La réunion

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Mercredi 22 mars 2023

La séance est ouverte à quinze heures.

(Présidence de M. Jean-Philippe Tanguy, président de la commission)

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Nous accueillons cet après-midi M. Rachid M'Barki, que je remercie d'avoir répondu à notre convocation.

Je tiens à informer les membres de la commission que M. M'Barki et moi-même avons eu quelques échanges pour modifier la date et l'horaire de cette audition.

Je tiens également à rappeler qu'une commission d'enquête parlementaire n'est pas une procédure judiciaire, aussi n'est-elle pas soumise au principe du contradictoire. Nous laissons bien entendu à la justice toutes ses prérogatives, auxquelles cette commission ne saurait être mêlée d'une manière ou d'une autre. Une commission d'enquête vise à informer la représentation nationale sur un sujet particulier afin d'éclairer les représentants du peuple, de confronter les points de vue et de se faire une opinion caractérisée dans un rapport. Celui-ci est discuté par la commission avant d'être publié, si les commissaires l'autorisent.

Monsieur M'Barki, vous vous trouvez au cœur d'une affaire de soupçon d'ingérence ou d'influence étrangère liée à l'information, dans le cadre du journal de la nuit de BFM TV que vous présentiez. Nous avons considéré qu'il était important de vous entendre, eu égard à l'écho que cette affaire a eu dans l'opinion publique. Nous aimerions connaître votre sentiment et la nature des informations et reportages sur lesquels plane ce soupçon. Nous souhaiterions également savoir en détail comment, selon vous, les événements se sont déroulés.

Comme je vous l'ai indiqué par courrier, votre audition portera sur les questions soulevées par l'enquête Story Killers, menée dans le cadre de Forbidden Stories, un collectif de journalistes d'investigation dont nous avons déjà interrogé plusieurs membres la semaine dernière.

Je précise que cette audition est retransmise en direct sur le site de l'Assemblée nationale et qu'elle est ouverte à la presse. J'ajoute que j'ai refusé que des photos soient prises avant le début de cette réunion. Notre commission d'enquête existe pour faire la lumière sur une question grave pour notre démocratie ; il ne s'agit pas d'un spectacle et nous n'avons pas à prendre part à des polémiques extérieures à notre assemblée.

Monsieur M'Barki, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(M. Rachid M'Barki prête serment.)

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Rachid M'Barki, journaliste

Cinquante-quatre, trente et un, dix-huit, deux et demi : ces nombres résument ma vie professionnelle, ou du moins ce qu'il en reste.

J'ai 54 ans, je suis né en France, à Toulouse. Ma mère est marocaine et mon père inconnu. Je suis ce que l'on appelle un pur produit de l'école de la République. J'ai suivi des études de droit, qui m'ont conduit au journalisme, en 1992. Il y a donc trente et un ans. J'ai travaillé pour divers médias, d'abord à la radio puis à la télévision. J'ai été recruté par BFM TV en 2005, j'ai pris part au lancement de la chaîne et j'y ai mené une carrière professionnelle dont je suis fier. J'ai d'abord été reporter avant de devenir présentateur. Cela faisait dix-huit ans que je travaillais pour BFM TV et j'ai participé, à mon niveau, au succès de cette chaîne. Ces dernières années, j'ai également eu la satisfaction de coprésenter l'émission Faites entrer l'accusé, sans me douter qu'un jour c'est moi qui me retrouverais sur le banc des accusés, spectateur de ma propre mise à mort professionnelle. Deux semaines et demie – ou plus exactement deux semaines et cinq jours – se sont écoulées entre le premier article qui, littéralement, m'a cloué au pilori, et mon licenciement pour de prétendues fautes graves. Deux semaines et demie, c'est la durée du lynchage médiatique en règle dont j'ai fait l'objet.

Il m'est reproché d'avoir failli à ma déontologie professionnelle en passant à l'antenne des informations non vérifiées. On laisse supposer que j'aurais été rémunéré pour cela. Tout cela est faux et relève de la pure calomnie.

En réalité, même si c'est l'article de Politico qui a lancé la charge, j'ai compris depuis peu que mon sort avait été scellé quelques semaines plus tôt, mi-janvier, lorsque M. Métézeau, que vous avez entendu, est allé courageusement me dénoncer auprès de mon employeur, sans évidemment me solliciter au préalable ni même me prévenir.

Après plus de trente ans de carrière, cette affaire, que j'ai d'ailleurs en grande partie découverte dans la presse, est d'une rare violence. J'ai été abasourdi, effondré – je ne vous cache pas que je le suis toujours –, paralysé par cette violence, par ces coups répétés, dont je ne connaissais même pas la provenance. J'ai essayé de dénouer le fil, de comprendre, de sortir la tête de l'eau, de reprendre mon souffle.

Puisque vous m'avez convoqué, je vais évidemment répondre à vos questions. Auparavant, je tiens à vous faire part de certains faits et réalités en lien avec l'affaire qui me vaut d'être ici devant vous et avec le sujet qui préoccupe cette commission d'enquête.

Je tiens à dire que l'enquête Story Killers est très utile ; le sujet qu'elle aborde est essentiel à la profession de journaliste et à l'information du public. J'ai écouté avec attention l'audition de mes confrères qui sont venus témoigner devant vous, sous serment, la semaine dernière ; je ne remets absolument pas en cause leur travail. En revanche, je réfute les allégations formulées à mon encontre, qui sont fausses et dont j'ai compris, récemment, les ressorts.

Lors de son audition, M. Métézeau vous a expliqué comment il était parvenu à la conclusion que j'étais coupable. Il vous a d'abord indiqué que Team Jorge s'était vantée de disposer de relais dans la presse française. Pour illustrer son propos, il a montré un extrait d'un de mes journaux télévisés, qui traitait des conséquences de la guerre en Ukraine, en particulier de l'impact des sanctions prises contre la Russie sur l'industrie du yachting en France. Il vous a ensuite expliqué qu'il ne suffisait pas que Team Jorge se targue de pouvoir passer des informations par mon intermédiaire pour que cela soit vrai. M. Métézeau vous a alors révélé que cet extrait du journal télévisé de la nuit avait été repris et viralisé sur des comptes de Team Jorge sur les réseaux sociaux. Et il estime, manifestement, qu'il s'agit d'un élément à charge contre moi. M. Métézeau a fait alors valoir un troisième point : il s'est demandé, en tant que journaliste – il précise qu'il travaille pour Radio France –, si cette information avait sa place sur l'antenne de BFM TV. Il a considéré que, sur un média généraliste, on ne passe pas ce genre d'information.

Lorsque j'entends cela, je m'interroge à mon tour et je comprends qu'il s'agit d'un élément clé de la situation qui est la mienne aujourd'hui. C'est donc l'appréciation très personnelle de M. Métézeau sur ce qui devrait ou non être diffusé par BFM TV – ou par tout autre média généraliste – qui a renforcé sa suspicion, au point de l'avoir poussé à me dénoncer à ma hiérarchie. Plus précisément, il a expliqué avoir demandé à celle-ci si l'extrait de mon journal télévisé, tel qu'il avait été relayé, avait bien été diffusé sur BFM TV et s'il correspondait à la ligne éditoriale de la chaîne. Il a précisé ensuite qu'une officine israélienne, en l'occurrence Team Jorge, prétendait faire passer des messages sur la chaîne par mon intermédiaire. M. Métézeau vous a ensuite indiqué que la direction de BFM TV lui avait confirmé la diffusion de cet extrait, qui n'était pas conforme à la ligne éditoriale de la chaîne.

J'aimerais que vous visionniez un extrait d'un journal télévisé diffusé sur l'antenne de BFM Var le 12 mai 2022. Pour mémoire, celui qui fait l'objet de soupçons d'ingérence étrangère, dont le sujet est très proche, date de décembre 2022.

(L'extrait du journal de BFM Var est projeté.)

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Rachid M'Barki, journaliste

Il ne m'a fallu que quelques instants pour trouver cette vidéo d'une à deux minutes, qui inclut des interviews – un format beaucoup plus élaboré que les trente secondes qui me sont reprochées – et qui a été mise ligne plus de six mois avant celui incriminé. Après quelques recherches et vérifications complémentaires, j'ai retrouvé, sans aucune difficulté, d'autres articles sur ce même sujet de l'impact économique, en France, des sanctions internationales contre les oligarques russes, traité par 20 minutes, Slate, Var-Matin ou Ouest-France. Il y en a peut-être d'autres.

