils préfèrent la capitalisation. Cela changera le vote que nous ferons le 8 juin.
Les deux premiers amendements avaient pour objet d'avancer la conférence de financement, qui doit avoir lieu le plus tôt possible. Le troisième vise à ajouter aux thèmes de la conférence l'analyse « des conséquences du déclin accéléré de notre natalité ». Le problème est là : quand on se retrouvera à 1,2 retraité pour 1 actif, l'âge légal de 64 ans, voire 70 ans, ne suffira plus ; il faudra réduire les pensions.
Avancer la date de la conférence de financement de sorte que ses conclusions coïncident avec l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), l'idée est sympathique. Mais il faut laisser le temps aux partenaires sociaux de discuter. Cela prend du temps : on le voit dans la plupart des discussions. C'est pourquoi je vous suggère de retirer les deux premiers amendements.
Le troisième soulève un problème de fond : on ne peut pas juger de l'âge légal, et surtout de l'âge effectif de départ à la retraite, indépendamment de la natalité dans le pays. En France, cet âge est de 63 ans et demi, et il est de 65 ans en Allemagne, avec un indice de fécondité de 1,5, contre 1,8 chez nous. Au Japon, où l'indice de fécondité est tombé à 1,1 ou 1,2, on travaille jusqu'à 68, 69 ou 70 ans !
Notre collègue a donc raison de poser la question. Je ne serai toutefois pas favorable à son amendement, qui n'est pas adapté aux délais impartis. En outre, un problème fondamental comme la natalité mériterait une conférence spéciale.
L'idée d'avancer la date de la conférence de financement au 31 août 2023 est intéressante. La rendre compatible avec l'examen du PLFSS aurait du sens.
Monsieur le rapporteur, dans votre rapport, vous ne citez aucune audition, notamment des partenaires sociaux. Vous en avez évoqué une hier, à laquelle j'aurais souhaité participer, mais je n'y ai pas été associé. Il m'aurait intéressé de connaître les propositions des partenaires sociaux sur cette éventuelle conférence de financement.
Les partenaires sociaux ne sont pas les seuls à mobiliser pour cette conférence. Ils ont eu des mois pour réfléchir et avancer des propositions. En outre, l'idée n'est pas d'arriver avec des idées toutes faites, mais d'organiser ce débat. Avancer la conférence au 31 août ou plus tôt ne semble donc pas saugrenu.
Par ailleurs, si l'on ne trouve pas la clef du rebond de la natalité, toutes les autres solutions, hormis les solutions fiscales les plus absurdes, seront insuffisantes pour financer les retraites. On tombera dans des systèmes assurantiels individuels, et, à un moment donné, dans la capitalisation. Il vaut mieux dire la vérité aux gens et s'y préparer le plus tôt possible.
Tous les membres de la commission ont reçu une invitation par voie électronique, comme pour toutes les auditions. Certains collègues ont d'ailleurs participé au débat, qui a réuni quatre des cinq syndicats de salariés – la CFTC s'est excusée –, ainsi que des syndicats patronaux. Leurs représentants ont des propositions, qui sont d'ailleurs assez différentes les unes des autres.
Sur le fond, notre collègue Di Filippo a raison de soulever la question du différentiel des indices de fécondité entre les pays et les conséquences sur l'âge effectif de départ à la retraite. Il ne faut cependant pas trop charger la barque. Sinon, nous ne tiendrons jamais les délais compatibles avec l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. La proposition de M. Di Filippo pourrait être intégrée d'ici au 15 septembre ou, dans une loi rectificative, dès le mois de janvier – il y a un précédent, que vous connaissez tous.
Monsieur le rapporteur, je regrette que les membres de la NUPES, dont vous êtes la nouvelle égérie, ne vous entendent pas évoquer la natalité, car à chaque fois que j'ai essayé d'en parler dans ce débat animé, je n'ai reçu de leur part que des quolibets ou du mépris. Je l'ai souvent dit, le taux de fécondité en France est de 1,7 alors que les femmes désirent plutôt 2,5 enfants. Il suffirait d'envoyer des signaux qui permettraient aux femmes françaises d'avoir les enfants dont elles ont envie. Il n'était évidemment question de forcer personne – seule Sandrine Rousseau a pu le penser.
