La réunion

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La commission d'enquête a auditionné Mme Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé.

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Mes chers collègues, je salue en votre nom à tous notre ancienne collègue, Mme Marisol Touraine, qui fut ministre des affaires sociales et de la santé dans des gouvernements dirigés successivement par MM. Jean-Marc Ayrault, Manuel Valls et Bernard Cazeneuve, entre 2012 et 2017.

Madame la ministre, vous avez défendu la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé, importante notamment eu égard à ses dispositions relatives à la territorialisation. Huit ans plus tard, l'hôpital public reste, vous le savez, dans une situation extrêmement difficile.

Dans un rapport publié la semaine dernière et consacré à l'organisation territoriale des soins de premier recours, qui s'appuie sur une étude très précise des situations de l'Aveyronnais, du Castelbriantais et de la Nouvelle-Calédonie, la Cour des comptes relève ainsi : un accès aux soins de plus en plus contraint et d'importantes disparités départementales, voire infra-départementales ; un empilement de mesures peu coordonnées et de moins en moins orientées vers les territoires qui en ont le plus besoin ; la nécessité d'une politique publique « à mettre sous tension » avec un affichage clair des résultats à atteindre.

La situation actuelle est le fruit d'une sédimentation de décisions et de choix, certains opportuns et d'autres moins judicieux. Vous avez été une actrice majeure de cette chaîne de décisions et de choix. C'est à ce titre que la commission d'enquête a souhaité vous entendre aujourd'hui.

Avant de vous laisser la parole, je vous rappelle que l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires impose aux personnes auditionnées par une commission d'enquête de prêter serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité. Je vous invite donc, madame la ministre, à lever la main droite et à dire : « Je le jure. »

(Mme Marisol Touraine prête serment.)

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

Je vous remercie de votre invitation à venir m'exprimer devant vous, au titre de mes fonctions de ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes entre 2012 et 2017.

Je souhaiterais tout d'abord insister sur trois éléments de contexte.

Premièrement : j'ai toujours éprouvé un attachement très fort pour le monde hospitalier, qui s'explique en partie par des raisons strictement personnelles – puisque je viens d'une famille qui compte de nombreux médecins hospitaliers – mais aussi par des raisons politiques. Je considère en effet que l'hôpital public porte des valeurs qui sont celles de la République : l'excellence sociale et l'excellence médicale. C'est cet alliage quasiment unique au monde qui en fait la force et l'identité. Notre hôpital soigne tout le monde, à toute heure, sans exception ni condition de revenus. C'est cet hôpital qui, aujourd'hui encore, fait barrage à l'émergence d'une médecine à deux vitesses. Ma conviction, lorsque j'étais ministre, était que ces valeurs, auxquelles je reste profondément attachée comme citoyenne, nécessitent des choix assumés. Le soir même de ma nomination, je me suis rendue à l'hôpital Delafontaine, à Saint-Denis, pour marquer d'emblée mon engagement pour les hôpitaux publics dans les zones en tension.

Deuxièmement : en 2012, l'hôpital souffrait de la blessure qu'avait constituée la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, dite loi « HPST », qui avait donné aux professionnels le sentiment d'être mal reconnus – voire méprisés. L'instauration de la convergence tarifaire, qui traitait de la même façon le secteur public et le secteur privé sans considération pour les missions spécifiques de l'hôpital public, avait exacerbé les tensions. Mon action a donc visé, d'abord, à rétablir la confiance et à exprimer aux agents hospitaliers la reconnaissance de l'État.

Troisièmement : je puis affirmer, au titre de mes fonctions de présidente d'Unitaid – une organisation multilatérale basée à Genève, qui œuvre pour l'accès à la santé dans les pays à bas revenus ou à revenus intermédiaires – que, si les débats sur la pénurie de personnels sont très vifs en France, cette pénurie est en réalité mondiale, visible dans les pays riches comme pauvres. On l'observe aux États-Unis, en Allemagne et au Danemark, notamment, soit trois pays dont les modèles d'organisation et de financement diffèrent. Elle est pesante dans la quasi-totalité des pays du Sud, où elle constitue un frein à l'instauration de la couverture sanitaire universelle et à la garantie d'un accès à la santé de base.

Ces réflexions sont internationales et ont fait l'objet de nombreux rapports de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Le dernier concernant l'Europe date de septembre 2022 et a mené à l'adoption de la déclaration de Bucarest du 22 mars 2023. Je ne dis pas que nous ne pouvons rien faire – au contraire, nous pouvons et devons agir – mais que nous sommes face à des mécanismes qui dépassent le seul cadre français et qui doivent, au minimum, nous amener à faire preuve d'humilité, aussi bien dans les diagnostics et les critiques que dans la mise en œuvre des solutions.

