Je répondrai globalement sur chacun des thèmes transversaux que vous avez évoqués.
Le premier concerne le sujet central des trains du quotidien. Élu des Hauts-de-France, j'y suis sensible. Des difficultés existent aussi en Île-de-France et la situation en Alsace a été évoquée au Sénat. Le report modal et le maillage du territoire sont des moyens de lutter contre le dérèglement climatique. Comme je l'ai souligné au Sénat, depuis trente ans, notre pays n'a pas su repenser ce maillage, c'est-à-dire l'articulation entre les métropoles, les villes moyennes, les petites villes, la ruralité, ainsi que les multimodalités.
Je considère le RER métropolitain non comme un lien entre une métropole et sa banlieue, ce qui ne ferait qu'aggraver l'étalement urbain et en repousser les limites, mais comme un moyen de mailler un territoire, c'est-à-dire une métropole et ses villes moyennes, ses petites villes et la ruralité. Le maillage de la France doit être au cœur de nos réflexions. Les trains du quotidien en sont des éléments structurants. Je disais qu'à la fin des années 1990, la Datar évoquait un polycentrisme maillé. Or la meilleure façon de lutter contre le dérèglement climatique est de redonner une vision collective de ce que doit être le maillage du territoire en termes de mobilités.
Je ne l'oppose pas aux LGV, dans la mesure où certains de nos concitoyens, de Bordeaux ou du Sud-Ouest, aspirent logiquement à bénéficier d'équipements comparables à ceux d'autres régions – à Dunkerque, nous avons la chance d'avoir un TGV, comme c'est le cas à Strasbourg. J'entends mettre l'accent sur le maillage, car le train du quotidien me tient à cœur. Je veux bien venir dans le Lot-et-Garonne en donner une traduction concrète.
À la question de savoir si l'Afit France est une caisse d'enregistrement ou si elle dispose d'un véritable pouvoir, je crois avoir répondu en avançant l'idée de conseil de surveillance. Il faut l'assumer, peut-être en allant plus loin, statutairement, jusqu'à considérer que le conseil d'administration de l'Afit France devient un conseil de surveillance.
Les conseils de surveillance d'un grand port maritime ou d'un hôpital ont une influence : en tant que président du conseil de surveillance du grand port maritime de Dunkerque, j'ai une visibilité sur tous les projets, je peux peser sur les décisions, et je rencontre régulièrement son directeur, le président du directoire. En tant que membre du conseil de surveillance de l'hôpital de Dunkerque, je pèse sur les décisions relatives à l'hôpital.
De même, le véritable pouvoir d'un président du conseil d'administration de l'Afit France est celui d'un président de conseil de surveillance d'un grand port maritime ou d'un hôpital : c'est un pouvoir d'influence. M. Saint-Huile évoquait son pouvoir d'influence en matière de trains du quotidien et de maillage territorial à l'échelle de villes qui ne peuvent pas mobiliser le versement mobilité. Mes prédécesseurs ne l'ont peut-être pas exposé aussi clairement, mais je souhaite faire de ma présidence l'équivalent d'une présidence de conseil de surveillance, afin d'apporter une contribution au débat.
J'ai dit en introduction que les six prochains mois revêtiront une importance majeure. L'Afit France a suivi la trajectoire de la LOM et continuera à la suivre. Le niveau de dépenses que vous définirez en votant l'actualisation de la LOM sera un élément très important pour l'avenir des infrastructures de notre pays dans les cinq ans qui viennent. Il doit donner lieu à un débat approfondi auquel je voudrais prendre toute ma part, dans un esprit de dialogue et d'échange.
Je veux aller le plus possible sur le terrain dans les six prochains mois, car je souhaite intégrer au débat l'avis des élus locaux. Après avoir pris au Sénat l'engagement de me rendre à Strasbourg, je veux faire de même dans le Lot-et-Garonne et ailleurs, car je souhaite faire entendre la voix des territoires dans le débat. Cela doit se faire aussi avec la représentation nationale. Si vous choisissez de me confirmer à la présidence de l'Afit France, je reviendrai prochainement vers vous, monsieur le président, afin de faire vivre ce débat. Les décisions que vous devrez adopter avant l'été seront très structurantes, non seulement pour l'Afit France, mais aussi pour l'avenir de nos infrastructures de transport. Elles seront difficiles et lourdes, qu'il s'agisse tant du niveau de dépenses et de l'ambition que des recettes correspondantes.
Je crois avoir répondu sur le lien entre l'État et les territoires. En tant que candidat à la présidence de l'Afit France, je ne dirai pas le contraire de ce que je disais en tant qu'élu local. Notre objectif est d'assurer une meilleure articulation entre l'État et les collectivités locales. Nous devons réaliser collectivement des progrès.
Il nous faut réussir le report modal de la route vers le fluvial et le rail, dans une logique de décarbonation des mobilités et d'aménagement du territoire. Le fret est un élément essentiel. L'Afit France y contribue déjà beaucoup, puisque la majorité de ses ressources proviennent de la route et 85 à 90 % de ses dépenses sont destinées à des mobilités décarbonées. Il faut aller plus loin et encourager le report modal des déplacements à longue distance, notamment le fret, de la route vers le fluvial et le rail, ainsi que le report modal des mobilités intra-urbaines du quotidien de la voiture vers le vélo et le transport collectif.
L'Afit France a multiplié par cinq son budget pour les mobilités actives, qui est passé de 50 millions d'euros par an à 250 millions pour 2023. Dans les six mois qui viennent, puisque le COI devrait s'intéresser aux mobilités actives, nous débattrons pour déterminer si ce montant correspond au niveau d'ambition de l'État ou s'il faut plus, mais je ne peux pas nier que des efforts sont faits. Un comité interministériel et un nouveau plan Vélo sont d'ailleurs en préparation.
Mme Lasserre a cité le programme Éco-gagnant, déployé à Dunkerque. Désireux de décarboner les mobilités intra-urbaines de l'agglomération, nous avons retenu le pouvoir d'achat comme levier de la transformation. Plutôt que de moraliser ou de contraindre violemment, nous avons choisi l'arme du pouvoir d'achat pour changer certaines pratiques du quotidien. Cela a fonctionné pour le transport collectif. L'agglomération dunkerquoise a connu une progression de la fréquentation du transport collectif en semaine de 110 % en quatre ans, soit plus que n'importe quelle autre agglomération dans l'histoire et même dans le monde, et de 300 % le week-end. Nous le faisons grâce au nouveau plan Vélo. Après une année de mise en œuvre, nous enregistrons une augmentation de 42 % de l'usage du vélo dans l'agglomération dunkerquoise. Le levier du pouvoir d'achat pour transformer les pratiques du quotidien fonctionne donc. D'autres moyens, comme la santé ou le cadre de vie, peuvent être employés pour inciter nos concitoyens à revoir leurs pratiques mais, à la direction de l'Afit France, je garderai en tête cet élément, même si le financement des infrastructures déborde le cadre intra-urbain, qui relève davantage des collectivités locales.
J'ai évoqué l'actualisation de la LOM, car la loi de programmation m'effraie un peu, pour deux raisons. La première procède du calendrier : je redoute un glissement important, alors qu'il y a urgence. La seconde tient au caractère contraignant d'une loi de programmation, qui offre peu de souplesse de financement. Or aucun financement des infrastructures de transport nationales ne doit être perdu. Si des engagements de nouvelles recettes sont pris ou si des perspectives de plus fortes dépenses apparaissent, ces financements seront nécessaires. Si des projets ne peuvent pas se faire, il est souhaitable de les redéployer sur d'autres.