La réunion commence à vingt et une heures trente.
La commission spéciale auditionne le Pr Jean-François Delfraissy, président du Comité consultatif national d'éthique, ainsi que le Pr Régis Aubry et M. Alain Claeys, co-rapporteurs de l'avis n° 139 « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité » (2022).
Nous accueillons une délégation du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), conduite par son président, Jean-François Delfraissy, accompagné des rédacteurs de l'avis publié en 2022 et intitulé « Questions éthiques relatives aux situations de fin de vie : autonomie et solidarité », le Pr Régis Aubry et M. Alain Claeys.
Le CCNE s'était autosaisi, en 2022, d'une réflexion relative à la fin de vie. Dans son avis 139, il concluait que la loi Claeys-Leonetti ne répondait pas à toutes les situations et qu'une voie éthique, sous certaines conditions strictes, était possible.
Nous souhaiterions connaître la teneur des travaux qui vous ont amenés à ces conclusions.
Selon vous, le texte proposé à l'Assemblée nationale répond-il aux conditions strictes que vous évoquiez ?
Le CCNE a publié son avis 139 après un an de construction. Dans sa première partie, l'avis constatait que la loi Claeys-Leonetti n'était ni suffisamment connue ni appliquée. Il insistait dans sa deuxième partie sur l'importance majeure des soins palliatifs. La troisième partie évoquait des situations complexes, partiellement construites par la médecine. Enfin, la dernière partie encourage à prendre le temps de réfléchir sur un sujet aussi difficile, intime, humain et qui touche tous nos concitoyens. Le CCNE suggérait de mener une réflexion citoyenne préalablement à l'examen par le Parlement.
Le Président de la République a mis en place une consultation citoyenne. Ensuite, le CCNE a organisé plus de six cents débats dans toutes les régions françaises qui se sont déroulés dans une grande sérénité.
Lorsque les sujets sont complexes, la démocratie en santé s'exprime dans un triangle : l'expertise des médecins, l'avis des citoyens et finalement le politique qui décide. Les débats ont démontré qu'il est possible de mener une réflexion citoyenne sereinement sur un thème complexe pendant plusieurs mois de sorte à éclairer le politique qui votera la loi.
S'agissant des soins palliatifs et des soins d'accompagnement, il existe non seulement un enjeu de moyens et d'organisation, mais également un enjeu universitaire et de recherche. Il conviendrait de créer quelques postes de professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) en soins palliatifs et de dégager des moyens pour la recherche à ce sujet.
Nous recommandons également que la loi fasse l'objet d'une évaluation sur le moyen terme.
Le CCNE a également enregistré un avis minoritaire, certains estimant que le moment n'était pas opportun pour une évolution sur une aide à mourir, mais qu'il était nécessaire de centrer la réflexion sur les soins palliatifs. Cependant, une large majorité du CCNE a voté l'avis 139. Cette remarque s'applique également à la Convention citoyenne et à plusieurs sondages.
La période extrêmement difficile du sida nous a amenés à prendre des mesures qu'aucune loi n'autorisait. La situation a évolué, notamment lorsque les premières lois relatives à la fin de vie ont été votées. La jeune génération de médecins est désormais centrée sur le respect strict de la loi.
Une majorité des soignants de soins palliatifs est réservée vis-à-vis d'une évolution de la loi, contrairement à l'ensemble du corps médical. Il importe donc d'identifier un équilibre. Les médecins de soins palliatifs estiment que la médecine n'a pas vocation à donner la mort et c'est vrai. Pour autant, je pense que le médecin a vocation à accompagner son patient, y compris dans les moments les plus intimes et les plus ultimes. La maladie appartient au patient et non pas au médecin, dont la mission consiste à l'accompagner.
Enfin, le CCNE n'a pas vocation à commenter un projet de loi. Nous remarquons toutefois que projet de loi est assez proche de l'avis du CCNE.
L'avis 139 du CCNE constitue une étape importante dans son histoire. Le CCNE étant à l'image de notre société, l'avis que nous avons remis au Président de la République en septembre 2022 n'a pas fait l'unanimité.
Si les soins palliatifs ont beaucoup évolué dans les hôpitaux depuis plusieurs années, une vingtaine de départements français ne disposent toujours pas d'une unité active de soins palliatifs.
La formation en soins palliatifs n'est pas suffisamment développée dans la formation initiale.
L'accompagnement de la personne dans un hôpital interroge sur le financement de l'hôpital, aspect qui ne figure pas dans le projet de loi, mais que vous devrez aborder lors de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notamment la tarification à l'activité. En effet, force est de constater que la tarification à l'activité favorise l'acte technique au détriment de l'acte humain.
Le budget actuel des soins palliatifs s'élève à 1,7 milliard d'euros et 2,7 milliards à dix ans. Au-delà des moyens financiers, il importe que la communauté médicale prenne conscience de la nécessité de construire un plan personnalisé pour une personne qui entre dans un parcours de soins particulièrement difficile. Il s'agit du principal enjeu de la stratégie décennale et des soins d'accompagnement. Un tel plan peut conduire à la guérison, mais également à la fin de vie.
Nous déplorons en effet l'insuffisance de PU-PH.
La recherche sur les soins palliatifs n'est pas une recherche de rupture. Il conviendra que le ministère de la recherche fixe des priorités à l'Institut national de la santé et de la recherche médicale et à l'Agence nationale de la recherche afin que cette recherche sur les soins palliatifs soit réalisée.