Après ces remarques introductives, je souhaiterais vous présenter les éléments clés de la politique que j'ai menée vis-à-vis de l'hôpital, autour de trois thèmes : la reconnaissance de la spécificité de l'hôpital public et l'évolution de son financement ; le développement d'une politique résolue d'attractivité et d'ancrage dans les territoires ; la volonté de structurer une politique d'engagement de l'État.

Cette politique s'est inscrite dans le « Pacte de confiance pour l'hôpital », dont les travaux avaient été lancés en 2012, dans la stratégie nationale de santé adoptée au printemps 2013 – c'était la première fois que l'on adoptait une telle stratégie globale de santé – puis dans la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, qui avait fait l'objet de débats au cours des deux années précédentes. Parallèlement, diverses dispositions ont été adoptées dans les cinq de lois de financement de la sécurité sociale votées alors que j'étais ministre.

Dès 2012, j'ai considéré qu'il fallait marquer clairement et assez solennellement la reconnaissance de l'État pour l'hôpital public. Cela s'est d'abord fait par la réintroduction du « service public hospitalier » dans la loi. La mesure n'était pas seulement symbolique ; elle visait à reconnaître que le service public hospitalier est une garantie pour les Français. Le service public, c'est un ensemble qui ne peut pas être « saucissonné » en différentes missions, comme cela avait été le cas dans la loi HPST.

C'est parce qu'il y a un service public hospitalier cohérent et global qu'il doit y avoir un financement spécifique. J'ai ainsi mis fin à la convergence tarifaire dès 2012. Je ne veux pas m'immiscer dans le débat actuel sur les tarifs entre les différents secteurs, car je n'ai pas les éléments pour le faire. Je veux simplement indiquer que, dès 2012, la rémunération des missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) a été revalorisée et qu'il m'a paru important qu'à la reconnaissance du service public hospitalier corresponde un financement particulier. Au cours des cinq années de mon mandat ministériel, le positionnement de l'hôpital public s'est renforcé et ses parts de marché, si je puis dire, ont progressé, avec 700 000 séjours de plus, soit une augmentation de 6 %.

Le troisième élément de reconnaissance de l'hôpital public, c'est la sortie du « tout-T2A » instauré au début des années 2000. Si elle existe dans tous les pays comparables à la France et qu'elle a permis une meilleure allocation des ressources, la tarification à l'activité s'est incontestablement accompagnée d'une très grande complexité administrative et elle a constitué, en tout état de cause, un facteur de crispation entre les soignants et les personnels administratifs. C'est pourquoi j'ai enclenché un mouvement de réforme qui s'est révélé irréversible, en instaurant d'abord un financement pour les activités isolées, puis un financement à la qualité et, à partir de 2016, un financement spécifique pour les activités de médecine des hôpitaux de proximité – un financement qui a concerné 250 établissements, soit environ 25 % des hôpitaux.

Le rapport confié à M. Olivier Véran, alors député, a permis d'amplifier le mouvement : une réforme du financement des soins palliatifs, de la médecine ambulatoire et des soins critiques a été inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2017. La transformation du financement des parcours et de la recherche était l'étape suivante. Elle supposait de trouver des modalités pour articuler la rémunération des professionnels libéraux et celle de l'hôpital dans le cadre de parcours cohérents. Des travaux avaient été lancés en ce sens.

Dernier point sur la reconnaissance de l'hôpital public : si des moyens considérables ont été mis au service de l'ambition hospitalière, je ne rougis pas de dire que je me suis aussi préoccupée des comptes sociaux. Je considère qu'un gouvernement qui ne s'en préoccupe pas ne répond pas à sa mission. Face à des systèmes sociaux durablement déficitaires, vient un moment où certains proposent de les remettre en question et de remettre en cause leurs équilibres. Ce n'est pas parce que l'on met de l'ordre dans une maison que l'on veut en saper les fondements. La politique de redressement des comptes que j'ai menée et qui a laissé la sécurité sociale à l'équilibre à mon départ s'est faite sans jamais franchir les lignes rouges que j'avais fixées : le reste à charge des patients a diminué ; l'hôpital public a accueilli tous les patients qui en avaient besoin, d'où qu'ils viennent et quelle que soit leur nationalité.

Malgré des contraintes économiques réelles, je n'ai cessé d'afficher mon soutien à l'hôpital – ce qui m'a d'ailleurs été souvent reproché, y compris à Bercy et entre ces murs. Je vous renvoie à cet égard aux débats sur les projets de loi de financement de la sécurité sociale successifs. En 2012, votre ancien collègue Jean-Pierre Door déclarait ainsi : « En ce qui concerne les soins hospitaliers, vous tournez manifestement le dos à toute évolution, au nom de la défense de l'hôpital public. À notre sens, c'est une grossière erreur de stopper la T2A. » En 2014, il disait encore : « Des gisements considérables d'économies existent, en particulier dans les hôpitaux. » Monsieur Bernard Accoyer, président de l'Assemblée nationale entre 2007 et 2012, affirmait, quant à lui, en 2015 : « La France est en surcapacité de lits hospitaliers publics. » En 2016, il ajoutait : « Chacun le sait, il y a plusieurs dizaines de milliers de lits hospitaliers aigus en trop. »

