La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné le rapport de la mission de contrôle de l'application de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets (M. Sylvain Carrière et Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, corapporteurs).
Ce point de l'ordre du jour ne fait pas l'objet d'un compte rendu écrit. Les débats sont accessibles sur le portail vidéo de l'Assemblée à l'adresse suivante :
La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a auditionné, en application de l'article 13 de la Constitution, M. Patrice Vergriete, dont la nomination est proposée par le Président de la République aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) (M. Loïc Prud'homme, rapporteur).
Mes chers collègues, en application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution et de la loi organique du 23 juillet 2010, nous auditionnons M. Patrice Vergriete, que le Président de la République propose de nommer aux fonctions de président du conseil d'administration de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).
Cette audition publique sera suivie d'un vote à scrutin secret par appel nominal, hors la présence de la personnalité auditionnée. Aucune délégation de vote ne sera possible. Le dépouillement du scrutin aura lieu à la suite de l'audition de M. Patrice Vergriete, qui a été entendu, plus tôt dans la matinée, par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, comme le prévoit la Constitution.
Le rapporteur que nous avons désigné, M. Loïc Prud'homme, vous a adressé, monsieur Vergriete, un questionnaire, dont les réponses ont été rendues publiques.
Il y a quelques mois, nous avons auditionné pour les mêmes fonctions M. Jean Castex, ce qui a permis de préciser les divers enjeux de l'Afit France. À la lumière de nos débats, je pense traduire le sentiment général en insistant sur notre souhait de voir assurer un financement pérenne, sur une trajectoire solide, de nos infrastructures de transport. C'est un enjeu d'équilibre territorial, d'aménagement durable de nos territoires, mais aussi de transition énergétique, et un sujet majeur pour les mobilités au quotidien de nos concitoyens.
Votre proposition de nomination intervient avant la remise prochaine d'un important rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI), placé sous l'autorité de notre collègue David Valence, et après le souhait exprimé par le Président de la République de doter la France de réseaux express régionaux (RER) métropolitains. Par ailleurs, l'Autorité de régulation des transports (ART) devrait prochainement publier une nouvelle édition de son rapport sur l'économie des concessions autoroutières, qui pourrait être l'occasion d'évoquer des problématiques de financement des infrastructures de transport, bien au-delà de la route. Nous souhaitons donc connaître votre avis sur tous ces sujets.
Monsieur Vergriete, je suis ravi d'avoir été désigné rapporteur pour votre proposition de nomination à la tête de l'Afit France. Cette institution est une bizarrerie démocratique sur laquelle il y a beaucoup à dire, ce dont je ne me suis pas privé ici même. Je vous remercie donc d'être présent ce matin pour répondre à nos questions et d'avoir déjà apporté des éléments dans vos réponses au questionnaire préalable.
Je reviendrai d'abord sur votre intérêt particulier pour les questions de mobilités. Je partage votre analyse des enjeux et la difficulté de trouver un équilibre entre l'urgence climatique et sociale et le besoin de changements majeurs dans nos infrastructures de transport, lesquels s'inscrivent sur du temps long. J'avais d'ailleurs eu l'occasion de profiter de votre expertise du transport en commun gratuit à Dunkerque, en septembre 2018, lors des premières journées dédiées que vous organisiez.
S'agissant des infrastructures, si l'Afit France occupe une place stratégique, elle reste une « boîte noire ». Elle est, comme le dit la Cour des comptes, « un opérateur de l'État dont le rôle est limité à celui de caisse de financement, gérée de facto par le ministère chargé des transports. Elle est, sur le plan administratif, une quasi-coquille vide ».
Vous précisez dans vos réponses au questionnaire que l'agence est un relais efficace des orientations stratégiques du Gouvernement. Effectivement, on ne saurait faire plus proche, puisque le ministère chargé des transports est directement aux commandes. Les effectifs réduits de l'Afit France – cinq personnes seulement – en témoignent, même si vous appelez de vos vœux leur augmentation.
Je suis surpris que vous qualifiiez l'Afit France « d'outil partenarial, devant donner à la représentation nationale tous les éléments nécessaires à son travail de législateur. » Le rôle du législateur n'est-il pas de voter les grandes orientations stratégiques du pays ? En l'état, vous le savez, les recettes de l'Afit France procèdent largement de fonds de concours qui sont des ressources propres et de décisions stratégiques de dépenses, qui échappent au débat démocratique parlementaire
Le court passage de votre prédécesseur, M. Castex – quelques mois à peine –, ne fait que renforcer ce sentiment de coquille vide, qui semble surtout servir le jeu des chaises musicales et du pantouflage, souvent en attendant de trouver mieux.
Alors en attendant que vous trouviez mieux, j'espère que vous aurez la possibilité de prolonger votre engagement pour sortir du « modèle de la domination absolue de la voiture individuelle », objectif que je partage, notamment par des mesures de gratuité des mobilités alternatives.
J'aimerais vous entendre plus longuement sur ce sujet et sur la stratégie que vous envisagez pour trouver l'équilibre entre ces mesures de gratuité et le modèle économique équilibré que vous souhaitez préserver, avec le « pragmatisme » d'un ancien socialiste, comme le dirait le ministre, M. Dussopt.
Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, honoré par la proposition du Président de la République, je tiens à saluer le travail de MM. Christophe Béchu et Jean Castex à la tête de l'Afit France. Je remercie également M. Christophe Béchu, devenu ministre de tutelle de l'Afit France, ainsi que M. Clément Beaune, de m'avoir accordé leur confiance.
La réflexion sur les mobilités m'est chère : j'ai toujours manifesté beaucoup d'intérêt pour les questions d'aménagement du territoire et de fabrique urbaine – vous l'avez évoqué à propos du modèle dunkerquois. Les mobilités me passionnent de longue date, depuis mon action au sein de l'agence d'urbanisme et de développement de la région Flandre Dunkerque et pour la politique de la ville.
Nous sommes à un moment clé de l'histoire des mobilités et des infrastructures de transport en France. Les enjeux sont immenses, qu'il s'agisse de la lutte contre le dérèglement climatique, de la décarbonation des mobilités, de l'aménagement du territoire face aux limites de l'hypermétropolisation et à la nécessité de retrouver un maillage territorial, ce « polycentrisme maillé », prôné par la Délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (Datar) à la fin des années 1990, ou encore du lien entre croissance socio-économique et mobilités, des déplacements du quotidien pour des Français soumis à la montée du prix des carburants et aux difficultés des services ferroviaires dans de nombreuses régions. J'ajouterai la réduction des nuisances sonores ou de celles liées aux coupures urbaines – mon passé d'acteur de la politique de la ville me rappelle que les territoires les plus en difficulté sont souvent ceux qui sont victimes de coupures urbaines –, la sécurité des ouvrages d'art et la résilience de nos infrastructures de transport face au réchauffement climatique. C'est un honneur pour moi d'essayer d'apporter ma pierre au débat national en dépassant le cadre d'élu local, du quotidien.