Ne pas supporter la natalité est inimaginable en matière de retraites. On le sait, François Bayrou l'a dit, on ne peut pas, dans le système français, faire fi de cette donnée. La natalité doit être florissante pour que ce modèle fonctionne. Ne pas la supporter, c'est être antisocial. Nous avons tous nos contradictions, monsieur de Courson, mais vos alliés de circonstance sont très loin de penser comme vous.
Je crois avoir été ouvert à l'idée de notre collègue Di Filippo. Vous l'avez rappelé, toutes les enquêtes montrent que les femmes françaises ont en moyenne un enfant de moins que le nombre d'enfants qu'elles souhaitaient. Les raisons sont variées : problèmes de compatibilité avec la vie professionnelle, moyens financiers, etc. Une vraie politique de long terme sur les retraites aborderait ce sujet, dans une ambiance ouverte, pour étudier les moyens à déployer, comme les prestations ou les crèches, afin d'encourager les femmes qui le souhaitent à avoir un enfant de plus.
Je ne donne pas un avis favorable au troisième amendement pour une raison de calendrier, mais il serait intéressant d'organiser une conférence sur la natalité avec les différents courants sociaux et politiques. La question conditionne à moyen ou long terme nos problèmes de retraite.
La commission rejette successivement les amendements.
Puis, suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement AS80 de M. Fabien Di Filippo.
Amendements AS14, AS13, AS15, AS12 et AS18 de M. Fabien Di Filippo.
Les quatre premiers amendements de cette série visent à compléter la liste des participants à la conférence : en plus des partenaires sociaux et des citoyens, il me paraît souhaitable de prévoir que le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) soit représenté, ainsi que des associations d'élus, des membres de la direction de chaque caisse de retraite et des membres des services de prévention et de santé au travail.
L'amendement AS18 vise quant à lui à corriger une coquille : il convient d'écrire le mot « représentant » au pluriel.
Je suis favorable à l'amendement AS13, dont l'objet et d'intégrer des associations d'élus, ce qui me semble souhaitable, ne serait-ce qu'en raison de l'existence de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales.
Je suis également favorable à l'amendement AS18, qui est rédactionnel.
Je suis défavorable aux trois autres. La fonction du HCFP est de conseiller. Si les membres de la conférence souhaitent l'auditionner, cela pourrait être intéressant, mais il n'y a pas lieu d'intégrer le HCFP en tant que tel. L'argument est le même en ce qui concerne des membres de la direction de chaque caisse de retraite. Ces personnes pourront éclairer la conférence, par exemple en lui fournissant des simulations. Il est d'autant moins souhaitable d'en faire des membres de la conférence qu'il s'agit de fonctionnaires, au moins pour ce qui concerne les directeurs. Il en va de même pour les membres des services de prévention et de santé au travail.
Je remercie beaucoup le rapporteur pour son approche constructive. Pour gagner un peu de temps, je retire les amendements auxquels il est défavorable.
Les amendements AS14, AS15 et AS12 sont retirés.
La commission rejette l'amendement AS13 puis adopte l'amendement AS18.
Amendements AS81, AS16 et AS17 de M. Fabien Di Filippo.
L'amendement AS81 vise à supprimer la référence à la participation de citoyens non identifiés à la conférence. De la même façon, nous avons critiqué le système des conventions citoyennes.
Qui plus est, le dispositif proposé ici est flou : s'agira-t-il de tirer au sort des personnes qualifiées pour avoir un avis sur les retraites ? Les deux amendements suivants visent à préciser les choses.
Je suis défavorable à l'amendement AS81.
En ce qui concerne l'amendement AS16, M. Di Filippo soulève un vrai problème. Mon idée était plutôt, en réalité, de faire participer des associations de retraités. Néanmoins, j'émets un avis favorable, tout en me réservant la possibilité de réécrire cette partie du texte d'ici à la séance.