Concrètement, le soutien financier aux hôpitaux a été assurée. J'indiquerai seulement que la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) a été de 2,1 % en moyenne sur la période avec une inflation moyenne à 0,5 %, soit une progression réelle de 1,6 %. Entre 2018 et 2019 et entre 2022 et 2024, en excluant donc volontairement la période de la covid-19, l'évolution nominale de l'Ondam hospitalier a été de + 3,9 %. L'inflation moyenne s'étant élevée à 3,1 %, l'évolution réelle a été inférieure à celle de la période au cours de laquelle j'étais aux responsabilités.

Le personnel hospitalier – contrairement à ce que j'entends parfois – a augmenté pendant cette période de 56 000 personnes, dont 36 000 soignants. Des revalorisations salariales sont intervenues, même si elles n'ont certainement pas été suffisantes et ont souvent pris la forme de primes – une augmentation de 480 euros nets par an, par exemple, pour les personnels de catégorie C. Des investissements ont été réalisés et seuls les lits de chirurgie ont diminué, en raison du développement de la chirurgie ambulatoire.

En 2012, tout le monde considérait que la grande réforme à mener était d'ancrer l'hôpital public dans les territoires. Je crois que cette analyse était juste. Pour cela, il fallait renforcer les liens entre l'hôpital et la médecine de ville et favoriser le développement de la chirurgie ambulatoire, qui était très en retard en France par rapport aux pays d'Europe du Nord. En 2011, il y avait 36 % de chirurgie ambulatoire ; en 2016, on a atteint 55 %.

Il y a eu 700 lits supplémentaires en médecine. Le nombre de lits de soins critiques est passé de 18 200 à 19 300. C'est une période où, contrairement à ce que l'on a pu imaginer, il y a eu une relative stabilisation du nombre de lits, après une période marquée par une très forte baisse et avant une période où la baisse s'accélère. Entre 2013 et 2017, le nombre de lits a baissé de 3 %, soit de 13 500 unités, alors qu'au cours de la période précédente, ce sont 38 000 lits qui ont été supprimés, la baisse atteignant ensuite 26 000 lits. Il faut donc mettre les choses en perspective.

Le deuxième thème sur lequel je veux insister, c'est l'ancrage dans les territoires. Mon raisonnement a été de considérer que, pour renforcer l'attractivité de l'hôpital et son rôle, il fallait l'ancrer dans les territoires et que cela se ferait par le biais d'une politique de valorisation des parcours de soins.

La stratégie pour favoriser l'attractivité a consisté à revoir les mécanismes de gouvernance et à mettre en place des plans spécifiques pour attirer les professionnels à l'hôpital, dans tous les hôpitaux – en particulier, ceux de proximité – et dans toutes les spécialités, par le biais d'une valorisation, y compris financière. L'engagement des praticiens hospitaliers dans des spécialités sous-dotées ou dans des territoires en manque d'hôpitaux a été valorisé – il y avait même un cumul de ces valorisations, lorsqu'ils s'engageaient dans des spécialités sous-dotées dans des territoires sous-dotés. Toute une série de mesures d'attractivité ont été prises.

Nous avons aussi créé de nouvelles formes d'organisation de l'offre de soins, au service des territoires. C'est le sens de la stratégie nationale de santé, qui s'appuie sur deux piliers : le virage ambulatoire, d'une part, et les groupements hospitaliers de territoire (GHT), d'autre part. C'est ensemble qu'il faut lire ces deux réformes.

Toute une série de décisions et de réformes ont été engagées : le développement des maisons de santé pluri-professionnelles, qui ont connu leur essor à cette époque, passant de 150 à mon arrivée à plus de 1 250 à mon départ ; la valorisation financière des praticiens de médecine générale dans les territoires ; la création des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui associent les médecins libéraux, les professionnels médico-sociaux et les professionnels hospitaliers ; la délégation de tâches ; et les groupements hospitaliers de territoire. Après la loi HPST, qui avait organisé la compétition entre les établissements de santé, j'ai organisé leur coopération.

Je veux également vous rappeler que c'est à partir de cette période que l'on a relâché le numerus clausus, qui a augmenté de 650 places entre 2012 et 2017, malgré l'opposition radicale de l'Ordre national des médecins et d'un certain nombre de médecins.

En conclusion, il me paraît essentiel que l'État, c'est-à-dire le gouvernement, s'engage sur des résultats, en déterminant les critères d'évolution les plus importants. C'est en ce sens que j'ai fait du délai d'accès aux soins, en particulier aux soins d'urgence, une mesure structurante, qui a irrigué la politique menée au long de ces cinq années. Nous avions fixé le critère à moins de trente minutes, ce qui a permis d'adapter toute une série de dispositifs : création d'un service public de transport ; déploiement de médecins correspondants du Samu – il y en avait 150 en 2012 et plus de 700 en 2017. Cela a permis l'accès de plus de 1 million de personnes à des soins en moins de trente minutes.

