Commission des affaires sociales

Réunion du mardi 2 mai 2023 à 17h20

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures vingt.

La commission auditionne M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion, et de M. Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, sur la mise en place de France Travail.

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Monsieur le ministre, lors de la présentation de votre feuille de route, le 13 septembre 2022, vous avez énuméré huit chantiers, parmi lesquels figurait une meilleure coordination du service public de l'emploi. Vous avez, à cette fin, confié à M. Thibaut Guilluy – que je salue –, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, une mission de préfiguration et de concertation sur France Travail. Monsieur le haut-commissaire, votre rapport a été présenté le 19 avril dernier. Nous vous remercions, l'un et l'autre, d'être venus ici nous présenter ses conclusions et tracer des perspectives.

Malgré les crises successives, le chômage continue de reculer, grâce à l'engagement des parlementaires et à l'action du Gouvernement – que je salue également. Nous sommes donc en bonne voie, même s'il reste du chemin à parcourir pour atteindre le plein emploi, qui doit demeurer notre objectif et dont nous n'avons jamais été aussi proches.

Nous souhaitons que vous nous précisiez en quoi la création de France Travail contribuera à atteindre cet objectif.

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Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l'insertion

Comme vous l'avez rappelé, madame la présidente, le plein emploi est pour la première fois accessible. Il l'est parce que l'économie française a créé 1 700 000 emplois en bientôt six années et que notre taux de chômage est passé de 9,5 à 7,1 % au dernier trimestre 2022, avec des disparités territoriales cependant. Il l'est d'autant plus que ces résultats ont été obtenus en dépit des freins à l'activité qu'ont été la pandémie et les périodes de confinement. De surcroît, les emplois créés sont de meilleure qualité : les derniers chiffres dont nous disposons, qui concernent l'année 2022, montrent une augmentation significative des premières embauches en contrats à durée indéterminée. On observe une proportion de CDI inconnue depuis plusieurs années, qui s'accompagne d'un taux d'emploi des Français en âge de travailler – c'est-à-dire âgés de 15 à 64 ans –, de plus de 68,5 %, un pourcentage qui n'avait pas été atteint depuis la création de cet indice, en 1975. Il faut même remonter à 1972, il y a donc plus d'un demi-siècle, pour retrouver un taux aussi élevé.

Alors comment atteindre le plein emploi ? Si l'on considère qu'une telle situation correspond dans notre pays à un taux de chômage structurel de l'ordre de 5 % – un seuil qui est retenu par l'immense majorité des observateurs –, il faudrait que l'économie française crée 710 000 emplois d'ici à 2027 pour respecter l'engagement pris par le Président de la République. Si, plus largement, on prend en compte le halo du chômage, il faudrait même créer 1 300 000 emplois. Y parvenir dépend de l'activité économique, mais aussi de notre capacité à faciliter l'accès au premier travail et à accompagner le retour à l'emploi de celles et ceux qui, aujourd'hui, en sont éloignés. En effet, même si notre pays connaît un taux de chômage encore supérieur à la moyenne européenne, ses entreprises éprouvent des difficultés de recrutement importantes. Ainsi, selon une estimation de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), environ 400 000 emplois seraient vacants.

Nous avons établi un diagnostic en trois points pour expliquer la coexistence d'un marché de l'emploi tendu et d'un taux de chômage encore élevé.

La première cause identifiée est l'inadéquation des profils des demandeurs d'emploi aux besoins exprimés par les entreprises qui recrutent. Cette inadéquation peut être le fruit d'un déficit de compétences dans certains domaines, mais aussi d'une mauvaise allocation géographique, les qualifications disponibles dans un territoire ne correspondant pas à celles qui y sont recherchées. D'où la volonté du Gouvernement de reconduire la contractualisation avec les régions sur plusieurs années dans le cadre du plan d'investissement dans les compétences (PIC) – auquel 15 milliards d'euros ont été consacrés depuis 2018 – autour d'objectifs tels que l'élargissement du public éligible et l'accompagnement des personnes les plus éloignées de l'emploi, pour ce qui est des connaissances de base notamment.

La deuxième explication tient au fonctionnement de notre système d'assurance chômage, auquel nous considérons que la loi du 22 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, qui a suscité de vifs débats à l'automne dernier, apporte des réponses.

Quant à la troisième, elle se rapporte à l'efficacité même de notre service public de l'emploi, c'est-à-dire de tous les acteurs – pas seulement de Pôle emploi – qui, à un titre ou à un autre et en faisant preuve de la meilleure volonté, concourent à ce service public. Celui-ci souffre de problèmes de lisibilité, de coordination et d'atomicité – si vous me permettez cette expression –, qui le rendent parfois particulièrement complexe et qui peuvent aussi expliquer certaines difficultés, des ruptures de parcours notamment.

Sur la base de ce diagnostic, la mission confiée à M. le haut-commissaire a été lancée le 13 septembre dernier. Depuis huit mois, les réunions et les concertations se sont succédé, à Paris et dans tous les territoires, avec l'ensemble des acteurs et des publics concernés. Ainsi, demandeurs d'emploi, chefs d'entreprise, conseillers de Pôle emploi, professionnels et permanents des entités qui participent au service de l'emploi, entreprises de travail temporaire et structures de formation, tous ont échangé sur ce qui marche et ce qui ne fonctionne pas.

Le rapport m'a été remis le 17 avril, puis il a été présenté au comité des parties prenantes, que je présidais pour sa quatrième édition, le 19. Si toutes les parties prenantes n'adhèrent pas à la totalité des propositions formulées, elles ont toutes souligné la qualité de la concertation et du travail accompli. Elles ont également précisé qu'elles partageaient les grandes orientations du rapport. Certaines ont toutefois fait part de points de vigilance et de demandes de clarification, ce qui est tout à fait logique. Le rapport, tel que vous avez pu en prendre connaissance, fixe dix principes et recense quatre-vingt-dix-neuf propositions, qui les déclinent. Le Gouvernement souscrit à ces principes et soutient globalement les propositions. Cependant, il ne les reprendra pas toutes puisque, d'ici à la présentation devant le Parlement, d'un projet de loi permettant de les formaliser, certaines concertations continuent, notamment avec des associations d'élus. D'autres vont quant à elles commencer et revêtiront un caractère plus formel, notamment avec les partenaires sociaux.

Quelles sont les grandes orientations du rapport ? D'abord, la transformation et l'amélioration du service public de l'emploi ; il s'agit d'éviter les doublons et de favoriser une meilleure coordination, un meilleur partage de l'information, pour limiter les risques de rupture de parcours. Pôle emploi va ainsi devenir France Travail – si le Parlement l'accepte –, c'est-à-dire l'opérateur principal du service public de l'emploi. France Travail assumera le rôle qui est celui de Pôle emploi aujourd'hui, mais conduira aussi des missions au service de tous, notamment en matière de conception et de partage – j'insiste sur ce terme – des systèmes d'information, afin que chacun puisse y accéder. Cela concerne également les « communs numériques » – pardon pour ce barbarisme –, qui sont utiles si l'on veut disposer d'un suivi complet de l'ensemble des demandeurs d'emploi et des allocataires du revenu de solidarité active (RSA). Les missions locales occupent une place particulièrement importante dans ce schéma, comme opérateurs spécialisés, mais aussi en tant qu'acteurs centraux de la politique d'emploi et de formation pour les plus jeunes – au même titre que Cap emploi, l'opérateur spécialisé pour les travailleurs et les demandeurs d'emploi en situation de handicap. En outre, nous travaillons étroitement avec les régions pour ce qui est de la formation et des politiques de l'emploi, et avec les départements pour ce qui concerne l'insertion.

L'objectif est de faire de Pôle emploi un réseau, pas de procéder à un big bang institutionnel ; il est hors de question de fusionner les missions locales ou n'importe quel autre organisme avec Pôle emploi. Si celui-ci devient l'opérateur principal France Travail, c'est avant tout pour conduire des missions de partage, d'orientation et de coordination de l'ensemble des acteurs du réseau. On évoque parfois la transformation des missions locales en France Travail jeunes et de Cap emploi en France Travail handicap ; cette idée a été avancée pendant la concertation, mais je ne forcerai personne à changer de nom. Les missions locales seront libres d'adopter cette nouvelle appellation si elle le souhaite – ou de l'utiliser comme sous-titre pour marquer leur appartenance au réseau France Travail –, mais rien ne leur sera imposé.

C'est sur la gouvernance que nous proposons l'un des changements les plus importants. L'animation du réseau et la détermination des priorités feront l'objet d'une gestion partagée – quadripartite, en quelque sorte –, qui associe les partenaires sociaux, les régions, les départements et l'État et qui autorise un copilotage entre région et État au niveau régional et entre département et État à l'échelon départemental. Sur certains aspects, la gouvernance doit être infradépartementale ; nous considérons – et c'est ce que propose le rapport – que les élus locaux doivent pouvoir déterminer quel est le niveau de collectivité le plus à même d'assurer le copilotage avec l'État. Ainsi, ce sont souvent les sous-préfets qui animent les comités de l'emploi. Il s'agit donc d'instaurer un partage de la gouvernance avec les collectivités locales et, au niveau national, avec les partenaires sociaux.

Parmi nos priorités figure l'amélioration du suivi des demandeurs d'emploi et de l'efficacité de notre service public de l'emploi. Le système actuel est automatique, parfois figé : par exemple, un demandeur d'emploi qui est inscrit dans une catégorie – accompagnement suivi, guidé ou renforcé – y reste. S'il est jugé apte à retrouver facilement un travail, mais que, malheureusement, pour une raison ou pour une autre, il reste longtemps sans activité professionnelle, il demeurera dans la catégorie de celles et ceux qui n'ont pas besoin de suivi intensif. Or après douze ou dix-huit mois d'inactivité, un suivi plus étroit peut être nécessaire Il n'existe pas de perméabilité entre les catégories.