Quant à l'amendement AS17, j'en demande le retrait, car nous travaillons sur les modalités de désignation des citoyens en question.
Je retire l'amendement AS17 et remercie M. le rapporteur pour son avis favorable sur l'amendement AS16.
Je maintiens toutefois l'AS81, car nous avons une véritable différence conceptuelle : je suis opposé au fait que des citoyens non identifiés participent à la conférence.
L'amendement AS17 est retiré.
La commission rejette successivement les amendements AS81 et AS16.
Amendements AS73, AS75, AS77, AS74 et AS76 de M. Fabien Di Filippo.
Ces amendements visent à préciser les sujets qui devraient être spécifiquement abordés au cours de la conférence afin d'avoir une approche prospective. L'amendement AS73 est d'ordre général : il s'agit du niveau des pensions dans les différents secteurs d'activité. Les amendements suivants déclinent la proposition par secteur : les indépendants, dont les systèmes de retraite restent fragiles ; les fonctionnaires, qui ont un régime particulier ; les retraités veufs ; enfin, l'industrie, secteur qui peine beaucoup à attirer de la main-d'œuvre mais qui est capital pour notre économie.
Avis favorable sur l'amendement AS73, qui englobe les autres, et défavorable aux suivants.
Le niveau des pensions de retraite dans les différents secteurs d'activité est extrêmement divers, en effet, d'autant plus qu'aux régimes de base viennent s'ajouter les régimes complémentaires. Pour les professionnels libéraux, par exemple la retraite complémentaire représente la part la plus importante de la pension. Il en va de même pour les cadres dépendant du régime général. La précision que vous proposez d'apporter est donc utile.
Les amendements AS75, AS77, AS74 et AS76 sont retirés.
La commission rejette l'amendement AS73.
Amendements AS37 et AS38 de M. Philippe Juvin.
À travers l'amendement AS37, nous demandons que la conférence de financement propose des pistes afin d'harmoniser les pensions de réversion.
L'amendement AS38 porte, quant à lui, sur l'amélioration de l'emploi des seniors.
En ce qui concerne l'amendement AS38, l'emploi des seniors était l'un des trous béants du projet de loi relatif aux retraites, ce que M. Juvin ne s'était pas privé de dire lors du débat. Engager une réforme des retraites sans aborder cette question était totalement inadapté. Avis favorable.
Lors de l'examen du projet de loi, j'avais souligné l'absence de volet relatif aux droits familiaux. M. Dussopt nous avait alors dit qu'il demanderait au Conseil d'orientation des retraites d'établir un état des lieux. En effet, dans les quarante-deux régimes, il doit y avoir au moins douze ou treize situations différentes, que ce soit pour les pensions de réversion ou les majorations pour enfants. Je suis défavorable à l'amendement AS37, mais pas sur le fond ; simplement, il ne faut pas trop charger la barque.
À titre personnel, je trouve très intéressant l'amendement AS37. Au-delà des postures politiques auxquelles nous avons de nouveau eu droit ce matin, la plupart des personnes – en tout cas celles qui sont venues me voir dans ma permanence au moment de l'examen du projet de loi – s'interrogent sur la cohérence des règles. Certaines d'entre elles trouvent leur source dans l'histoire mais ne sont plus compréhensibles. Le système est complexe, surtout pour les polypensionnés. Il en va de même pour les pensions de réversion et la prise en compte des enfants, qui n'est pas évoquée dans cet amendement, mais qui est sous-jacente. Notre assemblée aurait donc tout intérêt à se saisir de la question de l'harmonisation des droits sociaux, car ces derniers suscitent beaucoup d'incompréhension.
La commission adopte successivement les amendements.
Amendement AS39 de M. Philippe Juvin.