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Dans un article publié le 12 août 2022 dans le quotidien Le Monde, vous assumez avoir fermé un certain nombre de lits, notamment en chirurgie. Revenez-vous sur cette déclaration ? Pensez-vous qu'il faudrait rouvrir des lits de médecine ?

Dans ce même article, vous parlez d'économies faites dans un cadre de rationalisation des dépenses, qui ont pour l'essentiel « porté sur les fonctions support à l'hôpital ». Quelles étaient ces fonctions ?

Vous nous avez parlé du combat contre Bercy : contre quel service exactement ? Quel était l'objet des discussions ? Quel a été l'arbitrage final ? Le Premier ministre y prenait-il part, dans un sens ou dans l'autre ?

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

J'ai dit que des lits de chirurgie avaient été supprimés. Je ne reviens pas sur cette déclaration ; je l'assume, parce que la chirurgie ambulatoire est une nécessité, qui correspond à la fois à l'évolution de la médecine et à une demande des patients. Lorsque c'est possible, les patients préfèrent entrer le matin à l'hôpital et rentrer chez eux le soir, ce qui suppose un accompagnement, en fonction de l'intervention. À partir du moment où il y a une augmentation – et elle a été considérable – de la chirurgie ambulatoire, il est normal que vous ayez moins de lits permanents de chirurgie et davantage de lits à temps partiel et que vous mettiez des moyens dans l'accueil et le suivi des personnes à domicile.

Je vous ai donné les chiffres : il y a eu une augmentation du nombre de lits de médecine. Le nombre de lits de soins critiques a également augmenté. La baisse globale du nombre de lits a été relativement mesurée pendant cette période, par rapport à ce que l'on avait vécu auparavant et compte tenu de la montée en puissance de la chirurgie ambulatoire. S'il y avait eu une baisse du nombre de lits de chirurgie sans montée en puissance de la chirurgie ambulatoire, vous me demanderiez ce qui s'est passé.

Quant à rouvrir des lits, je n'ai pas les éléments pour me prononcer, mais je sais que, pour ce faire, il faut du personnel. Il ne s'agit pas d'un débat théorique sur un nombre de lits. J'ai insisté, en introduction, sur la pénurie mondiale de professionnels. Si la France était le seul pays qui y était confronté, on pourrait se dire que le problème est national. Or nous sommes face à un problème beaucoup plus large, qui appelle donc des réponses qui prennent en compte ce contexte : c'est parce que nous pourrons maintenir et attirer des professionnels que nous pourrons ouvrir des lits, si nécessaire.

Les « fonctions de support », ce sont les fonctions informatique, de blanchisserie, de gestion des repas ou administratives.

Je sais, monsieur le rapporteur, que vous êtes attentif aux hôpitaux de proximité et attaché à l'hôpital. Je me suis battue pour eux et, sans GHT, il y aurait beaucoup moins d'hôpitaux de proximité aujourd'hui. Dans mon département, l'Indre-et-Loire, les hôpitaux de Loches, de Chinon ou d'Amboise n'auraient pas pu maintenir des activités si le personnel médical du CHU de Tours n'était pas allé y faire des consultations. Aucun de ces médecins n'aurait accepté de travailler à temps plein à Loches, à Chinon ou à Amboise, parce qu'il n'y avait pas assez d'actes, que leur diversité n'était pas suffisante pour entretenir leur savoir-faire et qu'ils avaient besoin du plateau technique, de la diversité des patients et des activités du CHU de Tours. Ce sont pourtant ces médecins qui acceptaient d'aller une demi-journée ou une journée par semaine dans ces hôpitaux de proximité. Le plan d'attractivité, dont j'ai parlé rapidement et qui s'adressait aux praticiens hospitaliers, permettait de rémunérer de façon nettement renforcée – jusqu'à 1 000 euros supplémentaires par mois – ceux qui acceptaient de travailler ponctuellement dans des hôpitaux de proximité. Je suis absolument convaincue que, sans la mise en commun de ces forces, il n'aurait pas été possible de maintenir des hôpitaux de proximité.

À Bercy, il s'agissait de la direction du budget. C'est une histoire ancienne, classique et répétée. J'ai obtenu des arbitrages favorables, d'autres qui l'étaient moins. On y trouvait que j'en faisais trop et que j'en demandais trop pour l'hôpital public, indépendamment même de ce que pensait l'opposition de droite à l'Assemblée nationale.