Le régime de sanctions applicables aux demandeurs d'emploi doit également être moins strict, moins rigide. L'absence à un premier rendez-vous peut aujourd'hui entraîner la radiation. Nous considérons qu'il y a lieu de tenir compte de certains éléments et du contexte afin de personnaliser le système et de le rendre plus souple et moins automatique.

De même, nous souhaitons une plus grande individualisation du suivi des demandeurs d'emploi, ce qui nous conduira à examiner la question des moyens et celle de la taille des portefeuilles des conseillers emploi. S'agissant des entreprises qui recrutent, qui sont souvent confrontées au même manque de visibilité que les candidats à l'emploi, nous avons un gros travail à faire pour améliorer les prestations que dispensent Pôle emploi et l'ensemble du réseau.

En ce qui concerne les compétences, nous voulons poursuivre nos efforts d'amélioration ; c'est l'objet du renouvellement du PIC et des changements que nous voulons lui apporter. Nous souhaitons ainsi que les demandeurs d'emploi de niveau bac + 2 soient éligibles aux formations professionnalisantes, alors qu'elles ne sont actuellement accessibles qu'aux candidats titulaires du baccalauréat, au maximum. Des demandeurs d'emploi bacheliers, mais qui n'ont pas poursuivi avec succès leurs études supérieures, ont besoin de suivre une formation pour trouver un emploi.

Dans le cadre de la contractualisation avec les régions, la lutte contre l'illectronisme et l'illettrisme ainsi que l'acquisition et la maîtrise des savoirs de base doivent figurer parmi les priorités des conventions. Il s'agit, en effet, des premières marches vers l'emploi pour celles et ceux qui en sont le plus éloignés.

S'agissant des allocataires du RSA – sujet qui suscite le plus de commentaires et de débats dans les médias –, le constat, insatisfaisant pour nous tous, est le suivant : seuls 40 % de ces allocataires sont inscrits à Pôle emploi. Certains d'entre eux ne sont pas en mesure de trouver un emploi immédiatement ; cependant, sans inscription à Pôle emploi – demain à France Travail –, les difficultés sont encore plus importantes pour bénéficier un suivi et définir un projet professionnel. Plus grave encore, 17 % des bénéficiaires du RSA ne sont suivis par aucune structure. Ce sont 340 000 personnes qui perçoivent l'allocation, laquelle leur permet de survivre, mais qui ne font l'objet d'aucun accompagnement. Derrière ces chiffres se cachent, en outre, de grandes disparités, puisque dans une quinzaine de départements, ce sont même 30 % de ces hommes et de ces femmes qui ne bénéficient d'aucun suivi professionnel. Seulement 53 % des allocataires du RSA ont signé un contrat d'engagement réciproque, qui est pourtant prévu par la loi, aussi bien celle ayant institué le revenu minimum d'insertion (RMI) que celle l'ayant transformé en RSA. Enfin, moins de la moitié des allocataires, qu'ils soient inscrits ou non à Pôle emploi, font l'objet d'un accompagnement professionnel, alors que leur immense majorité – et c'est heureux – bénéficie d'un suivi social. Notre objectif est évidemment que le suivi social perdure, mais que le suivi professionnel devienne aussi la règle, de manière adaptée. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons instaurer quinze à vingt heures d'activité par semaine dans les parcours de retour à l'emploi des allocataires du RSA sur le modèle des contrats d'engagement jeune (CEJ). Cela ne se fera pas du jour au lendemain, parce que cela nécessite le déploiement d'une offre d'insertion, adaptée à chacun, sur l'ensemble du territoire. Des expérimentations ont commencé dans dix-huit départements – et autant de bassins d'emploi – ; il faudra ensuite généraliser le dispositif, d'abord en élargissant d'un bassin d'emploi à l'ensemble du département, puis en intégrant tous les départements au dispositif. La généralisation sera progressive parce que le suivi intensif ne pourra pas être mis en place pour tous les bénéficiaires du RSA – soit un peu moins de deux millions de personnes – entre le 31 décembre 2023 et le 1er janvier 2024.

Quelles sont ces quinze à vingt heures d'activité ? Ce n'est ni du travail gratuit ni du bénévolat obligatoire – quand il y a travail, il y a contrat de travail et rémunération. Ce sont des activités d'accompagnement, d'insertion et de remobilisation ; vous trouverez un référentiel de ces activités à la fin du rapport. Les expérimentations menées dans les dix-huit départements doivent nous permettre d'enrichir les modalités de suivi et de partager les bonnes pratiques. Ces activités peuvent être très classiques – information, ateliers de réponse à des offres d'emploi, rédaction de curriculum vitae –, mais elles peuvent aussi pendre la forme de parcours personnalisés pour lever des freins, que ce soit à la mobilité, au logement ou à la garde d'enfants. Elles peuvent même concerner – dans une proportion heureusement moins importante – des problèmes de santé, qui sont autant d'obstacles à l'emploi en cas de difficultés de prise en charge. Je le répète, il ne s'agit en rien de travail gratuit ni de bénévolat obligatoire. Nous sommes convaincus que les activités d'accompagnement favorisent le retour à l'emploi.

Nous avons la chance de vivre dans un pays où existe un revenu de subsistance, le RSA, accessible à celles et ceux qui sont privés de ressources. La puissance publique, au sens large du terme, doit offrir une offre adaptée d'insertion et de formation. Par exemple, dans le cadre de l'accompagnement d'une mère célibataire avec deux ou trois enfants, il est impossible de proposer une formation ou des activités d'insertion de dix-sept heures à vingt heures – ou alors il faut prévoir un mode de garde pour les enfants. C'est ce que j'appelle l'adaptation de l'offre d'insertion et d'accompagnement. Enfin, lorsqu'une offre adaptée est disponible sur le territoire de l'allocataire accompagné, c'est la logique du contrat réciproque – avec possibilité de sanctions – qui s'applique, une logique qui prévaut depuis 1988 et la création du RMI. Les sanctions prévues dès l'origine, c'est-à-dire la radiation et la suppression des droits, sont appliquées dans de nombreux départements. Nous proposons de créer une sanction intermédiaire, de suspension, très facilement réversible.

Quel est le calendrier envisagé par le Gouvernement ? Tout d'abord, nous proposerons un premier texte au Parlement, qui transposera l'accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur. J'aurai l'occasion de le présenter en Conseil des ministres à la fin du mois de mai ou au début du mois de juin. Nous vous soumettrons ensuite un texte sur la création de France Travail, qui reposera sur trois priorités : la mise en place de la structure ; la refonte de la gouvernance et celle de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du RSA, cette dernière comprenant notamment le contrat d'engagement et ses contreparties ainsi que l'élargissement des critères d'éligibilité aux formations dispensées dans le cadre du PIC. Les mesures en matière d'emploi que le Président de la République a annoncées lors de la Conférence nationale du handicap seront également inscrites dans ce projet de loi.

Enfin, la Première ministre a annoncé, lors de la présentation de la feuille de route du Gouvernement, qu'un troisième projet de loi, envisagé d'ici à la fin de l'année 2023, aura pour objet de transposer les accords qui seront signés avec les partenaires sociaux, sur des sujets éloignés de celui qui nous occupe aujourd'hui, qui restent à préciser et qui peuvent faire l'objet de négociations – comme l'a indiqué le Président de la République –, puisqu'ils relèvent de l'agenda social que nous avons proposé d'élaborer ensemble.

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Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

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Je salue le travail de M. Thibaut Guilluy et la démarche de coconstruction qui a été adoptée avec tous les acteurs. Je peux en attester en tant que vice-présidente de l'Union nationale des missions locales (UNML).

Le chômage a significativement diminué depuis 2017 et le taux d'emploi a retrouvé un niveau inconnu depuis le début des années 1970. Pourtant, nous faisons face à un paradoxe : les entreprises rencontrent des difficultés de recrutement, tandis que de nombreuses personnes sans emploi peinent à en trouver un. Le réseau France Travail entend transformer profondément notre système pour atteindre le plein emploi et offrir à tous l'autonomie et la dignité par le travail, pour accompagner la réussite de chaque personne et de chaque entreprise, dans tous les territoires. Nous connaissons l'engagement de l'ensemble des acteurs qui œuvrent pour l'inclusion et l'emploi ; les territoires font souvent preuve d'initiative et d'innovation pour trouver des solutions concrètes, mais notre système fonctionne encore trop souvent en silos.

Vous faites le pari de la coopération entre les différents intervenants aux niveaux national, régional, départemental et local. L'objectif est de mieux se connaître et de favoriser le dialogue, de repérer plus efficacement les personnes éloignées de l'emploi pour les accompagner mieux et plus vite vers le travail et l'autonomie, mais aussi d'assister les entreprises qui recrutent.

L'évaluation d'étape de l'accompagnement des jeunes dans le cadre du CEJ par l'Inspection générale des affaires sociales montre que les jeunes et les conseillers plébiscitent les quinze à vingt heures d'activité hebdomadaires. Cela nous servira de modèle pour l'accompagnement des bénéficiaires du RSA.

Vous proposez d'embarquer tout l'écosystème en tenant compte des spécificités des territoires, d'apporter une connaissance collective plus fine des besoins de recrutement, d'offrir des formations adaptées. Enfin, vous proposez que France Travail garantisse que plus aucune personne ne reste sans solution.

Relever le défi du plein emploi ne sera possible que si tous les acteurs membres des gouvernances politiques et opérationnelles jouent le jeu, collectivement, de l'investissement social. Quels sont les impacts positifs de cet investissement social pour l'emploi ?