Je tiens à apporter une précision importante : M. Métézeau a affirmé à plusieurs reprises que je n'avais pas respecté la ligne éditoriale de BFM TV. Or ni lui ni les journalistes qui – dans la presse écrite, à la radio ou à la télévision – ont repris à leur compte cette affirmation n'ont pris la peine d'expliquer quelle était cette ligne éditoriale. Sans doute d'ailleurs parce qu'eux-mêmes l'ignoraient et parce que, s'ils s'étaient donné la peine d'interroger BFM TV à ce sujet, ils se seraient peut-être posé des questions. Pour ma part, après dix-huit années passées au sein de cette entreprise, j'ai découvert ce qu'était cette ligne éditoriale en lisant le courrier qui me notifiait mon licenciement : « la couverture d'une actualité chaude et quotidienne en résonance avec les préoccupations des Français ». Comment M. Métézeau a-t-il pu considérer qu'un sujet traitant des conséquences, sur certains secteurs de l'économie française, des sanctions prises contre les oligarques russes ne respectait pas cette ligne éditoriale ?

Votre commission s'intéresse aux possibles ingérences de puissances étrangères, visant à influencer, à corrompre des relais d'opinion. Il s'agit d'une question très importante et les journalistes doivent être très vigilants à cet égard. Cela a toujours été ma ligne de conduite. Mon nom a été injustement associé à cette enquête, ce qui me vaut d'être devant vous aujourd'hui. Entendons-nous bien : je ne remets pas en cause le travail fait par mes confrères de Forbidden Stories . Simplement, en ce qui me concerne, et plus largement en ce qui concerne la France, un véritable tournant s'opère. M. Métézeau l'a dit lui-même au cours de l'une de ses multiples interventions de ces dernières semaines : lorsque Team Jorge lui montre l'extrait d'un de mes journaux télévisés, il comprend qu'il tient potentiellement un scoop. Une enquête – aussi importante soit-elle – sur une officine israélienne qui vend ses capacités de désinformation à des groupes politiques ou à des États pour influencer des élections qui pour l'essentiel se déroulent en Afrique ne risque pas de créer le buzz auprès du public français. En revanche, si on peut brandir en figure de proue de cette enquête la tête d'un présentateur de journal télévisé d'une grande chaîne, dont le nom et le visage sont un peu connus des Français, on crée une affaire. On sait que cette histoire sera reprise partout et par tout le monde et on donne, par la même occasion, une exposition médiatique inespérée à l'enquête à laquelle on participe. En l'occurrence, celle de Forbidden Stories devient, à ce moment-là, l'affaire M'Barki. Et cela, M. Métézeau l'a immédiatement compris. Il n'a eu de cesse ensuite de donner de la substance à ce qui, à la fin, se révèle n'être qu'une fable, pour ce qui est de ma prétendue implication tout au moins. Le procédé qu'il a utilisé est, selon moi, tout à fait scandaleux. M. Métézeau est allé directement me dénoncer, sans même prendre la peine de m'interroger au préalable ni de me confronter aux allégations de Team Jorge.

Mi-janvier, M. Fogiel, directeur général de BFM TV, me demande de passer le voir dans son bureau. Il me montre rapidement, sur son téléphone, des extraits de mes journaux télévisés et me demande si j'ai été payé pour passer des informations à l'antenne. Je nie bien évidemment ces accusations. Je suis cependant suspendu, éloigné de l'antenne, le temps, m'explique-t-on, que la direction de BFM TV mène une enquête interne. À aucun moment, ni ce jour-là ni par la suite, je n'ai été informé que c'était M. Métézeau qui était à l'origine de ce qui m'arrivait. M. Fogiel ne m'a rien dit et M. Métézeau ne m'a pas averti du rôle qu'il avait joué et que j'ai découvert beaucoup plus tard, lorsqu'il l'a confessé dans les médias.

Ce procédé m'apparaît tout à fait contraire non seulement au respect de la présomption d'innocence, à laquelle je vous sais tous très attachés, mais également aux principes qui régissent la déontologie des journalistes. Sandrine Rigaud, qui est la rédactrice en chef du consortium, vous a affirmé ici même que ces principes étaient rigoureusement appliqués au sein du collectif Forbidden Stories. Elle a notamment rappelé le respect du contradictoire et l'obligation pour le journaliste de vérifier les informations qui lui sont fournies, ce qu'elle a appelé le fact checking. En l'occurrence, il n'y a eu aucun respect du contradictoire me concernant puisque j'ai fait l'objet d'une dénonciation sans jamais en avoir été informé, dénonciation qui a déclenché l'enquête interne dont j'ai fait l'objet, au cours de laquelle je n'ai jamais été entendu par mon employeur. Jamais. Cette enquête a ensuite fuité dans la presse, ce qui m'a valu d'être immédiatement désigné comme coupable et de faire l'objet d'une procédure disciplinaire qui s'est soldée par mon licenciement. Des journalistes de Forbidden Stories – et M. Métézeau n'en faisait pas partie – m'ont sollicité seulement la veille de la publication de leur enquête, qui avait pourtant duré plusieurs mois. Ils m'ont indiqué que je devais répondre au plus tard le lendemain, c'est-à-dire le jour de la parution de l'enquête.

Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, la presse française faisait état depuis plusieurs mois des conséquences des sanctions contre la Russie et ses oligarques sur certains secteurs de l'économie nationale. Si M. Métézeau, au lieu de me dénoncer, avait pris soin de faire son travail de vérification, d'abord en me sollicitant, ensuite en recherchant ce qui avait été publié sur ce sujet, il se serait très vite rendu compte qu'il était peut-être, lui-même, victime de désinformation. Team Jorge, qui pensait avoir affaire à de potentiels clients – c'est ce qu'il a expliqué –, lui a donc fait croire à des fins commerciales et marketing qu'il disposait de relais dans la presse française ; M. Métézeau était peut-être beaucoup trop heureux de le croire. Quant à la présomption d'innocence, M. Métézeau a clairement expliqué que j'étais corrompu. C'est une pure et simple calomnie, qui a été largement reprise par les médias. M. Métézeau s'est fait un nom sur mon dos, à mes dépens, grâce à « l'affaire M'Barki », qu'il aura finalement construite lui-même de toutes pièces, au risque in fine de jeter le discrédit sur l'enquête Story Killers tout entière. Enquête qui ne se résume pourtant pas, fort heureusement, aux seules accusations portées injustement contre moi.

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Merci monsieur M'Barki pour vos explications. Il n'appartiendra pas à cette commission de trancher qui dit vrai et qui dit faux dans l'affaire qui vous touche. Sauf erreur de ma part, vous n'avez pas mentionné M. Duthion, le contact par l'intermédiaire duquel vous auriez rendu service à Team Jorge contre rémunération. Le connaissez-vous ? Avez-vous des relations professionnelles ou personnelles avec lui ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Il a été dit dans la presse que j'avais rendu service à un ami. C'est absolument faux. Je ne me suis pas – ou quasiment pas – exprimé dans la presse et je n'ai, en tout cas, jamais dit avoir rendu service à un ami. Quant à M. Duthion, je l'ai rencontré il y a quelques années. Il s'agissait d'une de mes sources, parmi beaucoup d'autres. Lorsque vous êtes journaliste depuis longtemps, que votre visage apparaît régulièrement sur les écrans, qui plus est pour le compte d'une grande chaîne de télévision, vous êtes sollicité de toute part. Les informateurs se comptent par dizaines. Toutes ces personnes fournissent des informations qui peuvent être très intéressantes ou beaucoup moins. M. Duthion est un lobbyiste parmi d'autres avec lesquels j'étais en contact. De tels contacts existaient également avec des attachés de presse, des ONG, des associations, des membres de cabinets ministériels, des parlementaires et j'en passe. M. Duthion me donnait assez régulièrement des informations qui, elles aussi, étaient intéressantes ou non. J'en ai utilisé certaines, comme j'en ai utilisé émanant d'autres sources.

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Pouvez-vous brosser le portrait de cette personne et nous dire dans quelles circonstances vous l'avez rencontrée ? Vos rencontres étaient-elles régulières ? Pouvez-vous préciser la nature de cette relation : était-elle professionnelle ; avez-vous rendu des services contre rémunération ?