Vous avez procédé à une évaluation de la loi de 2016. Cette loi n'est pas suffisamment appliquée. 12 % de nos concitoyens ont rédigé leurs directives anticipées. La sédation profonde et continue jusqu'au décès n'est pas suffisamment pratiquée dans les unités de soins palliatifs. Dans les échanges que nous avions organisés en 2016 avec les représentants des soins palliatifs, le mot « continue » faisait débat. Nous nous sommes alors demandé comment qualifier la sédation profonde et continue jusqu'au décès. J'avais la faiblesse d'avancer qu'il s'agissait d'une aide à mourir, mais Jean Leonetti m'opposait qu'il s'agissait de la conséquence d'un traitement qui conduit à la mort. Le sujet était donc déjà prégnant en 2016.
Au-delà, je pense que la loi de 2016, même bien appliquée, ne répond pas à toutes les situations. Elle répond néanmoins à un grand nombre de situations lorsque le pronostic vital est engagé à court terme, c'est-à-dire à quelques semaines.
La difficulté à laquelle nos concitoyens sont confrontés réside dans la manière de faire la part des choses entre la solidarité, la fraternité et l'autonomie. Nous avons essayé d'identifier en quoi ces deux notions se complétaient et devaient s'engager de front.
La première loi sur les soins palliatifs date de 1999. En 2002, la loi Kouchner a représenté un jalon essentiel en matière d'autonomie, car elle autorisait un patient à demander l'arrêt de ses traitements, quitte à obérer son pronostic vital. Dès lors, la loi de 2016 a intégré les personnes qui avaient arrêté leur traitement et dont le pronostic vital était engagé dans la possibilité de sédation profonde et continue jusqu'au décès.
La complémentarité entre solidarité et autonomie a constitué le fil conducteur des travaux du CCNE. Il lui appartenait de déterminer s'il existe une réponse éthique à une demande active à mourir. Il a répondu affirmativement, mais sous certaines conditions. Ces conditions figurent dans les articles 5 à 12 du projet de loi.
Les débats renforcent la démocratie parlementaire. Le Parlement joue son rôle lorsqu'il aborde de tels sujets. Ces échanges se déroulent toujours dans une ambiance de respect, de tolérance et de dialogue éthique.
Il nous a été reproché de ne pas utiliser le mot « euthanasie » et l'expression « suicide assisté ». Ce choix est pertinent, car il ne s'agit pas de choisir entre la vie ou la mort puisque la mort est imminente, mais d'identifier le chemin le moins douloureux pour y parvenir.
D'aucuns prétendent que nous libérons un espace du possible et s'interrogent quant à la pertinence de l'ingérence de notre République dans des sujets individuels. La loi se limite à fixer un cadre d'expression de la solidarité. L'accompagnement contre la douleur constitue donc une priorité tout en préservant la liberté de chacun de choisir son dernier moment.
Certes, on peut s'interroger quant à l'autonomie d'une personne en situation de vulnérabilité et la réponse n'est pas simple. Dès lors, le dialogue avec le patient doit être mené collégialement de sorte à clarifier sa demande et à cheminer avec lui dans la voie qu'il a choisie.
Notre réflexion a intégré les évolutions survenues dans le champ de la médecine. Cependant, les progrès techniques et scientifiques engendrent des situations nouvelles de fin de vie, des situations de vie possiblement prolongée, une redéfinition des notions de finitude et de vulnérabilité. Ce sont de nouvelles réalités qui confrontent les médecins, à moyen et long termes, à la souffrance qu'une personne ressent face à la question de sa finitude.
Le corollaire de cette réalité réside dans la nécessité de réfléchir à d'authentiques politiques d'accompagnement de ces situations de vulnérabilité, tant dans le domaine des soins palliatifs que pour le vieillissement ou les situations de handicap. La médecine ne peut pas contribuer à engendrer des situations de grande complexité et de grande vulnérabilité sans se donner les moyens de les accompagner.
L'avis 139 stipule d'ailleurs que la condition sine qua non d'une évolution éventuelle du droit en matière de fin de vie réside dans une politique volontariste d'accès pour tous à des soins palliatifs. Dès qu'une personne est atteinte d'une maladie potentiellement létale, la nécessité d'un accompagnement et d'un traitement pour soulager un inconfort ou une perturbation de la qualité de la vie s'impose.
Dans notre société, se pose également la question de la souffrance existentielle de ces personnes confrontées à cette fragilité et à cette vulnérabilité qu'elles éprouvent pour elles-mêmes dans un environnement qui ne facilite pas l'estime de soi et le sentiment d'exister lorsqu'on est atteint d'une maladie grave. C'est pourquoi il est nécessaire de développer une politique affichant la volonté puissante de ne pas enfermer la question de la fin de vie dans le champ de la médecine.
Certes, les unités de soins palliatifs, les équipes mobiles, les lits identifiés ont un rôle qu'il faut renforcer, mais la nécessité d'une autre forme d'expression de la solidarité, d'un accompagnement non médicalisé s'impose. D'ailleurs la création de maisons d'accompagnement est en cours de réflexion.
Corrélativement, le développement de la formation sur ces questions est fondamental, car elle n'a pas suivi les évolutions de la médecine. Les progrès techniques et scientifiques de la médecine sont plus rapides que notre capacité à appréhender la complexité qu'ils engendrent. Il est essentiel d'enseigner également la modestie, l'humilité et l'approche par l'interdisciplinarité des situations complexes que nous contribuons à générer. Aucun programme ne le prévoit actuellement alors qu'il serait utile que ces enseignements figurent dans la formation initiale.
La recherche constitue le deuxième levier qu'il importe d'actionner. La recherche est indispensable pour produire de la connaissance, de la compréhension et des propositions d'amélioration. Cette recherche sur des questions relatives à la fin de vie oblige à une approche interdisciplinaire, philosophique, sociologique, psychologue, autant que les médecins, les soignants et les infirmières. Universitariser ces questions constitue un enjeu fondamental pour l'avenir.