Cet amendement vise à aborder ce qui constitue le grand impensé de la réforme : compte tenu du niveau de la natalité, un système de retraite par répartition n'est pas soutenable. Un des grands enjeux est donc de relancer la politique de natalité. Les Républicains considèrent que le fait d'avoir miné l'universalité des allocations familiales, qui était l'un des piliers de notre système de solidarité, constitue l'une des raisons de la chute de la natalité. Nous souhaitons donc que le travail mené au sein de la conférence aborde la question de la natalité. Nous devons faire en sorte d'avoir enfin une politique familiale digne de ce nom.
Je suis tout à fait favorable sur le fond, mais, si nous voulons que la conférence rende ses conclusions dans des délais raisonnables, par exemple de manière à les intégrer dans une loi de financement de la sécurité sociale, il ne faut pas trop charger la barque. Du reste, le sujet est très vaste : pour moi, il relèverait plutôt d'une autre concertation, intégrant aussi les droits familiaux.
À quand une tribune des Républicains dans le Journal du dimanche consacrée à la natalité ? Après avoir copié notre programme en matière d'immigration, les voilà qui reviennent à la raison en ce qui concerne la natalité ! C'est une victoire programmatique et culturelle du Rassemblement National. Décidément, je ne regrette pas d'être venue !
Le groupe Démocrate, attaché à la politique familiale, soutiendra l'initiative de M. Juvin : la démographie a une incidence importante sur le nombre de cotisants et de retraités. Or, depuis quelques années, en raison de décisions qui se sont révélées lourdes de conséquences, la natalité est en baisse. Nous devons avoir une vision plus large et mener une réflexion prospective sur la question.
La commission adopte l'amendement.
Amendements AS78 et AS79 de M. Fabien Di Filippo.
L'alinéa 2 prévoit que le Gouvernement remettra, avant le 31 juillet 2024, un rapport au Parlement décrivant les solutions examinées et les nouvelles pistes de financement proposées par la conférence. L'amendement AS78 vise à demander « un rapport sur l'effet d'une modification de l'âge légal de départ sur les pensions de réversion », et l'amendement AS79 un rapport relatif aux conséquences de la mesure sur les retraites agricoles. Ces deux questions sont très sensibles : elles ne doivent pas être oubliées. Néanmoins, il s'agit d'amendements d'appel ; je les retire.
Les amendements sont retirés.
Amendements AS19 et AS20 de M. Fabien Di Filippo (discussion commune).
De la même façon que j'ai voulu avancer la date de la conférence, je propose d'avancer celle de la remise du rapport. D'ailleurs, la question du financement va se poser très rapidement – nous le voyons avec le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale. Aussi, je demande que le rapport soit remis, non pas le 31 juillet 2004, mais le 1er janvier – à défaut, le 1er mars 2024 ; c'est l'objet de l'amendement AS20.
Nous avons déjà débattu de cette question et voté contre votre proposition. N'allons pas trop vite : il faut laisser le temps aux partenaires de trouver une majorité. Si cela arrive avant la date fixée, tant mieux. Je vous demande de retirer vos amendements, monsieur Di Filippo.
Il est vrai qu'à partir du moment où la date de la conférence n'a pas été avancée et que celle-ci doit avoir lieu au plus tard le 31 décembre, il devient difficile de remettre un rapport le 1er janvier suivant, même en ayant une nuit du réveillon très studieuse... Pour l'instant, je retire mes amendements, mais je les déposerai peut-être à nouveau en vue de la séance, car j'espère que l'amendement avançant la date de la conférence sera adopté à ce stade.
Les amendements sont retirés.
Amendements identiques AS27 de M. Fabien Di Filippo et AS28 de Mme Isabelle Valentin.
Il s'agit d'un amendement, sinon rédactionnel, en tout cas apportant une précision sémantique importante. Le rapport remis au Parlement par le Gouvernement « peut donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat », est-il écrit : je propose de remplacer les mots « peut donner » par le mot « donne », qui est plus impératif.
Fallait-il une réforme des retraites ? Oui. Fallait-il un débat démocratique au Parlement sur ce sujet ? Bien évidemment. Malheureusement, aucun débat n'a eu lieu dans l'hémicycle, car tout l'arsenal des outils législatifs a été utilisé, ce qui a créé un climat délétère dans notre pays. C'est très grave. Cela dit, ce qui s'est passé ce matin au sein de notre commission – je veux parler du comportement de la NUPES – est totalement inacceptable. J'espère, madame la présidente, que des conclusions en seront tirées : peut-être faudrait-il consigner certains principes de fonctionnement dans notre Règlement afin que de tels événements ne se reproduisent pas.