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Rachid M'Barki, journaliste

En toute franchise, je ne me souviens pas de ma première rencontre avec M. Duthion. Je peux vous assurer, en revanche, qu'il n'a jamais caché être lobbyiste. Il m'a dit qu'il disposait d'informations qui pourraient être intéressantes, ce à quoi j'ai répondu que cela pourrait en effet m'intéresser. Nos échanges et rencontres n'ont jamais été particulièrement réguliers. Je l'ai vu à quelques reprises – je ne saurais pas dire combien exactement –, et cela n'a pas toujours été l'occasion d'échanges d'informations. En tout état de cause, il n'a jamais été question ni de rémunération ni de quelque autre avantage que ce soit. En effet, et mes confrères ne me contrediront pas, il n'est pas seulement question d'argent : il peut s'agir aussi d'une invitation dans un restaurant prestigieux, d'un voyage ou de n'importe quel autre avantage. Rien de cet ordre, jamais, n'a existé entre M. Duthion et moi. Cependant, je reconnais que lorsque nous prenions un café ensemble, il est arrivé que ce soit lui qui paie. Cela n'est jamais allé au-delà. Nous n'avons même jamais déjeuné ou dîné ensemble.

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Vous nous dites que M. Duthion est lobbyiste ; vous reconnaîtrez que c'est pour le moins vague puisqu'un lobbyiste peut aussi bien se consacrer à la défense des balançoires qu'à celle du pire dictateur qui soit. Pouvez-vous nous préciser à quel type de lobbying il se livrait ? Avez-vous le sentiment qu'il était vraiment celui qu'il prétendait être ou, au contraire, avait-il des activités différentes de celles qu'il vous avait présentées initialement ? Défendait-il les intérêts de personnes peu recommandables, ce qui, si vous en aviez eu connaissance plus tôt, aurait pu vous inciter à limiter vos contacts ? Vos relations ont-elles évolué au cours de la période récente, en particulier depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie ? Quant aux informations qu'il vous transmettait, quels étaient leur nature et leur intérêt pour votre métier de journaliste ?

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Rachid M'Barki, journaliste

M. Duthion s'est présenté comme étant lobbyiste – ce que j'avais d'ailleurs vérifié – mais il ne m'a jamais dit pour qui il travaillait exactement. Nos conversations portaient sur des sujets très variés et concernaient aussi bien la France que l'étranger. Nous avions, en quelque sorte, des échanges de bistrot, qui devenaient plus précis lorsqu'il s'agissait d'informations qui me paraissaient intéressantes. Je n'ai jamais su, précisément, pour qui il travaillait mais je n'ai à aucun moment eu l'impression, le sentiment ou le soupçon qu'il pouvait agir pour le compte de quelqu'un qui cherchait à manipuler une information. Chacune des informations que j'ai reprises dans mes éditions était vraie, vérifiable et vérifiée. Je n'avais par conséquent aucune raison particulière de soupçonner quelque ingérence que ce soit de la part de qui que ce soit.

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Au cours de vos relations professionnelles, vous nous confirmez que M. Duthion ne vous a jamais transmis de reportages clés en main, de contenus ou d'images sur lesquels vous auriez fait preuve d'un esprit critique très limité ou que vous auriez « servilement » diffusés ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Ce n'est pas tout à fait ce que je vous ai dit. Lorsque je trouvais certaines informations dignes d'intérêt et qu'elles valaient la peine d'être creusées, M. Duthion me livrait un certain nombre d'éléments qui devaient me permettre de vérifier ces informations. Toutefois, il ne m'a jamais fourni de texte clés en main, comme j'ai pu le lire ici ou là. J'ai toujours écrit mes textes moi-même. Parfois, lorsqu'il s'agissait d'informations intéressantes, mon premier réflexe était de demander aux responsables de la « cellule images » de BFM TV s'ils avaient des éléments pour les illustrer. Lorsqu'il n'existait pas de visuels ou lorsqu'ils n'étaient pas adaptés, je demandais à M. Duthion s'il en avait. Il m'a effectivement fourni des images, neutres, qui suivaient ensuite le processus classique au sein d'une chaîne de télévision avant d'être diffusées. Contrairement à ce qui a été dit, je n'ai jamais rien fait en douce ; je n'ai jamais caché quoi que ce soit, à qui que ce soit, dans l'exercice de mon métier. Je n'ai jamais travaillé autrement qu'en toute transparence vis-à-vis de ma rédaction, du public et de moi-même. J'ai lu des articles selon lesquels j'arrivais tard le soir à la rédaction, dans la pénombre, muni d'une clé USB – reçue de je ne sais qui – pour faire passer des informations et des images, sans que personne ne s'en aperçoive. C'est faux, archifaux et c'est méconnaître le fonctionnement d'une chaîne de télévision que d'affirmer une telle chose. Si mes consœurs et mes confrères qui ont décrit de tels agissements avaient fait leur travail jusqu'au bout, s'ils étaient allés voir comment fonctionne une telle rédaction, ils n'auraient jamais écrit cela, ils n'auraient jamais tenu de tels propos à mon égard. Mais j'ai pris conscience que les tenir participait au récit, au roman, à cette fiction à la Netflix qui me faisait passer pour le mouton noir de BFM TV, où je passais, en douce, des messages quasi subliminaux.

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Vous parlez du processus normal qu'auraient suivi les images « neutres » – je ne les ai pas sous les yeux – que M. Duthion vous a données. Quel est ce processus normal ? Indiquiez-vous à vos collaborateurs et à votre hiérarchie d'où venaient ces images, qui vous les avaient fournies ? Le nom de M. Duthion apparaissait-il comme source ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Lorsque je recevais des images de M. Duthion, par exemple, je les transmettais directement, à partir de mon adresse e-mail professionnelle, vers l'adresse professionnelle de ma cheffe d'édition. Ensuite, ces images étaient visionnées, montées – pas par mes soins –, validées – pas par mes soins non plus –, avant de pouvoir être diffusées, étant entendu qu'une image, quelle qu'elle soit, qui n'avait pas reçu de validation – et, encore une fois, ce n'est pas moi qui validais – ne pouvait pas être diffusée sur BFM TV.

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Vous venez de nous expliquer en détail le processus de validation des images mais qu'en est-il des textes, de leur présentation et de l'angle des sujets que vous présentiez régulièrement ? Faisaient-ils l'objet d'une validation par la rédaction, par la chaîne hiérarchique ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Comme je vous l'ai précisé, j'ai agi en totale transparence. J'ai également insisté sur le fait que tout était écrit et que c'est moi qui rédigeais mes textes. Certains n'écrivaient pas et découvraient leur texte sur un prompteur. Ce n'était pas mon cas. J'écrivais tout, à la virgule près, car le journal de la nuit était rediffusé plusieurs fois jusqu'à quatre heures trente et la reprise du direct. Je précise que ce journal est le seul programme de BFM TV qui soit ainsi rediffusé. J'écrivais mes textes à la virgule près car cela permettait à ma cheffe d'édition de se livrer à des calculs très précis pour que la fin des rediffusions corresponde, à la seconde près, à la reprise du direct. Mes textes étaient donc achevés très en avance. En général, l'écriture de la presque totalité de mon journal était bouclée une heure ou une heure trente avant mon passage à l'antenne. Ce travail en amont concernait toutes les informations qui n'allaient plus évoluer avant la diffusion du journal. En revanche, pour certaines autres, comme le compte rendu d'un match de football se terminant à vingt-trois heures environ – dont je ne pouvais pas connaître le résultat –, ce n'était pas possible. En outre, le logiciel sur lequel les journalistes de BFM TV travaillent – mais aussi ceux d'autres rédactions – est disponible et accessible à tous. Tout le monde pouvait donc, en deux clics, connaître la teneur du journal, ce qui était écrit précisément et ce qui allait être dit à l'antenne. Un processus de validation de chaque mot par la hiérarchie n'a jamais existé. Nous discutions des sujets, de leur importance et de leur hiérarchie. Par exemple, faut-il donner la priorité à l'entretien accordé par le Président de la République ou à d'éventuelles nouvelles manifestations ? Faut-il privilégier cette interview ou les réactions qu'elle suscite ? Cela faisait l'objet de discussions mais qui ne concernaient ni la façon de traiter les sujets ni le contenu d'autres éléments du journal, jugés de moindre importance.

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Vous avez abondamment parlé du reportage consacré aux yachts d'oligarques russes en nous renvoyant à ce qui avait été diffusé par BFM Var quelques mois plus tôt, sur un thème analogue. Cependant, d'autres sujets font également l'objet de soupçons, notamment celui consacré à l'ancien procureur général du Qatar, M. Ali bin Fetais al-Marri, et celui – participant peut-être d'une campagne d'information sur les ressources touristiques du Maroc – au cours duquel il était notamment question du Sahara occidental, où la sémantique que vous avez utilisée n'était pas celle prévalant sur les grandes chaînes d'information françaises puisque vous n'avez pas évoqué cette dénomination. Vous nous confirmez avoir travaillé en totale transparence, que tout cela était écrit, à disposition sur le logiciel utilisé par tous les journalistes et donc susceptible d'être lu par tout un chacun. C'est bien ce que vous nous dites ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Je vous confirme ce que je viens de vous dire : tout a été fait de manière transparente et était visible par tous, à n'importe quel moment.