Notre principale préoccupation réside non seulement dans le respect de la volonté d'une personne, mais également dans la nécessité d'une forme de solidarité envers cette personne. Appréhender la notion de volonté de mourir nécessite beaucoup d'humilité, du temps, de la formation et de l'interdisciplinarité. La demande ne signe pas la volonté. Les travaux de recherche qui ont été publiés à ce sujet montrent qu'une majorité des demandes d'aide à mourir disparaît lorsqu'un accompagnement de grande qualité est conduit. Toutefois, elles ne disparaissent pas toutes et ce constat nous a amenés à réfléchir à une évolution du droit.
Le devoir de solidarité, corollaire du respect de la volonté des personnes, consiste à accompagner les personnes. Les situations que nous évoquons sont relativement exceptionnelles, ce qui ne signifie pas qu'elles n'existent pas. Il importe d'accompagner la détresse existentielle inhérente à la maladie. On ne peut pas impunément augmenter l'espérance de vie avec la maladie et ne pas se donner les moyens d'accompagner ces situations, rares et exceptionnelles. Il convient de repenser la solidarité autrement que dans un registre idéologique.
L'accompagnement d'une personne qui s'administrera ou absorbera un produit létal peut-il être considéré comme un soin ? Je vous propose de ne pas répondre à cette question, car maintenir cette dimension comme une question me semble fondamental dans l'exercice même du soin.
Chacun de nous mesure combien l'avis 139 a joué un rôle majeur dans le processus dans lequel nous sommes très impliqués non seulement par la qualité de son contenu, mais également par la qualité de ses auteurs.
Monsieur le président Delfraissy, vous avez participé au comité de pilotage de la Convention citoyenne qui a été un peu contestée et certains ont émis des doutes quant à sa façon de travailler. Pouvez-vous nous dire comment s'est passée cette Convention citoyenne ?
Monsieur Aubry, vous semble-t-il utile, pertinent et possible de constituer une véritable filière universitaire en soins palliatifs ?
Monsieur Claeys, pourquoi la sédation profonde et continue jusqu'au décès est-elle aussi peu appliquée ?
L'égalité fut une des raisons pour lesquelles j'avais estimé nécessaire que l'on puisse autoriser l'intervention d'un tiers lorsque le malade n'est plus apte physiquement à faire le geste. Qu'en pensez-vous ?
Je souhaite que nous fassions en sorte de ne pas créer un imbroglio juridique qui nuise à l'effectivité d'un droit, notamment la question du délai de quinze jours maximum pour la décision. Qu'en pensez-vous ?
Monsieur Aubry, quel bilan, critique et positif, dressez-vous des maisons de vie ?
Monsieur Claeys, que manque-t-il dans cette loi de 2016 que certains qualifient de parfaite ? Nous avons rencontré des difficultés pour évaluer cette loi. Qu'aurait-il fallu prévoir dès l'origine pour faciliter l'évaluation d'une nouvelle loi sur les droits des patients et la fin de vie par nos successeurs ?
Monsieur Delfraissy, pouvez-vous répondre à la question à laquelle M. Aubry n'a pas voulu répondre ? L'aide à mourir est-elle ou non un soin ?
Dans les repères éthiques en cas d'évolution de la législation, vous avez inscrit comme condition qu'une demande d'aide à mourir devait être exprimée, de façon libre, éclairée et réitérée, par une personne disposant de son autonomie. Estimez-vous que les garanties proposées par le projet de loi sont suffisantes pour garantir ses conditions ? Les demandes d'aide à mourir évoluant dans le temps, comment s'assurer de leur constance ?
Qu'est-ce qu'un moyen terme face à la multiplicité des cas individuels et des situations évolutives ?
Que pensez-vous du choix français de ne pas ouvrir une aide à mourir universelle ? Quelles en seraient selon vous les dérives potentielles ?
Le projet de loi prévoit que le médecin responsable du patient prenne la décision à l'issue d'une procédure collégiale. Pour quelle raison le médecin responsable du patient doit-il impérativement être décisionnaire, sachant que ce médecin n'est pas obligatoirement celui qui suit le patient habituellement ?
Le projet de loi prévoit également la procédure collégiale, moins détaillée que le code de la santé publique. Estimez-vous nécessaire d'apporter des ajustements à cette procédure ainsi rédigée ?
Pourriez-vous nous apporter des précisions quant aux projets de recherche que vous appelez de vos vœux ?
« La demande ne signe pas la volonté ». Comment faire évoluer ce postulat de façon interdisciplinaire sans alourdir considérablement la procédure ?
Enfin, l'aide à mourir est-elle ou non un soin ?
Nous avons rencontré des difficultés dans l'évaluation de la loi Claeys-Leonetti.
Le projet de loi prévoit une évaluation annuelle. Que penseriez-vous d'une codification de l'acte de sédation profonde et continue qui permettrait de vérifier que la loi est appliquée ?
Que pensez-vous d'autoriser les textes universitaires des paramédicaux qui ne sont pas publiés dans notre pays ?
La question de la place des soins palliatifs en France est sous-jacente dans l'ensemble de vos propos. Cette notion de soins palliatifs ou soins d'accompagnement a été construite au cours des vingt-cinq dernières années, mais dans le même temps, elle a été mise dans un coin. Force est de constater que cette formation à l'humanité, aux soins palliatifs, ne se déroule pas dans les meilleures conditions et ce d'autant moins qu'il n'y a pas de PU-PH de soins palliatifs pour en défendre l'importance.