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La loi de modernisation de notre système de santé (2016), qui a créé les groupements hospitaliers de territoire, a été une réforme importante de votre ministère. Elle visait à mieux structurer le tissu hospitalier et à offrir une nouvelle perspective aux petits hôpitaux. Nombre d'entre eux ont eu le sentiment que cette intégration ne prenait pas assez en compte leurs spécificités et, partant, réduisait leur autonomie. Le bilan de votre initiative reflète, une fois de plus, les tensions entre les ambitions réformatrices et la réalité opérationnelle de notre système de santé. Comment analysez-vous l'évolution et l'efficacité des groupements hospitaliers de territoire ? Quels ajustements seraient nécessaires, selon vous, pour optimiser leur fonctionnement ?

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La crise de l'hôpital public est ancienne. Bien qu'on lui donne plus de moyens, il est de moins en moins attractif. Le système hospitalier privé attire davantage et fonctionne mieux. L'hôpital public ne devrait-il pas s'inspirer de son management ? Ne faudrait-il pas rapprocher ces deux systèmes ? Le modèle de l'établissement de santé privé d'intérêt collectif (Espic), point d'équilibre entre la financiarisation des structures privées et un hôpital public de plus en plus malade, n'est-il pas celui vers lequel il faudrait aller ?

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

Il y a toujours des tensions dans la mise en œuvre des réformes. Je maintiens que les groupements hospitaliers de territoire ont constitué une réforme absolument majeure. Sans eux, des hôpitaux de proximité auraient mis la clé sous la porte. Certains professionnels n'ont aucun intérêt à aller dans un hôpital de proximité : je ne vous parle pas de l'envie (ou non) d'habiter à tel endroit ou de la possibilité de trouver un travail pour le conjoint ou un lycée pour les enfants, mais bien de l'intérêt professionnel, c'est-à-dire de la possibilité de se constituer une patientèle suffisante. Je l'ai vécu dans de nombreux départements.

Avant la création des groupements hospitaliers de territoire et pour sauver des établissements – j'ai pu en sauver plusieurs, mais certains ont disparu par la suite, notamment l'hôpital de Die (Drôme) –, nous cherchions à trouver des accords avec d'autres structures, dans le cadre d'une coopération inter-hospitalière. Ce principe coopératif est la clé du maintien dans les territoires : un hôpital n'est pas une structure « suspendue », en dehors du tissu social et médical. En dehors des professionnels qui y travaillent, il faut aussi des médecins libéraux et des maisons de retraite. Il faut que ce soit un lieu de vie et, pour ce faire, une coopération entre les structures hospitalières et non hospitalières est nécessaire.

Pour ce qui concerne les ajustements à opérer éventuellement, madame Blanc, c'est à vous de répondre. Je ne travaille plus sur ces questions et je me garderais bien d'entrer dans de tels détails.

Je ne crois pas, monsieur Isaac-Sibille, que le secteur privé soit plus attractif que le secteur public. Il y a néanmoins dans le secteur public, au-delà des problèmes de gouvernance souvent mis en avant et qui ont constitué un sujet de préoccupation majeur au tournant des années 2010, un manque de fluidité dans l'organisation, surtout dans les grosses structures. De ce point de vue, c'est vrai que l'on pourrait regarder ce qui se passe du côté des Espic, qui remplissent des missions de service public tout en offrant une flexibilité organisationnelle souvent considérée comme attractive par les professionnels.

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L'institution des groupements hospitaliers de territoire s'est traduite par la création d'une multitude d'instances indépendantes des bassins de vie, ce qui a entraîné des lourdeurs administratives et un ralentissement des décisions. À titre d'exemple, le projet médico-soignant partagé 2023-2028 de l'hôpital de Guingamp – qui acte, entre autres, la fin de la permanence des soins, la fin de la chirurgie vingt-quatre heures sur vingt-quatre et la fin des accouchements – a été rejeté par la commission médicale d'établissement, par le comité social et économique et par le conseil de surveillance, parce qu'il ne répondait pas aux besoins de la population ; pourtant, il a été validé par le GHT, ce qui dénote un mépris total de ces instances. La Cour des comptes a relevé, dans un rapport publié en 2020, que les groupements hospitaliers n'avaient pas permis de réduire les inégalités d'accès aux soins. Comment l'expliquez-vous ? Leur création ne répondait-elle pas à l'objectif inavoué de réaliser des économies ? Par ailleurs, pourquoi avoir maintenu la tarification à l'activité ? Enfin, considérez-vous qu'il faille fermer les maternités qui réalisent moins de mille accouchements par an ?

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Le virage ambulatoire, que la loi de 2016 de « modernisation de notre système de santé » devait accélérer, est présenté, depuis le début des années 2000, comme l'alpha et l'oméga de la réforme de notre système de soins et du redressement des finances publiques. Pourtant, dans l'étude qu'elle lui a consacrée en 2018, la Cour des comptes souligne le grand retard qui a été pris sur le volet de la médecine et la substitution trop lente à l'hospitalisation conventionnelle. Elle indique que les économies qui pouvaient en être attendues n'ont pas été constatées. Dans le cadre de la commission d'enquête du Sénat sur la situation de l'hôpital et le système de santé en France (2022), les soignants ont témoigné du fait que l'ambulatoire nécessite une plus grande vigilance, entraîne un turn-over rapide des patients et déshumanise la prise en charge. Avec le recul, que modifieriez-vous à votre action ministérielle en la matière ?