Monsieur le rapporteur, votre propos à l'encontre de l'Afit France m'a semblé sévère. J'ai accueilli la proposition du Président de la République comme un honneur et l'agence ne m'est nullement apparue comme une coquille vide. J'y vois une structure capable d'agir sur le temps long grâce à des recettes affectées, offrant une meilleure visibilité des projets structurants, sur lesquels la représentation nationale dispose de prérogatives dans le cadre du projet de loi de finances. C'est une structure partenariale de par la présence de parlementaires et d'élus locaux au sein de son conseil d'administration. Vous avez raison de dire que cette relation partenariale avec le Parlement et les élus locaux pourrait être renforcée. Cela me tient à cœur. Les questions de mobilités dépendant non seulement de l'État mais aussi des collectivités locales. Une vision stratégique collective est nécessaire, et pourquoi même ne pas y associer nos concitoyens directement concernés par les mobilités ?
Je ne qualifierai pas l'Afit France de « boîte noire ». Dans la pratique, elle joue plus un rôle de conseil de surveillance – peut-être faudrait-il d'ailleurs un jour en faire évoluer les statuts. Son travail rappelle celui des conseils de surveillance du grand port maritime de Dunkerque ou de l'hôpital de Dunkerque, que je préside. Il est de bonne gestion démocratique de disposer de ces outils qui portent d'autres regards sur des stratégies de développement fondamentales pour notre pays.
Instaurer une forme de conseil de surveillance des pratiques de financement des infrastructures de transport dans notre pays nécessite d'approfondir les orientations fixées par M. Christophe Béchu, puis par M. Jean Castex. Il s'agit de renforcer la soutenabilité financière de l'Afit France, d'accélérer sa participation à la transformation écologique et d'assurer mieux encore son efficacité et sa transparence. Pour ce faire, il convient de garantir les orientations fixées par la loi d'orientation des mobilités (LOM), de veiller à la pérennité et à la stabilité des ressources et de fournir à la représentation nationale tous les éléments nécessaires. Je suis à votre écoute et à votre disposition pour faciliter ce dialogue.
Pour l'Afit France et pour le pays, 2023 sera une année charnière en matière d'infrastructures de transport. Les six prochains mois verront la définition de l'ambition de notre pays pour ses infrastructures de transport dans les années qui viennent. D'ici quelques jours, la remise du rapport du COI à la Première ministre ouvrira une séquence de larges débats sur l'avenir de nos infrastructures de transport, jusqu'à l'actualisation de la LOM et la définition d'une nouvelle trajectoire financière pour l'Afit France, suivie par le volet « mobilités » des contrats de plan État-région. Enfin, puisque vous parliez de la petite équipe de l'Afit France, un contrat d'objectifs et de performance dimensionnera, en termes de pratique et d'effectifs, la contribution de l'Afit France à la nouvelle ambition affichée par l'actualisation de la LOM.
Des éléments figurent déjà dans la loi de finances pour 2023. Ainsi, 100 millions d'euros ont été ajoutés pour la régénération du réseau ferroviaire, afin d'anticiper le débat que nous aurons à la suite de la publication du rapport du COI. J'en ignore encore le contenu, mais on peut se douter du ton qu'il emploiera. L'indispensable décarbonation des mobilités à laquelle vous avez fait référence nécessitera ce que certains qualifient de « mur d'investissement », pour reprendre la formule du COI, et d'autres, de plan Marshall de nos infrastructures de transport. Les besoins de notre pays sont très importants. Dans les six mois à venir, le débat fixant l'ambition de dépenses à affecter à cette stratégie et la discussion sur les recettes nécessaires pour sanctuariser la trajectoire financière de l'Afit France seront cruciaux.
Dans ces six mois et après, mon rôle sera de faciliter le dialogue avec la représentation nationale et les élus locaux, d'être un médiateur entre les nécessaires arbitrages financiers et les besoins de mobilité, entre la vision nationale des infrastructures et la perception sur le terrain – ceux d'entre vous qui ont été maires le savent – d'injonctions contradictoires ou d'éléments inadaptés. Fort de mon expérience d'élu local d'une ville portuaire où l'accent a été mis sur le transport collectif, mon rôle est de nouer le lien entre le Gouvernement et la représentation nationale, entre le niveau national et le niveau local, de faciliter le débat afin d'aboutir, au milieu de l'année 2023, à une vision de l'avenir des infrastructures dans notre pays.
Monsieur le rapporteur, je n'ai pas l'intention de briguer la présidence de la RATP, d'autant moins que la place est prise. Je serais très heureux d'accéder à la présidence de l'Afit France. À Dunkerque où j'exerce mon deuxième mandat, de nombreuses actions sont lancées, et j'ai envie de mettre ma belle expérience des mobilités dans le Dunkerquois au service du débat national. Je serais donc ravi, si vous le confirmiez, d'exercer la présidence de l'Afit France.
Il y a moins de six mois, le 27 juillet 2022, nous auditionnions M. Jean Castex, proposé pour prendre la présidence de l'Afit France. Aujourd'hui comme ce jour-là, nous avons à répondre à trois questions.
D'abord, une agence de financement des infrastructures de transport est-elle utile ? Plusieurs autres pays européens ont déjà répondu depuis longtemps par l'affirmative. Depuis sa création, en novembre 2004, l'Afit France a connu huit Premiers ministres et huit ministres des transports qui tous ont considéré qu'il s'agissait d'un outil de sécurisation des financements publics dévolus aux infrastructures et d'un moyen nécessaire mais non suffisant de programmation des investissements dans les transports.
Ensuite, l'Afit France a-t-elle besoin d'un président ? Le budget de l'Afit France pour 2023 sera le plus important depuis sa création : 4,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,8 milliards en crédits de paiement, dont 1,5 milliard pour le seul transport ferroviaire, et des recettes certes issues de la fiscalité mais aussi de dotations budgétaires, dont 250 millions d'euros de plus pour l'exercice budgétaire 2023. L'agence ne dispose pas de vice-président, aucun intérim n'est vraiment possible, excepté par le directeur général des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM), ce qui n'est pas complètement satisfaisant. Les projets qu'elle finance, qu'il s'agisse de la mise à grand gabarit de l'Oise ou du plan Marseille en grand, ne peuvent pas attendre.
Enfin, monsieur le maire, êtes-vous la bonne personne pour exercer cette présidence ? Le président de l'agence est, par définition, en contact à la fois avec le Gouvernement, dont il doit avoir la confiance, et avec les collectivités territoriales. À cet égard, le profil de vos possibles prédécesseurs est significatif : sur cinq présidents en dix-huit ans, deux avaient été présidents de région et quatre avaient été ou étaient maires au moment de leur présidence. Il s'agit de la présidence non exécutive d'une structure ne comptant que cinq salariés, dont je tiens d'ailleurs à saluer la secrétaire générale, Mme Katrin Moosbrugger, donc plus aisément cumulable avec des fonctions exécutives locales que celle de l'Agence de la transition écologique (Ademe), par exemple. Maire de Dunkerque depuis bientôt neuf ans, président de son agglomération, vous vous êtes beaucoup impliqué dans les dossiers portuaires et de transport urbain, vous êtes ingénieur général des ponts, des eaux et des forêts, et vous aurez à en rencontrer beaucoup dans vos missions. La proposition de votre nomination a, du reste, reçu un avis favorable, à l'unanimité, du conseil d'administration de l'Afit France. Le groupe Renaissance votera évidemment pour.
