La réunion commence à quatorze heures quarante.
La commission spéciale auditionne M. Thierry Beaudet, président du Conseil économique, social et environnemental, Mme Claire Thoury, présidente du comité de gouvernance de la Convention citoyenne sur la fin de vie, ainsi que Mme Soline Castel et M. Jean-Michel Poncet, membres de la Convention
Pour rappel, la Première ministre a saisi le Conseil économique social et environnemental (Cese) pour répondre à la question suivante : le cadre d'accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées, ou d'éventuels changements devraient-ils être introduits ?
Le Cese a donc constitué une commission temporaire pour rendre un avis sur la question au nom de la société civile organisée, avant de former une Convention citoyenne par tirage au sort, sachant que l'objectif de ce dernier n'était pas de parvenir à une représentativité au sens statistique de la société française, mais de refléter sa diversité. Cependant, à l'issue du tirage au sort, nous avons constaté que les citoyens les plus précaires, souvent sans téléphone, étaient peu représentés, raison pour laquelle le tirage au sort a été complété grâce à l'association ATD Quart Monde, qui a recruté six citoyens en situation de grande précarité. Au total, 185 citoyens ont été mobilisés par la Convention citoyenne, dont un qui a démissionné au cours des travaux pour raison professionnelle.
Pour piloter cette convention citoyenne, le Cese a également constitué, sous la présidence de Mme Claire Thoury, un comité de gouvernance de quatorze membres, dont six conseillers du Cese, deux enseignants-chercheurs spécialisés dans les questions de participation citoyenne, un philosophe, deux membres du Comité consultatif national d'éthique, la déléguée générale du Conseil national des soins palliatifs et de la fin de vie ainsi que deux citoyens ayant participé à la Convention citoyenne précédente, afin de bénéficier de leur expérience.
Parallèlement, un collège de quatre garants non français ayant déjà participé à une expérience similaire dans un autre pays a été constitué pour veiller au respect de principes essentiels relatifs à la transparence du débat et au respect de toutes les paroles prononcées.
La Convention citoyenne s'est tenue de décembre 2022 à mars 2023 à raison de neuf week-ends de trois jours de travail et j'ai le sentiment d'un consensus sur sa réussite, tant sur le fond, grâce au remarquable travail des citoyens, que sur la forme, grâce à nos méthodologies robustes.
Ce que je retiendrais pour ma part de cette Convention citoyenne, c'est la qualité des débats, mais aussi l'investissement des membres en vue de l'intérêt général : pour moi, la Convention citoyenne constitue un tour de force démocratique.
Une majorité claire s'est dégagée de la Convention citoyenne, et cette dernière a fourni une réponse claire à la question posée par la Première ministre. Pour autant, et c'est là où la dimension démocratique de la Convention citoyenne s'affirme le plus, cette majorité tranchée n'ignore pas la nuance face à la complexité de la question.
Pour lancer cette Convention citoyenne, le comité de gouvernance est parti du principe que la question de la fin de vie est un sujet de controverse et que le travail consisterait à identifier, parmi les différentes convictions des conventionnels, les points de convergence et les points de divergence. Au sein de ces derniers, il a fallu déterminer ceux qui pouvaient être dépassés et ceux qui s'avéreraient inconciliables.
Par ailleurs, nous avions conscience que le but de la Convention citoyenne n'a jamais été de décider, ce qui relève de la représentation nationale, mais d'éclairer la décision des parlementaires en leur proposant, via un rapport, ce que nous avons déterminé comme étant le cadre collectif partagé qui peut faire de la fin de vie un objet d'unité plutôt que de division.
Pour conclure, je souligne que, si 75 % des membres de la Convention citoyenne se sont prononcés en faveur de l'aide active à mourir, et 25 % contre, l'ensemble des conventionnels a tenu à adopter le rapport transmis aux parlementaires, y compris la minorité qui s'est estimée contributive à ce travail : c'est cette participation de tous qui m'incite à penser que ce type de sujets permet de faire société.