Certes, des unités et des lits de soins palliatifs ont été créés, mais à quelques exceptions près, ils sont rarement situés dans le centre hospitalier universitaire (CHU). Le lien avec la communauté médicale ne s'est donc pas construit correctement. Il est essentiel de rapprocher cette communauté des soins palliatifs de notre communauté médicale dans son ensemble. La loi pourra sinon imposer cette meilleure intégration, du moins fortement la suggérer.
Au-delà des débats que nous avons organisés, nous avons rencontré la conférence des doyens à trois reprises ainsi que les conférences de directeurs de CHU, etc. Nous nous attachons à apporter des explications et nous constatons que la conférence des doyens évolue et est plus sensible à la nécessité de formation. Les facs de médecine entrent désormais dans des « universités de santé » au caractère pluridisciplinaire, ce qui facilitera leur évolution.
J'ai siégé au comité de pilotage de la Convention citoyenne avec François Stasse de sorte à apporter deux regards différents, l'un de médecin, l'autre de grand juriste. Le comité de pilotage a décidé de laisser une grande liberté aux conventionnels pour ensuite construire. C'était pertinent. Ces cent quatre-vingt-cinq citoyens n'étaient ni élus ni réellement représentatifs de la France. Pour autant, ils se sont construits en se respectant, en s'écoutant, et ils sont parvenus à une production écrite de leurs débats. Il s'agit d'une belle expérience, très professionnelle.
Le Conseil économique, social et environnemental avait accordé un budget de six millions d'euros à cette Convention qui a produit un document important, présenté ensuite au Président de la République. Je craignais que ces travaux restent sans suite. Or les différents ministres ont indiqué qu'à la suite de l'avis de cette Convention citoyenne, il appartiendrait au politique de reprendre plusieurs points dans le projet de loi qu'il soumettrait au Parlement.
Cette démarche est véritablement intéressante sur des sujets difficiles, car elle aide à la construction des grandes décisions de politique de santé. Cette démocratie participative vient en soutien de la véritable démocratie législative.
J'ai constaté lors de la réunion des comités d'éthique internationaux organisée en Italie par l'Organisation mondiale de la santé que les Français sont très respectés pour leur capacité à traiter de grands sujets tels que la fin de vie et à construire une pensée citoyenne.
La réponse relative au non-respect du dispositif de sédation profonde et continue jusqu'au décès appartient aux représentants des soins palliatifs. Le débat sur le mot « continue » n'est pas clos.
La loi ne règle pas tout. Force est de reconnaître que le temps d'évaluation d'une loi n'est pas suffisant. Il est essentiel que le Parlement maîtrise l'évaluation via des rendez-vous réguliers. Depuis 2016, à l'exception du travail que vous avez réalisé dernièrement, cette loi n'a jamais été évaluée.
S'agissant des directives anticipées, en 2016, nous avions plaidé pour que ces directives soient inscrites sur la carte vitale. Ce n'était pas possible et la situation n'a pas évolué.
En ce qui concerne la notion d'autonomie, le travail commence quand une personne fait cette demande. J'adhère à la nécessité de mener alors un travail collégial.
Il est de plus en plus fréquemment évoqué de personnaliser les traitements au regard des progrès scientifiques, mais dans le même temps, il importe de développer une médecine de la personne dans sa totalité qui accompagne le patient dans ses soins curatifs. Certains services de cancérologie en France ont mis en place un tel suivi et cela fonctionne parfaitement, mais cela suppose beaucoup de moyens et relève de projets d'établissements.
La fin de vie ne concerne pas uniquement les médecins.
S'agissant des projets de recherche, il faut obtenir du Gouvernement qu'il finance des investissements de rupture pour des recherches pluridisciplinaires.
Les filières universitaires sont une nécessité parce qu'il existe des spécificités à enseigner la complexité, l'incertitude, qu'il est indispensable d'appréhender en interdisciplinarité. Cette formation réflexive est différente de la formation à l'action ou à la réaction. La formation médicale est très scientifique, mais il importe de revenir aux humanités médicales qui sont un peu oubliées ; apprendre à douter, à travailler avec autrui, à écouter, mais encore faut-il qu'écouter soit considéré comme un acte majeur et soit valorisé.
S'agissant de la recherche, il existe un besoin de quantification et de qualification des questions relatives à la fin de vie. L'absence de chiffres ou les extrapolations de chiffres génèrent des difficultés.
Il importe également de cerner le désir de mort, de définir la souffrance existentielle qu'éprouve une personne confrontée à la question du sens de la vie lorsque vivre consiste uniquement à souffrir.
Ces questions nécessitent la mise en œuvre de recherches peu valorisées, des recherches qualitatives et phénoménologiques qu'il faut appréhender. Nous constatons un véritable vide au niveau de la recherche autour de ces dimensions et, face au vide, il existe un besoin.
Il est essentiel d'universitariser et de nommer des paramédicaux. Leurs compétences sont nécessaires pour appréhender ces questions complexes. Nous avons certes besoin de médecins, mais également de psychologues qui portent leur regard sur un autre registre. Ces regards croisés sont fondamentaux.
Il est essentiel d'autoriser l'intervention d'un tiers, lorsque la personne n'est plus en capacité d'absorber ou de s'administrer elle-même un produit létal, au nom d'un principe éthique de justice. Cependant, une telle intervention doit rester rare et exceptionnelle parce que le tiers n'est pas neutre.