La retraite est avant tout le fruit d'une vie de travail. La réforme des retraites doit donner lieu à une vraie concertation sur ce que devraient être le travail, la flexibilité au travail, le droit du travail – lequel doit être modifié –, l'assurance chômage, ainsi que la politique familiale. Aborder la question des retraites à travers le seul prisme budgétaire ne correspond pas à ce que devrait être une réforme en la matière.
La tenue d'une grande conférence de financement impliquant notamment les partenaires sociaux permettra d'étudier les solutions existantes et d'envisager de nouvelles pistes de financement. Afin que ces solutions et ces nouvelles pistes soient restituées de la manière la plus démocratique possible, le rapport doit donner lieu à un débat à l'Assemblée nationale et au Sénat. Tel est l'objet de ces amendements.
Nous avions hésité entre « peut donner » et « donne », car il est toujours à craindre que le fait de donner des ordres au Gouvernement soit considéré comme contraire à la Constitution. Après réexamen, il semblerait que ce ne soit pas le cas en l'espèce.
Avis favorable.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 2 modifié.
Article 3 : Gage financier
Amendement de suppression AS1038 de M. Charles de Courson.
Pour satisfaire les conditions de recevabilité exigées par le Bureau de l'Assemblée nationale, nous avions prévu un gage. À ce propos, les produits du tabac rapportent environ 15 milliards d'euros, alors que l'impact de notre proposition de loi est de 270 millions brut, soit entre 170 et 180 millions net en 2023. Selon mes calculs, cela correspond à quelques centimes sur un paquet de tabac. C'est epsilon ! Toutefois, dans la mesure où la commission a rejeté l'article 1er, je vous propose de supprimer le gage : il n'a plus d'objet.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 non modifié.
Titre
Amendement AS24 de M. Alexandre Vincendet.
C'est l'article 1er qui représentait un péril pour notre système de retraite. Comme il a été supprimé, je retire mon amendement.
L'amendement est retiré.
Amendements AS5 et AS4 de M. Fabien Di Filippo.
Je suis un peu surpris que le gage ait été conservé alors qu'il n'y a plus rien à gager dans le texte, mais ce n'est pas grave... Dans le pire des cas, cela pourrait inciter les fumeurs à réduire leur consommation !
L'objet de l'amendement AS5 est de préciser que l'abrogation du recul de l'âge de départ à la retraite ne peut avoir lieu qu'après que des solutions auront été dûment établies par la conférence de financement.
L'amendement AS4 est davantage d'ordre sémantique. Je le retire.
La proposition de loi n'abroge pas la mesure relative à l'âge de départ à la retraite, puisque l'article 1er a été repoussé. La sagesse voudrait donc que vous retiriez aussi l'amendement AS5, monsieur Di Filippo.
L'article 1er a été supprimé, mais pas la conférence. Or mon amendement a pour objet de signifier qu'il n'est pas possible de revenir sur la mesure d'âge tant que cette conférence n'aura pas trouvé des solutions pour financer le système de retraite. Il a donc plus de sens que jamais.
L'amendement AS4 est retiré.
La commission rejette l'amendement AS5.
Puis elle adopte l'ensemble de la proposition de loi modifiée.
La réunion est suspendue de seize heures à seize heures vingt.
La commission procède ensuite à l'examen du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale de l'année 2022 (n° 1268) (Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale).
Hier après-midi, nous avons auditionné M. le ministre de l'action et des comptes publics et procédé à la discussion générale sur ce projet de loi, inscrit à l'ordre du jour de la séance publique le mardi 6 juin.
Article liminaire : Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour l'année 2022
Amendement de suppression AS1 de Mme Joëlle Mélin.