Ma présentation aura trait à la première partie du rapport qui concerne les points consensuels. Pour répondre à la question « le cadre d'accompagnement de la fin de vie est-il adapté aux différentes situations rencontrées, ou d'éventuels changements devraient-ils être introduits ? », la Convention citoyenne a auditionné environ soixante experts et sa majorité a émis les conclusions suivantes : d'abord le respect du choix et de la volonté du patient, le développement de l'accompagnement à domicile, la garantie des budgets nécessaires à l'accompagnement de la fin de vie, un accès aux soins palliatifs pour toutes et tous et partout, assurer l'égalité d'accès à l'accompagnement de la fin de vie, informer le grand public, renforcer la formation des professionnels de santé, améliorer l'organisation du parcours de soin de la fin de vie, et intensifier l'effort de recherches et de développement.
Ces points de convergence se sont traduits par soixante-cinq propositions qu'il incombera à la représentation nationale d'intégrer ou non dans le cadre de la loi.
Sur la question difficile de l'aide active à mourir, le rapport fait état de situations de souffrances non couvertes actuellement par les possibilités d'accompagnement et par la loi, mais un dispositif d'aide active à mourir ne saurait être qu'un complément aux soins palliatifs.
Ensuite, je suis étonné de l'absence de statistiques sur la sédation profonde et continue, mais il est vrai que cet acte se situe à la limite du cadre juridique. Par ailleurs, le rapport souligne le caractère fondamental du choix de l'individu, notamment en matière de santé, et met en exergue le fait que l'aide active à mourir permettrait de mettre fin aux euthanasies sauvages. Ensuite, notre travail pose la possibilité de l'aide active à mourir comme un ultime recours qui devrait permettre une fin de vie accompagnée. Enfin, la partie finale de notre rapport étudie dix-neuf parcours de soins et d'accompagnement possibles.
En revanche, l'aide active à mourir a suscité l'opposition d'une minorité, d'abord parce qu'elle n'est pas nécessaire, sachant qu'il existe déjà la loi Claeys-Leonetti, mal connue et mal appliquée. Les citoyens défavorables à l'aide active à mourir ont également décelé dans celle-ci un risque pour une personne vulnérable d'être influencée par son entourage, ce qui pose la question de son réel consentement. Le suicide assisté représente aussi un danger pour notre système de santé en ce qu'il porte selon nous atteinte à notre modèle de société et à son esprit de solidarité : bien qu'une éventuelle loi permette de mettre fin à certaines dérives, elle risque d'en créer d'autres qu'elle peinerait à encadrer. Enfin, lorsque nous évoquons la suppression de la souffrance, il nous semble important de poser la question de qui nous soulageons réellement de la souffrance : celle du patient ou celle de ses proches ?
Pour moi, le projet de loi s'inspire des travaux de la Convention citoyenne et tient compte des nuances émises dans le rapport.
Je souhaite apporter mon témoignage sur trois points qui ont fait évoluer ma position. D'abord, le caractère historique de l'allongement de l'espérance de vie avec la dépendance et les pathologies associées qui rendent la fin de vie de nombreux citoyens très difficile, en dépit des progrès médicaux considérables. Je suis convaincu que porter la question de la fin de vie, qui relève à la fois de l'intime et du collectif, a permis un traitement objectif de cette question.
Dans ce contexte historique, la création de maisons d'accompagnement pourrait constituer une réponse tout autant historique avec une ligne éthique centrée sur l'euthanasie, l'euthanasie semblant aujourd'hui indispensable, pour éviter l'intervention trop pesante d'un tiers dans le choix du patient.
En fin de rapport, les dix-neuf protocoles dédiés reflètent le souhait des concitoyens que la fin de vie soit sécurisée au sein d'un milieu professionnel médical et, en conclusion, l'approche empathique permet de comprendre que la société doit pouvoir, de manière strictement encadrée, apporter le dernier recours qu'est l'euthanasie.
En ce qui me concerne, je relève une asymétrie dans le projet de loi : en effet, seize articles sur vingt-et-un portent sur l'aide active à mourir contre cinq sur les soins d'accompagnement et à mon sens, les soixante-cinq propositions du rapport permettraient d'étoffer la partie soins d'accompagnement. En outre, l'accompagnement de la décision de l'aide active à mourir me semble incomplet, car l'article de loi concerné ne mentionne que des médecins, sans évoquer les psychologues, la collégialité ou la pluridisciplinarité.
Je regrette également que la commission de contrôle de l'aide active à mourir intervienne après l'acte, lequel est pourtant irréversible. Par ailleurs, le projet de loi ne semble pas prévoir d'accompagnement pour les professionnels qui pratiqueraient l'aide active à mourir. Toutefois, même s'il ne me satisfait pas pleinement, je comprends les choix réalisés par le projet.