Entre 2008 et 2012, nous avons expérimenté plusieurs maisons de vie. Elles proposent un accompagnement à des personnes en fin de vie qui ne relèvent pas d'une médicalisation importante, mais qui vivent seules. Chaque année, des rapports inquiétants montrent l'augmentation des solitudes des personnes à mesure qu'elles sont confrontées à des situations de vulnérabilité. Finir son existence seul chez soi est inacceptable.
Par ailleurs, nous ne pouvons pas continuer à engendrer de longues situations de fin de vie qui reposent pour partie sur les aidants. Ces maisons proposent des lieux d'accueil des patients et des temps de répit pour leurs proches.
Deux des trois expérimentations ont échoué parce qu'elles ont fait l'objet d'un détournement de vocation, faute d'organisations de soins palliatifs dans un environnement géographique proche. L'expérimentation de Besançon avait bien fonctionné, mais faute de modèle financier, elle avait été éphémère. Néanmoins, il serait souhaitable de développer ces structures.
La question du moyen terme est complexe. Le court terme inscrit dans la loi de 2016 interrogeait déjà sur la nécessité de normer. Les sociétés savantes avaient abouti à identifier un terme de quelques heures à quelques jours.
Cependant, j'ai évoqué des situations qui concernent quelques semaines à quelques mois. J'ignore s'il est indispensable de normer des délais dans des situations aussi singulières qu'il importerait d'analyser individuellement et pour lesquelles il faudrait argumenter le recours éventuel à l'aide à mourir en fonction de l'évolution de la demande et de la situation, de la particularité de chaque personne. Chacun vit à sa façon les pertes qui s'accumulent. Certains éprouvent une forme de résilience, voire de transcendance, à vivre au travers des pertes. D'autres, par moment, vivent leur vie comme une aporie, une souffrance existentielle, une « non-existence ». Il s'avère donc impossible de définir une norme le temps, mais il est indispensable de procéder à une analyse très rigoureuse. Dès lors, la nécessité d'analyser la demande dans une approche interdisciplinaire est prégnante parce que les regards croisés sont indispensables pour fonder une décision.
Enfin, l'évaluation me semble essentielle pour mesurer l'application de la loi et identifier les difficultés qu'elle rencontre. Il importe de vérifier que l'impact effectif correspond à l'impact attendu. Le montage du dispositif d'évaluation nécessite un travail rigoureux. En outre, la mise en place d'une stratégie décennale d'accompagnement doit impérativement être complétée par des dispositifs d'évaluation afin d'adapter les offres aux évolutions et aux évaluations réalisées. L'enjeu de l'évaluation participe de la garantie que le droit peut atteindre l'objectif visé.
Quel est votre point de vue quant à l'accès des mineurs à l'aide active à mourir ?
La loi doit-elle traiter des cas exceptionnels ?
La loi doit-elle donner à une autorité la possibilité d'autoriser l'accès à l'aide active à mourir dans des cas exceptionnels non prévus par le projet de loi ?
Nous ne nous comprenons pas sur les termes du débat, notamment sur la terminologie choisie de l'« aide » à mourir. L'aide relève du domaine du soin. La mort provoquée n'est pas une aide.
L'avis 139 mentionne à de nombreuses reprises l'euthanasie et le suicide. Ces termes sont absents du texte du Gouvernement.
L'avis 139 du CCNE précise que « toute évolution de la loi qui laisserait penser que certaines vies ne méritent pas d'être vécues ou sauvées serait inacceptable ». Je suis surpris que le CCNE prête de telles intentions au législateur. L'objectif vise la création d'un droit nouveau, d'une liberté fondamentale nouvelle à disposer de son être jusqu'à la dernière seconde de son existence. Le droit à mourir dans la dignité permettra de préserver la personne concernée du jugement de la société ou de toute autorité morale ou religieuse. Le rapport revient sur cette apparente contradiction entre le droit à la vie et le droit à disposer de soi-même et indique que « le respect du droit à la vie ne vaut pas devoir de vivre une vie jugée insupportable par celui ou celle qui la traverse. Il n'y a pas d'obligation à vivre. » Cette phrase est capitale.
Pour éviter des dérives, l'avis 139 pose comme préalable la garantie d'un accès aux soins palliatifs et d'un accompagnement global et humain pour toute personne en fin de vie, sur l'ensemble du territoire. Les intentions gouvernementales vous semblent-elles suffisantes pour assurer cette garantie ? À défaut, pour quelles raisons ?
Le périmètre envisagé inclut la notion de moyen terme pour l'engagement du pronostic vital. Les progrès des thérapies ne conduisent-ils pas à revoir cette échéance ? Doit-on obliger les médecins à proposer un plan personnalisé dès l'annonce d'une maladie grave incurable ?
Il importe que la loi soit incitative et protectrice. L'incitation réside dans les soins palliatifs. La protection s'adresse non seulement aux malades en fin de vie, mais également à leur environnement médical et familial. Considérez-vous que ce texte protège le malade et son environnement ?
Ne serait-il pas nécessaire de préconiser un accompagnement psychologique des personnes qui apprennent la maladie ou qui sont déjà malades de sorte à répondre non seulement au problème médical, mais également aux difficultés psychologiques ?
S'agissant du pronostic vital engagé à court et moyen termes, considérez-vous qu'il faille préciser davantage la notion de moyen terme ?
En ce qui concerne la question essentielle de la manifestation d'une volonté libre et éclairée, il serait souhaitable que le texte renvoie aux directives anticipées lorsque les troubles cognitifs n'obèrent pas la capacité à exprimer la volonté.
Considérez-vous qu'une souffrance existentielle ou un sentiment de non-existence ouvre le droit à une aide active à mourir ?
Au regard de la situation de nos hôpitaux et de la santé publique, nous ne pouvons faire l'impasse sur la question des financements.