Pouvez-vous nous préciser les investissements prévus en faveur de la formation et, en particulier, le PIC 2.0 ?

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Vous envisagez de substituer France Travail à Pôle emploi au nom d'une nécessaire refonte du dispositif. Notre pays compte 2 200 000 chômeurs et le taux de chômage y est de 7,2 % de la population active. Ce taux est nettement supérieur pour ce qui est des jeunes et des personnes les moins diplômées ; autrement dit, les plus vulnérables sont les plus fragilisés. Votre réponse à cet état de fait est un ajustement organisationnel, alors que les Français attentent autre chose que des mots : ils attendent des actes.

Nous avons bien reçu vos documents relatifs à France Travail, soit plusieurs centaines de pages et quatre-vingt-dix-neuf propositions. Mais concrètement, si Pôle emploi n'a pas rempli ses objectifs, pourquoi en serait-il autrement de France Travail ?

J'ai récemment pris connaissance du cas d'un jeune homme de 24 ans, qui a achevé en août dernier une formation de grutier, effectuée dans le cadre de Pôle emploi et censée lui ouvrir le marché de l'emploi. Ce jeune n'a pas simplement « traversé la rue » – pour reprendre les mots du Président de la République – pour trouver un travail, mais la France entière. Avec les travaux des futurs jeux Olympiques, on lui avait fait miroiter un marché de l'emploi porteur en Île-de-France. Finalement, il n'a pas trouvé de travail ; il a seulement dépensé plusieurs centaines d'euros en déplacements. Pourquoi ? Parce que les entreprises ont estimé qu'il n'avait pas assez d'expérience. Il ne se décourage pas et poursuit ses recherches. Et je ne vous parle de ce senior de 54 ans que l'on appelle seulement pour « boucher les dents creuses », deux jours par semaine.

Que comptez-vous faire concrètement pour ces millions de Français laissés sur le carreau depuis des mois, soit parce qu'ils manquent d'expérience soit parce qu'ils sont trop âgés ? Comment comptez-vous conditionner le maintien du RSA à une reprise d'activité alors qu'il n'y a déjà pas assez d'activité pour ceux qui en recherchent ?

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Quelle est la grande transformation du marché de l'emploi sous Macron ? Elle tient en trois tableaux, fournis par Eurostat : en matière de création d'emplois, notre pays est dans la moyenne européenne, avec 2,2 % ; s'agissant des emplois salariés, la France figure, en revanche, parmi ceux qui en créent le moins ; seules l'Estonie et la Hongrie font mieux qu'elle quand il s'agit de création d'emplois non salariés. – ce sont notamment les 2 400 000 microentreprises qui ont vu le jour sous le premier mandat de Macron. Ces emplois ne donnent droit ni au chômage, ni à la sécurité sociale, ni à la retraite. Pôle emploi envoie des offres aux demandeurs d'emploi – j'en ai encore rencontré une ce midi – qui supposent d'adopter le statut d'autoentrepreneur.

Quand on évoque France Travail, de quel travail parle-t-on ? Parle-t-on du travail que nous souhaitons et qui sous-entend métier, statut, revenu, droits, fierté et utilité ? S'agit-il au contraire de bouts de boulots pour des bouche-trous flexibles sur un marché de l'emploi fluide ?

Le « I » de RMI signifiait « insertion », tandis que le RSA supposait un accompagnement. Or cet accompagnement n'est pas fait et ce n'est pas la faute des allocataires, mais celle de l'État et des départements. Selon la Cour des comptes, 60 % – un chiffre différent de celui que vous avez donné – des allocataires ne bénéficient d'aucun accompagnement. Combien de milliers d'embauches envisagez-vous à France Travail et dans les services sociaux pour que cet accompagnement soit une réalité – pas simplement vers l'emploi, mais aussi in matière de santé, de famille, de logement ou de transports. Où allez-vous trouver l'argent pour embaucher ces milliers de personnes ?

Vous avez parlé de concertation, mais vous savez que le RSA sous conditions ne fait pas consensus, loin de là. Vous avez lancé dix-huit expérimentations territoriales ; elles ont à peine commencé et vous comptez déjà les généraliser. Une autre généralisation serait possible : celle de l'emploi garanti et des territoires zéro chômeur de longue durée. Pourquoi ne pas avancer dans cette direction plutôt que vers le revenu de solidarité active sous conditions ?

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La situation de l'emploi et les interrogations sur le travail dessinent en creux l'état de notre modèle économique et social. Notre façon de bâtir un contrat social n'est-elle pas à bout de souffle ?

Pour nous, le sens du travail est essentiel, comme le sont la place et l'utilité de celles et ceux qui font, qui produisent. La reconnaissance de ces personnes est capitale. Mais la France, ce sont aussi celles et ceux qui sont hors du champ du travail. Une fracture sociale existe entre ces deux France. L'objectif de la politique publique est, me semble-t-il, de les réconcilier au sein d'un seul dispositif. Peut-être y parviendrons-nous grâce à France Travail, mais à condition de ne faire preuve ni d'utopie ni de naïveté.

Quid de la gouvernance ? Concrètement, comment tout cela va s'organiser ; qui va décider ? Et qu'en est-il du financement ? Un tel projet implique forcément des questions de formation, de mobilité, de logement ou d'insertion professionnelle, donc également des budgets et des collectivités territoriales distincts.

Et qu'en est-il de l'évaluation du dispositif ? Nous sommes globalement favorables à ce que vous proposez, mais pas dans n'importe quelles conditions ni sans avoir des garanties d'efficacité. Ce ne doit pas être une usine à gaz – pardonnez-moi l'expression –, mais une organisation qui dégage de la valeur. Nous n'avons pas, monsieur le ministre, le droit de nous tromper sur un tel sujet.

Enfin, le cœur de la question est le « A » du RSA. On a, me semble-t-il, davantage parlé d'activité que d'emploi ; pourriez-vous nous en dire plus à cet égard ?

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Je tiens, monsieur le haut-commissaire, à saluer la qualité de votre travail et de votre rapport. Le groupe Démocrate partage votre volonté d'aller vers le plein emploi ; d'abord parce que le travail est une voie puissante d'inclusion dans notre société, en favorisant la sortie de la pauvreté, l'autonomie et l'émancipation ; ensuite parce qu'une économie dynamique assure la production de richesses, nécessaires au financement de notre modèle social ; enfin parce que notre économie manque cruellement de bras.

Nous pensons également qu'il est nécessaire d'aller vers chacun de ceux qui ont besoin d'un accompagnement, notamment les allocataires du RSA. Nous sommes particulièrement favorables à des engagements réciproques, selon une logique de droits et de devoirs, pour tous les publics demandeurs d'emploi. Cette logique doit se doubler d'un accompagnement adapté à chacun, pour que puissent être levés les freins au retour à l'emploi. Ce suivi peut, bien sûr, concerner la formation, mais aussi le logement, la mobilité ou la garde d'enfants.

Je souhaiterais cependant vous faire part de trois interrogations sur France Travail. La gouvernance, qui associerait des comités aux niveaux national, régional, départemental et local, auxquels s'ajouteraient de très nombreux partenaires, me semble être davantage source de blocage que d'efficacité. On sait combien des rivalités politiques entre Gouvernement et régions ou entre régions et départements peuvent paralyser l'action. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point ?

Je suis très sensible à la question de la ruralité, où les freins liés à la mobilité ou à la garde d'enfants sont encore plus puissants qu'ailleurs. Si l'on ajoute à cela la dispersion géographique des personnes ciblées et l'éloignement de l'offre de formation, il est difficile d'envisager une action efficace. En outre, l'option du distanciel ne me paraît pas très pertinente pour des publics, souvent en rupture, qui ont besoin de liens. Quelle approche comptez-vous adopter ?

On ne passe pas soudainement d'une situation d'allocataire du RSA à celle de salarié à plein temps. La reprise du travail se fait souvent progressivement, or la méthodologie d'attribution des aides sociales est souvent pénalisante en cas de retour à l'emploi. J'ai plusieurs fois entendu : « telle offre va me faire perdre mon RSA ». C'était vrai, mais c'est un non-sens pour notre pays, et plus encore pour le bénéficiaire à moyen terme. Cette remarque s'applique également à d'autres dispositifs. Quel regard portez-vous sur ce problème ?

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« Il est plus facile de cibler les allocataires profiteurs que de reconnaître que les pouvoirs publics n'ont pas satisfait à leurs propres obligations et qu'ils n'appliquent pas celles déjà fixées. » Ces mots sont ceux de Martin Hirsch, le père du RSA.

Vous n'en aviez donc pas fini avec les plus fragiles et les plus précaires. Après la réforme de l'assurance chômage ; après la sanction pour abandon de poste ; après l'injuste réforme des retraites, voici donc venue l'heure des bénéficiaires du RSA. Ce sont eux, en effet, les prochains qui passeront sur votre table de dissection de notre modèle social, au nom du sacro-saint plein emploi.

Vous souhaitez conditionner une prestation de protection sociale, un minimum social, à des heures d'activité. Vous aviez, pour les retraites, refusé de rendre des comptes devant le Parlement ; allez-vous cette fois l'accepter ?

Ma deuxième question fait appel à l'humanité : qu'allez-vous faire lorsqu'une personne ne sera pas en mesure d'effectuer ses quinze heures d'activité ? Allez-vous la priver d'une partie de ces généreux 607 euros mensuels ? Et si elle a des enfants, punirez-vous aussi ses enfants ?