Il y a seulement cinq mois, notre commission se réunissait pour la nomination de M. Jean Castex à ce même poste, laquelle lui a uniquement servi de marchepied. Dans le domaine des transports, nous avons besoin de visions à long terme, car les projets mettent souvent plusieurs années à voir le jour. Vous engagez-vous à rester à ce poste ?
Grand coordinateur financier des projets d'infrastructures de transport et de mobilité, l'Afit France est dotée en 2023 du budget le plus élevé depuis sa création – 4,2 milliards d'euros d'autorisations d'engagement et 3,78 milliards de crédits de paiement. Ce budget initial est destiné à poursuivre la mise en œuvre du plan de relance et le financement de grands projets structurants, tels que le canal Seine-Nord Europe, le tunnel Lyon-Turin ou la ligne à grande vitesse (LGV) Roissy-Picardie.
Votre rôle à la tête de cette agence est très important. Cependant, à côté des grands projets, il ne faudrait pas oublier les transports du quotidien, notamment les lignes de transport express régional (TER) ou les routes indispensables à nos concitoyens. Je suis élue du Lot-et-Garonne, territoire ô combien enclavé et oublié, comptant des routes en mauvais état et des fermetures de lignes de TER – les projets et les crédits sont rarement pour des départements comme le mien. Il y a quelques semaines, le Président de la République a annoncé en grande pompe le développement de RER métropolitains. De tels projets ne renforceront-ils pas l'inégalité de traitement entre urbains et ruraux ? Quid des routes, des lignes de TER qui ferment et de la dégradation du service ?
Dans ma circonscription, la communauté d'agglomération du Grand Villeneuvois, qui compte 50 000 habitants, n'est desservie que par une route nationale. Le désenclavement de tels territoires ne va-t-il pas dans le sens de l'histoire ?
Vous êtes élu local, maire de Dunkerque. Si, à l'issue du vote, votre nomination est confirmée, orienterez-vous les crédits et les projets vers les territoires, notamment les plus ruraux et enclavés, pour les aider à ne pas disparaître ?
À n'en pas douter, le maire et président d'intercommunalité que vous êtes est fortement attaché à la transparence de l'action publique, au souci méticuleux des deniers publics, à la préservation du pouvoir d'achat de nos concitoyens et aux mobilités du quotidien. Président de l'Afit France, vous auriez à traiter quelques dossiers épineux de grands projets que vous qualifiez de « structurants », notamment la liaison Lyon-Turin, dont la déclaration d'utilité publique (DUP) est caduque depuis fin décembre, puisque les travaux n'ont pas commencé. Rien n'a réellement bougé, je l'ai vu de mes propres yeux. Ce ne sont pas les agitations de dernière minute de la société Tunnel euralpin Lyon-Turin (Telt) ni le déplacement de M. Clément Beaune auprès du dirigeant de la Ligue, Matteo Salvini, le 13 décembre, qui feront croire le contraire.
Nouveau candidat oblige, je me répète : la liaison Lyon-Turin est hors la loi, parce que son tracé traverse les périmètres rapprochés de captage d'eau potable dans lesquels ce type de travaux est interdit. Elle est hors la loi, parce qu'elle ne respecte pas la directive-cadre sur l'eau, eu égard à la détérioration des masses d'eau. Un maire sait tout cela. Allez-vous signer le cofinancement de chantiers hors la loi sur la base d'une DUP caduque ?
Enfin, monsieur le maire, je vous sais attaché aux transports du quotidien. La liaison Lyon-Turin ne relève pas vraiment de cette catégorie. Même l'Europe ne veut pas cofinancer ce projet et préférerait une modernisation des lignes existantes. Dans votre réponse à mon collègue Loïc Prud'homme, vous écrivez qu'« il sera essentiel de garantir des investissements suffisants […] donc d'augmenter ce niveau de recettes ». Faudra-t-il créer une autre taxe ?
Une nouvelle taxe spéciale d'équipement payable par les contribuables de 2 340 communes a été votée dans le cadre de la loi de finances pour 2022, au profit de la Société du grand projet du Sud-Ouest pour financer la LGV Bordeaux-Toulouse, soit 24 millions d'euros payés annuellement pendant quarante ans. Que vous inspire cette taxe, destinée à financer un projet de transport qui n'aidera pas les petites communes, ni même les moyennes ?
L'Afit France est l'établissement public chargé de piloter les investissements de l'État en matière d'infrastructures de transport. Elle n'a toutefois aucun pouvoir dans les choix de programmation. Elle paie la note d'un menu qu'elle n'a pas choisi. Je vous sais dynamique, innovant et déterminé. Pourquoi être candidat à un poste qui, en apparence, a si peu de pouvoir ?
Le Conseil d'orientation des infrastructures, présidé par notre collègue David Valence, remettra ce mois-ci un rapport sur les priorités de financement en matière de transports d'ici à 2032. Ses scénarios, quasiment bouclés, s'imposeront au futur président de l'Afit France, alors qu'il n'y aura pas contribué. En tant que président, quelle serait votre influence réelle pour appliquer, voire adapter, ce programme ?
Le président de l'Afit France peut toutefois faire valoir, en amont du débat budgétaire, sa vision de la trajectoire financière de l'agence et du montant des besoins à satisfaire. Vous l'avez dit, vous comptez tenir un « rôle actif » auprès du Gouvernement pour éclairer ses orientations. Comment entendez-vous faire valoir votre avis ?
La pérennité des recettes de l'Afit France est un motif d'inquiétude récurrent depuis sa création. L'accise sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons, ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), est la recette principale de l'Afit France. Son montant annuel est cependant très variable, car soumis à l'arbitrage de la direction du budget. Il sert à caler le niveau des recettes sur le total des dépenses prévues dans l'année. L'agence est également financée par une partie du produit des amendes des radars automatiques dont, là encore, le montant varie fortement. Ses prévisions pour 2023 tablent d'ailleurs de nouveau sur 250 millions d'euros. Comment composerez-vous avec des budgets aussi variables, afin qu'ils ne nuisent pas à la bonne gestion de l'agence ?
Après avoir lu vos réponses au questionnaire, je vous interrogerai sur la singularité que votre présidence pourrait apporter à l'Afit France. Votre expérience d'élu local sera sans doute un atout, eu égard aux différents dispositifs en matière de mobilité que vous avez déployés à Dunkerque, notamment le programme Éco-gagnant, qui porte ses fruits. Comment l'Afit France, avec les moyens financiers et humains contraints que nous lui connaissons, pourrait-elle encourager de telles pratiques et contribuer à leur généralisation ?