Les informations que vous venez d'évoquer faisaient partie de celles qui étaient écrites plus d'une heure avant mon passage à l'antenne, parce que je pensais qu'elles n'allaient pas évoluer. Entre le moment où je terminais la rédaction de mes textes et celui où je devais présenter mon journal, je ne me tournais cependant pas les pouces. Je surveillais l'actualité pour repérer d'éventuels changements susceptibles d'affecter le contenu du journal.

En ce qui concerne l'ancien procureur général du Qatar, il faut tout d'abord se replacer dans le contexte de la Coupe du monde de football, organisée au Qatar. Lorsqu'un de vos collègues parlementaires décide de déposer une plainte contre cet ancien procureur général, il s'agit pour moi d'une information importante, qui plus est alors que le Président de la République avait dit publiquement qu'il se rendrait au Qatar si la France se qualifiait pour la finale de la compétition.

S'agissant du Maroc, certains prétendent que j'aurais été payé. C'est absurde. Ce pays ne m'a pas donné un centime pour parler de quoi que ce soit. Ce sujet a été plusieurs fois abordé dans la presse ; c'est d'ailleurs par lui que tout a commencé. À l'origine, il y avait une actualité, en l'occurrence l'ouverture du forum économique entre le Maroc et l'Espagne organisé à Dakhla, une ville du Sahara au sud du Maroc. J'ai précisé que ce forum entre le Maroc et l'Espagne avait été rendu possible grâce au réchauffement des relations entre les deux pays – après leur rupture diplomatique et la fermeture de leurs frontières – depuis la reconnaissance du Sahara marocain par l'Espagne. Voilà la phrase exacte que j'ai prononcée. Il me semble que le chancelier autrichien a également parlé de Sahara marocain il y a peu. Je voudrais ajouter autre chose : depuis que j'ai parlé de Sahara marocain et que cette expression a pris l'importance que l'on sait, je suis devenu, comme par enchantement, un journaliste franco-marocain. Avant cela, personne n'avait fait référence à mes origines. Je ne l'ai d'ailleurs jamais fait moi-même. Dernière chose que je voudrais dire : le Maroc est un grand pays, souverain, qui n'a besoin de personne pour défendre ses intérêts, et surtout pas de petits télégraphistes.

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Votre dernière affirmation n'engage que vous. Les travaux de cette commission ont justement pour objectif de déterminer si des pays, aussi souverains et grands soient-ils, recourent à des méthodes d'influence ou d'ingérence. Quant à savoir si le Maroc ou d'autres États utilisent ou pas des télégraphistes pour le faire, c'est à cette commission de l'établir.

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Au-delà de votre cas particulier, je voudrais aborder la question de la limite existant entre la relation dite normale d'un journaliste et d'une source et celle, anormale, qui peut conduire à de l'ingérence ou à de la corruption. Comment définit-on cette limite, qui au demeurant peut être différente selon les journalistes ? Y a-t-il, dans chaque rédaction, un code de déontologie ou, au contraire, chaque journaliste doit-il lui-même s'imposer certaines règles et limites, sans qu'elles soient formalisées ? De même, existe-t-il un document où sont répertoriés les rendez-vous que les journalistes prennent avec des sources – sans que celles-ci soient nommées – et où sont consignés les cafés – ou les voyages – qui sont offerts ? Comment, concrètement, ces relations entre journalistes et sources fonctionnent-elles ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Les relations entre un journaliste et une source doivent rester professionnelles. Personnellement, je n'ai par exemple jamais présenté ma famille à une source. Lorsque je rencontrais un de ces nombreux contacts, je le faisais en tant que journaliste et je pense que mon interlocuteur le savait. Il m'est même arrivé de le rappeler et de dire : « Attention, n'oublie pas que je suis journaliste. »

Je n'ai pas connaissance de l'existence d'un registre des sources, ni au sein de BFM TV ni ailleurs.

Les éventuels avantages que peut obtenir un journaliste dépendent de la déontologie de chacun. Le jour où un journaliste accepte un dîner, un cadeau ou un voyage, il devient redevable. Il a été acheté. Pour ma part, je n'ai jamais été payé que par mon employeur. Jamais je n'ai accepté quoi que ce soit, à l'exception d'un café, de la part de quelqu'un qui pouvait m'apporter une information. Quant à un code de déontologie écrit, propre à chaque média, il en existe peut-être, mais je n'en ai donc jamais vu.

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Vous avez affirmé que vous ne saviez pas pour qui travaillait M. Duthion. Je trouve cela un peu curieux. En tant que parlementaires, nous pouvons parfois être approchés par des lobbies. Si un lobbyiste me contacte, je me demande dans un premier temps pour qui il travaille et, dans un deuxième temps, quel est son objectif, afin d'avoir une vision claire et précise de sa démarche. J'ai du mal à comprendre que vous, en tant que journaliste chevronné, vous puissiez nous dire que vous ne saviez pas pour qui M. Duthion travaillait. Vous êtes-vous posé la question ? Vous êtes-vous demandé s'il ne pouvait pas essayer de vous manipuler en vous fournissant des informations et des images ?

Comme l'a rappelé le président, nous ne sommes pas journalistes et nous connaissons mal le fonctionnement interne d'une rédaction. Est-il courant que l'on vous fournisse des séquences complètes, pas simplement des images, qui sont ensuite utilisées par les médias ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Les informations que M. Duthion me remettait étaient tellement diverses qu'il m'était difficile de soupçonner pour qui il travaillait. Je n'étais pas dupe pour autant ; je savais qu'il était lobbyiste et que le fait de fournir des informations présentait un intérêt pour lui. C'est une évidence. Cependant, tout le monde défend un intérêt lorsqu'il donne une information à un journaliste. Une attachée de presse a intérêt à transmettre une information pour laquelle elle est mandatée. L'entreprise qui fait appel à ses services a un intérêt à le faire. Vous-mêmes, mesdames et messieurs les parlementaires, je ne veux pas vous prendre à partie mais quand vous faites passer certaines informations à des journalistes, il y a un intérêt à le faire, un intérêt politique. Et lorsqu'une ONG le fait, est-ce que c'est pour la cause qu'elle défend ou pour attirer des financements ? La question que je me posais, quand on me livrait une information, n'était pas celle de l'intérêt que celle-ci dissimulait, mais celle de l'intérêt qu'elle présentait pour le public. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que j'étais de bonne foi et qu'il s'agissait de la seule question qui m'importait. Mais peut-être que je ne réponds pas suffisamment à votre question.

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Non, vous ne me répondez pas totalement. Vous nous donnez des explications concernant les ONG ou les députés mais je voudrais savoir si vous vous êtes demandé pourquoi cette personne vous fournissait autant d'informations et quel était son intérêt. Pour quelle personne, pour quel groupe ou pour quel gouvernement étranger travaillait-il ? Je ne suis pas journaliste mais je me serais posé la question. Je ne comprends pas que vous ne vous la posiez pas.

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Rachid M'Barki, journaliste

Je ne dis pas que je ne me la posais pas, je dis qu'il ne pouvait pas y avoir qu'une seule réponse. Les informations fournies étaient tellement diverses que les personnes pour lesquelles il pouvait travailler l'étaient tout autant.

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Vous nous avez donné l'exemple d'une séquence diffusée par BFM Var qui ressemble à celle que vous aviez passée. Mais ce qui est en cause concerne une douzaine de brèves d'origine extérieure. Vous avez dit à Politico que vous vous étiez peut-être fait avoir. Avec le recul, pensez-vous que vous avez été manipulé ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Je vais à nouveau essayer de remettre les choses dans leur contexte, si vous le permettez. Le 12 janvier, je suis convoqué dans le bureau de Marc-Olivier Fogiel. Il me montre à cette occasion quelques vidéos, comme je l'ai expliqué dans mon propos introductif. Les 13 et 14 janvier, je tourne des épisodes de Faites entrer l'accusé. Je prends ensuite quelques jours de repos. Je suis alors censé reprendre mon travail sur BFM TV le jeudi suivant. Ce jeudi matin, je reçois un appel de Marc-Olivier Fogiel, auquel prennent part également le directeur général de RMC Story et le directeur des ressources humaines du groupe Altice. Ils m'expliquent qu'une enquête est en cours et qu'ils me dispensent d'activité – je ne suis pas suspendu, mais dispensé –, avec maintien de salaire, jusqu'au 10 février. Ils précisent en outre que c'est totalement confidentiel. Je trouve que cela va un peu loin mais je n'imagine pas du tout ce qui va m'arriver ensuite. Je m'attends, en revanche, à être convoqué pour participer à cette enquête. Or je ne l'ai pas été.