Souhaitez-vous renforcer les sanctions et radiations qui, vous l'avez rappelé, existent déjà ? Qu'entendez-vous par suspension-remobilisation ? Pouvez-vous donner des chiffres précis sur les sanctions qui sont prises actuellement, leurs montants, leurs durées ainsi que sur leurs effets sur la réinsertion et la lutte contre la pauvreté ?

Le discours sur le RSA masque la grande faiblesse du dispositif que vous avez soulignée, l'accompagnement des bénéficiaires. Mais ne vise-t-il pas aussi à faire croire que les bénéficiaires seraient responsables de leur précarité, alors même que c'est l'État qui n'a pas consacré les moyens nécessaires pour les accompagner ? – vous l'avez écrit dans votre rapport, M. le haut-commissaire.

Pour ce qui est de la méthode, pourquoi se précipiter alors qu'une expérimentation est en cours ? Et que deviendront les plans locaux pluriannuels pour l'insertion et l'emploi ? Au sein de France Travail, qui pilotera, qui financera les missions locales ?

Finalement, pourquoi ne pas améliorer la situation ? Pourquoi, par exemple, ne pas indexer le RSA sur l'inflation, alors que vous ne revaloriserez les minima sociaux que de 1,6 % cette année ? Et pourquoi ne vous concentrez-vous pas sur la lutte contre le non-recours ?

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Comme le rapport le démontre, l'adaptation de nos politiques de retour à l'emploi est une nécessité. Il est crucial d'apporter des accompagnements plus personnalisés pour répondre aux attentes des salariés – qui recherchent davantage de sens dans leur travail – et aux besoins des entreprises confrontées à des difficultés de recrutement.

Le plein emploi apparaît enfin atteignable, alors qu'il était perçu tout au long des dernières décennies comme un rêve lointain et irréaliste. Le retour à l'emploi est la meilleure des solutions pour lutter contre la précarité et pour améliorer la qualité de vie de nos concitoyens. France Travail, en tant que réseau unifié et coordonné, renforcera la collaboration entre les différents acteurs de l'emploi, permettra d'optimiser nos actions et d'offrir l'accompagnement mieux adapté et plus efficace que nous devons à chacun.

S'agissant du RSA, nous avons entendu de nombreux commentaires, parfois erronés, souvent alarmistes. Le retour à l'emploi des allocataires du RSA est insuffisant ; France Travail adopte à cet égard une démarche constructive. En effet, en rendant le bénéficiaire acteur de sa réinsertion et en assurant un accompagnement professionnel de qualité, nous pourrons contribuer à une amélioration significative de la situation des personnes concernées.

Enfin, la question du retour à l'emploi des seniors est également centrale. La formation est un levier essentiel pour faciliter leur réinsertion professionnelle ; toutefois, nous devons encourager les entreprises à reconnaître et à valoriser leurs expériences et leurs savoir-faire, qui sont une réelle plus-value dans la transmission des compétences et la formation des nouveaux salariés. Comment France Travail compte-t-il s'attaquer au défi du retour à l'emploi des seniors et encourager les entreprises à les recruter, compte tenu des atouts considérables qu'ils représentent pour les plus jeunes et pour leurs employeurs ?

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Nous nous retrouvons, au lendemain d'un 1er mai historique, pour parler du travail au sujet duquel tout semble pourtant avoir été fait à l'envers au cours des huit derniers mois : réforme de l'assurance chômage, qui précarise davantage les demandeurs d'emploi et met le marché du travail sous tension, en tournant le dos au paritarisme ; réforme des retraites, future trappe à précarité pour les seniors – pour les femmes en particulier –, qui piétine les positions de l'intersyndicale et dont personne ne veut, vous excepté. Et donc, maintenant, France Travail.

Monsieur le ministre, avant de mettre tout le monde au travail – et pendant plus longtemps –, il nous faut avant tout parler des conditions de ce travail. Vous avez refusé d'en parler lors de votre passage en force avec la réforme des retraites et il n'en est jamais question dans le rapport qui nous est présenté : rien sur la pénibilité, rien sur la représentation collective ni sur l'égalité entre les femmes et les hommes. Pour rappel, la part des Français exposés aux charges lourdes, aux postures douloureuses, aux produits chimiques et aux vibrations est toujours supérieure à la moyenne européenne. Pourquoi continuer à refuser la réintégration de ces maux parmi les critères de pénibilité ? Votre ambition est de résoudre la crise du travail sans essayer de la comprendre. Ce n'est pas que les Français ne veulent pas travailler : ils veulent travailler moins, mieux, dans de meilleures conditions, pour une meilleure rémunération et avec plus de reconnaissance.

Le projet de France Travail consiste à vouloir résoudre la crise de l'emploi grâce à une injonction au travail, à des stages intensifs et au conditionnement du RSA à des heures d'activité. J'entends votre défense de l'accompagnement, mais nous craignons que la protection sociale ne soit plus un droit et qu'elle doive se mériter.

Dans le cadre de France Travail, quel sera exactement le rôle des missions locales ? Que répondez-vous à celles qui craignent de disparaître et de ne plus pouvoir accompagner les jeunes ? Pourquoi s'empresser de conditionner le RSA à des heures d'activité alors que les expérimentations que vous avez lancées sont encore en cours ? Pouvez-vous nous éclairer davantage sur la contractualisation systématique et les objectifs qu'elle recherche ?

Dernière question : quand comptez-vous procéder au retrait de la réforme des retraites qui, seul, vous conférerait la légitimité nécessaire à l'ouverture d'un dialogue sur la question du travail ?

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Nous avons un peu le sentiment d'assister à une opération du type « ça y est, j'ai pied ! », voire de participer au storytelling de la page qui se tourne. Cependant, la question du crédit dont vous disposez pour assumer le copieux programme que vous nous présentez est posée.

Nous sommes encore dans le sillage de la réforme de l'assurance chômage ; il s'agit, à présent, de remplir la coquille vide France Travail, annoncée par le candidat Emmanuel Macron lors de sa campagne électorale. D'ailleurs, sommes-nous bien certains qu'il est question de travail ?

Faute de temps, je me contenterai d'égrener les nombreuses craintes que votre projet soulève : crainte qu'il y ait confusion entre assurance chômage et solidarité nationale ; crainte d'une logique adéquationniste, principalement au service des entreprises ; crainte d'une politique de la contrainte, avec ce contrat de non-travail, potentiellement très intrusif ; crainte d'un pilotage par les résultats, qui pourrait se traduire par une politique du chiffre, dont on connaît déjà les effets ; crainte par rapport aux financements des besoins nouveaux, qui pourraient une nouvelle fois peser sur l'Unedic au détriment des allocations chômage – le prélèvement actuel au profit de Pôle emploi pourrait passer de 11 à 17 %, qu'en dites-vous ? Crainte d'une gouvernance duale ; crainte sur le devenir des acteurs actuels – dans le rapport, nous partageons le diagnostic sur le manque d'emplois pour l'accompagnement, le reste, en revanche, mériterait d'être beaucoup discuté ; et enfin crainte sur la place à laquelle pourraient prétendre les acteurs privés dans le nouveau dispositif.

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Depuis la dernière campagne présidentielle, le Gouvernement joue volontairement sur une ambiguïté : il affiche ainsi sa volonté d'imposer une contrepartie au RSA, sans pour autant préciser la forme exacte que prendront les quinze à vingt heures d'activité demandées. Les discours discriminants que vous avez ainsi alimentés font beaucoup de mal. Ils dénoncent une responsabilité individuelle, celle du seul demandeur d'emploi, du seul allocataire, alors que nous avons une responsabilité collective. Peut-être cette audition vous donnera-t-elle l'occasion de sortir de cette ambiguïté et de nous dire exactement comment votre projet France Travail accompagnera les personnes en recherche d'emploi.

L'objectif d'insertion ne doit pas être atteint au détriment de la solidarité : le RSA est d'abord un filet de sécurité pour ne pas sombrer dans la pauvreté. À quoi les quinze à vingt heures d'activité vont-elles réellement servir ? S'agit-il de travail gratuit ? Non, semble-t-il. Si leur finalité est d'améliorer l'accompagnement, il faut alors cibler le public concerné et considérer la spécificité de chacun, plutôt que de viser les allocataires du RSA de manière générale. Ces derniers ont des droits, celui d'être accompagné notamment, et des devoirs, celui de rechercher du travail en particulier. Mais nous consacrons moins de 10 % du budget du RSA à l'insertion, tandis que 60 % des allocataires n'ont pas signé de contrat d'accompagnement. Comment votre logique de contrepartie peut-elle changer cette situation ?

Vous défendez une meilleure coopération de tous les acteurs de l'emploi et de l'insertion : pourquoi pas ? Mais alors celle-ci doit être mise au service des usagers et éviter la dilution de l'expertise des agents qui, déjà, ne sont pas assez nombreux et peinent à accomplir leur mission. Encore faut-il doter France Travail de moyens à la hauteur des ambitions affichées. Quel est l'engagement du Gouvernement sur ce point crucial ?

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Nous en venons aux interventions des autres députés.

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Lorsque l'on évoque les personnes les plus éloignées de l'emploi, on pense habituellement aux jeunes sans qualification, aux allocataires des minima sociaux, aux personnes en situation de handicap, parfois aux seniors. Quant aux proches aidants, elles sont le plus souvent oubliées. Je dis « elles », car ce sont le plus souvent des femmes ; ce sont des mamans qui, parfois seules, s'occupent d'un enfant malade ou en situation de handicap. Près de la moitié des aidants, soit environ cinq millions de personnes en France, aménagent leurs horaires, réduisent leur temps de travail ou cessent totalement leur activité professionnelle. Nous ne pouvons plus accepter ces ruptures avec le monde professionnel. Nous devons, au contraire, apporter un soutien et un accompagnement aux aidants.