Une loi de programmation des transports visant à planifier sur plusieurs années les recettes et dépenses de l'État et de ses collectivités vous paraît-elle pertinente ? La loi « climat et résilience » prévoit par exemple d'autoriser à titre expérimental les régions à lever une taxe acquittée par les poids lourds sur les routes nationales. Or la création par chaque région de son propre mécanisme de taxation assorti de taux différents pourrait entraîner une rupture d'égalité devant l'impôt. La question de l'utilisation des recettes se pose également. Êtes-vous favorable à une loi de programmation des transports telle que plusieurs acteurs l'ont proposée ?
Enfin, le Président de la République vient d'annoncer le déploiement de RER dans dix métropoles françaises, en remplacement de la voiture. Quel rôle l'Afit France pourrait-elle jouer pour ce chantier, qui nécessitera a minima un pilotage harmonisé ?
Le bilan des financements de l'Afit France présente deux postes de dépenses principaux – le transport routier et le transport ferroviaire. S'il connaît un redressement pour 2023, le poste « transports collectifs d'agglomération et mobilités actives » a fait l'objet d'un financement bien inférieur aux deux premiers entre 2005 et 2020. En qualité de président potentiel, que pensez-vous de ce déséquilibre ?
Quelles seront vos priorités ? Il faudra poursuivre les investissements dans le ferroviaire, voire les renforcer, pour atteindre le montant de 3 milliards d'euros par an, indispensable à la décarbonation durable de nos mobilités, qu'il s'agisse de fret, de transport de voyageurs ou de l'entretien des lignes.
La question du financement de nouvelles infrastructures se pose. Est-ce le moment de continuer à inciter à utiliser la voiture ? Un rééquilibrage au profit des transports collectifs en agglomération est indispensable. Cela sera même une obligation pour tenir la promesse présidentielle de RER métropolitains.
La présentation du rapport du Comité d'orientation des infrastructures a été plusieurs fois reportée. Néanmoins, plusieurs informations dévoilées par Les Échos vont dans le sens d'un scénario central « de planification écologique », doté d'une enveloppe comprise entre 26 et 28 milliards d'euros. Une grande partie des efforts serait concentrée sur le ferroviaire, afin de développer le système européen de gestion de trafic des trains, des tours de contrôle automatisées, de faire « sauter » des bouchons en approche de grandes gares parisiennes et de régénérer le réseau existant. Comment appréhendez-vous les éléments de ce rapport, auquel vous n'aurez pas contribué ?
En réponse au questionnaire, vous évoquez l'ouverture d'une période « d'intenses réflexions sur le devenir de la stratégie nationale en matière d'infrastructures de transport », prévoyant in fine une réactualisation de la LOM et une nouvelle trajectoire financière de l'Afit France pour la période allant de 2023 à 2027. Quelle forme prendront-elles et quels acteurs seront réunis autour de la table ?
Depuis sa création, l'Afit France permet de coordonner le financement des grands projets d'infrastructures de transport fluvial, ferroviaire ou routier, et de simplifier le dialogue entre le gouvernement et les élus locaux. Tout en garantissant le respect des orientations stratégiques du Gouvernement et de l'application des lois, notamment la loi d'orientation des mobilités, elle permet de développer une vision à moyen et à long terme du financement de nos investissements pour les infrastructures.
Face à de grands enjeux comme le dérèglement climatique ou l'hypermétropolisation, il faut agir rapidement, avec efficacité et ambition, en cherchant de nouveaux moyens de transport décarbonés, densifiés et davantage collectifs. L'Afit France jouant un rôle essentiel dans ces combats, nous pouvons saluer l'augmentation de son budget, complété par le plan de relance, à hauteur de 2,44 milliards d'euros. On ne peut qu'encourager cette augmentation qui permettra de poursuivre les grands projets en cours, comme le canal Seine-Nord Europe et la nouvelle route du littoral à La Réunion, et de soutenir les prochains projets dans nos territoires.
L'Afit France a fait l'objet de nombreuses critiques, notamment de la part de la Cour des comptes, mettant en avant son manque d'autonomie et son absence de pouvoir de décision. Toutefois, elle est essentielle pour favoriser le dialogue entre l'État et les collectivités, ainsi qu'avec les citoyens. Cette recherche du dialogue sert les intérêts de tous, pour tenir compte des spécificités de chaque territoire et développer les infrastructures du quotidien, indispensables pour l'ensemble des citoyens, et les transports le plus pertinents au regard des enjeux.
L'Afit France fait face à des défis majeurs. Elle joue un rôle crucial dans la transition écologique et l'évolution des moyens de déplacement quotidiens. Déjà affirmé, ce rôle est amené à se développer. En tant que président de l'Afit France, comment envisageriez-vous de renforcer le lien entre l'État et les territoires et de répondre aux besoins du quotidien de nos concitoyens dans l'ensemble du territoire ?
Les transports représentent 30 % des émissions de gaz à effet de serre en France : c'est l'activité qui contribue le plus au changement climatique. La quasi-totalité des émissions de ce secteur est induite par la combustion de carburants fossiles. Pour engager la transition écologique, il faut donc d'urgence décarboner les transports et réduire notre dépendance aux énergies fossiles. Dans un contexte de hausse des prix des carburants, c'est non seulement un impératif écologique mais également un enjeu de pouvoir d'achat.
Face à cette double urgence, les fonds importants dont dispose l'Afit France sont un levier stratégique. Les investissements doivent cibler en priorité le fret et les transports du quotidien pour réduire la place des véhicules individuels et augmenter la part des modes de transport les moins polluants. Investir dans les infrastructures de transport du quotidien, c'est cibler les petites lignes ferroviaires, les transports en commun en site propre dans les agglomérations et les infrastructures cyclables.
Pourtant, une part très importante des fonds de l'Afit France reste orientée vers de grands projets inutiles : des LGV et des autoroutes concentrent l'argent public. Ces grands projets inutiles détruisent la biodiversité et ne permettent pas de s'attaquer aux mobilités du quotidien qui sont l'essentiel du potentiel de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En Nouvelle-Aquitaine, où je suis élu, les petites lignes ferroviaires et le réseau de TER sont dans un état déplorable, alors qu'on s'apprête à engager 14 milliards d'euros dans une LGV. Ce projet, qui ne répond pas aux besoins des habitants, prive le train du quotidien des moyens nécessaires à la sortie du tout-voiture.
En tant que candidat à la présidence de l'Afit France, quelle est votre position sur ces grands projets inutiles ? Plus largement, quelles priorités identifiez-vous pour la décarbonation de nos transports ?
Je me réjouis de la proposition qui vous a été faite car votre trajectoire témoigne d'une capacité à engager un dialogue dont nous avons grand besoin dans les années qui viennent.
Vous avez dit que 2023 était « une année charnière » pour définir l'ambition du pays. Après le travail engagé par M. David Valence et le COI, comment entendriez-vous travailler dans les six mois qui viennent ? Seriez-vous partie prenante de ce dialogue, pour vous saisir ensuite des décisions prises ?