Le 1er février – je m'en souviens car c'est le jour de mon anniversaire –, je reçois un nouvel appel téléphonique, cette fois d'une journaliste de Politico, qui me dit : « Vous savez pourquoi je vous appelle ». Je réponds que non. Elle m'explique qu'il y a des soupçons d'ingérences étrangères – elle me parle du Maroc – et qu'une enquête est en cours. Je me dis alors que l'enquête en question n'était pas vraiment confidentielle, contrairement à ce que l'on m'avait assuré. Elle me pose un certain nombre de questions et, je l'avoue, je suis complètement pris au dépourvu. Elle ajoute que j'ai été en contact avec un certain nombre de personnes – mais elle ne cite pas M. Duthion – et qu'il pourrait s'agir d'entrisme. Je réponds que c'est possible, parce que tout est possible. À ce moment-là, je ne sais rien de ce qui se trame, dans mon dos. Elle me demande si je pense avoir été, éventuellement, dupé. Je lui réponds que c'est possible, que ce n'est pas exclu, mais que je n'en ai aucune certitude. Aujourd'hui, je sais que cela n'a pas été le cas.

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Rachid M'Barki, journaliste

Non. Chacune des informations qui m'ont été données par mes sources, et pas seulement par M. Duthion, était vraie, vérifiable et vérifiée.

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Nous ne sommes pas réunis ici pour trancher le litige qui vous oppose à votre employeur, nous ne sommes pas au conseil de prud'hommes. L'objet de cette commission d'enquête est de savoir si une puissance étrangère peut aujourd'hui passer un sujet à la télévision française, dans le cadre d'un journal important, diffusé plusieurs fois pendant la nuit, qui contribue à l'information des Français. Beaucoup de gens, dans le monde, regardent votre chaîne.

Je note une contradiction entre les propos que vous tenez ici et vos déclarations à Politico. Vous avez déclaré à celui-ci que les informations incriminées n'avaient pas forcément suivi le circuit habituel de la rédaction, alors que vous affirmez le contraire devant nous, sous serment. J'aimerais vous entendre sur cette question.

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Rachid M'Barki, journaliste

Lorsque je me suis entretenu avec la journaliste de Politico, c'est elle qui m'a demandé si les informations avaient suivi le processus habituel de la rédaction. Je lui ai répondu que ce n'était pas forcément le cas, que je n'en savais rien. Telle était la teneur de notre discussion. Peut-être avez-vous remarqué que le contenu de cet article est souvent tronqué, entrecoupé de parenthèses et de points de suspension. Il n'est pas question d'accuser ma consœur de s'être livrée à une quelconque tromperie. Ce que je pense, au fond de moi, c'est que Politico a extrait quelques phrases que j'ai pu prononcer, les a mises bout à bout afin de me faire dire ce que je n'ai pas dit. Je vous répète – et je suis sous serment, vous ne pouvez pas me soupçonner de vous mentir – que je n'ai rien caché, que j'ai travaillé en toute transparence et que ce travail était visible par tous. À aucun moment je n'ai dissimulé quoi que ce soit de ce que j'ai pu dire ou montrer ensuite.

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Je comprends que vous utilisiez un logiciel pour écrire et que tout le monde pouvait lire vos textes à tout moment. Pouvez-vous nous dire, pour la bonne information de la commission, quel était le circuit suivi par les textes et les images au sein de la rédaction de BFM TV ? Était-il possible de passer un sujet à l'antenne sans qu'il ait été préalablement validé ? Dans le communiqué de M. Fogiel, il vous est reproché de ne pas avoir suivi le process – pardonnez-moi cet anglicisme, mais c'est le terme utilisé. Disposiez-vous d'une certaine liberté ou les sujets que vous passiez à l'antenne étaient-ils soumis à validation ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Un tel process n'existait pas. Comme je vous l'ai expliqué, il y avait des discussions avec ma hiérarchie, la rédactrice en chef en l'occurrence, sur les sujets les plus importants, sur celui par lequel s'ouvrait le journal. Il y avait également des discussions, parfois animées, quant aux angles de ces sujets lorsque, par exemple, je trouvais qu'ils ne correspondaient pas à ce qui intéressait le public. Celles-ci pouvaient aussi porter sur certaines interviews qui m'étaient imposées et que je devais passer dans le journal de la nuit. Comme vous le savez, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) veille au respect, par les radios et les télévisions, du pluralisme politique. Il arrivait parfois, parce que BFM TV n'était pas dans les clous, que l'on m'impose la diffusion d'interviews de parlementaires ou de ministres, qui parfois duraient cinq à six minutes…

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Je comprends que l'application de la loi et des recommandations de l'ARCOM puisse ne pas vous plaire, mais nous sommes très loin de l'ingérence étrangère. Ma mission est de faire en sorte que nos débats avancent et vous vous éloignez de la question de M. Brun.

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Rachid M'Barki, journaliste

Voulez-vous que je m'arrête là ?

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Je pense que M. Brun n'a pas eu de réponse à sa question.

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Rachid M'Barki, journaliste

J'en reviens donc au système de validation, qui n'existait pas. Il y avait des discussions quant aux sujets et à leur hiérarchie dans le journal, mais pas de validation des textes.

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Je ne parle pas vraiment des textes, mais des titres. Ceux-ci n'étaient donc pas validés ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Entendons-nous bien : ce que nous appelons des titres sont de vrais titres, qui arrivent juste avant le journal. Ce dont vous parlez, ce sont des séquences. Parmi ces séquences, certaines étaient validées, d'autres non.

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Vous nous dites avoir utilisé les images fournies par M. Duthion parce que celles de la bibliothèque d'images de BFM TV n'étaient pas assez neutres et ne correspondaient pas à ce que vous recherchiez. Pouvez-vous nous donner un exemple concret et nous expliquer pourquoi, lorsqu'une séquence traite d'un haut responsable qatari ou du Sahara occidental, les images de BFM TV ne suffisent pas ?

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Rachid M'Barki, journaliste

S'agissant par exemple du sujet sur les yachts, les seuls éléments dont disposait BFM TV concernaient des yachts qui avaient été saisis car appartenant à des oligarques russes. Or ce n'était pas mon propos, qui était de montrer que les constructeurs ne vendaient plus de yachts en raison des sanctions prises contre les oligarques et que cela soulevait un problème économique pour ces mêmes constructeurs et leurs sous-traitants.

Autre exemple, celui du forum économique de Dakhla, au Maroc. Il ne s'agissait pas de montrer des images de la ville de Dakhla mais du forum. Or BFM TV n'avait pas de telles images. J'ai donc demandé à M. Duthion s'il en avait. J'imaginais récupérer quelques plans de salles de réunion, filmés pendant l'événement. M. Duthion, en fait, m'a envoyé la présentation du forum qui se déroulait le 21 juin 2022 et il s'agissait d'images neutres.

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Vous nous avez apporté un reportage qui traite d'un sujet similaire à celui que vous avez traité à l'antenne mais il y a une différence fondamentale entre les deux : celui dont vous nous avez montré les images a été réalisé par des journalistes de BFM Var. Lorsque l'on diffuse des images qui ne viennent pas de la rédaction, ne faut-il pas ajouter une mention qui le précise ? Jugez-vous qu'il est de bonne déontologie journalistique de diffuser des images fournies par un lobbyiste sans qu'il soit fait mention de leur origine ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Je précise à nouveau qu'il s'agissait d'images neutres mais, effectivement, j'aurais peut-être dû demander qu'il y ait cette mention, ce que je n'ai pas fait.

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Vous nous dites donc que, jusqu'à ce que vous quittiez la rédaction, un journaliste ou un présentateur reconnu comme vous l'étiez et avec l'ancienneté et les fonctions qui étaient les vôtres pouvait proposer des sujets qui n'avaient été ni validés ni préparés par des journalistes de la rédaction, sans que personne ne lui fasse de remarques ou ne lui pose de questions sur l'origine de ces sujets ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Il m'est arrivé en effet de proposer des sujets, mais pas de les imposer. Quand j'arrivais à la rédaction, je découvrais l'actualité à ce moment précis. Certains jours, elle était tellement riche qu'il était difficile de la traiter au cours des vingt-trois minutes, en moyenne, du journal de la nuit. A contrario, il arrivait aussi que la cheffe d'édition vienne me voir pour me signaler qu'il lui manquait cinq minutes, auquel cas il m'arrivait de proposer des sujets, comme le faisaient aussi les autres membres de la rédaction.