Chacun connaît parfaitement notre opposition de forme et de fond à ce projet de loi. L'article liminaire est imposé par la loi. Faute de pouvoir le modifier, nous en demandons la suppression.
Sur la forme, il s'agit d'une disposition qui n'existait jusqu'à présent que dans les comptes privés. Cette évolution, assumée comme telle, vise à adapter nos comptes sociaux au Semestre européen, donc à rassurer des financiers agissant à d'autres niveaux que l'échelon national, ce que nous avons du mal à envisager.
Sur le fond, cette photographie à l'instant t n'est pas exempte d'incertitudes, notamment les 5,8 milliards d'euros baptisés « erreurs », qui sont en réalité des créances non recouvrables en raison de grosses difficultés informatiques dans divers services.
Il ne nous est pas possible d'admettre ces tableaux consolidés. Faute de pouvoir les rejeter, nous demandons la suppression de l'article liminaire.
Avis défavorable.
L'article liminaire a été adopté par la commission lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Il met en évidence un excédent des administrations de la sécurité sociale à hauteur de 0,3 % du PIB.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte liminaire non modifié.
Article 1er : Approbation des tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2022
Amendements de suppression AS2 de Mme Joëlle Mélin et AS12 de M. David Guiraud.
Nous refusons d'approuver un tableau d'équilibre insincère pour l'essentiel, compte tenu du rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale et du rapport de certification publiés par la Cour des comptes, et des observations et propositions relatives à la fraude formulées par M. le ministre de l'action et des comptes publics, qui suggèrent que les comptes de 2022 la couvrent en partie. Nous demandons donc la suppression de l'article 1er.
Nous demandons la suppression de l'article 1er comme du projet de loi dans son ensemble, en ce jour un peu triste pour la démocratie.
Aujourd'hui, nous avons examiné, non sans incidents, une proposition de loi visant à annuler une loi que vous justifiez, chers collègues de la majorité, par un déficit de 12 milliards d'euros – creusé par vous depuis cinq ans, mais c'est un autre débat. Et qu'apprend-on à la lecture du projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022 ? Que 67 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales ont été octroyés en 2022, soit presque cinq fois plus, en une seule année, que le déficit justifiant votre réforme des retraites !
Pour la branche vieillesse, les exonérations de cotisations sociales représentent 17 milliards. Quant à la dette covid, transférée à la sécurité sociale, elle aurait dû être imputée à l'État, qui a fait le choix de confiner la population, ce qui était une décision politique. Pourquoi la sécurité sociale doit-elle assumer une dette de 136 milliards, imputée à la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades) ? L'État peut faire rouler la dette ; la Cades doit rembourser la dette et les intérêts dans leur intégralité.
Nous avons affaire – c'est cohérent avec le débat que nous avons eu tout à l'heure – à un projet méthodique de destruction de la sécurité sociale.
Avis défavorable.
Madame Mélin, vous ne pouvez pas dire que les comptes de la sécurité sociale pour 2022 sont insincères. La Cour des comptes a rappelé devant notre commission, la semaine dernière, qu'ils sont sincères, nonobstant la non-certification de la branche famille.
Monsieur Guiraud, vous avez raison, mais l'article 1er démontre que les recettes ont surtout augmenté grâce à notre politique orientée vers le travail, qui augmente la masse salariale.
C'est parce que nous avons travaillé sur le taux d'emploi que nous avons consolidé notre système de sécurité sociale. Quant aux exonérations de cotisations, elles sont compensées auprès de la sécurité sociale par le budget général.
Les exonérations de cotisations sont compensées à hauteur de 91 %. Le reste représente 6 milliards d'euros de déficit par an, soit, en deux ans, le déficit avancé pour justifier la réforme des retraites.
La façon dont elles sont compensées pose un problème plus grave. Vous les compensez en affectant un montant croissant de TVA, un impôt difficile à acquitter pour les Français en ce moment. Quand on remplit son caddie au supermarché, quand on regarde ses factures, la TVA, cela fait mal !