Comment envisagez-vous l'accès à la formation des aidants ? Quels dispositifs sont prévus pour prendre en compte leurs attentes, leur volonté de conserver leur emploi et, surtout, la spécificité de leur parcours de vie ?

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Monsieur le ministre, je n'ai pas vraiment compris ce qu'allait apporter France Travail. Je suis étonnée qu'il faille attendre la proposition n° 58 pour « favoriser l'adaptation de l'offre aux besoins du marché du travail », ou la proposition n° 83 pour « renforcer l'attractivité des métiers ». En revanche, dès la question n° 6, il est question de « renforcer la connaissance par les demandeurs d'emploi des prestations auxquelles ils ont droit ». Notre modèle économique et social s'essouffle et la France se fracture. Il devient essentiel de parler de devoirs et de droits, plutôt que de droits et de devoirs.

Nombre d'entreprises peinent à recruter, dans tous les domaines d'activité et dans toutes les catégories socioprofessionnelles. Certains bénéficiaires du RSA sont très, voire trop éloignés de l'emploi et il convient de les accompagner correctement. Mais il est aujourd'hui nécessaire d'adapter notre marché du travail. Alors que nous devons travailler plus pour assurer la viabilité de notre système de retraite, je voudrais connaître votre avis sur une plus grande flexibilité du temps de travail. Que pensez-vous, d'une part, de la semaine de quatre jours de dix heures et d'autre part, de la possibilité, pour les personnes qui le souhaitent, de travailler plus, de quarante-cinq à cinquante heures par semaine, pour valoriser cinq trimestres par an et partir plus tôt à la retraite ?

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Selon les acteurs parisiens de l'emploi, le numérique reste, encore et toujours, un des principaux freins au travail pour les personnes les plus éloignées de l'emploi. Cet obstacle sera, normalement, moins important pour les générations futures. Dans votre engagement n° 5, « Un accès à la formation plus ciblé sur les plus éloignés de l'emploi », vous évoquez la lutte contre l'illectronisme : quelles mesures concrètes pensez-vous proposer aux personnes qui ont aujourd'hui 40, 50 ou 55 ans et qui seront, certainement, les premières à demander des parcours de reconversion du fait du prolongement de la vie professionnelle jusqu'à 64 ans ?

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Vous connaissez mon attachement au travail qui est à mes yeux une source d'épanouissement et de structuration de notre société. C'est, en effet, un sujet important, car la France doit gagner en productivité.

Parmi toutes les questions posées par le retour et l'accès à l'emploi, la mobilité est, me semble-t-il, une des plus importants ; aussi ai-je déposé une proposition de loi visant à permettre l'obtention du permis de conduire à partir de 16 ans. Cela faciliterait le choix de voies courtes d'apprentissage et de professionnalisation.

S'agissant du déploiement de France Travail, pourquoi vouloir centraliser la gestion de l'emploi alors que Pôle emploi, Cap emploi et les missions locales assurent efficacement et consciencieusement leurs missions ? La transformation de la garantie jeunes en CEJ a déjà engendré une certaine lourdeur administrative, à cause notamment d'un suivi inadapté, au détriment du temps passé auprès des bénéficiaires. Pouvez-vous garantir que la création de France Travail n'ajoutera pas une couche de gestion administrative peu efficace ? Pourquoi éloigner davantage la gouvernance alors que les structures locales jouissent d'une plus grande proximité avec les entreprises, qui leur permet notamment de mieux structurer la formation ?

Peut-être faudrait-il avoir l'audace de fermer certaines filières de formation pour privilégier celles qui préparent aux métiers d'avenir et celles qui répondent aux besoins locaux.

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Je salue l'ambition de M. le ministre d'atteindre le plein emploi, car le travail est un vrai levier d'émancipation auquel nous croyons. Merci de continuer à faire reculer le chômage ; merci également, monsieur le haut-commissaire, pour les propositions que vous formulez.

De très nombreux employeurs de ma circonscription m'interpellent régulièrement parce qu'ils ont des difficultés à recruter. Je vous invite à rencontrer vous aussi des employeurs, chers collègues de la Nupes, car ce que vous décrivez – un recul du chômage lié à la création d'autoentreprises – est très éloigné de la réalité. De grosses entreprises, mais aussi des PME et des TPE, ont d'importants besoins de recrutement, notamment en raison de la création de plusieurs gigafactories. Je vous invite également à rencontrer les travailleurs sociaux de l'insertion professionnelle et les associations ; en effet, lorsque je vous entends dire qu'il n'y a pas de vrai accompagnement des bénéficiaires du RSA, je pense que c'est parce que vous ne savez pas tout ce qu'ils font. Rencontrez-les dans le Nord où, depuis 2018, dans le cadre du plan « pauvreté », des coachs emploi, financés grâce à l'État, mènent de vraies actions d'accompagnement. Récemment, dans ma circonscription, un repas a ainsi été préparé par des employeurs et des bénéficiaires du RSA pour que ces derniers démystifient l'employeur et reprennent confiance en eux-mêmes. Nous sommes loin des caricatures que vous faites. Il faut continuer à soutenir de telles initiatives, auxquelles France Travail va donner un coup d'accélérateur.

Monsieur le ministre, quelles mesures permettront de supprimer les obstacles en matière de mobilité, de logement et de garde d'enfants ? Comment renforcer l'attractivité des métiers alors que la perte de certaines aides dans les premiers mois suivant le retour à l'emploi constitue un frein pour les bénéficiaires ?

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Votre constat, monsieur le ministre, est assez inquiétant, en particulier l'absence totale de suivi, voire de contrôle, de 340 000 allocataires du revenu de solidarité active. Dès lors, comment s'assurer de leur volonté de reprendre un travail ? C'est une question importante dans un pays fortement fracturé, notamment entre ceux qui travaillent, qui produisent de la valeur et qui ont le sentiment de n'avoir droit à rien, si ce n'est celui de payer, et d'autres qui font peut-être moins d'efforts et qui profitent tout autant du système. France Travail peut-il résoudre ce problème ? Le projet va dans le bon sens, mais nous restons vigilants : attention à ne pas construire une usine à gaz, qui détruirait ce qui fonctionne.

Que devient la compétence en matière d'orientation que vous avez confiée aux régions ? Les maires et les présidents d'établissement public de coopération intercommunale sont au cœur des actions en faveur de l'emploi. Ce sont souvent eux qui président les missions locales, qui se sont battus, en milieu rural, pour les conserver et maintenir les antennes locales de Pôle emploi. Il ne faudrait pas que des guichets uniques fassent disparaître ces points de proximité. Puisque l'insertion est très liée à la mobilité, au logement et à la garde d'enfant, ne faut-il pas aller plus loin dans la décentralisation ?

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Il a été dit que les bénéficiaires du RSA ne sont pas accompagnés, qu'ils sont abandonnés. De deux choses l'une : soit on dit : « il faut que tout change pour que rien ne change » – pour citer un livre et un film que chacun connaît –, soit on essaie de tenter quelque chose. Je retiens avec satisfaction votre volonté de mettre l'accent sur l'accompagnement. Ce qui compte, c'est de fournir un boulot à ces hommes et à ces femmes, c'est de donner un sens à leur vie quotidienne.

S'agissant de la gouvernance, il faut faire preuve de souplesse pour l'adapter aux territoires. Des habitudes ont été prises, des initiatives fonctionnent ici et pas ailleurs. Il ne faut pas tout casser, mais au contraire conforter ce qui a été créé.

Mais n'oublions pas qu'il ne suffit pas de se former ou de trouver un emploi ; il faut aussi se loger, se déplacer, faire garder ses enfants. Comment comptez-vous associer les régions en matière de mobilité pour les autorités qui ne sont pas organisatrices ? Comment allez-vous mobiliser les bailleurs sociaux ? J'appelle de mes vœux l'implication de tous les acteurs au sein des territoires.

Je me souviens du plan Borloo, relancé par Dominique de Villepin, en 2005 : le fait de voir les chômeurs tous les mois, voire tous les quinze jours, avait eu un effet très significatif au bout de quelques mois. Aussi, pouvez-vous nous garantir que des moyens seront consacrés à l'accompagnement ?

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Je tiens, en préambule, à saluer votre ambition – que je partage – de mener une politique volontariste du plein emploi, mais aussi la qualité du rapport rédigé par le haut-commissaire Guilluy ainsi que la démarche de coconstruction, menée avec l'ensemble des acteurs territoriaux de l'emploi.

Les missions locales sont au cœur des dispositifs locaux d'accompagnement et de soutien des jeunes vers l'emploi et l'autonomie. Elles obtiendront demain le statut d'opérateurs France Travail. Cela conduira, de facto, à une évolution de la gouvernance de ces structures. Pourriez-vous nous en présenter les modalités ?

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Je me réjouis à mon tour de la création de France Travail, qui a pour but de contribuer à l'objectif du plein emploi. Je considère – et je ne suis pas le seul dans cette salle – que le travail est un facteur fort d'émancipation et de dignité, même si, bien sûr, ce n'est pas le seul. Tout ce qui peut aider à atteindre le plein emploi est donc une bonne nouvelle.

Vous avez raison, monsieur le ministre, il faut apporter des réponses en amont aux difficultés périphériques, que ce soit la formation, le logement ou la santé. S'agissant de la gouvernance, on se demande un peu qui va être le patron parmi tous ces acteurs !

Je souhaite enfin vous faire part d'une crainte qui concerne l'externalisation. Je voudrais être sûr que le recours aux cabinets extérieurs, auxquels Pôle emploi a largement fait appel, avec plus au moins de bonheur et en dépit du coût très élevé, sera proscrit ou à tout le moins limité. Il faut être vigilant face à ce genre de pratique.