Vous êtes issu d'un territoire qui a pris des décisions ambitieuses pour répondre aux besoins de mobilité des gens et aux enjeux de pouvoir d'achat. Le financement des transports publics dans les territoires périphériques est lié au versement mobilité. Or certains territoires peinent à activer ce levier ou sont parvenus au terme de son efficacité. Dans les fonctions qui seraient les vôtres et au regard de votre parcours, seriez-vous à même d'organiser le dialogue avec des territoires qui, sans être concernés par les grandes infrastructures, se trouvent les premiers touchés par l'absence de mobilités du quotidien ? Comment l'Afit France, dont ce n'est pas le rôle initial, y prendrait-elle part ? Comment travailleriez-vous pour que cet outil rayonne et que la loyauté que vous devez au Gouvernement n'entrave pas l'autonomie de pensée et d'action ?
Il est beaucoup question d'infrastructures routières et ferroviaires, mais en matière de transports collectifs au sens large, certains territoires sont en retard et toutes les initiatives seront les bienvenues.
Je répondrai globalement sur chacun des thèmes transversaux que vous avez évoqués.
Le premier concerne le sujet central des trains du quotidien. Élu des Hauts-de-France, j'y suis sensible. Des difficultés existent aussi en Île-de-France et la situation en Alsace a été évoquée au Sénat. Le report modal et le maillage du territoire sont des moyens de lutter contre le dérèglement climatique. Comme je l'ai souligné au Sénat, depuis trente ans, notre pays n'a pas su repenser ce maillage, c'est-à-dire l'articulation entre les métropoles, les villes moyennes, les petites villes, la ruralité, ainsi que les multimodalités.
Je considère le RER métropolitain non comme un lien entre une métropole et sa banlieue, ce qui ne ferait qu'aggraver l'étalement urbain et en repousser les limites, mais comme un moyen de mailler un territoire, c'est-à-dire une métropole et ses villes moyennes, ses petites villes et la ruralité. Le maillage de la France doit être au cœur de nos réflexions. Les trains du quotidien en sont des éléments structurants. Je disais qu'à la fin des années 1990, la Datar évoquait un polycentrisme maillé. Or la meilleure façon de lutter contre le dérèglement climatique est de redonner une vision collective de ce que doit être le maillage du territoire en termes de mobilités.
Je ne l'oppose pas aux LGV, dans la mesure où certains de nos concitoyens, de Bordeaux ou du Sud-Ouest, aspirent logiquement à bénéficier d'équipements comparables à ceux d'autres régions – à Dunkerque, nous avons la chance d'avoir un TGV, comme c'est le cas à Strasbourg. J'entends mettre l'accent sur le maillage, car le train du quotidien me tient à cœur. Je veux bien venir dans le Lot-et-Garonne en donner une traduction concrète.
À la question de savoir si l'Afit France est une caisse d'enregistrement ou si elle dispose d'un véritable pouvoir, je crois avoir répondu en avançant l'idée de conseil de surveillance. Il faut l'assumer, peut-être en allant plus loin, statutairement, jusqu'à considérer que le conseil d'administration de l'Afit France devient un conseil de surveillance.
Les conseils de surveillance d'un grand port maritime ou d'un hôpital ont une influence : en tant que président du conseil de surveillance du grand port maritime de Dunkerque, j'ai une visibilité sur tous les projets, je peux peser sur les décisions, et je rencontre régulièrement son directeur, le président du directoire. En tant que membre du conseil de surveillance de l'hôpital de Dunkerque, je pèse sur les décisions relatives à l'hôpital.
De même, le véritable pouvoir d'un président du conseil d'administration de l'Afit France est celui d'un président de conseil de surveillance d'un grand port maritime ou d'un hôpital : c'est un pouvoir d'influence. M. Saint-Huile évoquait son pouvoir d'influence en matière de trains du quotidien et de maillage territorial à l'échelle de villes qui ne peuvent pas mobiliser le versement mobilité. Mes prédécesseurs ne l'ont peut-être pas exposé aussi clairement, mais je souhaite faire de ma présidence l'équivalent d'une présidence de conseil de surveillance, afin d'apporter une contribution au débat.
J'ai dit en introduction que les six prochains mois revêtiront une importance majeure. L'Afit France a suivi la trajectoire de la LOM et continuera à la suivre. Le niveau de dépenses que vous définirez en votant l'actualisation de la LOM sera un élément très important pour l'avenir des infrastructures de notre pays dans les cinq ans qui viennent. Il doit donner lieu à un débat approfondi auquel je voudrais prendre toute ma part, dans un esprit de dialogue et d'échange.
Je veux aller le plus possible sur le terrain dans les six prochains mois, car je souhaite intégrer au débat l'avis des élus locaux. Après avoir pris au Sénat l'engagement de me rendre à Strasbourg, je veux faire de même dans le Lot-et-Garonne et ailleurs, car je souhaite faire entendre la voix des territoires dans le débat. Cela doit se faire aussi avec la représentation nationale. Si vous choisissez de me confirmer à la présidence de l'Afit France, je reviendrai prochainement vers vous, monsieur le président, afin de faire vivre ce débat. Les décisions que vous devrez adopter avant l'été seront très structurantes, non seulement pour l'Afit France, mais aussi pour l'avenir de nos infrastructures de transport. Elles seront difficiles et lourdes, qu'il s'agisse tant du niveau de dépenses et de l'ambition que des recettes correspondantes.
Je crois avoir répondu sur le lien entre l'État et les territoires. En tant que candidat à la présidence de l'Afit France, je ne dirai pas le contraire de ce que je disais en tant qu'élu local. Notre objectif est d'assurer une meilleure articulation entre l'État et les collectivités locales. Nous devons réaliser collectivement des progrès.
Il nous faut réussir le report modal de la route vers le fluvial et le rail, dans une logique de décarbonation des mobilités et d'aménagement du territoire. Le fret est un élément essentiel. L'Afit France y contribue déjà beaucoup, puisque la majorité de ses ressources proviennent de la route et 85 à 90 % de ses dépenses sont destinées à des mobilités décarbonées. Il faut aller plus loin et encourager le report modal des déplacements à longue distance, notamment le fret, de la route vers le fluvial et le rail, ainsi que le report modal des mobilités intra-urbaines du quotidien de la voiture vers le vélo et le transport collectif.
L'Afit France a multiplié par cinq son budget pour les mobilités actives, qui est passé de 50 millions d'euros par an à 250 millions pour 2023. Dans les six mois qui viennent, puisque le COI devrait s'intéresser aux mobilités actives, nous débattrons pour déterminer si ce montant correspond au niveau d'ambition de l'État ou s'il faut plus, mais je ne peux pas nier que des efforts sont faits. Un comité interministériel et un nouveau plan Vélo sont d'ailleurs en préparation.