Je précise que Caroline Fiat, rapporteure, a tenu à excuser son absence et à faire savoir qu'elle a beaucoup apprécié vos travaux.
Je dois avouer que j'étais sceptique au moment de la mise en place de la Convention citoyenne, mais force est de constater qu'elle a été remarquable et que son travail peut constituer un modèle de démocratie.
De cette Convention citoyenne, je retiendrais deux chiffres : d'abord les 76 % en faveur de l'aide active à mourir, qui témoignent d'un avis clair, et le fait que 89 % des conventionnels ont ratifié le rapport, ce à quoi les parlementaires ont été sensibles.
J'ai deux questions à l'attention des conventionnels : quelle approche avez-vous des conditions d'accès à l'aide à mourir telle qu'elle figure dans le projet de loi et avez-vous des remarques sur sa procédure ?
À propos de la remarque de Mme Castel sur l'écart entre le nombre d'articles sur l'accompagnement et sur l'aide à mourir au sein du texte en projet, je rappelle qu'il faut distinguer ce qui appartient à la loi et ce qui relève de la stratégie décennale qui ne peut y figurer, mais qui existe néanmoins.
Vous n'avez pas évoqué les moyens financiers, sujet qui me semble d'autant plus important que l'expérience de la Convention citoyenne s'est avérée positive et que le Président de la République a suggéré que d'autres thématiques pourraient faire l'objet d'un traitement similaire.
Monsieur Poncet, vous avez mentionné l'exception d'euthanasie obligatoire alors que le mot n'apparaît pas dans le projet de loi – la terminologie est « aide à mourir » : comment définissez-vous cette exception d'euthanasie ?
Ensuite, dans le cadre de la volonté libre et éclairée du patient, quelle place donnez-vous aux directives anticipées émises au moment du diagnostic d'une maladie incurable ?
Sur la forme, comment expliquez-vous que la Convention citoyenne ait si bien fonctionné, et sur le fond, comment avez-vous amené les citoyens à faire évoluer leurs convictions ?
Madame Castel, selon vous, les patients devraient être accompagnés dans le cadre d'une procédure médicale, collégiale et pluridisciplinaire, tandis que la famille ne devrait l'être qu'à la demande du patient. De plus, la quasi-totalité de vos auditions met en évidence l'opposition des parties prenantes à l'implication des proches dans l'administration de la substance létale : lorsque vous évoquez les proches, parlez-vous donc seulement de l'accompagnement du patient ou incluez-vous l'administration de la substance létale ? Par ailleurs, dans quel cas un proche souhaiterait-il administrer cette dernière selon vous ?
À propos de l'exception d'euthanasie obligatoire, monsieur Martin, pour éviter tout malentendu, il s'agissait de mon avis personnel et en l'occurrence, j'appartiens au groupe d'opinion privilégiant le suicide assisté avec l'euthanasie en matière d'exception : toutefois, même si une loi permet l'aide active à mourir, il faut privilégier l'autonomie de la personne tant que c'est possible.
Les conditions d'accès à l'aide active à mourir du projet de loi me semblent pertinentes et très restrictives, ce qui est de nature à me rassurer. Mon seul doute concerne le moyen terme qui me paraît difficile à identifier.
Quant aux directives anticipées, elles me semblent problématiques, ce que j'illustrerai par un exemple : si une personne atteinte d'Alzheimer formule le souhait de mourir lorsqu'elle ne reconnaîtra plus ses enfants et que ce jour survient, cette patiente n'en est pas consciente et n'en souffre pas. Une nouvelle fois, je me demande si l'on souhaite supprimer la douleur des patients ou celle de leurs proches.
Quant à l'administration de la substance létale, elle est une responsabilité qui ne peut selon moi être confiée à un proche et je serais même favorable à l'idée que le patient s'administre lui-même la substance létale, ce que permet la domotique par un clignement de l'œil.