Concrètement, on me reproche une douzaine de sujets, comme vous les appelez, mais que nous, nous appelons des off, c'est-à-dire des brèves illustrées d'une trentaine de secondes. Ce ne sont pas des reportages, comme celui que l'on a vu un peu plus tôt. Là est toute la différence. Ces off ont été diffusés sur une période d'un an et demi, au cours – j'ai peur de dire une bêtise – de cent quatre-vingts journaux de vingt-trois minutes chacun. C'est de cela dont on parle. J'ai entendu M. Métézeau dire que c'était justement parce qu'il s'agissait de off, que leur format était resserré, qu'ils étaient insidieux, mais il y a des off dans tous les journaux et ils n'ont rien d'insidieux.

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Si je peux me permettre, et sous le contrôle de Mme la rapporteure, M. Métézeau voulait dire que ce format court permettait aux off d'être ensuite réutilisés par les supposés commanditaires. M. Métézeau ne voulait pas dire que la forme de ces off était en elle-même insidieuse mais que l'utilisation de cette forme pouvait l'être.

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Avez-vous eu recours à d'autres sources que M. Duthion pour vos off ? Cette utilisation d'éléments fournis par des sources extérieures pour vos brèves illustrées était-elle courante ? Pouvez-vous nous en donner quelques exemples ?

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Rachid M'Barki, journaliste

J'ai eu en effet recours à d'autres sources, que je ne peux pas vous révéler, en accord avec la règle de droit sur la protection des sources. Je ne me souviens pas avoir utilisé des images qu'elles m'auraient remises. Si vous avez eu l'occasion de regarder BFM TV, vous avez peut-être remarqué l'« appel à images » qui figure très régulièrement dans le bandeau déroulant. Il s'agit donc d'un appel à images extérieures, qui ont été utilisées à plusieurs reprises, par moi notamment.

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Généralement, dans ce cas de figure, la mention « image amateur » est ajoutée, ce qui permet de savoir d'où elles viennent. Savez-vous si d'autres journalistes ont recours à des images extérieures pour leurs off.

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Rachid M'Barki, journaliste

Non, je l'ignore.

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Selon un article récemment publié dans Libération, M. Duthion se vantait, en privé, de payer les journalistes pour passer certains sujets à l'antenne. J'ai bien entendu que vous niez qu'il en était ainsi avec vous, mais avez-vous entendu cette accusation ? Avez-vous eu vent de telles pratiques ? D'une manière générale, pensez-vous que des puissances étrangères peuvent se servir de médias français pour transmettre des idées ou des informations ? Selon vous, cette pratique qui consiste à payer des journalistes ou des « télégraphistes », pour reprendre votre expression, existe-t-elle en France ? Au cours de votre longue carrière, avez-vous été confronté à de telles situations ou avez-vous entendu dire que certains de vos confrères l'auraient été ?

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Rachid M'Barki, journaliste

J'ai lu comme vous les propos de M. Duthion. Ils m'ont, je l'avoue, un peu surpris. En ce qui me concerne, il ne m'a jamais proposé de me rémunérer pour diffuser les informations qu'il me donnait. Il n'y a même jamais eu la moindre insinuation.

Cela existe-t-il, en revanche, dans la profession ? Je ne saurais vous dire. En outre, je ne pense pas que mes confrères, même dans le cas de relations relativement proches, s'en seraient vantés. Quant aux éventuels avantages que certains journalistes pourraient recevoir lors de reportages, je n'ai pas l'intention de me mettre à dos toute ma profession – ou mon ex-profession, car je ne sais pas ce que je vais devenir. Prenons l'exemple d'un journaliste spécialisé dans l'automobile. Supposons qu'un constructeur, français ou étranger, lui propose d'essayer son nouveau véhicule, à l'autre bout du monde, au soleil, et de venir avec madame. Je ne suis pas certain que l'article qui paraîtrait à l'issue de cet essai serait très négatif. Encore une fois, je ne suis pas journaliste automobile et je ne me suis jamais retrouvé dans de telles circonstances, mais j'ai effectivement entendu parler plusieurs fois de tels cas de figure.

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En tant que journaliste expérimenté et exposé, dans le respect du secret des sources et par rapport au sujet qui intéresse notre commission, avez-vous eu connaissance de personnalités, lobbyistes ou autres, qui auraient tenté – ou qui auraient pu tenter – de diffuser des reportages ou des informations de puissances étrangères sur le territoire français ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Non, je n'ai pas eu connaissance de tentatives d'approche de confrères par des puissances étrangères pour faire passer des informations. Cela dit, lorsque l'on est invité à des dîners ou à des conférences organisés par des pays étrangers, on se doute que l'objectif n'est pas forcément de nous faire découvrir leurs spécialités culinaires. Je ne vous cache pas que j'ai déjà été invité à ce genre d'événement, mais à ce jour je ne m'y suis jamais rendu car je préfère profiter de ma famille.

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Ces invitations se sont-elles répétées, étaient-elles insistantes ou s'agissait-il de simples invitations sur lesquelles vous avez vous-même extrapolé ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Il s'agissait de simples invitations. Elles n'avaient aucun caractère insistant mais elles étaient régulières. Cela pouvait être des dîners récurrents, auxquels je n'ai jamais participé.

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Cette pratique consistant à recourir à des images extérieures à la chaîne, fournies en l'occurrence par un lobbyiste, était-elle courante au sein de BFM TV ou vous était-elle réservée, si je puis dire ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Je l'ignore. Quand on travaille dans une rédaction comme celle de BFM TV, on ne s'observe pas les uns les autres. Je ne savais pas ce que faisait le présentateur d'avant et pas davantage ce que faisait celui d'après. En outre, avec le logiciel dont je vous ai parlé, il était impossible de connaître la provenance des photos. Quand je recevais des images de l'extérieur, je les transmettais par mail directement à la personne avec laquelle je travaillais ; elles étaient ensuite transférées au service compétent pour réaliser un montage à partir des éléments que j'avais reçus – qui n'étaient donc pas clés en main. Une fois ce travail achevé, ces visuels étaient intégrés à la banque d'images de la chaîne. Chaque élément devait ensuite être validé par la hiérarchie avant d'être diffusé. En outre, lors de la présentation du journal, des consignes étaient transmises au présentateur, grâce à une oreillette, par la cheffe d'édition. Elles pouvaient concerner le rythme – il faut presser le pas, parce qu'on a pris du retard, ou au contraire le ralentir –, mais la cheffe d'édition avait également la responsabilité de ne passer que des images qui portaient la mention « validée ». À défaut, elles n'étaient pas diffusées.

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Comment expliquez-vous qu'il n'y ait jamais eu, avant, d'alerte ou d'avertissement de votre direction ? Pensez-vous payer pour d'autres ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Je n'en sais rien. Je ne vous cache pas que, depuis quelque temps, je me suis un peu replié sur moi-même.

Ce que je peux vous dire, c'est que jusqu'ici cela fonctionnait comme cela. Le directeur général de BFM TV, que, je crois, vous entendrez demain, a dit dans la presse que ce système de validation allait être renforcé – ou l'avait déjà été. Peut-être a-t-il ajouté des éléments de validation qui jusque-là n'existaient pas. C'est tout ce que je peux répondre. En dire plus serait de la spéculation de ma part et je ne suis pas ici pour spéculer mais pour dire ce que je sais et ce que j'ai vécu.

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Je tiens à apporter une précision quant à l'ancien procureur général du Qatar : le député auquel vous avez fait allusion n'a pas porté plainte auprès du parquet national financier, mais fait un signalement, ce qui est différent. Il y a eu des plaintes par ailleurs, mais elles viennent d'autres instances, pas du tout d'un collègue député.

Je reviens également sur ce que vous avez dit à propos des voyages ou des dîners dont pourraient profiter des journalistes. Je ne parle ni du tourisme ni de l'automobile ; personne n'est naïf dans cette pièce et nous savons que les journalistes qui effectuent des reportages touristiques pour la presse spécialisée peuvent être invités. Dans ces cas-là, nous sommes toutefois très loin du cœur de notre commission d'enquête, c'est-à-dire de la question de l'influence, de l'interférence ou de l'ingérence de petites, moyennes ou grandes puissances étrangères, voire d'officines travaillant pour le compte d'intérêts étrangers. Vous avez dit avoir eu connaissance de dîners ou d'autres invitations auxquels, personnellement, vous n'avez jamais succombé. Pouvez-vous citer les pays qui vous paraissent particulièrement actifs en la matière ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Je vous prie de bien vouloir excuser mon abus de langage et d'avoir parlé de plainte au lieu de signalement. Vous n'ignorez sans doute pas que les journalistes ont parfois tendance à faire des raccourcis malheureux.

