Je m'inquiète de ce que nous sommes en train de faire, pour être honnête. Le problème, c'est que vous êtes en train d'assécher complètement toute capacité d'autofinancement du régime de la sécurité sociale.
À l'origine, la sécurité sociale était gérée par les travailleurs. Vous y avez mis le patronat pour une grande part – c'est votre combat historique à vous les libéraux, les capitalistes, ainsi qu'un débat politique –, notamment en introduisant le paritarisme, qui a fait passer de quasiment 80 % à 50 % la proportion de représentants des salariés dans la gestion de la sécurité sociale. Visiblement, ce n'est pas assez ; vous empêchez donc l'autofinancement des comptes de la sécurité sociale par des exonérations de cotisations massives.
Vous vous présentez alors – c'est la séquence que notre pays est en train de vivre – comme des sauveurs, en disant que vous compensez les exonérations. Outre que ce n'est pas totalement vrai, vous dites déjà, en vérité, que tout cela coûte trop cher à l'État, et vous justifiez la réforme des retraites en disant que les compensations, que vous avez décidées pour tarir les sources d'autofinancement de la sécurité sociale, coûtent trop cher.
Le résultat de tout cela sera que les 800 milliards d'euros de la protection sociale finiront dans le privé. Depuis l'annonce de votre réforme, les salariés sont approchés par des mutuelles et des complémentaires qui leur disent : « Au fait, êtes-vous sûr que vous serez bien couverts pour votre retraite ? Inscrivez-vous chez nous, cela coûtera un peu plus cher mais c'est mieux pour vous ! ». C'est ce que l'on appelle faire tomber les 800 milliards d'euros de la protection sociale dans les poches du privé !