Les facteurs de réussite de la Convention citoyenne seraient pour moi les suivants. D'abord, durant la phase d'explication des enjeux aux conventionnels, nous avons insisté sur le fait que leur rôle n'était pas d'élaborer la loi. Nous leur avons demandé d'être eux-mêmes et de porter leurs convictions. Le deuxième facteur était l'important travail fourni par chacun des citoyens réunis, lesquels avaient pour objectif la réussite de la Convention, quelle que soit la réponse de fond qu'elle donnerait, avec un sens aigu de la responsabilité quant à la réussite de la démarche : l'enjeu était trop important pour qu'il ne soit pas une réussite. Un autre facteur de réussite a été le réajustement permanent de la position des citoyens en fonction de l'évolution des débats. Enfin, le dernier facteur de réussite a simplement été la capacité à s'excuser lorsque l'on a commis une erreur, ce qui a permis de travailler en confiance.
J'ajouterais que depuis la loi organique de 2021, nous avons acquis des compétences en matière de participation citoyenne, et formé des administrateurs.
Vous avez posé une question sur le coût de la Convention citoyenne : il s'élève à environ 5,5 millions d'euros, essentiellement consacrés au transport, à l'hébergement et à la restauration des citoyens ainsi qu'à la rémunération de prestataires et à l'indemnisation des citoyens. J'en profite pour dire que si nous voulons pérenniser les conventions citoyennes, nous aurons à réfléchir à un statut du participant citoyen.
Ma première question s'adresse à Mme Castel et à M. Poncet : aviez-vous des a priori sur la fin de vie et si oui, les débats vous ont-ils confortés dans votre décision finale ?
Ma deuxième question est pour Mme Thoury et M. Beaudet : des personnes ont-elles changé d'avis au cours de la convention et si oui, dans quelles proportions ? Par ailleurs, que pensez-vous des personnes affirmant que le projet de loi est un « permis de tuer » ?
Monsieur Beaudet, souhaitez-vous que nous institutionnalisions les conventions citoyennes dans le processus d'élaboration de la loi et si oui, de quelle manière ? Quels sont les sujets qui se prêteraient à ce format, et ceux qui n'y seraient pas adaptés ?
Monsieur Beaudet, selon la ministre Vautrin, le projet de loi n'est pas un texte sur l'euthanasie et le suicide assisté. Pour notre part, parler d'aide à mourir est mensonger et n'est pas transparent. D'ailleurs, les termes « suicide assisté » et « euthanasie » sont mentionnés deux cents fois par le rapport : n'êtes-vous pas déçus que le Gouvernement ignore ainsi votre important travail ?
Monsieur Beaudet, le fait que le Président de la République ait déclaré au sujet de l'euthanasie « nous le ferons » avant même la mise en place de la Convention citoyenne, et que vous-même vous vous soyez prononcé en faveur de l'euthanasie, donne le sentiment que le débat a été orienté. De plus, comment expliquez-vous que quarante conventionnels aient déclaré au Figaro qu'ils se sont sentis manipulés et que le débat n'était pas ouvert ? Enfin, combien de médecins la Convention citoyenne comportait-elle ?
Votre rapport pointe les risques de financiarisation des centres de soins palliatifs et des espaces d'accueil des personnes en fin de vie, mais quelles ont été les hypothèses pour lutter contre cette financiarisation ainsi que les alternatives pour financer ces centres ?
Ma question s'adresse au Cese et à la Convention citoyenne : que pensez-vous de l'idée de créer un observatoire de la fin de vie qui s'ajouterait à la commission prévue à l'article 17 du projet de loi ? Cet observatoire apporterait un regard social sur la façon dont l'aide à mourir est pratiquée, et permettrait un suivi de l'évolution de l'accès aux soins palliatifs. Enfin, il constituerait une garantie contre d'éventuelles dérives.
Par ailleurs, pensez-vous qu'une clause de revoyure de la Convention citoyenne serait utile après la première année d'application de la loi ?
Madame Castel et monsieur Poncet, le projet de loi ne comprend pas des éléments préconisés par le rapport : en effet, le projet ne prévoit ni l'accompagnement médical et psychologique complet, ni la procédure collégiale pour assurer le suivi et la validation du suicide assisté, ni les garde-fous émis par un quart des conventionnels pour se prémunir d'éventuelles dérives. Comment réagissez-vous à cet écart entre le projet de loi et le rapport de la Convention citoyenne ?
Monsieur Beaudet, combien de conventionnels ont-ils visité des centres de soins palliatifs ou sont-ils allés assister à une sédation profonde et continue ?
Par ailleurs, le demandeur de l'aide active à mourir ne pourra consulter qu'un seul médecin, lequel aura certes la possibilité de solliciter l'avis d'un confrère : madame Castel, considérez-vous cela comme une forme de collégialité ?