S'agissant des invitations, j'ai par exemple été régulièrement convié par le Chinese Business Club, qui a pignon sur rue et qui invitait également des parlementaires, d'anciens présidents et bien d'autres encore.

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J'en reviens aux images fournies par M. Duthion. D'après mon expérience, la question des droits des images que l'on utilise, notamment pour la réalisation de clips de campagne, est en France toujours très compliquée, très épineuse. Il faut en déclarer l'utilisation, le cas échéant rémunérer les personnes qui ont des droits, etc. En tout état de cause, vous savez, en tant que professionnel, que réaliser la moindre vidéo – à part peut-être filmer ses collègues avec son téléphone – a un coût. J'imagine que les images que vous diffusez à l'antenne sont d'une certaine tenue afin qu'elles s'insèrent parmi des images professionnelles et qu'il n'y ait pas de dégradation de la qualité. Vous saviez bien que la personne qui vous a remis des images avait engagé des frais, ou qu'à défaut celle qui les lui avait fournies gratuitement en avait engagé de son côté. Ce qui m'étonne, comme cela semble étonner M. Brun et Mme Parmentier, c'est qu'à aucun moment vous ne vous êtes dit que ces images avaient eu un coût pour quelqu'un et que, par conséquent, elles rendaient service à ce quelqu'un, à tel point que celui-ci acceptait de ne pas recevoir d'autre rémunération que leur diffusion.

Je lie cette question à celle qui concerne la profession de M. Duthion, à laquelle j'estime que vous n'avez pas apporté les précisions nécessaires. Il ne suffit pas de nous dire qu'il est lobbyiste sans nous apporter plus de précisions. Après deux heures d'audition et plusieurs questions à ce sujet, nous n'en savons pas plus. J'ai l'impression que vous ne vous êtes jamais posé de questions quant à la nature de son lobbying, à son objet précis, ni vraiment demandé pour qui il travaillait. Vous avez répondu que les informations fournies étaient tellement diverses que M. Duthion pouvait travailler pour une diversité aussi grande de personnes, de puissances étrangères ou d'intérêts. Certes, mais en quoi cela vous dispensait-il d'établir une liste de tous ces intérêts ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Les images qui m'ont été remises étaient neutres, ce qui les distingue de celles utilisées par exemple pour une campagne électorale, qui ne le sont pas du tout. Peut-être aurait-il fallu demander la mention que nous avons déjà évoquée ; vous avez sûrement raison à cet égard. C'était peut-être une erreur de ne pas l'avoir fait, mais était-ce mon erreur ou celle de ma hiérarchie, qui a validé ces images ? Je pense que ce n'est pas nous, ici, qui allons trancher cette question, si vous le permettez.

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Je ne tranche rien du tout mais ces images, selon vous, ont-elles bien un coût ? Quelqu'un a bien payé quelque chose ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Certainement, bien sûr, ce n'est pas gratuit.

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Et vous ne vous êtes jamais demandé qui avait payé ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Non. Je vous réponds clairement : je ne me suis jamais posé cette question.

Pour en revenir à M. Duthion, je savais que c'était un lobbyiste indépendant et qu'il travaillait probablement pour plusieurs clients. En revanche, ce n'était pas mon propos de savoir précisément quel était son intérêt à faire passer telle ou telle information, je vous l'ai dit et répété. Ce qui m'intéressait, ce n'était pas le client mais l'information : méritait-elle, oui ou non, d'être portée à la connaissance du public ? Était-elle vérifiable, vérifiée, vraie et équilibrée ? Par équilibrée, j'entends qu'elle n'inclinait pas dans un sens particulier, qu'elle ne faisait pas, si j'ose dire, la publicité de tel ou tel. Le reste, notamment l'identité de celui qui se cachait derrière cette information, je m'en moquais, en quelque sorte. Encore une fois, mon objectif était d'apporter une information. J'espère avoir répondu à votre question. Je l'ai fait, en tout cas, comme je le pouvais.

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Nous prenons acte de votre réponse.

Saviez-vous que vos off étaient parfois repris sur des réseaux sociaux ou par des institutions, des puissances ou des groupes d'intérêt ? Je sais par exemple – mais il est vrai que les politiques sont un peu des ego sur pattes – qu'il nous arrive de vérifier où notre nom ou notre image circulent ; je connais également quelques journalistes qui ne sont pas non plus totalement dénués d'ego. Saviez-vous que votre travail et celui de votre équipe étaient parfois utilisés par des lobbyistes, des influenceurs ou des réseaux quelconques ou l'ignoriez-vous ? Je ne parle pas forcément des sujets qui ont été mis en cause dans la presse, mais d'une manière générale.

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Rachid M'Barki, journaliste

Je m'attendais à cette question ; j'en attendais d'autres également, qui vont peut-être vous venir à l'esprit…

J'ignorais totalement que ces informations avaient été reprises. J'ajoute que, comme vous le savez vous-même en tant que parlementaire, c'est un phénomène que l'on ne maîtrise pas. Vous ignorez comment vos prises de parole, en commission ou dans l'hémicycle, seront utilisées et comment, le cas échéant, elles deviendront virales. Le journal de la nuit que je présentais était public. Que des personnes mal ou bien intentionnées en critiquent ou en encensent certains éléments, puis les reprennent pour en faire ce qu'elles voulaient, je n'y pouvais rien.

Vous me parlez d'ego – cela me fait un peu sourire –, de la satisfaction que l'on peut éprouver quand on passe à la télévision. Très honnêtement, cela faisait tellement longtemps que je faisais ce métier que mon ego ne comptait pas parmi mes préoccupations. Je ne cherchais pas sur Internet ce qui se disait sur moi. À une nuance près peut-être : depuis trois ans, je présentais l'émission Faites entrer l'accusé et de temps en temps, en effet, je regardais s'il y avait quelques petites choses concernant cette émission qui me tenait beaucoup à cœur.

Il y a une question que vous ne m'avez pas posée ; si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais en dire un mot.

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M. Brun souhaite vous poser d'autres questions. Je vous laisserai la parole ensuite pour une brève conclusion.

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Vous avez dit que les seules fois où vous avez eu recours à des images extérieures, c'était lorsque vous avez utilisé celles fournies par M. Duthion. Cela paraît un peu étrange et signifie, si je vous ai bien compris, que pour les informations qu'il vous apportait, les images de BFM TV ne suffisaient pas alors qu'elles étaient suffisantes pour tous les autres sujets abordés en off.

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Rachid M'Barki, journaliste

Ce n'est pas tout à fait ce que j'ai dit. J'ai repris, en effet, des images données par M. Duthion mais il m'est arrivé également d'en utiliser venant de témoins BFM TV, c'est-à-dire de téléspectateurs qui envoient des images d'événements auxquels ils ont assisté et pour lesquels il n'y avait pas de caméraman de BFM TV sur place. J'ai évoqué ce cas de figure tout à l'heure en évoquant le bandeau déroulant.

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Les images de témoins BFM TV correspondent à une catégorie assez spécifique de sujets, comme les catastrophes naturelles. Finalement, pour l'ensemble des off que vous produisiez sur l'actualité internationale ou nationale, vous n'avez jamais eu besoin de recourir à des images extérieures, sauf quand c'est M. Duthion qui vous les envoyait. C'est tout de même une coïncidence assez troublante.

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Rachid M'Barki, journaliste

Je comprends que cela vous trouble et que, visiblement, vous jugiez cela suspect. Je vous rappelle de quoi nous parlons : de cent quatre-vingts journaux environ et d'une douzaine de off qui, d'ailleurs, ne comportaient pas tous des images. Il ne s'agit pas de se livrer à des calculs et de dire que cent quatre-vingts journaux et une douzaine de off correspondent, respectivement, à tant et à tant de minutes. Je le répète parce que c'est très important : nous ne parlons pas de reportages qui durent de une minute trente à deux minutes mais de off d'une vingtaine de secondes. Je comprends votre interrogation mais je dois redonner à ces éléments leur juste valeur, c'est-à-dire celle d'une douzaine de off d'une vingtaine de secondes, qui figuraient parmi toutes les heures d'images diffusées quotidiennement sur BFM TV, pendant un an et demi. De telles précisions me paraissent importantes.