Mme Lasserre a cité le programme Éco-gagnant, déployé à Dunkerque. Désireux de décarboner les mobilités intra-urbaines de l'agglomération, nous avons retenu le pouvoir d'achat comme levier de la transformation. Plutôt que de moraliser ou de contraindre violemment, nous avons choisi l'arme du pouvoir d'achat pour changer certaines pratiques du quotidien. Cela a fonctionné pour le transport collectif. L'agglomération dunkerquoise a connu une progression de la fréquentation du transport collectif en semaine de 110 % en quatre ans, soit plus que n'importe quelle autre agglomération dans l'histoire et même dans le monde, et de 300 % le week-end. Nous le faisons grâce au nouveau plan Vélo. Après une année de mise en œuvre, nous enregistrons une augmentation de 42 % de l'usage du vélo dans l'agglomération dunkerquoise. Le levier du pouvoir d'achat pour transformer les pratiques du quotidien fonctionne donc. D'autres moyens, comme la santé ou le cadre de vie, peuvent être employés pour inciter nos concitoyens à revoir leurs pratiques mais, à la direction de l'Afit France, je garderai en tête cet élément, même si le financement des infrastructures déborde le cadre intra-urbain, qui relève davantage des collectivités locales.
J'ai évoqué l'actualisation de la LOM, car la loi de programmation m'effraie un peu, pour deux raisons. La première procède du calendrier : je redoute un glissement important, alors qu'il y a urgence. La seconde tient au caractère contraignant d'une loi de programmation, qui offre peu de souplesse de financement. Or aucun financement des infrastructures de transport nationales ne doit être perdu. Si des engagements de nouvelles recettes sont pris ou si des perspectives de plus fortes dépenses apparaissent, ces financements seront nécessaires. Si des projets ne peuvent pas se faire, il est souhaitable de les redéployer sur d'autres.
Le même incident s'est produit lors de l'audition de M. Castex et vous aviez changé les règles !
Ce n'est pas moi mais le bureau de la commission qui change les règles. Nous avons changé les règles, ensemble, pour ce qui concerne les questions des députés et non pour les interventions des orateurs principaux des groupes. Par conséquent, M. Vergriete vous répondra après que tous nos collègues auront posé leurs questions.
En 2021, l'Afit France a dépensé 264 millions d'euros pour les projets de ligne à grande vitesse Bordeaux-Toulouse, Marseille-Nice, Montpellier-Perpignan, Paris-Normandie et Roissy-Picardie, et 127 millions d'euros ont été dédiés à la très controversée ligne Lyon-Turin, au sujet de laquelle de nombreuses questions vous ont déjà été posées – toutes n'ont pas obtenu de réponse.
À l'inverse, seulement 93 millions d'euros ont été engagés pour les transports du quotidien, en particulier le transport express régional. Dans ce domaine, où les retards, les suppressions de trains et les manques de personnel ou de matériel se succèdent depuis plusieurs mois, allez-vous enfin renverser la vapeur pour remédier aux difficultés touchant quotidiennement les Français ou comptez-vous poursuivre « en grand », pour reprendre les termes du Président de la République, la doctrine du tout-TGV ?
En décembre dernier, le conseil d'administration de l'Afit France a examiné et approuvé le projet de budget initial de l'année 2023, qui constitue, en termes de dépenses, le plus important budget de l'agence depuis sa création. 100 millions d'euros ont été inscrits au budget initial pour accroître l'effort de régénération du réseau ferroviaire. Il y a urgence à agir. Urgence climatique, d'abord, alors que le train est un mode de déplacement peu polluant. Urgence sociale, ensuite, compte tenu du déclassement ferroviaire des territoires ruraux. Je peux en témoigner pour ma circonscription, dans l'Aisne.
La Cour des comptes estime que 22 % du réseau national des petites lignes de train sont touchés par des arrêts de circulation dus au délabrement du réseau ferroviaire secondaire. Alors que la Première ministre a affirmé sa radicalité écologique devant notre assemblée, en juillet dernier, et que la colère monte dans les territoires abandonnés au vu de l'état déplorable de l'infrastructure ferroviaire, avez-vous les moyens de vos ambitions ?
Monsieur Vergriete, vos propos me confortent dans l'idée que vous feriez un excellent président de l'Afit France. Vous avez longuement évoqué le maillage du territoire, le terrain et les relations avec les élus locaux. Je vous invite dans le Jura, où vous serez très bien accueilli.
Je vous félicite pour votre idée de conseil de surveillance. Dans ce cadre, auriez-vous un pouvoir sur la SNCF, qui supprime des trains existants ? Je pense notamment au TGV Strasbourg-Marseille, ligne d'équilibre du territoire pour laquelle aucun investissement n'est nécessaire : il suffit de la remettre en service.
Par ailleurs, les départements sont d'accord pour que les routes nationales leur soient transférées, puisqu'ils percevront une compensation, mais l'Afit France restera-t-elle à leur côté en cas de gros investissements ?
Certaines régions, comme l'Auvergne, souffrent encore d'un profond enclavement routier et ferroviaire. Les travaux de la ligne Paris-Clermont ont connu de nombreuses difficultés et sa modernisation va prendre du retard à cause d'une nouvelle étude d'impact imposée par l'autorité environnementale. Sans légitimité démocratique, celle-ci ne freine-t-elle pas le développement de nos infrastructures, devenu urgent ? Ne faudrait-il pas revoir les compétences de l'agence afin de lui donner plus de marge de manœuvre dans la conduite des travaux de modernisation ?
Le ferroviaire n'est pas le mode de transport le plus adapté au milieu rural, notamment pour les trajets courts. Veillerez-vous à ce que la route, nécessaire au désenclavement de nos petites villes, ne soit pas délaissée et qu'une juste répartition soit assurée entre les différents modes de transport ?
L'Afit France est censée respecter la trajectoire d'investissement fixée par la LOM, mais ce n'est quasiment jamais le cas.
En 2019, ses dépenses ont été inférieures de 218 millions d'euros à l'objectif fixé, en raison de recettes tirées des amendes radar plus faibles que prévu. En 2020, le différentiel était de 158 millions d'euros, à cause de la crise sanitaire. En 2021, ce n'est qu'à la faveur du plan de relance que la cible a été atteinte. En 2022, le delta négatif se monte de nouveau à 257 millions d'euros. Cette fois, les sous-consommations de crédits ne s'expliquent pas par le déficit de telle ou telle recette mais par le retard pris par certains chantiers, notamment au titre du fret, sur le plan de relance, ou des appels à projets dans les transports collectifs, en raison de promesses trop ambitieuses de la part des maîtres d'ouvrage. Il est déplorable que l'État ne soit pas capable de consommer l'ensemble de ses crédits pour un secteur qui en a tant besoin. Comment comptez-vous pallier ces difficultés ?
Le thème des recettes supplémentaires sera au cœur du débat que nous aurons dans les six prochains mois. Si vous confirmez mon accession à la présidence, nous aurons cette discussion ensemble et avec le Gouvernement, à la suite du rapport du COI, qui fournira un état des lieux et une vision des besoins de dépenses. Après le débat sur la fixation du niveau de dépenses et d'ambition, s'ouvrira le débat sur les recettes.