Enfin, monsieur Poncet, ne pensez-vous pas que le recueil de consentement par un juge comme cela est requis pour le don d'organe intrafamilial constituerait un élément de contrôle a priori ?
Je me joins d'abord aux félicitations qui vous ont été adressées par les précédents intervenants : la qualité de vos travaux a contribué à apporter de la sérénité à nos débats, qui ne le sont pas toujours.
Je souhaiterais que les deux conventionnels nous expliquent comment ils ont été contactés par le Cese et dans quelle mesure le sujet de la fin de vie les avait jusqu'alors concernés.
Je suis plutôt favorable à une évolution vers une aide à mourir, mais à l'issue de ces auditions, je m'interroge sur trois points : les directives anticipées, avec un questionnement sur l'autonomie des personnes, la collégialité, laquelle me semble limitée dans le projet de loi, et le moyen terme.
Madame Thoury, la phase qui débute maintenant que la Convention conclut son œuvre bénéficiera de ses travaux. Selon vous, la position des uns et des autres a-t-elle évolué entre les différentes auditions ayant eu lieu avant la publication du projet de loi et les auditions de cette semaine ?
Madame Castel et monsieur Poncet, sachant que le rapport met en exergue le besoin de renforcer la formation des professionnels de santé et de développer la fin de vie à domicile, les infirmiers à domicile devraient-ils selon vous suivre la formation d'infirmier en pratique avancée ou une formation spécifique, et pourraient-ils recourir à la validation des acquis de l'expérience ?
Par ailleurs, avez-vous débattu de l'accès à l'aide active à mourir pour les mineurs ?
Madame Castel, vous avez posé des questions à mon sens essentielles : de quelle personne souhaite-t-on arrêter la souffrance ? Et comment s'assurer qu'aucune pression, qu'elle soit médicale, sociale ou morale, n'est exercée sur le demandeur ? Avez-vous abordé ces questions et quelles sont vos réponses ?
Nous doutons que l'euthanasie soit une réponse à l'offre de soins de fin de vie, considérant que tous les départements ne sont pas encore dotés de centres de soins palliatifs : croyez-vous que l'euthanasie soit une évolution de la loi actuelle ?
Monsieur Beaudet, le projet de loi ne concerne pas la fin de vie des personnes âgées, mais celle des personnes malades incurables dont le pronostic vital est engagé : quels ont été les échanges sur ce sujet lors de la Convention ?
Avez-vous rencontré des difficultés à travailler en groupe ? Par ailleurs, que pensez-vous du développement de l'activité au domicile des patients, de la formation des soignants et de l'accompagnement des aidants ?
Madame Castel et monsieur Poncet, quel élément du projet de loi vous paraît anormal et quelle est la plus grande insuffisance de ce dernier selon vous ? Ensuite, comment comptez-vous suivre l'évolution des travaux parlementaires ? Enfin, les conventionnels ont-ils manifesté davantage de confiance dans l'action publique après leur expérience au sein de la Convention citoyenne ?
Je rappelle que le Cese est composé de cent soixante-quinze conseillers représentant quatre-vingt-deux organisations de la société civile, lesquelles portent des convictions et des intérêts collectifs différents et assumés, notre travail consistant précisément à trouver des éléments de convergence parmi tous ces points de vue. Ainsi, ce que vous pouvez percevoir comme une difficulté est en réalité la force du Cese. Néanmoins, en tant que président, je me suis astreint à un devoir de réserve et à aucun moment je ne suis intervenu sur le sujet. Aujourd'hui, mon rôle n'est donc pas de vous livrer mes convictions, mais je suis ouvert à l'organisation d'une audition spécifique pour vous exposer mon point de vue de mutualiste.
Sur la terminologie, les citoyens ont employé les termes « euthanasie » et « suicide assisté » : j'estime à titre personnel qu'ils peuvent avoir une résonnance douloureuse auprès des personnes qui ont été confrontées au sujet, raison pour laquelle je pense que l'élaboration d'un lexique de la fin de vie pourrait s'avérer judicieuse pour trouver les bons mots.
Sur la possible généralisation des conventions citoyennes, je suis convaincu d'une part qu'elles répondent à l'envie des citoyens d'être acteurs des sujets qui les concernent, et d'autre part qu'elles constituent un instrument possible pour permettre aux citoyens de contribuer aux décisions publiques.