Cet impôt, censé revenir à l'État pour mener une politique de redistribution, ne lui revient plus, parce que vous l'affectez à la sécurité sociale. De 2013 à 2018, 10 milliards d'euros de TVA étaient affectés chaque année à la sécurité sociale – passe encore, il pouvait y avoir des passerelles entre les deux budgets. Mais, en 2019, ce sont 40 milliards de TVA qui ont été affectés à la sécurité sociale ; en 2022, 57 milliards ; en 2023, 61 milliards.
Cela signifie que vous faites payer les exonérations de cotisations sociales massives aux Français, notamment aux plus modestes, ce qui, pour les gens, est insupportable. S'ils savaient ce qu'on fait de leur impôt, notamment de leur impôt sur la consommation, ils seraient encore plus nombreux à descendre dans la rue.
Les recettes de l'État n'ont jamais été aussi élevées ou presque dans l'histoire de ce pays – 323 milliards d'euros de recettes dans le projet de loi de finances pour 2023. Que fait-on de cet argent ? On l'utilise pour financer les cadeaux au patronat. C'est bien malheureux.
La commission rejette les amendements.
Puis elle adopte l'article 2 non modifié.
Article 2 : Approbation, pour l'exercice 2022, des dépenses constatées de l'objectif national de dépenses de l'assurance maladie, des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et celles qu'il met en réserve et du montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale
Amendement de suppression AS13 de M. David Guiraud.
Je m'inquiète de ce que nous sommes en train de faire, pour être honnête. Le problème, c'est que vous êtes en train d'assécher complètement toute capacité d'autofinancement du régime de la sécurité sociale.
À l'origine, la sécurité sociale était gérée par les travailleurs. Vous y avez mis le patronat pour une grande part – c'est votre combat historique à vous les libéraux, les capitalistes, ainsi qu'un débat politique –, notamment en introduisant le paritarisme, qui a fait passer de quasiment 80 % à 50 % la proportion de représentants des salariés dans la gestion de la sécurité sociale. Visiblement, ce n'est pas assez ; vous empêchez donc l'autofinancement des comptes de la sécurité sociale par des exonérations de cotisations massives.
Vous vous présentez alors – c'est la séquence que notre pays est en train de vivre – comme des sauveurs, en disant que vous compensez les exonérations. Outre que ce n'est pas totalement vrai, vous dites déjà, en vérité, que tout cela coûte trop cher à l'État, et vous justifiez la réforme des retraites en disant que les compensations, que vous avez décidées pour tarir les sources d'autofinancement de la sécurité sociale, coûtent trop cher.
Le résultat de tout cela sera que les 800 milliards d'euros de la protection sociale finiront dans le privé. Depuis l'annonce de votre réforme, les salariés sont approchés par des mutuelles et des complémentaires qui leur disent : « Au fait, êtes-vous sûr que vous serez bien couverts pour votre retraite ? Inscrivez-vous chez nous, cela coûtera un peu plus cher mais c'est mieux pour vous ! ». C'est ce que l'on appelle faire tomber les 800 milliards d'euros de la protection sociale dans les poches du privé !
L'article 2 approuve l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam). Il doit obligatoirement figurer dans le projet de loi d'approbation des comptes de la sécurité sociale.
Avis défavorable.
J'avoue ne pas comprendre l'exposé des motifs de l'amendement, dont je ne vois pas le rapport avec l'approbation des comptes de la sécurité sociale. Il s'agit de déterminer si les comptes sociaux sont sincères, ainsi que la somme des dépenses et des recettes. Des tableaux nous permettent de prendre acte de la réalisation ou non de l'Ondam.
Rien n'interdit de discuter le rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale de la Cour des comptes, mais on ne peut pas dire que la sécurité sociale finance des « cadeaux au patronat ». Les branches de la sécurité sociale sont financées au bénéfice de tous les Français. Le patronat n'a pas grand-chose à voir là-dedans.