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Quels étaient vos interlocuteurs à Bercy ? De quel service relevaient-ils ? Il serait intéressant de les auditionner, puisque ce sont eux qui, apparemment, conduisent la politique du ministère de la santé…

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

Comme je l'ai dit au rapporteur de votre commission, mes interlocuteurs se trouvaient à la direction du budget, de façon tout à fait classique, mais ce ne sont pas eux qui dirigent. J'ai toujours considéré que, lorsqu'un ministre sait où il veut aller, il a les moyens de discuter. À Bercy, à la direction du budget et ailleurs, on considérait que je défendais trop l'hôpital. Je pense que j'étais une ministre assez solide et respectée, parce que je savais ce que je voulais.

Si des lourdeurs administratives affectent le fonctionnement des GHT, il faut les régler, de même qu'il faut comprendre pourquoi les décisions ne correspondent pas aux demandes et y remédier. Ce n'est pas parce que l'on crée une structure que toutes ses décisions seront nécessairement bonnes. J'ai défendu et je continue à défendre le principe de la coopération, par opposition à l'atomisation, qui favorise les plus gros hôpitaux. Plusieurs rapports, dont certains émanaient de la Cour des comptes, défendaient la logique du « tout-CHU ». Un certain nombre de personnalités, très critiques à mon endroit, plaidaient en faveur de très grosses structures, pas seulement pour les maternités. Ces personnes souhaitaient le passage à un système totalement différent et articulé autour de très gros bastions, de « super-CHU ». Elles considéraient que l'hôpital de proximité appartenait au siècle dernier et devait disparaître – ce qui ne signifiait pas, toutefois, dans leur esprit, la suppression de tous les points d'entrée à des miniservices d'urgence et à la médecine libérale. Si vous laissez faire cette logique, médecins, infirmières et aides-soignantes iront en priorité dans les grosses structures, qui font de la recherche, disposent de plateaux techniques et d'équipements de pointe. Ces dernières absorberont alors toutes les forces vives.

La création des groupements hospitaliers de territoire n'avait pas pour objet de réaliser des économies, mais de sauver des structures et de donner plus de force à l'hôpital public grâce à la coopération. La loi HPST avait organisé la mise en concurrence des établissements de santé au sein d'un même territoire. Pour ma part, je souhaitais faire travailler ensemble les établissements en déterminant ce que chacun devait ou pouvait faire – un hôpital de proximité ne pouvant réaliser les mêmes actes qu'un gros CHU.

Je ne sais pas si le seuil des mille accouchements annuels est pertinent pour envisager la fermeture d'une maternité ni s'il doit être le même sur l'ensemble du territoire, mais, ce qui est certain, c'est qu'il faut garantir la sécurité. Malheureusement, on doit parfois fermer des structures faute de personnel. La question devient alors celle du recrutement dans ces petites structures. La maternité de Die, que j'avais maintenue, a ensuite été fermée, à ma connaissance – ce qui est désolant, car les femmes doivent alors mettre nettement plus d'une heure pour gagner un centre hospitalier. Ce type d'organisation, qu'il peut être intéressant d'observer, existe dans des pays comme le Canada ou la Suède, qui ont de vastes espaces faiblement peuplés.

S'agissant du virage ambulatoire, il faut distinguer la médecine de la chirurgie. La stratégie nationale de santé évoquait la chirurgie ambulatoire, mais mettait surtout l'accent sur la médecine ambulatoire, qui a pour objet, par l'institution de parcours de soins, d'éviter que l'hôpital fasse le travail des médecins libéraux – ce qui suppose que ces médecins soient présents et puissent assurer des gardes.

La création de systèmes centrés sur les soins de premier recours domine les réflexions dans l'ensemble des pays du monde, riches comme pauvres. Dans les pays du Sud, lorsqu'on aide à la construction d'un système de santé, on essaie d'éviter l'organisation hospitalo-centrée. On s'efforce de créer des dispensaires. Dans les pays ayant un niveau de développement équivalent à celui de la France, une question majeure est celle de la transformation du système hospitalo-centré en une organisation qui donne plus de place à la médecine de premier recours. Cette évolution est essentielle non pas pour réaliser des économies, mais pour des questions de réactivité, de santé publique, de suivi des cohortes de population, de prévention. On doit faire face, on le sait, aux défis du diabète, de l'obésité, des addictions, etc.