Quant à ce qui caractérise un bon sujet de convention citoyenne, je suis d'avis qu'un bon sujet est un sujet qui suscite des perplexités, des dilemmes et des controverses en vue d'un point de sortie.
Les citoyens n'ont pas assisté à des sédations profondes et continues. En revanche, des spécialistes leur ont expliqué le processus au cours d'auditions. En outre, au moins quarante citoyens ont visité des centres de soins palliatifs.
J'ignore si des citoyens ont changé d'avis au cours des débats, car nous avons choisi de ne pas les sonder à leur arrivée. En revanche, sachez que des chercheurs ont couvert la Convention citoyenne et que leurs travaux apporteront sans doute des réponses à ce type de questions. J'ai néanmoins le sentiment que si les positions ont pu évoluer, le changement était de l'ordre de l'ajustement et de la nuance.
Je souhaite enfin revenir sur l'article du Figaro : il est possible que nous ayons commis des erreurs, mais en aucun cas il n'y a eu manipulation, ce pour quoi utiliser ce mot est inacceptable pour moi. Il faut également raconter l'histoire en entier, car le quotidien est revenu sur son article ensuite.
Je ne souhaitais pas avoir un avis prédéfini lors de mon entrée à la Convention citoyenne. Par ailleurs, je confirme que nous n'avons pas été manipulés, preuve en est que les débats m'ont permis de développer un argumentaire défavorable sur la question.
À propos de la terminologie, je pense que nous ne devons pas craindre d'employer des mots forts et de décrire les choses telles qu'elles sont, car ces mots font partie de notre vocabulaire courant, quand bien même ils renvoient à une réalité difficile.
Ensuite, le travail en groupe n'était pas facile, mais il était intéressant. Cependant, contrairement à ce que l'on pourrait supposer, le moment qui m'a paru le plus difficile fut celui du travail au sein des groupes d'opinion, donc avec des personnes partageant nos convictions, car l'atmosphère de ces groupes qui visaient à construire un argumentaire contre l'opinion opposée n'était pas celle de la Convention citoyenne.
Quant à l'observatoire de la fin de vie, j'y suis favorable parce qu'il aiderait la recherche sur les soins palliatifs, la douleur et la fin de vie.
Il existe effectivement des différences entre le rapport de la Convention citoyenne et le projet de loi, mais les conventionnels ne peuvent être déçus, car il leur a bien été précisé que leur rôle n'était pas d'élaborer le projet de loi : c'est donc sereinement que je remets le rapport aux parlementaires et je suivrai les travaux en me rendant disponible pour expliquer, vulgariser et témoigner sur notre travail.
Concernant la formation des infirmiers diplômés d'État (IDE) à domicile, il me semble que des formations aux soins palliatifs leur sont déjà dispensées, mais pour moi, l'important est surtout de maintenir une formation continue afin de veiller à ce qu'un IDE ne se trouve jamais seul.
Pour terminer, je pense que la collégialité reste la meilleure garantie contre d'éventuelles pressions exercées sur le patient.
En tant qu'ex-conventionnel, je n'ai pas de légitimité à aborder les aspects techniques du sujet et je laisse aux parlementaires le soin de les traiter, aussi me contenterai-je d'évoquer mon vécu : j'étais déjà sensible au sujet de la fin de vie avant la Convention citoyenne et j'ai été bénévole dans des centres de soins palliatifs pour accompagner des personnes en souffrance ou seules. La solitude est d'ailleurs pour moi une problématique majeure et nous devons nous souvenir que le mot fraternité figure dans la devise de notre République. Sachez que 6 000 bénévoles œuvrent en soins palliatifs et que le Gouvernement compte renforcer cet effectif.
La réunion s'achève à seize heures dix.
Présences en réunion
Présents. – M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Hadrien Clouet, M. Paul-André Colombani, Mme Laurence Cristol, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. François Gernigon, Mme Marine Hamelet, M. Patrick Hetzel, M. Philippe Juvin, M. Gilles Le Gendre, Mme Christine Loir, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Didier Martin, M. Laurent Panifous, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, Mme Danielle Simonnet, M. Nicolas Turquois, Mme Annie Vidal, M. Philippe Vigier
Excusé – Mme Christine Pires Beaune
Assistait également à la réunion – Mme Maud Gatel