Ce qui s'est passé ce matin est inédit dans l'histoire parlementaire de la Ve République. Sans sourciller, vous avez bafoué le droit le plus élémentaire de notre mandat de député. Vous avez ôté au Parlement le peu de forces qui lui restent.
Sans sourciller, vous avez nié le droit d'amendement des parlementaires, qui est pourtant protégé par l'article 44 de la Constitution. Les sous-amendements sont indissociables du droit d'amendement : ils sont sanctifiés par le Conseil constitutionnel et ont été reconnus comme tels depuis 1986 – si le terme « sanctifié » déplaît à mes collègues, je dirai qu'ils sont « protégés », comme la norme suprême que vous vous êtes empressés de bafouer ce matin.
Madame la présidente, vous l'avez dit en début de réunion, votre seul pouvoir pour écarter l'examen d'un amendement est de prononcer une irrecevabilité au titre de l'article 45 de la Constitution. Vous n'avez pas prononcé d'irrecevabilité. Le droit, rien que le droit, et certainement pas le fait arbitraire d'écarter de l'examen des amendements qui ne vous plairaient pas. La présidente de la commission n'en a pas le pouvoir ; le bureau de la commission, non plus.
Rendez-vous compte, madame la présidente, comment, sans sourciller, nous nous éloignons dangereusement du chemin démocratique. Rendez-vous compte du précédent que vous créez, en autorisant n'importe quel président de commission ou de séance – deux sont issus du Rassemblement National – à refuser d'examiner des amendements selon leur bon vouloir, en dehors de toute règle, de tout cadre.
Sans droit, nous ne faisons pas de politique. Sans règle, nous menaçons l'édifice de nos institutions. Je le dis avec gravité, parce que vous vouliez éviter de discuter du report de l'âge légal – que vous nous avez imposé sans vote –, vous vous êtes assis sur la légalité même. Nous ne pouvons cautionner cela, et nous partirons.