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Je souscris pleinement à l'idée de renforcer l'accompagnement des allocataires du RSA. Cela implique un suivi personnalisé, pour l'insertion comme pour la formation, sans que soit négligé l'accompagnement social indispensable. Cela concerne notamment ce que l'on appelle les freins périphériques à l'emploi, que ce soit en matière de mobilité, d'hébergement ou de mode de garde des enfants, notamment pour ce qui est des horaires dits atypiques.

Dans le département du Nord, cet accompagnement repose sur le binôme travailleur social et coach emploi, qui démontre tous les jours son efficacité. Pour répondre à la question du financement posée par notre collègue François Ruffin, le premier motif de satisfaction, lorsqu'un allocataire retrouve un emploi, est la dignité et la fierté qu'il retrouve à vivre de son travail ; le second réside dans les marges de manœuvre dégagées pour, à la fois, financer l'accompagnement social et pour améliorer les prestations sociales assurées par le département au profit des concitoyens nécessiteux.

Nombre d'autoentrepreneurs ne parviennent pas à vivre de leur activité et son donc contraints de solliciter le RSA. Comment, selon vous, pourrait-on revoir l'accompagnement de ces personnes pour leur permettre de vivre pleinement de leur travail ou de se réorienter ?

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Nous sommes confrontés à un paradoxe : des entreprises peinent à recruter, alors qu'une partie des Françaises et des Français ne parviennent pas à s'insérer sur le marché du travail. Le rapport propose à cet égard des réponses inspirées des réalités de terrain. Je me permets cependant d'appeler votre attention sur le halo du chômage, qui concerne majoritairement les femmes. Monsieur le ministre, vous avez notamment cité les problèmes de garde et de santé, dont certaines sont propres aux femmes. Pourriez-vous préciser ?

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Le paradoxe qui vient d'être évoqué est encore plus frappant chez les jeunes, puisque 17,4 % d'entre eux sont sans emploi, alors que le taux de chômage global en France est de 7,2 %. Pis : seuls quatre jeunes sur dix qui sortent d'un lycée professionnel occupent un emploi, un an après la fin de leurs études.

Les formations dispensées par les lycées professionnels sont en cause mais aussi, sans doute, le manque de savoir-faire et de savoir-être des jeunes issus de ces établissements, lors de la recherche d'emploi. Or ces savoirs peuvent s'acquérir, de préférence à la fin des études. Monsieur Guilluy, la proposition n° 46 de votre rapport consiste à offrir aux jeunes, en dernière année de lycée professionnel ou en fin de parcours universitaire, des accompagnements adaptés à la recherche de leur premier emploi. Pourrait-elle se concrétiser dans le cadre de France Travail ?

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Sur le plan opérationnel – peut-être est-il un peu tôt pour l'évoquer ? –, l'inscription des allocataires du RSA auprès de France Travail, qui sera donc obligatoire, aura-t-elle pour corollaire un accompagnement intensif et spécifique ? Si tel est le cas, par qui le sera-t-il ? Sera-t-il délégué aux départements ou aux intercommunalités qui, eux-mêmes, le délégueront aux acteurs habituels ?

Vous instaurez un contrat d'engagement ainsi qu'une nouvelle sanction – la suspension-remobilisation – applicable aux bénéficiaires ; quelles contreparties seront demandées aux collectivités locales partenaires, responsables, d'une certaine manière, des résultats obtenus ?

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Le cœur de notre engagement est l'accompagnement de chaque Français vers l'emploi et l'aide aux entreprises à recruter. Vos recommandations devraient permettre un accompagnement plus efficace et intensif pour les demandeurs d'emploi comme les chefs d'entreprise. Vous proposez ainsi d'aller vers les personnes qui rencontrent le plus de difficultés à retrouver un emploi, grâce à des conseillers spécialisés, dont les portefeuilles seraient réduits à quelques dizaines de personnes suivies. C'est une bonne nouvelle. Quelle est la taille réelle des portefeuilles aujourd'hui ? Les chiffres varient, en effet, du simple au triple selon les agences et les territoires.

Vous préconisez également la réduction du délai – de trois à un mois pour les bénéficiaires du RSA – entre l'inscription à la caisse d'allocations familiales et le premier entretien d'accompagnement. Disposons-nous des capacités humaines et techniques pour y parvenir ?

Dans les grandes villes, les demandeurs d'emploi sont déstabilisés par les changements de conseillers et la difficulté à obtenir un rendez-vous avec une personne en chair et en os. Le tout-numérique ne favorise pas le lien social ; il peut être un facteur d'isolement supplémentaire. Face à l'illectronisme, qui concerne un peu moins de 20 % de la population française, le principe du référent unique est-il une réponse suffisante ?

La proposition n° 84 du rapport recommande de « mobiliser et de sensibiliser un maximum d'entreprises pour développer des pratiques de recrutement plus inclusives », des seniors notamment. Peut-on faire un lien avec les préconisations de la réforme des retraites telles que le tutorat, la décharge progressive d'activité, la retraite progressive ou le cumul emploi retraite ?

Dans mon département où le taux de chômage est de 4 %, les entreprises, qui peinent à recruter dans tous les secteurs, ne font pas appel à Pôle emploi, mais affichent leurs offres sur le bord des routes. Les éventuels candidats sont très éloignés de l'emploi. Ces personnes souffrent parfois de troubles psychologiques, qui sont autant de limites supplémentaires à l'insertion et face auxquels les associations peinent à apporter l'aide adéquate. Enfin, certaines expérimentations, comme la semaine de quatre jours ou le télétravail renforcé, creusent également les inégalités entre les métiers et les entreprises tandis que la pénurie de médecins du travail et d'infirmières empêche de mener des actions de prévention.

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Quoi qu'on en dise, la fusion de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE) et des Assedic n'a jamais été totalement achevée. Pourtant, vous voulez coordonner, dans une structure unique, les actions menées avec les régions en matière de formation initiale et de formation continue d'adultes souvent désemparés ; celles conduites avec les départements pour que les deux tiers des allocataires du RSA, qui restent éloignés du travail, retrouvent un emploi – ce qui était déjà l'ambition de Martin Hirsch lors de la création du RSA – ; celles des missions locales à destination des jeunes. Mais c'est déjà ce que font les agences locales de Pôle emploi !

Tant que le cumul de différentes aides – individuelles ou de couple – est apparemment plus lucratif que les emplois payés au Smic, vous risquez de vous tromper de méthode et de cible.

En tout état de cause, nous sommes loin d'une grande politique de l'emploi, et plus encore d'une grande politique du plein emploi. Tout au plus prenez-vous le risque de rigidifier une démarche pilotée par des agences locales qui, pour les avoir vues à l'œuvre et interrogées, connaissent bien leur territoire et leur métier.

Comment comptez-vous évaluer la plus-value des expérimentations menées dans dix-huit départements s'agissant du RSA ?

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Vous voulez réunir un certain nombre d'acteurs de l'emploi en créant France Travail : votre ambition est claire mais c'est la volonté politique qui sera décisive.

Je souhaite appeler votre attention sur deux points : premièrement, il ne faut pas mettre de côté le travail des associations d'insertion professionnelle dans nos territoires qui essaient de prendre en charge tous les aspects extraprofessionnels lesquels, souvent, empêchent l'insertion – difficultés à se loger, à gérer un budget ou à se déplacer, notamment parce que passer un permis de conduire n'est pas une mince affaire en milieu rural. Il ne faut pas marginaliser ces associations, en particulier dans les territoires où, compte tenu du faible taux de chômage, elles travaillent avec les publics les plus éloignés de l'emploi. Il ne faut pas négliger l'arrière-plan social.

Second point très important : l'écart entre les revenus de l'inactivité et ceux du travail. On ne peut plus ignorer que la reprise d'une activité professionnelle au Smic signifie, pour certains bénéficiaires de minima sociaux et de prestations familiales, une perte de revenus. Surtout si l'on prend en compte la nécessite de se déplacer ou de faire garder des enfants.

Puisque la création de France Travail n'est pas une fin en soi, où est la volonté politique de mettre fin à ces situations dans lesquelles l'assistanat paie davantage que le travail ?

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Aller vers le plein emploi – et permettre ainsi l'accès de tous à l'autonomie et à la dignité par le travail, source d'émancipation – doit être une priorité. Il existe aujourd'hui une vraie fracture entre ceux qui travaillent et ceux qui bénéficient du RSA. Les premiers s'estiment insuffisamment reconnus et valorisés, tandis que les seconds sont pointés du doigt par les entreprises qui ont des difficultés à recruter. Ce sont deux mondes qui s'affrontent et qu'il convient de réconcilier. Je ne peux que partager le souhait d'une meilleure coopération entre le grand nombre d'acteurs et d'un suivi plus personnalisé.

Lever les freins, qu'il s'agisse de mobilité, de logement ou de garde d'enfants, est une nécessité pour favoriser le retour à l'emploi. Mais comment comptez-vous faire puisque, très souvent, en particulier dans les territoires ruraux – que je connais bien –, l'offre n'existe pas ? Celle-ci est notamment très insuffisante en matière de petits logements, de places de crèche ou d'assistants maternels.

Dix-huit départements se sont lancés dans l'expérimentation des quinze à vingt heures hebdomadaires d'activité pour les allocataires du RSA ; d'autres comme la Saône-et-Loire, mon département, déploient le service public de l'insertion et de l'emploi (Spie). Qui dit expérimentation dit évaluation : comment les résultats des évaluations vont être pris en considération dans France Travail ?

Enfin, vers qui les financements seront fléchés et quelle sera la place des départements, qui me semblent être des acteurs de proximité indispensables ?

