Comme je l'ai dit au rapporteur de votre commission, mes interlocuteurs se trouvaient à la direction du budget, de façon tout à fait classique, mais ce ne sont pas eux qui dirigent. J'ai toujours considéré que, lorsqu'un ministre sait où il veut aller, il a les moyens de discuter. À Bercy, à la direction du budget et ailleurs, on considérait que je défendais trop l'hôpital. Je pense que j'étais une ministre assez solide et respectée, parce que je savais ce que je voulais.
Si des lourdeurs administratives affectent le fonctionnement des GHT, il faut les régler, de même qu'il faut comprendre pourquoi les décisions ne correspondent pas aux demandes et y remédier. Ce n'est pas parce que l'on crée une structure que toutes ses décisions seront nécessairement bonnes. J'ai défendu et je continue à défendre le principe de la coopération, par opposition à l'atomisation, qui favorise les plus gros hôpitaux. Plusieurs rapports, dont certains émanaient de la Cour des comptes, défendaient la logique du « tout-CHU ». Un certain nombre de personnalités, très critiques à mon endroit, plaidaient en faveur de très grosses structures, pas seulement pour les maternités. Ces personnes souhaitaient le passage à un système totalement différent et articulé autour de très gros bastions, de « super-CHU ». Elles considéraient que l'hôpital de proximité appartenait au siècle dernier et devait disparaître – ce qui ne signifiait pas, toutefois, dans leur esprit, la suppression de tous les points d'entrée à des miniservices d'urgence et à la médecine libérale. Si vous laissez faire cette logique, médecins, infirmières et aides-soignantes iront en priorité dans les grosses structures, qui font de la recherche, disposent de plateaux techniques et d'équipements de pointe. Ces dernières absorberont alors toutes les forces vives.
La création des groupements hospitaliers de territoire n'avait pas pour objet de réaliser des économies, mais de sauver des structures et de donner plus de force à l'hôpital public grâce à la coopération. La loi HPST avait organisé la mise en concurrence des établissements de santé au sein d'un même territoire. Pour ma part, je souhaitais faire travailler ensemble les établissements en déterminant ce que chacun devait ou pouvait faire – un hôpital de proximité ne pouvant réaliser les mêmes actes qu'un gros CHU.
Je ne sais pas si le seuil des mille accouchements annuels est pertinent pour envisager la fermeture d'une maternité ni s'il doit être le même sur l'ensemble du territoire, mais, ce qui est certain, c'est qu'il faut garantir la sécurité. Malheureusement, on doit parfois fermer des structures faute de personnel. La question devient alors celle du recrutement dans ces petites structures. La maternité de Die, que j'avais maintenue, a ensuite été fermée, à ma connaissance – ce qui est désolant, car les femmes doivent alors mettre nettement plus d'une heure pour gagner un centre hospitalier. Ce type d'organisation, qu'il peut être intéressant d'observer, existe dans des pays comme le Canada ou la Suède, qui ont de vastes espaces faiblement peuplés.
S'agissant du virage ambulatoire, il faut distinguer la médecine de la chirurgie. La stratégie nationale de santé évoquait la chirurgie ambulatoire, mais mettait surtout l'accent sur la médecine ambulatoire, qui a pour objet, par l'institution de parcours de soins, d'éviter que l'hôpital fasse le travail des médecins libéraux – ce qui suppose que ces médecins soient présents et puissent assurer des gardes.
La création de systèmes centrés sur les soins de premier recours domine les réflexions dans l'ensemble des pays du monde, riches comme pauvres. Dans les pays du Sud, lorsqu'on aide à la construction d'un système de santé, on essaie d'éviter l'organisation hospitalo-centrée. On s'efforce de créer des dispensaires. Dans les pays ayant un niveau de développement équivalent à celui de la France, une question majeure est celle de la transformation du système hospitalo-centré en une organisation qui donne plus de place à la médecine de premier recours. Cette évolution est essentielle non pas pour réaliser des économies, mais pour des questions de réactivité, de santé publique, de suivi des cohortes de population, de prévention. On doit faire face, on le sait, aux défis du diabète, de l'obésité, des addictions, etc.