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Le maintien des services hospitaliers dans les secteurs sensibles de la cardiologie, des urgences et de la médecine-chirurgie-obstétrique (MCO) dépend de la volonté du chef d'établissement et s'inscrit dans le cadre de la concurrence entre CHU et, parfois, entre territoires. La loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l'accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, dite loi « Rist », a fragilisé plusieurs territoires, car un certain nombre de règles sont difficilement applicables aux petits hôpitaux. La volonté politique des agences régionales de santé est également variable. Quelle autorité politique décide en la matière ? Comment améliorer la gouvernance des hôpitaux ? Quels rôles les élus locaux et les acteurs de la médecine de ville peuvent-ils jouer en ce domaine ?

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La situation actuelle est le fruit de décennies non pas d'inaction mais de décisions qui ont laissé prospérer l'offre plutôt que de chercher à piloter nos politiques de santé par les besoins. À part le numerus clausus, y a-t-il d'autres leviers que vous n'avez pas pu actionner – je pense notamment au rétablissement de la permanence des soins ? Vos cinq ans de ministériat ont-ils été marqués par la volonté de rationaliser l'hôpital public et de prendre des mesures d'économie ou d'austérité ? Enfin, vous expliquez que l'hôpital public est un barrage à l'émergence d'une médecine à deux vitesses : ne croyez-vous pas que ce barrage a cédé depuis longtemps et que nous connaissons à présent une médecine à trois vitesses ?

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On est frappés par la convergence existant entre vos analyses et celles de Mme Agnès Buzyn sur des sujets tels que la pénurie, la sécurité des maternités, les soins ambulatoires, la nécessité d'équilibrer les budgets, etc. Quelles mesures avez-vous prises pour articuler la médecine de ville et la médecine hospitalière et, ce faisant, alléger la charge pesant sur l'hôpital ? Des arbitrages budgétaires ont-ils été rendus entre ces deux secteurs d'activité ?

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En 2013, vous avez fait voter une loi destinée à lutter contre la financiarisation, en vertu de laquelle les laboratoires doivent appartenir majoritairement à des biologistes. Toutefois, certains groupes ont su profiter d'une brèche juridique existant depuis 2001. Vous avez également supprimé la concurrence pour les groupes propriétaires de laboratoires. À l'heure actuelle, six groupes possèdent 75 % des laboratoires, alors qu'ils en détenaient 16 % en 2010. Le chercheur Antoine Leymarie a interrogé l'un de vos anciens conseillers et celui-ci affirme que la loi de 2013 était exclusivement politique et que les règles prudentielles étaient inapplicables. « En participant à sa rédaction, ajoute-t-il , je savais que ça ne changerait rien. » Lorsque vous avez rédigé cette loi, saviez-vous que cela ne « changerait rien » mais profiterait, au contraire, aux grands groupes qui avaient déjà investi dans les laboratoires ?

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Le lendemain de la fermeture de la maternité de Die, un bébé est mort : sa mère n'avait pas pu se rendre dans une autre maternité, qui était trop éloignée. C'est dire l'impact des décisions ministérielles.

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

J'ai toujours considéré que les décisions des ministres avaient un impact et pouvaient me conduire, si ce n'est à rendre des comptes devant la justice, du moins à rendre compte de mon action devant l'opinion. Je n'ai jamais pensé que j'exerçais une fonction secondaire, que je prenais des décisions inapplicables ou que j'agissais comme une marionnette. Je ne comprends pas qu'un conseiller puisse dire de telles choses, de surcroît s'il s'exprime anonymement. Je porte un jugement très sévère sur ce type de propos. Je n'ai jamais pris une décision en pensant qu'elle ne produirait peut-être aucun effet. Je n'ai jamais reculé devant la difficulté, qu'elle soit politique, technique ou autre : mes interlocuteurs de l'époque vous le diront. Je n'étais pas une interlocutrice toujours facile, mais, au moins, j'étais honnête et je tenais parole.

La logique de la loi du 30 mai 2013 portant réforme de la biologie médicale consistait à permettre la fusion entre certaines structures et à privilégier la sécurité et la qualité des examens de biologie. L'objectif n'était pas d'arriver à une situation irréversible caractérisée par l'existence de six groupes.

Je ne sais pas pour quelle raison exacte l'enfant dont vous avez parlé est décédé – il arrive malheureusement aussi que des bébés meurent dans de grands hôpitaux, situés à cinq minutes du domicile familial. Il n'en reste pas moins que la question du maillage territorial est centrale. Elle passe par la coopération inter-hospitalière, mais également par la structuration des liens entre la ville et l'hôpital – cette structuration a été au cœur de la stratégie nationale de santé et a fait l'objet d'une série de mesures, parmi lesquelles le Pacte territoire santé, qui a apporté des moyens financiers au développement des maisons de santé, et le déploiement du numérique, qui en était alors à ses débuts. L'ensemble des outils actuels, tels que les communautés professionnelles territoriales de santé ou les lettres de liaison ville-hôpital, ont été créés à cette époque.