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Olivier Dussopt, ministre

Vos très nombreuses questions illustrent l'ampleur du défi que nous devons relever. Nous avons gravi une première marche en passant de 9,5 à un peu plus de 7 % de chômeurs, mais le passage de 7 à 5 % est une autre paire de manches, notamment en raison des problèmes d'adéquation, dans les territoires, des compétences disponibles à celles recherchées par les employeurs.

De la même manière, la question des freins à l'emploi — qui a été évoquée par la quasi-totalité des intervenants – est une question majeure, qui renvoie au logement, à la mobilité et à la garde d'enfants notamment. Dire que la création de France Travail suffirait, à elle seule, à lever tous ces freins serait un mensonge, voire une illusion. Il s'agit d'abord d'un travail interministériel, mais aussi d'un partenariat avec chacun des échelons territoriaux.

Ainsi, lorsque M. Di Filippo dit qu'un grand nombre d'associations sont très actives pour lever ces freins, c'est vrai et il n'y a aucune raison – bien au contraire – de les remettre en cause ni de les déstabiliser. Leur travail est utile et répond parfois à des problématiques très locales, par des solutions également très locales. Nous devons donc continuer à travailler avec elles.

En ce qui concerne le financement, le rapport estime les besoins pour les trois prochaines années entre 2,3 à 2,7 milliards d'euros. Ces crédits pourraient être consacrés à la fois au financement de la formation et au recrutement de conseillers pour l'insertion et l'accompagnement professionnel, une partie étant fléchée vers les principaux acteurs de l'insertion que sont les départements. C'est un point que j'ai évoqué avec le président de l'Assemblée des départements de France (ADF). Mais il est prématuré aujourd'hui de vous indiquer le montant et la répartition des crédits d'État alloués à la politique de l'emploi alors même que les concertations sur le projet de loi ne sont pas encore ouvertes. Nous devrons, par ailleurs, discuter avec les partenaires sociaux des modalités de financement. Certaines dispositions, dans la convention tripartite entre l'État, Pôle emploi et l'Unedic, prévoient d'ores et déjà un prélèvement de 11 % sur les recettes de l'Unedic pour financer Pôle emploi, demain France Travail.

Monsieur. Dharréville, vous avez évoqué tout à l'heure le fait que ce prélèvement pourrait passer à 17 % ; très franchement, je ne sais pas d'où sort ce chiffre, puisque nous n'avons pas encore ouvert la discussion sur le renouvellement de la convention tripartite. Cela fait partie des sujets que nous aurons à aborder, mais, en ce qui me concerne, annoncer des chiffres dans l'immédiat n'est pas possible et ne relève d'aucune forme de réalité.

S'agissant des missions locales, que Christine Le Nabour et nombre d'entre vous ont évoquées, elles font l'objet d'une très forte mobilisation de la part de l'État, à tel point que nous leur avons confié les deux tiers du volume du CEJ, le principal outil en matière d'insertion des jeunes sans emploi, soit 200 000 contrats. Nous avons corrélativement augmenté les moyens alloués par l'État au réseau des missions locales, qui dépassent désormais 600 millions d'euros.

Il a été question, il y a cinq ou six ans, d'un rapprochement de Pôle emploi et des missions locales, mais ce n'est absolument pas notre projet. Les missions locales conserveront leur gouvernance ; elles ne deviendront pas des opérateurs d'État et, pour ce qui est de leur financement, elles ne seront pas conventionnées avec l'opérateur France Travail, mais avec l'État, comme elles le sont aujourd'hui. Ces questions avaient été posées par l'UNML ; nous avons apporté les réponses que je viens de vous livrer et, le 21 avril, l'UNML a publié un communiqué indiquant que des réponses avaient été apportées à leurs interrogations, notamment pour ce qui est de leur rôle d'opérateur spécialisé et d'acteur central pour les sujets relatifs à la jeunesse.

Monsieur Ruffin, vous avez évoqué les 60 % d'allocataires du RSA qui n'ont pas signé de contrat d'engagement réciproque : j'ai donné le chiffre de 57 %, la différence est donc de l'ordre de l'épaisseur du trait.

Un autre chiffre a été souligné par la Cour des comptes, qui signe une forme d'échec collectif, dont personne ne peut se féliciter : 42 % des allocataires du RSA perçoivent encore cette allocation sept ans après leur première inscription, de manière continue ou intermittente ; 33 % seulement d'entre eux ont un emploi, précaire dans 22 % des cas. Quant aux autres personnes, elles sont à la retraite ou elles ont basculé dans d'autres formes d'accompagnement – notamment l'allocation aux adultes handicapés – ou elles sont malheureusement décédées. Personne ne peut se féliciter de telles statistiques.

Notre objectif n'est en aucun cas, je le répète, le travail gratuit ou le bénévolat obligatoire. Il est d'accompagner vers l'emploi. Nous l'avons observé dans la mise en œuvre du CEJ et dans d'autres dispositifs européens, c'est l'accompagnement qui permet de répondre au défi du retour à l'emploi. Les moyens, que j'ai évoqués tout à l'heure en réponse à M. Dharréville notamment, sont destinés à rendre cet accompagnement plus intensif. Le calibrage des moyens déterminera la part des allocataires du RSA qui pourront bénéficier d'un suivi intensif. Les contreparties ou les engagements attendus dépendront aussi de l'intensité et de la qualité de l'accompagnement dispensé. Notre but est le retour à l'emploi pour lequel les actions de formation et d'accompagnement sont déterminantes. Un exemple : les demandeurs d'emploi seniors qui sont accompagnés et qui bénéficient de formation dans le cadre du PIC ont un taux de retour à l'emploi supérieur de 17 points, contre 9 points pour l'ensemble de la population.

Monsieur Ruffin, nous avons un désaccord sur la manière de créer des droits pour les autoentrepreneurs et les indépendants. Vous faites le choix de la présomption de salariat, alors que nous avons plutôt fait celui de la présomption d'indépendance – je fais le lien avec le travail des plateformes – qui produit ses premiers effets.

Autre question évoquée par plusieurs intervenants : l'insuffisance des efforts en matière d'insertion, tant pour le RMI que pour le RSA. C'est une réalité, qui s'explique entre autres par la prise en charge d'une partie de l'allocation par l'État. Ce n'est pas un phénomène nouveau que de voir les clefs de compensation votées en 2004 ne pas être strictement respectées. Avant cette date, les départements avaient l'obligation d'allouer de 16 à 17 % du budget aux actions d'insertion. Cette obligation a été supprimée lors de la décentralisation du RMI devenu RSA : aujourd'hui, moins de 10 % des crédits sont consacrés à l'insertion. Nous voulons inverser cette tendance et d'encourager les actions d'insertion.

S'agissant de la gouvernance, notre objectif est de simplifier tout en prenant le parti d'associer les collectivités à l'action de l'État qui conserve la compétence en matière de politique de l'emploi et d'accompagnement des demandeurs d'emploi. La gestion quadripartite que j'ai évoquée peut sembler complexe mais n'oublions pas qu'il existe aujourd'hui vingt niveaux de gouvernance.

Certains, parmi vous, s'interrogent sur l'articulation d'une loi votée au cours de l'été 2023 avec les expérimentations menées jusqu'à la fin de l'année dans dix-huit départements. La loi ne fixera pas les modalités d'accompagnement. Ainsi, des exemples de référentiels d'accompagnement figurent page 265 du rapport ; vous noterez qu'il ne s'agit ni de travail gratuit ni de bénévolat obligatoire. Tout cela relève de la gestion ou, au pire – si je puis dire –, du réglementaire, pas de la loi. L'évaluation des expérimentations, leur généralisation et l'échange des bonnes pratiques qui en résulteront permettront de faire évoluer les modalités d'accompagnement, sans que nous ayons besoin de les inscrire dans la loi. C'est d'ailleurs un engagement que j'ai pris auprès du président de l'ADF de ne pas figer ces modalités. À cet égard, le binôme travailleur social et coach emploi dans le Nord, évoqué par M. Christophe et Mme Parmentier-Lecocq, est l'une des très bonnes pratiques que nous souhaitons voir se développer.

Plusieurs questions ont également porté sur le cumul d'allocations ou d'aides sociales et d'un emploi. S'agissant de minima sociaux, que ce soit l'allocation de solidarité spécifique ou le RSA – et non pas d'indemnités chômage, qui peuvent être plus élevées, bien qu'ayant été plafonnées –, la reprise d'un emploi à temps plein, même au Smic, est systématiquement favorable. Le problème se pose pour la période de transition mais cela ne relève pas de France Travail. Lorsque vous ne travaillez pas, que vous avez des enfants et que vous reprenez un emploi, vous avez à payer des frais de garde. Vous pouvez être aidé, notamment si votre salaire est au niveau du Smic, mais le décalage entre le moment où vous prenez l'emploi et celui où vous percevez l'aide à la garde d'enfants, peut être de trois, quatre ou cinq mois. Nous devons trouver les moyens de rendre la reprise d'un emploi véritablement avantageuse pendant les premiers mois qui la suivent. Pour des ménages dans des situations très précaires, les pertes subies pendant cette période de transition sont trop importantes pour être acceptables – et même compréhensibles. Je vous invite, si vous ne le connaissez pas encore, à découvrir un module de simulation baptisé Estime – que Mme Parmentier-Lecocq connaît par cœur –, qui permet aux demandeurs d'emploi et aux bénéficiaires de minima sociaux de connaître l'intérêt, en particulier financier, de reprendre un emploi. Vous constaterez qu'au cours des premiers mois, cela peut être un peu difficile.