Par ailleurs, un recours plus intense aux directives anticipées participerait d'une prise de conscience par le monde médical et paramédical. Dans ce cadre, le médecin traitant pourrait-il expliquer à son patient ce que recouvre cette directive anticipée ?
Dans le projet de loi, la notion de soins d'accompagnement désigne l'ensemble des soins visant à offrir une prise en charge globale de la personne malade afin de préserver sa dignité, sa qualité de vie et son bien-être. Quelle serait la lisibilité des soins palliatifs dans le cadre de cette globalisation ?
Le Gouvernement nous propose un projet de loi qui instaure un dispositif d'aide à mourir très encadré, très limité, mais qui constitue néanmoins une évolution majeure de notre droit.
Considérez-vous que ce texte présente des fragilités, notamment en matière d'éthique ? Les conditions strictes avec lesquelles il serait inacceptable de transiger sont-elles inscrites dans ce texte ?
À l'évidence, il appartient au médecin généraliste d'accompagner le patient dans l'expression de ses directives anticipées, mais ce n'est malheureusement pas le cas. Pour autant, la loi ne pourra pas tout régler et elle prendra forme sur des initiatives concrètes d'établissements, des acteurs qui se mettent en mouvement sur notre territoire.
La tarification de l'activité constitue un sujet important à aborder dans le PLFSS.
S'agissant de la sémantique, nous retenons l'expression « aide active à mourir » et nous distinguons deux cas très précis relatifs à la capacité ou à l'incapacité de la personne à effectuer le geste. La situation est différente de celle d'un suicide puisqu'un médecin prescrit un produit létal. L'article 4 définit très précisément l'aide à mourir par l'utilisation d'un produit létal. Néanmoins, certains refusent l'aide à mourir et cette position est parfaitement respectable. En revanche, débattre sur la terminologie n'a pas beaucoup de sens.
La question de savoir si ce projet de loi est protecteur non seulement pour les patients et les citoyens, mais également pour les professionnels de santé est importante, car les jeunes générations de soignants se réfèrent à la loi.
Une grande majorité des décès enregistrés en France survient dans une unité médicalisée, à savoir l'hôpital, les urgences ou un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Cela signifie que notre société a évolué. En deux générations, la mortalité jusqu'alors « familiale » a été confiée à des structures médicalisées. Ce constat interroge quant au rôle du médecin parce que la réponse médicalisée à une question sociétale n'a pas été fondamentalement analysée.
Nous retrouvons des propositions de l'avis du CCNE dans ce projet de loi qu'il ne nous appartient pas de commenter. Il a été très difficile de trouver une position d'équilibre entre des aspirations citoyennes individuelles, l'autonomie, la liberté individuelle, cette grande valeur éthique fondamentale, et une vision plus large qui engloberait l'ensemble des soignants. Nous souhaitons tous améliorer les conditions de fin de vie et éviter que les personnes en fin de vie soient refoulées de plusieurs établissements ou services pour finalement mourir sur le brancard des urgences. Une grande démocratie qui dispose d'un bon système de santé doit proposer des conditions de fin de vie plus humaines.
Le débat est nourri autour de cette question de savoir si notre mort nous appartient ou si elle appartient à cette société qui l'a confiée au corps médical et aux soignants. Il faut en sortir et identifier une solution qui respecte non seulement l'autonomie et la liberté individuelle, mais également une vision plus globale de solidarité.
Le chemin que propose le projet de loi me semble conforme aux suggestions contenues dans l'avis 139 du CCNE. Ce chemin est difficile et il appartient à chacun de nous de finir de l'inventer et de le construire.
Le CCNE n'a pas osé approfondir la problématique des mineurs. Il a malgré tout insisté sur la nécessité de progresser sur les unités de soins palliatifs dédiées aux mineurs. Selon moi, ce projet de loi constitue une étape et il sera probablement suivi d'autres lois à l'avenir. Néanmoins, sur des sujets aussi difficiles, complexes, humains, intimes que la perte d'un enfant, il faut peut-être savoir s'arrêter sans trembler et prendre le temps de réfléchir.
Enfin, s'agissant de la notion de moyen terme, il me semble urgent de rester dans le flou. La médecine évolue très rapidement et fait des progrès considérables, y compris probablement, à l'avenir, dans des impasses thérapeutiques qui existent encore en oncologie, voire dans le domaine des maladies neurodégénératives. Il s'avère donc très complexe de définir le moyen terme pour un patient, car cette notion est très individuelle et fait intervenir de nombreux facteurs. Les équipes pluridisciplinaires décideront au cas par cas, sans se conformer à des normes.
S'agissant des mineurs, nous ne disposons d'aucune donnée. Il convient de faire preuve d'humilité. Les données de recherche relatives aux demandes d'aide active à mourir dans la population adulte s'étoffent progressivement. Ces demandes ont été analysées, quantifiées et décryptées sur le plan du sens. En revanche, il n'existe aucune donnée pédiatrique. Nous n'avions ni les moyens ni l'ambition d'émettre un avis sur cette dimension dans laquelle il convient de faire preuve de modestie et de prudence.
En ce qui concerne le délai, un médecin se trompe moins que l'intelligence artificielle. Le médecin appréhende le pronostic par la connaissance du patient. Quoi qu'il en soit, ce délai s'établit entre quelques semaines et quelques mois.
Des travaux de recherche récents ont montré que le sentiment d'indignité est également très prégnant chez les personnes atteintes de maladies chroniques ou chronicisées parce qu'elles ne peuvent plus investir leur vie antérieure, travailler et parce que leur vie personnelle est perturbée par la maladie. Ce sentiment d'indignité est mêlé d'un sentiment d'inutilité, voire d'inexistence. Ce critère d'exclusion devra être pris en compte dans l'analyse d'un désir de mort qui serait exprimé dans ces conditions.