Concernant les recettes à caractère local, Mme Lasserre a évoqué le risque d'une rupture d'égalité territoriale. Néanmoins, c'est le bénéficiaire direct qui y contribue. Des perspectives de recettes existent avec les sociétés de projets. Il y aura aussi un débat sur une éventuelle recette nationale, mais je ne compte pas le « voler » à la représentation nationale. C'est pourquoi j'ai insisté sur la nécessité de bien préparer ces six mois car, si vous confirmez ma candidature, c'est le prochain sujet que nous aurons à aborder ensemble. Je ne vous ferai pas l'injure de dire toutes les possibilités existant en la matière.
Ma sensibilité aux transports du quotidien est réelle. Il faut réviser le maillage territorial de la France, en lien avec la question des routes, et penser la multimodalité. Dans mon territoire dunkerquois, nous avons déployé un système de transports collectifs performant à l'échelle de l'agglomération. Avec la communauté de communes voisine, à caractère rural, nous avons engagé une réflexion en vue de convaincre les habitants d'abandonner la voiture en cours de parcours. Dans une ville moyenne ou une petite ville, penser la multimodalité – commencer avec un mode de déplacement et finir avec un autre – est une révolution copernicienne. Cela relève aussi du maillage territorial. La route doit être appréhendée non d'un point de vue strictement routier mais dans une perspective de contribution à la multimodalité et de maillage du territoire à l'échelle nationale.
Les travaux de la ligne ferroviaire Lyon-Turin ont commencé. De fait, la DUP a été confirmée. L'Union européenne finance bien le projet. Je ne suis pas le plus qualifié pour vous répondre sur ce sujet.
Pour 2022, année exceptionnelle, le budget de l'Afit France est exécuté à 99 % mais M. Bony m'interroge plutôt sur les retards des chantiers. Certains maîtres d'ouvrage ont en effet tendance à surestimer leur capacité à agir dans les temps. On ne mesure pas encore assez les délais que représente un investissement massif dans le rail, où les chantiers sont longs. Quant à SNCF Réseau, l'opérateur doit se mobiliser pour mieux préparer les projets. Quoi qu'il arrive, il faudra du temps pour investir dans le rail à la hauteur des besoins. Je suis sensible à votre remarque, mais nous n'avons qu'un léger pouvoir d'influence sur la SNCF, au travers de l'attribution de crédits.
Les zones à faibles émissions (ZFE), confortées par la loi « climat et résilience », sont utiles mais difficiles à déployer. Leur impact social a également été souligné. La ville de Dunkerque n'est-elle pas le « laboratoire ZFE » parfait à partir duquel nous devons travailler, pour décarboner les mobilités ?
Comme de nombreux territoires ruraux, l'Orne est très peu pourvue en lignes ferroviaires et en arrêts, et l'on constate une inadéquation croissante entre l'offre et la demande des voyageurs. Certaines demandes de transport émises par les entreprises ne peuvent être satisfaites par la SNCF.
Comment résoudrez-vous les difficultés liées au maillage ferroviaire du territoire ?
Lors de son audition, M. Jean Castex a pointé la nécessité de renforcer la transparence de l'agence, notamment de rendre plus clairement compte de l'usage des fonds qui lui sont confiés. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Estimez-vous suffisante la communication de l'Afit France en direction de nos concitoyens, qui sont de plus en plus vigilants sur la question des transports ? L'Afit France peut-elle faire entendre efficacement sa voix au ministère de la transition écologique, chargé des transports ?
Je suis élu du Nord, vous êtes maire de Dunkerque, ville au développement économique exponentiel, et je vous en félicite. Que pensez-vous du canal Seine-Nord Europe ?
Votre mission et celle de l'Autorité de régulation des transports ne se chevauchent-elles pas ? Ne pensez-vous pas, comme je l'ai dénoncé à plusieurs reprises, que nous avons beaucoup trop d'agences en France ?
Certes, les habitants des métropoles ont toujours besoin de nouvelles solutions de transport en commun, puisqu'on les empêche de plus en plus d'utiliser leur voiture, mais vous connaissez l'état déplorable des RER en région parisienne, affectés par des sous-investissements chroniques qui entraînent des problèmes techniques quotidiens, des retards, la saleté et l'insécurité. Les ressources de l'Afit France sont, hélas, limitées.
Dans votre réponse au questionnaire, vous prônez « une plus grande ouverture […] vers la population ». Comment entendez-vous arbitrer les investissements entre de nouvelles infrastructures et la remise à niveau des infrastructures existantes ? Avez-vous l'intention d'appuyer vos choix sur la consultation des usagers concernés ?
Le domaine ferroviaire est le premier poste d'engagement de l'Afit France, confirmant sa vocation d'outil de report modal. Les investissements de l'Agence portent aussi bien sur des projets de lignes nouvelles, notamment à grande vitesse, que sur la rénovation de lignes existantes. Après l'abandon du projet de Notre-Dame-des-Landes au profit de l'aménagement de l'aéroport de Nantes-Atlantique, le Gouvernement s'est engagé à fournir des compensations à la région des Pays de la Loire, en particulier au département de Loire-Atlantique. Le trajet Paris-Nantes n'est pas intégralement à grande vitesse, seule la portion entre Paris et Sablé-sur-Sarthe l'est. Entendez-vous conforter le développement des LGV ?
Par ailleurs, il convient d'amplifier le soutien au réseau ferroviaire dit secondaire. Entre Nantes et Pornic, dans ma circonscription, il n'y a qu'une seule voie sans évitement, ce qui engendre un usage limité de la ligne. Que préconisez-vous pour garantir un meilleur équilibre entre les lignes à grande vitesse et les lignes secondaires qu'il faut impérativement maintenir et développer ?
Je reposerai différemment ma question. En tant que maire, vous n'êtes pas sans savoir qu'il est interdit en France de forer ou d'excaver dans les périmètres de protection des captages d'eau potable. Il est de notre responsabilité de maire de faire respecter toutes les dispositions des lois sur l'eau adoptées depuis 1964. On peut être favorable au fret ferroviaire et vouloir accélérer la modernisation de la ligne Lyon-Turin sans attendre une nouvelle ligne, parce qu'il est insupportable de subir le passage des camions dans nos vallées de Savoie et de Haute-Savoie quand le tunnel du Mont-Blanc est ouvert.
J'appelle votre attention sur le fait que le tracé de la ligne Lyon-Turin ne respecte pas les lois sur l'eau. Allez-vous cosigner le financement de chantiers hors la loi et dont la DUP est caduque, puisque les tunneliers ne seront présents qu'au printemps 2024 ? Ce n'est pas le bruit d'un marteau-piqueur qui doit nous illusionner.
La ligne Lyon-Turin est un projet essentiel pour l'environnement et la cohésion européenne. Je suis avec intérêt l'avancement du dossier et je ne vous cache pas l'impatience des habitants du Nord-Isère, que je représente, directement concernés par le tracé des accès. La LOM prévoyait que les accès soient livrés en 2030, en même temps que le tunnel de base. Le temps presse pour tenir cette échéance.