La qualité des relations entre les médecins de ville et l'hôpital, qui est très variable selon les territoires, est l'un des facteurs contribuant, dans un sens ou dans un autre, à l'offre de soins dans un territoire. Lorsque les relations sont bonnes, une dynamique s'installe.

Il n'y a pas eu de « décennies d'inaction ». Pour ce qui me concerne, aucune des décisions structurantes prises entre 2012 et 2017 n'a été remise en cause. Depuis lors, je peine un peu à voir ce qui a été fait en matière de structuration. Les groupements hospitaliers de territoire, les communautés professionnelles territoriales de santé, les maisons de santé, la rémunération sur objectifs de santé publique (Rosp) se mettent en place. L'augmentation de 650 places du numerus clausus s'est appliquée surtout par la suite.

La suppression de la permanence des soins a été une mauvaise mesure, mais je n'avais pas les moyens politiques de la rétablir. Mes relations n'ont pas toujours été simples avec les professionnels libéraux ; je constate que cela n'a pas évolué depuis lors.

Les grandes orientations stratégiques sont définies par le ministre, avec l'appui du gouvernement, et les agences régionales de santé appliquent les politiques décidées. Les agences régionales ont été très contestées, en particulier pendant la crise de la covid-19, et continuent à l'être aujourd'hui. Pour ma part, je les défends, car beaucoup de gens formidables y travaillent, qui ont pour seule préoccupation de faire fonctionner les choses. Elles sont, certes, d'une qualité inégale et n'ont pas toutes le sens des relations avec les élus et la capacité à sentir des évolutions de terrain. Lorsque j'étais ministre, le niveau des directeurs d'agence était globalement excellent, mais celui des délégués départementaux était beaucoup plus variable – on me dit qu'une professionnalisation a été engagée, mais je ne sais pas si c'est vraiment le cas. L'échelon départemental est important, car c'est là que se tisse le contact avec les élus. Cela étant, on peut prendre de bonnes décisions en l'absence d'un cadre très structuré et formel : il suffit que le directeur de l'agence, éventuellement le préfet, ainsi que des élus et des professionnels de santé se mettent autour d'une table. Il ne faut pas balayer d'un revers de main la capacité d'innovation et d'imagination à l'échelon local. Le ministère doit aussi faciliter l'impulsion de ces initiatives.

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Pour en revenir aux groupements hospitaliers de territoire, trouvez-vous normal qu'un directeur général puisse être responsable d'une douzaine d'établissements ? Cela ne l'empêche-t-il pas d'être au fait des réalités de chacun d'eux ? Ne faudrait-il pas instaurer une limite ?

Peut-on demander à des hôpitaux privés de faire plus dans le domaine de la permanence des soins ?

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Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé

Je ne suis pas sûre qu'il soit judicieux de fixer un nombre maximal d'établissements pouvant être gérés par un directeur général. Il faut tenir compte des réalités locales. Dans mon département, le directeur général était assisté de directeurs adjoints. Il est évident qu'une personne seule ne peut prétendre avoir une vision précise des réalités de douze établissements et tout décider par elle-même.

Pour ce qui est de l'hospitalisation, le système français est organisé en trois secteurs et, dans le domaine de la médecine, en un secteur privé et un secteur public. Chacun doit apporter sa contribution. On ne peut imposer des règles de service public au privé, mais on peut réfléchir à des contreparties aux engagements financiers existants. La question centrale est celle de la permanence des soins, qu'elle soit hospitalière ou para-hospitalière. À Nantes, j'ai vu des structures de permanence des soins, situées au sein d'hôpitaux, qui fonctionnaient très bien, mais je ne sais pas si cela a perduré. C'est à cela qu'il faut réfléchir. On pensait beaucoup, à l'époque, à créer des maisons de garde – des antichambres de l'hôpital, en quelque sorte – qui assureraient un premier « tri » obligatoire. Le privé doit apporter sa contribution.

Le débat principal concerne les moyens à engager pour renforcer l'attractivité du travail à l'hôpital, ce qui suppose de réfléchir aux sujétions liées à l'exercice professionnel durant les fins de semaine et les soirées. Il faut reconnaître ces contraintes comme telles et réfléchir aux réponses que l'on peut y apporter.

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Nous vous avons fait parvenir un certain nombre de questions et vous serions obligés de nous adresser, en réponse, votre contribution écrite.

Membres présents ou excusés

Commission d'enquête sur les difficultés d'accès aux soins à l'hôpital public

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 16 heures

Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Véronique Besse, Mme Sophie Blanc, M. Jorys Bovet, M. Emmanuel Fernandes, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Anne Le Hénanff, Mme Murielle Lepvraud, M. Damien Maudet, M. Jean-Claude Raux, Mme Mélanie Thomin, M. Antoine Villedieu

Excusé. – M. Ian Boucard