Je plaide ardemment en faveur du développement des soins palliatifs dans les établissements médico-sociaux, hauts lieux du questionnement éthique, de sorte à extraire les patients du monde hospitalier. Il conviendra que nous nous donnions des moyens, non seulement financiers, mais également en termes de formation, d'accès à des équipes ressources et de valorisation des temps réflexifs.
Il est nécessaire de développer des politiques d'accompagnement des personnes en situation de vulnérabilité, quelles que soient ces situations. Nous prodiguons du soin palliatif lorsque nous accompagnons des personnes qui vont mourir ou qui sont confrontées à des pertes successives d'indépendance, d'autonomie, etc. Ce qui est inscrit dans le projet de stratégie décennale me semble de bon aloi, car le niveau de traitement des enjeux de soins palliatifs est inédit.
Des travaux de recherche sur les directives anticipées ont montré que si l'on savait ce que l'on voulait lorsqu'on débutait la maladie ou sans être malade, plus on avançait dans la maladie, plus les certitudes évoluaient. Il importe donc de respecter cette évolution. Il s'avère donc complexe d'inscrire une demande d'aide à mourir dans des directives anticipées quand elle s'appliquerait des mois ou des années plus tard.
Il n'est pas aisé de répondre à des demandes d'aide active à mourir qui ne sont pas formulées. En revanche, il nous appartient de répondre au devoir de respect des personnes et de leur accompagnement.
Les risques de dérives existent, mais il est compliqué de les quantifier ou de les qualifier. Plusieurs travaux ont montré que, confrontés à la question des limites, certains estiment parfois que la transgression et plus éthique que le respect. Il est peut-être préférable d'expliciter les limites et de les argumenter, car il est essentiel que toute décision d'aide à mourir soit justifiée.
Certains nous reprochent ce projet de loi alors que les dispositions de la loi de 2016 sont insuffisamment appliquées. Ce projet de loi vient-il en complément ? S'oppose-t-il à la phrase d'Hippocrate « D'abord ne pas nuire » ?
Le projet de loi remplit-il l'objectif de combler les lacunes de la loi de 2016 ?
La notion d'étape peut paraître inquiétante, notamment pour les personnes hostiles à ce texte.
Qu'est-ce que ce texte apportera de mieux que la loi de 2016, qui n'est pas ou partiellement appliquée ?
Confondre le renforcement des soins palliatifs et l'euthanasie ne représente-t-il pas un mélange des genres préjudiciable ?
N'existe-t-il pas également en France une lacune sur la gestion de la souffrance, notamment sur le plan philosophique ?
Des études montrent que seulement 30 % des patients qui en auraient besoin ont accès à des soins palliatifs en France.
Existe-t-il une analyse précise des demandes de suicide assisté ou d'euthanasie en France ?
Quelle est votre appréciation du recours au tiers de confiance ?
S'agissant des directives anticipées, le processus tient-il compte de l'éventuelle perte de conscience qui peut survenir entre leur rédaction et leur application ?
Le constat de l'influence croissante de la loi sur les pratiques des professionnels de santé met-il en péril l'appréciation humaniste de l'état des patients ? Les dispositions législatives peuvent-elles avoir des conséquences sur l'autonomie des soignants ?
Envisagez-vous de nourrir une intelligence artificielle pour mieux cibler le court ou le moyen terme ?
La loi n'a pas vocation à répondre à toutes les situations individuelles. Ce qui se passe en dehors de nos frontières, en Belgique ou aux Pays-Bas, doit nous inciter à une extrême prudence.
Le soutien au suicide assisté n'est-il pas contraire à la politique de prévention du suicide ?
L'évaluation systématique par un psychiatre ne serait-elle pas intéressante ?
Un délai de quarante-huit heures pour valider la demande d'aide à mourir permet-il de prendre en compte la fluctuation de volonté du patient ?
Ne craignez-vous pas qu'une légalisation du suicide assisté s'applique en priorité aux personnes les plus pauvres ?
Nous recevons de nombreux courriels, notamment de personnes opposées à l'aide à mourir. Certains propos me heurtent et me font douter.
Selon vous, quelles que soient les circonstances et justifications, la mort donnée demeure une transgression. Quelle comparaison peut-on établir entre l'arrêt de réanimation et l'aide à mourir ?
Le processus d'aide active à mourir tel qu'il est décrit dans ce projet de loi est-il suffisamment sécurisé ? Faut-il apporter des précisions complémentaires sur les tiers de confiance ? L'éthique est-elle garantie pour les équipes soignantes et pour le patient ?
Le projet de loi répond-il à toutes les situations ?
Il n'aborde pas la problématique des souffrances existentielles et psychologiques. Serait-il contraire à l'éthique de les intégrer dans l'accès à l'aide à mourir ?
La légalisation du suicide assisté ne risque-t-elle pas de conduire à une augmentation des suicides telle que constatée dans d'autres pays ?
Le projet de loi autorise l'acte d'euthanasie par un tiers sans condition. Quelles seront les répercussions sur la vie des familles, la vie en société et sur la multiplication des abus de faiblesse ?
Le débat sur la terminologie relève d'une question d'honnêteté.
S'agissant des mineurs, vous préconisez de prendre le temps de réfléchir. Pourquoi ne pas appliquer cette sagesse aux majeurs ?
Pourquoi la loi de 2016 n'est-elle pas appliquée et pourquoi cette nouvelle loi le serait-elle ?