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Vous avez apporté des éléments de réponse à la question de M. Brun, à laquelle je m'associe. Cependant, vous l'avez en quelque sorte inversée en déplorant que l'on ne vous interroge que sur quelques dizaines de secondes d'images diffusées pendant un an et demi. Inversement, ce qui peut étonner, c'est que parmi les très nombreux informateurs et sources dont vous disposiez et que vous avez évoqués, seul M. Duthion vous ait fourni des images. Si j'ai bien compris le sens de la question du commissaire Brun, êtes-vous sûr – vous êtes sous serment – que seul M. Duthion vous a donné des images pendant toutes ces années ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Pardon d'avoir mal répondu à votre question. La façon que l'on a d'illustrer un sujet dépend de chaque sujet. Il peut arriver, par exemple, que l'on obtienne une information sur une question d'actualité. On dispose alors de cette information, que d'autres n'ont peut-être pas, et il faut l'illustrer. Or il peut arriver que l'on n'ait pas de quoi le faire. Ainsi, je n'avais pas les images qui correspondaient aux sujets de M. Duthion. Utiliser ses images n'était qu'un moyen d'illustrer ces informations. Bien sûr, j'aurais pu décider de ne pas le faire et de me contenter d'être l'homme tronc, qui donne des informations sans aucune illustration. J'aurais pu le faire comme je l'ai fait à plusieurs occasions. Les images servaient simplement d'illustrations.

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En dehors des douze off qui ont justifié votre licenciement, d'autres brèves illustrées avec des images de M. Duthion ont-elles été diffusées ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Non.

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Nous respectons la protection des sources mais, en dehors de M. Duthion, y avait-il parmi vos contacts d'autres lobbyistes, dûment identifiés et reconnus comme tels, vous ayant fourni des informations intéressantes ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Oui, j'ai été en relation avec un ou deux autres lobbyistes, qui m'ont donné des informations que, dans mon souvenir, j'ai exploitées une fois.

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Était-il également question de relations internationales ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Pas que je sache. Je crois me souvenir qu'il s'agissait de politique nationale.

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Vous avez dit que tous les sujets en question avaient fait de votre part l'objet de vérifications et de validations. Cela veut dire, par exemple, que dans le off consacré aux yachts des oligarques russes, vous avez vérifié ce que vous avez dit à l'antenne, à savoir que les professionnels concernés, inquiets de la chute de leur chiffre d'affaires, avaient alerté le prince Albert ? Vous l'avez bien vérifié ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Je me souviens d'un communiqué de presse émanant de ceux qui avaient tenté d'alerter le prince Albert. Je ne l'ai pas conservé, car je n'avais aucune raison de le faire. Je n'archivais jamais ce genre de document. Nous avons fait des recherches avec mes avocats mais nous ne l'avons malheureusement pas retrouvé.

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En tant qu'ancien journaliste, vous êtes informé des tentatives d'ingérence dans des processus électoraux. Beaucoup de gouvernements en Afrique font ainsi l'objet d'attaques de l'étranger. Avez-vous été sensibilisé à cette question ? Estimiez-vous, en tant que journaliste, que vous deviez veiller à ne pas être utilisé ? Entre collègues ou avec votre hiérarchie, s'agissait-il d'un sujet de discussion, d'inquiétude, voire de formation ? Au cours de votre longue et riche carrière, les autorités vous ont-elles sensibilisé ou formé à ces questions d'ingérence ou de manipulation, dans le respect, bien sûr, de l'indépendance de la presse ?

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Rachid M'Barki, journaliste

Nous avons effectivement beaucoup parlé de cette question, notamment lors des élections américaines au cours desquelles il a été question d'ingérence de la part de la Russie. Je me souviens aussi de potentielles ingérences étrangères lors de la dernière élection présidentielle en France. J'étais attentif à ces questions par curiosité personnelle mais cela n'allait pas au-delà. Il se peut, mais ce n'est qu'une supposition de ma part, qu'il y ait eu une sensibilisation des journalistes et des présentateurs politiques de BFM TV. On ne m'en a toutefois jamais fait part et je n'ai reçu aucune proposition de formation. Je n'avais pas le sentiment d'être concerné, au premier chef tout au moins. D'ailleurs, si tel avait été le cas, j'aurais bien entendu suivi les formations et j'aurais, peut-être, reçu des mises en garde. À ma connaissance, aucun document ne circulait au sein de la rédaction de BFM TV pour alerter les journalistes contre ces risques.

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Si vous le souhaitez, vous pouvez formuler une brève conclusion.

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Rachid M'Barki, journaliste

J'ai écrit un texte, que j'aimerais vous lire, si vous le permettez.

« Lorsque, du jour au lendemain, s'abat sur vous une vague d'accusations sans discernement, de condamnation publique avec présomption de culpabilité, d'insinuations trompeuses, mais répétées et reprises en boucle comme pour tenter de leur donner de la crédibilité et même pour en faire une vérité ; quand, du jour au lendemain, vous recevez des messages haineux invoquant vos origines ; lorsque l'on ironise sur votre disgrâce pour faire de bons mots, à la radio notamment, que l'on réduit à néant, après l'avoir foulée aux pieds, toute votre carrière professionnelle – parce qu'aujourd'hui, mesdames et messieurs, je ne suis plus rien –, que cette déferlante fait fuir presque tous ceux qui, hier, vous côtoyaient ou se disaient vos amis ; lorsque la chaîne qui vous emploie depuis dix-huit ans en profite pour vous jeter en pâture à la vindicte de vos confrères journalistes et aussi du public, quitte à alimenter la tempête médiatique par des affirmations infondées, des annonces de sanctions illégitimes et une plainte arbitraire, tout cela pour détourner l'attention et dans l'espoir de ne pas être trop éclaboussé par ce pseudo-scandale monté en épingle – j'irai même plus loin : pour se refaire une virginité sur mon dos – ; lorsque tout cela vous tombe dessus brusquement, de manière aussi implacable, la tentation est forte, et même très forte, de vous recroqueviller sur vous-même, de baisser la tête, de vous faire tout petit et, surtout, de ne rien dire ou faire qui puisse à nouveau attirer sur vous l'attention ou l'opprobre.

Jusqu'à aujourd'hui, je me suis donc tu, même si j'ai lu certains articles qui prétendaient parfois me citer en m'attribuant des propos que je n'avais pourtant jamais tenus – en prétendant, au passage, que j'avais reconnu mes fautes, alors qu'il n'en était rien. Je me suis tu parce que j'étais effaré, profondément choqué par la violence et l'injustice que je subissais. Et sans doute plus encore par le mal qu'elle causait à mes proches, que j'aurais voulu protéger contre tant de malveillance.

Alors je vous remercie, monsieur le président, madame la rapporteure, madame et messieurs les députés, je vous remercie, même si j'ai bien conscience que ce n'était pas l'objet de ma convocation, de m'avoir permis, à l'occasion de cette audition, d'être entendu pour la première fois.

Je ne sais pas si, en fin de compte, vous vous souviendrez de ce moment. Moi, en tout cas, je ne l'oublierai pas. »

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Je vous remercie pour cette conclusion. En tant que président de cette commission, je tiens à vous affirmer que l'objectif de votre convocation était de comprendre les faits qui sont liés à nos travaux. Jamais cette commission – ni aucun de ses membres – ne s'est permise et ne se permettra de remplacer la justice ni de mettre en cause votre intégrité ou votre parcours professionnel. Nous essayons, dans la limite des pouvoirs qui nous sont attribués, de comprendre les faits qu'ont à connaître ou que peuvent subir nos compatriotes. La confiance qui nous a été accordée exige que l'on tente de faire abstraction des affaires en cours, y compris les plus brûlantes, y compris celles qui affectent la vie et l'avenir de personnes et de leur famille, que bien sûr nous respectons. Vous comprendrez toutefois qu'en tant que représentants de la nation, nous ne pouvons pas les prendre en compte de manière irrationnelle. Sachez que le respect que nous portons à chacun de nos compatriotes vous est acquis.

La séance est levée à dix-sept heures trente.

Membres présents ou excusés

Présents. – Mme Nadège Abomangoli, M. Philippe Brun, M. Pierre-Henri Dumont, M. Laurent Esquenet-Goxes, Mme Constance Le Grip, M. Kévin Pfeffer, M. Jean-Philippe Tanguy.

Excusés. – M. Ian Boucard, Mme Anne Genetet, Mme Hélène Laporte.

Assistait également à la réunion. – Mme Caroline Parmentier.