Ce que nous refusons par-dessus tout, c'est de renoncer à accompagner vers l'emploi ceux qui en sont le plus éloignés. L'humanité que vous appelez de vos vœux, monsieur Delaporte, consiste justement à permettre le retour de chacun à l'emploi – et donc à l'autonomie et à la dignité par l'obtention d'un revenu –, plutôt qu'à considérer que nous serions quittes de notre devoir de solidarité par le versement d'une simple allocation.

D'autre part, nous ouvrons le vaste chantier de la solidarité à la source qui nous permettra de lutter très efficacement contre le non-recours.

Monsieur Gernigon, le texte relatif aux retraites comporte des dispositions sur l'emploi des seniors, comme le cumul emploi retraite ou les transitions. Mais nous devons aller plus loin, notamment en matière de formation puisque, là aussi, il s'agit certainement d'un des moyens les plus efficaces pour retrouver un emploi.

Madame Berete, dans le cadre de la nouvelle mouture du PIC, les formations sur les savoirs de base, sur la lutte contre l'illettrisme et contre l'illectronisme figureront au rang des priorités des conventions avec les régions, pour qu'elles soient dispensées dans chaque territoire. Par ailleurs, nous souhaitons que l'État puisse agir plus directement, grâce à France Travail, sur les formations à distance afin d'en faciliter l'accès à ceux qui sont intéressés.

Mme Gruet a fait part de son inquiétude mais il n'y a pas de recentralisation de la politique de formation, y compris en matière d'illettrisme, qui reste une compétence régionale. Il n'y a pas davantage de décentralisation nouvelle puisque l'État demeure le principal acteur, notamment pour les conventionnements, que je viens d'évoquer.

En ce qui concerne la réforme des lycées professionnels, que nous menons parallèlement à celle de France Travail, le Président de la République doit s'exprimer en fin de semaine. Nous souhaitons que l'insertion professionnelle à la sortie des lycées professionnels soit à la hauteur de la promesse faite aux lycéens à leur entrée dans ces établissements. Le taux d'insertion professionnelle dans un emploi proche du secteur pour lequel ces lycéens ont été formés est de 52 % seulement, au niveau bac, deux ans après l'obtention de ce diplôme. Il n'est que de 42 % pour les titulaires d'un BEP. Ces résultats ne sont pas satisfaisants, d'autant qu'ils cachent d'énormes disparités : le taux d'insertion est ainsi de 100 % dans certaines sections, ce qui signifie qu'il est beaucoup plus faible dans d'autres. Il est donc nécessaire, aussi, de revoir la carte des formations.

Les délais d'accueil et d'accompagnement des allocataires du RSA et des demandeurs d'emploi ont également été évoqués. Notre ambition est de les abaisser à quinze jours et, pour ce faire, nous avons développé une plateforme, baptisée Rendez-vous solidarités, pour les publics qui ne sont pas empêchés par l'illectronisme. Votre question, madame Dubré-Chirat, me donne l'occasion de saluer le travail des départements qui, en moyenne, respectent un délai d'un mois, alors qu'il était de deux mois il y a peu et bien au-delà précédemment.

Madame Corneloup, nous nous appuierons sur ce qui a été fait dans les Spie, parce que cela fonctionne bien et parce que les programmes d'action de la plupart d'entre eux s'achèveront à la fin de l'année 2023. Cela coïncidera donc – nous l'espérons en tout cas – avec la bascule vers le nouveau réseau France Travail et France Compétences.

Pour dissiper les craintes que certains ont peut-être encore, je répète que France Travail n'est pas un opérateur unique. Il sera l'opérateur principal, mais les autres acteurs conserveront leur autonomie et leur indépendance. Il n'y aura ni remise en cause de leurs compétences, ni fusion, ni big-bang institutionnel ou création d'un nouveau grand opérateur. Mme Mélin a rappelé la fusion des Assedic et de l'ANPE il y a quelques années. Dans une période de tension de recrutement qui exige une grande agilité pour fournir de nombreux services aux demandeurs d'emploi et aux entreprises, nous n'allons pas prendre le risque d'une nouvelle embolie.

Permalien
Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises

Merci, tout d'abord, pour vos commentaires sur le rapport ainsi que pour vos nombreuses contributions qui ont nourri le diagnostic et certaines propositions du rapport.

M. le ministre m'a demandé de revenir sur deux points : la gouvernance et l'évaluation.

Le diagnostic sur la gouvernance est très largement partagé dans tous les territoires : la multiplicité des acteurs rend difficile une action efficace au bénéfice des demandeurs d'emploi comme des chefs d'entreprise. Cela d'autant plus que les patrons qui recrutent dirigent avant tout des TPE ou des PME, qui ne peuvent pas s'appuyer sur une direction des ressources humaines pour décrypter la complexité de notre système.

M. le ministre l'a rappelé, il ne s'agit ni de centraliser, ni de décentraliser, ni de procéder à un big bang institutionnel, mais de créer les conditions de la coopération. Comment ? Il faut d'abord savoir à qui l'on s'adresse. Plusieurs d'entre vous ont rappelé la singularité de chaque parcours, de chaque situation. Il est important de s'investir pour établir un diagnostic professionnel, bien sûr, mais aussi sur tous les freins sociaux que vous avez cités. Il n'existe pas un endroit, en France, où l'on connaît toutes les personnes qui sont privées d'emploi.

Ensuite, pour pouvoir coopérer, les objectifs doivent être partagés, notamment pour éviter des jeux de concurrence stériles. Les outils méthodologiques et pratiques, y compris numériques, doivent être capables de communiquer entre eux. C'est tout l'enjeu des systèmes d'information communs ou interopérables.

Troisièmement, la gouvernance doit être partagée pour casser le fonctionnement en silos. Philippe Vigier a mentionné la territorialisation : il est nécessaire de partir du bassin de vie, du bassin d'emploi, pour que la gouvernance soit opérationnelle. Il faut, en outre, fixer des objectifs communs et établir des plans d'action locaux, qui seront déclinés par l'État et par les collectivités. Chacun affecte les moyens dont il dispose, selon ses compétences, pour mettre en œuvre le plan d'action.

C'est ensuite l'échelon départemental qui prend en charge les politiques d'insertion des personnes éloignées de l'emploi. Il est important d'articuler cette compétence avec la politique de l'État puisque les moyens sont partagés entre les uns et les autres. Quant à l'échelon régional, il gère l'orientation et la formation, tout en assurant le lien avec l'activité économique. Mme Parmentier-Lecocq a rappelé que derrière les projets de gigafactories, ce sont 11 000 recrutements qui se dessinent, auxquels devront répondre les services de l'emploi.

M. Dharréville a évoqué la gouvernance duale, mais selon les professionnels de terrain, la gouvernance stratégique, politique et financière est parfois déconnectée des réalités opérationnelles que vivent les missions locales, les antennes de Pôle emploi ou les associations. La capacité des acteurs locaux à proposer des actions, qui sont ensuite soutenues par les collectivités et l'État, est un élément clef pour rendre la gouvernance plus opérationnelle. Il s'agit d'une attente forte exprimée dans tous les territoires où nous nous sommes rendus.

La question de l'évaluation renvoie à celle de l'investissement social, évoquée par Mme Le Nabour. On sait que plus on investit dans l'accompagnement des personnes, plus on accélère le processus du retour à l'emploi. Ce qui peut être perçu, parfois, comme une dépense peut être finalement un bon investissement. Encore faut-il pouvoir l'évaluer de manière continue pour choisir le bon accompagnement pour le bénéficiaire. Les situations d'une maman qui n'a pas de solution de garde pour ses enfants, d'un proche aidant ou d'une personne à la recherche d'un emploi appellent des réponses différentes.

S'il faut aider les hommes et les femmes à trouver un emploi, il faut aussi apporter des services aux entreprises. Plus nous irons vers elles, plus nous les aiderons à développer la formation, plus les effets positifs sur l'emploi et sur l'inclusion seront importants.

La philosophie qui préside à la création de France Travail est de ne pas abandonner les personnes qui sont en difficulté. Plus on peut les accompagner tôt, que ce soit à la sortie des lycées professionnels, de l'université ou après un licenciement pour inaptitude, mieux c'est.

Tous les dispositifs sont évalués. Le premier niveau d'évaluation est très opérationnel. Les professionnels se plaignent du temps considérable qu'ils consacrent à remplir des tableaux Excel et à effectuer du reporting. Le recours aux communs numériques va permettre de leur libérer un peu de temps. Le deuxième niveau d'évaluation prend la forme d'une revue d'objectifs, chaque année, en fonction des priorités de chacun. Enfin, les études menées par la Dares et l'Insee, pour estimer les effets sur l'emploi et pour améliorer le ciblage des accompagnements, constituent le troisième niveau d'évaluation.

La séance est levée à dix-neuf heures.

Présences en réunion

Présents. - M. Éric Alauzet, Mme Fanta Berete, Mme Anne Bergantz, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Arthur Delaporte, M. Pierre Dharréville, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, M. Marc Ferracci, Mme Marie-Charlotte Garin, M. François Gernigon, Mme Justine Gruet, M. Jérôme Guedj, Mme Claire Guichard, Mme Monique Iborra, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, Mme Katiana Levavasseur, Mme Joëlle Mélin, M. Yannick Monnet, M. Yannick Neuder, Mme Astrid Panosyan-Bouvet, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, Mme Michèle Peyron, M. Jean-François Rousset, M. François Ruffin, M. Freddy Sertin, M. Olivier Serva, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, Mme Isabelle Valentin, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier, M. Stéphane Viry

Excusés. - M. Elie Califer, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Caroline Fiat, Mme Caroline Janvier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist

Assistaient également à la réunion. - M. Fabien Di Filippo, Mme Brigitte Liso