Nous réclamons un calendrier de travaux plus précis pour pouvoir nous projeter. Il permettrait aux habitants et aux élus de repenser l'aménagement du territoire nord-isérois et d'imaginer comment un grand projet d'infrastructure peut créer une dynamique de sobriété foncière. Il s'agit d'aménager le territoire de manière sobre, favorable à des mobilités douces et modernes, et d'accélérer dès maintenant la réalisation de projets de mobilité du quotidien.
S'agissant des ZFE, nous devons renforcer l'articulation entre le niveau local et le niveau national. À Dunkerque, la question est de savoir si l'A16, l'autoroute qui passe au large de la ville, doit être incluse dans le périmètre de la ZFE : si elle l'est, elle sera l'élément déterminant ; sinon, les objectifs visés ne pourront pas être atteints, d'où mon propos sur les injonctions contradictoires.
Nous approuvons les ZFE et en partageons l'intention. Dunkerque est allant sur le sujet, pour limiter le nombre de kilomètres parcourus en voiture, réussir le report modal comme pour accélérer le déploiement des voitures propres. Nos résultats en matière d'incitation à l'utilisation de transports collectifs et ceux du plan Vélo le montrent.
Mais la réglementation ne correspond pas à l'intention : la ZFE est l'exemple type d'une intention nationale et locale commune, qui se traduit par une réglementation dénaturant le projet ou ne respectant pas la différenciation territoriale. Dès lors, on peut se demander si l'on doit développer une ambition commune ou appliquer une réglementation qui ne présente guère d'intérêt.
En tant que maire, je fais régulièrement face à des injonctions contradictoires en matière d'application des lois. Avec les préfets, les maires et présidents d'intercommunalités doivent essayer de lever ces obstacles. Dunkerque, territoire exemplaire par sa volonté de transformation écologique, doit améliorer l'articulation entre le niveau local et le niveau national par un meilleur dialogue. Les ZFE sont une belle illustration de cette possibilité d'amélioration et j'ai des propositions à formuler à ce sujet. En tout cas, l'Afit France ne finance pas directement les ZFE, bien qu'il existe des financements indirects.
Ma région des Hauts-de-France, comme l'Île-de-France, est fortement touchée par la suppression de trains. À la question des infrastructures s'ajoute un énorme problème de ressources humaines : c'est le premier défi à relever pour améliorer les trajets quotidiens. La SNCF connaît une situation de crise. Il manque des conducteurs, des agents de maintenance, des contrôleurs, et le nombre de trains supprimés pour des raisons de ressources humaines est révélateur d'une situation dramatique. Il est urgent de redonner de l'attractivité à ces métiers.
Une autre limite perceptible dans ma région est celle des sillons. On en revient aux infrastructures et au débat que nous aurons dans les six prochains mois à la suite du rapport du COI.
Je suis favorable au renforcement de la transparence de l'Afit France, d'abord vis-à-vis de la représentation nationale, et j'attends vos propositions pour mieux travailler ensemble. Une députée siège au conseil d'administration de l'agence, ce qui est peut-être insuffisant. Nous pourrions revoir ensemble nos modes de travail. Si vous me confirmez à la présidence, je reviendrai vous en parler sans tarder.
Je partage également le sentiment de M. Grenon que l'on ne doit pas écarter le citoyen du débat, notamment pour les six mois qui viennent, car ce serait l'écarter des enjeux de mobilité du quotidien qui le touchent directement. Par l'actualisation de la LOM, une nouvelle ambition, une nouvelle trajectoire financière pour les infrastructures de transport seront définies pour le pays.
J'ai quelques idées sur la manière d'associer le citoyen à un débat aussi important. Des efforts ont déjà été faits, comme un site internet. Certes, cela reste marginal et aurait pu être préparé plus en amont. Tout ce qui peut contribuer au rapprochement du citoyen de ce débat semble utile. Nous devons y réfléchir ensemble.
Le canal Seine-Nord–Europe est un projet structurant. Ce n'est pas moi qui le dis : l'Afit France l'a confirmé.
Je ne vois pas de chevauchement entre l'Afit France, qui est un opérateur, et l'ART, structure de contrôle et de régulation.
Enfin, si je ne peux pas résoudre la controverse sur la ligne Lyon-Turin, je peux rappeler les faits : le juge n'a pas cassé les décisions. Je n'aurais pas le sentiment de signer quelque chose contre la loi, puisque le projet semble conforme à la loi. Je ne le ferais jamais si j'avais ce sentiment.
Après le départ de M. Patrice Vergriete, il est procédé au vote sur la proposition de nomination par appel nominal à la tribune et à bulletins secrets, les scrutateurs d'âge étant Mme Sandrine Le Feur et M. Sylvain Carrière.
Les résultats du scrutin qui a suivi l'audition sont les suivants :
Nombre de votants | 41 |
Abstention, bulletins blancs ou nuls | 5 |
Suffrages exprimés | 36 |
Pour | 30 |
Contre | 6 |
Membres présents ou excusés
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire
Réunion du mercredi 11 janvier 2023 à 9 h 30
Présents. - M. Damien Adam, M. Henri Alfandari, M. Gabriel Amard, M. Antoine Armand, M. Christophe Barthès, Mme Nathalie Bassire, M. José Beaurain, M. Emmanuel Blairy, M. Jean-Yves Bony, M. Jorys Bovet, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, M. Jean-Louis Bricout, M. Anthony Brosse, Mme Danielle Brulebois, M. Stéphane Buchou, M. Aymeric Caron, M. Sylvain Carrière, M. Jean-Victor Castor, M. Lionel Causse, M. Pierre Cazeneuve, M. Mickaël Cosson, Mme Annick Cousin, Mme Catherine Couturier, Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Vincent Descoeur, M. Nicolas Dragon, M. Charles Fournier, M. Daniel Grenon, Mme Clémence Guetté, M. Yannick Haury, Mme Laurence Heydel Grillere, Mme Chantal Jourdan, Mme Florence Lasserre, Mme Sandrine Le Feur, M. Gérard Leseul, M. Jean-François Lovisolo, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Alexandra Masson, Mme Manon Meunier, M. Pierre Meurin, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Hubert Ott, M. Jimmy Pahun, Mme Sophie Panonacle, Mme Christelle Petex-Levet, Mme Josy Poueyto, M. Loïc Prud'homme, M. Nicolas Ray, M. Benjamin Saint-Huile, Mme Anne Stambach-Terrenoir, M. David Taupiac, M. Vincent Thiébaut, M. Nicolas Thierry, M. David Valence, M. Pierre Vatin, M. Antoine Vermorel-Marques, M. Antoine Villedieu, Mme Anne-Cécile Violland, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi
Excusés. - Mme Lisa Belluco, M. Marcellin Nadeau, Mme Claire Pitollat
Assistaient également à la réunion. - M. Philippe Brun, M. Dino Cinieri