Est-il vraiment nécessaire d'inventer un nouveau type d'établissement d'accueil ?
Les directives anticipées sont-elles encore utiles si elles peuvent être contestées ?
En vingt ans, quatre lois sur la fin de vie ont été votées. Sans chercher des responsabilités, force est de constater que, malgré les lois et les moyens dégagés par les ministres de la santé successifs, les soins d'accompagnement de la maladie ne sont pas correctement prodigués.
Il faudra du temps pour que les personnes acceptent, avec l'aide d'un médecin, d'écrire leurs directives anticipées parce que ce n'est pas dans notre culture.
La sédation profonde et continue jusqu'au décès ne peut concerner qu'à court terme des personnes dont le pronostic vital est engagé, avec des douleurs réfractaires.
Les lois ont été conçues par le législateur et n'ont jamais été contestées par des majorités différentes. Cette nouvelle loi a été inspirée par le Parlement à l'issue de propositions de loi transpartisanes et de l'expression de mouvements d'opinion qui ont généré des débats. La démocratie participative s'avère nécessaire sur un sujet qui ne peut en aucun cas faire l'objet d'un référendum.
Le CCNE a retenu l'expression d'aide active à mourir et l'a définie comme la prescription par un médecin d'un produit létal. Dire que cela favorisera le suicide me semble un raccourci inacceptable.
Lorsque le président a présenté l'avis 139, il a souhaité que la personne qui portait l'avis minoritaire puisse s'exprimer. La Convention citoyenne a également publié l'ensemble des avis.
La question de savoir s'il est éthique d'engager une évolution du droit autour de l'aide active à mourir s'oppose à celle de savoir s'il est éthique de maintenir dans un état de souffrance des personnes que la médecine n'a pas les moyens de soulager. Cette tension nous a amenés à faire un choix, forcément discutable et discuté. Il sera néanmoins nécessaire que la médecine interroge ses propres limites.
S'agissant de la question relative à l'arrêt des thérapeutiques entraînant l'accélération de la survenue de la mort, nous constatons que, dans bien des cas et pour des raisons diverses, il n'existe plus de traitement possible pour soulager la souffrance des patients concernés. Il n'y a donc plus de thérapeutiques à arrêter.
Les directives anticipées ont bien sûr une valeur, mais force est de constater que la démarche d'anticiper les conditions sa propre mort s'avère complexe. Il faut prendre le temps du dialogue avec les patients de sorte à les aider à cheminer vers l'anticipation de l'inéluctable.
Les maisons d'accompagnement répondent à un besoin réel, notamment dans le contexte de crise de notre système de santé. Actuellement, certains patients qui ne relèvent pas de soins hospitaliers sont hospitalisés parce qu'ils sont seuls et n'ont pas suffisamment accès à des aides pour le maintien à domicile.
La seconde fonction de ces structures réside dans le répit, qui devient une problématique majeure dans la vie pour des proches qui s'épuisent, ce poids parfois trop lourd pouvant conduire à une forme de maltraitance.
Dans d'autres pays, ce sont en effet les plus pauvres qui sollicitent l'aide à mourir, notamment parce que le système de santé n'est pas aussi ouvert que le nôtre. Le constat n'est pas transposable. Il convient néanmoins d'être vigilant, car il serait honteux d'accélérer la mort d'une personne au motif qu'elle n'a pas les moyens de se soigner.
La vision de la société évolue et les lois en tiennent compte.
Le besoin des jeunes équipes médicales de connaître le cadre que définit la loi n'entachera pas la relation au patient.
L'intelligence artificielle peut être extraordinaire pour reconstituer une histoire ou compiler quarante ans de connaissances, mais il lui sera beaucoup plus complexe de remplacer un médecin urgentiste.
Nous disposons de quelques données statistiques numériques relatives au pronostic de malades en réanimation qu'il sera intéressant de prendre en compte. Je doute que le numérique révolutionne profondément la problématique de l'aide à mourir.
Le numérique aidera considérablement la médecine grâce aux algorithmes. Toutefois, les situations de fin de vie présentent une dimension singulière qui relève du cœur de métier des professionnels de santé.
S'agissant des mineurs, il importe de faire preuve d'une grande humilité à ce sujet. Toutefois, pour aider les mineurs, il est essentiel de constituer des équipes spécialisées de soins palliatifs autour des équipes pédiatriques.
La réunion s'achève à minuit trente.
Présences en réunion
Présents. – Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Thibault Bazin, M. Christophe Bentz, Mme Anne Bergantz, Mme Chantal Bouloux, M. Hadrien Clouet, Mme Laurence Cristol, Mme Christine Decodts, M. Stéphane Delautrette, M. Jocelyn Dessigny, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Olivier Falorni, Mme Elsa Faucillon, M. Emmanuel Fernandes, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, M. Thierry Frappé, M. François Gernigon, Mme Marine Hamelet, Mme Monique Iborra, M. Philippe Juvin, M. Gilles Le Gendre, Mme Élise Leboucher, Mme Brigitte Liso, Mme Christine Loir, Mme Marie-France Lorho, Mme Lise Magnier, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Christophe Marion, M. Didier Martin, M. Thomas Ménagé, M. Julien Odoul, M. Laurent Panifous, Mme Michèle Peyron, M. Sébastien Peytavie, M. René Pilato, Mme Christine Pires Beaune, M. Jean-Pierre Pont, Mme Natalia Pouzyreff, Mme Cécile Rilhac, M. Jean-François Rousset, M. Philippe Vigier
Excusé. – M. Raphaël Gérard
Assistait également à la réunion. - M. Jean-Paul Mattei