La question qui peut se poser porte sur les choix qui sont faits. En dépit des transferts entre les branches, certaines d'entre elles sont excédentaires. Leurs recettes sont plus élevées que prévu. Étant donné que des modifications ont été réalisées en cours d'exercice, les objectifs dont nous discutons sont-ils ceux de fin d'année ou de début d'année ? Les objectifs de dépense ayant évolué par rapport aux prévisions initiales, doit-on les apprécier à l'aune du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 ou en tenant compte des modifications intervenues en cours d'année ?
Le rapport de la Cour des comptes compare ce qui était prévu et ce qui a été effectivement réalisé en 2022.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 2 non modifié.
Article 3 : Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l'exercice 2022
Amendement de suppression AS14 de M. David Guiraud.
Je le répète, vous financez le patronat à travers les 67 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales et les plus de trois cents aides publiques directes ou indirectes, dont peu de PME et de TPE bénéficient, à tel point qu'elles paient plus d'impôts sur les sociétés que les boîtes du CAC40 qui, elles, disposent d'experts-comptables et de services dédiés pour se repérer dans ce labyrinthe – une confusion, à mon avis, volontairement entretenue.
Le financement de la reprise de dette par la Cades est injuste : le remboursement passe en effet par deux impôts, la contribution pour le remboursement de la dette sociale et la contribution sociale généralisée, qui pèsent sur quasiment tous les Français.
De plus, la Cades émet des papiers commerciaux sans contrôle et enrichit ainsi en partie les spéculateurs.
Enfin, la Cades n'a pas à supporter la dette de 136 milliards liée à la crise du covid. C'est à l'État d'assumer ses responsabilités politiques : ce n'est pas la sécurité sociale qui a décidé du confinement et ce n'est pas aux travailleurs de payer les conséquences de ces choix. Vous êtes en train d'affaiblir volontairement la capacité de remboursement de la Cades qui, contrairement à l'État, paie la dette et ses intérêts alors que l'État peut payer les seuls intérêts.
Les propos de notre collègue sur les entreprises et les entrepreneurs sont toujours caricaturaux. Un entrepreneur sans ses salariés n'est pas grand-chose et l'inverse est vrai. En dépit des abus, qu'il importe de dénoncer, une approche plus équilibrée serait bienvenue. Tous les employeurs, y compris dans les TPE, bénéficient de l'allégement de charges sur les bas salaires.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle adopte l'article 3 et le rapport annexé non modifiés.
Enfin, elle adopte l'ensemble du projet de loi sans modification.
La séance est levée à seize heures trente-cinq.
Présences en réunion
Présents. - M. Éric Alauzet, M. Henri Alfandari, Mme Ségolène Amiot, Mme Clémentine Autain, M. Joël Aviragnet, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, Mme Aurore Bergé, Mme Anne-Laure Blin, Mme Chantal Bouloux, M. Louis Boyard, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, M. Mickaël Cosson, M. Charles de Courson, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Karen Erodi, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Monique Iborra, Mme Caroline Janvier, M. Philippe Juvin, Mme Fadila Khattabi, Mme Laure Lavalette, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Élise Leboucher, Mme Katiana Levavasseur, Mme Christine Loir, Mme Véronique Louwagie, M. Sylvain Maillard, M. Matthieu Marchio, M. Didier Martin, M. Jean-Paul Mattei, Mme Joëlle Mélin, Mme Sophie Mette, M. Yannick Monnet, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Mathilde Panot, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Maud Petit, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, Mme Sandrine Rousseau, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Freddy Sertin, Mme Danielle Simonnet, M. Emmanuel Taché de la Pagerie, Mme Sophie Taillé-Polian, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Alexandre Vincendet, M. Éric Woerth
Assistaient également à la réunion. - Mme Farida Amrani, M. Thibault Bazin, M. Manuel Bompard, Mme Cyrielle Chatelain, M. Alexis Corbière, M. Fabien Di Filippo, M. Emmanuel Fernandes, M. David Guiraud, Mme Mathilde Hignet, M. Sébastien Jumel, M. Benjamin Lucas, M. Frédéric Mathieu, Mme Manon Meunier, Mme Nathalie Oziol, M. René Pilato, M. Thomas Portes, M. Olivier Serva